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Les Arts du Bas Moyen-Âge

L'ART ROMAN

INTRODUCTION A L'ART ROMAN

1050 - 1150


  Ferveur et Renouveau - L'Élan des Bâtisseurs



Ferveur et Renouveau

Si certaine prophétie quelque peu vivace avait cru pouvoir prédire la fin du monde pour l’An Mil, le millénarisme (ou chiliasme) a été loin d’affecter l’époque, qui fit preuve, au contraire, au XIème siècle et même dès le milieu du Xème, d’un beau renouveau culturel après une longue période de troubles, de dévastations et d’incertitudes qui furent la conséquence du partage en 843 du grand empire de Charlemagne entre ses trois petits-fils.

Les dernières invasions barbares sont jugulées. Les Normands-Viking sont cessé de remonter le Rhin, la Seine ou la Tamise pour lancer des razzias sur Cologne, Paris ou Londres. Ils se sédentarisent en Normandie et en Sicile[1] . Les Hongrois sont sous la coupe de Henri1er, père d’Otton le Grand, une fois la grande alliance entre empereur germanique et pape faite.

A l’essor économique, et au développement de la spiritualité que favorise le sentiment de sécurité retrouvé va venir s’ajouter au XIIème siècle, « le siècle du progrès » selon l’expression de Georges Duby, une Renaissance Culturelle, deuxième Renaissance, après La Renaissance Carolingienne et avant la Renaissance Humaniste. Renaissance culturelle au cours de laquelle apparaissent  romans courtois, poésie lyrique et chanson de geste, ainsi que des écoles de musiques innovantes, que véhiculent les troubadours et les Minnesinger (mine= amour). L’Art Roman atteint son apogée au cours du siècle.

Dès 932, le pape avait affranchi la reine mère des abbayes, Cluny, de toute autorité, pontificale et royale, de toutes allégeances. De manière plus générale, les abbayes, mini- royaumes dans la royauté, ne dépendant que d’elles-mêmes, mêmes si abbés, prieurs et évêques étaient encore pour un temps choisis par le pouvoir temporel, devaient assurer matériellement leur autonomie. La mise en œuvre avec succès de leur construction, de leur organisation, de leur survie va créer un véritable et nouveau mode de vie qui non seulement prendra place au sein de la société mais en deviendra l’élément central. Il nous faudrait voir ces abbayes et ces monastères comme des entreprises qui sans être mues par l’appât du gain n’en ont pas moins mis au point un système économique, qui s’est implanté dans toutes l’Europe, et comme toutes entreprises, sociétés fondatrices, ont naturellement cherché à se développer, s’accroître et s’enrichir, à créer des filiales (leurs filles).

Avec l’essor économique, lié au développement du commerce et ce qu’il entraîne d’enrichissement des villes et accroissement de la population, la demande va se faire de plus en plus grande de bâtisseurs pour construire, en pierre, les bâtiments civils : entrepôts, commerces etc. Ce seront des laïques, formés aux côtés des moines qui avaient dû faire appel à eux pour les seconder dans la construction des édifices religieux, qui répondront à cette nouvelle demande. Viendra le temps des confréries et des compagnons.

Pour autant, la période n’est pas moins nourrie d’une grande ferveur religieuse. La première croisade, la croisade du peuple, date de 1096. St Bernard prêche la deuxième en 1145 alors que le Catharisme est florissant dans le Sud-0uest de la France. Nombreux sont les hommes qui quittent femmes et enfants pour se retirer en petites communautés à l’écart du monde. Ce mouvement vers une vie régulière s’amplifiera au début du XIIIème siècle par l’élan donné par deux nouveaux ordres monastiques réformateurs, ordres voués à l’humilité et la pauvreté, l’Ordre des Frères Mineurs prenant exemple sur la vie de St François d’Assise (1181-1226) et l’Ordre des Frères Prêcheurs fondé par St Dominique (1170-1221).

L’Élan des Bâtisseurs

Une véritable effervescence de construction va saisir l’époque. Le développement des constructions civiles et religieuses avait en fait réellement commencé dès le milieu du Xème siècle (950). Mais il s’agissait alors dans un passage du bois à la pierre, plus solide et résistante au feu, de protéger les villes par de premières fortifications, de renforcer les défenses des places fortes en élevant des tours-donjons auxquelles des tours d’angles reliées par des courtines viendront s’ajouter pour constituer le château-fort du Moyen-âge avec douves et pont-levis. Les premiers châteaux-forts se dresseront sur l’étroit périmètre d’un tertre à la fin de la période romane, vers le milieu du XIIème siècle.

La consolidation parallèle des pouvoirs, le temporel et le spirituel, l’importance de la religion dans la vie terrestre comptent parmi les facteurs qui portèrent dès le début du XIème siècle « à [cette] frénésie de construction qui par le nombre et la vigueur de ses réalisations, dépassa tout ce qui avait été fait auparavant, même dans l’Antiquité, et ne peut se comparer qu’au Gothique et au Baroque » (G. Berthelot- J. Balédent, Art-Secrets des Bâtisseurs Édit. du Pont-Royal 1961).

Dès le XIème  siècle, la nécessité de construire de nouveaux monastères pour une population de moines et de clercs toujours croissante s’impose alors. L’augmentation non seulement du nombre des bâtiments mais aussi l’expansion de leur volume, demande une nouvelle organisation des sites abbatiaux et monastiques. Une meilleure cohérence architecturale pour une optimisation et de leur fonction et de leur circulation devient évidente. Cet accroissement du bâti dans les riches et prospères monastères et abbayes du Nord va favoriser l ‘apparition et l’évolution de l’Art Roman.

Émergence de l’Art Roman

Apparu au tournant de ce nouveau millénaire, l’Art Roman

s’étendra sur toute l’Europe en déployant autant de créativité dans ses différentes périodes que dans ses particularismes locaux desquels il tient toute sa diversité. C’est un art européen qui va voir ses premières élévations d’abord dans les deux zones, germanique et franque. D’une part, dans le Saint Empire Romain-Germanique (962) d’Otton 1er (912-973), dans la Normandie christianisée (911) et l’Angleterre-Normande ; et d’autre part, dans la Francie Occidentale des capétiens succédant aux carolingiens (Hugues Capet, duc puis roi des francs en 987), et dans la Bourgogne (Cluny 916). Progressivement, il s’étendra aux pays romans partagés en deux zones: l’Italie du Nord et la France du Sud. Ces contrées romanes porteront l’Art Roman à son apogée en la période centrale de son évolution.

Certaines sources font apparaître l’Art Roman en Lombardie (Italie du Nord). La Lombardie était alors partie intégrante de l’Empire Romain-Germanique. Ce qui se comprendre pour ce qu’il doit à l’architecture gréco-romaine. Mais d’autres sources font apparaître la naissance de certains éléments architecturaux qui lui sont propres plus au Nord, comme par exemple l’arc brisé apparu en Bourgogne, et qui deviendra pour son emploi systématique à partir du XIIème siècle synonyme d’Art Gothique. L’Art Lombard qui s’était manifesté à Aix-la-Chapelle, aux temps carolingiens va offrir avec les nouveaux maîtres Comicini (de la région de Côme) une des plus belles phases de l’Art Roman, et s’étendre jusque dans les Pyrénées.

Style à l’origine architectural, l’Art Roman va non seulement déployer jusqu’à pleine maturité, mais va se prolonger au-delà dans le style gothique qui, comme un surgeon, développera, exposera les vraies nouveautés romanes que sont les arcs qu’ils soient ogivaux, brisés ou boutants. Mais encore, de ce nouvel art architectural va émerger de la pierre une forme d’expression tout aussi nouvelle en Europe, symbolique et efficiente, la sculpture. De même, l’art pictural va venir remplacer en décor de la Cathédrale de Parme, les mosaïques de l’Art Byzantin.

Le Premier Art Européen

L’Art Roman doit sa qualité artistique et sa maîtrise architecturale à l’inventivité de ses constructeurs, pour bonne part anonymes. Moines à l’origine, plus bâtisseurs qu’architectes, ils vont communiquer à leurs églises, prieurés et monastères, leur génie propre tout en utilisant les héritages, byzantin, carolingien ou encore barbare. Des écoles locales, comme celle du Roman Cistercien, vont se former qui auront leurs propres caractéristiques. Par exemple, le clocher posé au-dessus du transept est un élément typique de l’École de Bourgogne illustré par l’Abbaye de Cluny ; en Allemagne, c’est une tour-lanterne qui va s’élever au-dessus du carré du transept des cathédrales. Ces moines-bâtisseurs vont ensuite transporter leur acquis, leur savoir-faire, de régions en régions, là où leur ordre est implanté.

L’Art Roman marque un tournant capital dans la culture européenne si l’on veut bien admettre qu’il est le premier art européen. Ce n’est pas tant que les arts régionaux du Haut Moyen-âge, qui l’ont précédé ne s’influençaient pas les uns des autres, mais leur développement comme leurs caractéristiques restaient essentiellement locaux. Que ce soit l’Art Anglo-Saxon d’avant la conquête normande, resté insulaire, ou l’Art Byzantin implanté à Ravenne ou l’Art Carolingien que l’on  retrouve à Germiny sur Loire, aucun de ces arts ne s’est développé jusqu’à couvrir l’Europe comme le fera l’Art Roman. De la Catalogne à la Haute Saxe, du Sud de la France jusque dans le Norfolk, l’Art Roman fera preuve d’une étonnante vitalité avec autant d’unité dans son inspiration et d’homogénéité dans ses réalisations que de richesse et de diversité dans ses expressions locales, semblablement aux parler locaux d’une même langue racine.

L’ Art Romanesque

C’est l’écrivain anglais du XVIIIème siècle, Richard Walpole, créateur d’un nouveau genre littéraire, le Roman Gothique, qui fut le premier à faire le rapprochement entre langue et architecture. Comme le sera la littérature sous la forme du ‘roman’, il rattache l’Art Roman aux langues romanes, langues vernaculaires, dérivées du romain (latin), et pratiquées au Moyen-âge. À son Romanesque Style, concurremment, au même XVIIIème, les Anglais à la suite de James Bentham vont également opter pour le Normand Style, en référence cette fois-ci aux rois Normands d’Angleterre qui succèdent aux rois Saxons. Les Allemands traduisirent par Romanisch.

 Le qualificatif de roman est importé d’Angleterre en France en 1818, par Charles de Gerville, historien de l’architecture, puis repris et diffusé par Arcisse de Gaumont en 1823 dans son ouvrage Essai sur l’Architecture Religieuse du Moyen-âge. Depuis la Renaissance, l’art du Moyen-âge était désigné de manière générale par gothique (censé être créé par les Goth, barbares) et l’on distinguait le Gothique Ancien, autrement dit le Roman, du Gothique (dit) Moderne.

Notes
 
[1]Les Normands et leur chef Robert Guiscard, qui en 1084 pillèrent Rome, étaient des mercenaires au service du pape venus le délivrer, assiégé qu'il était par les troupes de l'Empereur Henri IV. Au service des Princes Lombards, ils envahirent le Sud de l'Italie pour chasser les byzantins, puis ils chassèrent les musulmans de Sicile. Ils fondèrent le Royaume de Sicile en 1160 qui comprenait outre la Sicile tout le Sud de la Botte Italienne et Malte.


L' ARCHITECTURE ROMANE

1050 - 1150

Introduction - La Grammaire Architecturale



Introduction

Une Architecture Fonctionnelle

Si la période gothique sera le « temps des cathédrales », la période romane, qui vit quand même s’élever nombre de cathédrales, surtout en Allemagne, aura été le temps des monastères et des abbayes, des grands et petits monastères, des grandes et petites abbayes.

La construction des nombreux monastères, dans des zones souvent marécageuses, toujours isolées, au fond d’une vallée, au cœur d’une forêt, doit répondre à la double exigence d’une architecture fonctionnelle au service de la vie des moines et aussi au service de la foi. La foi imprègne le lieu roman dans l’évidence de la présence de Dieu, et non dans un appel qu’ultérieurement le gothique élèvera au ciel. Le souci n’en est pas moins constant de donner à ce lieu toutes les accessibilités et rationalités permettant une activité quotidienne de vie et de survie, de travail autant que de prières.

 Il fallait trouver une cohésion architecturale entre une nécessaire fonctionnalité des bâtiments adaptés à la vie active des moines et un cadre en adéquation à leur aspiration religieuse. Autrement dit, il fallait une nouvelle conception architecturale permettant d’agencer de manière économique et commode les différents bâtiments. Le cloître, emprunté à l’atrium romain, deviendra vite le centre du monastère autour duquel seront répartis les lieux de la vie communautaire, lieux de travail, du quotidien, d’études, de prière et de chants, d’assemblée.

La Nouveauté Romane

L’architecture romane, qui est une architecture essentiellement religieuse, n’a pas jailli ex nihilo au tournant de l’An Mil. Elle va emprunter à l’Art Byzantin et à la Rome Antique. Mais elle va savoir dans un élan créateur tout à la fois métamorphoser l’ancienne tradition paléochrétienne, post romaine, du plan basilical et apporter des solutions originales à des impératifs inédits pour atteindre à une parfaite cohérence architecturale et spirituelle qui est la marque des grands bâtisseurs.

L’emploi systématique de la voûte cintrée empruntée aux romains et délaissée par les périodes précédentes sera décliné sous de multiples formes. Le cintre va se briser et même se surbaisser par moments. L’arc va être coupé pour s’adosser et servir ‘déjà’ de boutoir. Il va se faire nervure, décorative d’abord, puis de soutien. Cette nouveauté architectonique va permettre à l’abbaye, à la cathédrale d’éclore comme une fleur avec son chevet qui se garnit d’un déambulatoire, s’épanouit en absides, son transept qui bourgeonne d’absidioles et sa façade ouest qui s’élève en massif.

L’Art Roman a innové une nouvelle architectonique que l’architecte et maître d’œuvre gothique mettra pleinement à profit pour toujours surélever ses constructions.

Périodes

Certaines sources font commencer le Préroman dès le VIème  siècle. Il faut sans doute distinguer ce Préroman qui engloberait aussi bien les Arts Mérovingiens, Carolingiens, Ottoniens qu’Anglo-Saxons, Barbares et Chrétiens… du Préroman préfigurant l’Art Roman. Certaines expressions artistiques du Préroman, nées de la rencontre du Sud Antique et du Nord Barbare, ont pu connaître des enchaînements stylistiques. Mais les innovations de l’Art Roman, amorcées par la période préromane, post carolingienne et ottonienne, le démarquent suffisamment des périodes antérieures pour que celles-ci ne puissent être vraiment considérées comme préromanes si au suffixe pré l’on donne dans une acception plus précise qu’antériorité le sens d’embryonnaire ; Préroman comme roman en gestation.

Le Préroman

Avec son  plafond plat, supporté par des colonnes ou piliers,

le Préroman[1] (Xème siècle) conserve en survivance carolingienne, le plan basilical[2] L’alternance pile forte/pile faible ne se manifeste pas encore comme ce sera le cas dans l’École de Saxe et que reprendra le Gothique Primitif comme à la Cathédrale de Laon, par exemple. La voûte de pierre tend progressivement à remplacer le plafond plat en bois des églises à plan basilical qui supplante le plan centré. Le Westwerk (massif ouest) se répand en Germanie. Le transept se ‘détache’ de la nef.

Le Premier Roman

Le Roman de l’An Mil est à proprement parlé le Premier Roman, celui du XIème siècle.

  •   La pierre taillée prend la place du moellon.
  •   L’emploi de l’arc se confirme soit en arc de linteau, qui répartit la charge sur les murs, soit en arc diaphragme, qui supporte un mur (dit diaphragme) séparant deux voûtes comme dans la nef centrale de Saint Philibert de Tournus.
  •   Des colonnes engagées dans le haut des murs de la nef annoncent un voûtement qui commence à apparaître à la fin de siècle. Les collatéraux (bas-côtés) seront également voûtés comme en 1120 à l’Abbaye Notre-Dame de Morienval (Picardie).
  •   Surmontée d’une tour-lanterne, la croisée du transept est mise en évidence.
  •   Les piliers fasciculés (avec de petits piliers encastrés tout autour, en demi-saillie) et les arcs à ressauts (en saillie ou redan) font leur apparition.
  • Si l’Allemagne, mais aussi la Normandie et l’Angleterre normande gardent la primauté de l’innovation architecturale, de premières constructions romanes sont réalisées en Bourgogne et au sud de la France.

Apogée de l’Art Roman (1100-1180)

Le Roman livre un ensemble cohérent tant du point de vue architectural que du point de vue fonctionnel. La Bourgogne opte pour l’arc brisé. Le Sud de la France innove avec les premières sculptures intégrées à l’architecture. La France prédomine alors par le nombre de ses constructions et l’aboutissement du style.

  • ·Voûtement des constructions qui se généralise.
  • Création du triforium et de la galerie extérieure.
  • Emploi de l’ogive et de l’arc boutant (dans les bas-côtés). Deux éléments importants que l’on donne généralement comme caractéristiques de l’Art Gothique. Celui-ci les emploiera de manière systématique en en tirant tout le parti architectonique qui lui permettra d’évider les murs, à savoir, la jonction aux piliers des poussées de la croisée d’ogive et des arcs-boutants placés en
  • extérieur rendant le remplissage des murs inutiles.

Roman Tardif et Style de Transition

Le Roman Tardif (1180-1230) voit l’arc brisé tendre à remplacer l’arc de plein cintre. L’emploi systématique de la brisure par l’Art Gothique en viendra à en faire sa quasi-définition. L’arc brisé roman est parfois en tiers-point comme dans le Sud de la France, mais le plus souvent lancéolé. La différence entre ces deux arcs brisés est la même qu’entre un triangle isocèle dans lequel s’inscrit l’arc en tiers–point et un triangle scalène dans lequel s’inscrit l’arc lancéolé. Dans le premier, la longueur de sa portée, son écartement, sert de rayon au tracé de la courbe de l’arc, dans le second, cette portée est inférieure, le centre du tracé de la courbe est déplacé à l’extérieur de l’arc. Il est à noter que dans certains cas comme celui dans le Roman d’Auvergne, l’arc brisé en tiers-point n’apparaitra pas avant la fin du XIIème siècle, à une époque donc où l’Art Gothique a déjà quelques réalisations conséquentes à son actif avec l’arc lancéolé, notamment à Saint-Denis.

Comme en toute fin de style architectural, la maîtrise pleinement possédée laissera l’inventivité au décoratif: Moulures, sculptures, peintures. Le fût de la colonne sera parfois orné d’un anneau central mouluré. En cette période du Roman Tardif, la France avec ‘l’apport’ du Sud domine l’architecture Européenne.


La Grammaire Architecturale

Piliers et Colonnes

L’emploi d’un type de piliers (piles) ou de colonnes et leur alternance marquent une période ou une école. L’alternance pilier-colonne est par exemple une des caractéristiques de l’École de Saxe. Elle apparaît pour la première fois dans la seconde moitié du Xème siècle à St Cyraque à Gernrode, ensuite à l’Église Saint Michel d’Hildesheim , d’inspiration byzantine, le début de sa construction date de 1010.

L’alternance de piles fortes et faibles est le signe d’une plus grande maîtrise dans la répartition des charges qui tend toujours à un allégement du bâti. Les constructions romanes en viendront à des supports colonnes ou piliers, identiques et de section réduite.

Mais encore, l’alternance d’une pile forte, le pilier, et d’une pile faible, la colonne, marque le souci de mettre en évidence le carré formé par les quatre piliers. (Voir La Croisée du Transept.)

La marque de cette maîtrise apparaît nettement aux différentes périodes de l’Art Gothique dans sa recherche de toujours plus d’élévation. L’alternance piliers-forts pilier-faible va disparaitre au profit d’un modèle unique de pile qui reste en un premier temps massive comme à Notre-Dame de Paris. La conséquence en sera la disparition de la voûte en six parties (sexpartite) pour un retour à la voûte originelle en quatre parties (quadripartite) d’abord carrée puis rectangulaire (barlongue), provenant elle-même de la suppression de la pile faible qui, placées entre deux  piles fortes constituait avec celles-ci une travée double. Au cours de son évolution, le Gothique, classique, rayonnant, puis flamboyant verra ainsi toujours plus se réduire le diamètre des colonnes à telle enseigne que les chapiteaux finiront par disparaître pour que les nervures des arcs se prolongent directement en colonnettes engagées dans la colonne centrale.


L’Arc

L’arc de plein cintre est l’arc privilégié de l’Art Roman qui fera également aussi, quand même, usage de l’arc brisé t apparu en Bourgogne dans la période de son apogée[3] 

Il peut prendre deux types de formes :

  • soit en-tiers-point : l’écartement de la portée de l’arc

représente le diamètre du tracé des courbes : l’arc est inscrit dans un triangle équilatéral ;

  • soit lancéolé : l’arc s’inscrit dans un triangle scalène. L’arc brisé le plus courant en forme de pointe de lance.

L’arc en-tiers-point est une des caractéristiques de l’École du Sud de La France. On le trouve dès le premier roman, à la fin du XIème siècle, dans les arcatures de l’Église de Paray-le-Monial en Bourgogne, on le trouve aussi au Prieuré de Serrabone. (1082) (voir Sculpture Romane> La Sculpture sur Marbre en Catalogne)

L’arc-boutant appartient également à la grammaire romane. Il se trouvait à l’origine à l’intérieur dans la partie supérieure des tribunes surmontant les bas-côtés pour renforcer les murs gouttereaux. Les tribunes disparues, ils seront visibles de l’extérieur et définiront l’Art Gothique. C’est à la  Cathédrale de Durham (1093-1133, Yorkshire, voir Roman Anglo-Saxon) qu’a été innové ce type d’arc en contre-portée.

Sous l’influence mauresque, l’arc outrepassé dit aussi en fer-à-cheval est parfois utilisé comme à l’Abbatiale de St Michel de Cuxa (XIème siècle, Pyrénées Orientales). A Saint Philibert de Tournus (XIème siècle, Mâconnais), les arcs de décharge sont légèrement aplatis en leur centre. La Renaissance aux XVème et XVIème siècles fera un ample usage de l’arc surbaissé (affaissé, aplati) dit ‘en anse de panier’, auquel il arrive à l’Art Roman de faire également usage comme par exemple au Cloître de St Pierre de Mausole en Arles ou à l’entrée de l’Église de Perse (Espalion, Rouergue).


La Voûte

Réapparition de la Voûte

Au Moyen-âge, les bâtisseurs romans remettront en œuvre la voûte en berceau, la coupole qui repose sur ses quatre piliers d’angle par des pendentifs ou des trompes, et sa demi-sœur, la voûte en cul-de-four, généralement employée au chevet de l’église. Voûte en cul-de-four que l’on retrouvera, réduite, dans les niches de l’architecture de la Renaissance. Et la voûte en berceau, l’arc de plein cintre, la coupole seront à nouveau réutilisés dans la période classico-baroque (XVII et XVIIIème siècles), après l’intermède de la voûte sur croisée d’ogive brisée de la période gothique.

Les sources restent plus que circonspectes sur la réapparition de la voûte à la fin du Haut Moyen-âge. A l’époque carolingienne, seules les cryptes étaient voutées comme en donnent exemples la crypte de l’Église Saint Médard à Soisson (826-841) et celle de l’Église Saint Germain à Auxerre (841-860). Les églises à plan central comme la Sainte Chapelle (804) étaient coiffées d’une coupole mais, ici, déambulatoire et tribune sont voûtés en berceaux transversaux.

« Il va sans dire que pendant les premiers siècles du Moyen -âge, les dernières traces de ces traditions de la bonne époque romaine étaient effacées. On cherchait à reproduire sur de petites dimensions les formes apparentes des voûtes romaines, mais on n’en connaissait plus la véritable structure. Ce n’est qu’au commencement du XIIe siècle qu’il se manifeste tout à coup un progrès dans la structure des voûtes, et qu’apparaît l’embryon d’un système nouveau en Occident. Ce phénomène se produisant au moment des premières croisades…M. le comte de Vogüé rapporta de ces contrées une masse de documents d’une haute importance pour l’histoire de notre art français, car ils nous donnent l’explication des progrès qui se manifestèrent si rapidement en Occident dès les premières années du XIIe siècle». (http://patrimoine-de-france.com/references/ voutes.php)

Mais de manière générale, le voûtement s’amorce dès le Xème siècle en place du plafond plat et sans doute de manière plus marquée en Normandie. Les premières voûtes d’arêtes apparaissant aux collatéraux. La couverture de la nef de L’Église d’Hildesheim (980-1033) est un plafond tandis que les bas-côtés sont en voûtes d’arêtes.

La Voûte en Tonneau de Bois

Certaines sources donnent les Maîtres Comicini œuvrant dans la région du Lac de Côme, comme initiateurs, dès les IXème et Xème   siècles, et même avant, de l’Art Roman, pour leur usage retrouvé de la voûte dite en ‘tonneau de bois’ (d’abord en bois?). Dans l’Art Lombard, le Petit Temple de Cividale del Friuli, en Vénétie, bâti aux environs de 750 a une couverture en voûtes à tonneau de bois. Ce serait un des tous premiers exemples de couverture en voûte dans la période carolingienne. Et l’Église Sainte Marie en Pertica (Pavie, 677), possède un déambulatoire voûté d’arêtes. Il a servi de modèle à celui de la Chapelle Palatine d’Aix (804) dont tribune et déambulatoire sont voûtés en berceaux transversaux.

La couverture voûtée se retrouve-t-elle de manière plus fréquente qu’ailleurs dans les édifices représentatifs de l’Art Lombard pour qu’elle en devienne une caractéristique comme l’est la Bande Lombarde? À Sant’Abbondio de Côme datant du milieu du XIème siècle, le plafond est toujours plat. À Saint Ambroise de Milan, la nef est voûtée, mais il s’agit d’un décor d’ogive datant du Roman Tardif, 1140. La nef de la Cathédrale de Vérone sur le même modèle de voûtes nervurées en rose est du XVème siècle.

Tandis que dans la Somme, en Francie, l’Abbaye de Saint Riquier achevée en 799 s’ouvre par le portique voûté d’un important massif occidental. En Espagne, un des premiers voûtements est celui de l’Abbatiale du Monastère de Ripoll en Catalogne, bâti dès 888. La Cathédrale de Spire (Rhénanie) commencée en 1030 reçoit ses voûtes d’arêtes aux environs de 1100. A Caen, la nef de l’Église Saint Etienne (église abbatiale de L’Abbaye-aux-Hommes) construite au XIème siècle est initialement en voûtes d’arêtes et recevra ses voûtes en croisée d’ogives sexpartites en 1110. Et l’Église de la Trinité (église abbatiale de l’Abbaye-aux-Dames), légèrement postérieure, reçoit ce même type de voûtes un peu avant ; le voûtement de Saint Étienne ayant sans doute été entrepris dans ‘la foulée’ de La Trinité qui venait d’être définitivement achevée. La nef de Sainte Madeleine de Vézelay, consacrée en 1132, est en voutes d’arêtes. À Cluny, le voûtement de Cluny II n’est pas prouvé, mais les bas-côtés de Cluny III sont en voûtes d’arêtes ; sa nef, achevée après remaniement en 1130, est voûtée en un berceau brisé.

Il est à noter qu’en ce qui concerne nombres d’édifices du Premier Roman (XIème siècle), le voûtement est souvent réalisé ultérieurement et notamment le voûtement ogival. En exemple: La Cathédrale de Modène (XIème siècle), à l’origine à plafond, recevra plus tard ses voûtes d’arêtes.

La Voûte d’Arêtes

      Nombre d’éléments d’architecture attribués aux Romains sont d’origine étrusque comme également le plan orthogonal des villes et des temples via les Grecs.

Les Romains qui avaient hérité des Étrusques de la voûte en berceau et de la voûte d’arêtes comme nombre d’autres de leurs méthodes de construction les avaient amenés dans les pays conquis (L’Art des Bâtisseurs-Abbaye de Boscodon Cahier N°4).

« Mais les Romains n’avaient point eu l’idée de poser des voûtes d’arêtes sur des portiques formés de colonnes monocylindriques isolées... les constructeurs de l’époque romane le tentèrent. Ils voulurent entourer les sanctuaires de leurs églises de portiques ou bas-côtés concentriques à la courbe de l’abside, et ajourer autant que possible ces portiques en supportant par des colonnes isolées les voûtes qui les devaient couvrir ». (http://patrimoine-de-france.com/references/voutes.php)

 La Voûte-en-arc-de-cloître

Une nouveauté propre à l’Art Roman sera de créer un nouveau type de voûte, la voûte-en-arc-de-cloître dite aussi voûte en bonnet d’évêque. Pour se faire, sont conservées la totalité des deux berceaux qui se croisent. Non seulement, on conserve bien sûr la partie extérieure aux arêtes (voûte d’arêtes traditionnelle) mais on laisse se prolonger la partie des berceaux en- dessous des intersections (arêtes). Chacune des deux parties ‘retombantes’ d’une voûte ferme en quelque sorte l’autre voûte. La voûte en-arc-de-cloître est susceptible de reposer sur quatre linteaux ou quatre murs.  


La Croisée d’Ogives

Le croisement de deux voûtes en berceau crée une voûte centrale formée par leur jonction. La nouvelle voûte centrale est formée de quatre portions de voutes triangulaires appelés voutains. Ils sont délimités par quatre arêtes de section. Les arêtes dans le prolongement deux à deux l’une de l’autre forment un arc. Chaque arc traversant la nouvelle voûte en sa diagonale est appelé ogive, qui par étymologie signifie diagonale. Quand l’arc d’arête(s) est recouvert d’un bâti en saillie, il est appelé nervure. Le croisement de ces deux ogives s’appelle la croisée d’ogive.

Les nervures de la croisée d’ogives peuvent être soit décoratives. Elles habillent dans ce cas les arêtes de la voûte, soit porteuses dans ce cas leur construction précède celle des voutains sur lesquelles ils reposent.

Les efforts des bâtisseurs romans auront été constants de chercher toujours de meilleures solutions, les plus rationnelles et les plus économiques possibles, au problème de la poussée des voûtes sur les piles, conséquence inévitable de cette structure dont ils avaient eu l’idée. La construction massive des piliers et des murs de renfort répondit un temps et tant bien que mal au problème avant que ne soit employée la voûte d’intersection à nervure. Dans son évolution, les bâtisseurs romans vont d’abord jouer sur les hauteurs de la clé de voûte et celles des arcs doubleaux. Ils vont ensuite incorporer une nervure dans la maçonnerie puis vont la sortir de la maçonnerie et la mettre en saillie. Même si cette nervure n’est pas le fait d’un souci décoratif, elle n’est pas encore porteuse. Elle n’est qu’un renfort apporté à la traditionnelle voûte d’arête, celle-ci gardant tout son autonomie comme à l’’Église Abbatiale de l’Abbaye-aux-Dames de Caen dont les travaux débute en 1059 et comme elle l’est encore au porche de St Marie-Madelaine de Vézelay (1130). La question pour l’archéologie médiévale sera de savoir où est quand cette nervure va devenir porteuse, c’est-à-dire véritable structure architectonique, indépendante de la voûte.

Ce seront constructeurs gothiques qui suivant leurs traces arriveront à la totale maitrise de la nouvelle façon de bâtir avec nervures porteuses telle qu’elle apparaît pour la première fois dans ce chef-œuvre de l’Art Anglo-normand, la Cathédrale de Durham, cathédrale de style de transition, dont le second voûtement date de 1113. La nervure y est totalement porteuse des voutains qui ne sont ‘plus que’ des espaces vides à remplir. La première apparition en France se fera plus tardivement à La Cathédrale de Sens (1133) et à L’Abbaye de St Denis (1144).

Quant à la fonction décorative de la nervure, elle n’est pas à proprement dit dans l’optique romane quoique l’Art Lombard en ait fait usage. La question de savoir si la croisée d’ogive à la Basilique San Nazaro (Milan, fin du XIème siècle) est porteuse, ce qui en ferait le premier exemple en Europe ou simplement décorative reste posée.

Ses Origines :Durham et Milan

Les origines de la croisée d’ogive à nervures, élément essentiel de la grammaire architecturale du Bas Moyen-âge, sont incertaines.  La Cathédrale de Durham est généralement reconnue pour avoir présentée pour la première fois une croisée d’ogives à nervures porteuses (voir Le Roman Anglo-Saxon

Cathédrale de Durham ). La Cathédrale Saint Ambroise de Milan avait longtemps été considérée comme le premier exemple de voûte à croisée d’ogives porteuses. Les recherches récentes montrent qu’elle date de 1176. Les Normands et Anglo-normands garderaient donc la primeur de l’emploi de la voûte à nervures. Encore que cette fonction de supporter les voutains soit contestée par certains qui lui réservent un seul but décoratif. En prenant justement exemple sur le gothique anglais, ceux qui soutiennent la thèse d’une valeur porteuse de la croisée d’ogive font reculer son rôle décoratif à la dernière période gothique (flamboyant).

Ces deux églises, de Durham et de Milan présentent un double intérêt parce qu’elles montrent la modification apportée au voûtement ogival (Cf. G. Berthelot & J.Balédent, Art et Secrets des Bâtisseurs Édit.Hachette 1961).A l’ origine, déterminées par la travée, les voûtes (d’arêtes) étaient étroites et quadripartites. Avec le support nervuré (renfort), la voûte peut être élargie sur deux travées (espacement de deux arcatures au lieu d’une seule). Il suffit de rajouter de chaque côté une nervure venant s’appuyer sur la pile (faible) qui reçoit déjà les deux arcatures partant des piles (fortes) qui délimitent latéralement la travée. L’arc nervuré central de gauche et celui  de droite se rejoignent à la clef,  et forment dans le prolongement l’un de l’autre l’équivalent d’un nouvel arc doubleau. Ce renfort supplémentaire de la voûte divise ainsi la voûte en six voûtains (sexpartite). La juste proportion ou non de la largeur de la travée par rapport à celle de la nef peut être un bon indicateur pour savoir si lors de la construction une croisée d’ogives a été inscrite dans les plans, d’emblée porteuse ou ce nouvel arc doubleau est venu  en renfort (quadri ou sexpartite). S’il a été prévu que la nef reçoive des croisées d’ogives, les arcs formerets des arcatures longeant la nef sont plus amples et les travées, plus larges, sont mieux proportionnées par rapport à la largeur de la nef.

L’Art Gothique fera un usage systématique de la croisée d’ogive en arcs brisés. La voûte prendra alors des formes variées devenant une des caractéristiques de ses différents styles : Voûte à sexpartite (six voutains), à plan barlong (dont sa largeur, celle de la nef, est plus importante que sa longueur), oblongue (inverse de la barlongue), en éventail ou en calice (Gothique Anglais), toutes jouant sur le nombre de nervures rajoutées à la croisée centrale et sur leur disposition, démultipliant ainsi également le nombre de voutains qu’elles délimitent deux à deux. A ces nervures viendront s’ajouter d’autres arcs nervurés, purement décoratifs, reliant soit la clef de voûte aux formerets et doubleaux (lierne) soit les nervures entre elles (tierceron), qui, caractériseront avec les clés de voûtes en pendentifs, très retombantes, le Gothique Flamboyant Tardif.

 La totale maîtrise et l’emploi systématiquement de la croisée d’ogive porteuse en forme d’arc brisé pendant la période gothique fera souvent assimiler cette croisée d’ogive à une croisée en arc brisé. Mais l’ogive en tant que croisement d’arcs peut être en berceau, ce qui est le plus souvent le cas dans l’Art Roman quand la voussure de deux voûtes qui

se croisent est en plein cintre. L’Art Roman n’employa que peu la croisée brisée avec ou sans nervures.

L’Église de l’Abbaye-aux-Dames de Caen

L’Église Abbatiale de l’Abbaye-aux-Dames de Caen, fondée en 1059, en même temps que l’Abbaye-aux Hommes (voir Église Abbatiale Saint-Étienne de Caen) montre une phase intermédiaire entre la voûte d’arête et la croisée d’ogive porteuse. La voûte est sexpartite, c’est-à-dire qu’un arc médian, transversal, s’interposant entre les arcs doubleaux, est venu s’ajouter aux quatre arcs originels de la voûte d’arêtes. Il pouvait déjà plus ou moins servir de renfort à la voûte. La nervure tendant à devenir porteuse et non plus de renfort ou seulement décorative, cet arc médian s’est vu doublé d’un arc de décharge secondaire qui prend en- dessous de l’arc médian, appui sur la colonne engagée de la pile de l’arcature de milieu de travée et vient rejoindre les arcs à la clé de voûte. Le vide entre l’arc médian et son double est comblé par un pan de mur équivalant à un mur diaphragme et fait ainsi office en quelque sorte de faux encorbellement. Ce type de voûte est dit « fausses voûtes sexpartites ».

L’on devra aux bâtisseurs gothiques français d’avoir su tirer, en généralisant son emploi, le meilleur parti de cette croisée en canalisant ses forces sur les quatre indispensables piliers d’angles. Ces forces latérales pour éviter une explosion de la voûte sous tension de l’arc brisé (et non l’effondrement que provoquerait une voûte en berceau) ont su être contrebutées par la volée des arcs-boutants extérieurs et leur culée, dont l’emploi s’avèrera alors indispensable. La structure ainsi autonome rend les murs inutiles aux portées. Au deuxième niveau d’élévation, au-dessus des arcs de décharge, les tribunes et triforium romans de renfort disparaîtront remplacés par les grandes verrières. Et plus haut que jamais s’élèvera la nef…au risque parfois de s’écrouler quand l’architecte se perd en son propre vertige comme à Beauvais.


L’Abside

Au-delà du chœur et du déambulatoire qui le ceint, la nef se termine au chevet par une chapelle (abside) souvent voûtée en cul-de-four (quart de sphère). Une des innovations des plus esthétiques de l’Art Roman sera de déployer de petites chapelles (absidioles) moins hautes de chaque côté de la chapelle principale, rayonnantes de ce fait jusqu’au bras du transept qui ne sont pas encore très allongés. À l’intérieur, ces chapelles s’ouvrent sur le déambulatoire. Le premier exemple d’abside à chapelles rayonnantes (avec déambulatoire) est celui disparu de l’Église Abbatiale de Saint Martin de Tours construit entre 997 et 1002. Ces chapelles avaient pour fonction à la fois d’exposer une iconographie toujours croissante et des reliques de saints qui attiraient un surcroît de fidèles en pèlerinage et à la fois, à leurs autels, de célébrer les différentes messes quotidiennes.

L’abside peut également se développer en ‘plan dégradant’: deux chapelles s’adossent à l’abside centrale dans le prolongement ouvert des collatéraux. Ces deux absidioles sont-elles mêmes flanquées chacune d’une plus petite absidiole qui s’ouvre sur les extrémités du transept. Ce qui donne de l’extérieur un plan en dégradé.

L’Abbaye de Cluny I, terminée en 981, offre le premier exemple de ce plan dégradant. (École de Cluny)

Le rayonnement des chapelles en absidioles a été rendu possible grâce au déambulatoire qui leur donnait une ouverture sur l’église. L’on doit à l’Art Roman d’avoir trouvé la solution de créer un déambulatoire autour du chœur pour y faire rayonner ces chapelles qui permettaient à chaque prêtre du monastère de célébrer chaque jour sa messe.


Le Chœur

L’Ambon

Le chevet est occupé par le maître-autel lorsqu’il n’y a pas de déambulatoire qui ramène  celui-ci vers la nef. Le maître-autel est toujours précédé du chœur, lieu de l’église où se pratique la liturgie, où officie le prêtre. Le chœur est généralement surélevé de deux à trois degrés rappelant l’ancien ambon[4]. Il est meublé d’un pupitre qui assume les fonctions de cet ancien ambon et a fini par en prendre le nom. Un second autel peut être placé à l’avant du chœur, traditionnellement situé alors dans l’axe de la deuxième travée lorsque des arcatures doivent délimiter le déambulatoire qui ceinture le chœur. Les vitraux qui éclairaient cet autel étaient l’objet d’une fabrication particulière (alchimique) pour la polarisation de la lumière et la retenue de certains composants de l’énergie solaire comme c’était le cas dans le chœur de Chartres avant qu’un évêque au XVIIIème siècle ne les fasse détruire au prétexte de plus de lumière (!).

Les cathédrales et particulièrement les cathédrales italiennes mais aussi en France comme à La Chaise-Dieu, Albi et Rodez, pouvaient posséder deux chœurs, à l’est et à l’ouest. Dans ce cas, l’église ne possède pas de portail ouest. Les entrées se font par les bas-côtés, portails nord et sud. L’autel à l’est, architecturalement parlant le plus imposant était réservé aux seigneurs, aux nobles, celui de l’ouest, rudimentaire, au peuple, aux pauvres.

En Allemagne, les Cathédrales de Mayence et de Naumburg (Saxe-Anhalt) possèdent un chœur occidental avec jubé richement ornementé. Celui de la Cathédrale de Naumburg possède un ensemble de douze statues représentant les fondateurs de l’édifice dont le célèbre couple statuaire d’Eckhard et Ute, sculpté par un maître anonyme dont on considère que c’est là son œuvre majeure et à qui l’on a joint pour cela le nom de la ville. (Voir Art Gothique    / Sculpture/ Maitre de Naumburg). Le jubé est orné en sa partie supérieure de

scènes de la passion et son entrée est un calvaire avec le Christ en croix au trumeau.

Les Stalles

Dès le XIIème siècle, en période gothique, chacun des côtés du chœur va être longé de sièges formant un seul meuble où prennent placent moines et chanoines qui chanteront les psaumes. Ces stalles de bois peuvent faire l’objet d’un travail d’ornementation sculptée de très haute qualité. Chaque siège est doté d’une miséricorde qui permet au moine, une fois le siège relevé, de s’asseoir discrètement alors qu’il chante ou récite. Ces miséricordes sont le plus souvent de petites avancées de bois de forme semi-circulaire soutenu par une sculpture, un visage, en haut relief. Les sièges sont aussi pourvus d’un dossier très haut où vient se suspendre un dais. Ils sont également séparés les uns des autres par de puissants accoudoirs, objet là aussi d’une forte ornementation sculptée.

Les stalles des Cathédrales d’Auch, d’Erfurt, de l’Église de Notre-Dame à Bourg en Bresse (Ain) peuvent en être citées comme de beaux exemples parmi bien d’autres.

Le Jubé

Jusqu’au XVIIIème siècle, le chœur était le plus souvent clos par le jubé. ‘Jube’ est le premier terme de la formule « jube, domine, benedicere » (« Daigne, Seigneur, me bénir »). Construit en pierre ou en bois, sa partie supérieure constituait une tribune où prenait place un chœur pour le chant liturgique ou le prêtre pour le prêche. On y accédait par deux escaliers latéraux à cette tribune, elle-même dotée d’un garde-corps ajouré et ornementé. La partie basse du jubé est appelée le chancel ; en pierre ou en bois, il est souvent un emplacement privilégié pour une ornementation sculptée, historiée (passion). Sa présence n’est pas systématique bien qu’il soit à l’origine de l’élévation du jubé. La partie médiane est généralement un déploiement, en dessous de la tribune, d’arcatures plus ou moins ouvragées, soutenues ou non de colonnes supportées par le chancel. Le gothique flamboyant trouvera dans le jubé un lieu particulièrement favorable à l’exposition de la riche ornementation qui caractérise le style. Les escaliers et la tribune finiront par disparaître, ne laissant au jubé que la fonction de séparation d’avec le transept et la nef, donnant ainsi au chœur une fonction plus privative.

Certaines cathédrales possédaient des jubés occidentaux. La Cathédrales de Naumburg[5] conserve quelques parties de son jubé occidental sur lesquelles on peut admirer ce qu’il reste de l’imposant programme sculptural du Maître de Naumburg, formé à la sculpture d’Île de France et actif au milieu du XIIIème siècle. (Voir Art Gothique /Sculpture).

Les jubés furent en grande partie détruits ou déplacés après le Concile de Trente (1543-1568) comme celui, gothique flamboyant (1468-78), de la Cathédrale Notre-Dame de Rodez, déposé au bas-côté sud après le concile. La politique de la Contre-réforme voulait une ouverture sur la nef pour un rapprochement symbolique des ecclésiastiques et des fidèles. En remplacement du jubé, les chaires se développeront dans la nef pour un prêche du curé au plus près de ses ouailles. Les jubés flamboyants de la Cathédrale Sainte Cécile d’Albi (1545-1585) et celui  de l’Église Sainte Madeleine de Troyes (1508-1517) font partie de la dizaine des exceptions françaises qui subsistent de nos jours.

Construit dans la phase transitoire de l’architecture religieuse entre gothique flamboyant finissant et style italien Renaissant, le jubé de l’Église Notre-Dame-du-Mont-de-Paris (1530), reste un des plus beaux exemples de jubé. Ses escaliers s’élèvent jusqu’à donner accès à la tribune enserrant le chœur. Il ne possède néanmoins pas de chancel. À noter, la fonction bien déterminée du jubé de la Cathédrale d’Albi. Construit dans le dernier quart du XVème siècle, il isole complètement le grand chœur des chanoines du reste de l’église.


La Crypte

Originellement la crypte (de cacher) était un ouvrage aussi bien

creusé dans la roche (grotte) et refermé, que souterrain (hypogée antique pouvant former catacombes (signifiant cavité inférieure)). Elle servait à cacher le tombeau d’un saint ou d’un martyr. L’Église Abbatiale du Monastère de Corbie (Somme) fondé en 657, bien qu’il conserve un plan basilical présente la nouveauté d’une crypte à couloir à l’est. Dans la Nécropole de Saint-Denis, près de Paris, la nouvelle basilique bâtie sous l’Abbé Fulrad, consacrée en 775, donne lieu vers à la fin du règne de Pépin le Bref à la construction d’un maître-autel, et en-dessous à la création d’une crypte sur le modèle des cryptes paléochrétiennes romaines, et contenant les reliques de Saint-Denis. La légende veut que Saint Denis ait traversé Paris, portant sa tête tranchée dans ses mains pour aller mourir là où s’élèvera la nécropole des rois de France.

Mais la crypte ecclésiale dans son développement et son usage dévotionnel est une création de l’Art Roman.

Le culte des reliques était l’objet de vénération et de pèlerinage. Ces reliques des saints et martyrs donnaient lieu à une concurrence farouche entre églises et monastères desquelles dépendait leur prestige. Ces reliques devaient se trouver en un lieu qui leur soit propre et qui soit protégé. On les a d’abord placées dans un tombeau puis dans une châsse sous le chœur, cœur de l’église. A l’exemple de celle de l’Église de Saint Martin de Tours, la crypte était une simple galerie souterraine, survivance des « confessions » des églises carolingiennes. Les confessions des églises carolingiennes étant des protocryptes :

« Caveau funéraire contenant le corps d’un martyr, au-dessus duquel s’élevait un autel. Il était interdit aux fidèles, qui pouvaient cependant voir le tombeau à travers une petite ouverture dite fenestra ou fenestella. » (Dictionnaire Larousse).

L’Église Saint-Emmeran de Ratisbonne (768-91) donne déjà un exemple de crypte annulaire martyrium (tombeau de Saint-Emmerand).

On donna accès à la crypte par deux escaliers du transept latéral. Une circulation autour de la relique, un sens à donner à cette circumambulation imposa l’élargissement des premières cryptes. Elles s’étendirent sous l’abside et en partie sous le carré du transept. La Cathédrale Saint-Étienne de Clermont-Ferrand (romane, dédicacée en 948) qui se tenait à la place de l’actuelle Cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (gothique, XIIIème s.), était pourvue d’une crypte avec bas-côtés semi-circulaires (déambulatoire) et chapelles rayonnantes sud et nord, et peintures murales. Elle marque une étape importante dans le développement des cryptes puis des déambulatoires supérieurs. Les cryptes prirent une telle ampleur qu’elles exigèrent voûtement et piliers et donc surélévation des parties de l’église sous lesquelles elles s’étendaient, le chœur essentiellement, ce qui explique autrement sa surélévation que pour symboliquement ‘valoriser’ le lieu liturgique (voir chœur), et le déambulatoire.


Le Déambulatoire

Dans le prolongement des collatéraux, le déambulatoire est le bas-côté qui en-fer-à- cheval entoure le chœur, lui-même situé entre la carré de transept et le chevet. Il peut être double si les collatéraux sont doubles. Les églises sont dites dans ce cas à cinq nefs comme l’Abbatiale du Monastère de Ripoll (reconstruite au IXème siècle) en Catalogne. Le transept donne accès aux chapelles rayonnantes de l’abside, les absidioles, qui peuvent rayonner grâce à lui.

Les plus anciens déambulatoires connus sont ceux

·      de la Cathédrale de San Stefano (Vénétie), construite au IXème siècle et dont le chœur, l’abside et le portail ont résisté au tremblement de terre de 1137, tandis que la nef a dû être reconstruite (style gothique) ;

·      de L’Abbaye Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (847 Loire –atlantique) à trois chapelles rayonnantes ;

·      de l’Abbaye de Corvey (875) dont les chapelles latérales du déambulatoire sont inspirées du déambulatoire de L’Abbaye Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.

Le rehaussement de la crypte à la troisième Cathédrale de Clermont-Ferrand (946, École d’Auvergne) permet le développement d’un déambulatoire qui par son achèvement fait date.

Dans l’Art Roman Lombard, le déambulatoire de la Cathédrale d’Ivrée (Piedmont) date d’à peu près la même époque puisque la cathédrale a été remaniée entre 969 et 1005. Il reste de cette période romane : l’abside flanquée de deux tours-clochers, le déambulatoire derrière le chœur, ainsi que probablement, selon les dernières recherches, les restes d’un Westwerk avec tours.

Plus tardif, le déambulatoire du  Duomo de Vérone qui, consacrée en 1187, a été bâtie sur les ruines d’une église paléochrétienne détruite par un incendie en 1117.

Église Saint Martin de Tours

L’Église Saint-Martin de Tours donne son nom à la via Turonensis, le chemin de Saint de Compostelle le plus au nord, qui part de la Tour St Jacques à Paris. Son déambulatoire de chœur (997-1002) à chapelles est vraiment rayonnant. Il n’est pas le premier des déambulatoires à chapelles comme il est souvent présenté. Sans doute inspiré par la crypte qui se trouve en-dessous, le maître d’œuvre a développé un véritable rayonnement de chapelles concentriques. Le déambulatoire est suffisamment vaste pour recevoir la foule croissante des pèlerins qui, chapelles après chapelles priaient un saint différent.


La Nef

La nef est une des innovations importantes de l’Art Roman. Les

 églises carolingiennes, byzantines à plan carré ou encore les églises wisigothes d’Espagne où le déambulatoire se développa pourtant très tôt dans le haut Moyen-âge, ne connaissaient pas cet ‘allongement’ qui va définir pendant des siècles le vaisseau-église avec la croix du transept qui en découla mais qui n’est pas encore très développée.

Comme il a emprunté aux romains voûte et coupole, l’Art Roman emprunte aux basiliques paléochrétiennes de la fin de l’empire romain, l’idée de leur long alignement de colonnes, alors couvertes d’un plafond plat, en bois, à l’exemple d’une des plus prestigieuses réalisations de l’Art Byzantin, Saint-Apollinaire-en-classe (549) à Ravenne. Par ailleurs, l’Art Byzantin qui s’est propagé au cours des Haut et Bas Moyen-âge, de Ravenne à St Pétersbourg, faisait déjà un large usage de la coupole et de l’arc de plein cintre.

