function disableselect(e){ return false } function reEnable(){ return true } //if IE4+ document.onselectstart=new Function ("return false") document.oncontextmenu=new Function ("return false") //if NS6 if (window.sidebar){ document.onmousedown=disableselect document.onclick=reEnable } -->

La Religion à la Renaissance

INTRODUCTION À LA RÉFORME OU RÉFORMATION
1520-1580

Définition - Le Cadre - La Terminologie - Les Personnalités - Des Points de Repères - Les Précurseurs



Définition

Réforme : «Mouvement religieux qui, au XVIème siècle, a donné naissance aux Églises protestantes. Ce mouvement qui, entre 1517 et 1570, a soustrait l'Europe du Nord-Ouest et du Nord à l'obédience du catholicisme romain a pris le nom de ‘‘Réforme’’ (ou de ‘‘Réformation’’) pour marquer son souci d'un renouvellement radical du christianisme face à ce qu'il considérait comme une trahison, par l'Église institutionnelle, de l'idéal évangélique. » (Encyclopédie Larousse)


Chez les protestants, il n’y a pas une Réforme mais des réformes : luthérienne, calviniste, radicale, anglicane, huguenote. Chez les catholiques, il y a une Contre-Réforme et des mouvements réformistes. Les réformes vont tourner autour essentiellement de trois questions qui vont être les pommes de discorde entre catholiques et protestants : la question des indulgences, chronologiquement la première qui va donner naissance au mouvement, la question du salut avec ou sans l’intercession de l’Église qui amènera l’ensemble des réformés à sortir du giron romain, et la question de communion, la Cène chez les réformés, consistant pour les catholiques en une conversion surnaturelle du pain et du vain en le corps et les sang du Christ (transsubstantiation), pour les luthériens, en une coexistence du pain et du vin terrestre et du corps et du sang du Christ ( consubstantiation) et pour les réformés suisses en un rituel symbolique.


Le pasteur théologien André Gounelle considère qu'il y a deux réformations: La réforme luthérienne commencée dans les années 1517-1519 en Allemagne avec Martin Luther et la réforme commencée à Zurich par Ulrich Zwingli dans les années 1519-1520, réforme qui se poursuivra à Genève et en France avec Jean Calvin.

«Le luthéranisme naît de la question du salut personnel et il se centre sur l’affirmation du pardon de Dieu donné sans conditions. Le courant réformé [suisse] naît du souci d’une lecture exacte et d’une juste application des enseignements bibliques. Bien sûr, les luthériens donnent aussi de l’importance à la Bible et les réformés [suisses] au salut gratuit. Il ne s’agit nullement d’une opposition. Cependant le point de départ et la préoccupation dominante diffèrent. »


« Les luthériens et les réformés pensent que tout ce que n’interdit pas la Bible est permis. Pour les [Réformés] radicaux tout ce qu’elle n’ordonne pas expressément est interdit. »     (A.Gounelle http://blog.oratoiredulouvre.fr/2013/02/les-differences- entre- reformes-et-lutheriens/).


Le Cadre

L'Humanisme

La Réforme de l'Église apparaît au XVIème siècle dans le cadre culturel plus général de l'Humanisme. L'humanisme a débuté un siècle plus tôt par la remise en cause de la scolastique médiévale et l’étude des textes originaux anciens, grecs et latins, mais également de la relecture des Écritures Saintes dans leurs versions les plus anciennes possibles. L'humaniste est animé d'un sens critique et veut donner à l'homme comme à la nature un rôle plus déterminant dans le Création.

L'humanisme biblique d'un Érasme (1467-1536), l'humanisme chrétien d'un Lefèvre d'Étaples (1455-1536), l'humanisme moraliste d'un John Colet (1467-1519), l’humanisme réformateur d’un Gilles de Viterbe (1465-1532) comme le mouvement hébraïsant dans lequel s'inscrivent un León Hebreo (Léon l'Hébreu,1460?-1521) ou un Johannes Reuchlin (1455-1522) prônent un retour à une lecture directe de la Bible dans une approche critique de l'interprétation qu'en a faite l'Église depuis la Vulgate (traduction en latin de Saint Jérôme à la fin du IVème siècle, qui lui a valu sa sanctification).


En 1512, la publication par Lefèvre d’Étaples de sa traduction commentée des Épîtres de Paul fera référence dans les milieux de la Réforme.

En 1516, Érasme (1466 ?-1536), humaniste chrétien, catholique, en recommandera la lecture au suisse Ulrich Zwingli (1484-1531), alors chef de file de la réformation suisse, qu’il rencontre à Bâle, à l’occasion de sa propre traduction du Nouveau Testament qui présente en vis-à-vis le texte grec et le texte latin. Érasme s'est engagé dans un travail comparatif des manuscrits arrivés d'Orient, en s'appuyant sur les travaux du linguiste romain Lorenzo Valla (1407-1457), et reprenant ainsi le lointain travail d'Origène (185-253). Le succès sera retentissant.