Le Roman apportera la complexité technique du voûtement. Ce qui était galerie centrale à toit plat et charpente dans le paléochrétien et le carolingien devient une nef par voûtement du plafond. Si les sources indiquent généralement le voûtement à la fin du XIème  siècle, celui-ci pouvait être en usage bien auparavant en témoigne les bas-côtés de l’Abbatiale de St Michel d’Hildesheim (1010-1033) ; à noter que la nef conservera ici un toit en charpente.

Le poids de la voûte en pierre oblige à une répartition de sa charge sur des murs épais reposant eux-mêmes sur des arcs de décharge (arc formeret de la nef), généralement en plein cintre, posés sur de forts piliers. Un alignement d’arcatures au nord et au sud de la nef va ouvrir alors sur les bas-côtés (collatéraux). La toiture de ces collatéraux, qui ont vu les toutes premières apparitions des voûtements (en arêtes), en viendra, elle, aussi, à être systématiquement voûtée comme la nef.

La voûte prend aux bas-côtés appui sur des murs extérieurs puissants ; Elle est parfois coiffée par un supplément d’arcs-boutants intérieurs. Ces arcs-boutants intérieurs à l’édifice s’appuient sur les parties hautes des murs de la nef. Ils allègent ainsi la charge que reçoivent les piles de la voûte centrale et les murs gouttereaux. Notre-Dame du Port à Clermont, Notre Dame de Saint-Étienne à Nevers, Saint-Sernin à Toulouse donnent des exemples de l’emploi de l’arc-boutant pendant la période romane. La tribune joue le même rôle.


Tribune et Triforium

Intérieurement, les murs en leur partie élevée sont souvent longés d’une galerie praticable ou tribune, d’un emploi quasi systématique dans le Roman Normand comme dans l’Église Abbatiale de la Sainte Trinité (Caen 1062-1130,) de l’Abbaye-aux Dames commencée en 1059. Il peut arriver que les collatéraux soit eux-mêmes surmontés d’une tribune comme à L’Abbatiale de Saint Cyriaque à Gernrode (961,Harz, voir Grandes Réalisations/École Ottonienne) avec arcatures en extérieur. Mais le plafond est encore plat. La tribune évoluera en une galerie étroite difficilement praticable, le triforium, aveugle à l’origine et s’ouvrira sur l’extérieur par oculi.

Abbatiale Saint Cyriaque de Gernrode

La tribune est d’inspiration byzantine et serait apparue pour la première fois à L’Abbatiale de Saint Cyriaque à Gernrode, (vers 975, Saxe) comme l’alternance pilier-colonne. Mais elle a été d’un emploi plus généralisé dans le Premier Roman Français et Anglo-normand. La tribune, au-dessus des collatéraux contrebalance la poussée des voûtes de la nef notamment par un arc-boutant intérieur tendu du mur extérieur au mur intérieur de la tribune. La tribune supprimée, l’arc-boutant sera visible de l’extérieur dans la période gothique. C’est à la  Cathédrale de Durham qu’a été innové ce type d’arc en contre-portée. La tribune permet une ouverture en arc sur la nef. La tendance du Roman Germanique sera plutôt de contrebalancer la poussée par des murs pleins contre-butés par les contreforts extérieurs qui, à la période gothique, alourdis par la masse de la culée, elle-même surmontée d’un pinacle décoratif et architectonique,  s’élèveront, visibles, au-dessus des bas-côtés.

Tribune puis triforium se retrouvent dans le Gothique Primitif comme à Notre-Dame de Paris (1163-1250) dont la tribune date de 1182-1190. Ils disparaîtront au cours des périodes suivantes du Gothique Classique ou à Lancette (1190/94 -1250) et du Gothique Rayonnant (1250-1320).


Le Transept

Le transept, transversal à la nef, donne aux édifices chrétiens du Moyen-âge leur forme en croix, la croix latine, celle sur laquelle le Christ fut crucifié. Les églises byzantines ayant un plan en croix carré. La Sainte Chapelle d’Aix (804) possède un transept.

Dans la période romane, le transept n’est pas un simple débordement de la nef. Il ouvre le bas-côté en son extrémité sans lequel il resterait aveugle. L’Abbatiale de St Michel d’Hildesheim (993-1033), à proprement parler plus ottonienne que romane, apportera en nouveauté un transept aussi haut et aussi large en ses bras que la nef avec une croisée de transept carrée. (Voir La Croisée du Transept). Sa croisée de transept carrée est aussi une vraie nouveauté.

Le croisement transept - nef constitue la croisée du transept. Cette croisée (ou carré) du transept est encadrée de quatre puissants arcs la mettant en valeur. Au-dessus, l’édifice va trouver dans l’Art Roman son élévation majeure : soit une tour comme à la Cathédrale Anglo-normande de Durham (1093-1133, Yorkshire-Angleterre), soit une tour-lanterne apportant de la lumière comme à la Cathédrale de Norwich (1096-1145, tour de 1170, Norfolk), soit une flèche ou une coupole. Tours et flèches peuvent également s’élever au-dessus des portails latéraux de la façade ouest. Les tours qui flanquent le portail occidental d’entrée dans les églises sont des réminiscences du Westwerk (voir Façade Occidentale).

Le Double Transept

Le plan à deux transepts apparaît très tôt en Allemagne avec un transept ajouté à l’occident. En exemples : L’Église romane de Saint Maurice à Magdeburg (937), actuelle Cathédrale Saint-Maurice-et-Sainte-Catherine de Magdeburg (937); l’Église Saint Michel d’Hildesheim (993-1022/33) qui a en plus un Westwerk, une abside à l’ouest en pendant de l’abside est, avec deux absidioles en plan dégradant. L’abbatiale carolingienne de Saint Riquier (625, Somme) a été à l’origine de ce plan à double abside et transept.

Églises-Halles

Au cours de la période gothique, les églises-halles d’Allemagne avec leurs collatéraux de largeur égale à celle de la nef, feront quasiment disparaître ce plan cruciforme. L’église byzantine à plan centré est cruciforme avec les bras de la croix d’égales proportions.


La Croisée du Transept

Le carré du transept va jouer un rôle fondamental dans la naissance de l’Art Roman[6]. Deux exigences sont à la base du Style Roman : La volonté de donner à l’édifice religieux une affirmation ostentatoire : La puissance de l’édifice est le reflet de la puissance divine ; et le besoin d’ordonnancement : L’édifice doit être organisé, géométriquement structuré, équilibré. L’édifice roman est donc imposant tout en étant harmonieux.

Le carré du transept va être l’élément architectural et esthétique qui à l’origine va permettre aux architectes romans de réaliser une telle ambition. Si dans les périodes précédentes, paléochrétiennes, carolingiennes et ottoniennes, l’unité de mesure était une unité de longueur, par exemple celle de la nef, ne donnant aux édifices aucune normalité, l’innovation des architectes romans sera très tôt, dès le milieu du XIème siècle, de donner au carré du transept un double rôle. De par les piliers qui le délimitent et les arcs d’égale hauteur qui les surmontent, le carré de transept prend à la fois une valeur esthétique mais aussi une fonction architectonique. En plan, il met en relation abside-chœur-nef-narthex et les bras du transept ouverts sur les bas-côtés. En élévation, il peut recevoir une tour ou une tour-lanterne ou encore une coupole.

Ce carré va servir d’unité de mesure. Il va constituer un module reproductible pour la nef, le transept et même le chœur. Cette conception architecturale sera bien évidemment progressive. Si elle est en germe à L’Abbatiale de Saint Cyriaque à Gernrode (975), elle s’affirme dans l’Église Saint Michel d’Hildesheim (d’Hildesheim (993-1022/33) et trouve son aboutissement dans l’Église Abbatiale de Steinfeld (Rhénanie) en 1142.

Les quatre piles de la croisée du transept délimitent au sol une surface carrée. Elle sera reportée sur un côté et l’autre du carré initial. Ce qui donnera une longueur de trois carrés dans le sens du transept. La nef sera un multiple de ce carré, d’abord trois puis quatre, voire cinq carrés. Dans la nef, cette surface carrée constitue la travée, bien marquée car délimitée dans le premier roman par les piles. Les piles faibles viendront s’intercaler entre les fortes, en alternance, pour supporter le dédoublement de l’arcature initiale. À chacune de ces arcatures correspond un élément de bas-côté avec sa voûte. Ainsi, deux longueurs de bas-côtés, soit deux voûtes ont ensemble une longueur égale à une travée. Quant à la largeur d’un élément de bas-côtés, soit la largeur du bas-côté, elle est égale à la moitié de celle de la nef.

Ainsi la nef est égale à deux largeurs du bas-côté et la travée à deux longueurs d’un élément de bas-côté. La surface du carré du transept est, elle, égale à une travée et quatre éléments de bas-côté. Sur l’élargissement de la travée et le rôle que jouera la double arcature se reporter à la Cathédrale St Ambroise de Milan (Grandes Réalisations/Roman Lombard)

L’unité de mesure devient la surface en remplacement de l’unité de longueur. Cette nouvelle unité va servir à établir un module reproductible. C’est est un des grands apports de l’Art Roman par rapport à l’Art Carolingien dont les églises à plan basilical présentaient une uniformité de volume auquel le plafond plat couvrant toute la surface donnait l’ampleur. La travée va induire de compartimenter la voûte et imposer les arcs doubleaux (transversaux à la nef) qui reproduisent le premier de ces arcs, celui de la croisée.

Le style des églises romanes du Sud de la France, toujours profondément empreint de l’Art Romain, conservera à la nef son impression d’allongement, d’étirement, convenant à la procession, au cortège, à l’instar des galeries des basiliques romaines et paléochrétienne.

La croisée du transept demande une attention particulière pour recevoir sur les quatre piliers d’angle une tour ou une coupole. La base circulaire de la coupole nécessite un aménagement de ces quatre parties entre les arcs longitudinaux à la nef (arcs formerets) et les arcs transversaux (arcs doubleaux). Ces quatre angles seront occupés soit par quatre triangles arrondis, pointe en bas, appelés pendentifs, soit par quatre encorbellements formant niches en cul-de-four, appelés trompes ou assises en gousset. La coupole repose ainsi sur un octogone.


Le Narthex

Le narthex a été également emprunté aux églises paléochrétiennes. Il occupait en-deçà de la galerie centrale une position transversale par rapport à elle, alors que dans les styles romans et gothiques, il sera de même largeur. Le narthex vient se placer à l’avant de la nef une fois passé l’un des trois portails d’entrée. Il est souvent séparé de la nef par un portique distinct dont les piliers peuvent porter une tribune. Il s’ouvre sur la nef par un ou trois portails comme le narthex de la Basilique Sainte Marie du Vézelay (1132, Bourgogne) dont le tympan du portail central est un des grands chefs-d’œuvre de la sculpture romane. Quand il n’est pas séparé de la nef, il forme un espace vide en avant-nef, entre les portails d’entrée et les premiers piliers et arcs de la première travée amorçant la nef. Il se distingue de celle-ci par son ornementation, il est appelé galilée ou avant-nef. Parfois situé en extérieur, le narthex est alors assimilé à un porche.

Séparé ou non de la nef, à l’intérieur ou à l’extérieur, le narthex avait toujours pour fonction de rassembler les fidèles et le clergé, les moines et leur abbé pour les abbatiales, avant leur entrée processionnelle dans la nef.


Le Massif Occidental (Westwerk)

De nombreuses églises romanes, notamment celles du Saint Empire, possèdent deux absides. On rencontre déjà le plan à double abside bien avant les périodes carolingienne, ottonienne et romane, dans des constructions paléochrétiennes comme par exemple dans la première Église d’Ivrée (Vème siècle, Piedmont), bâtie sur un ancien temple païen, avec plan basilical à trois nefs. Plus tard, la cathédrale romane (966-1005) gardera la double abside. Celle que l’on peut voir aujourd’hui, en ruine, est celle occidentale ; l’orientation a été inversée. En 1785, de profondes transformations dans le style baroque effaceront la plus part des éléments romans.

Les abbayes de Corbie (627) et de Saint Riquier (799) en France étaient bâties selon ce plan.

Abbaye Seigneuriale de Saint Riquier (Centula)

Le Monastère de Centula (625) dans la Somme fut remanié, agrandi, par l’abbé Angilbert, dont la compagne n’était autre que la fille de Charlemagne. Il avait bien l’intention en faisant bâtir le massif occidental de l’abbatiale de réaliser comme quelques siècles plus tard l’Abbé Suger pour la Nécropole de Saint Denis, quelque chose de très nouveau, qui ne ressemblait à rien de ce qui se faisait alors dans les pays germaniques ni en Italie. La nouveauté n’était pas seulement le massif à l’ouest mais aussi d’avoir deux transepts. Alors que les églises du Saint Empire et de la Francie conservaient le plan traditionnel basilical à galerie centrale allongée.

L’Église Abbatiale de Saint Riquier, anciennement de Centula, est sans doute la première à avoir reçue une élévation occidentale suffisamment importante pour qu’on puisse la qualifier de massif avec une abside, un portique (sous lequel sera enterré Saint Riquier), suivi d’un narthex voûté abritant un autel et des fonts baptismaux. Au-dessous se trouve une crypte, et au-dessus, un étage comprenant un sanctuaire doté de deux tribunes latérales et d’une chapelle pour l’empereur. Le massif était flanqué de deux tours qui précédaient le second transept (ouest). Ce massif a été construit entre 789.

Ce plan à double abside, sans double transept à l’origine, se développera rapidement dans la période carolingienne et deviendra une des caractéristiques des églises ottoniennes. L’abside occidentale deviendra un véritable massif (Westwerk) : à l’abside ouest viendra s’ajouter un deuxième transept ouest puis un complexe de tours latérales et centrales enserrant un avant-corps intérieurement réparti en chapelles et tribunes. Ce massif occidental est de ce fait généralement désigné par son nom d’origine germanique, Westwerk. On peut mettre en rapport le développement du massif occidental dans l’Empire avec la nouvelle importance donnée à la liturgie dans la période carolingienne. Le rénovateur de l’ordre bénédictin, Saint Benoît d’Aniane (750-817), conseiller de Louis Le Pieux, fils de Charlemagne, est à l’origine d’une nouvelle pratique liturgique et de son nouveau calendrier comprenant en plus des offices, des processions, des célébrations, des commémorations ayant pour axe la vie exemplaire du Christ. Cet avant-corps avait office de pré-église de laquelle le souverain suivait l’office.

Abbayes de Corbie et de Corvey

L’Église Abbatiale de l’important centre culturel que fut l’Abbaye Seigneuriale de Saint Pierre de Corbie[7] est fondée en 657 (Somme, France). Elle maintient un plan basilical mais reçoit un massif occidental dont on peut penser qu’il servira en 873 de modèle à celui de l’Abbaye de Corvey (Rhénanie). Elle serait la première avec L’Abbaye de Saint Riquier à répondre au plan de double abside. (Voir Grandes Réalisations Abbayes de Corbie et Corvey)

Église Saint Michel d’Hildesheim

L’Église Saint Michel d’Hildesheim (993-1033) en Rhénanie reproduira ce plan. Largement inspiré de Saint Riquier, il est ici plus complexe : Westwerk et second transept sont intégrés : le carré du transept supporte sur de puissants arcs diaphragmes l’élévation d’une tour (carrée), tour servant de sanctuaire ; deux tours rondes élevées sur des contreforts flanquent le transept au fond duquel court une tribune ; à chaque extrémité des bras du transept s’adosse une tour engagée de moindre hauteur. La nef aveugle se prolonge au-delà du transept pour s’achever par une abside aveugle. Il est important de noter que pour la première fois, le carré du transept servira d’unité de mesure pour les travées de la nef que délimitent des piliers venant s’intercaler dans l’alignement de colonnes ; et ainsi est rompue la traditionnelle colonnade de la basilique paléochrétienne. Les innova- tions d’Hildesheim vont marquer l’Art Ottonien. Le plafond à l’instar des anciennes basiliques reste plat.


La Façade Ouest

L’importance accordée à la façade ouest est une des innovations du Roman Français qui délaissa le plan à double abside auquel resta longtemps fidèle le Roman Germanique. Cluny II et ensuite Cluny III seront des phases importantes de cette préférence du plan basilical en croix qui mettra en valeur tout en laissant son orientation à l’édifice, la façade ouest, son entrée, si l’on pense aux deux tours qui flanquaient l’avant-nef (le galilée) de Cluny II. L’importance que prendra le narthex ou l’avant-nef pour répondre au besoin d’une foule croissante de fidèles peut être aussi une des raisons de cette évolution.

Les Romans Poitevin et Angevin développeront des façades embellies d’un riche décor sculpté comme signe de l’aboutissement d’une architecture dont les maîtres d’œuvre anonymes, arrivés aux termes de leur inspiration, passeront le témoin à d’autres innovateurs.

L’Art Lombard a également animé ses façades de longs alignements de sculptures, animalières comme à L’Église Saint Michel à Pavie (1104-1135), mais de manière moins ostentatoire, plus décorative qu’ architecturale. La place majeure de la sculpture donnée aux façades françaises leur confère une autonomie qui ne relève plus du plan d’élévation de l’édifice. 

La Façade Harmonique

L’Église Saint-Étienne de l’Abbaye aux Hommes inaugure un style de façade qui fera école, la façade harmonique. Elle est basée sur un bloc développant un multiple de trois en sa largeur et en sa hauteur. (Voir Roman Normand/ Église Abbatiale Saint-Étienne de Caen).

La façade de la Cathédrale d’Amiens (1220-88) est un bel exemple d’adaptation de la Façade Harmonique. Les tours sont des demi-tours qui viennent s’intégrer au bloc de la façade sans plus donner l’impression d’être posées dessus. Si la galerie des 22 rois de Judée sculptés dans leur niche limite la partie supérieur du bloc, la rosace qui se trouve au-dessus surmontée encore d’une galerie ouverte et d’un alignement de baies qui atteignent presque la hauteur des tours, font que ces tours s’inscrivent de manière homogène dans l’harmonie de la façade sans vouloir donner l’impression d’élévation qui leur est généralement dévolue, ce rôle, l’architecte l’ayant réservé à la flèche posée sur le transept.

La Façade-Écran

La façade-écran est une façade plate, sans profondeur, souvent ornée d’arcatures aveugles. Elle a la particularité de ne pas reproduire les niveaux intérieurs. Elle jour sur des effets de lumière.

La façade de L'Abbaye Saint Jean de Montierneuf (de monastère neuf) fondée en 1069 pat le Comte Guillaume VIII d’Aquitaine (†1086) et située à Poitiers pourrait avoir servi de prototype à la façade-écran,

« un possible jalon entre les façades à tours (tour-porche, deux tours) et les grandes façades-écrans à décor souvent sculpté qui font la richesse de l’art roman de l’Ouest ». (Marie-Thérèse Camus, De la façade à tour(s) à la façade-écran Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1991

Façade-écran que l’on retrouve à Notre Dame-La-Grande de Poitiers. L’église apparaît dans les manuscrits à partir de la seconde moitié du XIIème siècle. On ignore sa date de construction (1143?) et l’origine de sa dédicace. Cette façade retient l’attention car elle est doublement représentative des façades du Roman Tardif. Elle est caractéristique du Roman Poitevin. (Voir Grandes Réalisations/École d’Anjou).

 La façade de la Cathédrale d’Angoulême (romane :1110-1128) est représentative de ce type de façade qui masque de face l’élévation, tour, coupole, au-dessus du transept.

La Façade Triomphale

Le Roman du Sud de la France manifeste la survivance de l’Art Antique, notamment avec ses arcs de triomphe en façades occidentales. (Voir  Écoles du Sud de la France/ Églises Saint Gilles).

La Façade Italienne

      Qu’il s’agisse des Duomo (Cathédrales) de Modène (1099-1184), de Parme (XIIème s.), de Ferrare (XIIème-XIIIème s.), de Pise (et sa fameuse tour), de Saint Zénon de Vérone (1125-1178) ou encore Saint Michel de Pavie (1004-1135), de manière générale, la façade occidentale italienne, et particulièrement celle lombarde, est dépourvue d’ornements sculptés ou en est très économe. C’est une véritable façade-écran qui, s’élevant sur un seul plan, sans saillies ni tours, opte pour un jeu savant de pleins et de creux, avec les courbes de profondes baies, les arcatures de loggias (lombardes) et un accent mis sur la verticalité avec des contreforts, des piliers fasciculés et des lésènes. Jeu plastique et jeu d’ombre et de lumière qui confèrent aux façades d’Italie une extraordinaire élégance dans la sobriété.

Néanmoins, ces façades peuvent donner aux sculpteurs, entre le XIème et XIIème siècle, le moyen de s’exprimer en des bas-reliefs sculptés sur des dalles autonomes à la façade, comme à l’instar du plus grand sculpteur roman de l’Italie du Nord, Wiligelmo, originaire de Côme, qui dans son œuvre maîtresse, la Façade de la Cathédrale de Modène, fait preuve d’un puissant sens dramatique allié à une manière antiquisante.

La Cathédrale de Modène révèle un moment important de la sculpture romane avec la représentation de la légende arthurienne à la Porta della Pescheria (côté nord) prolongée sur les bas-reliefs de la Ghirlandina (Campanile) (Cf. Jacques Stiennon et Rita Lejeune : La légende arthurienne dans la Cathédrale de Modène in Cahiers de Civilisation Médiévale Vol.6 N°6-23,1963)

La décoration florentine présente l’originalité d’une décoration à motifs géométriques colorés. On peut le voir sur le plus ancien monument roman de Florence, le Baptistère, et également à l’église San Miniato al Monte (1140-1150) où le marbre remplace la pierre.


La Bande Lombarde

Originaire comme son nom l’indique de la Lombardie, au Nord de l’Italie, la bande lombarde, est un motif décoratif architectural d’un mur extérieur. Elle est constituée d’une succession de pilastres de faible saillie sans base ni chapiteau appelés lésènes (parfois lisènes), en allemand Lisene, du français ‘lisière’. Ces lésènes qui sont parfois remplacées par des colonnettes engagées sont reliées entre elles à leur sommet par une arcature (série d’arches), elle-même de faible saillie. Ces arcatures donnent l’impression de prendre appui sur certaines lésènes qui les rythment à intervalle régulier, alors qu’elles sont engagées dans l’appareillage. Celle du Mausolée de Galla Placidia (Art Byzantin du Vème siècle –Ravenne) en serait le premier exemple. Cette bande est d’un usage relativement fréquent dans les romans d’Europe comme notamment à Santa Maria de Ripoll, Saint-Vincent de Cardon et Sainte-Cécile de Montserrat en Catalogne, à Saint-Pantaléon à Cologne et à Saint-Philibert de Tournus.


Le Modillon

Le Modillon est un corbeau dont la face antérieure est sculptée. Le corbeau étant un bloc de pierre encastré faisant saillie sur un mur. Sa face antérieure peut être nue comme le sont toujours les faces latérales ou bien moulurée ou sculptée (modillon).

Utilisé depuis l’Antiquité, l’Art Roman en fait un usage fréquent en alignement sous corniches comme au chevet de Saint Martin de Tours. Il est l’occasion pour le sculpteur de développer son imagination tout autant qu’il permet de caractériser des écoles : Modillon à copeaux et modillon au baril en auvergne, modillon à fleurs ou feuillage en Anjou.


La Frise à Billettes

 La frise à billettes est dans l’Art Roman une ornementation…courante. Elle consiste en une succession sur deux rangs de cubes en saillie espacés par une partie vide (plane) de même dimension, cubes et parties vides sont intercalés d’une rangée à l’autre, rendant un effet de damier en pleins et en creux.

Elle pourrait être une caractéristique des églises sur le chemin de Compostelle. Généralement à l’archivolte, mais aussi en base de voûte, une superposition plus ou moins importante de frises à billettes indique l’importance de l’église.



Notes
 
[1] La Classification donnée ici est celle de G. Berthelot & J.Balédent in Art et Secrets des Bâtisseurs, Édit. du Pont-Royal, 1961 

[2] La basilique est héritée de l'antiquité gréco-romaine. Désignée étymologiquement par “salle du roi” ou “salle royale”, elle était un lieu de rencontre, d'échanges commerciaux puis plus tard lieu de justice en son fond. Ouverte sur trois côtés en colonnade chez les grecs et fermée chez les romains.

[3] G. Berthelot & J.Balédent Art et Secrets des Bâtisseurs -Édit. du Pont-Royal, 1961.

[4] A l’origine l’ambon « était de petites tribunes situées à gauche et à droite du chœur dans les églises paléochrétiennes. Celle de droite utilisée pour lire l’épître possédait une seule marche. Celle de gauche pour lire les évangiles en possédait deux. (Bobo Cichy Art et Secrets des Bâtisseurs, Édit.du Pont-Royal 1961)

[5] Ne pas confondre avec Naumburg dans le Hesse, plus à l’Ouest.

[6] Entre autres sources : Bodo Cichy  Art et Secrets des Bâtisseurs' Édit. Française Librairie Hachette 1961.

[7] http://jean-pierre.gourdain.pagesperso-orange.fr/corbie.html#Abb: Ordonnée par charte en 652-57 par Sainte Bathlide (†680), reine de Neustrie, belle-fille du roi Dagobert (†639), mère de Clotaire III, l'abbaye ne recevait pas moins de 22000 hectares de terres avec titre de seigneurie, et le supérieur du monastère, le titre de Comte, avec exemption pour les moines du paiement de taxes et avec entre autres droits, celui d’en toucher la mense (les bénéfices). Ce monastère était placé sous la règle sévère de St Colomban avec « sanction de 6 coups de bâton pour une toux, un bâillement, chanter faux, lécher sa cuillère sans se signer ».


Frise à Billettes

                                  Cluny II 953-981

Cluny III 1080-1130 Georg Dehio/Gustav von Bezold Domaine Public,   https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=527050

ÉCOLES & GRANDES RÉALISATIONS

 Roman Germanique - Lombard - d'Italie Méridionale - Normand - Bourguignon -

Sur le Chemin de Compostelle - du Poitou d'Angers et de Loire - Provençal et Chalaisien -



Le Roman Germanique

À l’avènement de l’An Mil, soit une trentaine d’année après la mort de l’arrière-petit-fils d’Hugues Capet, Otton 1er, - qui, roi de Germanie, Duc de Saxe, s’était fait couronné empereur par le pape en 962 - le Saint Empire Romain Germanique couvre un immense territoire. À l’Ouest, il va de Bruges à Arles, longeant les vallées de la Meuse, de la Saône et du Rhône, englobant la Lotharingie, la Bourgogne et la Provence ; à l’Est comme au Sud, il mord sur la presqu’île danoise pour descendre au centre de l’Italie, englobant la Hollande et la Frise, la Saxe, la Franconie Orientale (la Germanie, au centre), la Bavière, la Souabe, La Lombardie, la Toscane, les États

Pontificaux, le Duché de Spolète ; autrement dit, il va du nord d’Hambourg au sud de Rome. La Bourgogne émergée de l’ancienne Burgondie des mérovingiens est intégrée à l’empire en 1032 sous Conrad le Salique, premier de la dynastie des Saliens.

La période ottonienne s’étale en deux parties. La première va de Otton 1er le Grand (912-973) dont le règne à partir de 936 inaugure la renovatio imperii, la restauration (ottonienne) du (saint) empire romain (germanique) à la mort d’ Henri II le Boiteux (973-1024), le dernier roi saxo-ottonien. La seconde période s’étend de Conrad II le salique (990-1039), premier roi franconien en 1027, à Henri IV (1050-1106), allié à la famille des Comté du Poitou et Duché d’Aquitaine par sa mère, Agnès de Poitou (ou d’Aquitaine), fille de Guillaume V le Grand, comte de Poitou, Duc d’Aquitaine.


L’Art Ottonien

Avec la montée sur le trône impérial d’un personnage qui marqua profondément son époque et qui seul peut se hisser au plan politique comme au plan culturel à la hauteur de Charlemagne, l’Art Ottonien (environ 950-1050), qui lui doit son nom, connaît un développement important. Dans la tradition des Arts Carolingiens et Barbares, l’Art Ottonien est très créatif dans les arts mineurs : orfèvrerie, miniatures, travail sur ivoire. Des écoles se développent comme l’École de Trêve, l’École de Reichnau et l’École d’Eternach.

En architecture, d’aucuns considèrent que l’Art Ottonien se développe en parallèle du Premier Roman. Ils naissent sur les mêmes terres du Saint Empire Romain Germanique. En 910, dans une Bourgogne déjà culturellement et politiquement étroitement liée à l’Empire, est consacrée l’Abbaye de Cluny qui sert par son rayonnement de point de repère historique dans l’entrée de la période romane. La fondation de Cluny est un événement majeur dans l’histoire culturelle et artistique du Moyen-âge.

Les églises ottoniennes ont leurs propres caractéristiques. En privilégiant une certaine sévérité, une solennité, elles démarquent le Style Ottonien du Style Carolingien qui l’a précédé. Le Style Ottonien peut en cela constituer une transition entre le Carolingien et Roman voire même être intégré au Préroman: Le plan basilical de l’Art Carolingien d’inspiration paléochrétienne à trois ou cinq galeries évolue dans les églises ottoniennes: Si le plafond reste plat, le transept (souvent continu, sans croisée significative) donne à l’édifice religieux sa forme en croix latine[6] et délimite au-delà, à l’est, le chœur, tandis qu’à l’ouest se développe un massif occidental (Westwerk) important. Cet imposant massif occidental restera une des caractéristiques du Roman Germanique déjà présent dans les églises carolingiennes et maintenu dans les églises ottoniennes.

La couverture est en charpente apparente à décor peint, mais les absides sont voûtées comme en donne exemple l’église d’Hildesheim (début du XIème  s.)

L’Art Carolingien tel qu’il se manifeste à son apogée dans la somptueuse Chapelle Palatine d’Aix-la-Chapelle consacrée en 804, inspirera les bâtisseurs ottoniens. Ici, le plan central octogonal est d’inspiration byzantine ; un massif occidental flanqué de deux petites tours est déjà présent. Le déambulatoire qui circule autour de la chapelle est voûté d’arêtes. Le chœur isolé à l’est sera rajouté en période gothique. Les maîtres-d’œuvre aixois s’étant eux-mêmes inspirés de L’Église Sainte Marie en Pertica (677) à Pavie, une des plus belles réalisations de l’Art Lombard.   


École de Saxe

Une des caractéristiques de l’École (ou Groupe) de Saxe est l’alternance deux colonnes -une pile.

L’Abbatiale de Saint Cyriaque à Gernrode

Cette abbatiale dans le Harz, consacrée en 961, marque une étape importante entre l’Art Carolingien et l’Art Roman avec un transept à l’est et un massif à l’ouest. Une autre nouveauté est l’apparition d’une tribune au-dessus des galeries latérales qui prendront de plus en plus un caractère distinct de la galerie centrale pour devenir les bas-côtés d’une nef. Dans la basilique paléochrétienne, l’espace est un, continu, même si la basilique comprend trois voire cinq nefs. La dénomination du nom unique de nef, sans distinction, pour chacune des galeries est significative. Les colonnades ne délimitent pas à l’instar d’un hypostyle de zones spécifiques architecturalement et fonctionnellement parlant.

Mais encore, Saint Cyriaque amorce ce qui deviendra la norme de la construction romane, l’usage d’une mesure par unité de surface, le carré (du transept) à la place d’une mesure par unité de longueur (de la nef). (Voir La Croisée du Transept.)

Église Saint Michel d’Hildesheim

Cette église de Basse-Saxe, bâtie environ entre 993-1001 et 1033 reprend le plan à double transept et double abside de Saint Riquier en Picardie, mais le développement est plus complexe, plus abouti : un double transept, est et ouest, chacun flanqué de tours, d’une double abside, celle à l’est avec déambulatoire et celle à l’ouest qui oblige à une entrée sur le côté nord. Alors que les bas-côtés sont à voûtes d’arêtes, la nef est toujours un plafond. Il recevra un décor peint en 1215-30. Ce plan à double transept et double abside est commun aux écoles de saxe et de Rhénanie, les deux régions les plus dynamiques. L’édifice prend de façon nette pour unité de mesure la croisée du transept, confirmant l’évolution amorcée à Gernrode.


École Rhénane

Une des caractéristiques de l’École Rhénane ou Groupe Impérial du Rhin Moyen est l’emploi de piliers rectangulaires.

Cathédrale de Strasbourg

La Cathédrale de N.D de Strasbourg, à l’origine de style ottonien, commencée en 1015 achevée en 1028, a été bâtie sur les ruines d’une ancienne cathédrale carolingienne qui, selon les fouilles, aurait possédée trois absides. Les fondations ont été stabilisées en employant la méthode de construction antique consistant à rajouté un socle de limon sur le fond argileux et de l’armer de pieux. Proie de plusieurs incendies au cours du XIIème siècle, elle a été amenée à plusieurs reconstructions partielles. Le chœur et le transept nord (re)commencés en 1176 sont romans. La nef répond au nouveau style (gothique) apporté par un architecte français ; Commencée en 1235, elle est achevée en 1275 et le Westwerk à deux tours carrées commencé à la suite est terminé en 1340.

La Cathédrale de Spire

La Cathédrale de Notre-Dame - de - l’Assomption- et - Saint-Étienne de Spire ou Speyre (1024/27-1106) est la plus grande des cathédrales romanes. De la première période du Roman Allemand, elle serait la première à avoir reçue une nef voutée (d’arêtes) vers 1100. La mesure en surface carrée se manifeste clairement par la nette distinction des parties. La mise en saillie des arcs de décharge des murs de la nef pourrait indiquer de manière anticipée un souci de leur évidemment. Par rapport à la Cathédrale de Strasbourg, le nombre de tours est augmenté : aux deux tours du transept font pendant deux tours au Westwerk[7]. Le décor extérieur présente pour la première fois une loggia qui longe toute la périphérie de l’édifice. La loggia court en parties supérieures des murs de la nef et autour du Westwerk et au fronton du chevet qui surplombe une abside circulaire ornée, elle-même, d’arcature aveugles à hautes colonnettes. La tour-coupole qui coiffe le transept et la tour centrale du Westwerk sont également dotés d’une loggia. L’emploi en intérieur et extérieur d’un appareillage à deux tons, ocre rouge et clair, offre un puissant effet décoratif. La nef couvre une des plus grandes des cryptes romanes. Elle renferme le tombeau de Rodolphe 1er (1218-1291), premier empereur de la dynastie des Habsbourg.

Cathédrale Saint Martin de Mayence

La première Cathédrale Saint Martin de Mayence a été comman-ditée par le Chancelier d’Otton 1er ,Willigis, archevêque de Mayence de 975 à sa mort en 1011. Il obtint du pape que la ville, important croisement de voies commerciales et centre religieux renommé, reçoive le titre de Saint Siège (représentation juridique du pape).

Cette première cathédrale, consacrée en 1009, fut ravagée par un incendie - Elle ne brûlera jamais que sept fois- La restauration s’acheva en 1036 mais la construction évoluera jusqu’au XIVème siècle. Pour symboliser la puissance impériale, rivale de celle du pape, elle était bâtie sur le modèle de la basilique paléochrétienne de Constantin, consacrée en 322 et située à l’emplacement de l’actuelle Basilique de Saint Pierre de Rome élevée au XVIème  siècle.

La basilique constantinienne était un immense vaisseau à cinq nefs, deux doubles bas-côtés à transept et une abside occidentale. Les reliques de Saint-Pierre se trouvaient au-dessous de l’autel confessionnel. La cathédrale impériale possédait, elle, deux chœurs, celui de l’est dédié à Saint Etienne, celui de l’ouest dédié à Saint Martin ; Elle était surmontée de six tours qui ont évolué au fil des remaniements.

La Cathédrale actuelle porte l’empreinte de tous les styles qui se sont succédés du Roman au Baroque Tardif. Le chœur est date de la période romane. Le chœur ouest de style roman tardif fut construit entre 1200 et 1239. Les vantaux en bronze du portail ouest, datent également de cette époque ; Certaines sources en attribuent la provenance à l’Église Sainte Marie-aux-Marches (ou N-D-aux-Marches) qui jouxte la cathédrale et dont la date de construction est incertaine, peut-être consacrée en 1069 (?). À noter que les campanes (chapiteaux en forme de cloche renversée) dans les embrases du portail de Notre-Dame datent de 1100, de la même époque que les chapiteaux de la nef de St Martin de forme cubique. À noter, également, que chose surprenante pour l’époque, les vantaux portent l’inscription du bâtisseur.

Dans son ensemble la cathédrale de Mayence se signale par la complexité de son plan et par l’abondance de ses éléments décoratifs. Outre les statues des évêques qui se sont succédés à la tête du diocèse, et des monuments funéraires, le chœur occidental présente un ensemble sculptural imposant.

La Cathédrale de Worms

La Cathédrale de Worms en Rhénanie s’élève à l’emplacement d’une ancienne basilique paléochrétienne datant du roi des Francs, Dagobert (603-626-639), à laquelle sera ajoutée une partie orientale au IXème siècle. La question reste débattue entre les archéologues médiévistes de savoir ce qu’il reste des aménagements qu’aurait apportés l’évêque Burchard (†1025). La majorité d’entre eux considère qu’il ne subsisterait que la base des tours occidentales, estimant au vu de l’avancement des travaux que présente la cathédral, elle ne pourrait être antérieure à une seconde campagne de travaux s’étalant de 1130 à 1181. Philippe Gavet[8] estime que la cathédrale a connu trois campagnes de travaux dont la première serait à l’initiative de Burchard qui, rapidement de 1000 à 1018 fait construire le chevet occidental, le transept et la nef. La seconde campagne, à cheval sur les XIème et XIIème  siècles, apportent des modifications comme le chevet en carré. La troisième campagne est celle qui commence en 1130 et qui présente l’édifice tel qu’aujourd’hui : Un seul transept occidental et deux chevets. Le chevet Est présente la particularité d’être une abside à cinq pans coupés éclairée de rosaces et verrières, ornée d’une loggia en partie supérieure. Deux tours, ornées sur trois niveaux de bandes lombardes viennent s’accoler au départ de l’abside dans le prolongement des bas-côtés, encadrant une tour au-dessus de ce qui devrait être le chœur. Ces trois tours en leur niveau le plus supérieur reprennent la loggia de l’abside. A l’occident, le chœur, achevé en 1220 occupe, au-delà du transept le chevet carré, lui-même flanqué des deux tours s’élèvent de même à l’ouest aux extrémités du chevet carré, détachées du transept. La croisée est surmontée d’une tour lanterne coiffant intérieurement une coupole qui repose sur un octogone en seize arcatures aveugles reposant lui-même sur l’octogone plus large à quatre trompes en cul-de-four, alignées aux quatre niches en-cul-de-four que supportent les arcs doubleaux et formerets. L’effet d’élévation n’en est que plus accentué par cette superposition complexe. L’impression d’ensemble reste de massivité malgré l’emploi du grès rose.

Abbayes de Corbie et de Corvey

L’Abbaye de Corbie (627, Somme) à plan basilical, posséda - comme l’Abbaye de Saint Riquier (799, Somme), un massif occidental. En 815, Louis le Pieux fonde un monastère en Rhénanie. Rapidement l’Abbaye de Corbie en fait l’acquisition et en 822 déplace non loin de là ce monastère qui est surnommé Corvey. En 834, ce Nouveau Corbie est rebâti, et en 873-85, il reçoit son massif occidental. On peut être amené à penser que ce massif occidental est plus un report de plan de l’abbaye-mère – les abbayes-mères servant souvent de modèle à leurs filles pour leurs dispositions et leur organisation monastique- plutôt que de penser qu’il a été inspiré comme l’indique certaine source par celui de la Chapelle Palatine (792-805) dont les ajouts de chapelles et de chœur datent du premier gothique. Mais il peut aussi avoir été inspiré par le massif de l’Abbaye de Saint Riquier qui, non loin de l’abbaye-Mère, lui est antérieur. Le Nouveau-Corbie deviendra un des plus grands centres culturels de l’Europe du Nord. Il reste à ce jour le dernier vestige préservé de ce type d’ouvrage. Ses fresques du IXème siècle contribuent à en faire un des plus importants monuments d’Allemagne et d’Europe.

Église de Maria Laach

L’Église Conventuelle de Maria Laach (1093-1156) est représentative du style fortifié propre à l’École Rhénane qui fait de ces églises des « Châteaux de Dieu » : Des tours aveugles terminées en clocher enserrent comme pour la protéger la partie centrale de l’édifice. Elles sont ornées de bandes lombardes dont les lésènes se détachent de leur mur par l’emploi d’une pierre plus sombre. L’ensemble bien que compact ne manque pas d’élégance de par un souci décoratif et un juste équilibre des proportions.


École de Reichnau

Le Lac de Constance, entre Allemagne, Autriche et Suisse, renferme un trésor culturel et architectural, celui des trois églises construites sur l’Île de Reichnau dite ‘île monastique’. Sont réunis en un seul lieu, les architectures carolingiennes, ottoniennes et saliennes. A l’origine est fondé en 724 le Monastère de Sintleosesau, placé sous la protection de Charles Martel ; il sera renommé Reichnau au Xème siècle par Saint Firmin. Entre les IXème et XIème siècles, dans les trois villages de l’île, sont construites trois églises : la Basilique de Sainte-Marie au village de Mittelzell, consacrée en 816 (le chœur occidental est de 1030), l’Église Saint-Pierre et Saint-Paul au village de Nieder (ou Unterzell) bâtie en 799, et celle de Saint-Georges au village d’Oberzell vers 900. Zell signifiant cellule. Elles sont restées dans un état exceptionnel de conservation.

L’Abbaye Sainte Marie tira profit non seulement des dons de Charlemagne, de ses descendants et des Ottoniens mais aussi de par sa situation sur la route d’Italie. Elle accueillait les pèlerins du Nord, toujours généreux. Du IXème jusqu’au milieu du XIIIème siècle, l’abbaye a été un centre culturel au rayonnement intense. Les moines furent de brillants enlumineurs qui illuminent des manuscrits comme le Codex Egberti, le Psautier d’Egbert, l’Évangéliaire d’Otto III, mais furent aussi des savants, des mathématiciens.

Y vécut Herman Contractus de Reichnau (dit le Paralytique, 1013-1054), « poète, compositeur, théoricien de la musique, mathématicien et astronome. C’est lui qui va introduire dans l’Europe latine l’astrolabe, le cadran solaire portatif et un quadrant à curseur, tous instruments arabes provenant d’Andalousie » (Encyclopédie Universalis). Il est l’auteur du Salve Regina. Son maître fut le Supérieur Bernon, érudit, poète, musicien, mort en 1048. Y vécut également, le poète Walafrid Strabon de 839 à 849, abbé du monastère en 838.

Reichnau rivalisa avec les immenses abbayes bénédictines carolingiennes de Saint Gall fondée par le saint irlandais Colomban en 614 et de Fulda fondée en 744.

Les fresques du Xème siècle sur les murs de refend (au-dessus des deux arcatures) de la nef de St Georges et les peintures murales de l’abside de St Pierre et St Paul ( première moitié du XIème siècle) revêtent un intérêt exceptionnel autant artistique que pour l’histoire de l’art.

Parmi ses trésors, la Basilique renferme le Reliquaire de Saint

Marc arrivé de Venise en 830, une relique de Saint Maurice, et une Relique du Saint-Sang du Christ liée au mythe du Graal et offerte par un prince musulman à Charlemagne (?) ; Plusieurs églises en Europe en possèdent une.

L’Église carolingienne de Saint Georges de Oberzell a été bâtie au début du Xème siècle sous Hatton III, abbé de 891 à 913 pour recevoir dans sa crypte les reliques de Saint Georges (Oberzell=boite crânienne) offerte par le pape. L’église présente un massif occidental puissant caractéristique du Style Ottonien. Il est surmonté d’une tour. Le plafond de la nef est plat. Le chœur annoncé par un arc triomphal et l’abside est sont gothiques. La crypte se situe sous la croisée du transept surélevée. La partie supérieure des murs de refend, au-dessus des fresques, est ouverte d’une baie par travée.

Saint Pierre-Saint Paul est une petite basilique romaine construite par et pour l’archevêque de Vérone, Egino qui est venu finir ses jours à Reichnau où il meurt en 802 (?).

Du Roman au Gothique

Église Saint Maurice de Magdeburg

L’actuelle Cathédrale Saint-Maurice-et-Sainte-Catherine de Magdeburg (1209-1274, Saxe-Anhalt) marque le passage en Allemagne du Roman au Gothique. A son emplacement se trouvait la Cathédrale Romane Saint Maurice, consacrée en 937,  qui fut détruite par un incendie en 1209. Le chœur, de la nouvelle cathédrale, par lequel commence traditionnellement la construction d’une église, fut bâti en roman. La construction se poursuivit en gothique et s’étala jusqu’au XVème siècle.

Église puis cathédrale, Saint Maurice a été bâtie à l’initiative d’Otton 1er. Elle avait un plan à double transept, est et ouest, et possédait une crypte. Le cloître roman actuel est celui d’origine qui a survécu à l’incendie.


Le Roman Lombard

Le peuple Lombard est un peuple du Nord, un peuple d’origine scandinave qui, au temps des grandes invasions, au tout début du Haut Moyen-âge (VIème siècle) arrive dans le Nord de l’Italie et s’y installe définitivement. L’Italie du Nord, la Lombardie particulièrement, est au confluent de plusieurs courants artistiques : L’Art Byzantin dont Ravenne en Romagne est un des joyaux, l’Art Carolingien du Nord de l’Europe, l’Art Classique Romain. A leur arrivée sur la péninsule, les vikings possède déjà une forme d’expression artistique qui leur est propre, l’Art (dit) Barbare.

Au tournant du millénaire, la Lombardie a une longue tradition de bâtisseurs avec ses Maestri Comacini, maîtres-d’œuvre et sculpteurs venant à l’origine de la petite île de Comacina sur le Lac de Côme. Dès le VIIème siècle, ces maîtres bâtisseurs répandront leur savoir-faire, d’abord dans les régions limitrophes puis dans toute l’Italie Septentrionale, ensuite en Germanie et en Catalogne. Ils étaient réunis en corporation et transmettaient avec une devise qui aurait pu être « Apprends et Travailles », leur savoir, comme le feront les futurs Compagnons, vraisemblablement apparus aux temps des cathédrales. L’influence de la Lombardie se fera sentir dans l’architecture romane rhénane de par les liens politiques étroits qui lient la Lombardie et la Rhénanie à cette époque.

Les édifices du Roman Lombard se caractérisent par une façade triangulaire à double pente ornée d’une loggia, par des éléments torsadés (piles, pilastres), une sculpture animalière.

Les basiliques Sant’Abbondio à Côme (achevée en 1095), Sant’Ambrogio à Milan (début de rénovation 1088) et  San Michele Maggiore à Pavie (achevée en 1155), la Cathédrale de Parme (1059>1178) ou encore l’Église de San Pietro de Zuri en Sardaigne, plus tardive, élevée en 1291 par le maître-d’œuvre Anselmo de Côme sont représentatives de cette école romane.

L’Art Lombard s’exprima aussi dans les arts dits mineurs : l’orfèvrerie, les armes, le travail de l’ivoire, la miniature comme s’exprimaient les ancêtres ‘barbares’. Les lombards laissèrent de beaux témoignages de fresques et de sculptures de bas-relief, antérieurs à la période romane, entre les VIIème et Xème siècles.

Église Sainte Marie en Pertica

En architecture, dès le VIIIème siècle, les bâtisseurs Lombards vont restituer avec leur savoir-faire, la synthèse novatrice de tous leurs héritages. Pavie était le centre artistique de la culture lombarde. L’église Sainte Marie en Pertica (677) innove avec un corps central révélant une hardiesse inconnue dans son élévation et dans son déambulatoire circulaire qui sera repris à la Chapelle Palatine. Cette église est aujourd’hui disparue. Comme la plupart des constructions préromanes qui n’ont pas résisté au temps et à l’histoire.

La Cathédrale d’Ivrée

Le premier édifice chrétien était une construction paléochrétienne du Vème siècle bâtie sur un ancien temple païen, à plan basilical à trois nefs et double abside.

La cathédrale romane (966-1005) a été construite par l’évêque Warmondo nommé par Otton III. Il subsiste de cette période romane : l’abside flanquée de deux tours-clochers, le déambulatoire derrière le chœur, un des premiers de l’époque romane, ainsi que probablement, selon les dernières recherches, les restes d’un Westwerk avec tours. Mais un Westwerk qui se trouverait à l’est. L’orientation de l’église originale ayant été inversée, l’abside est et les deux tours qui la flanquaient ayant été détruites dans le tremblement de terre de 1117…Le plan actuel serait celui de la reconstruction du XIIème siècle.

La crypte beaucoup plus ancienne se trouvait sous le chœur est. Elle a été élargie et l’accès se faisait par le portail d’entrée à l’est. La restauration du XIIème siècle a donné l’occasion d’une importante décoration en mosaïque.

Église Saint Michel de Pavie

L’Église Saint Michel à Pavie (1104-1135) offre un exemple caractéristique de l’Art Lombard par sa façade triangulaire à double pente. Elle s’agrémente d’une loggia en espalier qui suit le profil de la double pente. L’élévation est soulignée par deux pilastres fasciculés qui encadrent le portail central.

La Basilique San Pietro in Ciel d’Oro

La Basilique San Pietro in Ciel d’Oro (Saint-Pierre-au-Ciel-d’Or) à Pavie date du XIIème siècle. Sa façade est semblable à celle de Saint Michel sauf que, plus modeste, en place des trois porches se trouvent trois grandes arcatures de faible saillie, celle centrale contenant un portail à voussures et fronton. Avec Saint Michel, nous avons là des exemples lombard de façades-écran bien qu’elles laissent plus ou moins deviner la disposition intérieur.

Elle doit son nom au décor doré de l’abside en cul-de-four. La basilique préserve la tombe de Saint Augustin (350-430).

Basilique Sant’Abbondio de Côme

Consacrée en 1095, les travaux de remaniements dans le style roman avaient commencé en 1050. Préexistait une église paléochrétienne du Vème siècle. Cette basilique répond à un plan à cinq nefs. En extérieur, deux hautes tours-clochers prolongent à l’est les deux nefs qui borde la nef centrale qui, elle, ouvre sur le chœur. Elles sont flanquées de deux bâtis en appentis dans le prolongement des nefs extrêmes. Tours et bâtis forment en quelque sorte un transept. Le Chœur est particulièrement important et s’achève par une abside qui comme au sommet des tours offre une succession de petits arcs de plein cintre de faible saillie semblable à une  bande lombarde sans lésènes d’un beau motif décoratif sur lequel les effets d’ombre et de lumière jouent à plein sur la pierre de calcaire blanc.

Baptistère de Biella

Le baptistère de la ville de Biella dans le Piémont, datant du Xème siècle, peut préfigurer l’Art Roman dans la savante simplicité de son plan central octogonal à pans faiblement coupés, couvert sur deux fois trois côtés par trois absides élevées au deux tiers, rythmées par des piles engagées en rappel des contres-forts qui les séparent. Le sommet du corps central sur lequel est posée une tour-clocher à baies géminées, et les sommets des absides sont ornés de profondes niches en cul-de-four. La maçonnerie est de brique et mortier et les toits de lauzes.