  • En 1521, Philippe Melanchthon (1497-1560) publie Les Lieux Communs ou Les Principaux Articles de la Doctrine Chrétienne, un « Commentaire pratique, basé sur l’épître aux romains traitant de sujets comme de la justification, de la foi et des bonnes œuvres.» (https://www.universdelabible.net/bible-et-histoire/les-reformateurs/266-philippe-melanchthon-1497-1560#_ftn7)
  • En 1522 paraît le Nouveau Testament que Luther a traduit en allemand à partir du texte grec d’Érasme et de la Vulgate.
  •   En 1524, Lefèvre d’Étaples achève sa traduction en français du Nouveau Testament.
  • Entre 1382 et 1395, en Angleterre, un ensemble de textes bibliques avaient été traduit à partir de la Vulgate en moyen anglais sous l’égide du pré-réformateur John Wyclif (1430-1484) et connu sous le nom de Bible de Wyclif.
  • En 1526, le réformé anglais William Tyndale (ou Tindale,1494-1536) publie à Worms la première traduction du Nouveau Testament du grec en moyen anglais qu’il a achevé à Wittenberg (ville de Luther).
  • En 1534, Luther en collaboration avec Melanchthon et un groupe d’hébraïsants publiera une traduction de l’Ancien Testament à partir de l’hébreu.
  • En 1535, Myles Coverdale (†1569) traduit la Bible en anglais moderne à partir de différentes versions. Avec une préface du premier Conseiller Thomas Cranmer.

 La même année, paraît la première traduction en français de la Bible par Pierre Olivétan, imprimée à Neuchâtel par le soin des vaudois[1].

Face à ces remises en cause de la Vulgate, le Concile de Trente, concile de la Contre-Réforme (1542-1563), fera en 1546 de la Vulgate, la version officielle et indiscutable de l'Église Romaine.

En 1555, Sébastien Castellion, humaniste, chantre de la tolérance, donne une traduction moderne de la Bible, à savoir, qu’il donne la possibilité de comprendre de diverses manières des passages obscurs et ce dans une langue accessible à tous. Ayant un temps partagé les conceptions calvinistes, il s’en éloignera par sa critique de la prédestination, et la réduction des vérités de la foi nécessaires au salut aux seules doctrines que tous pouvaient comprendre, tout en valorisant la raison pour saisir les doctrines fondamentales des Écritures Saintes. (Cf. Marc Lienhard ‘Le temps des confessions (1530-1620): Histoire du christianisme’, Êdit Desclée 1992, T.8, Pg 175). De même qu’il s’opposera au Calvin qui fit condamner au bûcher l’antitrinitarisme Michel Servet.

En Italie, parmi ceux qui jouèrent un rôle important dans la Contre-Réforme ou Réforme Catholique, nombreux étaient les humanistes, d’un humanisme d’inspiration chrétienne. Dans la première période de la Réforme italienne (avant l’inquisition romaine de 1542), les idées de Luther et celles de Calvin pénétraient dans la péninsule et allaient de concert avec la réforme catholique, les humanistes chrétiens « s’inspirant des mêmes textes [que les réformés] de l’apôtre Paul, qui étaient la base de la doctrine nouvelle de la justification par la foi seule[2]


L'Imprimerie

Cette approche directe des Écritures Saintes, cette «littéralité biblique» (M.de Gandillac) et les traductions en langues vernaculaires, remettent en cause le rôle de l'Église, du clergé, comme intercesseur entre la Parole de Dieu et le fidèle. L’imprimerie[3],  dès le début du XVIème, dans le passage de l’incunable au livre, va tenir un rôle important dans la diffusion du savoir et donc des idées nouvelles, humanistes et réformatrices. Elle offre la possibilité de propager à plus grande échelle et plus rapidement tout ouvrage. Elle va ainsi permettra une très large et rapide propagation des écrits protestants.


L'Église

Au désintérêt que les papes népotiques du XVème siècle avaient montré pour les affaires religieuses, plus soucieux qu’ils étaient d’affermir un pouvoir temporel en se plongeant dans la politique européenne, s’était ajoutée une décadence des mœurs ecclésiastiques. Laurent de Médicis qui avait connu le pontificat de Innocent VIII, mort la même année que lui en 1492, et qui donc n’eut pas le loisir de connaître le pontificat de son successeur, Alonso Borgia (Calixte III), avait déjà qualifié l’Église « de rendez-vous de tous les vices ». Ce délitement moral se manifestait par

  • La recherche et le cumul des menses (bénéfices ecclésiastiques) sans souci d’exercer la charge ecclésiastique qui y sont liée ; certains évêques allant jusqu’à déserter leur évêché, et les prêtres percevant les prébendes de plusieurs paroisses se dispensant de prêches et de visites.
  • La dispense excessive des indulgences (pardon des péchés contre argent) à des fins lucratives au point que s’en était devenu un véritable commerce,
  • L’augmentation de la dîme, qui fut une des causes en Allemagne de la Guerre des Paysans (1524),
  • La simonie, consistant à la vente de biens religieux immatériels (sacrements, dignité etc.) ou à la location de service religieux comme mise à disposition d’une chapelle au seigneur et à sa famille contre monnaie sonnante et trébuchante.