Basilique Saint Ambroise de Milan

L’église fut construite à l’emplacement où l’on trouva les restes de Saint Gervais et Saint Protais. Elle fut consacrée en 396 par son évêque Saint Ambroise, patron de la ville. Il ne reste quasiment pas de vestige de cette ancienne église. Au fil des siècles, elle fut remaniée, agrandie, chaque période laissant la marque de son style. Les artistes de la Renaissance et du Baroque travailleront à sa décoration : Bramante, Borromée, Tiepolo.

D’importants travaux dans le style roman entre 1088 et 1099 lui donne son plan encore actuel avec un atrium rajouté en 1150. Large nef à croisées d’ogive dont on a pensé longtemps qu’elles étaient les premières croisées porteuses avant que ne soit donné l’antériorité à la Cathédrale de Durham. Les voûtes de Saint Amboise seraient plus tardives et dateraient de 1176. Certaines sources donnent 1140. Philippe Gavet dans un historique serré de la de Cathédrale de Worms[9] avance vers 1120. Elles sont à croisées d’ogives porteuses : Les nervures, bien que leur couleur brique leur donne un effet de décor, sont porteuses des voutains qui, une fois les nervures construites, viennent se placer et reposer sur elles. L’Art Normand et Anglo-normand détient l’antériorité de ce type de croisée d’ogive.

Cette basilique n’en est pas moins un des exemples les plus représentatifs de l’Art Roman Lombard. Un décor de brique souligne aussi les arcs formerets. Ce décor est une des caractéristiques de l’Art Roman Lombard. Les arcs doubleaux sont surbaissés.

Un décor de mosaïque, antérieur à la nef, couvre le cul-de-four de l’abside. Au XIème siècle, un nouvel atrium remplace celui du IXème siècle. Il précède l’entrée ; sa double pente festonnée d’arcatures est caractéristique du style lombard. Le plein cintre donne tout son effet à ses portiques latéraux et sur sa façade qui fait office de narthex (ouvert). Il est surmonté d’une profonde loggia. Deux tours flanquent cet atrium, la plus haute, au nord, La Tour des Chanoines, sans clocher – les chanoines ne servaient pas la messe- date du XIème siècle ; La plus petite au sud, La Tour des Moines- date comme le corps de l’église du IXème siècle.

Basilique San Nazaro in Brolo

La Basilique San Nazaro in Brolo, située dans un quartier de Milan a été construite au IVème siècle. Elle a la particularité de combiner en son plan une croix grecque (plan carré) et une croix latine (plan rectangulaire), le bras ouest s’allongeant d’une travée. Elle a connu plusieurs périodes de remaniement et donc de styles (le chœur est baroque). Son intérêt du point de vue de l’histoire de l’Art Roman est qu’elle a pu être considérée comme la première église voutée en croisées d’ogives dès la fin du XIème siècle, précédant la Cathédrale de Durham. Mais les nervures ne sont pas encore porteuses.

Monastère de Saint-Bégnine de Dijon

« C’est au début du XIe siècle que l’illustre réformateur Italien Guillaume de Volpiano[10], devenu abbé du monastère, entreprend la reconstruction de l’abbatiale. Il élève la plus grande basilique romane de France dans un style influencé par l’art dit lombard. L’ensemble énorme, reconstitué par les archéologues, se composait d’un atrium et d’une abside occidentale, une grande nef avec tribunes et doubles bas-côtés, un transept

profond sur une large crypte, un chœur avec une partie droite entre deux tourelles et abside à deux étages d’arcatures, une magnifique rotonde à trois étages composés de déambulatoires autour d’une partie centrale ouverte sur toute sa hauteur et de l’oratoire Sainte-Marie conservé du IXème siècle côté est.

L’ensemble d’une beauté incomparable a été détruit par des incendies successifs et la rotonde a été rasée à la Révolution. La seule partie subsistante de cet édifice majeur de la Bourgogne

Romane est la crypte, qui n’est autre que l’étage inférieur de la grande rotonde[11]».

Basilique Saint Marc de Venise

La Basilique Saint Marc de Venise a été construite entre 1063 et 1094. Elle tient une place à part dans la période romane. Si l’on y retrouve des éléments romans et particulièrement lombards, son inspiration vient essentiellement de Ravenne à l’exemple de la Basilique Saint Vital datant du VIème siècle. Qu’il s’agisse de son architecture ou de ses mosaïques, elle relève plus de l’Art Byzantin que de l’Art Roman. Ses coupoles en sont la marque.


Le Roman de l’Italie Méridionale

La partie méridionale de la péninsule est à la rencontre de trois mondes, trois architectures. Du nord, elle reçoit l’influence lombarde, de l’outre-mer, elle reçoit l’influence musulmane, de l’Orient, elle a reçu toute l’expression byzantine qui va s’effacer au profit du style roman. De Pise où l’on peut déjà la faire commencer jusqu’à Palerme en passant par la Toscane et les Pouilles, l’architecture comme la sculpture a su faire sienne ces courants qui les traversent.

A Pise, la Cathédrale est un condensé de tous ces courants ; à Florence, c’est la profonde tradition classique qui sert de référence ; à Lucques, la façade de l’Église San Michel (1070) est un rappel de celle de Pise avec ‘en plus’ un très beau décor d’animaux fantasmagoriques en marbre plaqué ; la sculpture y fait montre d’une grande expressivité. A l’Église Saint-Nicolas de Bari (1087-1197), le Roman s’exprime en de riches variantes architecturales (charpente voûtée) et sculpturales à la forte plastique (Trône épiscopal de Bari, marbre de 1098).

Plus on descend vers le Sud plus ce qui se ressentait comme une volonté de se dégager des contraintes pour donner libre cours à une libre expression s’affirme au contact de l’influence musulmane. A Palerme, la tradition byzantine reste présente avec par exemple les mosaïques (1132-1140) de la Chapelle Palatine. Mais sous la domination normande, l’architecture s’est fortement développée en puisant à la fois dans la nouveauté romane et la spécificité du décor musulman. La Cathédrale de Monréale expose en extérieur un entrelacement d’arcs brisés légèrement surbaissés à motifs polychromes tandis qu’à l’intérieur s’ouvre un espace ordonné par de classiques arcatures sur un plan paléochrétien. Le décor pictural est particulièrement riche.

Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption à Pise

La Cathédrale de Pise est tout à la fois l’exemple d’une rencontre de styles et l’expression d’une individualité. Son architecte, Buscheto ou Busketo, dont on ne sait quasiment rien de sa vie, serait d’origine ou byzantine ou arménienne. Son nom, un surnom, voudrait dire en grec « possesseur de bœufs ». Il est chargé en 1064 de la construction de la cathédrale. En 1100, l’abside et le chœur sont terminés. L’édifice, consacré en 1118 est achevé au milieu du siècle.

Buscheto mélange ou plus exactement intègre les styles : le plan à cinq nefs est paléochrétien, la façade avec ses alignements sur plusieurs niveaux de loggias est lombarde, le dôme surélevé est d’inspiration levantine (Proche-Orient) comme la multitude des arches le soutenant seraient d’influence islamique.

Le Baptistère (1152-1278) et le célèbre Campanile (1173 fin 1300) sont construits par ses élèves.

Cathédrale d’Aversa

Au Royaume de Naples alors occupé par les Normands, la Cathédrale d’Aversa (près de Naples), construite dans la seconde moitié du XIème siècle présente déjà et bien avant les lombards le type de nervures prise dans la maçonnerie. Sa partie plus nettement romane s’exprime dans sa sculpture au caractère réaliste normand. Sa célèbre plaque sculptée, placée à l’origine sur le grand portail, a donné lieu à controverse sur son thème : Est-ce le héros des Nibelungen, Siegfried ou St Georges qui combat le Dragon ?


Le Roman Normand

La Normandie et la Grande Bretagne illustreront le Roman Normand. Les Hommes du Nord, les Normands, s’implantent définitivement en 911 en Normandie par un traité entre leur chef Rollon et le roi carolingien de la Francie Occidentale, Charles le Simple. Jusque-là, ces vikings (=pilleurs), venant de la Baltique, menaient des razzias sur les côtes de la manche et sur le continent en remontant le Rhin et la Seine. En 845, après avoir saccagé les Abbayes de St Denis, de St Germain-des-Prés et du Mont Sainte Geneviève, et pillé la population environnante, ils entrèrent dans la ville, autrement dit dans l’Île de La Cité, par ce qui est aujourd’hui la pointe du ‘Vert Galant’. Le roi Charles le Chauve († 877) dut payer un fort tribut à leur chef Ragnar pour qu’ils se retirent en épargnant les personnes et les biens.

Le Comté de Normandie est donc créé en 911. Il ne couvre que la Basse-Normandie qui ne touche qu’une partie très étroite du littoral au Tréport. Les Normands vont obtenir au long du siècle de nouvelles concessions territoriales faites par les successeurs de Charles le Simple. Leurs terres vont s’étendre jusqu’à couvrir la Normandie actuelle, allant sur la côte jusqu’au Havre, Caen, Cherbourg et Avranches, et descendre à Giverny, Dreux, Alençon pour remonter sur Avranches.  

Le Duché est créé en 1010. Lorsque que Richard Cœur de Lion, Roi d’Angleterre, Duc de Normandie sera fait prisonnier des musulmans, son ami d’enfance avec qui il partit en croisade, Philippe-Auguste, roi en 1179, profitera de sa capture par les musulmans pour tenter de reprendre la Normandie au régent, frère de Richard, Jeans-sans-Terre et à leur mère Aliénor d’Aquitaine. En 1194, Richard, libéré, va affronter avec succès Philippe jusqu’à ce qu’en 1199, il soit tué au cours d’un siège (Château de Châlus-Chabrol). Le faible Jean-sans Terre n’est pas de taille face au conquérant Philippe II Auguste (†1223), qui a largement agrandit son royaume. La Normandie tombe entre ses mains en 1204. Le duché est intégré de fait au royaume de France même si les prétendants à la succession de Richard vont se lever en Angleterre et en Bretagne. S’en est fini de la grandeur normande. Le duché ne sera plus qu’une vassalité comme une autre des successifs rois de France. Mais au cours de la  Guerre de Cents Ans, les Anglais tiendront la Normandie. En 1429, Jeanne d’Arc sera brûlée vive (non étranglée au préalable) à Rouen, ville anglaise.

La grandeur du Duché de Normandie commence avec Guillaume le Conquérant (1027-1087). En 1066, il envahit une Angleterre sous la domination depuis le Vème siècle des Anglo-saxons venus du Nord de l’Allemagne et du Jutland (Nord Danemark). Guillaume, Duc de Normandie, devient Guillaume 1er d’Angleterre après la Bataille d’Hasting. On parlera désormais français à la cour de Londres. Guillaume sera un grand bâtisseur de places fortes (châteaux-forts) et fera construire notamment la Tour de Londres dans laquelle seront enfermés au fil des siècles, parmi les Français, les Bourgeois de Calais, Jean Le Bon et le poète Charles d’Orléans ; parmi les Anglais, Geoffroy Chaucer, Henri VI, Thomas More, Anne Boleyn, Jane Grey et Sir Henry Wyatt. Trente ans plus tard, seront édifiés le Palais de Westminster et l’Église Saint-Étienne de Nevers en 1097. En Normandie comme en Angleterre, Guillaume fut aussi un grand administrateur. Il est enterré à L’Abbaye-aux-Hommes à Caen.

En 1154, Henri II Plantagenêt (1133-1189), arrière-petit-fils de Guillaume 1er monte sur le trône d’Angleterre. Avec son épouse Aliénor, Duchesse d’Aquitaine, il règne sur un immense territoire qui va des confins nord de l’Écosse aux Pyrénées. Sa montée sur le trône ouvre la dynastie des rois Plantagenêt d’Angleterre.

Les normands par Roger et Robert Guiscard fondèrent le Royaume de Sicile au XIIème siècle.

Dès l’An Mil, les moines normands vont bâtir de nombreux édifices religieux tels que l’Abbaye Notre-Dame de Bernay (1010-1050), la plus ancienne de Normandie, L’Abbatiale de Notre-Dame de Jumièges (1040-1067), l’Église Saint-Étienne de l’Abbaye-aux-Hommes, l’Église de la Trinité de l’ Abbaye–aux-Dames (1062-1130), l’Église Saint Nicolas-des-Champs à Caen (1093), l’Abbaye de Lessay qui terminée en 1098 (ou 1120-30?) serait la première à croisées d’ogives dès la fin du fin du XIème siècle (?), le Mont-Saint-Michel et enfin Église Saint-Georges de Boscherville qui est peut-être « l’expression la plus achevée du roman normand » selon le Chanoine Porée qui décrit ainsi l’Art Roman Normand:

« L’austère simplicité de ces architectures est saisissante. De longues nefs, des piles largement assises et flanquées de puissantes colonnes, des arcs au profil rudement accusé, des ouvertures plutôt rares et étroites, produisent un ensemble d’une majesté un peu sombre, parfois incomparable. L’ornementation est des plus sommaires ; à peine paraît-on s’en préoccuper à l’extérieur (Chanoine A.A. Porée, L’Art Normand.-Édit. Fontemoing et Cie, Paris 1913).

Le Style Anglo-normand ne présente pas en Angleterre de modifications notables par rapport au normand continental.

Dans son ouvrage sur l’Art Normand, le Chanoine Porée affirme que « la période gothique proprement dite a doté la Normandie de monuments d’une beauté supérieure ». Citant l’archéologue Camille Enlart (1862-1927), il fait remarquer que le style gothique ne saurait sortir du style roman puisqu’il apporte un élément d’architecture nouveau, la croisée d’ogive, mais qu’il peut en être considéré comme son aboutissement pour les solutions qu’il apporte à ses recherches (sur la question voir Grammaire Romane/La Croisée d’Ogives). 

L’on considère généralement que l’emploi de la croisée d’ogives, et particulièrement celles porteuses, est un apport de l’Art Gothique à l’architecture, qui le caractéristique comme l’arc brisé. Croisée d’ogives et arc brisé et mêmes arcs-boutants (dans les bas-côtés) étaient connus et utilisés par les bâtisseurs romans bien qu’ils n’en aient pas fait une usage systématique. Mais, en effet, les architectes gothiques vont trouver des solutions architectoniques définitives aux problèmes posés notamment par les poussées des voutes alors qu’en période romane, les bâtisseurs romans en étaient encore au stade de la recherche et de l’expérimentation par exemple dans le calcul des hauteurs des arcs doubleaux et formerets.

Abbatiale de Notre-Dame de Jumièges

La première Abbaye de Jumièges, en Seine Maritime, date de l’époque mérovingienne. Les attaques de vikings (pilleurs) l’ont faite déserter avant qu’eux-mêmes s’installent dans la région. C’est leur chef, Guillaume-le-Conquérant qui sera à l’origine de son renouveau. En 1067,  l’Abbatiale de Notre-Dame de Jumièges, commencée en 1040, et dont il ne reste guère que des ruines, est consacrée. Elle répondait à un plan roman ‘classique’ : trois nefs avec tribunes latérales, transept et chœur avec déambulatoire ouvert sur les deux collatérales.

Sa particularité est qu’elle se rattache au Groupe de Saxe par l’alternance des piles : un pilier avec colonne engagée suivit d’une colonne. Cette alternance présente l’avantage de briser la monotonie de l’alignement des arcatures et de mettre l’accent sur l’élévation. L’élévation, qui atteint à Jumièges 25m de haut, était déjà avant le Gothique une des ambitions de certains maîtres-d’ œuvre romans sans que l’on puisse les regrouper localement ou en une école. Le plafond était plat mais certaines sources mentionnent que la solidité des supports laissait prévoir un voûtement de la nef centrale. Les tribunes étaient en voûtes d’arêtes. Le chœur a pu recevoir une voûte en plein cintre. Son Westwerk avec tours l’a fait rattacher également au style ottonien. Au XIIIème siècle le chœur et la nef, romans à l’origine, sont remplacés par des constructions gothiques. 

La première église du monastère était l’Église Saint Pierre. Elle était dotée également d’un massif occidental avec tours. Elle est datée de l’époque carolingienne (IXème siècle)/

Église Abbatiale Saint-Étienne de Caen

L’Église Saint Etienne de l’Abbaye-aux-Hommes de Caen (1062-1130) inaugure un type de façade qui servira de modèle à toutes les églises romanes et gothiques à venir, ‘la façade harmonique’ : Le bloc inférieur impose la stabilité d’un carré au-dessus duquel en ses extrémités s’élèvent deux tours. Ce bloc inférieur est un multiple de 3 : Trois portails surmontés chacun de deux étages, soit 3 fois en 3 niveaux ; Le niveau inférieur de ce bloc est constitué d’un grand porche central flanqué au nord et au sud de deux plus petits, eux-mêmes flanqués de contreforts, quatre en tout, qui s’élèvent sur les trois niveaux. Les niveaux supérieurs, deux et trois, s’ajourent de baies simples. (Source : wiki/Église-Saint-Étienne-de-Caen). 

Église Saint-Georges de Boscherville

Saint-Georges de Boscherville (1113-1140) située dans un méandre de la Seine, a été élevée sur un très ancien lieu de culte, d’abord païen puis au Ier siècle après J.C. chrétien avec un premier temple abandonné au IIIème siècle. Une Chapelle funéraire est construite ensuite au VIIème siècle. En 1055, le Chambellan de Guillaume le Conquérant y installe des moines séculiers. En 1113 est fondée l’abbaye bénédictine par son fils. Sans avoir jamais connu un grand développement mais par contre tous les aléas de l’histoire, guerres et révolutions, et passant de propriétaires en exploitation agricole pour revenir à l’état, cette abbaye est restée dans un très bon état de conservation.

Elle présente des proportions très harmonieuses. Elle a été voûtée au XIIIème siècle en gothique. Elle est surmontée d’une impressionnante tour-lanterne qui domine toute la vallée. Le porche de la façade occidentale est encadré de tours fléchées et surmonté de deux rangs de trois hautes baies qui donnent une grande clarté intérieure. La salle capitulaire est remarquable par ses chapiteaux historiés et ses statues-colonnes.

Le Roman Anglo-Saxon

Cathédrale de Durham

La Cathédrale de Durham (1093-1133, Yorkshire-Angleterre) tient une place importante dans l’histoire de l’Art Roman. Au cours de sa construction des innovations majeures vont être apportées à l’élévation. Et ces innovations seront déterminantes aussi bien pour la période romane que pour ses prolongements dans la période gothique. Elle est une œuvre majeure de l’Art Normand Anglo-Saxon et plus largement de l’architecture moyenâgeuse.

Alors que les anglo-saxons avaient plutôt développé les arts mineurs, les Normands, leur apportèrent le sens du monumental. Les maîtres d’œuvre normands réalisèrent la prouesse de parfaitement distinguer, séparer, les différentes parties de l’édifice, tout en leur gardant une cohésion de structure et une harmonie des volumes. Cette recherche de distinguer les parties comme par l’alternance des piles (exp. l’École de Saxe), l’emploi de colonnes engagées rythmant les travées (exp. la Cathédrale de Spire), l’importance donné à l’arc doubleau, le détachement du transept sont une contribution importante à l’architecture romane.

Cette architecture a plutôt la réputation d’être une architecture massive, même pesante. Le souci des maîtres d’œuvres romans a toujours été d’allier cohérence des volumes et cohésion de la fonctionnalité. La structure d’ensemble des monastères les dotent d’un rythme, en les sortant du plan basilical paléochrétien qui faisait comme on l’a dit de la galerie, ‘une caisse’. La recherche d’une maîtrise toujours plus grande dans l’élévation (à trois niveaux, tour- lanterne ou -clocher), l’envie de faire entrer plus de lumière (voir parties supérieures de l’Église d’Autun) n’ont pas été ignorés par les maîtres d’œuvre romans.

La grande nouveauté de Durham est la voûte à nervures porteuses. A Durham, la croisée d’ogive n’est plus seulement décorative comme elle l’aurait été en Lombardie (selon les thèses adoptées). Elle devient l’élément porteur de la voûte. Le maître-d’œuvre de Durham va d’abord expérimenter ce type de voûte au bras du transept où « il installe deux voûtes sur croisée d’ogives de plan barlong mais supprime le doubleau mineur qui serait nécessairement gauchi [12]», ce qui donne « deux voûtes barlongues juxtaposées sans doubleau intermédiaire[13]». Il reprendra ensuite à la nef commencée vers 1116 ce voûtement en voûtes juxtaposées sans arcs doubleau.

La tribune qui permet une ouverture en arc sur la nef peut être surmontée au troisième niveau d’ouvertures de baies. Cette tribune présentera une autre nouveauté capitale : l’emploi d’arcs-boutants. Ces arcs dits en contre-portée (des voûtes de la nef) se situent dans les tribunes surmontant les bas-côtés. Ils apparaitront au grand jour à la période gothique, les tribunes définitivement disparues.

A noter que le Roman Germanique continuera, lui, de contreba-lancer la poussée du voûtement par des murs pleins contrebutés par des contreforts extérieurs.  Également remarquable, le décor dans les arcatures aveugles des bas-côtés et les motifs à chevrons de piliers alternés avec des piliers à cannelures surprenant pour le lieu et l’époque.

A l’origine Durham était un modeste bâtiment en bois dressé

pour abriter les reliques de Saint Cuthbert. Il a été remplacé par un sanctuaire, toujours en bois mais plus solide, appelé White Church, qui lui-même a été remplacé en 998 par une église en pierre du même nom. Les reliques du saint furent l’objet d’un pèlerinage important. La construction de la cathédrale a été commencée en 1093, par Guillaume de Calais, prince-évêque de Guillaume le Conquérant ; Elle est poursuivie par l’évêque Renouf Flambard. Le chœur sera achevé en 1114, les murs de la nef en 1128 et le voûtement en 1133. Les deux tours occidentales sont d’époque romane. En 1170, a été ajouté un galilée (avant-nef) qui contient les restes du moine lettré Bède le Vénérable (672-735). Les voûtes actuelles datent de 1230.

L’Abbaye du Mont St Michel

C’est après un songe au cours duquel St Michel, qui combattit non seulement le dragon mais aussi les anges rebelles tel Lucifer, lui avait ordonné de construite un lieu saint à sa gloire, que l’évêque d’Arras, Aubert, fit construire sur cet ancien lieu de culte païen que l’on désigne à l’époque du nom de Mont-Tombe, une première église, qui fut par la suite agrandie de lieux d’habitation pour recevoir ses chanoines. Et en 966, l’affluence des pèlerins au Mont Saint Michel était telle, que le duc de Normandie, Richard 1er fait bâtir une abbaye préromane avec les premiers logements ; les moines bénédictins remplacèrent les chanoines.

Entre 1020 et 1084 fut construite une abbaye. Le pari était risqué. Il s’agissait de bâtir une abbaye avec tous ses bâtiments conventuels, cette fois-ci reposant en partie sur le tertre supérieur, le niveau le plus haut du mont jusqu’alors vierge de construction et en partie de la faire reposer sur ce qu’il restait de l’abbaye déjà construite. Cette abbaye prendra le nom de Notre-Dame-sous-Terre. D’autres chapelles inférieures servant de fondation au transept.

En 1203, commença la construction de ce que l’on appelait déjà à l’époque « La Merveille » tant la prouesse architecturale mettait en

évidence une fois encore la parfaite maîtrise de ses bâtisseurs romans. En parallèle de l’église abbatiale, trois niveaux de constructions à double plan, est et ouest : Au niveau inférieur, à hauteur des chapelles qui soutiennent l’église abbatiale, les logements pour les pèlerins du peuple (est) et le cellier (ouest) ; niveau médian, logements pour les nobles (est) le scriptorium qu’on a appelée à tort au XIXème siècle la Salle des Chevaliers (ouest) ; niveau supérieur à hauteur de l’église, le réfectoire (est) et le cloître (ouest)[14].

Au fil des siècles, l’abbaye connaitra des aménagements et des réaménagements en accord avec le style du moment. Mais le pèlerinage ne cessera jamais et le Mont Saint Michel accueille par an encore de nos jours plusieurs millions de visiteurs.

Norwich et Les Cathédrales Anglo-Normandes

    Commencée en 1096, la Cathédrale de Norwich (Norfolk) fut achevée en 1145. La tour avec tourelle fut terminée en 1170. Plusieurs remaniements intervenus à la période gothique, notamment les arcades du chœur, les voûtes en calice de la nef, permettent de voir la transition du roman au gothique. Comme dans la plus grande des cathédrales, la Cathédrale de Winchester (642>Roman 1079-1093), et comme dans la Cathédrale de Petersborough (XIIème siècle, Cambridgeshire), cathédrales qui connurent des transformations importantes à la période gothique, la recherche de plus de lumière se traduit, ici,  par un élancement de la nef avec des ouvertures en partie supérieure, aux niveaux des tribunes et triforiums. Les nefs et les chœurs étirés répondent à la propension anglaise romane d’allonger les édifices. Dans son ensemble le plan de Norwich est ‘classique’ avec déambulatoire à trois chapelles rayonnantes, bras du transept avec chapelle orientale.

La Cathédrale d’Ely dont la nef et le double transept sont restés romans est célèbre pour son octogone central en bois, plomb et verre soutenu par huit voutains en éventail sur piliers.

La Cathédrale de Winchester développa entre les Xème et XIIème siècles une très importante école de miniature, sans doute la plus importante de la période romane.

Ces cathédrales sont les plus représentatives de l’architecture romane anglo-normande.


Le Roman Bourguignon

Il faut imaginer la Bourgogne plus vaste que la région administrative actuelle. Elle comprenait la région Rhône-Alpes, la Provence, la Suisse. Elle descendait de Besançon jusqu’à la Méditerranée, remontait par les Alpes jusqu’à Lausanne et Bâle. La Bourgogne de l’An Mil émergée de l’ancien royaume de Burgondie fondé en 888 par Rodolphe 1er qui ouvre la dynastie des Rodolphiens. Elle n’a cessé de s’agrandir jusqu’à buter contre le duché rival de Souabe. L’empereur Otton 1er (851-912) avait pris pour épouse la Princesse Adélaïde de Bourgogne, fille de Rodolphe II de Bourgogne. Elle fut Impératrice. Conrad III (925-993), son frère, était roi de Bourgogne et de Provence (ou Royaume d’Arles). Son fils, Rodolphe III, mort en 1032, fut le dernier roi de Bourgogne. A sa mort, après une lutte pour la succession, le royaume est intégré au Saint Empire de Conrad II (990-1039), le premier roi de la dynastie salique, succédant à la dynastie ottonienne.

Géographiquement, politiquement, culturellement, la Bourgogne est née du giron germain, les Burgondes étant venus du nord de la baltique s’y installer durant le Haut Moyen-âge. Mais au confluent des Alamans, des Francs, des Ottoniens, voie de passage obligée entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, la Bourgogne constitua rapidement une entité politique et culturelle qui fera d’elle tout au long du Bas Moyen-âge, avec ses grandes foires commerciales, la rivale culturelle, économique et politique du Royaume de France et des Duchés Germaniques.



École de Cluny

L’Abbaye de Cluny de l’ordre réformé des bénédictins connaîtra trois phases de constructions. Sa construction première, l’Église  de Cluny I marque un tournant entre le préroman et le roman. Elle est fondée en 910 par le Duc d’Aquitaine Guillaume 1er qui s’est marié en 1089 avec Agnès de Bourgogne, fille du Comte Palatin (impérial>palatinat) Otte-Guillaume de Bourgogne. Achevée en 927, il ne reste rien de cette première abbaye et l’on n’en sait presque rien.

Cluny II

L’Église de Cluny II (Église de Saint Pierre-le-Vieux 954-981), fidèle au plan bénédictin, présente un prolongement continu des deux bas-côtés jusqu’au-delà du transept par deux petites chapelles carrées qui font office de bas-côtés du chœur. elles sont elles-mêmes prolongées par deux petites chapelles carrées à flan du chevet semi-circulaire .

Ici, le transept est mis en valeur par l’élévation d’une tour-clocher au carré du transept compensant le fait que ses bras, bien que plus élevés soient ‘noyés’ dans les bas-côtés de la nef et du chœur. Le voûtement originel de la nef n’est pas certain. Le galilée (avant-nef), ajouté au début du XIème, siècle sera d’emblée voûté.

Le choix pour Cluny d’un plan bénédictin, en fait basilical, avec un transept quand même affirmé, sans abside ni transept occidentaux marquera une étape importante dans l’Art Roman car Cluny rompt avec la tradition des églises ottoniennes à massif occidental. Le choix ici d’un galilée qui viendra s’ajouter au début du XIème siècle et qui sera flanqué de deux tours par la suite, préfigure l’importance qui sera donnée en France à la façade occidentale par le développement puis la décoration de son portail qui atteindra son apogée dans la période gothique. Un atrium devançait le galilée.

Les bâtiments monastiques de Cluny II furent dressés dans la première moitié du XIème siècle.

Cluny III

Cluny III (1080-1130) fut construit à côté de Cluny II. L’Art Roman atteint, là, au monumental avec l’Église Majeure Abbatiale. Il faudra attendre la Renaissance Italienne et Saint Pierre de Rome pour que soit construite une église plus grande. L’édifice servira de référence au Roman de Bourgogne. Il obéit au plan archiépiscopal du entre la nef et le chevet. Le grand transept, ‘principal’, est surmonté d’un grand clocher à la croisée[15]; Ses bras, débordant de la nef sont chacun surmontés d’un clocher en leur centre, cantonnés de deux chapelles et d’une tourelle. Parallèlement au grand transept, le second transept, double transept dit matutinal, plus petit, traverse le chœur. Il est également surmonté d’une petite tour à la croisée. Chacun de ses bras reçoit une chapelle en extrémité et deux chapelles orientales. Suivant le plan bénédictin, le chœur se prolonge au-delà pour aboutir au chevet en abside avec un déambulatoire qui ouvre sur cinq chapelles rayonnantes. A l’ouest, la nef est précédée d’un galilée de cinq travées. Son portail est flanqué en avancée de deux tours. L’ensemble oriental est terminé vers 1100. Le corps central vers 1115 ; Les bas-côtés sont en voûtes d’arêtes. La couverture de la nef en voûte brisée sera après remaniement achevée en 1130. L’édifice sera démantelé à la révolution. Il ne subsiste que des parties des transepts.

Cluny III, qui fut surnommé major ecclesia, était couverte de fresques. L’Abbé Pierre le Vénérable (†1156), auprès de qui Pierre Abélard (†1142) pris refuge, et qui fut épaté par les connaissances d’Héloïse, était un ‘chromophile’(Voir Art Roman/Sculpture et Peinture). Cluny III servira de modèle à Paray-le-Monial, Beaune, La Charité sur Loire, Autun.

Paray-le-Monial

Paray-le-Monial et les églises d’Autun sont particulièrement représentatives du Style Clunisien. Elles ont en commun (déjà) une recherche de plus grande clarté par une haute élévation de la nef et l’ouverture sur l’extérieur des baies dans les parties hautes des murs. La sculpture y tient une place importante en occupant chapiteaux, tympan, voussures, portails. Les thèmes profanes trouvent leur place dans cette profusion décorative aux formes tourmentées.

Le Style Gothique sera dans la continuité directe de Cluny III par cette recherche de la lumière et l’importance accordée au décor.

Église Saint-Philibert de Tournus

La construction de l’Église Saint-Philibert de Tournus s’est échelonnée de 949 à 1120 sur l’emplacement d’un ancien castrum romain. Elle en conserve l’aspect de forteresse massive, puissante. Le maître-d’œuvre de Saint Philibert apporta à l’Art Roman de singulières innovations qui ne furent pourtant pas reproduites malgré leurs avantages : puissance et clarté.

Tout d’abord, les larges piles rondes de la nef centrale. Ces piles qui ne sont pas en pierre taillée (appareillage) mais en un bâti de moellons et mortier, ne présentent ni base ni chapiteau, seulement une imposte sur laquelle repose des demi-colonnes engagées d’où partent les arcs transversaux. Ces cinq arcs et leurs murs diaphragmes séparent les cinq travées voutées en berceau. Aux extrémités de ces voûtes, peuvent s’ouvrir dans les murs extérieurs de la nef des baies donnant pleine lumière.

Une autre particularité de cette église est que le cintre des arcs longitudinaux qui supportent ses murs est légèrement rabaissé ; De mêmes, les arcs doubleaux légèrement aplatis des bas-côtés voûtés d’arêtes.

L’impressionnant narthex animé extérieurement d’arcatures aveugles lombardes s’élève sur trois niveaux pour se terminer par une tour-clocher. C’est une des plus grandes constructions romanes. Les masses de charges sont énormes.

L’Église Saint-Étienne de Nevers

Sur le Chemin de Compostelle, l’Église Saint-Étienne de Nevers dépendait de Cluny. Elle fut bâtie entre 1063-1097 soit entre Cluny II (954-981) et Cluny III (1080-1130). Saint-Étienne serait la première église à nef voûtée (?). Elle s’élève sur trois niveaux : Délimitant chaque travée de plein cintre, l’arc doubleau, à double rouleau comme à Tournus, repose par un tailloir sur des colonnettes engagées jusqu’au sol dans la pile. Au niveau supérieur,  une tribune à baies géminées et arcs cintrés de décharge court au-dessus des bas-côtés ; Au troisième et dernier niveau, les murs supérieurs ouverts de baies reçoivent la voûte en berceau.

C’est là une élévation ‘classique’ romane. Saint Étienne offrirait donc une innovation d’emblée aboutie sans hésitation ni sans vestiges encore existants qui marqueraient les différentes étapes du voûtement et de l’ouverture du mur supérieur compartimenté au préalable des colonnettes engagées…?


École Cistercienne

La rigueur qu’avait apportée l’Abbaye de Cluny, fondée en 910,

dans une observance plus stricte de la règle d’un ordre bénédictin qui s’était relâché, fut à l’origine de son immense rayonnement dans toute l’Europe. En 1075, en réaction à la décadence et à la richesse de cette même abbaye, le moine bénédictin Robert de Molesme[16] (1029-1111), ancien prieur et abbé de l’ordre, placé par le pape à la tête de moines érémitiques vivant retirés dans la forêt bourguignonne, fonde avec eux, en 1075, une nouvelle abbaye, l’Abbaye à Molesme, première tentative de réforme et de retour à une plus stricte observance de la règle bénédictine originelle. Une initiative qui aura pour premier obstacle la mollesse de mœurs des nombreux moines venus s’y installer. 

En 1098, Robert s’en retire avec une vingtaine de moines qui le suivent pour fonder avec l’autorisation du légat du pape siégeant à Lyon, un nouvel ordre qui prendra le nom du lieu où dans la plaine de la Saône, la première abbaye est construite, l’Abbaye de Cîteaux; Lieu vierge, isolé dans la forêt de la Côte d’Or. L’ordre sera l’Ordre Cistercien. Saint Bernard (1090-1153) y arrive au printemps de 1113, année où l’abbé de Cîteaux, Étienne Harding (1060-1134) fonde la première fille de Cîteaux, l’Abbaye de La Ferté. L’année suivante est fondée l’Abbaye de Pontigny dans la vallée du Serein, qui reste « le plus grand édifice cistercien du Moyen-âge conservé intact » (Association des Amis de Pontigny).

Deux ans plus tard, Bernard part avec douze moines fonder les Abbayes de Clairvaux et de Morimond. Quatre ans plus tard, le nombre des abbayes du nouvel ordre était de 12 et vingt-cinq ans plus tard de 73. En 1153, à la mort de St Bernard, ce chiffre sera porté à 393 et sera presque doublé par la suite car l’ordre s’épanouira dans toute la chrétienté. (Cf. C. Gerandeau in Année St Bernard 1090-1990 Édit. Caisse Nationale des Monuments Historiques 1990). Son expansion tiendra au rayonnement spirituel de Bernard de Clairvaux.

L’Art Roman Cistercien se caractérise d’abord par sa sobriété. Il est opposé au foisonnement de la sculpture clunisienne comme il rejette fermement la ‘magnificence’ de St-Denis (1144), voulue par l’Abbé Suger (1180-1151) auquel Bernard se heurtera. St Denis étant la première manifestation du Gothique Français relevant d’un plan abouti. La vie humble et laborieuse des moines, leur vie intérieure tournée vers l’oraison ne devait pas être détournée par un décorum ‘superflu’ (voir Sculpture/ Esthéticiens et Contemplatifs).l’L’É

L’église ad quadratum

« Le carré en raison de la forme égale de ses quatre côtés symbolise le cosmos…Villard de Honnecourt, qui a groupé au XIIIème siècle des dessins stylisés, nous donne le plan d’une église cistercienne du XIIème siècle. Celle-ci offre des analogies avec les mesures du microcosme selon Sainte Hildegarde… l’église comporte trois carrés d’égale mesure en sa longueur et deux en sa largeur. Le plan de l’église cistercienne comporte 12 mesures égales dans le sens de la longueur et 8 dans le sens de la largeur soit le rapport 12/8 ou 3/2…Les églises cisterciennes en Angleterre sont toutes carrées telles la Cathédrale d’Oxford, l’Église de Ramsey, l’Église de St Cross (Hampshire), la Cathédrale d’Ely (plan carré du XIIème s.). En Allemagne, la majorité des églises à abside carrée dérivent de l’Église Cistercienne de Morimond. En France, les églises carrées sont cisterciennes. Elles présentent des chevets plats, flanqués de quatre, six ou huit chapelles carrées. Les déambulatoires sont rectangulaires. Dans toutes les églises primitives cisterciennes, le chevet est carré mais dans les églises construites à la fin du XIIème siècle et au XIIIème siècle, l’abside devient polygonale. » (Marie-Madeleine Davy, Initiation à la Symbolique Romane Édit. Flammarion 1977)

Abbaye de Fontenay

L’Abbaye de Fontenay est la première des filles de Clairvaux. Elle est fondée en 1118 par St Bernard (1090-1153). Elle est la mieux conservée et la plus ancienne de toutes les abbayes cisterciennes.

Son église abbatiale est bâtie entre 1125 et 1150. Outre le fait qu’elle soit très représentative par son style et l’ordonnancement de ses bâtiments de l’architecture cistercienne, elle a la particularité d’appartenir au type d’églises cisterciennes à plan carré, « ad quadratum ». Aussi, les chapelles qui s’ouvrent sur le transept sont carrées et rectangulaires comme à Pontigny. La nef est de plein cintre. Les arcs doubleaux et de décharge (arcatures) sont brisés. M.M. Davy, nous rappelle que le chevet de la Cathédrale de Laon (intégrée au Style Gothique Primitif) est carré.

Seul le porche a disparu. La conservation d’ensemble des bâtiments permet de dresser un panorama complet de la vie cistercienne : église, cloître, réfectoire, dortoir (pas de cellule individuelle), salle capitulaire (ou chapitre, salle du ‘’conseil’’), salle des moines ou scriptorium (et autres activités), forge, infirmerie, boulangerie.

Warweley Abbey & Foutains Abbey

L’Abbaye de Warveley est la première des abbayes cisterciennes en Angleterre. Comme St Bernard quittant Molesme pour fonder Clairvaux avec douze moines, c’est un abbé venu avec douze moines de l’Abbaye de l’Aumône (Normandie), qui reprenant la tradition cistercienne la fonde en 1128. M.M. Davy fait remarquer que « dès 1092, on trouve une église à abside carrée (à Old-Sarum [près de Salisbury, Angleterre s.o.]). (Voir L’Église as Quatrum)

Fountains Abbey construite au milieu du XIIème siècle est la plus grande abbaye que les Cisterciens ont bâtie en Angleterre. La sobriété de son style répond pleinement aux exigences de l’ordre.

Église Sainte Marie-Madeleine du Vézelay

Un premier monastère de moniales est élevé au milieu du IXème siècle dans la vallée. En 873, son pillage par les Normands le fait redresser sur la colline. En 880, un moine aurait rapporté de St Maximin la St Beaume (BdR), les reliques de Marie-Madeleine qui vécut non loin de St Maximin dans la grotte de la Sainte-Baume (Bouches-du-Rhône). L’Église Sainte Marie-Madeleine devient l’un des trois importants lieux de pèlerinage avec Rome et St Jacques de Compostelle (Jérusalem le sera après la première croisade 1096). En 1098, L’abbaye est reprise en mains par Cluny, qui à l’instigation de l’évêque d’Autun, lui reproche son indépendance et ses prérogatives.

L’église servira de modèle à nombre d’églises cisterciennes. Le chœur roman est dédicacé en 1104. Après incendie, une nouvelle nef avec son grand narthex est achevée en 1140. Cette haute nef, à larges travées sous croisées d’ogives (la plus ancienne de Bourgogne) avec collatéraux en voûtes d’arêtes surmontés de tribune, n’a pour décor que les seuls différents tons de pierre des arcs doubleaux et de décharges, l’ornementation sculptée étant laissée en extérieur sur les portails (celui du narthex compris). Elle donne une impression d’ampleur dans la sobriété. Le portail du narthex (1120-1140) est un des chefs-d’œuvre de la sculpture romane (voir Sculpture Romane).

L’importante crypte, d’époque carolingienne s’étend sous tout le chœur. C’est un portique de douze piles d’inégales sections soutenant des voûtes en arêtes. Elle dégage une atmosphère de grande sérénité.

Sainte Marie-Madeleine était l’église préférée de Bernard de Clairvaux. Il y prêcha en 1146 la seconde croisade.

L’Église d’Ancy-Le-Duc (fin XIème - début XIIème siècle) se signale par son clocher octogonal à trois niveaux.

Les Abbayes cisterciennes de Provence

Les « trois sœurs provençales » sont les Abbayes de Silvacane, anciennement Sauvecanne (1144) dans les Bouches-du-Rhône, de Sénanque (1148) dans le Vaucluse et du Thoronet (1160-1195) dans le Var, le plus ancien monument cistercien le mieux conservé[17]. Elles développent un même sentiment de pureté dans la sobriété de leur construction, dans l’économie de moyens, dans la simplicité des plans. Elles sont en cela un de plus beaux reflet de l’esprit de l’Art Cistercien.


Le Roman Français sur le Chemin de Compostelle

La Francie Occidentale couvrait l’actuelle France de l’ouest et du centre, bordée par la Manche, l’océan Atlantique, au sud par la mer Méditerranée dont la limite territoriale s’arrêterait au delta du Rhône, tronquée de toute sa partie est et sud-est. La limite orientale partait de ce même delta du Rhône pour remonter le fleuve, passer le Plateau de Langres et la source de la Seine jusqu’à l’actuelle frontière Belge.

Au Moyen-âge, la vie est envisagée comme un pèlerinage.

« La cité “d’en-haut” est celle des saints, ici-bas, les hommes pèlerins par grâce, citoyens de la cité « d’en-haut », pérégrinent vers le royaume. » (M.M. Davy op.cit.).

C’est dès le Xème siècle que la ferveur religieuse porte les fidèles aux pèlerinages. Les pèlerinages vers St Marie-Madeleine du Vézelay sont entrepris. Les pèlerinages vers Saint Jacques de Compostelle partent de Paris, du Vézelay, du Puy en Velay ou d’Arles. Le Roman Français va suivre les routes de pèlerinages en conservant ses principales caractéristiques : Déambulatoire et absides rayonnantes, élévation sans fenêtres de la nef mais avec triforium, coupole ou clocher à la croisée de transept.

Il est à noter que l’élévation de grandes églises abbatiales ou leurs agrandissements sur les routes de pèlerinages en-deçà et au-delà des Pyrénées comme St Sernin à Toulouse ou St Jacques à Compostelle sont révélateurs de l’importance des dons des pèlerins et de ce fait de la puissance financière des abbayes sur ces chemins comme l’est de nos jours tout commerce sur un circuit touristique.

Quatre voies mènent à Saint Jacques de Compostelle: la voie de Tours, la via turonensi qui part de la Tour St Jacques à Paris et passe par Tours;  la voie du Puy en Velay, la via podensis ; et la voie du Vézelay, la via lemovicensis (Limoges) qui convergent à Ostabat ( Pays Basque) pour prendre le nom de ‘Chemin de Navarre’ (Camino Navaro); Il (elles) rejoint le quatrième chemin, la voie d’Arles, la via tolosana (Toulouse) pour prendre le nom commun de ‘Chemin Français’ (Camino Francés).

Notre-Dame-de-l’Annonciation du Puy-en-Velay

L’importance du culte de la vierge au Moyen-âge a fait changer le nom de la ville d’Anicium (Anis) en Puy Notre-Dame(Auvergne).

La Cathédrale devint le point de départ de la via podensis vers Compostelle au retour du pèlerinage de l’évêque Godescalc en 905. La vierge noire, originaire du Soudan, qu’avait offert Saint Louis à son retour de croisade a été détruite sous la Révolution Française.

Pour des risques d’effondrement, la cathédrale a été entièrement reconstruite à l’identique dans la seconde partie du XIXème siècle. Plusieurs étapes marquent sa construction de la fin du XIème siècle au XIIème en lieu et place d’un culte païen qui se prolongea en apparitions, miracles et guérisons autour d’un ancien dolmen (sous le porche) devenue la Pierre des Fièvres.

Posée sur le piton rocheux du Mont Anis, l’église à l’origine, à la fin du XIème siècle est de plan carré, mais au XIIème siècle, la nef a été prolongée au-dessus du vide pour accueillir le nombre toujours croissant des pèlerins. Elle est flanquée de bas-côté, d’un transept saillant et d’un clocher. L’ancienne église, servant de chœur et de chevet, est surmontée d’une tour-lanterne sur trompes et coiffée d’une coupole.

L’influence orientale est certaine dans le décor de sa façade en moellons bicolores de pierres claires et de laves foncées. Elle est élevée sur cinq niveaux dans une succession d’arcs de plein cintre, arcatures aveugles et frontons. L’évêque Adhémar de Monteil a été nommé à la tête de la première croisade en 1096 par le Pape Urbain II. D’autre part, nombreux étaient les Mozarabes (chrétiens de l’Espagne musulmane) à faire le pèlerinage de la vierge noire (en sens inverse de celui de Compostelle).

Même influence dans le cloître où les frises au-dessus des arcatures représentent un décor multicolore de losanges rouges, noirs et blancs surmontées d’une frise en carrés ocres et blancs dont l’opposition des valeurs clair-foncé donne un effet de relief. Sous l’avant-toit, un alignement de têtes de grotesques et d’animaux fantastiques qui pourraient bien relever de cette même influence du fantasmagorique musulman.

A l’intérieur, on retrouve des vestiges de fresques dans le transept nord de même influence italo-byzantine que celles du porche, appelé du Porche du For.

L’ornementation de celui-ci est particulièrement soignée. Les deux arches qui l’ouvrent sur l’extérieur en se rejoignant au pilier d’angle offrent un jeu savant aux archivoltes dont les voussures à gorge ornée de petits motifs sculptés sont détachées de leur arc de décharge par trois petites piles dont l’une présente un petit personnage. Au niveau supérieur, une triple arcature à triple rouleaux, surmontés d’une puissante vague d’arcs en saillie, est supportée par trois fines colonnettes qui s’avancent au-devant de leurs étroites verrières.

L’Église Saint-Étienne de Nevers

L’Église Saint-Étienne de Nevers (1063-1097, voir Le Roman Le Roman d’Auvergne) fait partie de ces haltes importantes, ces points de rassemblement sur la route de Compostelle. Son originalité dans le Roman d’Auvergne tient en ce qu’elle a reçu l’influence du Roman de Bourgogne. Ceci transparait dans l’élévation en trois niveaux de ses murs intérieurs, étageant de grandes arcades et baies géminées avec un souci d’éclairage évident comme à Paray-le-Monial.

Elle reste proprement auvergnate dans l’économie de son ornementation sauf aux faces extérieures nord et sud des bras du transept dont le souci ornemental est marqué par une alternance d’arcs et de frontons pointus soutenus par de fines colonnettes. Et son chevet présente un intéressant déploiement d’absidioles autour de l’abside comme à Paray-le-Monial mais en moins ambitieux. En sa partir haute, l’abside laisse courir une loggia aveugle qui peut faire penser à une adaptation de la bande lombarde.

Abbatiale de Sainte Foy de Conques

Située en Aveyron, cette abbatiale est une des étapes les plus importantes du Chemin de Compostelle au départ du Puy-en-Velay et avant Moissac. Un premier monastère avait été créé au VIIIème siècle par des moines fuyant l’Espagne des Sarazins. L’abbatiale actuelle (1040-1082) a été bâtie pour abriter les reliques de Sainte Foy, martyre du Vème siècle, rapportées d’Agen en 883, et pour répondre à l’afflux des pèlerins. L’ensemble des reliques représente un véritable trésor reliquaire comprenant sceaux, cachets, orfèvrerie mais aussi tapisserie et surtout la fameuse statue en or de Sainte Foy sur un trône, enjolivée de pierres précieuses et semi-précieuses offertes par les pèlerins.

La façade ouest est colossale : deux impressionnants contreforts donnent un sentiment d’élévation à chacune des tours qui encadrent le porche. Sentiment que renforce l’arcade étroite sur deux niveaux, qu’ils enserrent. Ces deux tours dont les couvertures pyramidales ont été posées XIXème siècle flanquent un portail à double entrée. Son tympan (1107-1125) est un des chefs d’œuvres de la sculpture romane avec ses 124 personnages autour d’un Christ en majesté indiquant le ‘mudra’ du jugement. La voussure en plein cintre du porche abritant le tympan repose sur deux paires de fines colonnes aux embrasures ; Elle est surmontée d’un fronton. Plein cintre et fronton sont reproduits au sommet de la façade. Le jeu des baies en berceau réparties régulièrement donne à celle-ci rythme et unité.

Le chevet est un modèle de clarté de plan dans lequel les parties sont à la fois bien définies tout en constituant un ensemble harmonieux. Il est rythmé par un jeu d’arcatures et de colonnes engagées à l’abside centrale et à ses absidioles rayonnantes ; Jeu décoratif que reprend la tour polygonale au carré du transept.

Abbaye Saint Pierre de Moissac

Le lieu a été occupé par les Romains et par les Wisigoths. La construction du monastère remonterait à Clovis pour célébrer sa victoire sur ces derniers, mais plus certainement, il date de rois mérovingiens au VIIème siècle. Subissant pillage et incendie, malgré ses fortifications, l’abbatiale est reconstruite lorsqu’elle passe sous l’autorité de Cluny en 1047 qui la consacre en 1063.

Elle devient à la fois une des plus importantes étapes sur le Chemin de Compostelle (Galicie) au départ du Puy-en-Velay, et un centre culturel éminent. Sa bibliothèque conservait un véritable trésor de manuscrits enluminés produits dans le scriptorium, que Colbert fera transporter à Paris.

Il reste aujourd’hui le clocher-porche datant de 1120, la partie basse de la nef, le cloître et le portail. (Voir Sculpture/ Cloître et Portail de Saint Pierre de Moissac)

Le passage de la voie ferrée Bordeaux-Sète en 1857, toujours en usage, au beau milieu du site, a entraîné la destruction de son réfectoire.

Saint Pierre de Moissac est classé au Patrimoine Mondiale de l’UNESCO.

Église Saint Sernin de Toulouse

L’Église Saint Sernin de la riche abbaye de Toulouse dont la fondation remonte au IVème siècle, est érigée entre1060 et 1096 pour recueillir les reliques de Saint Saturnin qui évangélisa le Sud-ouest. Saint Sernin est très représentative de ce type d’églises suffisamment spacieuses pour recevoir les pèlerins venus s’y recueillir mais aussi s’y reposer. Sa construction en briques roses, le plan dégradant de ses bas-côtés en arcatures, son clocher gothique au carré du transept lui confèrent une particulière élégance. La sculpture, notamment celle du chœur avec son christ en mandorle, présente un travail d’une grande finesse.