A contrario de cette vie dissolue, des prélats, des moines, le peuple aspirent à un retour à une vie évangélique. Ce retour aux racines du christianisme a été récurent tout au long du Bas Moyen-Âge se manifestant par la fondation de nouveaux ordres religieux.

Le commerce des indulgences, qui absout des péchés déjà pardonnés en contrepartie de fortes sommes d’argent, et qui enrichit outrageusement l’Église (une partie des fonds servant la construction de la Basilique St Pierre), sera la première pierre d’achoppement entre les réformés et Rome.


La Terminologie

Nicomédisme et Hésuchisme

Au sujet des disciples du réformateur catholique d’origine espagnole, Juan de Valdès (1499-1541), mais aussi de manière plus générale au sujet des réformés subissant et voulant cesser de subir la répression, on parle de nicomédisme, attitude de dissimulation ou du moins de réserve quant à l’affirmation publique de sa foi et de ses pratiques à l’instar de Nicomède dans le N.T.. En 1544, Calvin les stigmatisa dans son texte Excuse à Messieurs les Nicodémites.

« Par nicodémisme, je désigne les procédures de dissimulation, transitoires ou durables, adoptées par des dissidences conséquentes en matière de religion, visant à occulter un désaccord profond à l’égard d’une partie substantielle, voire de l’ensemble du corps doctrinal, de l’appareil sacramentaire, des rituels et des cérémonies de l’Église à laquelle on continue d’appartenir publiquement ou ‘extérieurement’».(Jean. Pierre Cavaillé, Les Dossiers du Grihl, Nicodémisme et Déconfessionnalisation dans l’Europe de la première modernité, https://dossiersgrihl.revues.org/4499)

« Ce phénomène [nicodémisme] ainsi que le nom qui lui fut donné serait né à Strasbourg dans les milieux proches des sectes anabaptistes et se répandit bientôt en France, en Allemagne, en Suisse et en Italie. » (Giovanni Gonnet, Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'Histoire des Religions, Persée.fr)

On parle également d’hésuchisme :

 «Attitude de réserve, d’absence de prosélytisme lors d’une répression »(divers dictionnaires)

 « Attitude réservée, mystique, qu’adoptent notamment certains protestants lors des guerres de religion au seizième siècle pour éviter la persécution ; absence de prosélytisme. » (wiktionary.org)


Interdiction, Exclusion et Excommunication

« L'interdiction est un instrument de discipline de l' Église qui a joué un rôle important dans l'histoire des Mennonites [anabaptites, disciples de Menno Simon]. C'est le terme utilisé pour indiquer soit l'exclusion de la communion (Petit Bann), soit l'exclusion de l'adhésion (Grand Bann) » (GMO, Global Anabaptiste Mennonite, Encyclopedia Online).

Interdiction et Exclusion sont donc deux formes d’ex-communion, l’une est exclusion de la communion en commun, l’autre est exclusion de la communauté.


Protestants & Huguenots

A la diète de Spire, en 1529, les princes des états allemands, au nombre de cinq, et 1es représentants de 14 villes présentent à l’empereur Charles-Quint une protestation officielle. De cette protestation naîtra le mot ‘protestant’ pour désigner les réformés.

« On doit observer que le nom de protestant ne fut généralement donné en France aux disciples de la Réforme qu'à la fin du dix-septième siècle, et il ne serait pas plus exact de les appeler ainsi, dans la première moitié de notre histoire, que de désigner sous le nom de Français les contemporains de Clovis. On les nomma dans les commencements luthériens, sacramentaires, puis calvinistes, huguenots, religionnaires, ou ceux de la religion. Ils s'appelaient eux-mêmes les évangéliques, les fidèles, les réformés. Le nom de protestant ne s'appliquait alors qu'aux disciples de la Réforme luthérienne en Allemagne. » (Guillaume de Félice et François Boniface, Histoire du Protestantisme en France, Toulouse - Société des Livres Religieux - 1880 )


Le terme de ‘Huguenot’ désignent les calvinistes français. Le mot est la contraction de ‘Eidgenossen’ (en allemand confédérés) et de Hugues. Ce nom est donné à l’origine aux confédérés, qui, sous la conduite du genevois Hugues de Besançon (†1532), avaient signé le serment contre la domination savoyarde qui aboutit à l’indépendance de Genève en 1526. Le mot se propagea en France dans les années 30 de façon péjorative. Mais ce n’est que sous les Guerres de Religions dans la seconde moitié du siècle, que le terme se généralisa et que les calvinistes français finiront par l’adopter.


Les Personnalités

Le cœur de la Réforme, avant ses ramifications, couvre la période s’étendant sur un demi siècle, allant des affiches de Luther (qui auraient été ?) placardées sur les portes de l’église de Wittenberg en octobre 1517 à La Formule de la Concorde (luthérienne) de 1577. Mais on peut l’étendre jusqu’à l’Édit de Nantes qui, en France, marque la fin des Guerres de Religions (1562-1598).

 Allemagne :

 Martin Luther et Philippe Melanchthon, Thomas Münzer et      Johannes Bugenhagen (Allemagne du Nord, Basse-Saxe, Hanse)

 Suisse :

Zürich:       Ulrich Zwingli puis Henri Bullinguer, Conrad Grebel et  Félix   Manz ;

Genève :    Jean Calvin puis Théodore de Bèze ;

Lausanne :  Pierre Viret;

Genève et Neuchâtel :   Guillaume Farel;

Bâle:           Œcolompade.

Alpes Suisses et Autrichiennes, Moravie :  Jacob Hutter et les Huttérites

Alsace :

Martin Bucer, Mattias Zell, Wolgang Capiton, Gaspar Hédion, Nicolas Gerbel.

 France :

           Jean Calvin ; Pierre Viret (Navarre). 

Angleterre :

Henry VIII d’Angleterre ; Thomas Cranmer, archevêque de Canterbury

 Écosse : John Knox

Pays-Bas :

               Guy de Brès ; Menno Simons ; Jean Matthijs           
         puis Jean de Leyde à Müntzer en Allemagne.

 Espagne :

             Michel Servet né en Aragon mort à Genève,   martyre de la réforme.


Des Points de Repères

1519 : Les 95 Thèses de Luther sont (ou auraient été) placardées sur les portes de l’église de sa ville, Wittenberg.
            Cet acte peut être considéré comme le début de la Réforme.  Melanchthon seraa le seul à en témoigner quelque 45 ans plus tard.

1524-25 : Thomas Münzer et La Guerre des Paysans.

1525 : Les premiers baptêmes des adultes par l’anabaptiste Conrad Grebel à Zurich marquent la naissance de l’anabaptisme.

1527 : Le Sac de Rome à l’instigation de Charles-Quint par une coalition italo-espagnole commandée par le Connétable Charles de Bourbon
             qui , infidèle à François 1
er, y trouvera la mort.

1530 : Diète d’Augsbourg - Confession de foi d’Augsbourg.

1533 : Henri VIII d’Angleterre, chef de l’Église Anglicane.

1534 : Fondation de l’ordre religieux catholique la Compagnie de Jésus par Ignace de Loyola. Naissance des Jésuites.

1534 : Royaume de Münster : Révolte millénariste des anabaptistes radicaux.

           : Acte de Suprématie : Henry VIII chef suprême de l’Église Anglicane.

1536 et 1539: L’Institution de la Religion Chrétienne de Calvin.

1542 : Création de l’Inquisition Romaine par le pape Paul III.

1545-1563 : Concile de Trente, concile de la Contre-Réforme.

1553 : Michel Servet est brulé vif (et à petit feu à cause d’un bois humide) à Genève.

1560 : Le vote au parlement d’Édimbourg de la Confession de Foi Calviniste marque la date de la fondation de l'Église Presbytérienne Écossaise
             de John Knox. Le luthéranisme est supplanté.

1562 : Début des Guerres de Religions en France

1563 : Adoption des 33 Articles par l’Église d’Angleterre.

           : L’Instruction Chrétienne ou Cathésisme d’Heildelberg (Luther)

1571 : Le Synode National de La Rochelle, d’où sortira la Confession de La Rochelle, signée par les calvinistes français et suisses marque l’union,
             sinon l’unification, des Églises Protestantes de France. Il avait été précédée du synode de 1559.

1577-1580 : La Rédaction de La Formule de Concorde trouve l’approbation de toutes les tendances luthériennes.
            Elle signe la fin de La Réforme en tant que mouvement naissant d’opposition à l’Église Romaine.
            Avec l
’Instruction Chrétienne de 1563, elle fonde l’Église Protestante en Allemagne.

1598 : Promulgation de l’Édit de Nantes par Henri IV qui accorde aux protestants le droit de culte et les droits civiques

          . Fin des Guerres de Religions en France.


Les Précurseurs

Les Hérétiques du Moyen-âge

Les albigeois (terme générique) ont refusé à  l'Église. Son rôle d’intercesseurs. Les 'parfaits’ cathares étaient pasteurs avant l'heure.:

Voir Bas Moyen-Âge/Philosophie & Spiritualité/Les Hérésies/Les Albigeois).