Les Romans du Poitou, Anjou et Loire

Le Roman Poitevin

Le Roman Poitevin se distingue par des églises à trois nefs d’à peu près égales dimensions séparées par de hautes colonnes nues. La décoration est réservée à l’extérieur. Elle est riche en sculptures intégrées à l’architecture, arcatures et frontons. 

Église de Notre-Dame-La -Grande de Poitiers

L’Église de Notre-Dame-La-Grande de Poitiers apparaît pour la première fois mentionnée au XIème siècle sans qu’on sache sa date exacte de construction. Elle est caractéristique du style avec sa riche décoration extérieure.

La façade se dresse en aplat (plan rectiligne) caractéristique du type façade–écran (voir Grammaire). Au niveau inférieur, son arc de triomphe en trois arches, crée une surprise. Les portails latéraux, aveugles, occupés chacun par une baie géminée, laissent planer un doute sur l’existence bien réelle des trois nefs intérieures. Chacune des quatre voussures des trois archivoltes, portée par des colonnes jouent avec la lumière par des motifs décoratifs. Des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament surmontent l’ensemble. Au plan intermédiaire, la grande verrière centrale sous arche est encadrée sur deux niveaux par une double galerie de saints sous arcs à colonnes dont les voussures reprennent les motifs décoratifs inférieurs. Cette galerie préfigure les galeries de rois du Gothique. Au troisième et dernier niveau, au centre d’un fronton à double pente, une large mandorle en saillie contient dans une niche le Christ entouré du tétramorphe[18]. La façade est flanquée d’un jeu circulaire de colonnes engagées qui supportent une tour à baies ouvertes, coiffée d’un toit conique en lauze que l’on retrouve au clocher du transept.

Le Roman Angevin

Le Roman Angevin se distingue par ses coupoles en lauzes portées sur trompe comme à l’Église Saint Pierre d’Angoulême (XIIème siècle). L’on y retrouve la riche décoration sculptée.

 Le Roman de Loire

Dans les débuts de l’Art Roman, le Val de Loire est une des régions les plus dynamiques. Outre Saint Martin à Tours, Saint-Aignan à Orléans, la reconstruction du grand centre culturel carolingien qu’était l'Abbaye de Saint-Benoit-sur-Loire témoignent de cette grande activité.


Roman Provençal et Roman Chalaisien

Le Roman Provençal

Le Roman Provençal sera un des romans à le plus utiliser l’arc brisé et particulièrement l’arc brisé en-tiers-point.

Saint Trophime d’Arles

Dans le Midi de la France, l’influence de l’Antiquité Romaine persiste. Le portail de l’Église Saint Trophime en Arles (vers 1180) avec ses proportions et sa géométrie ‘triomphale’, avec le drapé classique de ses statues d’apôtres, nous replonge dans le riche passé de la Provence de l’Antiquité : Alyscamps d’Arles, Amphithéâtre de Nîmes, Antiques et ruines de Glanum à Saint-Rémy ne sont loin ni dans l’espace ni dans le temps.

Saint Trophime s’est d’autant moins coupée de ce passé, qu’il s’agissait à l’origine d’une basilique primitive dédiée à Saint Étienne, premier martyr du Ier siècle ; Devenue cathédrale au Vème siècle, reconstruite au VIIIème en période carolingienne,  elle sera remplacée aux Xème et XIème siècles par l’édifice actuel. Elle prend alors le nom de Saint Trophime, premier évêque de la ville épiscopale dont les reliques un temps enlevées au XIème siècle, reviennent au siècle  suivant, en 1152, date à laquelle la crypte et la nef sont remaniées. (Voir Le Cloître/Saint Trophime d’Arles).

Le Cloître

Le Cloître de Saint Trophime (ou Trophyme) date pour les galeries sud et ouest du début du XIIème siècle, pour les galeries nord et est de la fin du siècle (1180). Chaque galerie s’étend sur trois travées rythmées chacune en quatre arcatures portées par des colonnettes jumelées, et séparées de puissants piliers, doublés aux angles. Leur voûte est d’un berceau continu. Comme pour la façade de son église, l’influence romaine est évidente aussi bien dans l’architecture que dans la sculpture qui nous montre aux piliers des personnages bien affirmés.

Comme à Moissac, l’on retrouve la continuité du récit de chapiteaux en chapiteaux, mais ici, sont intégrés aux épisodes du Nouveau Testament avec des réminiscences de l’Ancien, les personnages des saints d’Arles, Étienne et Trophyme. Le Cloître de Saint Trophime est incontestablement un des plus beaux du Sud de la France et même de France.

« Le cloître de Saint-Trophime appartient à deux époques : deux galeries sont romanes et datent du XIIe siècle, les deux autres sont gothiques et datent du XIVe. Et il y a ici aussi un décor sculpté exceptionnel avec un très riche bestiaire imaginaire. Et, là encore, on voit bien que les architectes ont réemployés les colonnes de l'antiquité romaine… La galerie nord s’attache à la représentation des saints patrons de l’église d’Arles et du mystère pascal. La galerie est, plus large, intègre des motifs gothiques. Sur les piliers l’évocation de la Passion du christ et sur les chapiteaux le récit de l’enfance et de la vie du christ. Les deux autres galeries plus tardives et le grand portail sont de style gothique. Les chapiteaux de la galerie sud évoquent la vie de Saint Trophime. La galerie ouest évoque des thèmes éclectiques dans son décor comme le couronnement de la vierge ou le culte des saints de Béthanie » (https://www.cityzeum.com/cloitre-saint-trophime? utm_content=cmp-true).

Église Saint Gilles

L’Église Saint Gilles du Gard construite vers le milieu du XIIème siècle est un exemple net de la survivance de la culture romaine telle qu’elle s’exprime sur sa façade : Les trois proches sont un évident rappel de l’arc de triomphe ; Les colonnes sont à cannelures et leurs chapiteaux romains. Avec les voussures nues, elles forment un portique en saillie de façade ; Les corniches sont en décor d’acanthe. La frise des apôtres est une célébration de la victoire de l’Église sur le paganisme. 

Abbaye de Montmajour

À l’extérieur de la ville d’Arles, implanté au milieu des marais sur l’ile de Montmajour, un monastère abritait une communauté monastique au milieu du Xème siècle. Les Comtes de Provence s’y faisaient enterrés. C’est au milieu du XIIème siècle que le bâtiment trouvera son architecture définitive. Le lieu aurait servi de refuge au premier évêque d’Arles, Saint Trophime (†250), et Clovis y aurait fait bâtir une première église…

L’église possède deux nefs dont celle du nord est prise sur la roche, celle du sud voûtée de plein cintre se prolonge par un chœur en abside dont le mur est polygonal à chapelles rayonnantes. La crypte ou église basse possède un transept et un déambulatoire. Le déambulatoire est voûté et ouvert de baies sur le chœur en rotonde. Il est doté de cinq chapelles en-cul-de four. L’influence romaine est indéniable. Les arcatures prennent naissance sur de colonnes d’origine romaine : au nord, adossées à de forts piliers carrés, au sud adossées à un mur épais. L’ensemble est massif.

L’église fait partie d’un ensemble de bâtiments monastiques en ruine (cloître, salle capitulaire, cellier etc.) dont une partie a été restaurée en 1872. On y croise un mélange de styles, du roman au classique. La haute Tour Pons de l’Orme surplombe cet ensemble et offre une vue panoramique particulièrement ouverte sur le pays d’Arles.

A proximité, se trouve le monastère de la communauté bénédictine réformée de Saint Maur datant du XVIIIème siècle.

Saint Pierre de Mausole

D’abord prieuré touchant la ville de Saint Rémy-de-Provence à la fin du Xème siècle, St Pierre de Mausole s’agrandit en un monastère, un siècle plus tard, à partir de 1082. Il doit son nom au Mausolée de Julli (famille de César) construit non loin dans la cité romaine de Glanum. Asile pour les malades aux XVIIIème  siècle tenu par les franciscains, domaine public sous la révolution, le monastère est vendu puis racheté au début du XIXème siècle à un médecin qui en fait l’hôpital psychiatrique aujourd’hui connu pour avoir hébergé Vincent Van Gogh de mai 1889 à mai 1890.

Le cloître date des XIème et XIIème siècles. Il a la particularité d’être intégré aux bâtiments du monastère, formant en leur premier niveau (rez-de-chaussée) quatre préaux ouvrant sur le jardin par un alignement d’arcs surbaissés dont chacun est renforcé par un mur de décharge en retrait, lui-même prenant appui sur une triple arcature tendue aux extrémités sur deux pilastres et déroulée en trois arcs de plein cintre soutenus chacun par un jeu transversal de deux colonnettes à larges chapiteaux aux motifs floraux et animaliers et à large tailloir à degrés inversé. Adossé au clocher à bandes lombardes, l’église présente une façade ouest au style antique de la Renaissance.

Le portail est encadré de deux colonnettes supportant une architrave. Au niveau supérieur, au centre, le même motif colonne-architrave est repris dans une dimension réduite. Il est agrémenté de deux consoles et contient une niche à l’italienne habitée d’une statue. Il est surmonté d’une verrière ronde. Aux extrémités, un jeu de doubles colonnes corinthiennes prolongent les contreforts du niveau inférieur, donnant à l’ensemble un aspect monumental. Elles supportent deux imposantes abaques qui rejoignent les extrémités du fronton qui coiffe la façade.

Saint Pierre de Mausole est une des plus belles réalisations du Roman et du Renaissant provençaux. Il signe l’attachement de la Provence au style classique.

Les Sœurs Provençales

Voir École Cistercienne/ Les Abbayes de Provence


Le Roman Chalaisien

Le Roman Chalaisien est propre à l’Ordre Calaisien. Cet ordre est un ordre issu de l’Ordre Cistercien qui en accentue la recherche du recueillement dans un mode de vie plus érémitique. Il est apparu à Chalais en Isère avec la construction de l’abbaye-mère en 1124. Il s’étend par la suite plus au Sud avec des constructions abbatiales particulièrement accomplies de l’Art Roman : Abbaye Notre-Dame de Lure, Saint-Étienne-les-Orgues, près de Sisteron, l’Abbaye de Boscodon dans la haute Vallée de la Durance. Puis, plus au Sud, l’Abbaye de Valbonne dans le pays niçois, fondée en 1199.


Le Roman du Périgord

Avec son plan en croix et ses cinq coupoles en toiture, l’Église Saint Front de Périgueux (1120-1173) est emblématique de cette école qui a reçu, sans doute au travers des Croisades, l’influence de l’Art byzantin. Son style dépouillé reste proprement  roman.


Le Roman d’Auvergne

Les églises d’Auvergne en période romane présentent pour les édifices de moyenne importance trois galeries à peu près identiques, séparées par des colonnes nues, et pour les édifices de plus grande importance, une nef avec déambulatoire et collatéraux séparés par des piliers ou colonnes parfois en alternance, toujours fasciculés sur trois côtés, le côté nu étant la face donnant sur la nef. Les bas-côtés sont dotés de tribunes voûtées. Ces bas-côtés se prolongent et coupent les bras du transept ou plus exactement séparent ses bras du carré de transept. Mais les tribunes, elles, ne se sont pas prolongées. Le carré du  transept reçoit une coupole sur trompes.

«A cette époque, seules les coupoles sur pendentifs importées d'Orient que l’on trouve dès 1010/1020 à Saint Marc de Venise et en Périgord se révèlent fiables sur grandes portées». (http://www.philippe-gavet.com/05/21/index.html)

Le chœur se termine généralement par un chevet en cul-de-four. Il est doublé d’une crypte qui en a les mêmes proportions, sauf quand elle s’étend par sa confession[19] au-delà, jusqu’en dessous du carré de transept.

La décoration des églises romanes d’Auvergne est très modeste, pas de cannelures, pas de moulures, tout au plus des piles cantonnées. Ni gorges ni rouleaux ne viennent souligner les arêtes. Point de nervures, point de croisées d’ogives. Une architecture solide au style épuré à l’extrême.

Une solidité architecturale qui retardera l’entrée du Gothique en Auvergne, alors qu’en Ile-de-France, ce serait la faiblesse des planchers des voûtes d’arêtes qui portera les architectes à trouver des solutions architectoniques en les renforçant par la nervure de la croisée d’ogive, l’arc brisé et l’arc boutant extérieur, inaugurant ainsi l’Art Français (gothique). L’utilisation de la voûte à nervures porteuses en période romane étant parcimonieuse et géographiquement limitée (voir La Voûte et La Croisée d’Ogive).

Les grandes églises du Bas-Pays-d’Auvergne (Auvergne hors Cantal au sud) se singularisent par leur massif à plan barlong qui, en transversal de la nef (comme son nom l’indique), occupe le carré du transept. Surélevé par rapport aux bas-côtés, il supporte le clocher. Il donne une impression de puissance en accord avec l’importance de l’abbaye. Les Basiliques Notre-Dame-du-Port de Clermont-Ferrand et Notre-Dame d'Orcival (Puy-de-Dôme) en sont deux des plus beaux-exemples. En auvergne, la sculpture, seule ornementation, trouve sa place aux chapiteaux : personnages aux chapiteaux du chœur, animaux au déambulatoire et à la nef.

Autres édifices représentatifs de l’École d’Auvergne: CathédraleNotre-Dame-de-l’Annonciation du Puy-en-Velay (fin du XIème s.) et Église Saint-Étienne de Nevers (1063-1097). (Voir Le Roman Français)


Le Roman de La Catalogne

Introduction

La Catalogne est riche d’un imposant passé architectural. L’empreinte romaine a été forte. Les Wisigoths ont bâti des églises qui font date dans l’histoire de l’art européen. Les Sarazins ont laissé des traces (chapiteaux de type califal au Monastère de Ripoll, des vestiges dans la crypte de la cathédrale de Vic, à Sant Pere de Rodes et à Sant Miquel de Cuixà). Pendant la période romane, quelque deux mille édifices ont été élevés, essentiellement dans la Catalunya Vella, l’Ancienne Catalogne.

Au XIème siècle, la Catalogne a gagné son indépendance vis-à-vis de la France. Elle s’est unifiée sous l’autorité des Comtes de Barcelone. Et elle a imposé sa souveraineté face à la menace des Sarrazins par son expédition sur Cordoue en 1010. L’époque est prospère, la population s’accroît fortement. Par son mariage en 1137 avec l’héritière du trône d’Aragon, le Comte de Barcelone, Raimond-Bérenger IV le Saint (1113-1162) devient Prince d’Aragon. La Catalunya Vella, la Catalogne Vielle, et l’Aragon forment la Couronne d’Aragon. En 1148-49, la Reconquête rejette les musulmans des ré gions de Tarragone et de Léridane qui forment alors la Catalunya Nova, la Catalogne Nouvelle. Le massif de Montserrat où se trouve le célèbre monastère sert de limite historique et géographique (dépression prélittorale et dépression centrale) entre les deux Catalogne[20].

En cette période faste, l’Art Roman va pouvoir s’épanouir, principalement au Nord, dans les Pyrénées. Introduit par les maîtres Lombards au XIème siècle, il perdurera en Catalogne jusqu’au XIIIème siècle. Si par la suite, l’architecture en Catalogne et en Aragon n’apporte plus d’innovations majeures, ce sont les décors, le décor sculpté et particulièrement le décor pictural, qui vont manifester toute leur originalité en mettant ‘déjà’ en avant l’expressivité du génie espagnol.


Le Roman Pyrénéen & Le Premier Roman

C’est dans les Pyrénées, notamment à Saint-Martin du Canigou (1005 -1009) en tout premier lieu, puis à Saint-Michel de Cuxa (1010) que le Roman Lombard se manifeste au XIème et XIIème siècles, sans variations notables par rapport à son lieu d’origine. On y retrouve la bande lombarde et les arcatures aveugles.

Selon les vallées, le clocher peut s’élever plus ou moins haut. Dans la vallée de Boí, les églises, à plan basilical, ont un toit plat en bois. Par contre, dans le Val d’ Arán, les toits des églises sont voutés en berceau mais, plus tardifs, datent du XIIème voire XIIIème siècle. La majeure partie de ces églises ont été remaniées, mais des éléments romans restent encore visibles.

Abbaye de Saint-Martin-du-Canigou

Là où se trouvait déjà une église construite en 997, l’Abbaye de Saint-Martin-du-Canigou en Roussillon est consacrée en 1009, en accord avec l’Abbaye de Cuxa, par le Comte de Cerdagne Guifred II qui se fera moine à la fin de sa vie et y sera enterré en 1050. Ce même Comte organisa une expédition pour aller voler les reliques à Saint Sernin de Toulouse et ramena les reliques de St Gaudérique. Fait relativement fréquent pour l’époque. Plusieurs étapes de constructions marquées par les consécrations de 1009, 1014 et 1026. Les bâtiments actuels ont été entièrement remontés au XXème siècle.

En partie enterrée dans le sol, Saint-Martin présente un  plan d’élévation à deux églises superposées. En partie inférieure, trois petites nefs voûtées d’arêtes sur des colonnes en granit à l’est et trois nefs plus importantes à l’ouest, voûtées en berceau. La sculpture des chapiteaux est grossière.

L’église supérieure est voûtée plein cintre portée par des arcades sur fût de colonne. Les chapiteaux en pyramide renversée présentent une sculpture à faible relief.

Les deux églises sont en petits moellons.

Une tour-clocher est adossée à l’église. Certains chapiteaux anciens réemployés dans le cloître bâti au XXème siècle, offrent un relief important.

Perchée sur les hauteurs pyrénéennes, dans un cadre de vie difficile, l’abbaye est toujours restée pauvre. Suite à des rivalités de possession entre les abbés de St Martin, de Lagrasse et de Ripoll, l’abbaye fut ravagée par l’Abbé de l’Abbaye de Lagrasse. Le tremblement de terre de 1428 l’a détruite en bonne partie. Cette date marque le début de son déclin. 

L’Abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa

L’Abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa a été fondée en 879 sur le lieu d’une église dédiée à St Germain où quelques années auparavant les moines de l’Abbaye de Saint-André d’Eixalada, située plus haut dans le Massif du Canigou, étaient venus s’installer suite à un glissement de terrain qui avait emporté leur abbaye.[21] De style préroman, elle offre au transept un exemple de l’emploi de l’arc en fer-à-cheval (outrepassé). Sont conservés du Premier Roman, la crypte et le clocher de type lombard qui se caractérise par une puissante tour-clocher à trois niveaux minimum, ornée de bandes lombardes. Le cloître est roman.

Cathédrale de Vic

Devenu évêque de Vic en 1018, l’abat Oliba de Besalù (voir Le Monastère Santa Maria de Saint Ripoll) fait construire la cathédrale qui sera achevée à sa mort en 1046. Le clocher et la crypte de la Cathédrale de Vic (1038) sont les éléments romans qui ont survécus.

Monastères Stes Cécile et Maria de Montserrat

Dans le massif de Montserrat, au nord-ouest de Barcelone, en 1025, l’ancien Comte de Beruga, Oliva de Besalù, Abbé (abat) de Ripoll, de St Martin du Canigou et évêque de Vic, fonde le Monastère Santa Maria de Montserrat.

Quatre chapelles étaient déjà construites à la fin du IXème siècle sur ce lieu où une grotte avoisinante était un lieu de pèlerinage à la Vierge Marie. L’existence du Monastère de Sainte Cécile y est attestée à la date de 945.

Guifred le Velu (840-897) avait rattaché cet ermitage au Monastère de St Ripoll nouvellement fondé. En 888, un samedi, à la nuit, de jeunes bergers virent une lumière descendre du ciel et disparaitre dans la montagne en même temps qu’ils entendirent des voix chanter. Le phénomène se reproduisit pendant un mois et les villageois qui en furent témoins découvrirent la grotte dans laquelle la lumière disparaissait. Cette grotte aurait contenu une représentation de la vierge, image ou statue (?). Elle devint un des plus importants lieux de pèlerinage, marial, d’Europe.

Une statue de la vierge noire, appelée la Moreneta (la Noirette ou la Noireaude) et patronne de la Catalogne, a été réalisée et mis en place fin du XIIème début du XIIIème siècle dans la basilique romane. Elle aurait remplacée une statue plus ancienne. Statue en bois polychrome et dorée, elle est un beau spécimen de la sculpture romane catalane.

En 1223, Marie de Montpellier, dernière descendante de la dynastie des seigneurs Guilhem de Montpellier, épouse de Pierre II d'Aragon, fonde la Confrérie de la Vierge de Montserrat qui a vocation de prier pour les âmes de ses membres défunts[22].

Ignace de Loyola (1491-1556), fondateur de la Compagnie de Jésus (les Jésuites) y viendra en pèlerinage. Les troupes napoléoniennes dévastèrent le lieu en 1811. Le monastère sera reconstruit au XIXème siècle dans un mélange néo-gothico-renaissance.

Monastère Sant Llorenç del Munt

Le Monastère Sant Llorenç del Munt (1045-1065), situé dans la province de Barcelone, est un exemple de l’influence lombarde entre autres avec les bandes ornant son abside. Il a été reconstruit suivant les plans anciens au XIXème siècle.

Monastère Bénédictin de Sant Pere de Rodes

Le Monastère Bénédictin de Sant Pere de Rodes (Province de Gérone), construit en 945, fut tout au long du Moyen-âge un important lieu de pèlerinage. Son église, consacrée en 1022, date du Premier Roman. Son plan présentait un plan roman à trois nefs séparées par des arcatures portées par des colonnes de réemploi accolées aux piliers. L’abside était déjà dotée d’un déambulatoire. La tour construite au siècle suivant s’inspirait de l’Art Lombard. On y trouve diverses influences, de l’antiquité au préroman.

Ce qu’il reste de la façade ouest laisse supposer qu’il s’agit d’une œuvre du Maître de Cabestany, un des plus importants sculpteurs de la période romane, actif dans le dernier quart du XIIème siècle (voir Le Maître du Tympan de Cabestany ). 


Le Roman de la Catalunya Vella & Le Second Roman

Ce roman du XIIème siècle est plus évolué. Il développe toute la grammaire architecturale romane à laquelle s’ajoute une décoration de premier ordre inspiré du Roman du sud et sud-ouest de la France.

Le porche et le cloître de la Cathédrale de Tarragone et le cloître de la Cathédrale de Gérone en sont de brillants exemples.

Le Monastère Santa Maria de Saint Ripoll

Le Monastère Santa Maria de Saint Ripoll (province de Gérone) a été fondé à la fin du IXème siècle par Guifred 1er le Velu (840-897)[23]. Son fils (Sunifred II d’Urgell ?) y fut éduqué. Ce n’est qu’au XIème   siècle qu’une communauté monastique s’y installe. Le monastère devient alors un important centre de ‘production’ de manuscrits, donnant notamment la Bible de Ripoll.

De par l’importance que prendra le monastère par son scriptorium au XIème siècle, il sera progressivement agrandi jusqu’au XIIème siècle. L’église comprenait cinq nefs. Plusieurs comtes de Barcelone et de Besalú y sont enterrés. Le portail roman du XIIème siècle est un chef-d’œuvre de la sculpture romane (voir Sculpture). Le cloître, commencé au XIIème siècle, ne sera achevé qu’au 16ème. Il a la particularité d’être à deux niveaux.

Oliva de Besalù, Comte de Berga et de Ripoll (971-1046) abandonne à 31 ans ses titres à ses frères pour se faire moine. Il se retire à St Ripoll. En 1008, il devient l’Abbé de l’Abbaye de Cuxa ainsi que de l’Abbaye de St Martin du Canigou fondée en 1005-1008. En 1018, il devient évêque de Vic et fait construire la cathédrale. En 1025, il devient également Abbé du Monastère Santa Maria de Montserrat fondé la même année. Il meurt à l’Abbaye de Cuxa en 1046.

De 1070 à 1169, Saint Ripoll sera placé sous l’autorité de la très puissante Abbaye de St Victor de Marseille en liens étroits avec Cluny. Détaché de Saint Martin et surtout de Montserrat, qui en dépendait, le monastère perdra de son influence et son déclin s’amorcera.

Le tremblement de terre de 1428 entraîna une reconstruction des parties endommagées dans le Style Gothique.

Cathédrale de La Seu d’Urgell

La ville d’Urgell a été reprise aux musulmans par Charlemagne en 788. La Cathédrale de La Seu d’Urgell, Cathédrale Sainte-Marie, était le siège (seu) de l’évêché de la comarque[24] d’Alt Urgell dans la province de Lérida. Elle est construite au milieu du XIème siècle sur des vestiges paléochrétiens. Mais elle sera détruite pour que soit reconstruit l’édifice actuel. Les travaux commencés en 1116, furent achevés en 1173.

Son plan est à trois nefs et son transept compte cinq absides. Elle est dotée d’un voûtement, d’une coupole et de tours. La restauration de l’intérieur a permis de remettre en évidence des parties d’origine. L’extérieur est un bel exemple de décor lombard avec ses bas-reliefs animaliers. Les chapiteaux du cloître retiennent l’attention par leur décor humain et végétal.

Abbaye de Valldaura-Santa Creus

L’Abbaye Cistercienne Valdaure-Santes Creus (1174-1228) est située dans la province de Tarragone. Venus en 1150 de l’Abbaye Cistercienne de la Grandselve, près de Toulouse, les moines estimèrent que les terres données par la famille seigneuriale Montcada n’étaient pas suffisamment fertiles. En 1158, les seigneurs de Montagut et d’Alba firent don des terres de Valdaura. Dans une rivalité entre Tarragone et Barcelone, s’en suivit une controverse juridique entre Guillem I de Montcada[25], Sénéchal de Catalogne, et le Comte de Barcelone, Raymond Berenger IV, qui intercéda en faveur des moines. Les travaux de construction du monastère ne purent commencer qu’en 1174 pour se terminer en 1228.

Les rois d’Aragon en firent une abbaye royale en bouleversant la règle cistercienne. Ils feront poursuivre les agrandissements successifs jusqu’au XIVème siècle pour en faire un palais royal. Et les agrandissements continuèrent jusqu’au XVIIIème siècle. Le cloître et la coupole de la croisée sont de style gothique. Pierre III d’Aragon et son fils Jacques II (1291-1337) s’y firent enterrés.

Père de Valldaura, premier abbé dès 1158, avait établi les plans du monastère sur le modèle cistercien : l’église sise au côté nord du cloître, une salle capitulaire, un réfectoire, un dortoir, un scriptorium.

La nef, à six travées, flanquée de bas-côtés simples, est à voûte quadripartite. Les arcs doubleaux reposent sur des pilastres encastrés qui ne descendent qu’à mi-hauteur des piliers carrés qui soutiennent l’arcature longitudinale dont les arcs sont légèrement rehaussés. L’arrêt à mi course des pilastres qui ne descendent donc pas jusqu’à la base donne un effet de suspension et accroît l’impression d’élévation de la voûte.

La partie supérieure de la nef s’ouvre d’une baie par travée. L’abside comporte trois baies de plein cintre surmontées d’une rosace. L’intérieur est toujours selon le modèle cistercien dépourvu de toute décoration picturale et sculpturale. Le portail est roman en sa partie inférieure et gothique en sa partie supérieure avec un grand vitrail. D’abord roman, le cloître a été reconstruit dans le style gothique en 1313>1341. Ses arcades sont à remplage à réseau quadri et trilobé réalisé par l’Anglais Reinard des Fonoll (ou Desfonoll) qui, actif de 1332 à 1362, introduisit le Style Flamboyant en Catalogne. Il travailla aussi à la seu de Tarragone (http://www.enciclopedia.cat/EC-GEC-0027372.xml).


Le Roman Tardif

Au XIIIème siècle, dans la Catalunya Nova, l’École de Lérida, manifeste un goût pour la décoration d’inspiration mauresque. Le porche de la Cathédrale de Lérida ou le portail de l’Église Santa Maria d’Agramunt au décor géométrique en sont de belles illustrations (Voir Sculpture/Catalogne).


Notes
 
[1] G. Berthelot & J.Balédent Art et Secrets des Bâtisseurs -Édit. du Pont-Royal, 1961.

[2] A l’origine l’ambon « était de petites tribunes situées à gauche et à droite du chœur dans les églises paléochrétiennes. Celle de droite utilisée pour lire l’épître possédait une seule marche. Celle de gauche pour lire les évangiles en possédait deux. (Bobo Cichy Art et Secrets des Bâtisseurs, Édit.du Pont-Royal 1961)

[3] Ne pas confondre avec Naumburg dans le Hesse, plus à l’Ouest.

[4] Entre autres sources : Bodo Cichy  Art et Secrets des Bâtisseurs' Édit. Française Librairie Hachette 1961.

[5] http://jean-pierre.gourdain.pagesperso-orange.fr/corbie.html#Abb: Ordonnée par charte en 652-57 par Sainte Bathlide (†680), reine de Neustrie, belle-fille du roi Dagobert (†639), mère de Clotaire III, l'abbaye ne recevait pas moins de 22000 hectares de terres avec titre de seigneurie, et le supérieur du monastère, le titre de Comte, avec exemption pour les moines du paiement de taxes et avec entre autres droits, celui d’en toucher la mense (les bénéfices). Ce monastère était placé sous la règle sévère de St Colomban avec « sanction de 6 coups de bâton pour une toux, un bâillement, chanter faux, lécher sa cuillère sans se signer ».

[6] La basilique Sainte Marie de Mittelzell (île de Reichnau, Bade-Wurtemberg), consacrée en 816 présentait 'déjà' un plan cruciforme avec un transept en continu (sans croisée significative).

[7] https://fr.wikiarquitectura.com/index.php/Cathédrale_de_Spire:   « Le massif occidental “qui apparaît comme un transept” (?) "vers 1100 avait trois tours, qui ne sont pas conservées aujourd'hui. » (?). Affirmations qui laissent interrogateur.

[8] Cf. entre autres http://www.philippe-gavet.com/05/21/index.html

[9] http://www.philippe-gavet.com/05/21/index.html. Cf. Chapitre ‘troisième campagne’ de la Cathédrale de Worms avec évolution de la croisée de Spire (Speyer) à Milan.

[10] D'origine piémontaise, Guillaume de Volpiano est un réformateur important de la liturgie. Il est Abbé de St Bégnine en 990, puis deviendra abbé de nombreuses abbayes en Bourgogne et Normandie.

[11] Eduard van Boxtel : http://www.bourgogneromane.com/edifices/dijon.htm

[12] Philippe Gavet, Si l’art m’était conté  http://www.philippe-gavet.com/05/43/index.html

[13] Anne Prache, Persée, Bulletin Monumental 1984

http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1984_num_142_2_6368

[14] La description repose sur celle de Kergall Hervé et Minne-Sève Viviane, La France romane et gothique, Paris, La Martinière, 2000.

[15] Ni plan ni reconstitution ne semblent indiquer qu'il s'agisse d'une tour barlongue coiffant une coupole comme l'indiquent certaines sources.

[16] Ne pas confondre Molesme (Abbaye de), commune de la Côte-d'Or avec Molesmes, toujours en Bourgogne mais commune de l'Yonne.

[17] Selon les différentes sources L'Abbaye de Pontigny serait la plus grande et la plus ancienne des conservées intactes, quant aux Abbayes de Fontenay et du Thoronet, elles seraient l'une autant que l'autre la mieux conservée des plus anciennes… ??

[18] Le trétramorphe est la représentation sous la forme d'animaux ailés et symboliques des "quatre êtres vivants ". Les traditions, antique, hébraïque et chrétienne l'ont assimilé. Dans son intégration au nouveau testament, l'animal-homme représente Matthieu, l'aigle, Jean, le lion, Marc, le taureau, Luc.

[19] Protocrypte de la période carolingienne.

[20] En 1148, Raimond-Béranger IV avait reconquis la province de Tarragone, alors taïfa (royaume) mauresque; Les femmes de la ville de Tortosa se soulèvent contre les musulmans. Leur courage leur vaut d'être anoblies et faites chevalières, et l'Ordre des Femmes à la Hache fut ainsi créé.

[21] A ne pas confondre L’Abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa avec l'Église Saint Martin de Cuxac dans l'Aude, près de Narbonne.

[22] Rosanna Gorris Camos in Les montagnes de l'esprit : imaginaire et histoire de la montagne à la Renaissance, Musumeci, 2005, reprise par plusieurs autres sources, écrit que l’épouse du roi d’Aragon fonda en 1223 la Confrérie de la Vierge de Monserrat. Mais, Marie de Montpellier, dernière descendante de la dynastie des seigneurs Guilhem de Montpellier, meurt en 1216*. Certaines sources donnent même 1213 comme date de sa mort. La fondation pourrait dater de 1213 (?). Marie Guilhem n’est pas à confondre avec Marie de Monserrat (†1212), reine du (second) Royaume de Jérusalem que le roi voulut épouser en divorçant de Marie Guilhem, ce qu’il ne put.

* http://thierryhelene.bianco.free.fr/drupal/?q=node/106 Marie de Montpellier (1182-1216), spécialisés entre autres dans la généalogie du Moyen-âge.

[23] Fils de Sunifred 1er, Comte d'Urgell et de Cerdagne, Guifred le Velu est le premier Comte de Catalogne de par l’héritage des comtés de Cerdagne et Urgell, auxquels viennent s'ajouter les comtés de Barcelone et Gérone. Il développa Vic et sa plaine comme point de soudure de ses comtés. Il devint marquis de la Marche d'Espagne. Combatif, il mourut en combattant les musulmans.       (Cf. http://pyreneescatalanes.free.fr/Thematiques/Biographies/Guifred.php)

[24] En Catalogne, la comarque désigne une entité administrative et culturelle intérieure à la région. La comarque d'Alt Urgell se trouve dans la province de Lleida.

[25] Guillem de Montcada II , Vicomte de Béarn de 1171 à 1173, fils de  Guillem Ramon de Montcada I et père de  Guillem II de Montcada (Guillermo II de Béarn mort en 1229).


LA SCULPTURE ROMANE

Introduction - Contemplatifs et Esthéticiens - Les Éléments



Introduction

Avec l’Art Roman pour la première fois les arts techniques se hissent aux rangs des arts libéraux (les enseignements délivrés par les

écoles et universités).

La sculpture, la peinture, après la mosaïque byzantine, nées de et par le support architectural, vont acquérir leur propre autonomie, valoir pour elles-mêmes et être reconnues comme des formes d’expression et artistiques et didactiques à part entière. Des écoles émergent comme à Toulouse, Autun, Saint Michel de Cuxa, qui vont former des générations de sculpteurs. On pourra les distinguer de par la récurrence de motifs comme le modillon à copeaux (motif en rouleau qui évoque le copeau de bois fait à la varlope) à Toulouse, ou par l’usage d’outils comme le trépan dans le Roussillon.

« Le terme d’ornementation est employé par les auteurs médiévaux pour désigner la sortie du chaos lors de la création, et l’organisation de la matière en éléments déterminés. L’ornementation de l’église romane est aussi une sortie du chaos. L’homme reproduit un ordre et lui donne la beauté.»         (M.M. Davy, opus cité).

Les Art Barbares avaient privilégié le travail d’orfèvrerie sur l’ivoire et le bas relief, notamment sur sarcophage. L’Art Ottonien restera dans cette continuité; en exemples, cette plaque d’ivoire des environs de 970 représentant la Flagellation du Christ et Lavement de Mains exposée au Musée National de Munich ou cette plaque d’ivoire du Xème siècle représentant le Christ en Gloire, exposée au Victoria and Albert Museum. L’Art Roman, lui-même, maintiendra un temps cette tradition comme en témoigne l’Ascension en ivoire provenant de Cologne (1130), exposée également au Victoria and Albert Museum.

Mais progressivement, les sculpteurs romans vont tendre par une affirmation du relief vers plus de naturel, vers un certain naturalisme très expressif qui s’exprimera particulièrement dans les sujets profanes ou les allégories du Vice et de la Vertu.  Une volonté évidente de montrer le monde ici-bas tel qu’il est les anime. Les personnages de leurs thèmes profanes sont souvent dotés d’un fort dynamisme en opposition au hiératisme des personnages sacrés qui, quand même parfois, sont eux aussi, habités par un profond mouvement (Porche de Moissac). Certains sculpteurs nous sont restés connus tels Gislebert œuvrant à Autun, Benedetto (1150-1230) à Parme, le Maître de Cabestany à Saint Pierre de Rodes, Wiligelmo à Modène, Bernard Guildin à Saint-Sernin de Toulouse.

Parmi les témoignages les plus fameux d’une avancée certaine de l’art de la pierre vers son autonomie, on peut citer les tympans de la Basilique Ste Marie-Madeleine du Vézelay en Bourgogne et du village Cabestany dans les Pyrénées, le portail de St Ripoll en Catalogne et celui de l’Abbatiale Saint Foy de Conques en Aveyron, les chapiteaux du Cloître de Moissac, le plus ancien cloître historié de l’Art Roman et ceux du cloître de Saint Trophime en Arles.

Portes de Bernward

La première manifestation de la sculpture telle que nous l’entendons aujourd’hui en haut et bas-reliefs, se trouve dans l’Art Ottonien par le travail de moulage de bronze. Il s’agit d’abord de fondre le bronze dans des moulages de petites dimensions pour produire des crucifix, couronnes de lumière ou candélabres. Sous l’évêque Bernward (993-1022), un tournant est marqué par les réalisations à Hildesheim des portes monumentales appelées Portes de Bernward (1015), placées au portail occidental de l’Église Saint Michel, et par  la Colonne de Triomphe de l’ Église Sainte Croix.

Chaque vantail du portail de Saint Michel est coulé en une seule pièce, ce qui représente un véritable exploit technique de la part des maîtres bronziers d’Hildesheim. Les deux vantaux sont composés de petits cadres dans lesquels s’inscrivent en une expression simple et économe, en bas-relief saillant, des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament dans la stylistique stéréotypée de l’Art Ottonien. Il est néanmoins à remarquer que les mouvements des personnages évoquent les enluminures carolingiennes.

L’évêque Bernward commanda également une Colonne Triomphale (1015-1020) de près de 380 cm de haut pour 60 cm de diamètre pour l’Église Sainte Croix. Elle illustre à l’instar des colonnes de triomphe romaines le récit ‘héroïque’ christique. Ces deux réalisations sont faites avec l’ambition de hisser l’empire ottonien à la hauteur de la gloire de l’empire romain, de démontrer sa richesse et sa puissance. Deux œuvres d’art majeures au service d’une politique impériale. En matière de sculpture, les chapiteaux des églises, qui seront ultérieurement et ailleurs les toutes premières surfaces sculptées, sont ici par contre particulièrement délaissés. Le chapiteau ottonien, sans même rappeler le chapiteau antique repris par l’Art Carolingien, se borne aux chapiteaux cubiques, chapiteau en forme de pyramide tronquée renversée aux bords arrondis présentant des surfaces nues, ou à campane en forme de cloche renversée, ce qui en soi est déjà une innovation formelle.


Contemplatifs et Esthéticiens

Dans sa phase classique, l’ornementation des lieux saints est l’objet d’âpres controverse entre les Contemplatifs et les Esthéticiens. Les premiers avec St Bernard la rejettent, les seconds, derrière l’Abbé Suger, y sont favorables.

Les Contemplatifs sont tous ceux qui se rangent derrière les conceptions de sobriété de Bernard de Clairvaux (1090-1153) et le très renommé théologien Hugues de Fouilloy (…1173) qui demande à ce « qu’on lise la Genèse dans les livres et non sur la pierre ». Et St Bernard d’ajouter que « cette ornementation convient aux charnels ». M.M. Davy précise néanmoins que « la production artistique de Cîteaux a été considérable durant le premier quart du XIIème siècle ». Mais dans l’enluminure de la Bible et des Psautiers. La position de St Bernard est en fait mitigée. Il fait le distinguo entre le peuple « qui a besoin d’images » par l’enseignement délivré dans la pierre des églises, et « les moines qui tournés vers Dieu –parce que spirituels- doivent considérer comme du fumier tout ce qui peut capter leur regard. »

Si l’Ordre Clunisien encouragea la décoration des lieux saints, l’Ordre Cistercien s’y opposera. Malgré l’opposition de Saint Bernard, l’Abbé Suger (1080-1151), finissant par rompre ses relations épistolaires avec lui, poursuivra comme maître d’ouvrage mais aussi quasiment comme maître d’œuvre dans la veine ‘esthéticienne’ de l’ornementation religieuse par la réalisation de l’Abbaye de Saint Denis, qui marque une date importante dans l’apparition du Style Gothique.

M.M.Madeleine Davy évoque l’exemple significatif des vitraux :

« Là où St Bernard recommande la grisaille, Suger fait construire de fenêtres à griffons qui rappellent les tapis d’orient… Suger avoue avoir

broyé des saphirs pour obtenir la couleur bleue de ses verrières…Pendant quelques temps, il écouta les remarques de St Bernard et lui écrivit des lettres forts courtoises ; ensuite il semble n’avoir tenu aucun compte de son illustre ami. » (M.M.Davy Op.Cit.)

M.M. Davy de préciser à propos de l’abbé Suger « qu’il aime l’iconographie hermétique. Il a d’ailleurs subi l’influence d’Origène et du Pseudo-Denys. On le voit quand il s’agit de thèmes comme celui de la lumière. »


Les Éléments

Les Chapiteaux

Le chapiteau tient une place importante dans l’Art Roman. Non seulement par sa fonction avec le tailloir de relais entre la colonne et la base (sommier de l’arc), mais aussi parce qu’il dit l’esprit dans lequel l’église a été édifiée. Il est comme une signature.

C’est effectivement sur les chapiteaux qu’apparaît au milieu du XIème siècle la sculpture figurée, véritable naissance de la sculpture romane, dégagée du passé antique, point de départ de la sculpture occidentale. Cela se comprend d’autant mieux que les sculpteurs commencent dès le début du siècle par s’inspirer des chapiteaux des colonnes antiques : interprétation des motifs végétaux (des feuilles d’acanthes en Italie du Nord et à St Benoît/Loire.), des motifs stylisés que l’on trouve à St Pierre-de-Rodes (1020, Catalogne), à Conques ou Tournus pour orner les chapiteaux des cryptes mais aussi des églises.

Le Chapiteau Géométrique

En Normandie, Germanie, Bourgogne perdurera la tradition du chapiteau ottonien de forme géométrique. Le chapiteau anglo-normand suivra cette tradition avec pour exception des chapiteaux de la crypte de la Cathédrale de Canterbury qui offrent un décor de feuillages et d’animaux. Le chapiteau géométrique va évoluer :

·      D’abord le pur chapiteau cubique sans aucun ornement, simplement arrondi aux coins inférieurs du début du XIème siècle.

·      Ensuite, le chapiteau à godron, une des caractéristiques du chapiteau normand : De forme géométrique sans arêtes, il est décoré de godrons, motif rappelant le tuyau d’orgue (motif bombé, allongé, d’une forme qui évoque la goutte d’eau ou la larme renversée), motif reproduit en alignement, fréquent sur le renflement. Aisément reconnaissables sur les vases, notamment Médicis.

Puis, le chapiteau soit

·    en éventail, à motif de palmettes surmonté d’un tailloir orné d’animaux symboliques ;

·    en corbeille avec rétrécissement de la base et disparition des angles, sorte d’entonnoir sur lequel figurent des animaux symboliques, et tailloir à fleurons comme ceux de l’Église de Reichenberg (Alsace, 1140) datant de la fin du XIIème siècle et ceux de l’Église Saint Michel d’ Hildesheim (1186) ;

·    en calice, à motifs floraux et tailloir comme au Palais Impériale

 (1195) de Frédéric Ier de Hohenstaufen dit Barberousse (1128-1190 à Gelnhausen[1].

Le Chapiteau Historié

Le chapiteau à figures, dit historié, se trouvera en France, particulièrement sur les chemins de pèlerinage et en Italie. Autant le chapiteau géométrique indique son rôle mettant en valeur la charge de l’arc et la résistance de la colonne, autant le chapiteau à figures humaines ou/et animales, entièrement sculpté, se veut dégagé de toutes contraintes, de toutes poussées, en un mot autonome, dans sa signification ornementale. Avec le chapiteau historié, la sculpture se dégage de l’architecture pour valoir par elle-même.

Au XIème  siècle, tous les premiers essais pour faire sortir la figure de la pierre sont des tentatives locales sans liens entre elles. Saint Martin du Canigou montre un exemple de transition entre la sculpture ornementale et la sculpture figurative en un mélange de motifs décoratifs et d’animaux mais encore en faible relief. Dans la Crypte de Saint-Aignan à Orléans (1029), le traitement des figures animales et humaines semble comme être resté à l’état d’ébauche trahissant un manque de maîtrise. La Crypte de Saint Bénigne de Dijon dès le début du siècle montre par contre déjà une forte originalité dans le traitement de figure mi-animale mi-humaine.

Quand les figures animales puis humaines prennent forme dans la pierre, elles sont les vocables d’un récit de l’Ancien ou du Nouveau Testament à but didactique. Pour ces figures, réalistes ou allégoriques, le modèle a été les bas-reliefs des sarcophages antiques et surtout ceux des barbares, peuples qui, à la fin de l’Antiquité Tardive sont venus de l’Est et au-delà piller l’Occident pour finir par s’y installer : les Slaves, les Goths de Scandinavie, les Normands, les Prusses et les Borusses (Sudoviens, Galindiens).

Le Chapiteau Historié et Animalier d’Église

Selon une conception de l’Art Roman en tant qu’art sacré, les représentations animalières du chapiteau indiqueraient selon leur emplacement et leur axe, le lieu de passage des énergies célestes et telluriques que l’édifice capte et qui le traversent, faisant de lui une pile énergétique régénératrice (cf. Guide de l’Art Roman -Paul Trilloux, Édit. Dervy 1993)

La Tour-Porche de Saint Benoît sur Loire

La Tour-Porche de l’Abbaye de Fleury (Saint Benoit/Loire, 651),élevée sur un étage, est un moment important de l’apparition de la figure et de la représentation historiée. Bien que la date de sa construction soit un sujet de discussion serré. Ceux qui se réunissent derrière la thèse de la spécialiste de l’art médiéval Éliane Vergnolle, situent sa construction de 1120 à 1135. Pour autant, l’historien d’art, Xavier Barrali i Altet[2], sans donner de date pour la construction elle-même, échelonne la réalisation des sculptures des chapiteaux des niveaux inférieur et supérieur entre 1050 et 1075 (troisième quart du XIème siècle). L’imprécision de la date de réalisation de ces chapiteaux donne lieu qui plus est à une controverse sur l’évolution de la sculpture romane. A-t-elle suivi une évolution régulière, par étapes (acanthe, ornementation, figuration) ou bien des régions (comme ici?) ont-elles pu être en avance sur d’autres dans l’avènement du chapiteau historié?

Les chapiteaux du rez-de-chaussée et du niveau supérieur sont un régal d’inventivité. Si l’on trouve au rez-de-chaussée, le motif de la feuille d’acanthe, il est librement interprété et le sculpteur, dont on connaît son nom pour être inscrit sur un des chapiteaux, a rajouté au tailloir une frise d’animaux grotesques. A l’étage, la figure humaine, en haut relief, donne déjà toute son expressivité, et la représentation

des martyrs sans aucun souci des proportions du corps humain est des plus vivantes.

Abbaye de Cluny

La décoration de Cluny III est à la hauteur de son prestige et de sa fortune : avec ses sculptures, ses mosaïques, ses peintures, le panorama décoratif est complet et pour autant sans que la qualité soit prise en défaut à en juger par ce qui a pu en être retrouvé après le passage des démolisseurs de la Révolution Française : sculptures du chœur et des huit chapiteaux du déambulatoire, du pavement et des tombeaux. Les chapiteaux où personnages et végétation sont étroitement et librement mêlés, révèlent une symbolique morale et cosmogonique : Le cinquième Ton du Plain-chant sur le huitième chapiteau est une référence au péché originel. Les quatrième et cinquième chapiteaux font référence aux vertus théologales et cardinales. Le sixième représente les Quatre Fleuves du Paradis.

Le programme du vaste ensemble décoratif de Cluny III soulève bien des interrogations. Les interprétations divergent. Certains y voient la cosmologie chrétienne (les saisons et les fleuves), l’érudition (les artes liberales) et le plain-chant. (http://ow.ly/Knicz). D’autres pensent qu’il faut en trouver la clé dans l’aspect visuel ; Et pour d’autres, il faut la chercher dans la production scripturale de Cluny. Tous accordent l’ensemble ornemental du déambulatoire à un seul sculpteur appelé le Maître de Cluny, maître dans le nu, l’acanthe et surtout le drapé qui restera une des caractéristiques de la sculpture bourguignonne. Élégance, maîtrise du mouvement gracieux, expressivité des visages sont sa signature. Il a servi d’exemple sans pour autant de même  réussir aux autres sculpteurs de Cluny III et à du Vézelay.

« La maîtrise du nu, la force du modelé, le mouvement des plis, l’agitation calligraphique qui rappelle les enluminures, ainsi que la majesté du traitement du corinthien sont quelques traits de ces œuvres maitresses que les moines de Cluny ont voulu porter peu avant 1120 (peut-être même vers 1110) au sommet de l’art occidental. » (Xavier Barrali i Altet, opus cité).

Non loin, au Musée du Farinier, sont déposés les vestiges de l’abbaye.

Cathédrale Saint Lazare d’Autun

Outre son magnifique portail ouest du Jugement Dernier, qui est un des grands chefs-d’œuvre de la sculpture romane sur lequel le sculpteur Gilebertus a exceptionnellement inscrit son nom, la Cathédrale Saint Lazare d’Autun (1120-1146) donne à voir de remarquables chapiteaux exécutés entre 1125-30 : Fuite en Égypte, David et Goliath, 4ème tons de la musique…

Le Musée (ou Hôtel) Rolin conserve une pièce maîtresse de la sculpture romane, La Tentation d’Ève. Cette pièce, placée initialement sur un tympan, montre une Ève aux seins nus, allongée dans une forme ondoyante reposant sur un coude et un genou, la tête posée sur une main tandis que l’autre longeant tout le corps cueille derrière elle la pomme. Expressive, lascive, cette Ève nue, d’une grande délicatesse d’exécution, hisse à elle seule la sculpture romane au niveau le plus élevé de l’art européen.


La Sculpture sur Marbre en Catalogne

Au XIIème siècle, les relations sont étroites entre la Catalogne,

le Sud de la France et l’Italie du Nord. Le marbre était déjà utilisé en réemploi mais au milieu du XIIème siècle, les carrières de marbre du pays catalan (Céret, Villefranche de Conflent) servirent directement à la sculpture ornementale des monastères comme à

L’Abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa, au Cloître d’Elne, au Monastère Bénédictin de Sant Pere de Rodes, à la galerie (tribune) du  Prieuré de Sainte-Marie de Serrabone.

Formés à l’origine en Italie du Nord, les marbriers développent pour orner chapiteaux et tribunes, un style caractéristique avec les mêmes thèmes d’animaux à double corps, de végétaux, de scènes historiées. Exerçant leur art de génération en génération, leur influence se fera ressentir jusqu’à l’autre extrémité des Pyrénées au Le Monastère Santa Maria de Saint Ripoll et à la Cathédrale de Vic.

Prieuré de Sainte-Marie de Serrabone

Le Prieuré de Sainte-Marie de Serrabone fut construit en 1082 (Premier Roman) sur un plan modeste à nef unique et arc brisé. Ce plan se développa au XIIème siècle par l’ajout d’abside, transept et clocher, lorsque s’installèrent des chanoines.