L'École Rhénane & les Béguines

Les Béguines et les Métaphysiciens de l'École Rhénane ont prôné une voie directe d'accès à la déité au-delà de la personne divine:
Voir
Bas Moyen-Âge/Philosophie & Spiritualité/ /Les Béguines + L'École Rhénane)


John Wiclif, Jan Huss, Les Lollards

Au cours du concile de Constance (1414-1417) sont déclarés hérétiques, et entre autres de par l'action de Jean de Gerson toujours prompt à combattre l'hérétique, l’Anglais John Wyclif et le Tchèque Jan Huss, fondateur de l'Église Hussite, mort sur le bûcher en 1415 à Constance, même après avoir été excommunié en 1411.

J.Wicliff (1331-1382/84) et J. Huss[4] (1369/73-1415), qui entretenaient des relations épistolaires, ont dénoncé tout deux les indulgences, et prônaient un retour à la lecture de la bible sans intercession ecclésiastique. (Voir Tome 1 Philosophie & Spiritualié/ 1300 Les Prémices de la Réforme)

Le mouvement à la fois aristocratique et populaire des lollards, au XIVème siècle s'éleva tout autant contre le pouvoir de Église que contre le pouvoir royal.


Notes
[1] Guillaume de Félice et François Boniface, Histoire du Protestantisme en France, Toulouse - Société Des Livres Religieux – 1880. Appelée « Bible d’Olivétan », elle fut longtemps connue sous le titre « Bible des Martyrs » en évocation des martyrs vaudois du Piémont et de la Calabre.

[2] Giovanni Gonnet (et pour en savoir plus sur) : Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'histoire des religions Année1982 Volume 199 Numéro 1 pp. 37-65 (http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1982_num_199_1_4755)

[3] La première impression faite par Gutenberg avec l'usage de caractères mobiles date de 1451. Il s'agit de La Grammaire Latine de Aelius Donatus (ne pas confondre avec son contemporain Donatus Magnus à l'origine d'un schisme au IVème  s. ap.J.C.). Les premières impressions en France datent de  1470 avec l'installation à la Sorbonne d'imprimeurs venus d'Alsace qui, à la demande du recteur de l'Université de Paris, Guillaume Fichet, impriment une correspondance du grammairien italien Gasparin de Bergame.

[4]Pour Jan Huss et les Frères Tchèques: http://www.museeprotestant.org/notice/le-protestantisme-en-republique-tcheque/



LA RÉFORME EN ALLEMAGNE


Du Luthéranisme - Martin Luther - Philippe Mélanchton


Voir aussi La Contre-Réforme/La Réforme Catholique/ Allemagne

Du Luthérianisme

« Le luthérianisme se définit par écrits, qu’on appelle les « écrits symboliques ». Luther est l’auteur de trois d’entre eux : deux Catéchismes écrits en 1529 et les Articles de Smalkalde[1], qui datent de 1536 ; trois autres sont sortis de la plume de Melanchthon, la Confession d’Augsbourg et son Apologie écrits en 1530, le traité Du pouvoir et de la Primauté du Pape de 1536. S’y ajoute la Formule de Concorde (1577-1580) qui, après des débats théologiques assez vifs, définit un consensus ».  (André Gournelle, Ref. citée).


« La Réforme prêchée par Luther fut une victoire du Nord sur le Sud; elle fit la fortune des princes réfractaires du Nord. Elle renforça de même l'autorité des vieilles dynasties scandinaves. La Prusse, la Saxe, la majorité des états d'Allemagne du Nord, le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande et les Pays baltes devinrent des puissances protestantes ». (Hervé Masson, Dictionnaire des Hérésies, Édit.Sand 1986) 

« La Mission Intérieure de l’église luthérienne s’exprime ainsi : « promouvoir toutes formes d’évangélisation, encourager les paroisses et les individus à devenir missionnaire, et soutenir la diffusion de la doctrine luthérienne en France, dans et hors des frontières de l’Église. » (Marc Pernot :https://oratoiredulouvre.fr/bulletin/790/lutheriens-et-reformes.php)


Un an avant la seconde diète d’Augsbourg, an 1529, Philippe 1er, Landgrave de Hesse, organise le Colloque de Magdebourg. Une tentative de conciliation entre les courants allemand et suisse de la réforme, autour entre autres de la question de l’eucharistie. Ce colloque réunit d’un côté Luther, Melanchthon, et de l’autre le Suisse Ulrich Zwingli, ses disciples, l’Alsacien Martin Bucer († Cambridge 1551), humaniste et réformé, qui introduira la Réforme en Alsace en 1529 et y accueillera les anabaptistes persécutés, et Jean Husschin (ou Huszgen dit Œcolompade, 1481-1532) qui, nommé prédicateur à la Cathédrale d’Augsbourg en 1518, introduira la réforme à Bâle en 1529. Bucer et Melanchthon, tout deux esprits conciliants, de tempérament irénique, formés à l’humanisme, s’en retourneront déçus de ne pas avoir pu mettre un terme aux dissensions déjà marquées par l’opposition de Luther au courant révolutionnaire de Thomas Münzer et des anabaptistes radicaux.

Une nouvelle tentative, en 1536, la Concorde de Wittenberg, eut plus de succès mais cette fois-ci sans la présence suisse mais la seule présence des Églises allemandes du Nord et du Sud, et l’alsacienne représentée par Bucer et W. Capiton. Elle fut préparée par Melanchthon, et Bucer qui dût déclarer à cette occasion sa séparation d’avec le Zurichois Zwingli. Melanchthon avait présenté à la diète de 1530, la Confession d’Augsbourg des Luthériens, et Bucer, la Tétrapolitaine des villes du Sud (Coblence, Lindau, Strasbourg, Memmingen) ; deux présentations divergeant précisément sur la question de l’Eucharistie (La Cène pour les protestants, la Communion pour les catholiques). Il ressort de cette concorde :

  • concernant la Sainte Communion (la Cène pour les réformés dans leur ensemble): 

« transsubstantiation et inclusion permanente du corps et du sang de Christ dans les espèces sont exclues ; elle [la concorde] affirme notamment « que le sacrement se compose d'un élément céleste et d'un élément terrestre ». Les signataires « croient et enseignent que le corps et le sang de Christ sont réellement et substantiellement présentés, offerts et reçus avec le pain et le vin ». (http://www.universalis.fr/encyclopedie/concorde-de-wittenberg).

Autrement dit, il y a consubstantiation , coexistence du pain et du vin terrestre et du corps et du sang du Christ et non transsubstantiation, non conversion surnaturelle du pain et du vain en le corps et les sang du Christ. La conception de la Cène de Zwingli sera, elle, symbolique (voir ci-après). A noter que c’est le prêtre, pour les catholiques, qui détient ce pouvoir de transsubstantiation de par l’ordination qu’il a reçu de son évêque, qui, lui-même, prêtre la reçu de son évêque.

  • concernant le baptême, l’accord est succinct et se résume à ce que le sacrement  doit être donné aux enfants car nul ne peut être sauvé sans être né deux fois.
  • concernant la confession privée, elle est à l’initiative de chaque fidèle. Melanchthon rédigea le texte des accords. La Concorde mit fin à la scission entre luthériens et réformés à l’exception de Zwingli et de ses disciples qui ne ratifièrent pas les accords. Luther reconnut l’unité du dogme.

En 1563, est rédigé l'Instruction Chrétienne, telle qu'elle est donnée dans les églises et les écoles du Palatinat électoral. Connu sous le nom de Catéchisme d'Heidelberg, ce texte est fondateur de l'Église Protestante Allemande. Le Grand Électeur du Palatinat, Fréderic III le Pieux l'intègre à la Constitution Ecclésiastique qu'il fait proclamer. A cause des dissensions entre les différentes tendances des luthériens et avec les réformés (suisses), de manière plus générale, ce catéchisme sera l'objet de plusieurs rédactions s'inspirant d'autres écrits (sommes théologiques, catéchismes) de théologiens d'Heidelberg[2]. Ce catéchisme, comme dans son acception première l'indique, est une suite de questions et leurs réponses, au total 129.


A la mort de Luther, une dissension apparut entre les Philippistes, fidèles Philippe Melanchthon et les gnésio-luthériens et des ubiquitairesau sein des luthériens; ces derniers reprochant aux premiers de soutenir des thèses par trop proches de celles des calvinistes (voir Convergences et Divergences/ les Sacrements). La Formule de la Concorde de 1577, dite des Deux Catéchismes qui, sans recevoir l’aval de tous les luthériens, fédéra la quasi totalité des luthériens et marqua néanmoins une rupture définitive avec les réformés suisses. En 1580, parut le Livre de La Concorde qui contient outre la Formule, « le Credo des Apôtres (vers 186), le Credo de Nicée-Constantinople (381), le symbole d'Athanase ( entre 350-600), les Catéchismes Grand et Petit Luther (1529), la Confession d'Augsbourg, écrite par Melanchthon et présentée par l'électeur de Saxe et d'autres princes luthériens d'Augsbourg en 1530;, l'Apologie de la Confession d'Augsbourg (1531) , écrite par Melanchthon contre la réfutation romain qui avait rejeté la Confession d'Augsbourg; les articles Smalkalde (1537), écrit par Luther et résumant la compréhension protestante des principaux articles de foi pour un concile qui n'a jamais été appelé, du Traité sur la puissance et la primauté du Pape (1537), écrite par Melanchthon pour augmenter les articles Smalkalde » (https://mb-soft.com/believe/tfhm/concord.htm).