L’ensemble des sculptures de Serrabone (cloître, portail, galerie,tribune) est un des plus beaux exemples de la sculpture pyrénéenne. Le très beau marbre rose de Conflent utilisé embellit l’ouvrage. La galerie ornée a été inaugurée en 1151, date de la consécration de l’église. Un bestiaire fantastique et réaliste décore en fort relief ses chapiteaux. A la tribune, sur la façade rythmée en trois arcs sont représentés en bas-relief, aux écoinçons (espace entre les arcs), les symboles des évangélistes (le tétramorphe: aigle, lion, taureau et homme). Aux voussures sont sculptés des animaux fantastiques dans un décor végétal; Tandis que les chapiteaux, en haut-relief, présentent un bestiaire d’animaux fantastiques ou aigles et singes à la signification symbolique.  Le prieuré est actuellement en restauration.


Le Cloître

Le cloître est le lieux clos par excellence. Il est le centre topo- graphique du monastère (abbaye ou prieuré) et le centre de la viecommunautaire. Lieu de circulation, de rencontre, de promenade, il est aussi lieu de recueillement. Espace clos, il symbolise le retrait du monde. Il servait parfois à désigner le monastère lui-même. Se cloîtrer a pris le sens général de rester volontairement enfermé en un lieu.

Son architecture est à rattacher directement à l’atrium romain. Espace central en plein ciel, le plus souvent carré, il est planté parfois de simples. En son centre est érigée une fontaine (ou lavabo). Il est entouré de quatre galeries à portique, ouvertes par des arcades formant préau. Il donne accès aux bâtiments indispensables à la vie communautaire et spirituelle: Chapitre, réfectoire, église (généralement adossée à son bas-côté nord), scriptorium ou bibliothèque (souvent la seule pièce chauffée). Il arrive, mais rarement, comme à Saint Guilhem-du-Désert ou au Thoronet, qu’une ou plusieurs galeries soient surmontées d’un niveau supérieur.

« Tout au long du haut Moyen-âge, les portiques primitifs des anciens péristyles ou atriums s’affirmèrent comme étant la meilleure solution pour l’organisation et la communication entre les différents espaces monastiques disposés autour d’une cour centrale. L’usage de colonnes alternées avec des piliers comme support des arcades qui s’ouvraient sur la cour, et de chapiteaux de nouvelle facture se généralise dans l’Art Roman. Or, à partir du XIe siècle, ces chapiteaux incorporent souvent la figuration et la narration. Et c’est là, à côté du développement des grands portails, une nouveauté remarquable de la sculpture monumentale romane : le déploiement d’images et de scènes discursives sur les chapiteaux des galeries claustrales. Dans le cas de la Catalogne, la sculpture des cloîtres est l’un des chapitres les plus importants et les plus intéressants Roman[3]. »

Le Cloître a la particularité d’être un ouvrage facilement démontable. Ce qui présenta un avantage lorsqu’il s’est agi à la période gothique de rénover, d’agrandir ou de moderniser les bâtiments, mais ce qui offrit une triste facilité quand, après la Révolution Française, on les dilapida à des fins commerciales. L’Américain George Grey Barnard constitua un Musée du Cloître à New-York après avoir acheté des éléments de plusieurs cloîtres français.

« Nos monastères du Nord n’ont guère conservé de cloîtres romans d’une certaine valeur; car pendant les XIIIème et XIVème siècles, les religieux de ces contrées détruisirent presque partout leurs anciens cloîtres ouverts pour les remplacer par des galeries vitrées ou à peu près closes. D’ailleurs, le mouvement de rénovation de l’architecture qui, dans le Nord, avait commencé, vers le milieu du XIIème siècle, par la reconstruction des cathédrales, fut suivi par celle d’un grand nombre de monastères. La reconstruction des églises des abbayes exigeant des sommes énormes, les édifices anciens furent conservés. Mais les cloîtres, constructions assez légères et exigeant des dépenses comparativevement moins considérables, furent presque tous rebâtis dans le goût nouveau.» (http://patrimoine-de-france.com/ references/ cloitre.php) 

Mais nombre de cloîtres du Sud de la France disparurent aussi, ceux de La Daurade et de Saint Etienne à Toulouse par exemple. Le XIXème siècle qui fit un retour architectural sur le Moyen-âge vit naître des initiatives en faveur de leur reconstitution, là aussi avec l’avantage d’un remontage facile.

Suivant l’évolution de l’Art Roman , au XIIème siècle, les cloîtres devinrent des lieux privilégiés de la décoration. Alors qu’au XIème siècle, ils étaient quasiment tous encore dépourvus de toute ornementation, au siècle suivant, les supports des arcades (piliers et colonnes) et les chapiteaux vont sauf pour le mode cistercien, s’animer d’une riche décoration aux thèmes variés et participant à l’évolution de l’art sculptural.

Non seulement les chapiteaux seront ornés, mais également les colonnes ou colonnettes parfois simples puis jumelées qui portent en alternance de cinq en cinq avec des piliers, la charge des arcatures soutenant le versant de la toiture, toiture d’abord en charpente mais ensuite au XIIIème siècle systématiquement remplacée par des voûtes d’arêtes. Ces supports sont finement travaillés en torsade ou parfois comme à Saint Guilhem-du-Désert des personnages y sont engagés.

Les passages ou portes d’accès vers les bâtiments principaux pouvaient être surmontée d’une archivolte ouvragée voire d’un tympan. Les traces de polychromie dans certains cloîtres confirment l’usage d’une coloration des sculptures des chapiteaux tout au long des galeries, mais aussi de certains panneaux muraux.

Cloître de Saint Guilhem-du-Désert

Le Cloître de Saint Guilhem-du-Désert (XIème-XIIème siècles) est un malheureux exemple du pillage d’un trésor artistique par ignorance. Bien national à la Révolution Française, il a été successivement vendu pour que s’y installent une filature de coton, une tannerie ou de simples particuliers. Puis, il  a été acheté par un maçon. Chacun venait récupérer les pierres taillées et emportait les sculptures qui se trouvent maintenant disséminées dans la région. Une partie se trouve reconstituée au Musée du Cloître à New-York comme une partie également du Cloître de Saint Michel de Cuxa.

Cloître d’Elne

  Très tôt, à partir de l’Abbaye de Saint Michel de Cuxa s’est développée une école de sculpteurs-marbriers qui a rayonné dans toute la Catalogne. Le marbre, extrait généralement des carrières de Céret ou de Villefranche de Conflent (Pyrénées-Orientales), était utilisé pour la construction des chapiteaux et des colonnettes.

Le Cloître d’Elne (XIIème-XIVème siècles) offre des chapiteaux et des supports d’un travail remarquable. La variété de la décoration est surprenante. Dans les faces intérieures des colonnes sont engagés des personnages, d’autres sont ornées d’écailles ou d’entrelacs, de torsades, de cannelures, d’autres biseautées. L’ensemble est en marbre.

Cloître de Moissac

Voir aussi Roman Français/Abbaye Saint Pierre de Moissac et Portail Occidental/Portail de Saint Pierre de Moissac.

Le Cloître de Moissac est le plus ancien cloître historié de l’Art Roman.  Couvert de charpente et non voûté, il a été construit au XIème siècle et en partie déposé pour être reconstruit fin XIème  - début XIIème  siècle. Une inscription indique qu’il fut terminé en 1100. L’Abbaye dépendait, dès 1048, de Cluny qui favorisait une riche décoration. Mais elle dépendra au début du XIIème siècle de Cîteaux. Sa décoration date donc d’avant qu’elle ne passe sous la règle de Cîteaux; les Cisterciens, depuis que St Bernard en 1124 a marqué sa totale désapprobation pour toute ornementation, préféraient une sobre solidité, bâtissant en voûtes d’arêtes et bons piliers. Les cloîtres des Sœurs Provençales (Sénanque, Silvacane, Thoronet) sont à ce titre représentatifs du cloître cistercien, ceux de Cîteaux et de Clairvaux ayant disparus.

Le Cloître est réputé pour la richesse de ces thèmes. Les piliers d’angles sont plaqués de bas-reliefs de marbre figurant les apôtres. Ce procédé peut expliquer le rapprochement stylistique avec la gravure sur plaque d’ivoire, qui a précédé techniquement le bas-relief lapidaire. Les chapiteaux historiés (Genèse, Miracles de St Benoit etc.) s’agrémentent de thèmes floraux et animaliers. Jusqu’au XVIIIème siècle, à l’angle N.O. se trouvait une fontaine (ou lavabo).

Cloître de La Daurade

Construite au Vème siècle  à Toulouse  sur un très ancien site  wisigoth,  la  Basilique Notre-Dame de La Daurade  a été rattachée à l'Abbaye de Moissac en 1077. Dans la seconde moitié du XIIIème siècle, elle est démolie pour que soit construit à son emplacement un monastère néoclassique.  Elle possédait à l’époque romane, un cloître historié qui, après le Cloître de l’Abbaye de Moissac,  marque une étape importante dans l’évolution du chapiteau historié:

« On y retrouve tout un récit continu disposé sur un ensemble de chapiteaux… C’est la formule qui est adoptée au XIIème siècle

dans un certain nombre de galerie de cloître: Gérone, St Cugat del Vallès, Tarragone (Catalogne). »

Cloître de Saint Trophime d’Arles

Le Cloître de Saint Trophime (ou Trophyme) date pour les galeries sud et ouest du début du XIIème siècle, pour les galeries nord et est de la fin du siècle (1180). Chaque galerie s’étend sur trois travées rythmées chacune en quatre arcatures portées par des colonnettes jumelées, et séparées de puissants piliers, doublés aux angles. Leur voûte est d’un berceau continu. Comme pour la façade de son église, l’influence romaine est évidente aussi bien dans l’architecture que dans la sculpture qui nous montre aux piliers des personnages bien affirmés.

Comme à Moissac, l’on retrouve la continuité du récit de chapiteaux en chapiteaux, mais ici, sont intégrés aux épisodes du Nouveau Testament avec des réminiscences de l’Ancien, les personnages des saints d’Arles, Étienne et Trophyme. Le Cloître de Saint Trophime est incontestablement un des plus beaux du Sud de la France et même de France.

Cloître de Saint Trophime d’Arles

Le Cloître de Saint Trophime (ou Trophyme) date pour les galeries sud et ouest du début du XIIème siècle, pour les galeries nord et est de la fin du siècle (1180). Chaque galerie s’étend sur trois travées rythmées chacune en quatre arcatures portées par des colonnettes jumelées, et séparées de puissants piliers, doublés aux angles. Leur voûte est d’un berceau continu. Comme pour la façade de son église, l’influence romaine est évidente aussi bien dans l’architecture que dans la sculpture qui nous montre aux piliers des personnages bien affirmés.

Comme à Moissac, l’on retrouve la continuité du récit de chapiteaux en chapiteaux, mais ici, sont intégrés aux épisodes du Nouveau Testament avec des réminiscences de l’Ancien, les personnages des saints d’Arles, Étienne et Trophyme. Le Cloître de Saint Trophime est incontestablement un des plus beaux du Sud de la France et même de France.

« Le cloître de Saint-Trophime appartient à deux époques : deux galeries sont romanes et datent du XIIe siècle, les deux autres sont gothiques et datent du XIVe. Et il y a ici aussi un décor sculpté exceptionnel avec un très riche bestiaire imaginaire. Et, là encore, on voit bien que les architectes ont réemployés les colonnes de l'antiquité romaine… La galerie nord s’attache à la représentation des saints patrons de l’église d’Arles et du mystère pascal. La galerie est, plus large, intègre des motifs gothiques. Sur les piliers l’évocation de la Passion du christ et sur les chapiteaux le récit de l’enfance et de la vie du christ. Les deux autres galeries plus tardives et le grand portail sont de style gothique. Les chapiteaux de la galerie sud évoquent la vie de Saint Trophime. La galerie ouest évoque des thèmes éclectiques dans son décor comme le couronnement de la vierge ou le culte des saints de Béthanie » (https://www.cityzeum.com/cloitre-saint-trophime? utm_content=cmp-true).

Cloître de Saint Paul de Mausole

Le cloître de Saint Paul de Mausole, près d’Arles en Provence, date des XIème et XIIème siècle. (Voir Le Roman Provençal/St Paul de Mausole).


Le Portail Occidental

La richesse, l’importance du projet sculptural des chapiteaux à

l’intérieur des églises comme celles de Saint Sernin à Toulouse et de Saint Jacques à Compostelle montrent à quel point la nécessité se faisait sentir de poursuivre au-delà, à l’extérieur, l’expansion de l’ornementation. Non seulement, cette extension relève d’un but didactique, et au portail qui plus est d’édification, mais elle dévoile aussi le besoin de ces abbayes et de leur abbés, -St Sernin et St Jacques ne sont en cela que des exemples parmi bien d’autres- le besoin de faire montre de leur richesse financière, de leur puissance et, de fait, de leur autorité.

Au XIIème siècle, la sculpture prend en effet de l’ampleur. Elle trouve une nouvelle surface adaptée par ses dimensions à sa nouvelle importance: les façades ouest des églises. Avec son élément central et principal, le tympan surmonté de son archivolte, la façade ouest matérialise le passage du profane au sacré.

Porches des entrées ou portail des narthex verront leurs tympans habités par le Christ en Majesté (Narthex du Vézelay), le Jugement Dernier (Abbaye de Conques, Cathédrale d’Autun), l’Endormissement de la Vierge dans des visions apaisantes ou terrifiantes (Portail des Orfèvres de St Jacques de Compostelle).

Leur archivolte sera animée d’anges en adoration (Portail de Notre-Dame à Sainte), ou d’épisodes de la vie d’un prophète.

Au centre du portail, le trumeau portant deux arcs géminés représentera le Saint dédicataire (Saint-Loup-de-Naud, Île-de-France).

Et les façades verront défiler en galeries, les Anciens Rois, les Prophètes et les Saints ou comme dans l’Art Lombard les alignements de figures animalières.

Le tympan n’est pas un monolithe. Il est constitué de blocs de pierre juxtaposés et sculptés avant la pose. Ce qui témoigne d’une organisation d’atelier remarquable… « Le problème principal étant celui de la coïncidence, pas toujours recherchée entre découpage stéréotomique (taille et assemblage de l’appareillage) et découpage iconographique. » (Xavier Barrl i Altet, opus cité). A noter qu’une des caractéristiques de la sculpture romane, de même qu’en peinture, est de donner aux personnages représentés une grandeur proportionnelle à leur importance dans la hiérarchie céleste et sociale non en fonction de la perspective géométrique telle qu’elle sera pratiquée à partir de la Renaissance  mais selon ce qu’on appelle la « perspective d’importance » ou « perspective de dignité ». Ainsi le Christ domine toujours par ses dimensions les autres personnages, voire déborde du tympan (Vézelay).

Comme sous l’Antiquité, que ce soit en période romane ou gothique, la pierre sculptée n’était pas laissée à son aspect naturel. Elle était revêtue d’une polychromie soutenue faite de tons puissants, vifs et très variés. Il faut donc imaginer l’impression saisissante à Conques ou ailleurs, que pouvaient donner un tympan. Non encore visible de loin puisqu’il n’y avait pas encore de parvis, mais se détachant de la masse de pierre imposante de l’édifice déjà renversant par sa hauteur entouré qu’il était de maisons basses en bois.

St Jacques de Compostelle

Selon la Tradition ou la légende, le courant poussa la barque qui contenait la dépouille de Jacques le Majeur, un des apôtres pécheurs de Jésus-Christ, sur les côtes de Galice. Il fut inhumé dans un Compos tum, lieu de décomposition des matières organiques, autrement dit un cimetière. Ce qui donna le nom de Compostelle, et qui a donné son nom au mélange de matières organiques et végétales utilisés comme engrais.

  • Le Portail des Orfèvres se trouve au transept sud. Le plus ancien, entre 1103-1107, il est à double baie. Le tympan de gauche présente une vision fantasmagorique de la Tentation du Christ par des scènes séparées dont l’ordre de lecture reste incertain…s’il y en a un. Le tympan de droite traite de la Nativité (partie haute) et de la Passion (partie basse). Par rapport au Portail de Gloire de la fin du siècle, il demeure dans une tradition édifiante du roman.
  •  Le Portail de France ou Porte du Paradis se trouvait au transept nord. Par là, entraient les pèlerins venus de France. Il datait de 1122. Il fut démonté au XVIIème siècle.
  • Le Portail de Gloire, situé dans le narthex, est plus tardif. Commencé en 1168, sa date d’achèvement est inscrite au linteau central: 1188, avec le nom de son auteur, maître-d’oeuvre de la cathédrale: Maître Mathieu[4] (Mateo). Il a pris la place d’un portail plus ancien, construit cinquante ans plus tôt. Son programme architectural est d’une extraordinaire ampleur. Il est complexe. Axé sur le thème du Jugement Dernier, il se combine avec celui de l’Apocalypse. Il est imposant, empreint de solennité mais également d’une très belle plastique. Le traitement des prophètes et des apôtres dans leur alignement annonce les galeries des rois de la période gothique. Drapés, expressions, mouvements sont d’une grande finesse de ciseaux. L’évangéliste à l’extrême droite, Jean (et non un prophète) sourit.

         Il se développe en trois arches:

  •  Le portail central, d’inspiration johannique suivant le thème de l’Apocalypse est lui-même divisé en deux baies.

                     - À son tympan l’on voit le Christ-juge, portant les stigmates, entouré des tétramorphes et d’anges munis des instruments de la Passion.

                          Les voussures sont occupées par les 24 vieillards de l’Apocalypse.

                   - Au trumeau se trouve Saint Jacques. Il surmonte une demi-colonne engagée sur laquelle est figuré l’Arbre de Jessé, qui symbolise l’ascendance terrestre du Christ;

                       Le chapiteau du trumeau montre par la Trinité, l’essence divine du Christ.

                - Les supports centraux qui font ébrasement alignent à droite les quatre prophètes Moïse, Jérémie, Isaïe et Daniel, et à gauche les évangélistes.

                   Ils étaient à l’origine peints.

  • Le portail de droite représente le jugement dernier au centre duquel le Christ et St Michel répartissent les âmes entre enfer et purgatoire.
  • Le portail de gauche représente des scènes de l’Ancien Testament ou la libération des âmes. Aux voussures les grands personnages de la Bible.
  • Le Portail del Obradoiro sera construit dans le style baroque au XVIIIème siècle, devant le Portail de Gloire, en en faisant le portail du narthex.
Santa Maria de Saint Ripoll

Les historiens de l’Art Roman ont surnommé le Portail de Santa Maria de Saint Ripoll “un art de triomphe chrétien“. Ce portail, généralement daté au XIIème siècle, est un des chefs d’œuvre de la sculpture romane. Ses mesures tout d’abord: 11 m de long pour 7 mètres de haut soit 77m2 de sculpture en haut et bas-relief.

Saint Pierre et Saint Paul (en partie détruits) sont placés à l’embrasement de part et d’autre de la porte d’entrée. Leur vie est racontée dans la voussure au-dessus d’eux. La voussure la plus intérieure est consacrée à Daniel et Jonas. L’arche d’entrée est consacrée à Abel et Caïn (et à Jonas?) tandis que les faces internes des embrasures, six par côtés, représentent les mois de l’année.

De chaque côté du portail se superposent cinq ensembles 1-2-3-4-5 séparés par des frises. Une frise tangente à la voussure supérieure de la baie délimite le sixième et dernier ensemble qui occupe toute la longueur de la façade.

De bas en haut:

1- : Source José Maria Cabrera Garrido : Sont représentés en haut relief des animaux fantastiques, en bas-relief des personnages et des animaux.

   : Source Wikipédia: Les animaux représentés sont généralement associés aux visions du prophète Daniel.

2- : Source José Maria Cabrera Garrido: Le panneau au-dessus en alignement de personnages sous d’étroites arcades expose à gauche le Roi David et ses musiciens, le Christ devant Ponce Pilate et le martyr d’un évêque.

        : Source Wikipédia: le Roi David avec ses musiciens à gauche, et à droite les tables de la loi remise à Moïse suivi 

d’Aaron et d’un prince inconnu.

3-4-5 : Source José Maria Cabrera Garrido: Les trois autres panneaux supérieures qui s’étagent jusqu’au sommet de la baie centrale retrace la vie de Moïse.

3-4 : Source Wikipédia: Les deux franges centrales relatent à gauche les vies de rois bibliques David et Salomon et à droite celle de Moïse.

6- : Source José Maria Cabrera Garrido[5] : Le Christ trône en Majesté entouré des 24 vieillards de l’Apocalypse.

5-6 : Source Wikipédia : Les deux franges  supérieures représentent le Christ Pandokrátor entouré des tétramorphes, des 24 !vieillards et des bienheureux.

Sainte Foy de Conques

Le Portail de l’Abbatiale de Sainte Foy de Conques a probablement était réalisé sous l’abbatiat de Boniface entre 1107 et 1125. Il mesure de 6,70 mètres de large et 3,60 mètres de haut. La seule partie sculptée est son tympan, à laquelle il faut rajouter une vierge sous dais entre les deux portes. L’archivolte et son intrados, le gable au-dessus, les embrasements sont nus. Cent vingt-quatre personnages sont représentés dont quarante peuvent être identifiés, tous en très bon état de conservation.

Deux écoles s’affrontent sur la signification de ce tympan. S’il est généralement admis que le tympan est une représentation du Jugement Dernier- Paradis à droite, Enfer à gauche-  Pierre Séguret[6] qui a consacré vingt ans à l’étude de ce tympan soutient qu’il s’agit non du Jugement Dernier mais de la Parousie[7]. La thèse médiane vaudrait de considérer la Parousie comme un Jugement Dernier à la seconde venue du Christ avec pour thème coordonnateur, le thème du salut et la purification des âmes par le passage au purgatoire, autrement dit, selon les termes de P.Séguret, une « Pastorale du Salut ».

Notre-Dame- de-Naud

Le Portail de Notre-Dame de Naud (Seine et Marne) est remarquable pour les statues colonnes qui occupent les ébrasures. Trois de chaque côté. On reconnaît à gauche Saint Pierre et Saint Paul. Saint Loup, évêque de Sens est placé au trumeau. Le tympan montre le Christ en Majesté entouré des tétramorphes. Il daterait de 1160. Il est abrité par un porche à croisée d’ogives.

Saint Pierre de Moissac

Voir aussi le Cloître de Moissac et /l’Abbaye Saint Pierre de Moissac.

Le portail sud est généralement donné comme ayant été exécuté vers 1115-1120 mais certaines sources le donne achevé sous l’abbatiat d’Anquistil dès 1110. Le tympan est constitué de vingt-trois dalles et mesure 6,5m sur 4,5m. Le thème central est l’Apocalypse avec un Christ couronné à l’allure impériale, les pieds posés sur la « mer de cristal» dont parle l’Apocalypse 4:6 : « Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal. Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d’yeux devant et derrière. » (Bible L. Segond); Il est entouré des quatre tétramorphes. Les 24 vieillards en dessous de lui.

Sur les côtés du portail est figuré le récit du salut. La silhouette très mince, élancée et sinueuse que le sculpteur a donné à ‘ses’ personnages les détache nettement les uns des autres et met en valeur chacune de leur attitude en mouvement. L’aspect « chétif », malingre de ces silhouettes, leur confère un caractère pathétique. Saint Paul est placé sur le côté gauche du trumeau. Le prophète Jérémie est placé sur le côté droit. Son mouvement de torsion créé par le passage de sa jambe gauche devant la droite et sa tête penchée vers son épaule gauche se transmet à l’ensemble du support. La face sud représente trois lionnes élevées en un mouvement sinueux sur un fond végétal.

On retrouve dans les personnages du Portail de l’Abbatiale de Souillac (1140) la même flexibilité, élasticité dans la même recherche d’élégance du mouvement. Sont également notables les festons des pieddroits qui portent en leur milieu des personnages dont le déhanchement s’accorde aux festons.

Le Maître du Tympan de Cabestany

Actif dans la seconde moitié du XIIème siècle, le Maître de Cabestany doit son (sur)nom au village de Cabestany près de Perpignan où il a laissé une de ses œuvres majeures, un tympan de l’Église Notre-Dame-des-Anges, aujourd’hui à l’intérieur de l’église. Son iconographie représente une Assomption tirée de l’apocryphe Livre du Passage de la Vierge[8].

Caractéristiques de son style: Les visages de ses personnages sont très vivants, soit sereins comme celui de Marie, soit effrayants comme celui christ de ce tympan; Anguleux, ils présentent toujours un front bas, un menton enfoncé, des oreilles hautes, et les yeux en oblique sont percés au trépan pour ‘donner » la pupille. Leurs mains sont disproportionnées.

La riche documentation du dépliant de l’Office du Tourisme du Boulou, dans sa présentation du Portail de l’Église Sainte Marie (au Boulou) donne non seulement une lecture de la frise exécutée au-dessus du portail par le Maitre de Cabestany, et qui relate l’Enfance du Christ, mais offre également une approche circonstanciée et aussi générale de sa manière:

« Une œuvre étonnante, à la fois par sa singularité de traitement

des sujets, par l’absence d’académisme, mais aussi par sa rusticité. A remarquer : L’absence de séparation entre les scènes qui composent la frise, ou bien l’originalité de la composition en équerre de la Nativité. La rudesse de traitement des visages, leur sévérité, ou bien la manière de structurer les corps par la seule reproduction des draperies qui les enveloppent. La densité d’occupation de l’espace qui caractérise toutes les sculptures du Maître de Cabestany, quels que soient les lieux où elles se sont épanouies. La disproportion fréquente des corps au profit de l’expression des attitudes ou des visages. Dans la fuite en Égypte, les preuves de fantaisie réalistes que constitue la présence d’éléments insolites. »[9]

Pour l’occasion, le Maître de Cabestany est comparé au maître de Saint Lazare d’Autun, Gilesbertus (cf. Chapiteaux Historiés et animaliers).

Une autre œuvre importante du maître, toujours en marbre blanc, est son sarcophage dit de Saint Sernin à l’Église du Monastère Saint Hilaire de Cabestany. Vu ses dimensions intérieures trop étroites pour renfermer une dépouille et une seule face étant ouvragée, il s’agit en fait d’un maître-autel. La face sculptée retrace la vie de Saint Saturnin (Sernin). Elle joue le rôle décoratif d’un frontal ou d’un devant d’autel généralement en tissu brodé appelé antependium.

Le Maître de Cabestany et son atelier exerceront leur art du marbre en Catalogne, Roussillon et jusqu’en Aquitaine. Leur influence, sinon les sculpteurs eux-mêmes, se retrouveront jusqu’en Toscane. Maître et atelier s’inscrivent dans la tradition des sculpteurs de l’Antiquité Tardive.


Notes
[1] La ville impériale de Gelnhausen est fondée en 1170 par Fréderic Barberousse. L’auteur du célèbre roman picaresque sur fond de Guerre de Trente Ans, Les Aventures du Simplicius Simplicissimus (1668), Johann Jakob von Grimmelshausen y verra le jour vers 1620 (†1676)

[2] Xavier Barrl i Altet in La Sculpture –Skira, 1989-Taschen, Köln 2002.

[3] Otzet, Immaculada. (2015).Universitat de Lleida- Sculptures, emplacements et fonctions des cloîtres romans en Catalogne.. Et pour en savoir plus sur le cloître roman et particulièrement en Catalogne voir ‘Les Cahiers de St Michel de Cuxa’ XLVI 2015 : Association Culturelle de St Martin de Cuxa.

[4] « Plutôt qu'une imitation du "demi-gothique" bourguignon, il nous semble voir dans la chapelle basse du porche de Compostelle, les expériences d'un artiste encore jeune qui fait l'apprentissage du gothique » : Georges Gaillard, Le Porche de la Gloire à Saint Jacques de Compostelle et ses Origines Espagnoles- Cahiers de civilisation médiévale An 1958 Volume 1 Numéro 1-4: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_00079731_1958_num_1_4_1068).

[5] José Maria Cabrera Garrido in Le Portail du Monastère de Santa-Maria de Ripoll. Étude scientifique pour sa conservation :

« Des historiens de l'art trouvent, en Italie, des œuvres disposées de manière analogue, à Saint-Zénon de Vérone, à Saint-Michel de Pavie et à la Cathédrale de Modène ; ils supposent que les sculpteurs qui décorèrent la riche église catalane, étaient des comacini, voyageurs comme ceux qui atteignirent les vallées les plus reculées des Pyrénées pour travailler en 1175 à la Cathédrale de la Seu d’Urgell» ; http://www.international.icomos.org/monumentum/vol1/vol1_8.pdf

Pour Maestri Comacini, voir Écoles Romanes/Roman Lombard.

« Des correspondances stylistiques sont manifestes entre le portique et le sarcophage de Raimond-Bérenger III de Barcelone (1082-1131) ainsi qu'à une aile du cloître : l'élaboration des reliefs est donc postérieure à la mort du comte. » (Wikipédia sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Monastère Saint-de-Ripoll ).

[6] Cf. http://www.art-roman-conques.fr/

[7] Larousse: "Retour glorieux du Christ à la fin des temps en vue de l'établissement définitif du Royaume de Dieu.".

[8] Dormition de la Vierge du Pseudo-jean ?

[9]http://mairieleboulou.fr/fwadmin/mix_upload/Depliant_Maitre_de_Cabestany_web.pdf



LA PEINTURE ROMANE

Introduction - Les Supports - La Peinture Française -

La Peinture Catalane -La Peinture Anglo-normande -

Introduction

Voir aussi Art Gothique /Peinture

L’art pictural tel que nous le concevons de nos jours comme art autonome n’existe pas en tant que tel dans le Haut Moyen-âge et le début du Bas Moyen-âge. La peinture quel que soit son support - manuscrits pour l’enluminure et miniature, murs des lieux sacrés ou profanes pour la fresque, les chapiteaux ou bois sculptés pour le décor polychrome - est toujours liée à un autre art, l’architecture, la sculpture, la calligraphie. L’art de la mosaïque avait lui atteint son autonomie à la sortie la période paléochrétienne, au tout début du Haut Moyen-âge avec des réalisations exceptionnelles comme l’ensemble de Ravenne.

La peinture ‘autonome’, celle sur un support mobile (bois, toile), qui sera appelée par la suite ‘peinture sur chevalet’ n’apparaîtra que dans la seconde moitié du XIVème siècle. « L’art de peindre au Moyen-âge ne s’exerce jamais pour lui-même, il est toujours pratiqué en vue de constituer le décor d’un objet déjà fait» (P. Francastel, Histoire de la Peinture Française I, Édit Meddens S.A. Bruxelles 1955)

Comme la sculpture, et plus encore, l’art pictural restera longtemps dépendant de l’architecture. Si l’on veut la faire commencer après 1050, par exemple à partir de la Fresque de Saint Michel,  de la tribune nord du transept de la Cathédrale du Puy-en-Velay, d’inspiration byzantine, pour la prolonger selon les régions, jusqu’en 1180 pour la France et 1250 pour les autres pays (Italie, Germanie, Espagne), la période qui alors la précède, et qui correspondrait à la Peinture Préromane, est généralement rattachée historiquement parlant aux périodes ottonienne voire carolingienne.

La Peinture Romane, et il en est de même pour la Peinture Préromane, s’alimente à deux veines : une veine didactique, paléochrétienne : il s’agit d’enseigner de façon simple le fait religieux; et une veine ornementale, celtique, issue de la tradition carolingienne et ottonienne. Quant à son style, elle puise son inspiration stylistique dans l’Antiquité pour un retour au réalisme, dans les Arts Barbares pour l’ornementation, et dans l’Art Arabe pour ce qui est des représentations du fantastique.

Des exemples de la Peinture Préromane qui peuvent être donnés comme représentatifs sont :

·      Les peintures de l’Église Saint Michel de Fulda. Cette église est un des édifices des plus importants de l’Art Préroman Germanique. Elle servait de chapelle mortuaire à l’Abbaye de Fulda, qui, fondée en Saxe en 744, était le plus grand centre culturel de la Renaissance Carolingienne.

·      Les peintures des murs de la nef et celles plus anciennes de l’abside de l’Église Saint Vincent de Galliano (1007, Lombardie).

·      Les importantes peintures ottoniennes de Saint-Georges d’Oberzell (voir École de Reichnau) : les fresques du IXème siècle sur les murs de refend (au-dessus des deux arcatures) de la nef de St Georges et les peintures murales de l’abside de St Pierre et St Paul de la première moitié du XIème siècle revêtent un intérêt exceptionnel autant artistique que pour l’histoire de l’art.

Au XIIème siècle, des décors a fresco ont marqué de jalons importants l’évolution de la peinture romane comme à

  • la Chapelle Saint-Martin-de-Fenollar (près du Boulou, Pyrénées Orientales),
  • l’Église Saint Julien-de-Brioude (Haute Loire),
  •  L’Église de Tavant (Indre et Loire)
  •  l’Église de Saint-Aignan (Cher),
  • Le Mausolée de Sant’Isidoro (province du León),
  •  Les  deux Églises de Tahull (province de Lérida).


Les Supports de la Peinture Romane

La Fresque

La fresque est une technique picturale ayant pour support un enduit frais et lissé appelé 'intonaco', le plus souvent de la chaux aérienne (hydroxyde de carbone), et précédé de un à deux passages d'enduits plus grossiers pour uniformiser la surface murale. Les pigments dilués à l'eau sont appliqués sur l'enduit encore frais, affresco ou a fresco. Lors du séchage, sous l'effet de l'air, l'hydroxyde de carbone se transforme en carbonate de calcium (calcite) qui fixe les couleurs. Ce qui explique la pérennité des teintes saisies dans le matériau.

Au début du Roman, les fresques[1] couvrent toujours les voûtes en cul-de-four comme dans l’Église, Saint Clément de Tahull (aujourd’hui au Musée de Barcelone) et les intrados comme ceux de l’Église de Tavant (XIIème siècle, Indre et Loire). Elles conservent en leur début toute la stylistique de la mosaïque avec ses personnages à la silhouette étirée, hiératique, un équilibre de la composition par la symétrie. La perspective géométrique, ‘classique’ est parfois utilisée pour les fonds d’architecture[2] mais elle reste un des éléments de la composition, les proportions des personnages demeurent fonction de leur importance dans le récit selon la perspective alors couramment en usage dite ‘’d’importance’’ ou de ‘’dignité’’.

La Fresque Italienne

 (Voir Art Gothique / Peinture)

Les maîtres de la fresque en Italie au XIIIème siècle sont Pietro

Cavallini (1240-1321), Cimabue (1240-1302), le Maitre des Translations (actif au XIIIème siècle.), Duccio di Buoninsegna (1255/60 – 1318) et le Maître de l’École de Sienne.

L’Abbaye San Pietro in Valle (Ferentillo, près de Spoleto, Ombrie -aujourd’hui transformée en hôtel), la Cathédrale d’Anagni (Latium), et l'Abbaye de la Novalaise (Piémont) possèdent de beaux exemples de fresques romanes italiennes.


L’Enluminure

L’enluminure ou miniature a souvent précédé la peinture monumentale dans ses innovations.

Elle sert de lien entre les parties du manuscrit. De ce fait, placée sur la page-titre du chapitre, elle constitue le frontispice de format carré ou rectangulaire. Des personnages y sont souvent représentés. Elle orne également l’intérieur des lettrines (grandes lettres en début de texte). La couleur dominante du frontispice était souvent le rouge, couleur du rubis[3]. De là découle le mot rubrique pour servir à délimiter les chapitres, les sections...

L’enluminure répond parfaitement à ce double but de la peinture : enseigner et orner. Elle représente en vives couleurs des scènes, paysages et personnages abordés par le texte qui s’orne d’un cadre de palmettes et rinceaux. Son exécution obéit à des conventions précises.

« Il existe une grammaire des gestes pour que les images soient compréhensibles tout de suite, sans paroles. Un index horizontal signifie que le personnage se livre à une explication ou une argumentation. Un doigt en diagonale traduit un geste d’autorité, un ordre. Un personnage ouvre les mains : c’est un signe d’acceptation. Les mains croisées sur la poitrine expriment une émotion profonde.» (http://thucydide.over-blog.net/article-7084630.html)

L’enluminure remonte au tout début du Haut Moyen-âge[4], à la naissance du codex, livre à feuillets qui remplace le volumen à rouleaux. L’art de l’enluminure s’est pratiqué jusqu’à l’apparition de l’imprimerie à la fin du XVème siècle, soit pendant environ 1000 ans.

Le Scriptorium de Cluny

Le Scriptorium de Cluny tient une place importante dans l’art de l’enluminure. Trois styles s’y sont succédés.

« Dans le premier quart du XIIème siècle, l’humour, le merveilleux, le grotesque et le quotidien se marient avec une superbe liberté de ligne…par l’exubérance de (ce) style, les enluminures ne correspondent guère à l’austérité requise par l’ordre dès son origine…mais certains traits du programme iconographique semblent refléter des préoccupations plus en accord avec la spiritualité cistercienne (l’attrait du désert, le pardon)… Dans une seconde phase (2ème quart du XIIème s.), les scènes narratives disparaissent au profit de figures individuelles plus solennelles et d’une iconographie typologique, tandis que s’affirme un style grave, idéalisé, fortement marqué par des modèles byzantinisants. Le passage de cette seconde phase à la troisième marquée par l’envahissement des initiales monochromes et la disparition des figures est difficile à saisir…dès 1140 des initiales du

nouveau style semblent avoir été adaptées dans certains manuscrits anticipant sur les prescriptions officielles (Statut de 1150)… Le style monochrome devait régner sans partage au cours de la seconde moitié du XIIème siècle. » (Yolanda Zaluska, L’Enluminure et le Scriptorium de Cîteaux au XIIe siècle. (Commentarii cistercienses1989. http://www.persee.fr/ web/   revues/home/prescript/article/).


Le Frontal et Le Bois Polychrome

 Le frontal ou devant d’autel est un panneau de bois placé devant l’autel. (Voir La Peinture Catalane)

Un des supports qui favorisera le mieux l’expression picturale sera le plafond de bois d’avant l’apparition de la voûte. Ce sont des scènes de la vie biblique qui y sont représentées.

La polychromie des sculptures relève plus d’un ‘habillage’ que d’un art pictural. Elle n’en est pas moins importante pour rendre le réalisme.


La Peinture Française

Un courant innovateur va se détacher de la tradition byzantine qui pourtant perdurera tout au long du XIIème siècle, notamment en Italie avec l’Église Santangelo in Formis (Capoue), Crypte du Dôme d’Aquilée-(Vénétie), en France à la Chapelle des Moines à Berzé-la-Ville (Mâconnais) avec les peintures très bien conservées de l’abside exécutées par des artistes italiens dans la première moitié du XIIème siècle, fort probablement inspirées par le  décor de Cluny, géographiquement proche, dont il ne reste rien.

C’est la France qui fera le lien entre les deux tendances de ce nouveau courant. Des visages dotés d’une certaine profondeur psychologique, des attitudes expressives semblent caractériser le courant nouveau du Nord tandis qu’au Sud l’accent sera mis sur une dynamique des couleurs fortes en adéquation avec des représentations fantastiques.

Chapelle des Moines de Berzé-la-Ville

Non loin du prieuré de Marcigny (Brionnais, sud Bourgogne), appartenant à l’Abbaye de Cluny, Hugues 1er de Semur (†1109), sixième abbé de Cluny (III) décide de faire construire sur la terre concédée par le seigneur de Berzé, un doyenné (administration de plusieurs paroisses) incluant une chapelle à deux niveaux et achevée en 1130, en même temps que Cluny III (1088-1130). « Il est donc probable que les fresques de Berzé aient été réalisées par les équipes ayant peint la fresque placée au cul-de-four du chœur de l'abbatiale »[5]. Elle reste le seul vestige du prieuré et du doyenné.

Alors que les peintures à fresque de la chapelle basse ont quasiment totalement disparues, le décor peint de l’abside en cul de four de la chapelle haute a été très bien conservée grâce à un badigeon qui les recouvrait jusqu’à ce qu’un curé au XIXème siècle les découvrent.

Au centre de la voûte, le Christ en mandorle est entouré de six apôtres. On reconnaît St Pierre par les clés et St Paul tenant un phylactère (petite boite dans laquelle on range des écritures saintes). Vierges folles et vierges sages sont aux extrémités de la partie moyenne occupée par les baies vitrées ; en soubassement, sont figurés des saints dont pour certains Cluny abritait les reliques.

Ce décor est d’autant un inestimable témoignage de la peinture clunisienne que le monumental programme pictural de Cluny III qui

n’avait d’équivalent que celui de la sculpture et des mosaïques a totalement disparu. Il est très inspiré de l’Art Byzantin de la Cappadoce[6],

L’Église de Saint Savin

L’ensemble pictural de l’Église de Saint Savin / Gartempe

(Vienne) est le plus important de la peinture romane en Europe qui soit sauvegardé. L’abbatiale a été construite entre 1020 et 1050. La voûte en berceau de la nef est entièrement décorée dans sa partie orientale sans arcs doubleaux (6 travées sur neuf). La technique est double : fresque et détrempe[7] ( a fresco et tempera).

Les représentations parcourent toute l’histoire biblique : d’Adam et Ève jusqu’au franchissement de la Mer Rouge…en passant par Abel et Caïn, Noé, Abraham, Jacob, Moïse…soit 460m2 peints par quatre ateliers en cinq ans. La représentation de l’Arche de Noé est mondialement connue. L’église, surnommée la ‘Sixtine Romane’ est classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité.


La Peinture Catalane

La Catalogne occupe une place privilégiée dans le Peinture Romane pour la quantité et la qualité de sa production picturale, de la fin des XIIème et XIIIème siècles. La peinture catalane s’était déjà manifestée au Haut Moyen-âge. Ce qu’il reste des décors muraux des églises préromanes de San Pere de Terrassa (Barcelone) datant du IXème et Xème siècles donne un aperçu de la qualité qu’elle pouvait revêtir. Mais c’est de manière plus tardive, qu’elle va donner le meilleur d’elle-même aussi bien en décor mural que sur retables et bois peints. L’artiste catalan s’exprimera tout autant a fresco qu’à la détrempe sur les bois de devant d’autel ou frontal. Les fresques de Sant’Isidoro de Léon aussi bien que le magnifique Frontal de Baltarga (Église San Pedro de Cervatos, Baltarga, Province de Léridan), que les panneaux exposés au Musée de Barcelone sont très révélateurs de cet expressionisme propre au génie catalan.

« Les qualités les plus solides et les plus originales de la peinture espagnole [sont] sa puissance d’expression surprenante ainsi que la vigueur, la netteté du trait par lequel elle inscrit sur la physionomie des personnages les mouvements de leur âme. Les coloris intenses, violents et brillants sont toujours merveilleux. Ils sont utilisés non seulement selon les exigences esthétiques particulières de l’artiste mais aussi selon le “ symbolisme” compliqué de la teinte cher à la mentalité médiévale » (Alberto Martini, Le Moyen Âge Européen, Lib. Hachette 1963)


La Peinture Anglo-normande

C’est par l’enluminure que se manifestera au mieux l’art pictural anglo-normand et particulièrement au travers de l’École de Winchester. Dépendante de la Cathédrale, cette école développera un art tout à fait original de la miniature aussi bien dans la composition que dans la technique: plus de larges aplats de couleur mais des tons nuancés qui remplissent des surfaces enchevêtrées de personnages et d’éléments narratifs ou ornementaux. Plus de représentation symbolique, hiératique mais un souci de réalisme dans des scènes souvent saisissantes, fantastiques, par exemple dans une représentation de l’enfer. L’enluminure s’intègre au texte du manuscrit.

Deux exemples des plus fameux parmi les réalisations de cette école : le Psautier d’Henri de Blois (début du XIIème s.) et La Bible de Winchester (fin du XIIème  s.).


Notes

 [1] « Technique de peinture murale caractérisée par l’application sur enduits frais de pigments détrempés à l’eau. » (Dict. Larousse).

Le travail a fresco ne présente pas de difficulté particulière si ce n’est qu’il doit être exécuté rapidement, avant la prise ferme de l’enduit. Un peintre préparait et peignait environ pas plus d’un mètre carré par jour.

[2] Dans les fonds des fresques de Giotto ou de Maso di Banco par exemple.

[3] La couleur utilisée pour les enluminures dès le l’An Mil était du rouge vermillon ou cinabre de synthèse, obtenu à partir de soufre et de mercure. La nuance de rubis qui s’y rapprocherait le plus serait le rouge intense, entre rouge-rose et rouge-brun dit ‘’sang-de-pigeon’’

[4] Jusqu'à la Renaissance, la miniature désigne l'illustration d'un manuscrit, autrement dit son enluminure. A la Renaissance, elle désigne le portrait de petite dimension (médaillon). Le mot miniature peut avoir deux origines: de mine, pigment rouge servant de teinte,  et/ou mini, petit.

[5] Sur l’Histoire de la chapelle voir    https://structurae.info/ ouvrages/  chapelle-des-moines-de-berze-la-ville.

[6] La région d’Anatolie Centrale, autour du village troglodyte d’Ürgüb, anciennement grec, est parsemée de nombreuses églises monastiques rupestres décorées à la détrempe de peintures datant du IXème au XIIIème siècle. On retrouve ce type de décor dans les églises rupestres de l’Italie du Sud.

[7] Détrempe : soit pigments + jaune d'œuf ou colle de peau (gélatine), soit pigments + eau et gomme arabique.



INTRODUCTION A L'ART GOTHIQUE



C’est le philologue de la Renaissance, Lorenzo Valla (1407-1457) qui, au XVème siècle, fut le premier à employer le terme de ‘gothique’ pour désigner la forme d’écriture du Moyen-âge. Au XVIème siècle, Giorgio Vasari (1511-1571), auteur de Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes (1560-1570) s’en servit comme qualificatif péjoratif pour désigner l’art moyenâgeux incluant le style que les archéologues du XIXème siècle spécifieront sous le terme de ‘roman’. Pour les humanistes de la Renaissance, cet art qui avait tout ignoré des leçons de l’Antiquité était un art de barbares comme pouvaient l’être les Goths, les Wisigoths et autres … Ostrogoths, et comme l’était dans la Grèce Antique tout ce qui n’était pas grec. L’Art Gothique, proprement dit, est désigné à son époque sous l’appellation d’Art Français (Francigenum opus) car il s’est exprimé de manière nette en premiers lieux en France, autrement dit dans l’Île de France actuelle et ses proches environs.
Au plan artistique et particulièrement au plan alors prévalant de l’architecture, le XIIème siècle voit l’Art Roman atteindre à son plein épanouissement tandis que l’Art Français commence à se manifester à Sens, St Denis, Chartres, Laon, Noyon, Paris. Ce style architectural est nouveau non tant dans l’invention d’une nouvelle grammaire que dans l’usage d’un nouveau jeu des forces et des portées, mu par un bien nouvel esprit. « Le gothique est moins un jalon stylistique qu’une nouvelle attitude rejetant l’influence antique telle qu’elle apparaît dans l’Art Roman, pour plonger vers sources plus spécifiques donnant libre cours au dynamisme et à l’arabesque ornementale des peuples septentrionaux ».
(R. Huyghe cité par MC.Bertando-Patier in Histoire de La Musique, Édit Bordas).


Deux choses sont à considérer. Tout d’abord, qu’une architecture ne se résume pas à ses recherches et à ses solutions architectoniques. L’emploi de l’arc de plein cintre, exemple à l’Abbaye de Fontenay (1118), relève d’une conception artistique et spirituelle préalable à la réalisation de l’édifice. L’Art Roman connaissait l’arc brisé comme en donne entre autres exemples, outre le Roman Provençal, l’Église de La Garde-Adhémar (Vallée du Rhône) du début du XIIème siècle, aussi bien que l’arc boutant comme en donne exemple la Basilique Notre-Dame du Port à Clermont du premier quart du XIIème siècle. Puis ensuite, que l’Art Roman a délibérément porté son choix, architectural et spirituel, sur l’arc de plein de cintre et sur la voûte en berceau. Une conception de l’architecture conçue comme une concentration explosive par l’antagonisme des poussées (arc brisé) ne pouvait traduire ni convenir à la sérénité et à l’évidence de la présence divine auxquelles tendait l’Art Roman. Ensuite, la croisée d’ogive est un élément essentiel de la grammaire architectural du Bas Moyen-âge dans son ensemble et ses origines ne sont pas pour tout le monde aussi évidentes qu’elles peuvent paraître. Elles restent incertaines.


Quant à l’évolution de l’Art Roman qui tendrait vers l’Art Gothique, si ces deux styles se sont côtoyés, ne peut-on dire qu’ils se sont temporairement entremêlés dans une phase de gestation transitoire le Gothique émergeant du Roman comme le papillon sort de sa chrysalide? Nombreux sont les exemples de ces édifices religieux, comme celui de la Cathédrale Saint Maurice puis Sainte Catherine de Magdeburg construite sous Otton 1er (†973), commencés par le chœur en roman et poursuivis en gothique pour la nef. Les parties romanes des édifices gothiques sont bien des survivances du roman, laissés en place sans avoir été abâtardies par un changement de main des maîtres-d’œuvre.


Si l’Art Gothique est apparu, comme toute forme artistique, d’une recherche de solutions à des problèmes techniques, c’est qu’animées d’un désir créateur de nouveautés, les aspirations architecturales et la fonction même de l’édifice ont été faites sur des bases nouvelles. Il s’agissait de trouver des solutions non tant au problème architectonique posée par la voûte (romane) que de trouver à com-ment mettre en application des conceptions architecturales de l’édifice relevant d’une autre conception de l’édifice religieux. Cette nouvelle conception veut une abondance de lumière, une élévation toujours maximale, un ‘éblouissement’ du fidèle, au sens propre comme au sens figuré pour lui en ‘mettre plein la vue’ et une célébration de la magnificence divine. Telle était l’ambition de l’Abbé Suger (1180-1151) à Saint Denis et de Henri Sanglier archevêque à Sens de 1122 à 1142. Celui-ci fit carrément détruire la cathédrale romane pour une gothique.


L’importance que donne l’architecture gothique à l’ornementation est en cela significatif d’une nouvelle orientation artistique et spirituelle. L’Art Roman est un art d’intériorisation du croyant dans la recherche du dieu qui est en lui, l’Art Gothique est un art d’extériorisation du fidèle qui appelle Dieu en s’élevant vers lui. À un art de la prière et du silence, s’oppose un art du conte et de la légende. Le monastère roman est une porte qui se referme sur nos existences, la cathédrale gothique est un livre ouvert du récit christique.


L' ARCHITECTURE GOTHIQUE RELIGIEUSE

Introduction - Les Périodes - France - Angleterre -Outre-Rhin - Espagne - Italie


Introduction

Du Roman au Gothique

Voir aussi L’Art Roman / Grammaire Architecturale Romane
Le XIIème siècle va connaître une Révo
lution Culturelle dont la littérature courtoise en est la meilleure illustration. En matière philosophique, c’est le siècle des premiers scholastiques (la suppression du ‘h’ viendra plus tard), on pourrait dire des premiers philosophes qui font revenir par les grandes traductions du grec et de l’arabe celui autour duquel va commencer à tourner leurs réflexions, Aristote. Et la mystique occidentale sous l’élan de Bernard de Clairvaux et la ferveur des premières béguines va prendre son envol. Au plan religieux, la rivalité, les conflits entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel auront en définitive pour conséquence leur affirmation respective et la sortie définitive des vestiges de l’empire carolingien, tandis que se dissociant de l’un et de l’autre de ces pouvoirs, cathares, arnaldistes et panthéistes sèment la graine hérétique.


Au plan artistique, le Style Gothique, d’abord architectural, apparait avant le milieu du XIIème siècle dans le Pays de France (plus ou moins l’île de France actuelle). On l’oppose généralement au Style Roman qui l’a précédé en mettant en avant la hauteur de ses nefs et la clarté de l’intérieur de ses édifices que procurent des murs allégés, ouverts par de grands vitraux; autrement dit, en opposant sa légèreté, son élévation et sa lumière à l’aspect massif des monastères et églises romanes, à leur murs épais, à la pénombre régnant sous ses voûtes de plein cintre.
Dans son esprit, le Style Gothique est un appel lancé au divin vers lequel tendent inexorablement les flèches de ses tours. Et si, au milieu de ce XIIème siècle, on commence à éprouver le besoin d’appeler Dieu, n’est-ce pas qu’il a déserté les lieux de prières ou du moins que sa présence n’est plus aussi intense que du temps des grandes ferveurs monastiques de l’époque romane dont l’architecture posée, stable, de ces monastères disait d’évidence que Dieu y était présent.
Autant l’architecture romane comme celle de l’Antiquité est un art de l’empilement autant l’architecture gothique est d’une architectonique instable en permanent rééquilibrage des poussées. Si la voûte cintrée romane s’effondre, la voûte gothique explose sous la tension de l’arc brisé. Si le mur roman se suffit à lui-même, le mur gothique a besoin d’arcs qui viennent s’arc-bouter à lui pour le maintenir debout, allégé qu’il est par ses grands vides où logent ses immenses rosaces rayonnantes et ses baies lancéolées.


L’arc brisé, fait appel à des lois architectoniques que le bâtisseur roman n’ignorait pas. L’arc en pointe repousse la pression de la voûte plus bas sur les piles que l’arc cintré, libérant leur partie supérieure de toute contrainte, permettant ainsi de les élever plus encore. Mais l’ambition du bâtisseur roman au contraire du maître d’œuvre gothique n’était pas de vouloir toujours plus hausser son édifice bien que tendant ‘déjà’ à vouloir plus de lumière comme à Norwich, Paray-le-Monial ou à Saint Étienne de Nevers.


L’architecte gothique va faire, lui, de la poussée ascensionnelle de l’arc brisé la matérialisation de l’élévation du fidèle à Dieu. Une montée des forces qu’il devra dans la surélévation alors ‘surnaturelle’ de l’édifice toujours devoir compenser, l’assurer en cherchant le juste rapport, dans un équilibre fragile, entre la largeur de l’arc et donc de la voûte et la hauteur des piles. Arc brisé auquel deviennent indispensable l’arc boutant et la nervure d’ogive porteuse. Ces trois éléments seront les trois énoncés de la grammaire architecturale qui va régner dans toute l’Europe jusqu’au début du XVème siècle et voire au-delà au profond des provinces.


Un Autre Art de Bâtir

Si cette nouvelle façon de bâtir est généralement considérée comme apparue en Île de France, raison pour laquelle à son époque, on la désigne sous le nom d’œuvre française, francigenum opus, nous ne devons pas oublier que certains de ses éléments caractéristiques comme l’arc brisé et la voûte à nervures, étaient déjà utilisés dans l’Art Roman. La nervure est certes souvent encore emprisonnée dans la masse, maçonnée en brique ou en moellons, sans claveau ni clé de voûte comme à San Giovanni di Borgo à Pavie (XIème siècle, Lombardie) mais pas toujours comme à la Cathédrale Romane de Durham (1133).
Quant à l’origine du francigenum opus, s’il est incontestable que La Cathédrale de Sens (1135) et l’Abbaye de St Denis (1144) marquent un avant et un après dans l’histoire de l’architecture européenne et auxquelles on pourrait ajouter la nouvelle façade occidentale de Chartres (1135), il serait peut-être plus juste de rendre à César ce qui est César et à Dieu ce qui est à Dieu, de rendre l’invention des éléments fondamentaux de l’architecture du Moyen-âge à l’Art Roman et la savante et systématique utilisation de certains d’entre eux à l’Art Gothique.


L’originalité des premiers architectes gothiques est d’avoir utilisé la brisure de l’arc en baies et voûtes, d’avoir perfectionné la croisée d’ogives et d’en avoir fait dans un emploi systématique la base de leur langage architectural pour une nouvelle utilisation des forces à poussée verticale.
Avec ce type de voûtement, « la poussée [reste] importante - mais elle n'existe qu'à la rencontre de chacune des voûtes constituées par des croisées d'ogives juxtaposées, ce qui permet d'ouvrir large-ment le mur à des fenêtres de dimensions notables, puisque le mur ne sert plus entre les points de rencontre des croisées d'ogives (en théorie : mais, en pratique, il faut quand même rigidifier l'ensemble) ».
Cette poussée verticale des forces va se traduire immanquable-ment par une plus haute élévation des édifices ; cette élévation, elle-même, ne pourra se faire que par un allégement de la masse, donc par l’ouverture des murs qui deviennent des éléments de la structure d’ensemble au-même titre que les piles ou les arcs-boutants. Non pas que le mur roman n’avait pas de rôle architectonique, mais une portion du mur gothique devient un élément de la structure, du squelette de l’édifice. Il suffit de regarder un côté de Notre-Dame de Paris pour s’apercevoir que ce qu’il reste des murs est partie intégrante de contreforts et n’en déborde que comme embrasure des baies, du bas-côté au troisième niveau.


A ces éléments, arc brisé, arc-boutant, croisée d’ogives, qui ont en commun d’être trois formes d’emploi du même arc, viendront s’ajouter, en prolongement d’une évolution naturelle, un jeu de courbes-contre-courbes aux remplages, un découplage des nervures aux voûtes, un festonnage des pinacles, en bref et en dehors de toute nécessité architectonique, un superflu décoratif qui donnera aux façades l’aspect de dentelle, à la sinuosité de ses motifs décoratifs, l’impression de flammèches s’élevant flamboyantes toujours plus hautes vers le ciel, et à ses clés de voûtes en pendentif, l’allure de lampions.


La Croisée d’Ogives

Voir aussi Architecture Romane / La Croisée d’Ogives
La croisée d’ogive ou voûte à nervures, mais pas nécessairement porteuses, est un élément essentiel de la grammaire architectural du Bas Moyen-âge. Si les nerfs de la croisée d’ogives sont porteurs, leur construction précède celle des voûtains qui viennent se reposer des-sus. S’ils sont décoratifs, ils habillent dans ce cas les arêtes de la voûte.
L’ogive porteuse est peut être apparue pour la première fois fin du XIème siècle : soit à la Cathédrale de Durham (N.E. Angleterre) soit à la Basilique San Nazaro (Milan, Italie). Sa fonction architectonique en Italie est par certains controversée au profit d’une interprétation purement décorative de la voûte, comme semblent l’avoir de fait démontré les constructeurs anglais, alors que d’autres reculeront ce rôle décoratif à la période flamboyante (sur la question voir idem). L’on devra aux bâtisseurs gothiques français d’avoir tiré, tout en généralisant son emploi, le meilleur parti de cette croisée avec bien évidemment les solutions définitives trouvées dans le prolongement des recherches entamées par les bâtisseurs romans.
« Une voûte en plein cintre occasionne sur le mur des poussées continues…ces poussées sont contrariées par le mur lui-même, souvent renforcé, de place en place, par des contreforts (on peut aussi bien se contenter d'un mur suffisamment épais) - en fait, le plus souvent, on ouvre dans le mur de petites fenêtres, et on place des contreforts. »  (Phil. Delmas Les Églises Gothiques Ref. cit.)


Les nervures porteuses donnent à la structure son autonomie et rend la masse de charge des murs inutile. Les grandes verrières et rosaces trouveront d’autant plus aisément leur place que la tribune et le triforium, hérités de la période romane, situés au deuxième voire au troisième niveau d’élévation, n’auront plus à apporter leur masse stabilisatrice au-dessus des bas-côtés et disparaîtront eux-aussi.
L’emploi systématique de cette croisée d’ogive en forme d’arc brisé pendant la période gothique fera souvent assimiler cette croisée d’ogive à une croisée en arc brisé. Mais l’ogive en tant que croise-ment d’arcs peut être en berceau, ce qui est le plus souvent le cas dans l’Art Roman quand la voussure de deux voûtes qui se croisent est en plein cintre. L’Art Roman n’employa que peu la croisée brisée avec ou sans nervures. La construction massive des piliers et des murs de renfort ne nécessitait pas un soutènement supplémentaire de la voûte d’intersection par une nervure. Pour autant, les bâtisseurs ne se sont pas dispensés à l’époque de faire des recherches afin de trouver la meilleure économie de moyens, de construction et financiers (la menuiserie de soutènement  en cours d’élévation coûtait très cher). Re-cherches qu’ils poursuivront jusqu’à ce qu’ils aboutissent à une pleine maîtrise de la croisée d’ogives en appareillage et des hauteurs des arcs d’encadrement. La conséquence sera l’apparition de ce que l’on appelle le Style Gothique. Quant à la fonction décorative de la nervure, elle n’est pas à proprement dire dans l’optique romane quoique l’Art Lombard en ait fait usage. Si elle peut être en usage dans les cathédrales, elle ne l’est pas dans les monastères romans.

Son évolution

La voûte d’ogives nervurée d’une travée ou au carré du transept prendra des formes variées pendant la période gothique et caractérise-ra ses différents styles: La voûte à sexpartite à six voutains d’origine va devenir la voûte quadripartite quand la croisée à nervures porteuses sera parfaitement maîtrisée. D’abord carrée, elle sera ensuite rectangulaire (côté long transversal à la nef) dite à plan barlong. En éventail, en calice, elle sera une caractéristique du Gothique Anglais jouant sur la disposition des nervures. A ces nervures viendront s’ajouter d’autres arcs nervurés, purement décoratifs, reliant soit la clef de voûte aux arcs formerets (dans le sens de la nef) et aux arcs doubleaux (perpendiculaires à la nef), ce sont les liernes, soit reliant les nervures entre elles, ce sont les tiercerons. Liernes et tiercerons caractériseront avec les clés de voûtes en pendentif, très retombantes, le Gothique Flamboyant Tardif.

Cathédrales, Lieux de Vie

Le nombre important de construction pour ne pas dire la prolifération de cathédrales a fait nommer par un médiéviste cette période du Moyen-âge Classique, ‘’le temps des cathédrales ’’. Elles vont tout de suite devenir des lieux de vie comme nous dirions aujourd’hui. L’on y venait faire des affaires et même du théâtre qui se fit mettre à la porte pour être trop chahuteur. Le pèlerin, le pauvre y dormait sur la paille. Et quand bon lui chantait, il ou elle, dans la très grande majorité des cas analphabètes, pouvait venir lire ce livre toujours ouvert de l’Ancien et du Nouveau Testaments écrit en pierre et en verre, venir admirer la Dormition de la Vierge et méditer devant l’Arbre de Jephté.
« Si l’on vient à l’édifice pour assister aux offices divins…On y tient des assemblées politiques sous la présidence de l’évêque; on y discute du prix du vin et du bétail; les drapiers y fixent le cours des étoffes… » (Fulcanelli, Le Mystère des Ca-thédrales, Édit. P.Pauvert, 1979, Pg. 49 )


Du Beau

Le Vitrail

L’Art Gothique ne peut se concevoir sans une conception du beau qui mène au divin et encore moins sans une véritable théologie de la lumière. Le lieu sacré, église ou cathédrale, est le réceptacle du divin. Plus haut s’élèveront nef, clocher et pinacles dans le ciel plus le fidèle s’approchera de Dieu, et Dieu sera plus proche du fidèle qu’il inonde de sa Lumière. L’art du vitrail est un art sacré.
Il faut imaginer en cette fête de la lumière l’impression de munificence que provoquaient ces immenses « livres de pierre », multicolores, entièrement peints en extérieur et en intérieur comme le furent les temples grecs : statues, murs, piliers, arcades, voûtes étaient parés de bleu, de rouge, de jaune, de vert. Ils étaient d’une hauteur considé-rable comparés aux basses maisons en bois et torchis qui les entou-raient sans vraiment de parvis, du moins au début.

L’Ornementation

La sculpture, elle, fit corps avec l’architecture et rivalisa d’ailleurs avec la peinture murale; Statues-colonnes, trumeaux, stèles, chapiteaux, bas-reliefs, porches, pierres et bois polychromes, tous épousèrent les formes de cet art souriant, épris de couleurs, en prise avec le quotidien.


Les Périodes

Quatre grandes périodes marquent le Style Gothique architectural :

Le Gothique Primitif

Gothique primitif (1130-1180) : Premières manifestations du style gothique, dit primitif, à la 
        •   Cathédrale de Chartres avec son portail Ouest reconstruit en 1135.
        •   Cathédrale de Sens (1135) pour laquelle l’architecte Guillaume de Sens a utilisé pour la première fois en France aux voûtes d’une nef centrale la croisée d’ogive, dérivée de la voûte d’arêtes romane,
       •   Basilique Saint-Denis avec rosace et chevet rayonnant (1144).
Dans le prolongement de l’Art Roman, mais de manière plus systématique, l’Art Gothique en un premier temps continuera d’orner la voûte en faisant ressortir les arêtes en un alignement de pierre taillées, en saillie mais encore prises dans la masse. La maîtrise acquise, ces arcs de pierre deviendront les supports mêmes de la voûte. La structure ainsi autonome et solide, la voûte elle-même comme les murs ne seront plus que du remplissage ou occupés par des remplages (meneaux, rosaces…). Les murs des bas-côtés restent indispensables. Les arcs qui, du fait de leur brisure portent leur tension vers le haut, reposent sur des piliers que renforcent les arcs-boutants extérieurs.
Les cathédrales de Paris et de Laon contribueront grandement dès les années 1160 à l’amélioration de cette nouvelle pratique architecturale. Mais, de manière générale, dans la première période gothique, les murs restent encore épais, les baies latérales ne se développent pas encore sur plusieurs niveaux. Tribune, au premier niveau, au-dessus des bas-côtés, est comme à Laon, Noyon, Notre-Dame de Paris, encore nécessaire pour stabiliser l’élévation centrale qui repose sur une alternance de piles fortes et faibles. Les chapiteaux conservent un fort abaque pour recevoir la poussée des voûtes sexpartites. La tribune sera remplacée par une galerie plus petite, quasiment impraticable, le triforium, qui d’aveugle s’ouvrira sur l’extérieur par oculi. Tribune et triforium disparaîtront dans la période classique.


Le Gothique classique et lancéolé

Gothique classique et lancéolé 1190/94-1250

Ce gothique doit son nom à la forme en pointe de lance que prennent les arcs des baies et ne s’applique pas au Style Curvilinéaire (Curvilinear Style 1325-1350), style orné anglais.
Chartres [1] est le plus bel exemple de ce style. Il se manifeste par la disparition de la tribune, une élévation à trois niveaux avec arcs-boutants, la voûte est quadripartite, et sa clé est à hauteur des arcs doubleaux (transversaux à la nef) et formerets (ils forment d’un pilier à l’autre l’arcature qui longe la nef). Les voûtes sont une des premières sinon la première réalisation à plan barlong. La voûte à plan barlong, de forme rectangulaire, a son grand côté transversal (barlong) à la nef. Elle permet ainsi l’élargissement de la nef. La largeur de la nef dépasse les seize mètres. Le déambulatoire est à double déambulation. La nef, voûtée à plan barlong atteint trente-sept mètres de Haut. L’alternance piles fortes-piles faibles a été remplacé, mais seulement pour casser la monotonie d’un uniforme alignement des piles, par une alternance de piliers à pans coupés avec colonnettes engagées et de colonnes avec piliers engagés à pans coupés.
La Cathédrale St Étienne de Bourges (fin XIIème début XIIIème) où la tribune est supprimée ose une élévation à cinq niveaux à laquelle répondent une nef avec deux doubles bas-côtés et l’immense façade occidentale à cinq portails à porches géminés. Une rivalité s’engage entre les bâtisseurs de cathédrales. Atteints de ‘verticalisme’ aigu, ils construisent des nefs toujours plus hautes en parallèle d’un évidemment toujours plus grand des murs. Au point même que parfois avant que l’ouvrage ne soit terminé, il s’effondrera, comme à Beauvais où la cathédrale après l’effondrement du transept ne reçut jamais de nef.


Le Gothique Rayonnant 1250-1350/75

Au fur et à mesure, les bâtisseurs vont de mieux en mieux maîtriser les contraintes imposées par les élévations vertigineuses en parallèle d’un évidemment des murs. Les arêtes d’ogives descendant de la voûte vont de plus en plus s’intégrer aux piliers dont la circonférence va se rétrécir. Les tailloirs (abaques) vont disparaître. Les chapiteaux finiront par quasiment disparaître dans le gothique flamboyant.
La construction de voûte à plan barlong se généralise. L’allègement des murs se fait par une démultiplication des baies dont les meneaux se déploient sous forme d’un rayonnement donnant son nom à cette phase du gothique. Les Cathédrales d’Amiens, Reims, Beauvais s’élèvent. Le style nouveau commence à se répandre dans le sud de la France. Mais il sera tributaire des troubles, de l’insécurité qui règnent dans les provinces où la population doit pouvoir encore se réfugier en cas de péril dans ses églises qui devront répondre donc à la nécessité d’un Gothique fortifié. La Cathédrale Ste Cécile Albi dont l’édification commencera en 1282, toute fière face à un catharisme vaincu, en sera un bel exemple avec ses fenêtres étroites, certaine-ment pas faîtes pour recevoir la lumière au contraire de ses sœurs du Nord.
Les grandes rosaces des portails Ouest deviennent le sceau de l’Art Gothique. Placées à l’origine au troisième niveau, à la période classique,elles ont été  posées au centre de la façade, au second niveau.


Le Gothique Flamboyant 1350-1520

La technique gothique a développé toutes les nouveautés architecturales que l’Art Roman con-tenait en germe. Le Gothique flamboyant n’aura plus qu’à orner cette architecture. Les croisées d’ogives se verront habillées de fausses nervures appelées liernes et tiercerons, la clé de voûte sera un endroit bien visible pour ciseler la pierre, en faire un bijou taillé, plus exactement un pendentif,  la courbe de l’ogive ou de la rosace se verra prolongée d’une courbe inversée ou contre-courbe.
La sculpture et la peinture suivront cette évolution naturelle vers la sur-ornementation pour donner naissance au Gothique International qui réunifiera tous les régionalismes en un art européen uni-forme. Les Tours de Beurre des Cathédrales de Rouen (1485) et de Bourges (1506), ainsi nommées parce qu’elles ont été financées par les fidèles dispensés pour cela de faire maigre en carême, sont sans doute les dernières réalisations remarquables de l’aboutissement du Style Gothique en France. Par contre, commencées en 1426 mais qui ne seront pas achevées avant 1547, les tours de la Cathédrale Saint Gatien à Tours amorcent déjà le passage au Style Renaissance.


France 

Le Style Français : francigenum opus

Il est habituellement donné comme point de départ du Style Français, la date de 1144, date à laquelle l’Abbé Suger, éminence grise du roi Louis VII, son “premier ministre”, régent du royaume en son absence, remania selon ses propres plans la très ancienne nécro-pole royale (Île -de-France).
Pendant quatre ans il va être le maître d’œuvre de cette trans-formation de la Basilique St Denis. La façade est achevée en 1140 et le chœur en 1144. À l’extérieur, pour la façade, l’Abbé Suger va s’inspirer grandement de celle de L’Église Saint-Étienne de l’Abbaye aux Hommes à Caen, fondée dans la seconde moitié du XIème siècle. A l’intérieur, il va éclairer le chœur par de grands vitraux sertis dans d’immenses baies. C’est la grande nouveauté qu'il apporte.


Mais en cette nouveauté, il peut très bien avoir été devancé par l’évêque de Sens, Henri Sanglier, qui ne se contente pas de réaménager l’église romane existante mais l'a fait détruire pour faire construite une cathédrale dans le Style Français. Pour cela, il fait appel à un architecte qui a déjà la réputation d’un « artisan extrêmement fin », adepte de la croisée ogives porteuses, Guillaume de Sens (†1180) que l’histoire retiendra comme le premier nom d’architecte du Gothique. Guillaume travaillera ensuite à la Cathédrale de Canterbury à partir de 1175. La Cathédrale Saint Étienne de Sens commencée en 1130 sera consacrée en 1163. La voûte sexpartite s’appuie sur une alternance de piles fortes et faibles. Ici, ce sont les deux grandes rosaces des bras du transept qui apportent la lumière. (Pour la nouveauté de la croisée d’ogive à Sens voir Art Roman/La Croisée d’Ogive).


En ce qui concerne la façade occidentale, Suger a été également devancé à Chartres. La façade de la Cathédrale Notre-Dame, outre son intérêt proprement architectural, entre autres celui de ces deux tours, présente un intérêt historique. Le maître-d’œuvre qui la reconstruira après son incendie, le fera à partir de plans antérieurs à 1135, date de son achèvement, précédant de cinq ans celui de St Denis ; des plans tout à fait nouveaux qui inaugurent ainsi la façade gothique.


La Lumière

À la sobriété austère de la façade des abbayes de Caen, Chartres apporte déjà la lumière par ses verrières; notamment les trois grandes verrières centrales, au-dessus du bloc des trois porches flan-qué des tours. Il s’agit là des tout débuts de l’emploie du vitrail. Ces verrières datent de 1145-1150. Cette innovation sera tout de suite reprise à St Denis, par Suger. Celui-ci ira plus loin dans cette volonté de faire entrer la lumière comme symbole de la lumière divine en éclairant le chœur par des vitraux aux chapelles rayonnantes du chevet. L’éclat qu’ils apportent à l’intérieur de la nécropole sera le point de départ du nouvel esprit gothique.
La lumière à Chartres, qu’elle entre par la façade royale, par les hautes verrières nord et sud, est une lumière non éblouissante, non aveuglante, mais une lumière filtrée par une composition du verre qui donne à la cathédrale, non de la clarté mais sa luminescence si parti-culière. Au XVIIIème siècle, une évêque, qui certainement confondait lumière et éclat, fit non pas seulement déposer mais détruire les vitraux nord et sud du chœur pour en mettre d’autres plus ‘lumineux’.
A St Denis, la façade dotée en son centre d’une grande rosace de pierre et de verre et de trois grands porches, et les chapelles rayonnantes du chœur, apportent à la nef un éclairage encore inégalé. C’est cette clarté nouvelle dans ce vaisseau de lumière qui va marquer tant les esprits et qui sera à tout jamais indissociable de l’esprit gothique, au point que l’on fait commencer le style ogival à Saint-Denis. 


Mais le ‘’Temps des Cathédrales’’ selon l’expression du médiéviste contemporain Georges Duby, devra attendre encore quelques décennies pour réellement naître. Car c’est non avec l’invention mais l’usage systématique de la croisée d’ogive à nervures porteuses [2] conduite à sa totale maîtrise que l’architecture gothique trouvera son plein épanouissement. Elle en sera la signature intérieure. De même pour l’arc-boutant, déjà utilisé par le maître d’œuvre roman dans les tribunes surmontant les bas-côtés. Les tribunes, n’étant plus nécessaires au soutien des murs gouttereaux, vont disparaître. Leurs arcs-boutants restent néanmoins in-dispensables même pour des murs gouttereaux dont la charge inférieure s’est allégée. Ces arcs-boutants alors devenus apparents, parfois doublés, s’appuyant sur des contreforts alourdit de leurs culée et pinacle font être la signature extérieure du Style Gothique.
La verrière, parfois rosace, initialement placée au troisième ni-veau comme encore à St Denis et Chartres, sera descendue au second niveau et se trouvera ainsi au centre de la façade (Notre Dame de Paris) et agrandie.


Le Gothique Méridional

La Croisée d’Ogives

Au cours du XIIème siècle, certaines églises comme l’Abbaye Saint Victor à Marseille ou l’Abbaye Saint Pierre à Moissac, présentent des croisée d’ogives à la lombarde. Les croisées d’ogives lombardes, sans doute les plus anciennes des croisées d’ogives, sont apparues dès le XIème siècle. Mais leur construction est tâtonnante, sans clé de voûte ni claveaux, prises dans la masse.


Jean Deschamps

Une famille d’architectes jouera un rôle majeur dans l’introduction et l’implantation de l’Art Gothique au sud de la Loire, plus particulièrement dans le Sud-ouest de la France : La famille Deschamps.
Jean Deschamps, formé à Paris dans les années 1230-40, travaille aux plans et élévations des cathédrales de Clermont-Ferrand en 1262 (1248 ?), de Toulouse en 1272, de Narbonne en 1272 et 1286, et de Limoges en 1273 et de Rodez en 1277.
On trouve Jean et Bernard Deschamps à Bordeaux entre 1300 et 1320 ; Guillaume est à Rodez en 1355 où la construction de la cathédrale se poursuivra jusqu’à la fin du XVIème siècle ; et Pierre est à Clermont en 1357.
« Certains spécialistes n’attribuent [à Jean] que la construction de la cathédrale de Clermont-Ferrand en laissant la construction des autres cathédrales à des homonymes malgré les simili-tudes de style. » (https://structurae.info/personnes/jean-deschamps)
Si le
s homonymes sont au vu des dates les descendants de Jean, il leur aurait été difficile d’entreprendre la construction des cathédrales en même temps que lui :


Notre-Dame de l’Assomption de Clermont : Plans de 1248(62 ?)

« On note une très nette évolution dans les constructions de Deschamps. À Clermont-Ferrand, il utilise encore la pile com-posée, alors qu’à Limoges, il fait appel au faisceau de colonnes. À Narbonne, puis à Toulouse, il inaugure, avec une certaine précocité, une formule que l’on retrouvera seulement à la fin du XIVème siècle : les archivoltes pénètrent directement dans les piliers. Le support se transforme en une pile circulaire autour de laquelle seules quelques colonnettes prolongent certaines nervures. À Rodez, l’évolution est achevée puisque toute colonnette est supprimée ; les grandes arcades retombent sur des piles ondulées [3] »
On peut constater, là
, que Deschamps suit l’évolution générale de l’architecture gothique religieuse.


 St Étienne de Toulouse

L’évêque Foulque (Folquet de Marseille †1231), le pourfendeur des cathares, fait entreprendre les travaux dans le premier quart du XIIIème siècle. Cette cathédrale signe d’emblée le Gothique Méridional par son unique nef, appelée nef raymondine (Raymond VII, comte de Toulouse †1249). Elle est considérée par certaines sources comme encore romane. Il en reste trois travées.
« Cette cathédrale est considérée comme le premier exemple du Gothique Méridional, dont la principale caractéristique est la nef
unique…Ce courant architectural [gothique, qu’elle introduit] s’étend en réalité bien au-delà du sud-ouest de la France et prend en partie ses sources dans l’art cistercien. Presque tout le poids des voûtes d’ogives ou de la charpente est porté par d’énormes contreforts. Ainsi les murs sont minces et portent peu de charge, ce qui permet d’ouvrir de longues fenêtres. La grande rose encadrée des deux baies du portail qui donne sur la place Saint-Étienne évoque l’art cistercien [4]. »
Évêque de 1270 à 1286, Bertrand de l’Isle-Jourdain décide de faire reconstruire la cathédrale à partir de 1271, en commençant par le chœur, ce qui était traditionnellement le cas. Le chœur est et restera décentré par rapport à la nef. A cette même époque sont entrepris celles d’Agen et de Carcassonne, toutes dans le style dominant dans le Nord, le Gothique Rayonnant (voir Introduction. Périodes). Les travaux vont reprendre et se poursuivre dans la première moitié du XIVème, un autre Deschamps a pu y travailler après Jean qui est arrivé à Toulouse en 1772 où il semblerait que le courant gothique y était déjà introduit.


St-Just-et-St-Pasteur de Narbonne

Commencée en 1272, elle restera inachevée, les travaux s’achevant en 1340. Elle se singularise par son unique chœur. Jean Des-champs« adopte un chœur à cinq chapelles rayonnantes de plan polygonal de même profondeur qui, en élévation, atteignent la hauteur du déambulatoire sur lequel elles sont greffées. L’une des originalités de l’architecte est d’avoir placé un triforium obscur dans ces cathédrales. On a voulu y voir un archaïsme puisque
ce principe était abandonné depuis longtemps dans la France du Nord. La diminution du nombre des ouvertures s’explique plus vrai-semblablement par l’adaptation de l’artiste au climat de régions de grande luminosité ». (A.Erlande-Brandenburg Ref. Cit.)


St Étienne de Limoges 

Le chœur gothique est rattaché à la nef romane à partir de 1272 sur un plan d’ensemble de Deschamps [5] . Il sera achevé en 1280. Il n’aurait dirigé les travaux qu’à leur commencement puisqu’on le sait en cette même année à Toulouse. La première tranche de ces travaux s’arrêtant en 1325/27, un autre Deschamps a pu y travailler au XIVème siècle.


Notre-Dame de Rodez

Sur un plan d’ensemble de J. Des-champs, après l’effondrement du clocher roman, la construction de l’abside et de ses chapelles rayonnantes commence en 1277 pour s’arrêter en 1300. L’achèvement de cette gigantesque cathédrale prendra deux cents ans.


Angleterre

Early Gothic

Guillaume de Sens, architecte de la Cathédrale de Sens (1135) reconstruit entre 1175 et 1179 le chœur de la Cathédrale de Canterburry, introduisant dans l’île britannique l’Art Gothique comme l’indique la plupart des sources, nonobstant les apports anglo-normands précédents au Francigenum Opus.
L’Église Collégiale St Pierre plus connue sous le nom d’Abbaye de Westminster est un des rares monuments anglais élevés dans le style français avec arcs-boutants et culées. Sa reconstruction marque-ra également la naissance d’un style nouveau, le Style Orné. 
La Cathédrale Lincoln est remarquable parce que l’on y voit apparaître pour la première fois dans sa salle capitulaire (réunion du chapitre) entre 1220 et 1235, la voûte en calice : de fines nervures (caractère permanent du gothique anglais) jaillissent du chapiteau et se déploient en corolle pour soutenir le voûtement dit en calice ou en éventail. Cette tendance ornementale déjà présente dans cette première phase du gothique anglais, Early Gothic, s’accentuera dans la deuxième phase gothique dès 1256 et donnera naissance au Style Orné ou Decorativ Style.


Decorative Style

De manière générale, en Angleterre, les éléments gothiques se-ront surtout utilisés à des fins ornementales comme pour les façades de la Cathédrale de Peterborough (1078-1238) ou de la Cathédrale Lincoln (1092-1192-1280) qui marque la tendance de ce style à placer le transept à mi-chemin entre la façade et le chœur. Le développement du transept et son croisement avec la nef est d’ailleurs en soi un jalon de l’évolution du Style Gothique.

Le Style Orné débute dans la Cathédrale de Lincoln (1092-1192-1280 ) par la construction, après celle de la salle capitulaire, du Chœur des Anges (1256-72). La reconstruction en style gothique dans la première moitié du XIIIème siècle de L’Abbaye de Westminster (où Guillaume le Conquérant s’était fait couronné roi en 1066) marque une étape importante dans l’affirmation de ce style orné.


Les grandes cathédrales construites dans ce style sont celles  d’York (parties gothiques:1215), de Wells (1184-1333) et de Exeter (1112-1478) à laquelle la surabondance de moulures et d’arêtes et les piliers ‘surfasiculés’ donnent un effet vibratoire qui met l’espace en mouvement.

Fleurs, feuillages, pampres décoratifs viennent se surajouter à ces effets visuels des nervures. La lanterne octogonale à la croisée du transept de la Cathédrale d’Ely illustre magistralement le jeu des fines nervures facilité par l’usage courant du bois. Les lignes con-caves deviennent soudainement convexes. L’espace s’agrandit avec des bas-côtés qui se mettent à hauteur de nef.


Il semblerait que pour les architectes qui ont mis en œuvre le Style Orné, il s’est agi d’une ambition plus grande que celle d’une simple ornementation. Par le biais de ces éléments décoratifs, ils ont voulu ‘dilater’ la pierre, la mettre en mouvement dans la recherche d’un effet d’optique afin d’agrandir l’espace et plus encore d’en faire ressentir l’énergie au fidèle entrant dans l’édifice. Le plan d’élévation change : les nefs des bas-côtés sont élevées à une hauteur égale à la nef centrale à l’instar du gothique Outre-Rhin. Ce qui entraîne la disparition des arcs-boutants.

Le style orné se subdivise en :


Style Géométrique, Geometrical Style (1300-1325)

Le réseau des nervures des baies et rosaces (remplage) en tri-lobes et quadrilobes (Cathédrale d’Exeter).

Style Curvilinéaire (Curvilinear Style 1325-1350)

Le remplage se fait par une succession de lignes concaves et convexes formant le tracé dit de ‘vessie de poisson’. L’arc de ce style est en accolade. (Nef de la cathédrale d’York, 1322-46).

Style Perpendiculaire (Perpendicular Style 1377-1520)

Cette dernière phase du gothique anglais est considérée comme la plus originale, la plus innovante. Elle commence avec la construction du Cloître de la Cathédrale de Gloucester en 1377 et se prolonge jusqu’en 1520. En réaction au Style Orné, et sous l’influence des grands vitraux de la Sainte Chapelle à Paris, il se caractérise par  :

  •  une ouverture toujours plus vaste des verrières,
  • une mise en évidence du croisement des lignes verticales et horizontales sur les façades avec un tel usage des lignes verticales qu’il est parfois appelé Style Rectiligne
  • le découpage des verrières qui se fait par juxtaposition de panneaux rectangulaires qui s’opposent aux enchevêtrements des courbes précédemment développés par le Style Orné. 
  • la voûte qui s’aplatit au point de prendre forme d’arc à panier surbaissé.
  • la voûte en éventail, variante de la voûte en calice apparue dans la salle capitulaire de la Cathédrale de Lincoln (1092-1280), et à la Lady Chapel (1306-1333) de la Cathédrale de Wells, apparaît, elle, de manière achevée, en 1351 à la construction du Cloître de la Cathédrale de Gloucester


Le Chœur de la Cathédrale de York est de style perpendiculaire comme la Chapelle Henri II à Westminster et plus tardivement la Chapelle du King’s College à Cambridge aux lignes particulièrement pures.
Le Gothique Anglais se différencie du Gothique Français par une utilisation plus décorative qu’architecturale de ses éléments. Il ne cherchera pas à élever toujours plus haut ses cathédrales. Il voudra par contre donner à ses façades comme à ses intérieurs

  •   une élégance décorative,
  •  un sentiment de spatialité dû non pas à un grandissement des volumes mais à la recherche d’une légèreté des structures notamment par :
    •   - une démultiplication du moulurage,
    •   - des effets visuels comme l’arc inversé du transept de la Cathédrale de Wells,
    •   - un emploi caractéristique de la fine nervure, qui jaillit en faisceau du pilier toujours le plus étroit possible.


Outre-Rhin

Du Roman au Gothique

L’architecture gothique allemande se distingue de la française essentiellement de trois façons :

  • L’architecte allemand a de manière générale opté pour une tour centrale intégrant le portail, tandis que le gothique en France a pourvu ses églises de deux tours en façade, de chaque côté du grand portail.
  • La quasi absence d’ornementation extérieure.
  • Les églises-halles sont les deux autres caractéristiques du gothique outre-Rhin qui se rapproche par contre du gothique anglais dans le soin de faire de l’intérieur des édifices une décor architectural.

Église Saint Maurice de Magdeburg

L’actuelle Cathédrale Saint-Maurice-et-Sainte-Catherine de Magdeburg (1209-1274, Saxe-Anhalt) marque le passage en Allemagne du Roman au Gothique. A son emplacement se trouvait la Cathédrale Romane Saint Maurice, bâtie à l’initiative de l’empereur Otton 1er et consacrée en 937. Romano-ottonienne, elle avait un plan à double transept, est et ouest, et possédait une crypte. Le cloître roman actuel est d’origine. Il a survécu à l’incendie 1209 qui détruisit l’église. Celle-ci fut reconstruite et devint cathédrale. Le chœur de la nouvelle cathédrale, par lequel commença de manière traditionnelle la construction de l’édifice, fut bâti en roman. La construction se poursuivit en gothique et s’étala jusqu’au XVème siècle.


Sondergotik, Gothique Spécial

Le Sondergotik, Gothique Spécial, contemporain du gothique flamboyant français, se développera en architecture dans le sud de l’Allemagne (Bavière, Rhénanie) et dans le Royaume de Bohème. Le terme, voulant marquer une distinction entre le gothique français et celui du St Empire, a été introduit en 1913 par le livre du même nom de Kurt Gerstenberg.

Au début du XIVème siècle, le Gothique Flamboyant se répand en Europe mais les pays qui le reçoivent en éliminent certains éléments comme le déambulatoire et le triforium. A noter que Peter Parler, sans doute, le meilleur représentant du Sondergotik conservera le triforium à la Cathédrale de Prague en le laissant largement ouvert. Cette élimination, l’historien de l’art Georg Dehio l’a appelée Gothique de Réduction. Les bas-côtés ont tendance à s’élever à hauteur de la nef dans un esprit basilical. Ce gothique annonce donc le Sondergotik dont la principale caractéristique sera l’église-halle avec  ses bas-côtés à hauteur de nef et un toit unique. Il conserve du Flamboyant sa tendance ornementale. Aux liernes et tiercerons en nervures des voûtes du Flamboyant seront préférées les voûtes en étoiles, en réseau[1]. Enfin les colonnes sont en spirales. Une autre de ses caractéristiques sera le développement des tours.

Romane dans le bâti du XIIème siècle, l’Église Saint Thomas à Strasbourg, dite Cathédrale du Protestantisme (le culte protestant y est célébré à partir de 1524) se voit dotée de deux fois deux bas-côtés à hauteur de nef au début du XVIème siècle et devient par-là très représentative de ce style avec ces cinq nefs, malgré leur élévation tardive.


L’Église Ste Marie à Soest (1313, Westphalie) et l’Église Saint Pierre à Bastogne (Luxembourg, bas-côtés du XVIème  siècle)  sont d’autres exemples de ces églises-halles. A l’aspect extérieur massif s’oppose l’intérieur qui semble d’autant plus spacieux qu’un emploi de fines colonnes donne l’impression que les voûtes sont « en l’air ». 

Les critiques indiquent que tandis que le gothique flamboyant se développé en France et le Sondergotik en Germanie, se développait en Espagne le Style Isabelin, mais celui-ci apparut plus tardivement comme son nom l’indique sous le règne d’Isabelle 1ère de Castille qui régna de 1474 à sa mort en 1504. Le Style Isabélin ou Style Hispano-Flamand fait suite au Gothique International et certains historiens l’assimile à l’Art Plateresque. En Angleterre, la phase la plus tardive du Gothique s’ouvre avec la construction (1351-1377) du cloître de la Cathédrale de Gloucester avec l’apparition des voûtes en éventail en son déambulatoire.


Style Parler

Architectes et sculpteurs de génération en génération, la famille Parler trouvera en Peter Parler (1330/33-1399) son membre le plus éminent. Son père travaille dès 1320 à l’Église Ste Croix à Schwabisch Gmünd (Bade-Wurtemberg) d’où la famille est originaire. Avec la reconstruction du chœur en 1351 (>1497), son fils Peter introduit le style flamboyant outre-Rhin et innove avec un déambulatoire pour lequel il met en place des piliers latéraux. Son ouvrage majeur est l’achèvement complet du chœur de la Cathédrale Saint Guy à Prague, réalisation qui définit le mieux le Style Parler.

 « Alors que, dans la partie inférieure, son prédécesseur, Mathieu d’Arras, avait adopté des divisions verticales, Peter Parler dispose des registres horizontaux, ce qui engendre une rupture brutale. Le triforium est traité en galerie couverte ; au-dessus se déploient

librement les fenêtres, scandées par un réseau très particulier de meneaux. La voûte n’a pas moins d’importance puisqu’elle va inspirer toutes les voûtes réticulées qui vont suivre et qui sont en fait des voûtes en berceau décorées .»

Il poursuit avec un ensemble sculptural de statues et tombeaux royaux, rompant avec la tradition par son souci de réalisme. Le Pont St Charles de Prague, ville qu’il réorganisa et où il mourut, est son autre œuvre majeure.


Il travailla aussi à la célèbre Église Ste Barbe à Kutna Hora (1388, Bohême Centrale). Les troubles provoqués par la Guerre des Hussites qui occupent la première moitié du XVème siècle (voir Renaissance, Réforme radicale) repousseront la continuation des travaux à plus d’un siècle. C’est un autre grand architecte, Benedikt Rejt (1451-1534), maître du Sondergotik (ci-après), qui remaniera entièrement les plans pour la transformer en une église-halle (Hallenkirsche), surmontée, qui plus est, de trois pyramides à clocheton en guise de toit.  

« Mais les innovations de Peter Parler ne s'arrêtent pas à l'architecture : la sculpture est aussi son domaine. L'innovation se trouve cette fois dans la galerie ouverte qui se trouve entre les arcades et les fenêtres hautes, donc au deuxième étage. Et c'est encore une première, Peter Parler installe des bustes sculptés de personnages de son époque : 21 bustes.» (https://www.cityzeum.com/les-bustes-sculptes-de-la-cathedrale)


La famille d’architectes Parler (parler=parlier=contremaître) comprend selon la source Wikipédia/Famille Parler : Heinrich Parler l’Ancien (1330-1399) qui a deux fils : d’abord  l’ainé Johan Parler le Jeune (Parler von Gmünd) qui a aussi deux fils : Michael, maître d’œuvre de la Cathédrale de Strasbourg et Heinrich le Jeune, maître d’œuvre de la Cathédrale d’Ulm et qui travailla au Château de Prague ; ensuite, autre fils d’Heinrich, le cadet, Peter Parler qui a, entre autres enfants, aussi deux fils : Wenzel qui travaillera avec lui à la Cathédrale Saint Guy et Michael Parler le Jeune.

Selon la source https://structurae.info/personnes/peter-parler : La famille Parler compte le père Heinrich Parler l’Ancien et ses trois fils : Heinrich le Jeune, Michael et Peter Parler qui a deux fils : Wenzel Parler, Johann Parler le Jeune.


Le Spätergotik

A partir de 1350, le Spätergotik, le gothique (le) plus tardif, commence à se développer. Il s’était déjà annoncé avec Peter Parler (1330-1390) dans le chœur de la Heilenkranz de Schwäbisch Gmund et aux voûtes réticulées (de résille, en réseau) de la sacristie et du triforium ouvert sur la nef de la Cathédrale de Prague commencée par l’architecte Matthieu d’Arras. Ce style se prolongera au-delà du premier quart du XVIème siècle.

 En peinture, il se traduit dans le Weicherstil, le Style Doux, représenté par Conrad von Soest (1370-1422), le Maître du Jardinet du Paradis (de Francfort, vers 1410) et plus tardivement pas Luca Cranach (1472-1553). (Voir Art Gothique /Gothique International)


Espagne 

Voir aussi La Renaissance/Arts/La Pré-Renaissance/ Espagne

Le Premier Gothique

L’histoire de la construction des deux grandes Cathédrales de Burgos et de Tolède avec la Cathédrale de Séville (XVème siècle) retrace l’histoire du gothique en Espagne.
Au XIIIème siècle, l’évêque Don Mauricio ramène de France des plans du nouvel art, l’Art Français, selon lesquels sera élevée à partir de 1221 la Cathédrale de Burgos. La dépouille du Cid (campeador Rodrigo Diaz de Vivar,1043-1099) y sera transférée. Il intro-duit ainsi le style gothique dans la péninsule.
En 1316, est entrepris la construction de la salle capitulaire avec nervures en étoiles. Nervures en étoiles que l’on retrouvera dans le cimborrio [7] de la Cathédrale médiévale de Saragosse construit vers 1403-1409, mais qui détruit sera remplacé par un nouveau cimborrio sur des plans établis par Enrique Egas en 1504 [8].
L’archevêque de Tolède, Rodrigo Jiménez de Rada, auteur d’une chronique de l’Espagne, qui a sans doute pris connaissance des plans de Don Mauricio (?) dirige à partir de 1226 l’édification de la cathédrale de la ville selon ce nouveau style. Les travaux s’étaleront longuement et difficilement sur deux siècles. En 1442, ils seront achevés (nef, portail, lanterne) par le Flamand Hannequin de Bruxelles (?-1494) qui s’affirme au même titre que Jean de Cologne comme un grand maître de ce style original conjuguant la rigueur du Nord à la libre expression espagnole. Son frère, Egas Cueman (?-1495), prendra en charge la sculpture ornementale.
En ce même XVème siècle, l’évêque Alonso de Carthagène ra-mène en Espagne, cette fois-ci non plus des plan mais un architecte, l’architecte rhénan Jean de Cologne (1410-1481). Celui-ci va remanier à partir de 1440 l’ancienne cathédrale gothique en mettant en œuvre le Gothique Flamboyant (Tardif) qui, adopté et adapté à la veine décorative du Style Mudéjar, donnera naissance au Style Hispano-Flamand.


Le Style Mudéjar

Le style gothique en Espagne s’implanta sur une terre déjà profondément marquée par le Style Mudéjar qui s’y sera manifesté du XIème siècle au XVIème siècle. Le gothique en subit immanquable-ment l’influence, notamment au plan décoratif. On appelait mudéjar (de domestiquer, en arabe), les musulmans, de langue castillane, restés vivre en Castille après sa reconquête par les rois chrétiens. Le Style Mudéjar prolonge le Style Mozarabe qui est le style inventé par les chrétiens vivant précédemment dans l’Espagne andalouse (Al-Andalus) et dont nombre d’entre eux parlaient, eux, l’arabe. 
Les architectes du Style Mudéjar, héritiers des grands styles andalous (omeyade, almohade, nasride) participèrent à l’édification des monuments religieux et publics de l’Espagne chrétienne en mettant en œuvre aussi bien leur technique que leur matériaux. Aussi, selon les périodes, on parle de style roman-mudéjar ou de gothique-mudéjar.
Le Style Mudéjar se caractérise par :

  •  l’emploi de la brique,
    •   une diversité des formes données à l’arc (brisé, outre passé, plein cintre, en doucine),
    •   des voûtes polychromes modelées par le stuc,
    •   des plafonds en bois (artesonados) ;
  •    l’emploi de carreaux émaillés dont ceux à reflets métalliques (azulejos).

Appliqué dans les royaumes du León, d’Aragon et de Castille mais aussi dans le sud du Portugal, ce style tout autant employé en architecture civile que religieuse donna ses plus belles réalisations :

  •   à Séville avec Reales Alcázares de Sevilla : Après le trem-blement de terre de 1356, Pierre 1er, au XIVème siècle, fit reconstruire le palais gothique d’Alphonse X datant du XIIIème siècle, en pur Style Mudéjar; 
  • à Tolède avec le chevet de la Mosquée du Cristo de la Luz rajouté en 1187 à ce qui était l’ancienne Mosquée Bab al-Mardum construite au Xème siècle en période omeyade et dont le style est facilement reconnaissable par l’emploi de nombreuses arcades en-fer-à-cheval et au décor bicolore. 
    L’Église Santiago del Arrabal du XIIIème siècle est sur-nommée, elle, la cathédrale du mudéjar ;
  • à Saragosse avec les Églises San Pablo et Santa Maria Magdalena et leur remarquable tour du XIVème siècle ;
    à Teruel avec la Cathédrale Santa Maria de Media Villa du XIIIème siècle, aux tours toutes aussi remarquables;
  • à Saragosse avec les Églises San Pablo et Santa Maria Magdalena et leur remarquable tour du XIVème siècle ;
    à Teruel avec la Cathédrale Santa Maria de Media Villa du XIIIème siècle, aux tours toutes aussi remarquables;
  • à Cordoue avec les douze Églises Fernandines (XIIIème s.) construite en pierre et non comme à Tolède en briques;
  • à Grenade avec l’Alhambra. Perle du style Mudéjar, ce pa-lais royal construit en 1232 par le premier émir de la dynastie Nasride, Mohamed ben Nazar, restera le dernier bastion du pouvoir islamique jusqu’à ce qu’en 1492, déjà sous protectorat espagnol, le dernier émir, Boabdil, abandonne sa souveraineté à Ferdinand d’Aragon et Isabelle de castille. Le palais attenant de Charles-Quint est dans le style renaissance (Voir Renaissance/ Art/Espagne).


Le Style Isabélin

Le Style Isabelle ou Style Isabélin, prolongement du Style Mudéjar prendra place à la fin du XVème siècle pour s’éteindre dès la mort d’Isabelle 1ère de Castille en 1504. On le donne généralement comme forme nationale du Gothique Flamboyant alors que certains historiens l’assimilent au Style Plateresque. Le Style Isabélin ou Style Hispano-Flamand débute bien avec le règne d’Isabelle en 1454 (Voir Arts/Renaissance/ Espagne).


Italie

La Tradition Byzantine

Le style gothique imprègnera surtout l’architecture conventuelle. Les églises resteront pour la plupart fortement influencées par le Style Byzantin. Quant aux églises qui recevront l’influence du Style Français, elles n’en intégreront que certains éléments tout en conservant des éléments romans et byzantins comme la Basilique Saint Antoine à Padoue, la Basilique Saint François à Assise qui possède un intérieur gothique tardif et un extérieur roman. Le chevet de l’Église Saint François à Bologne est très caractéristique de cette pénétration d’éléments gothiques, les arcs-boutants décoratifs, dans une architecture romane qui perdure.


La Florence d’Arnolfo di Cambio

L’architecture de la péninsule italique manifestera à Florence, à la fin du XIIIème siècle, une originalité annonciatrice de temps nouveaux, représentée par le sculpteur et architecte, Arnolfo di Cambio (ou di Lapo, 1246-1302/16). Bien que la cathédrale ne soit pas de façon certaine de lui, la Santa Croce et le Palazzo Vecchio commencé en 1299 où siègera la Seigneurie (Signoria) qui gouvernait Florence, lui sont sans conteste attribués. Même s’il emprunte au nouveau langage français adopté par toute l’Europe, di Cambio, selon une cons-tante de l’architecture italienne, préserve un équilibre entre l’élévation et le plan. L’une ne doit pas s’élever sans que l’autre ne s’élargisse afin de garder une justesse de proportions, un juste rapport des lignes horizontales et verticales.
Cambio fut également sculpteur. Élève en ce domaine de Nicola Pisano (1220-1278), il fut le premier à tourner son regard vers l’Antiquité Classique pour s’en inspirer. Il se spécialisa dans la statuaire funéraire et réalisa entre autres le Monument Funéraire du Pape Boniface VIII (1300) et la Statue de Charles 1er d’Anjou, roi de Naples (1267). Il ne se cantonna pas à Florence. Il travailla à Rome au décor de plusieurs églises comme aux Basiliques Sainte-Marie-du-Transtevere et Saint-Paul-hors-les-Murs.