Le luthéranisme s’étendit dans toute l’Allemagne excepté le Palatinat qui sera acquis ensuite au calvinisme ; calvinisme qui s’étendra, lui, en France, à Mulhouse (Alsace non encore Française), et dans le reste de l’Europe du Nord et en partie en Hongrie.


Martin Luther

Martin Luther (1483- 1546) nait à Eisleben en Thuringe (Allemagne du Centre) dans une famille d'origine paysanne mais dont le père s'élèvera socialement pour devenir fermier d'un puits de mine et d'une fonderie. Martin reçoit une éducation sévère et poursuit des études de Magdebourg à Erfurt, capitale d'un Länder indépendant qui deviendra protestant dès 1520 et chassera prêtres et moines.

C'est dans cette ville où il mène selon la volonté paternelle des études de juriste, qu'en 1505, à la suite de la peur de mourir provoquée par une chêne abattu par la foudre (épisode qui le marquera à jamais) la recherche du salut devient pour lui le but de sa vie et il se fait moine augustin.

Ordonné prêtre en 1507 à l'âge de 24 ans, il obtient le grade de bachelier sententiaire.[3] En 1510, envoyé à Rome au sujet d’un désaccord au sein des augustiniens, il est édifié par la vie à la cour papale.


En 1512, il est nommé sous-prieur à Erfurt et obtient l'année suivante son doctorat en théologie à l'université de Wittenberg (All. de l’est, s.o de Berlin). Il approfondit sa connaissance de la Bible et entame ses commentaires sur les Psaumes et les Épitres de Paul dans lesquels il trouve la solution au salut: la justification par la foi seule et non par les bonnes œuvres : Sola Gratia Sola Scriptura.  Il faut accorder une confiance absolue en Dieu miséricordieux.

En 1515, il est accède au titre de professeur et devient Vicaire d'Allemagne pour les Augustins.

En 1516, il commence sa "croisade" d'un renouveau théologique, et en 1517, il s'élève contre les indulgences sans pour autant chercher une scission avec l'Église de Rome. Il rédige en vue d’une controverse sur les indulgences une Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum (Dispute sur la puissance des Indulgences), 95 thèses qu’il aurait selon ce qu’en dit Melanchthon vingt ans plus tard,  placardées[4] sur les portes de l'Église de La Toussaint de Wittenberg, justement la veille de la Toussaint, le 31 octobre. Aucun témoignage directe n’atteste cet affichage mais la pratique étant courante, la concordance de la date et de l’église choisie, et de plus le fait que Mélanchthon soit arrivé à Wittenberg un an plus tard pour enseigner le grec, peuvent laisser supposer l’authenticité de l’événement. Il sera autant surpris par le succès de ses propositions que par la vive réaction de Rome.


À l'instar de St Augustin, il s'élève aussi contre le manichéisme et le pélagisme[5]. Il s'oppose également à Aristote, “le plus détestable ennemi de la grâce" (cité par M.de Gandillac, Opus cit) à qui il préfère Platon et sa théorie des Idées.

En 1518, Il participe à la dispute d’Heidelberg au cours de laquelle il présente ses Thèses de Heidelberg, dont l’une exigeait « que la croix du Christ soit reconnue de façon claire et constante comme étant le seul moyen de salut ». Il réaffirme sa position devant le légat missionné par le Pape Léon X, Tomasso de Vio dit le Cajétan (1469-1534)[6]. Il est excommunié en 1520.

Pour Luther, « ‘‘la meilleure et infaillible préparation à la grâce réside dans l'élection et la prédestination éternelles de Dieu’’ (Controverse de 1717) ….l'homme n'accomplit de lui-même, dans l'ordre naturel, aucun acte vertueux, et qu'en raison de la promesse scripturaire, liée à l'unique médiation du Christ, ne sont sauvés par pure grâce que les vrais croyants » (M.G. Op. cit.).

Si, comme l'ont fait mais sans l’affirmer, les Béguines et l'École Rhénane deux siècles avant lui, il rejette la nécessité de l’intercession ecclésiale, il ne s'oppose pas moins à leur croyance en une possibilité de la déification de l'âme, et rejette toute mystique comme il rejette toute dévotion ou tout culte des saints. Le péché reste inaliénable à l'homme.


En 1521, bien que soutenu par le peuple, à la Diète de Worms, il est mis au ban de l'empire (de Charles Quint). Le Grand Électeur de Saxe le prend sous sa protection. En 1523, il écrit De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit. De même qu'il soutiendra le Grand Électeur de Saxe dans sa décision de chasser les communautés juives de ses terres en 1530.

Luther s'oppose à toute violence au nom de la Bible et s'oppose en 1522 à la révolte de nobles allemands qui envahissent les terres de l'évêque de Trêves. Pour autant, il soutiendra deux ans plus tard, les princes dans leur répression contre les révoltés paysans et prônera une Église d'État dont les princes seraient les chefs religieux et temporels.