Notes

[1] La Cathédrale de Chartres, véritable livre ésotérique avec entre autres ses proportions calquées sur les proportions musicales, ses vitraux qui sont une des plus belles réalisations de l’art du vitrail, son labyrinthe, sa Vierge Noire qui signale l’existence de son profond puits, sa crypte dont le tertre serait un ancien lieu de culte druidique. Cf. Louis Charpentier Les Mystères de la Cathédrale de Chartres, Édit. Laffont 1966

Arcs boutant et croisée d’ogives faisaient déjà partie de la grammaire architecturale romane. L’arc brisé est apparu en Bourgogne dans la période de l’Apogée du Roman (cf. G. Berthelot & J.Balédent in Art et Secrets des Bâtisseurs-Édit. du Pont-Royal, 1961).
[3] A.Erlande-Brandenburg, Deschamps Jean,2e moitié XIIIe s. Encyclopædia Universalis http://www.universalis.fr/encyclopedie/deschamps-je
 [4] Citation et pour en savoir plus sur la cathédrale St Étienne : http://www.archives.toulouse.fr/histoire-de-toulouse/lieux/quartier-saint-etienne/cathedrale).
 [5] Pour en savoir plus sur Jean Deschamps : Michael F. Davis, The Choir of Cathedral of Clermont-Ferrand in Journal of the Society of Architectural Historians, compte-rendu de Dany Sandron in Jean Deschamps et la cathédrale de Limoges’http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1990_num_148_4_4369)
Et Thierry Soulard, Jean Deschamps et sa descendance : les cathédrales de Clermont, Bordeaux et Limoge in Hommage Alain Erlande-Brandenburg, Paris 2016
 [6] http://www.universalis.fr/encyclopedie/les-parler// Voûtes réticulées : les nervures décoratives sont constituées d'un réseau sous forme de treillis, du latin reticulum : filet, réseaux à mailles
 [7] Cimborio ou cimborrio: Tour-Lanterne surmontée d’une  ‘"coupole sur nervures, d'ascendance islamique, à la croisée de certaines églises et cathédrales espagnoles du Moyen Âge" (Dict. Larousse)
 [8] Javier Ibanez Fernández, Gothique, tradition constructive et masque 'al romano' : http://www.academia.edu/4227010/Gothique_tradition_ constructive_ locale_et_masques_al_romano_._Les_cimborrios_aragonais_du_XVIe_siècle


ARCHITECTURE GOTHIQUE CIVILE


Châteaux-Forts et Palais Français et  Étrangers - Urbanisme Flamand - Du Gothique à La Renaissance


Le Châteaux-Fort

Le temps des cathédrales fut celui aussi des châteaux-forts. Jusqu’alors, les places-fortes étaient des élévations en bois puis des tours en pierre. Les constructeurs des nouveaux châteaux-forts avaient pris modèle sur les Krak des Chevaliers, places fortes élevées en terre des Croisades pour résister à l’assaut des Sarrasins et contrôler les voies de passages.
Les pont-levis, mâchicoulis, donjons, tours, douves et courtines,
qu’il nous reste à voir sont les vestiges des châteaux-forts médiévaux plus souvent démantelés par les boulets de la vindicte royale que par ceux des ennemis. Le pouvoir se centralisait de plus en plus autour de la personne royale. Et le roi, non encore monarque, voyait toujours en eux des poches de résistances réelles ou éventuelles.
A Paris, le Château de Vincennes et les vestiges du Vieux-Louvre (aujourd’hui en sous-sol) datent de cette période. Le Château de Pierrefonds est une (re)constitution pittoresque de ce qu’était censé être un château-fort médiéval vu depuis le XIXème siècle romantique. Il n’en est pas moins une bonne expérimentation de la res-tauration naissante des monuments historiques sous la houlette de Viollet-le-Duc, soutenu dans son œuvre de restauration par l’inspecteur des Monuments Historique, l’écrivain Prosper Mérimée.


Hôtels, Palais et Châteaux

Avant l’arrivée du Style Gothique au XIIème siècle, les palais du Haut Moyen-âge ont une structure en bois. Ils comprennent essentiellement une grande salle à laquelle sera ajoutée une chapelle comme au Palais d'Aix-la-Chapelle [1](le chœur sera rajouté dans la période gothique). L’architecture publique va se déployer, elle, dans la construction d’hôtels de villes (parloirs aux bourgeois), de palais de justices, de halles, de demeures bourgeoises dignes de princes.

Maisons Jacques Cœur

La Maison Jacques Cœur à Bourges, construite de 1443 à 1451 est un bel exemple d’un gothique finissant. L’argentier du roi Charles VII meurt un an avant la fin de la construction, en 1541. Tombé en disgrâce – sans doute par jalousie, il a pu être l’amant de la favorite de Charles VII, Agnès Sorel – arrêté, évadé, réfugié à Rome, il obtient le soutient du Pape. Il meurt en 1451 dans l’île grecque de Chios au cours d’une expédition qu’il commande contre les Ottomans.
La Maison Jacques Cœur à Paris, construite par son fils Geoffroy en 1440, est remarquable par « la beauté de sa façade, percée de fenêtres à meneaux et décorée de briques rouges égayées d’un réseau losangé de briques noires couvertes d’un vernis plombé. » (http://www.pariswebtvquartier.fr/fr/tv-le-marais/mon-quartier/monuments-169/maison-de-jacques-coeur-2707/ )

Hôtel de Cluny

A l’Hôtel de Cluny, à Paris, se trouve exposées la Tapisserie de la
Dame à la Licorne commencé en 1485 achevée en 1505. Cette tapisserie est en fait une série de cinq tapisseries flamandes dont chacune représente une dame accompagnée d’une licorne accomplissant un acte qui symbolise un des cinq sens. Leur fond rouge reprend le Style fleuri ou Mille-fleurs. Ce motif à petites fleurs et végétaux identique-ment répété sur toute sa surface donne une impression d’un foisonnement végétal. Très célèbre dans toute l’Europe à la fin du Moyen-âge, il se retrouve sur la Tapisserie de la Chasse à la Licorne : Dans
cette série de sept tapisseries, exécutée à Bruxelles dans les dernières années du
XVème siècle, le fond fleuri est plus traditionnel, celui d’un bleu très foncé à fleurs le plus souvent blanches.

Hôtel de Sens

L’Hôtel St Pol dans le Marais à Paris a totalement disparu (voir Gothique International/École Franco-Flamande), mais dans le même quartier, Paris connaît toujours l’Hôtel de Sens (1475>1519). À l’origine résidence des évêques de Sens devenue résidence royale, cet hôtel connaîtra des usages commerciaux (diligences, blanchisserie etc.) avant d’être racheté par la Ville de Paris au début du XXème siècle et restauré. Le donjon, le portail, les tourelles sont d’origine, le reste avait été reconstruit dans un style néo-gothique au XIXème siècle. Il est l’un des trois témoins qui subsistent avec l’Hôtel de Cluny et la Maison Jacques Cœur d’exemples d’architecture civile du Moyen-âge en France. Il a fonction aujourd’hui de Bibliothèques des Beaux-arts, des arts décoratifs et des techniques artisanales.

Le Palais Royal de la Cité

Des palais gothiques de Paris ne restent plus que Le Palais Royal de la Cité. Siège du pouvoir depuis le Haut Moyen-âge, c’est Louis XI qui, au milieu du XIIIème siècle, lui fit donner de nom-breuses extensions d’architecture gothique, entre autres la Sainte Chapelle dont les quinze verrières sont un sommet de l’art du vitrail avec celles des Cathédrales de Rouen [2] et de Chartres. Le Parle-ment fut installé côté bord de Seine, et un siècle plus tard, le niveau inférieur sera transformé en une prison, la Conciergerie, rendue tris-tement célèbre sous la Révolution. L’aile sud était occupée par les administrations (services publics). Seule, la Cour de Justice, l’actuel Palais de Justice, s’y est maintenue en occupant une bonne partie de l’ancien palais royal.

Le Palais des Papes

Le Palais des Papes en Avignon, alors centre d’un important courant artistique à la jonction des influences nordiques et latines, a conservé lui toute sa superbe. En 1336, dans la ville, pontificale de-puis 1318, est édifié le Palais Vieux, qui sera démoli en 1347 pour qu’en 1351 le Palais Neuf soit terminé et prenne sa place. En 1348, Clément VI acheta la ville à la Reine de Naples.

La Cité de Carcassonne

La Cité de Carcassonne dresse encore ses murailles wisigothes, amplifiées sous Saint Louis et Philippe le Hardi.

L’Hôtel-Dieu de Beaune

Le toit de tuiles vernissées de l’Hôtel-Dieu de Beaune (1443-1451) donne un intéressant mélange de décor flamand et d’architecture à la française.

Le Château de Blois

Le Château de Blois conserve des réminiscences du gothique tardif avec son aile Louis XII qui fait face à la façade XVIIème siècle de Mansart, à l’opposé de la cour. Elles sont reliées entre elles par la partie Renaissance du château dont le fameux escalier extérieur à vis offre par ses ouvertures l’occasion à ceux qui l’empruntent d’une mise en représentation d’un effet des plus théâtraux.

Le Palais de Justice de Rouen

Le Palais de Justice de Rouen construit entre 1499 et 1526 flamboie des deniers feux gothiques.

Le Château Plantagenêt

Le Vieux-Louvre a également disparu remanié à la Renaissance avec les ailes François 1er et Henri II, premiers éléments à l’ouest de ce qui deviendra la Cour Carrée.
À Poitiers, dans l’actuel palais de Justice, l’ancien Château des Plantagenêt, construit par le premier troubadour, Guillaume IX, grand-père Aliénor d’Aquitaine (1120-1204), maintes fois remanié, il subsiste des éléments de cette période gothique : Dans la grande salle, les culots des colonnes affublés de visages grotesques qui singulari-sent ce Gothique Angevin et la Tour Maubergeon, à plan barlong, reconstruite, le siècle suivant en 1388, en pur flamboyant par Guy Dammartin à la demande du Duc de Jean du Berry, Comte du Poitou, pour lequel Du Guesclin a repris la ville aux Anglais en 1372.


Hors de France

Le Palazzio Vecchio

Le Palazzio Vecchio de Florence, construit en 1229 et 1314 par l’architecte sculpteur Arnolfo di Cambio († ca.1310), innove par une tour s’élevant au-dessus des créneaux de ce palais-forteresse, la Torre di Arnolfo, qui servira de modèles à d’autres palais italiens. Sous les coursives en arcatures aveugles de la façade donnant sur la Piazza della Signiora (parlement) s’échelonne une série de blasons embléma-tique de l’histoire de la ville. Les décors peints des salles intérieures datent pour la plus part de la Renaissance.

Le Château de Heidelberg

Construit à l’origine à la fin du XIIIème siècle et le début du XIVème, la résidence des ducs palatins dans le Bade-Wurtemberg, ne conservera que très peu de son style gothique au moment de son re-maniement à la Renaissance.

Le Château d’Eltz

Offert au Comte von Eltz par l’empereur Frédéric Barberousse (1122-1190) avec charge de défendre la voie commerciale de la Meuse dans la vallée de laquelle, sur un pic rocheux, il a été construit, ce château, resté intact depuis sa construction, reflète à lui seul huit siècles d’histoire germanique. Les Rübenach à partir de1472, les Rodendorf à partir de 1540 et les Kempenich à partir de1615, toutes branches d’une même famille, n’ont eu cesse de l’agrandir en lui ap-portant les styles architecturaux propres à leur époque.


L’Urbanisme Flamand

Au point de vue urbanistique, les maisons flamandes commencent à élever sur le devant des rues, leur étroite façade ornementée de moulures et sculptures en bas-relief sous des pignons souvent en escalier, tandis que perpendiculairement à la voie publique, elles s’allongent côte à côte en profondeur
Le Gothique Flamboyant n’aura pas complètement disparu au XVIème siècle dans les Flandres néerlandaises. Les derniers représentants du style sont :
        •   Rombaut II Keldermans (c. 1460-1531), descendant d’une longue famille d’architectes, sculpteurs, peintres originaires de Mechelen( Brabant), entre autres  architecte de l’Église Sainte-Catherine à Malines - église dotée de bandes décoratives sombres et claires (1525-50). Il travailla à la Cathédrale Notre-Dame d'Anvers commencée en 1352 et achevée en 1521, à l'église  des Onze-Lieve-Vrouw-over-de-Dijlekerk à Malines reconstruite au XIVème siècle   et à l’Hôtel de Ville de Hoogstraten (Province d’Anvers, 1534). Il établit au début  du XVIème siècle  avec l'architecte De Waghemaeker  les plans de  la Maison de La Keure (maison des échevins chargés de l'administration de la vile)) de Gand  dont ne furent réalisés qu'une partie. Il fut anobli par Charles-Quint.
       • Henrik van der Pede qui construit l’Hôtel de Ville d’Audenarde (Région de Gand, 1526-1537).



Du Gothique à la Renaissance

La Renaissance  ne commença pas en un temps T dans toute l’Europe ni dans tous les arts, et au même rythme.  . En musique, par exemple, si au  XVème siècle commença à se former la musique monodique vit, l'ancestrale polyphonie y atteingnit  son apogée. Le style gothique en architecture comme dans les arts plastiques en leur dernière phase, s’exprima encore pendant de longues années en dehors des grands centres artistiques et culturels. Il  demeura longtemps l’art officiel en ce qui concernait les bâtiments publics. De même pour les constructions religieuses, les architectes dans les régions reculées continuaient d’appliquer ce qu’il leur avaient été transmis. Dans le domaine privé, le style devait d’être encore adopté par tout bourgeois souhaitant se faire construire une belle demeure signe de sa réussite sociale.


Notes

[1]  Les Palais dans l'Europe Occidentale Chrétienne du Xème et XIIème siècles de Jacques Gardelles in Cahiers de civilisation médiévale Année 1976 Volume 19 Numéro 74 pp. 115-134. http://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1976_num_19_74_2035
[
2] ‘Les Belles Verrières’ déposées et remontées dans les Chapelles St Jean et St Sever vers 1270, sont antérieures à ceux de la Sainte Chapelle de plus d’un demi-siècle. Les fenêtres basses du déambulatoire, elles, leurs sont contemporaines (après 1250). Les 2600 mètres carrés de vitraux de la Ca-thédrale Notre-Dame de Chartres, peut-être le joyau des joyaux, ont été commencés en même temps que les ‘Belles Verrières’ au début du XIIIème siècle et achevés avant la moitié du siècle.


LA PEINTURE GOTHIQUE  XIIIÈME ET XIVÈME SIÉCLES

Introduction - Le Vitrail - L'Enluminure - Le retable et La Prédelle- - Écoles Italiennes du Trecento


Introduction

Voir aussi L’Art Roman /Peinture
La couleur continue de jouer une place importante dans l’Art Gothique; les statues de pierre comme de bois, en intérieure comme en extérieure, sont toujours polychromes. La peinture murale gothique des XIIIème et XIVème siècles est une peinture qui veut prolonger la valeur d’édification de la peinture romane, mais les murs étant de plus en plus de faible dimension, elle perdra de facto de son importance dans sa surface et dans son intérêt didactique. L’espace qu’elle n’occupera plus, celui des ouvertures toujours plus grandes sera occupée par une nouvelle expression plastique : le vitrail. L’Italie saura quand même préserver suffisamment de surfaces à peindre dans ses églises et ses chapelles pour que l’art de la fresque les couvre de ses plus beaux chefs-d’œuvre.
L’art de l’enluminure retrouvera la place qu’il avait perdu dans le roman cistercien ; et dans son évolution, il aboutira au milieu du XIVème siècle à la peinture sur chevalet dont le Portrait de Charles V lui-même est la première exécution. La peinture aura alors acquis sa pleine autonomie : autonomie du sujet qui quittera progressivement le domaine religieux, autonomie du support qui ne sera plus imposé par l’architecture, la sculpture et le manuscrit et autonomie de déplacement grâce à une structure simple, le panneau de bois, et par la suite plus mobile, la toile, à l’origine marouflée sur le panneau et qui s’en libérera et pourra être roulée.
Le Portrait du Roi Charles V lui-même va marquer un tournant irréversible dans l’histoire de la peinture. Ce tableau est la première des peintures dite sur chevalet donc transportable facilement, de dimensions relativement grandes pour une figure : 60x40cm. Mais encore, ce portrait est le tout premier portrait de l’histoire de la peinture. Non que l’on ait jamais représenté auparavant figure humaine mais jamais non seulement en buste mais dans l’intention de présenter l’identité du personnage entendue comme à la fois pouvant être reconnu de tous mais en quelque sorte découvert en sa singularité d’individu, d’homme et non de roi.


L’ Art Médiéval du Vitrail

Le vitrail a été inventé au IXème siècle en Perse. Il arrive en Europe dans la première moitié du XIIème siècle. Les verrières de la façade ouest de la Cathédrale de Chartres et les rosaces du transept de la Cathédrale de Sens, la rosace ouest et les vitraux du chœur de la Nécropole de St Denis, remaniée par l’Abbé Suger, sont les premiers exemples de leur usage, au moins en de grandes surfaces. Il semblerait que Suger en ait possédé, pour user d’un terme actuel, « la licence » ; à telle enseigne que c’est par lui que passe la décision d’installer et donc de faire cuire le vitrail de Notre-Dame-de-la-Belle-Verrière (1180) à Chartres. Chartres deviendra un centre très important d’ateliers de verriers. Le fameux ‘bleu de Chartres’ (bleu de cobalt) fera leur renommée. Ils livreront leur production dans toute l’Île-de France et au-delà, Rouen, Bourges….
Pour fixer les idées, un vitrail peut couvrir une surface de 16m² soit mesurer 8m sur 2 (ou 4x4), et ses éléments ne dépassent jamais le mètre carré. Au XIIème siècle les armatures quadrillent le vitrail perpendiculairement, constituant de grands rectangles dans lesquels prenaient places les médaillons. Au sein de ces médaillons, les cloisonnements de plomb, en tenant compte des impératifs techniques, dessinent les formes qui sont remplies par les morceaux de verres teintés dans la masse. En cours de cuisson est incorporé dans le verre de la grisaille de bistre (mélange de bistre (suie de bois) et de gomme). Elle donne un certain ‘modelé’, une certaine expressivité, un détail aux formes et figures représentées. Mais le bistre sert aussi à teinter le verre car selon son traitement, il peut donner des nuances de couleurs très variées, allant du jaune safran au brun foncé sous lequel on le connaît le plus généralement.
Au siècle suivant, ces médaillons prennent des formes variées : demi-cercles, losanges, carrés qui s’intercalent en symétrie sur la largeur du panneau et dessinent une géométrie qui se répète sur toute la hauteur du vitrail. Chaque médaillon délimite une scène et l’ensemble des médaillons constitue au final une bande dessinée. Le Cycle de Charlemagne dans les hautes verrières de Chartres (XIIIème siècle) est parmi les plus célèbres des récits, bibliques ou légendaires, que content les vitraux. Les vitraux se lisent généralement de haut en bas et de droite à gauche. Mais l’histoire principale, celle courante d’Adam et Ève par exemple, peut se trouver au centre, les médaillons latéraux apportant détails ou commentaires.


Certains ésotéristes attribuent au vitrail des XIIème et XIIIème siècle des qualités particulières en faisant remarquer que contrairement au verre teinté ordinaire, le vitrail fabriqué à cette époque, sous l’effet de la lumière ne projette pas sa couleur mais diffuse une clarté qui paraît toujours de la même intensité quelle que soit la plus ou moins grande luminosité extérieure, comme si cette lumière extérieure n’avait d’autre effet que d’aviver l’éclat du vitrail comme il en est d’une pierre précieuse.
Selon ces ésotéristes, cette particularité des premiers vitraux donnerait à la lumière qu’ils diffusent une qualité vibratoire que l’on ne trouve plus dans les vitraux réalisés dès le milieu du XIVème siècle. Cette vibration énergétique aurait un effet d’autant plus bénéfique sur toute personne se trouvant à l’intérieur de l’édifice, que le verre dont elle émanerait aurait la propriété de filtrer les rayons ultraviolets. L’art du vitrail est directement mis par ses adeptes de l’occulte en relation avec l’alchimie, considérée de nos jours comme art du feu précurseur de la chimie moderne.
Quoiqu’il en soit, l’art du feu et l’art de la couleur sont indissociables dans la fabrication du vitrail. Pour ce qui est de la part du feu, sa cuisson est très difficilement maîtrisable ; Quant à sa part de couleur, sa technique est tout aussi savante. Le verre est teinté dans la masse par le procédé de cémentation qui incorpore au verre pendant sa cuisson, à l’aide du cément (ocre ou argile calcinée), des sels métalliques d’argent ( qui donne le vif argent ) ou de cuivre ou des éléments issus de minerai tel que le cobalt. Pendant la cuisson qui donne au verre, qui est en train d’être teinté, sa tonalité (couleur) dominante, des morceaux de verre sont retirés dans leur phase de coloration en fonction des valeurs différentes de ton que l’on veut donner à ces morceaux. Cette sélection est fonction de la maquette du vitrail préalablement réalisée.
A la Renaissance, le vitrail prendra une tout autre apparence. Les couleurs seront en grande partie remplacées par un camaïeu de gris (grisaille).
Les plus beaux vitraux français du Bas Moyen-âge sont :
       •   à Chartres, peut-être le joyau des joyaux, les 2600 mètres carrés (!) de vitraux de la Cathédrale Notre-Dame, commencés à la fin du XIIème siècle et achevés avant la moitié du XIIIème .
        •    à Rouen, les ‘Belles Verrières’ de la Cathédrale du début du XIIIème siècle, remontées dans les chapelles St Jean et St Sever vers 1270, et les fenêtres basses du déambulatoire du milieu du XIIIème siècle ;
        •   à Paris, les quinze verrières de quinze mètres de haut (!) chacune de la chapelle haute de la Sainte Chapelle (1241-1248). Ceux de la chapelle basse ont été déposés et remplacé au 17ème siècle.


L’ Art de l’Enluminure

Introduction

Voir aussi Peinture Romane/ Enluminure.
L’enluminure est la partie ornementale d’un manuscrit : lettrine, miniature, bordure. Elle est apparue aux temps carolingiens. Bien que l’Abbaye de Cluny ait été toujours favorable dans ses différentes phases à l’ornementation en lançant d’importants programmes sculptés et peints, l’art de l’enluminure connut un certain déclin à l’époque romane sous l’influence de l’ordre cistercien hostile à toute forme d’ornement. L’enluminure sera remise en valeur dès la première période du gothique à partir de la deuxième moitié du XIIème siècle. Elle disparaitra avec la découverte de l’imprimerie, milieu du XVème siècle. Au XIIIème siècle, Paris est un centre culturel qui prend de plus en plus d’importance avec la fondation de l’Université de Paris et les manuscrits circulent facilement. Les nobles veulent posséder de beaux livres. De l’atelier royal sortira des manuscrits de grande qualité qui feront leur renommée ; le Psautier de Saint Louis (1250-1273) en est un exemple
Dans son exécution, l’enluminure emprunte aux peintures sur verre et émaux, produites dans les régions de Moselle et du Rhin, leur souci de personnalisation, de rendre chaque scène particulière; du vitrail, elle retient sa couleur aux tons plus intenses, et sa composition géométrique.


La Miniature

Dans sa dernière phase, l’enluminure deviendra ce travail fin sur petite surface, parchemin, vélin pour portraits et scènes religieuses, et sur petits objets usuels, bonbonnière, tabatière et autres pour décor champêtre. Elle prend alors le sens de miniature telle qu’on l’entend aujourd’hui, la miniature étant à l’origine la partie imagée de l’enluminure. Miniature vient de minium, calcination du plomb de couleur rouge rubis. Le rouge rubis des en tête de chapitre donnera ‘rubrique’.


L’Enluminure Française

Au cours de la première moitié du XIVème siècle, Jean Pucelle (†1334) apporte des innovations qui seront déterminantes dans l’évolution de la peinture. Il abandonne les motifs décoratifs architecturaux sur fond d’or au profit d’un paysage coloré, plus sensuel, d’une certaine luxuriance. Dans un souci plastique, il porte un soin particulier à la mise en page dont le texte se voit entouré d’un motif floral comme par exemple dans le Bréviaire de Belleville.
Les ducs de Berry et d’Anjou dans la période du Gothique International, solliciteront largement les ateliers de Paris et de province dans lesquels travaillent des enlumineurs flamands et français tels les Frères Limbourg (Riches Heures du Duc de Berry) ou le Maître de Rohan. Ils exécuteront parmi les plus belles miniatures du Moyen-âge. (Voir aussi Gothique International).


East-Anglian Style

A la même époque, en Angleterre, s’épanouit le East-Anglian
Style qui doit son nom à la région où il est apparu, celle de l’East-Anglia et des Midlands. Ce style prend plus de liberté encore dans l’encadrement de page occupé par un décor végétal de fleurs et feuilles, mais aussi animalier n’excluant pas des animaux grotesques. Les marges sont toujours plus larges : Psautier Alfonso (1284), Psautier Saint Omeret, Psautier Ormesby-Gorleston (1330), et le Psautier De Lisle (1340) qui annonce la fin du style.


Le Zackenstil

Très tôt, au cours du XIIIème siècle, en Saxe et en Thuringe, se développera dans le domaine de l’enluminure, un style gothique caractérisé par des formes en zigzag, des lignes cassées donnant une impression d'haché, de déchiqueté, d’où son nom Zackenstil (Style Déchiqueté), qui s’inspire du drapé byzantin. Son plus bel exemple en est la splendide décoration de L’Évangéliaire de Mayence (1250). Ce style se répandra rapidement dans les ateliers de peinture de Rhénanie et de Franconie où il se laissera influencer par la sculpture et verra ainsi ses formes tendre vers plus de plasticité. Il ne s’étendra pas au-delà de l’Autriche, de la Suisse et de la Bohème.


L’Enluminure en Italie

Enluminure Gothique

En Italie, Simone Martini (1284-1344) va marquer de son empreinte la miniature avant qu’il ne se rende à la cour du pape en Avignon où il se liera d’amitié avec Pétrarque.
« L’art de Simone Martini doit beaucoup à l’enluminure française et à la sculpture sur ivoire. Des exemples de telles œuvres sont présentés à Sienne au XIVème siècle grâce à la Via Francigena, un pèlerinage et une route de commerce principale d'Europe du Nord à Rome.» (ARTS3 : http://www.art-gothique.net/simone-martini.html)
L’art de l’enluminure s’exerce dans toutes cités importantes de la péninsule, en Vénétie, Lombardie etc.. Padoue est un des centres les plus importants, qui développe une enluminure précieuse avec « le goût des arabesques, , des pierreries, des riches guirlandes de fruits, traités en coloris vifs [1] » .

Enluminure de La Renaissance

L’enluminure survivra en période de la Renaissance quand les maîtres feront appel à des motifs à l’Antique.
Les tout derniers représentants de l’enluminure en seront au XVème et XVIème siècle:


  • Taddeo Crivelli (1425-1479) [2], élève de Pisanello (1395-1445), peintre et enlumineur. Actif à Ferrer, son chef-d’œuvre, qui est une des réalisations majeures de l’art de l’enluminure, est son enluminure de la Bible de Borso Este réalisée pour Borso d’Este alors Duc de Modène avant qu’il ne devienne Duc de Ferrare quelques mois avant sa mort (†1471);  
  • Bartolomeo della Gatta (Pietro di Antonio Dei, 1448–1502) a travaillé comme peintre à la Chapelle Sixtine et a formé comme enlumineur : 
    •   Attavante degli Attavanti (1452-1525). Plus tardif, élève aussi d'Andrea del  Verrocchio (1435-1488), il est à la tête d’un atelier dont la production est importante. Surtout connu pour l’enluminure de bréviaires pour le pape Léon X, pour le roi de Hongrie Matthias Corvin et autres princes comme Laurent le Magnifique. Son enluminure s’inspire de Ghirlandaio, Bartolomeo della Gatta ou encore Andrea Mantegna.
    •   D.G. Clovio (1498-1578) originaire de la Croatie alors vé
    nitienne. Il effectue la majeure partie de sa carrière à Rome. Jouissant d’une forte réputation de son vivant, il est représentatif de l’enluminure de la Haute Renaissance. Son ami Vasari disait de lui qu’il était « le Michel-Ange des petites œuvres ». Des œuvres comme La Vierge à L’Enfant avec les Saints est un groupe directement inspiré du Maître de la Sixtine.


Le Retable et sa Prédelle

Le Retable Peint

Il apparaît au XIVème siècle. Panneau de bois peint posé, on ne peut plus visible, au-dessus de l’autel des églises, il s’adapte aux dimensions du lieu. Il peut être composé d’un seul panneau de bois, de deux (diptyque), de trois (triptyque) ou de plus (polyptique). Les panneaux multiples se referment en dehors des heures des offices pour présenter des faces extérieures également peintes mais généralement de manière plus simple dans la composition et le traitement. Ce type de support se répandra très vite dans toute l’Europe.
Le retable marque un pas considérable dans le détachement de la peinture de l’architecture car son autre grand avantage est qu’il est transportable. Son usage, de ce fait, n’est plus réservé aux seuls édifices religieux; il peut être domestique à l’occasion de la prière et des fêtes religieuses. Mais les retables et leur prédelle étaient le plus souvent œuvre de commande destinée à une église précise. Leur facilité de déplacement n’était donc pas leur première raison d’être.
Les panneaux de retables, surtout les polyptiques, peuvent s’inscrire parfois dans une architecture de bois monumentale comme le Retable de la Basilique San Zeno, peint par Mantegna en 1457-60.


Les retables seront des supports de chefs-d’œuvre de la peinture comme le très grand polyptyque à deux niveaux de l’Agneau Mystique (1432) peint par Jan van Eyck. Comportant pas moins de douze panneaux , il marque une étape décisive dans l’entrée de la peinture dans sa période Renaissance.
Tout aussi imposante est la Maestà (en ‘majesté’ : vue de face, généralement la Vierge). Datée de 1308 du peintre Duccio. Il est un des premiers retables jamais réalisés, qui ne mesure pas moins de cinq mètres sur cinq. Il est considéré comme un des grands chefs-d’œuvre de l’art italien et sans doute le plus beau des retables du peintre.
Les Quatre scènes de la Vie de la Vierge (1394-99), peint par Melchior Broederlam pour la Chartreuse de Champmol (Bourgogne) est remarquable par son condensé d’histoire de l’art: Il nous donne à voir une synthèse de Style Courtois (Gothique International) et de ‘puissance’ flamande, tout en faisant preuve d’originalité par la recherche de perspective dans les éléments d’architecture comme dans le traitement du paysage.


Loin de s’éteindre à la fin le Moyen-âge, la fabrication de retable peint se poursuivra tout au long de la Renaissance et même à la Période Baroque où la tendance au panneau unique, compère du tableau de chevalet, déjà affirmée au XVème et XVIème siècles en Italie par Raphaël (1483-1520), se maintiendra. Ce panneau unique sera l’occasion d’œuvres grandioses dans lesquelles le décor sculpté prendra autant d’importance que la partie peinte, intégrant ainsi le retable à l’architecture pour laquelle il est alors conçu. Tous les grands peintres baroques d’Italie, des Pays-Bas, d’Espagne et de France s’y consacreront.
Au lieu d’être peint, le retable peut contenir dans une caisse (huche) des figurines sculptées, en haut ou bas-relief, voire en ronde bosse, soit dorées soit polychromées. Les volets de rabats, eux, sont toujours peints. Le Brabant au XVIème siècle en a produits des plus complexes et des plus beaux.


La Prédelle

Elle viendra s’ajouter au retable pour en faire partie intégrante. Située en-dessous du retable, elle le soutient sur toute sa longueur par un seul ou plusieurs panneaux rectangulaires de forme allongée, tout en le surélevant pour mieux l’exposer. Elle aussi est l’objet d’un décor peint, mais moins ambitieux.
Les Primitifs Italiens   XIIIème -XIVème siècles.


Les Écoles Italiennes du Trecento     

La peinture italienne dite primitive s’exprime sur fresque au XIIIème siècle puis à partir du milieu du XIVème siècle comme dans le reste de l’Europe sur retable. Elle est représentée par plusieurs écoles désignée par la ville qui en est le centre.

  •    Écoles de Sienne, de Florence, de Rimini, de Venise,
  •    Écoles de Bologne, de Pise, de Pérouse.

Née d’une volonté de s’écarter dès ses débuts des canons de la peinture byzantine en vigueur à l’époque romane, elle s’en départie sur les deux principaux éléments de la peinture figurative : le sujet principal, en l’occurrence les personnages, et le décor. La nature, nature humaine ou paysage, est traitée d’une manière réaliste qui sort la peinture de sa représentation symbolique. Les personnages prennent vraiment figure humaine et sont placés dans l’univers dans lequel ils évoluent au quotidien, ville ou campagne, architecture ou paysage.
Au XIIIème siècle, les grand
s peintres qui amorceront cette nouvelle phase de la création artistique italienne dont l’influence à des titres divers se fera sentir jusqu’à la Renaissance sont :


Giunta di Pisano

Giunta Capitino (di Giunta Pisano), natif de Pise, mort en 1260, est actif entre 1229 et 1254. Il exécuta trois christs de douleur à l’expressivité décisive. Ses christs en croix (sur bois) à Assise, Bologne et Pise « se différencient des réalisations similaires antérieures [Christ en croix sur bois] par la rigueur géométrique de la croix, par sa surface dépouillée de toute peinture narrative, de sorte que le corps du Christ s’en détache avec force et netteté. » (Encyclopedia Universalis)
Premier peintre à signer ses œuvres, il est aussi le premier peintre à vouloir faire preuve d’originalité, à vouloir se détacher des canons formels. Il eut une influence certaine sur la peinture de l’École d’Ombrie (Pérouse).


Le Maître de Saint François.

Actif entre 1260 et 1280, le Maître de Saint François réalisa dans Basilique Inférieure d’Assise (Ombrie) une série de cinq fresques sur le thème de la Passion et de cinq fresques sur la vie de St François dans lesquelles se fait sentir l’influence de Giunta Pisano. Il doit son nom à son St François et les Anges de la basilique inférieure. Il opère une transition : la ligne reste byzantine mais le décor plus réaliste et la couleur plus intense apportent la nouveauté de la peinture gothique.


Le Florentin Cimabue

Cenni di Pepi (dit Cimabue1240-1302) introduisit de manière affirmée le réalisme en peinture. Il reste peu d’œuvres de lui et encore moins en bon état. Dans ses Commentaires, Lorenzo Ghiberti (1378/81-1455) [3] le cite comme maître de Giotto mais “resté fidèle à la manière grecque” (tradition byzantin).

Duccio fut aussi son élève.
« L’intensité passionnée de son émotion a déterminé une des caractéristiques principales de l’art florentin, et son art doit être considéré comme le point de départ de la manière pathétique et réaliste de Giotto”. (Dict. De la Peinture, Édit.F.Hazan 1964)
Son Christ croix de 1275 qui montre la souffrance du supplicié par la seule expressive plastique du corps marque une coupure avec la manière byzantine.
Ses deux œuvres majeures sont la Maestà de la Santa Trinità et La Madone Ricellai. Il a décoré de fresques les basiliques supérieure et inférieure d’Assises (Crucifixion, Vie de la Vierge).


Duccio di Buoninsegna

A l'origine de l’École de Sienne, Duccio (1255/60 -1318) refonde la tradition byzantine en y intégrant des recherches personnelles par lesquelles il exprime une forte personnalité. De ses œuvres se dégage généralement une atmosphère de douce sérénité. Son travail tout en finesse frôle parfois la préciosité. Il est le premier à exécuter sur un retable, entre 1308 et 1318, une Maestà. (Voir /Retable)


Simone Martini

Élève de Duccio, Simone Martini (1284-1344) exprime son lyrisme par une dynamique des lignes. La tonalité générale de ses œuvres, le souci du détail révèlent comme chez son maître l’influence de la miniature française (voir enluminure). Son ensemble de fresques à la Basilique Inférieure d’Assise avec un impressionnant portrait de St François traduit parfaitement la maîtrise de son art. Son Annonciation (tempera sur bois, Musée d’Anvers) est particulièrement remarquable d’intensité et de délicatesse.
Rendu à la cour papale d’Avignon en 1340, il se liera d’amitié avec le poète Pétrarque. Il donnera à l’École d’Avignon tout son rayonnement. Il sera suivi en cela par le peintre français Enguerrand Quarton au siècle suivant. Les frères Lorenzetti, Pietro et Ambrogio, contemporains de Martini expriment de manière plus expressive, plus vigoureuse que lui, une autre tendance de l’École e de Sienne, un dessin ferme et une palette soutenue.


Ambrogiotto di Bondone dit Giotto

Peintre, sculpteur, architecte, visionnaire, Giotto (1267-1337) aura marqué de son génie l’art d’Occident autant qu’un Vinci ou un Rembrandt. Il aura connu les deux siècles de l’art primitif italien et à lui seul aura engagé définitivement celui-ci sur la voie de la Renaissance. Il est le peintre des fresques de la Basilique d’Assis et de l’Église Santa Croce à Florence sur lesquelles tout son attachement à Saint François resplendit avec une humilité et une pauvreté de moyens tout à fait franciscaines. A la puissance du trait s’allie une ampleur du volume sur les figures, et les fonds d’architecture structurent un espace qui tend déjà à prendre du relief. Les paysages restent encore symboliques sans un quelconque souci descriptif. Mais déjà Giotto creuse l’espace.


Taddeo Gaddi

Taddeo Gaddi (†1366), fut formé par Giotto et l’assista dans la décoration de la Chapelle Baroncelli à Santa Croce (Florence). Plus soucieux du détail que d’ampleur, il poursuit les recherches de son maître sur le travail de la lumière. Il a œuvré également à San Miniato al Monte (Florence) et à Pise.


Giovanni da Milano et le Style Courtois

Le Lombard Giovanni Da Caversaccio dit Giovanni da Milano fait la transition entre la peinture gothique proprement dite et la peinture courtoise. Il amorce en effet brillamment le Style Courtois. Actif de 1350 à 1369, il aurait été l’élève du florentin Taddeo Gaddi (1300-1366). Il a plus vraisemblablement reçu l’influence de Giotto par les maîtres lombards qui l’ont formé. Mais au-delà de sa formation gothique et si de Giotto il a retenu les fonds aux tons lumineux qui ouvre l’espace, s’il conserve à ses personnages une certaine solennité, Giovanni apporte à sa peinture, de manière nouvelle, tout à la fois une sensibilité, une poésie et un souci du naturalisme. Ses formes et couleurs douces, son rythme du dessin, sa recherche sur la composition seront en peinture les caractéristiques du Style International. 
Actif dès 1346 à Florence, il y influencera les peintres. Trois de ses œuvres maîtresses sont le Polyptyque de La Vierge à l’Enfant, les Saints de 1360-65 et le décor commencé en 1365 de la Chapelle Rinucci (Église Santa Croce, Florence).


Notes

[1]  Dictionnaire des Peintres Italiens, F Hazan, 1964
 [2] Ne pas confondre avec Carlo Crivelli (1430/35-1493/95) originaire de Venise, peintre ‘précieux’ qui « représente à merveille la forte inclination décorative et plastique du derniers tiers du XVème siècle.» ibidem

[3] Peintre et sculpteur, son exécution de la porte nord du Baptistère de Florence en 1401 est considéré comme le début de la Renaissance artistique. Le décor de la Chapelle Brancacci par Masaccio en 1424 fait également date comme début de la Renaissance en peinture.


 SCULPTURE ET GRAVURE  AUX XIIIÈME - XIVÈME SIÈCLES

La Sculpture : Vers Le Réalisme et  La Statuaire Funéraire - La Gravure



La Sculpture

Vers Le Réalisme

La Sculpture Profane

Au XIIIème siècle, en Italie, un sculpteur, Giovanni Pisano allait révolutionner la statuaire en faisant appel à une expressivité, une tension des formes, jusqu’à lui ignorées. Par lui, l’art n’est plus symbolique mais devient une mise en représentation.
Le sculpteur de la période gothique va prolonger cette avancée en détachant de plus en plus la statue de son support ( mur ou trumeau), la traitant en haut relief pour arriver in fine à une statuaire en ronde bosse de pierre ou de bois polychrome. Il le fera dans le souci d’un réalisme dont ne se souciait pas le sculpteur roman. Tendance au réalisme qui ira se confirmant jusqu’à la Renaissance Classique. Cette tendance au réalisme sera particulièrement marquée dans la décoration de la Chartreuse de Champmol (Bourgogne) où à l’instigation de Philippe 1er le Hardi sont appelés des artistes français et flamands qui formeront école autour du sculpteur Claus Slauter (1355-1404).


La Sculpture Religieuse

La sculpture gothique religieuse suivra cette tendance au réalisme qui se confirmera dans les siècles ultérieurs. Moins expressive que la sculpture romane, plus soucieuse d’une certaine ‘harmonie’ des proportions, s’appliquant aux effets esthétiques comme les drapés, elle s’efforcera de ne plus être qu’un simple supplément ornemental et didactique à l’architecture. Cela se remarque dans les statues des façades des cathédrales françaises qui sur trumeau ou piédroit, en embrasure, semblent par un traitement en haut relief vouloir se détacher de la pierre d’où elles ont été façonnées pour commencer à vivre cette vie automne que leur donnera la statuaire d’intérieur.
Les productions de cette statuaire d’intérieur sont des statues en ronde bosse, souvent en bois polychrome telles ses Vierges à l’Enfant assises en majesté ou debout dans un déhanchement qui sera leur caractéristique au XVème siècle.
Le portail ouest des églises sera un champ d’expression privilégié pour le sculpteur gothique. Christ en Majesté, Christ Pandokrátor, Dormition (on ne dit pas mort) et Assomption de la Vierge seront leurs thèmes obligés avec en mineur des sujets comme le Jugement Dernier, le Couronnement de la Vierge. La profusion sculpturale qui fait des cathédrales des livres ouverts se nourrit des travaux des champs, des villes, des saisons où le semeur côtoie le maître verrier. Le quotidien chargé de réalisme entre ainsi dans l’art sacré. Progressivement, la préoccupation ne sera plus l’illustration du monde par le symbole et le mythe comme émanation de la puissance divine, mais un regard posé sur sa créature et sur le chemin qu’elle doit parcourir pour atteindre au salut.


Pisano, Père et Fils

Au XIIIème siècle, Nicola Pisano dit Le Pisan (1220-1278) fut le premier à chercher au-delà de l’Art Byzantin, son inspiration dans l’antiquité grecque. Il forma son fils et Arnolfo di Cambio (1245-1310). Son fils, Giovanni Pisano (c.1248-1317), révolutionna, lui, la
statuaire en faisant appel à une expressivité, à une tension des formes par opposition d’ombre et de lumière jusqu’à lui ignorées. Père et fils travaillèrent ensemble à la Fontaine Monumentale des Princes de Pérouse (achevée en 1278).
Giovanni Pisano (1245/8-1318) fut avec Arnolfo di Cambio et Giotto, l’une des trois grandes figures de l’art italien qui allaient annoncer des temps nouveaux par une manière de voir et de concevoir l’art qui le faisait basculer du Moyen-âge à la Renaissance. De l’art du symbole on passait à l’art de la représentation, de l’art sacré à l’art profondément humain. Son chef-d’œuvre, la Chaire du Dôme de Pise date de 1266. Son style influença Giotto autant dans l’approche dramatique du sujet que dans une composition, un sens du volume qui détacha le peintre de l’art traditionnel byzantin. Giotto étant chronologiquement considéré comme le premier peintre gothique.


Jean de Marville

Jean de Marville ( †1389), natif du Nord de la France a été identifié comme Jean de Menreville. Il travaille en 1366 à l’église St Pierre à Lille. On le trouve en 1369 à Rouen travaillant à la Chapelle du roi Charles V dans la Cathédrale de Rouen avant d’être appelé par Phillipe le Hardi en 1372 comme ‘ymagier’ et valet de chambre pour travailler à Champmol. Il formera et dirigera l’École de Bourgogne. Claus Sluter lui succèdera. Il est considéré comme un des grands sculpteur du XIVème siècle. Le tombeau en albâtre du duc qu’il commença en 1381 est en grande partie de la main de Sluter qui ne l’acheva quand 1404.


Claus Sluter   

Sous le règne de Philippe II le Hardi (1342-1404), à partir de 1385, se développe l’École de Bourgogne. Homme cultivé et avisé, le Duc de Bourgogne veut donner à son ‘royaume’ (voir Introduction Générale) puissance politique et rayonnement culturel. Il fonde la Chartreuse de Champmol (Dijon) qui deviendra la nécropole des ducs de Bourgogne. Il fait appel pour sa construction en 1383 à l’architecte Drouet de Dammartin, actif de 1365 à 1404, qui avait auparavant travailler aux côtés de son frère Guy à la construction du château du Duc de Berry. Ces artistes se réuniront autour du sculpteur d’origine hollandaise Claus Sluter (1355-1406), natif de Harlem.
Claus Sluter (1335-1405) arrive à la Chartreuse en 1385, et prendra la direction de l’atelier ducal quatre ans plus tard. De 1385 à 1395, il réalise les sculptures du portail de la chapelle (statues de Philippe, Vierge au trumeau...); Entre 1395 et 1402, il exécute son chef-d’œuvre, classé au patrimoine mondial, le Puits de Moïse, pierre polychrome, placé au bas du calvaire du cloître.
Ses deux principaux élèves auraient été selon certaines sources Drouet de Dammartin, déjà sculpteur à l’origine (les formations vont souvent de pair au Moyen-âge comme encore à la Renaissance), probablement mort en 1413 ; et Jean (ou Hennequin) de Marville mort, lui, en 1389. Le sculpteur Jean de Baerze, actif entre 1375 et 1400, participera au rayonnement de l’école.
Par rapport au travail tout empreint de sobriété et d’élégance sorti des ateliers parisiens de Charles V, les imagiers bourguignons nous montrent une statuaire plus robuste.
L’on doit à l’École Bourguignonne la réalisation à la fin du XVème siècle, dans le chœur de la Cathédrale d’Albi de la plus grande statuaire de la période gothique française avec plus de 200 statues.


La Statuaire Funéraire

Le thème des pleurants connu une grande vogue dans le Nord au 15ème siècle. Les Pleurants des Tombeaux de Philippe le Hardi et de son fils Jean-sans-Peur, une quarantaine de statuettes pour chacun des tombeaux, en soubassement des gisants sont représentatifs de l'école par leur expressivité, leur dynamique. Pour Philippe, Marville réalisa le tombeau, Sluter sculpta le gisant et les deux anges au chevet et seulement deux 'plorants'. Son neveu, Claus de Werve, exécuta les autres (1404>10). Pour Jean, assassiné en 1419, et sa femme, Marguerite de Bavière, se fut l'aragonais Jean de la Huerta qui sculpta les deux gisants et les statuettes à partir de 1443.
En 1404, le frère de Philippe, Jean de Berry fera exécuté dans la chapelle de son château de Bourges son tombeau avec un gisant entouré de pas moins de quarante pleurants, encapuchonnés. La première tranche de travaux qui ne compte que le gisant et cinq pleurants dénote la forte influence du style bourguignon. La second tranche, exécutée à partir de 1450 sera de moins bonne facture[1] .
Jacques Morel (1390-1459) réalise le tombeau de Charles de Bourbon et Agnès de Bourgogne, fille de Jean-Sans-Peur d'après celui de Philippe le Hardi (1446 Prieuré deSaint-Pierre-et-Saint-Paul de Souvigny, Allier, Bourbonnais).
Antoine le Moiturier ( 1425-1497) formé par son oncle Jacques Morel travaillera au tombeau de Charles 1er de Bourbon et achèvera celui de Jean-Sans-Peur.


Bonino da Campione

Le Style Campionesi est apparu au XIIème siècle dans l’esprit des architectes et sous la main des sculpteurs de Campionne di Lugano, ville située dans l’Italie du Nord. Il se répandra en Lombardie, Toscane, à Bergame, Modène, Milan, Vérone…Et se prolongera jusqu’au XIVème siècle. Il se caractérise par une tendance à la massivité.
Bonino da Campione, actif de 1357 à 1397, est le plus célèbre représentant de ce style. En 1363, il exécute le tombeau de Bernardo Visconti à Milan et en 1370-76, à Vérone, le tombeau de l’homme politique Cansignorio della Scala.


Le Maître de Naumburg

"…on néglige parfois ce qui est propre à la plastique allemande et tout d’abord le processus d’indépendance de la statue par rapport à l’architecture qui l’a menée à conquérir très tôt une autonomie de l’espace… Dans cet esprit, il faut placer l’ensemble saxon de Naumburg. Dans le chœur occidental de la cathédrale sont présentés douze statues aux accents lourds… et le style trahit la main de plusieurs artistes…le style de cette statuaire puise au fonds développé par la sculpture parisienne des années 1240, ici traduit dans des accents propres… et dans lesquels les masses imposantes sont traitées avec finesse. » (Xavier Barral i Altet, Op. Cit.)
Le couple statuaire le plus remarquable de cet ensemble est celui représentant Eckkehard II (†1046), Margrave de Misnie (Principauté de la Saxe) et son épouse Uta. Eckkehard est le fondateur de la Cathédrale Saint Pierre-et-Paul dont les travaux commencés en 1028 se poursuivront jusqu’au début du XIIIème siècle dans un Roman Tardif.

Le chœur gothique est entrepris vers 1249. A son achèvement, celui que l’on a surnommé par la suite le Maître de Naumburg réalise ce couple statuaire que l’on considère comme son œuvre majeure. Les autres statues du chœur, qui représentent les donateurs et fondateurs de la cathédrale sont sorties de son atelier.   
Ce maître anonyme a été formé dans le premier quart du XIIIème siècle en Picardie et Champagne. Il a travaillé au Château de Coucy, à la Cathédrale de Reims et de Metz. Il a ensuite passé le Rhin pour travailler à la Cathédrale de Mayence où il subsiste de lui des fragments sculptés du jubé occidental, notamment la partie gauche du Chevalier dit de Bassenheim. Après Naumburg, il a essentiellement travaillé à la Cathédrale Meissen où l’on peut admirer de lui un gisant, et à la Cathédrale de Mersebourg où il réalise la Tombe du Chevalier de Hagen et un Saint Martin au Manteau [2] .


La Gravure au XIVème Siècle

A son origine, l’histoire de la gravure en occident est liée à celle de l’impression qui précède l’imprimerie, puisque les premières gravures sont réalisées pour l’impression (voir Littérature/Introduction/Codex). Il s’agissait d’une gravure dite en réserve ou en épargne qui consiste à enlever tout le bois qui ne figure pas le motif. Motif en relief qui sera enduit d’encre pour donner en résultat l’estampe. Au Bas Moyen-âge, les estampes ont d’abord été les miniatures et lettrines de codex. Dans le premier quart du XVème siècle, les sujets seront profanes, empruntés au thème de la chevalerie.
La différence entre la gravure pour impression, la xylographie et la gravure sur bois est que pour la première la taille se fait dans le ‘droit fil’ comme l’on dit en couture, dans le sens du fil du bois, tandis que pour la gravure, la taille se fait dans le sens transverse.
La première gravure sur bois est le Bois Protat, du nom de celui qui la découverte au XIXème siècle. Plusieurs sources donnent l’apparition de la gravure vers 1370-75, ce qui semble confirmer la datation de ce bois, entre 1375 et 1380, que fait l’historien de la gravure de la seconde moitié du XIXème siècle, Henri Bouchot.
La gravure sur métal (notamment le cuivre) apparaîtra un demi-siècle plus tard. Elle utilise la méthode dite de la taille douce qui consiste à l’inverse de la taille d’épargne à mettre en creux le motif. Le colorant, à l’exclusion de la surface restée plane, occupe les sillons gravés. La taille douce est un dérivé du travail de l’orfèvre et les premiers graveurs sur métal seront des orfèvres. Avec l’imprimerie, les livres (et non plus les codex et incunables) seront imprimés avec des caractères mobiles en reliefs selon le procédé de la gravure en relief à lettres amovibles (dit à caractères mobiles) mis au point par Gutenberg en 1450, et seront illustrés par le procédé de la taille douce.


Notes

[1] http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/deux-pleurants-elements-du-tombeau- de-jean-de-france-duc-de-berry
[
2] Cf. L’exposition Der Naumburger Meister – Bildhauer und Architekt im Europa der Kathedralen , Naumberg 29/06/2011.


LE GOTHIQUE INTERNATIONAL 1360-1435

Introduction - France - Pays-Bas - Italie - Espagne



Introduction

Certes, les arts romans et gothiques avaient couvert de leurs réalisations toute l’Europe occidentale, mais les particularismes locaux restaient forts. Le Gothique International va, lui, fusionner toutes les tendances régionales. Art essentiellement pictural, art de cour, art de la magnificence, du raffinement, du paraître, du décorum, art décadent pourrait-on dire, dans cette extrême période du Style Gothique, au-delà du Flamboyant,  mais qui ouvre à la Pré-Renaissance Flamande d’un Van Eyck et à la Première Renaissance Italienne d’un Masaccio pour s’étendre sur plus d’un siècle de la seconde moitié du XIVème siècle à la première du siècle suivant.

La période de l’Art Gothique International s’étend donc à partir de 1350 dans toute l’Europe, de l’Angleterre à l’Autriche, de l’Allemagne à l’Espagne. Cet art  représente la phase terminale du Style Gothique, au-delà même du Gothique Flamboyant. Comme tout mouvement artistique, le Style Gothique, ayant actualisé toutes ses potentialités, développé, concrétisé toute l’originalité de son esprit, débouche sur une période tardive au cours de laquelle les formes d’expression, éculées, ne se renouvellent que dans leurs apparences, par une surabondance de ses traits caractéristiques, un souci du détail, une prolifération des éléments décoratifs, certes avec une maîtrise totale du savoir technique qu’il a apporté, mais le geste, qui n’est plus vraiment créateur, est devenu affecté, maniéré.

 

Ce maniérisme caractérise le Gothique International comme il caractérisera la Renaissance en sa dernière période de la fin du XVIème siècle, quoique pour cette dernière, l’inquiétude existentielle de certains artistes devant un monde qui se meurt lui confèrera une intensité particulière. L’archéologue et historienne de l’art médiéval, Gabrielle Démians d’Archimbaud le nomme “Gothique Maniériste” et le définit comme un art

« joignant à l’exaltation et à l’élégance des lignes un goût croissant pour l’observation du réel saisi toujours non dans son unité, mais dans la perspective d’éléments isolés... Cet art international associe toutes les cultures, tous les apports en un style qui trouve son apogée autour des centres princiers de France. » (Histoire artistique de l’Occident Médiéval. A. Colin, 1968-1992)


Cet art finissant se révèle essentiellement dans la peinture. Il est désigné par Style Courtois, non en référence aux Trouvères et Troubadours dont les derniers survivants ont désertés définitivement les cours quelques décennies auparavant, mais en référence à un art de cour, élégant, somptueux. Magnificence, élégance, raffinement des goûts, du vêtement, des genres sont les attributs de cet art international qui fusionne toutes les tendances locales, tous les particularismes régionaux en privilégiant le paraître, le décor pour ne pas dire le décorum.

Pour autant, les représentations de l’aristocratie ne sont pas, même si elles sont en avant plan, les seuls thèmes considérés. En effet, dans les scènes à personnages, la population, le menu peuple fait son apparition illustrant une tendance à une certaine socialisation de l’art pictural, à…un certain humanisme. A cette propension, se joint un aspect obscur de la figuration du Christ comme la Grande Pietà de Jean Malouel ou Maelwael , actif à la Cour de Bourgogne.

Ce serait d’ailleurs injuste de limiter le Gothique International à un jeu dérisoire ou frivole des apparences. De très grands artistes ont pu s’y épanouir en donnant le meilleur de leur art, notamment quand, ayant intégrés les leçons italiennes sur l’espace et celles du réalisme flamand, ils donnent à voir les signes avant-coureurs de la Renaissance.


France

École Franco-Flamande

Le Gothique International correspond théoriquement en France au règne de Charles VI (368-1380-1422) mais en fait, l’École Franco-Flamande s’est épanouie sous les règnes des rois Charles V à Charles VII, soit sur environ un siècle, de 1350   à 1450. L’on peut ainsi y rattacher les réalisations du règne de son père Charles V et la production de la première École d’Anjou, ainsi que la production ultérieure générale, de la première moitié du XVème siècle, un changement de style n’apparaissant qu’avec les peintres Jean Fouquet (1420-1478) et Enguerrand Quarton (ca.1412-1415) dans la deuxième moitié du siècle.

Cette école doit son appellation au fait que nombre d’artistes qui venaient travailler à la cour de ces rois étaient d’origine flamande tels Jean Bandol de Bruges, André Beauneveu, Jacques Hesdin, Jacques Coere, et les frères Pol, Herman et Jehan Maelweel connus comme les Frères Limbourg du nom de leur ville natale. Tous ces artistes travaillèrent à la cour de Charles V, roi de 1364 à1380, puis à celle de son fils Charles VI, roi de 1380 à 1422. Ils s’imprégnèrent de la culture française, de ses œuvres et du travail des ateliers parisiens pour former un style original.

Ces ateliers parisiens d’enluminure répondaient eux aux commandes du roi et du Duc de Berry. (voir Écoles du Berry). L’un d’eux était celui du Maître de Rohan qui réalisa vers 1415-20 les Heures d’Isabelle Stuart pour Isabelle d’Écosse, Duchesse de Bretagne, avant qu’il ne se replie à la Cour d’Anjou où il réalisa  les Grandes Heures de Rohan (1430-35) pour la maison de Louis III d’Anjou,  et ensuite les Heures de René d’Anjou (1434-35) pour son frère et successeur à la couronne ducale, le “Bon Roi René” qui portait aussi  parmi de  nombreux autres titres celui de Comte de Provence.

Le peintre officiel de Charles V était Jean de Bruges ou Hennequin de Brugge qui réalisa les cartons de la tapisserie l’Apocalypse d’Angers (Voir École d’Anjou I).


Château St Pol

Entre 1361 et 1365, le futur Charles V fait construire et décorer le

Château St Pol. En fait, palais royal entouré de plusieurs hôtels formant un quartier royal, l’actuel quartier St Paul dans le Marais à Paris. Le décor est ‘ à la française’, c’est-à-dire inspiré de l’esprit courtois du Roman de la Rose  du XIIIème Siècle: verdure et ramage italianisants, sens de la nature conjugué au goût aristocratique à l’idéal profane. On y retrouve l’esprit du décor du Palais Neuf des Papes achevés en 1352 et celui du Château de Prague de l’empereur germanique et roi de Bohème, Charles IV dont la cour à la même période rayonne.

Construite pour des raisons stratégiques hors les murs et entre les châteaux de Vincennes et du Louvre, cette demeure royale deviendra sous Charles VI une maison de “joyeux ébattements”. François 1er la fera détruire ainsi que les ajouts datant de Charles VI pour réaménager le quartier et l’intégré à la ville.


Girard d’Orléans

Le Portrait de Jehan Roi de France marque un tournant déterminant dans l’histoire de la peinture. Ce tableau de dimensions relativement grandes pour une figure : 60x40cm est la première des peintures sur chevalet, donc transportable, déplaçable facilement. Selon les historiens, l’œuvre est anonyme ou attribué au peintre officiel du roi, Girard d’Orléans (†1361). Dans le premier cas, il pourrait avoir été exécuté lors d’une visite de Jean alors Duc de Normandie au pape Clément VI en 1349 par un des peintres italiens travaillant à la cour papale d’Avignon. L’inscription au-dessus du tableau aurait été posée ultérieurement car la tête n’étant pas couronnée, Jean n’aurait pas été encore roi. Dans le second, il aurait été réalisé par Girard qui serait venu à Londres peindre en 1359, le portait du roi en captivité depuis cinq ans. Fait prisonnier à la Bataille de Poitiers en 1354 par le Prince Noir, fils aîné d’Édouard III, Prince d’Aquitaine, Jean II le Bon mourra en 1364 sans avoir été libéré. Ce qui est important du point de vue de l’histoire de l’art, c’est que ce tableau est le premier portrait dit ‘indépendant’ de l’histoire de la peinture. Non que l’on n'ait jamais représenté auparavant figure humaine mais jamais non seulement en buste mais aussi dans l’intention de présenter l’identité du personnage ; portrait identitaire entendu à la fois comme pouvant le faire reconnaître de tous et comme le présentant  dans sa singularité d’individu, d’homme et non de roi.

Girard travaillera au décor du Palais Neuf des Papes en Avignon mais pas avant 1352. Pour le roi de Bohème et empereur Charles IV, il décore le Château de Karlstein à Prague en 1367 (voir Bohême). Girard est un peintre puissant qui a le sens de la monumentalité. Il se sert ‘déjà” de l’espace.

Jean d’Orléans, fils de Girard, actif de 1366 à 1408 succèdera à son père comme peintre officiel de Charles V. Il aura en charge le décor des palais du Louvres, de Vincennes et de St Germain-en Laye. Il serait l’auteur d’une fameuse grisaille sur soie, le Parement de Narbonne réalisée en 1375. Comme l’identification n’est pas certaine, l’auteur de ce parement reste généralement désigné sous le nom du Maître du Parement de Narbonne (car longtemps conservé à la Cathédrale de Narbonne).


École de Bourges 

Le duché du Berry n’exista que pendant environ un demi-siècle. Jean (1340-1416), troisième fils du roi de France Jean II le Bon et de Jeanne d’Armagnac, en est le premier et unique duc de 1356 à sa mort. Son successeur, Charles VII, le ‘Roi de Bourges” sera roi en 1417 et le duché sera démantelé. Pour autant, pendant cette courte période, le Duché de Berry par la volonté de Jean sera un des grands centres artistiques français avec les duchés d’Anjou, apanage de son frère ainé Louis, et de Bourgogne, apanage du plus jeune des fils de Jean II, Philippe le Hardi.


Jean de Berry, également Comte du Poitou et Comte d’Auvergne, entreprit un vaste programme de rénovation de ses châteaux. Le Château de Mehun-sur-Yèvre est sans doute celui qui bénéficia de sa plus grande attention. Il transforma ce château-fort en une résidence princière au goût du jour, gothique, aujourd’hui en ruine et où lui-même et Charles VII moururent. Grand Mécène, il s’entoura d’artistes et réunit entre autres des enlumineurs qui par la maîtrise de leur art, le sens de l’espace, le souci précoce de réalisme, le jeu des ombres marquent une étape importante dans l’évolution de la peinture. En 1360, le poète et musicien Guillaume de Machaut lui dédie Le Dit de La fontaine Amoureuse.


Le miniaturiste-sculpteur André de Beauneveu (1335-1400) est rejoint par d’autres artistes flamands, notamment les frères Limbourg. André Beauneveu peint le Psautier de Jean de Berry (avant 1402). Les frères Limbourg peignent eux les Très riches heures du Duc de Berry, livre d’heures (livre de prières pour laïc) resté inachevé à leur mort en 1416 ; Jacquemart de Hesdin (1355-1414) peint Les Très Belles Heures du Duc de Berry, appelé également Les Heures Brusselloises (avant 1402) ; et le Maître du Parement (ou Parlement ?) de Narbonne (1382-avant 1413), les Très riches heures de Notre Dame de Jean de Berry.

Guy Drouet de Dammartin, actif de 1365 à 1404 travailla comme architecte au palais de Poitiers et à la chapelle de Riom pour le compte du Duc Jean de Berry avant de travailler pour son frère Philippe II Le Hardi.

La mort de Duc de Berry en 1416 provoque un dépression dans la production artistique française. Il faudra attendre le milieu du siècle quand, dans la Provence du Bon Roi René mort en 1480 en Aix, Enqueran Quarton (ou Charonton,1410-1466) et Nicolas Froment (1425-1483), et à la Cour de France, Jean Fouquet (1415-1480) commencent à exécuter leurs œuvres magistrales pour que la peinture française retrouve un nouvel élan.


L’Art de la Détente

L’Art de la Détente se répand sur les bords de Loire et dans le Centre de la France, au XVème siècle, produisant des sculptures aux formes souples, au caractère indolent, mélancolique comme ces vierges déhanchées de la statuaire parisienne.

Les historiens ont donné à ce mouvement, qui s’étendit sur un siècle, les noms d’Art du Val de Loire ou École de la Loire et usent à leur sujet des  termes d’ «art ligérien», de «détente» ou, mieux, d’« art ligérien de la détente».

Jean-Marie Guillouët, qui caractérise cet art par « la mesure des gestes, l’élégance des proportions, le raffinement des attitudes ou la douceur des formes », conteste qu’« une véritable cohérence stylistique soit mise en évidence et autorise à parler d’école.[1] »

Deux œuvres en sont particulièrement représentatives : le Tombeau des Carmes, gisant du Duc de Bretagne François II et de son épouse Marguerite de Foix  (Cathédrale St Pierre et Saint Paul, Nantes) réalisé par Michel Colombe (1430-1515) de l’École de Tours[2]. Et la Vierge à l’Enfant de l’Olivet (Louvre) exécutée par Guillaume Regnault, élève de M. Colombe.

En peinture, Le Maître de Moulins, actif de 1483 à 1500 à la cour des ducs de Bourbon est le meilleur représentant du style avec notamment son Triptyque de la Vierge à l’Enfant (Cathédrale Notre-Dame-de-l'Annonciation de Moulins). Ce genre à son pendant outre-Rhin avec le Weicherstil.


École d’Anjou 

Livre d’Heures pour l’Usage d’Angers

Plus tardivement, à Angers, le Duc René d’Anjou 1er ( Le Bon Roi René) commande un Livre d’Heures pour l’Usage d’Angers. Il sera réalisé dans la seconde moitié du XVème siècle en plusieurs exemplaires et les enluminures seront exécutées en autres par l’atelier du Maître des Entrées Parisiennes, situé à Paris, par celui du Maître de Jouvenel, formé à Paris, installé à Angers, et par celui du Maître du Smith-Lesouëf 30 (Manuscrit de la Bibliothèque Smith-Lesouëf, Nogent sur Marne), chez lequel, formé en Flandres, on sent l’influence des maîtres de la Pré-Renaissance Flamande (primitifs flamands).

Certaines miniatures ont été attribuées à l’atelier du Maître de Rohan, à Paris, qui réalisera également les Grandes Heures de Rohan (1430-35) et les Heures dites “d’Isabelle Stuart” et les Heures de René d’Anjou (1434-35) mais l’Usage d’Angers est postérieur à sa période d’activité, première moitié du siècle. Une miniature est attribuée au jeune Jean Fouquet.

Dans cet atelier de Paris, actif dans le premier tiers du siècle, sont également à l’œuvre les deux autres grands maîtres de l’enluminure de l’époque, le Maître de Boucicaut et le Maitre du Duc de Bedford (Jean de Lancastre). Ce dernier aurait pu former Jean Fouquet (1420-1478/81) qui aurait séjourné dans la capitale dans sa formation de jeunesse.


La Tapisserie de l’Apocalypse d’Angers

La fameuse tenture de l’Apocalypse d’Angers (1379/82)[3]. est commandée par Louis II d’Anjou au riche marchand tapissier Nicolas Bataille qui en confie l’exécution au lissier Robert Poinçon sur les cartons du peintre officiel de Charles V, Jean Hennequin de Brugge (dit aussi Jean Bandol), actif dans la seconde moitié du XIVème siècle. Cette tapisserie réalise la prouesse technique d’être identiquement visible en verso aussi bien qu’en recto.

C’est la tenture la mieux conservée des tentures de cette époque. A sa prouesse technique s’ajoutent ses dimensions:140m de long sur 6m de haut en 6 tapisseries de plus de 20m de long. Remarquable également, la rapidité de son exécution qui n’a pris que seulement 7 ans (ou 9 ?). Sur chaque pièce étaient tissées des visions de l’Apocalypse, aujourd’hui disparues. Cette tapisserie s’inscrit dans ce mouvement de l’art de la miniature disparues par la souplesse du trait et l’élégance des figures. Elle sera à l’origine d’un essor de la fabrication des tapisseries en Europe. Deux copies en seront faites, une en 1386 pour son frère, le Duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, l’autre pour son autre frère, le Duc Jean de Berry en 1416. Toutes trois reviendront au ‘Bon Roi René’ d’Anjou (1409-1480). La tenture originale sera dévastée à la Révolution après avoir été vendue par l’Église d’Angers qui l’avait reçue du Roi René.


École de Bourgogne 1380-1420

C’est sous le règne du Philippe II le Hardi (1342-1404), Duc de Bourgogne et quatrième fils du roi de France Jean II Le Bon,  que va se développer l’École de Bourgogne. Le Hardi règne sur un territoire considérable. A partir de 1363, il est Duc de Bourgogne, et/ou se fait Comte de Flandre et d’Artois, Comte Palatin de Bourgogne (Franche-Comté), Comte de Nevers, de Rethel, Comte d’Étampes, de Gien, de Charolais, Seigneur de Salins et Seigneur de Malines (province d’Anvers).

Homme cultivé et avisé, il veut donner à son ‘royaume’ puissance politique et rayonnement culturel. On ne peut s’empêcher de penser au futur Louis XIV. Voulant se mettre en parallèle avec L’École de Bourges de son frère aîné Jean de Berry, à la même période, il fonde la Chartreuse de Champmol (Dijon). L’architecte est Drouet de Dammartin (actif de 1365 à 1404), qui avait travaillé pour Charles V et le Duc de Berry. Ce monastère chartreux voit ses travaux commencer en 1377; ses aménagements et sa décoration se poursuivront tout au long de la première partie du XVème siècle. Il deviendra la nécropole des ducs de Bourgogne. En 1429, Philippe III le Bon y fera inhumer son père, Jean-Sans-Peur, dont il est allé reprendre la dépouille aux Anglais, à Montereau (région parisienne), là où Jean fut assassiné par un bras armagnac un ans plus tôt lors d’une entrevue avec le dauphin, futur Charles VI. (voir Événements Majeurs/ Armagnacs et Bourguignons),


Philippe III va réunir à Champmol d’autres artistes français et flamands comme les sculpteurs venus également du Nord, Jean de Marville (†1389) et Jean de Baerze, (actif entre 1375 et 1400) qui, avec son retable sculpté de La crucifixion de 1390, a ouvert la grande périose des rétables ‘installés’ (voir Tome 2/1400/ Sculpture). Le sculpteur le plus réputé d’entre eux, d’origine hollandaise, est Claus Sluter (1355-1406) de Harlem (voir aussi Sculpture/Claus Sluter). Celui-ci vient travailler à la Chartreuse en 1385, et prend la direction de l’atelier ducal quatre ans plus tard à la suite de Marville. De 1385 à 1395, Sluter va  réaliser les sculptures du portail de la chapelle (statues de Philippe, Vierge au trumeau...); entre 1395 et 1402, il exécute son chef-d’œuvre, classé au patrimoine mondial, le Puis de Moïse, placé au bas du calvaire du cloître.

La production artistique réalisée à cette chartreuse et aux alentours, surtout connue pour sa statuaire, est rassemblée sous le nom d’École Bourguignonne.


Le peintre attitré du duc, le néerlandais originaire de Nimègue, Jean Malouel (ou Maelwael 1370?-1415) réalise vers 1400 une Grande Pietà représentative du Style Courtois dans son expression sombre. Jean de Beaumetz (†1400), originaire de l’Artois, a travaillé au décor des voûtes de la chapelle. Il a également exécuté des retables et 24 tableaux pour les cellules des moines.[4] Tous deux formés à l’art français, aristocratique, raffiné, participeront au rayonnement de l’école avec le peintre d’Ypres, Melchior Broederlam, actif de 1381 à 1409, qui exécute entre 1393 et 1399 une Vie de la Vierge sur l’autel de la Passion, et sur les deux panneaux peints ‘en couvercle’ la Fuite en Égypte, la Présentation au Temple, l’Annonciation et la Visitation. En 1415, le peintre Henri Bellechose succède à Malouel à la tête de l’atelier.

Mais loin de se cantonner à un style franco-flamand, Le Hardi n’ignore pas la culture du Sud et par le biais de Simone Martini dont il achète le Polyptique de la Passion, l’École de Sienne est présente à Champmol. De même, il sait s’entourer de poètes de renom comme Jean Molinet (voir Littérature/Poésie Lyrique).

En 1420, son successeur, Philippe le Bon quitte Dijon pour implanter sa capitale en Flandre (Voir Pré-Renaissance). L’école en Bourgogne alors décline. Elle survivra quelques décennies encore sur sa renommée passée. Son rôle sera celui pour la peinture d’étape culturelle du Nord qui rayonne avec les primitifs flamand vers le Sud.


Quant à l’école de  sculpture, elle saura maintenir une production locale de qualité avec une technique sûre et un certain sens du monumental, du grandiose comme un retour du goût français.

A la Cour de Philippe le Bon, puis à celle de Charles le Téméraire, la musique profane avec la Chanson (bourguignonne) se trouvera mis au même plan que la musique sacrée. Gilles de Binche, dit Binchois (1400-1460) en est le meilleur représentant. Il mettra en musique des poèmes du prince et poète Charles d’Orléans.


Pays-Bas

En 1420, Philippe III le Bon quitte Dijon pour implanter sa capitale à Bruges (Flandre, Voir Pré-Renaissance).

En Bourgogne, l’école de sculpture, va maintenir une production locale de qualité avec une technique sûre et un certain sens du monumental, du grandiose comme un retour du goût français.

Aux Pays-Bas du Sud (Belgique), de nouveaux maîtres, et particulièrement les maîtres flamands, que l’on appellera par la suite les primitifs, dans le sens de premiers, vont développer un art nouveau. Ils ne sont pas en cette période de Pré-Renaissance influencés comme les peintres de Florence par l’art et la pensée antiques. Leurs préoccupations restent religieuses bien que tournées vers l’humain, empreintes de réalisme. Les Jan van Eyck, Robert Campin Roger de la Pastoure (van der Weiden), Hugo van der Goes, , Hans Memling, vont bénéficier des nombreuses commandes passées par les bourgeois qui s’enrichissent dans le villes drapières comme Bruges, alors la ville la plus riche du Nord, ou Gand, Anvers, Bruxelles dont l’essor économique est le fruit du capitalisme naissant.

Dans ce cadre économique porteur s’ouvrent entre autres à Arras et à Tournai, des ateliers de sculpture qui inondent l’Europe de leurs Vierges du Brabant en bois polychrome, produites de manière quasi industrielle. (Voir Art/Pré-Renaissance).

 A la Cour de Philippe le Bon, puis à celle de Charles le Téméraire, la musique profane avec la Chanson (Bourguignonne) se trouvera mis au même plan que la musique sacrée. Gilles de Binche, dit Binchois (1400-1460) en est le meilleur représentant. Il mettra en musique des poèmes du prince et poète Charles d’Orléans (1394.


Les Frères Limbourg

Les frères Limbourg (ca.1380-1416), Jacquemart de Hesdin (1355-1414) et André Beauneveu (1335-1400) ont été actifs à la cour du Duc Jean de Berry . (Voir Gothique International. Écoles de Bourges)


Melchior Broederlam

Melchior Broederlam né à d’Ypres, actif entre 1381 et 1409, a travaillé à la cour de Bourgogne de Philippe le Hardi. (Voir Gothique International/ École de Bourgogne)   


Italie 

De manifestation précoce dans la péninsule, le Gothique International y sera à la fois tardif en couvrant toute la période 1360-1435. Le Style est annoncé par le peintre Giovanni da Milano. (Voir Primitifs Italiens)


Lorenzo Monaco

Lorenzo Monaco (1370/72-1425/26) est un des peintres des plus représentatifs de la tendance maniériste du Gothique International.  Siennois, il est formé à l’École de Sienne. Mais c’est à Florence, que son art s’épanouit. Il prononce ses vœux en 1391 et entre dans l’Ordre Camaldule, ordre fondé par St Romuald en 1012. Il continue à vivre dans le siècle. Il reçoit les leçons d’Andrea Orcagna et Agnolo Gaddi, héritier de Giotto par son père Taddeo. Il exécute de nombreuses enluminures,  mais c’est essentiellement un peintre de retables qu’il couvre d’un fond doré et dans lesquels il conserve de sa formation siennoise les couleurs vives et la ligne sinueuse du dessin. Son Couronnement de la Vierge avec les Saints (1414) est un de ses retables qui ont influencé Fra Angelico.

En décor de fresque, il laisse le Cycle de la Vierge Marie de la Chapelle Bartolini de l’Église Santa Trinità Florence.


Gentile da Fabriano

Gentile da Fabriano (Di Niccolò di Giovanni di Masio 1370-1427), né dans les Marches (Italie Centrale) est un des plus importants sinon le plus important des peintres courtois. Dans les premières années du XVème siècle, il est à Venise où maître des Bellini, il laissera une influence durable. A Sienne, il jouit d’une grande renommée, son art s’inscrivant dans la tradition siennoise d’un graphisme pur tracé sur des couleurs vives. A Florence où déjà les premiers signes d’une peinture nouvelle se font sentir avant même le St Pierre Guérissant de son Ombre de Masaccio, (Chapelle Brancacci 1424), son art est reconnu à sa juste valeur.

Avec Pisanello (1395-1455), il est le premier peintre à être appelé à Rome par le pape Martin V, premier pape incontesté après le Grand Schisme d’Occident (1378>1417). Cette volonté du nouveau pape à la sortie de la crise qu’a traversée l’Église, de faire venir à Rome, centre de la chrétienté, les grands artistes et penseurs de son temps est une étape nouvelle dans l’histoire de l’art et de la culture européens. Elle marque le début de la Renaissance Humaniste.


Le Couronnement de la Vierge de 1400 est une pièce maîtresse de la production de Gentile. Il donne en 1423 un des plus bels exemples du Gothique International en peinture avec son Adoration des Mages : « Domination des effets graphiques et vibration colorée des ornements ». Sa Présentation au Temple de la même année est une œuvre charnière entre le gothique finissant d’un Lorenzo Monaco et le courant nouveau que représente alors Masaccio. Il est regrettable que la plupart des œuvres de ce peintre qui marque avec un grand talent la fin d’une époque picturale, aient disparu avec le temps, notamment sa production de 1425 à sa mort en 1427.


Masolino da Panicale

Tomasio di Cristofano (1383-1447) dit Masolino da Panicale serait bien né à Panicale mais non le village de la Val d’Elsa (Ombrie) comme l’indique Vasari dans ses Vies des Peintres, mais à Panicale, petit faubourg de San Giovanni Val d’Arno (Province d’Arezzo, Toscane) où est également né en 1401 Masaccio[5].  D’un des tous derniers représentants de la peinture gothique, on a trace de son activité qu’à partir de 1423 à Florence jusqu’à sa mort en 1447. 


En 1424, il commence la décoration a fresco de la Chapelle Brancacci (du nom du riche drapier qui la commande) à l’église San Carmine de Florence, en collaboration avec son disciple Masaccio, d’une vingtaine d’année plus jeune que lui. Cette décoration dans laquelle on reconnaît très bien qui a peint quoi, les rendra célèbres. Elle peut être considérée comme la première véritable manifestation picturale de la Renaissance, notamment par l’œuvre de Masaccio et son St Pierre Guérissant de son Ombre (voir Renaissance/Première renaissance Italienne/Peinture). L’un et l’autre y ont peint un Adam et Ève. Masolino partira travailler en Hongrie en 1427 et Masaccio terminera seule la décoration de la chapelle jusqu’à sa mort un an plus tard en 1428.


La Storie del Battista, fresques du Baptistère sur la vie du Baptiste et la Storie della Vergine à la Collegiata, peintes en 1435 à Castiglione Olona (Lombardie, 1435) par Masolino sont dans le plus pur style international.  On lui doit également une imposante Pièta peinte pour le baptistère d’Empoli (près de Florence) datant de 1424. Sa Madone (Musée des offices, Florence) « oblige à s’interroger sur sa collaboration avec Masaccio ; le style ferme du jeune disciple a peut-être déjà agi sur son aîné » (Dict. peintre Op. Cit.)


Fra Angelico

 Guido di Pietro, Fra Giovanni da Fiesole  est né  à Mugello au nord de Florence dans les Apennins, soit  en 1385/87 selon Vasari soit vers 1395/1400 selon les historiens contemporains. Il meurt à Rome en 1455. Ses surnoms (posthumes) de Fra Angelico et celui de Beato Angelico (donné par Vasari) viendront du caractère spirituel de son œuvre où les anges sont représentés à profusion.

Il est documenté en 1417 comme peintre appartenant à la branche stricte des dominicains observants[1]. Dans un ordre monacal, l’observant est celui qui respecte le plus scrupuleusement la règle originelle (pureté, chasteté, pauvreté et clôture). Loin de faire l’unanimité, les observants se sont souvent trouvés en butte avec leur hiérarchie. cas des fratricelli ou spirituels chez les franciscains est significatif à cet égard.

 Selon la date de naissance qu’on lui attribue, la date à laquelle il prononce ses vœux au couvent dominicain de Fiesole (périphérie de Florence) peut-être  1422 compte tenu que le noviciat durait cinq années. Il prend le nom de fra Giovanni.


Il travaille dans l’atelier d’enluminure du couvent, mais aussi il assiste dans des décors d’églises et d’hôpitaux le peintre gothique Ambrogio di Baldese (Lippo d'Andrea 1377-1427) qui l’a surement formé. La commande qu’il reçoit en 1425 d’un triptyque de Saint Pierre Martyr  atteste qu’il est devenu indépendant.

Il doit quitter Fiesole. Il lui est reproché  d’être un observant ou/et parce que dans le cadre du Grand Schisme d’Occident (1378-1417), il a pris une part active aux dissensions entre son ordre légaliste, favorable au pape de Rome, Grégoire XII, et Florence qui soutient le Pape Alexandre V élu par les cardinaux au concile de Pise de 1409 (voir Vol.1 Événements Majeurs). Mais il est à noter que le Grand Schisme prend fin en 1417 par l’élection consensuelle de Martin V ; date à laquelle Angelico commence à peine à suivre, une règle monacale sans avoir encore pris ses vœux. Il est donc peupeut probable qu’il lui soit reproché de prendre parti, d’autant que vu son jeune âge, sa parole ne devait pas être très écoutée.


De 1428-29 date son triptyque de saint Pierre martyr, commandé par les religieuses du monastère de Saint-Pierre-Martyr à Florence. Angelico qui a bien évidemment pu admirer le travail de Masaccio, n’y a pas été insensible. S’il ne se départira jamais de par sa formation gothique d’une certaine préciosité, du souci du détail, d’une finesse du trait que l’on retrouve dans l’enluminure, il n’aura pas ignoré un certain ordonnancement de l’espace.

Dans les années 20, il décore de fresques l’église San Domenico et y réalise un retable, le Pala di Fiesole, qui avec les fresques lui apportent une grande renommée. La date de 1432 peut être avancée pour le retable  de Annonciation commandée pour l'église San Domenico di Fiesole par les Servites, ordre  mendiant fondé en 1233. Le retable comprend cinq histoires de la Vie de la Vierge .

« Œuvre où apparaissent de nouvelles techniques inspirées par Masaccio ː une lumière diaphane, utilisée pour la première fois, enveloppe la composition, exaltant les couleurs et les masses plastiques des figures, et unifiant l'image. Elle deviendra l'une des caractéristiques les plus évidentes de son style » (Wikipédia)

Selon les sources, en 1436 ou 38, ou seulement en 1440, il commence à travailler à la décoration du couvent San Marco rénové par Michelozzo grâce au financement de  Cosme 1er. De cette période date son Couronnement de la Vierge (1438-40, Louvre) 


Après avoir assumé des charges importantesimportant au sein du couvent, il en devient le prieur en 1449 (/50). Une de ses frasquesfrasque les plus célèbres, L’AnnonciationL’ Annonciation date de 1437 (cellule San Marco). Sa Lamentation sur le Corps du Christ (San Marco) est datée de 1440/45 ; une autre lamentation de la même période est exécutée dans la cellule 2. Il travaillera à cette décoration, qui est le travail d’une équipe qu’il dirige, jusqu’en 1445. C’est l’une des plus attachantes de la Renaissance.  Son activité en tant que peintre proprement dite apparaît dans un document concernant, réalisé en 1425.

En 1445, il est appelé à Rome par le pape Eugène IV pour décorer la Cappella del Sacramento que fera détruite Paul III. Il revient à Florence en 1450.  Il est accompagné de son élève Benozzo Gozzoli (1420-1497), auteur d’une des plus belles décorations de chapelle de toute la Renaissance, la Chapelle des Mages (1459) du Palais Médici-Riccardi construit par l’architecte Michelozzo (1444-1459). En 1447, il décore avec son élève, une chapelle de la Cathédrale d’Orvieto.


Un document le signale à Pérouse en  1454 où il achève le  retable de l’église San Domenico. Il revient à Rome la même année pour peindre la Cappella Niccolina (Chapelle Nicoline), à l’origine cabinet de travail du pape Nicolas V. Il meurt l’année suivante dans la ville pontificale.

A ses débuts, Fra Angelico a été influencé par Lorenzo da Monaco (1370-1424, Tome 1), peintre d’origine Siennois mais qui œuvra essentiellement à Florence. Peintre flamboyant de retables faisant beaucoup appel aux ors et aux bleus (lapis-lazuli), à la palette lumineuse, aux lignes souples, da Monaco laisse un magnifique ensemble de fresques sur la Vie de la Vierge dans la Chapelle BartoliniBartonlini de la Basilique Santa Trinita (1420, Florence).


S’il n’a pas oublié  les leçons de son maitre sur la lumière, allant jusqu’à nimber ses scènes dans une luminosité diffuse qui leur rend tout leur caractère mystique, s’il n’a comme lui aucun souci de ce réalisme cher aux artistes renaissants,  il est ouvert aux nouvelles innovations de Masaccio sur la perspective. Cette transition ou plutôt cette hésitation dans son affirmation,  on peut l’observer tout au long de son œuvre, sur ses fresques  du mur des cellules du Couvent Saint Marc à Florence (1440) et au Couvent Saint Dominique de Fiesole. On a pu reprocher son manque de technique, une certaine sécheresse dans le dessin, mais c’est peut-être ce qui donne dans le dépouillement, cette expression simple et directe qui se dégage de sa peinture, qui lui donne son caractère spirituel dans une palette aux teintes pâles, jamais forcées et claires, dans une composition simple voir schématique pour n’en être que plus édifiante, car en bon  dominicain Fra Angelico mettait son art au service de la piété.

L’influence de Fra Angelico sur le Pérugin et l’École Ombrienne est évidente chez lesquels on retrouve son style suave, sa grâce.


Espagne 

Ferrer Bassa

Actif entre 1324 et 1348 à Barcelone et Saragosse, Jaume Ferrer Bassa va profondément marquer la peinture espagnole de la fin du Moyen-âge par les leçons qu’il a retenues de son séjour en Italie et que découvrent ainsi les peintres espagnols venus après lui.

Né vers 1285 dans un petit village de la province de Barcelone, Les Gunyoles, il va très tôt trainer derrière lui une réputation d’un peu trop bon vivant voire de débauché. Mais au vu sans doute de son seul talent, le roi Jacques II d’Aragon ferme les yeux sur son agression sexuelle de trois jeunes filles et le fait travailler à sa cour. En 1320, on le retrouve dans son village natal d’où il est expulsé pour scandale. En 1325, il est en Toscane où il séjourne pendant sept ans. Il découvre les chefs-d’œuvre de Florence et d’Assise. De retour en Espagne, il dirige un atelier de miniature et peinture dont les peintres sont de renom comme son fils Arnau, le Maître de Baltimore, le Maître de l'Escrivà et RamÒn Destorrents qui succèdera à Ferrer comme peintre officiel du roi. Ferrer et son fils sont probablement morts de La Grande Peste de 1348 qui a frappé toute l’Europe

On retient de lui entre autres son décor mural de la Chapelle San Miguel, et particulièrement les Trois femmes au Tombeau au couvent de Pedralbes (1346,Barcelone) qui pourrait avoir été peint plus à l’huile qu’à la fresque[6].

Le retable de la Basilique de Manrèse (Catalogne) est attribué à son fils.


Les Peintres de Retables

Le Gothique International se développe de 1393 jusqu’après 1430 en Espagne. Les meilleurs peintres se sont essentiellement consacrés à la peinture sur retable :

  • Pera Serra, actif 1357 à 1405 à Barcelone, a reçu l’influence de Ferrer Bassa. Le fils de celui-ci, ses deux frères et lui ont fondé un atelier qui domine la peinture catalane dans le dernier quart du XIVème siècle.
  •  Luis Bonassa (1360 -1425 ) ;
  •  Pedro Nicolau, actif de 1390 à 1408 à Barcelone,
  • Juan Mates, actif de 1392-1431, catalan, élève de Pera Serra, a peint des retables pour les cathédrales de Barcelone et Tarragone et a travaillé en Sardaigne ;
  •  Marsal de Saxe, peintre français, actif à Valence entre 1393 et 1410;
  •  Bernat Martorell, actif de 1424 à 1452, plus tardif a reçu l’influence flamande.

Pedro Berruguete

Pedro Berruguete (1450-1504) est un peintre de transition, mais il

n’en est pas moins le plus important du Gothique International de la péninsule dans la première moitié du XVème siècle. On dit que son œuvre a subi l’influence de van Eyck mais son San Sébastian est à fortement rapprocher du Martyr Saint Sébastien d’Aigueperse peint en 1480 par Andrea Mantegna (1431-1506), peintre qui influença le peintre de la Première Renaissance Italienne, Melozzo da Forlì (1438-1494), maître de l’École de Forli (Émilie) et dont Berruguete eut tout loisir de voir les œuvres lors de son séjour d’une dizaine d’année à la cour du Duc de Montefeltro à Urbino (Marches, Italie Centrale).(Voir Tome 2/ Renaissance/quattrocento/Peinture/Lombardie).

De retour dans son pays natal, Berruguete exerça un art précieux, sans oublier ce qu’il avait appris en Italie sur l’espace et la lumière.


Outre-Rhin 

Cologne & le Weicherstil

Dans le premier quart du XVème siècle, l’Allemagne et l’Autriche voient apparaître, inspiré des miniaturistes des écoles françaises, Écoles de Bourge et de Bourgogne,  un style nouveau, tout d’une délicatesse, d’une douceur traduites en lignes fluides et courbes souples qui coulent de la main des artistes. L’École de Cologne sera très représentative de ce Weicher Stil (Style doux) avec des peintres tels que

  •     Conrad von Soest (ou Sost, 1370-1422). Originaire de la Rhénanie-Westphalie, installé et mort à Dortmund, on peut supposer qu’il y est né. Il introduisit le style courtois Outre-rhin dans lequel il se maintiendra. Il sera une modèle pour les peintres allemands de la génération suivante.
  •       Avec le retable de Dortmund, son œuvre maitresse est Le triptyque de Bad Wildungen, un retable en 13 panneaux de la Passion de 1403. Il a pu se rendre à Prague.
  •     Le Maître de Sainte Véronique au Suaire (vers 1420) qui fera la transition entre la peinture gothique et le Style International.
  •       Stefan Lochner (1410-1451) dit Meister Stephan ou Maître Stefan de Cologne subira l’influence des grands peintres flamands quant à la composition et les volumes.
  •     Maître Bertram de Minden, actif de 1367 à 1415, auteur   entre autres de l’imposant Retable de Grabow (1379-83) constitué de 24 panneaux pour l’autel de l’Église St Pierre à Hambourg.

D’autres peintres plus tardifs sont représentatifs du style :

  •   Le Maître du Jardinet du Paradis (de Frankfort, c.1410/20),
  •  Lucas Cranach (1472-1553).

   Voir aussi Renaissance/XVème s./Outre-rhin/Weicherstil

Les Belles Madones

Tandis qu’en cette période du Spätergotik, les peintres de Style Gothique International, Conrad von Soest (1370-1422) et Stefan Lochner (Meister Stephan ou Maître Stefan de Cologne,1410-1451) sont en pleine production, les ateliers de sculptures se mettent à produire des madones au déhanchement caractéristique de la statuaire gothique du XVème siècle, appelées « belles madones » pour leur allure gracieuse, leur air doux, rêveur voire langoureux, s’adaptant ainsi à leur manière au doux (soft en anglais) Weicherstil, équivalent de L’Art de la Détente des bords de Loire. Son principal représentant est Keit Voss (1448 ?-1533) qui œuvre à Nuremberg en même temps qu’A. Dürer, le maître incontesté de la peinture outre-Rhin du siècle suivant.


Bohême

En 1346, le neveu du roi de France Charles IV le Bel, Venceslas de Luxembourg, monte sur le trône de Bohême  sous le nom de Charles IV (1316-1378). Les œuvres des artistes de sa  cour vont rayonner sur l’Europe. Dans de nouvelles recherches, ils s’écartent du maniérisme du gothique flamboyant et  annoncent une nouvelle période dans le jeu des influences du Nord et du Sud.

Entre 1348 et 1357, Matthieu d’Arras (1290-1378) dresse les plans et commence la construction de la Cathédrale de Prague; travaux qui seront poursuivis par Peter Parler (voir Gothique/outre-Rhin). Il construit le Château de Karlstein que décore le peintre italien de style byzantin Tomaso da Modena (1326-1379). Maître Théodoric en décore la Chapelle avec 129 panneaux de bois peints constituant le plus grand ensemble de boiserie ornée du gothique; Monumentalité, puissance et harmonie, « intensité et robustesse des formes » en sont les caractéristiques.

Vers 1350, Le Maître du Cycle de Vyšší Brod réalise Le Retabale de Vissy Brod : Il s’agit d’un cycle de 9 panneaux ayant pour thème des scènes de l’Enfance du Christ et de la Passion (1350).

« Un des monuments les plus remarquables de la peinture sur panneaux du Moyen Âge, caractérisée par la synthèse de la conception septentrionale, linéaire et rythmique, et des influences italiennes dans la recherche des formes spatiales … L’œuvre du Maître de Vyšší Brod a une valeur fondamentale dans l’évolution de la peinture sur bois. » (Encyclopédie Larousse).

Ce retable eut une très grande influence sur la peinture outre-Rhin par son alliance de la rigueur du nord dans le rythme et le dessin et de sa prise de l’espace d’influence italienne.

Le Maître du Retable de Třeboň,  actif à Prague v. 1380-1390, est le grand peintre tchèque du gothique. Il est le créateur du ‘Beau Style’, qui désigne en Europe Centrale l’Art International. Il fait apparaître pour la première fois une utilisation de l’espace en profondeur par des jeux de clair-obscur.

           

Angleterre 

L’on retient essentiellement de cette période du Style International, le Diptyque de Wilton House (c.1390-95). De petit format, il représente le roi Richard II en prière. Il a été peint sur ses deux faces par un artiste inconnu, peut-être un français sous influence italienne.


Notes

 [1] Citations et pour en savoir plus sur la sculpture en Val de Loire au XVème siècle : Jean-Marie Guillouët. La sculpture du Val de Loire au XVe siècle : une école introuvable? 303/art, recherche, création, 2003,<halshs-00564926>

[2] Le grand maître de l’École de Tours est Jean Fouquet (ca.1420-ca.1478) qui révolutionna la peinture Français en la faisant entrer dans la Pré-Renaissance Française. (Voir Renaissance/XVème siècle/Franc/ Peinture/ École de Tours).

[3]https://artcheologie.wordpress.com/2014/08/08/la-tenture-de-lapocalypse-angers.

[4] Pierre Francastel in Histoire de la peinture Française, Édit. Gonthier 1955

[5] Dictionnaire de la Peinture Italienne, Masolino da Panicale, Édit Fernand Hazan 1964. Quasiment toute les sources donnent comme son lieu de naissance, le village au bord du petit fleuve d’Elsa, entre Sienne et Florence, et non, en fait, le petit faubourg en bordure du fleuve Arno qui passe à Florence.

[6]www.oxfordreference.com/view/10.1093/oi/authority.20110803095450558. La plupart des historiens de l’art s’accordent sur le fait que la technique de la peinture à l’huile aurait été inventé par Jan van Eyck (1390-1441). Mais van Eyck a ‘seulement’ systématisé l’emploi de la technique à l’huile dans ses peintures, ce qui l’a faite connaître. Elle s’est ensuite répandue d’abord en Italie de part les étroites relations commerciales et culturelles entre la péninsule et la Flandre et s’est ensuite diffusée dans toute l’Europe. Contrairement à ce qu’avance certaines sources, Antonello da Messina n’a pu révéler la technique de la peinture à l’huile à Domenico Veneziano puisqu’il n’est arrivé à Venise qu’en 1470 au plus tôt, soit 9 ans après la mort de Venezianno. Le Pérugin a été un des premiers à Florence à utiliser la technique à l'huile.(Voir Quattrocento/Peinture/Campanie). Chaque peintre gardait jalousement la façon dont il préparait et utilisait son  huile qui était chauffée.

 


INDEX DES ARTISTES


 

Architectes du Trecento

France

Guillaume de Sens †1180 Angleterre

Famille Deschamps : Jean, actif 1220 après 1277

                                 Bernard et Guillaume 1ère moitié du 14ème  s.

Mathieu d’Arras 1290 ?- 1352 Prague

Bohème

Famille Parler : Peter 1330/33-1399

                          Heinrich, Michael, Wenzel 1350 > 1400.


Primitifs du Trecento Primitifs italiens   

École de Sienne :

Duccio connu en 1278 -1317/18

Simone Martini 1285-1344

Pietro Lorenzi 1280-1348 

Pietro Lorenztti 1280 -1348

Ambrogio Lorenzetti actif de 1319 à 1348

Lippomemmi 1ère moitié du trecento

Barna, Ugolin di vieri,Lippo Vanni,Nicolo Tegliacci

École de Pise :

Francesco Traini 1ère moitié du trecento

Giovanni di Nicole

École de Florence :

Maître de Ste Cécile 1ère moitié du trecento

Giotto di Bondone ou Ambrogiotto di Bondone 1237-1337

Bernardo Daddi actif de 1312 à 1348

Tadeo Gaddi     ? - 1366

 Maso di Banco dit Giottino ? -1348 ( proche élève de Giotto)

Pacina Bonaguida actif de 1303 à1320

École de Rimini :

Neri de Rimini début du trecento

Giulani de Rimini actife de 1307 à 1346

Giovani de Rimini 1ère moitié du trecento

Pietro di Rimini 1ère moitié du trecento

Francesco di Rimini 1ère moitié du trecento

Giovanni Basonaio actif de 1345 à 1362

École de Venise :

Nicoletto Semitecolo 1ère moitié du trecento

Paolo Veneziano 1290 ?-1358/62

Guariento actif de 1338 à 1370

École Bolonaise :

Vitale di Bologna 1331-1369

École de Florence

Stefano Fiorentino dit Stegano le Florentin (1301–1350)

Tommaso di Stefano dit Giottino 1324 - 1369 son fils


Sculpture

Duecento

Gilebertus actif 1ère moitié du 12ème siècle (Cathédrale d’Autun)

Maître du Tympan de Cabestany (Pyrénées) après 1150

Trecento

Italie :

Nicola Pisano 1220 -1278

Giovanni Pisano 1248-1318

Andrea Pisano ( Andrea da Pontedera dit) 1290 -1248/49

Arnolfo di Cambio ( ou di Lapo) 1246-1302/16)

Allemagne :

Maitre de Naumburg actif seconde moitié du 13ème s.


Gothique International

Peinture

France
Paris

Peinture:   

            Girard d’Orlénas † 1361

           Jean d’Orléans actif 1366-1408   

Enluminure :

           Le Maitre des Entrées Parisiens

           Le Maître du Smith-Lesouëf

    Le Maître de Rohan:

         Les Grandes Heures de Rohan (1430-35) 

                    Les Heures dites “d’Isabelle Stuart”

                    Les Heures de René d’Anjou (1434-35)

   Le Maître de Boucicaut

   Le Maitre du Duc de Bedford (Jean de Lancastre).

   Le Maître de Jouvenel >Anjou

    Le Maître du Boccace de Genève (atelier Jouvenel) >Anjou

École de Bourges 

Peinture  :

               André Beauneveu 1335-1400 

              Jacquemart de Hesdin 1355-1414 

Enluminure :         

     Pol Limbourg & frères c .1380-1416 :

                        Livres d'Heures du Duc Jean de Berry

      Maître du Parement (ou Parlement ?) de Narbonne 

École d’Anjou 

Enluminures : 

                 Livre d’Heures pour l’Usage d’Angers second moitié du XVème siècle :

                 Œuvre commune des maitres de l’enluminure: Le Maître de Jouvenel

                                                                                                     Le Maître de Smith-Lesouët

                                                                                        1 miniature Jean Fouquet 1420-1478/81

Tapisserie :

                La Tapisserie de l’Apocalypse d’Angers :    Robert Poinçon lissier ;

                                                                  Cartons : Jean Hennequin de Brugge (dit aussi Jean Bandol), actif dans la seconde moitié du XIVème

Écoles de France et de Bourgogne:

Chartreuse de Champmol :

     Jean de Beuametz (†1389)

     Jean Malouel (ou Maelwael) 1370?-1415

     Melchior Broederlam d'Ypres actif de 1381 à 1409

      Henri Bellechose du Brabant actif 1415-1440

Italie
Le Gothique International et La  Première Renaissance à Florence

   Giovani da Milano actif de 1350 à 1389

    Masolino da Panicale 1383- c.1440

    Gentile di Niccolò di Giovanni Massi da Fabriano 1370 - c.1427

   Gentile di Niccolò di Giovanni Massi, dit Gentile da Fabriano 1370 - 1427

   Fra Angelico 1385/87 - 1455

    Pisanello c.1395-1455

    Benozzo Gozzoli 1420-1497

    Alessio Baldonivetti 1425-1499

    Giovano di Palo c.1403 –1482

    Dominico di Bartolo ?-1447

Espagne

Valence:     

                     Marsal de Sax actif à entre1393 et 1410

Barcelone

                       Pedro Nicolau de 1390 à 1408

                       Bernat Martorell, actif de 1424 à 145

                       Luis Bonassa 1360 -1425 

                      Juan Mates actif de 1392-1431

                      Pedro Burreguette (1450-1504),

Outre-Rhin

Allemagne          Conrad de Soest à Cologne 1370-1422

                            Maître Bertram de Minden, actif de 1367 à 1415

                            Le Maître du Jardinet du Paradis c.1420 

                           Wiecherstyl :  Maître de Sainte Véronique au Suaire, actif 1410-1420

Bohême :

               Maître du Cycle de Vyšší Brod c.1350                             

              Maître du Retable de Třeboň actif de 1380 à 1390

Pays-Bas 

              Melchior Broederlam (Ypres  actif entre 1381 et 1409

Angleterre

              Maître du diptyque de Wilton House c.1390

Sculpture

École de Bourgogne (Chartreuse de Champmol)

      Claus Sluter c.1355 Haarlem -1405 Dijon

     André Beauneveu 1335-1400 

     Guy Drouet de Dammartin avant 1362 -1400 

     Jean de Marville †1389



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