En 1522, paraît sa traduction du Nouveau Testament en allemand[7] à partir de la traduction d’Érasme en grec et de la Vulgate .

En 1525, toute l'Allemagne est en effervescence à cause de “La Guerre des Paysans“ qu'alimentent les positions non seulement réformistes mais aussi révolutionnaires de Thomas Münzer (voir Réforme Radicale).

L'humanisme biblique et évangéliste manifesté par des mouvements comme le Cénacle de Meaux [8] ont été favorables à une réforme de l'Église. Mais dans ce nouveau combat théologique qui ne cesse de prendre de l'ampleur et tendre à la scission, Luther finira par se heurter aux humanistes qui en un premier temps l'avait pourtant soutenu, entre autres sur son interprétation de l'eucharistie selon laquelle le pain et le vin sont le pain et le vin tout en étant corps et sang du Christ (consubstantiation et non transsubstantiation. (Voit Culte et Sacrement/ La Sainte Cène). 

Le premier à qui Luther devra s'opposer parmi les humanistes est son maître et ami, l'augustinien Barthélemy Arnoldi[9] (1465-1532), puis Érasme. Même si ce dernier est d'accord avec Luther sur la nécessité d'un retour direct à la Bible, il s'oppose au maître de Wittenberg sur le rôle des “bonnes œuvres“ pour lui indispensables au salut, et ne prend pas moins position pour le pape qui lui accordera à cette occasion de substantielles prébendes, sortant le Néerlandais d'une pauvreté chronique.


Luther consacre alors son temps à l'organisation de la nouvelle Église et à rédiger les Grand et Petit Catéchismes sans apporter de très grands changements dans la messe, ce qui lui reproche les protestants de Suisse qui remplacent la messe par le culte.

Luther, pragmatique, admet que l'on puisse inévitablement commettre des injustices, par exemple dans l'indispensable commerce, et de tout aussi inévitables péchés comme le nécessaire mariage, qui ne peut se pratiquer sans la « hideuse volupté » pour lesquels Dieu condescend à fermer les yeux (cité par M.de Gandillac, OP. cit.). En 1525, il se marie avec une religieuse défroquée, Catherine Bora, qui lui donnera (en six voluptés?) six enfants. En 1524 (25?), il aura quitté l'habit monacal des augustins.

En 1530, il délègue Mélanchthon à la Diète d'Augsbourg pour qu'il y lise la fameuse Charte Protestant ou Confession d’Augsbourg.

En 1534, il achève avec Mélanchthon et un groupe d’hébraïsants une traduction de L’Ancien Testament.

En 1537, il rédige le second texte fondateur du luthéranisme, les Six Articles de Smalkalde qui seront intégrés au Livre de la Concorde en 1580. Ces Six Articles de Smalkalde ont été rédigés par Luther pour être présentés lors du Concile de Mantoue au pape Paul III comme étant les points de la foi réformée ne souffrant aucune remise en cause.

Les dissensions se font de plus en plus fortes au sein de la réforme mais aussi autour d'un Luther qui trouve en la bière un embonpoint certain et des sortes d'inspirations que les gnesio-luthériens, les fidèles parmi les fidèles, transcriront sous le titre de Propos de Table.

« Celui qui boit de la bière, il s'endort vite; celui qui dort longtemps ne pèche pas; Celui qui ne pèche pas entre au Ciel! Ainsi, buvons de la bière! »

Dissensions entre ‘martinistes' et des philippistes, fidèles à Philippe Mélanchthon qui s’est vu reprocher par le théologien protestant Matthias Flacius Illyricus  (1520-1575) d’avoir fait trop de concessions en 1548 aux catholiques à l’occasion de l’Intérim de Leipzig.

Luther meurt dans sa ville natale d'Eisleben en 1546. Il aura participé au développement de la musique allemande en écrivant 36 cantiques à chanter en chœur au cours du culte.


L'Événement déclencheur

Au XVIème siècle, les indulgences[10] font l'objet de la part de Rome d'un véritable commerce. Délivrées accompagnées de messes, en contrepartie de fortes sommes d'argent, elles servent à l'édification de monuments somptueux comme la Basilique St Pierre et permettent à la curie de mener grand train.

Un des chevaux de bataille des Réformateurs, de Luther à Zwingli, sera non seulement de dénoncer ce commerce si bénéfique pour l'Église, mais de récuser leur pratique. Elles sont emblématiques pour eux de cette «bonne œuvre» qui en tant que telle ne saurait mener au salut, mais encore très profitable au clergé. Inconciliables avec toute idée de prédestination, elles sont antinomiques à toute affirmation du salut par la foi.

« Le 31 octobre 1517, Martin Luther  affiche ses '95 thèses sur la vertu des indulgences' à la porte de l'église de Wittenberg. Par ce geste, Luther dénonce le principe des indulgences comme étant incompatible avec les doctrines bibliques et met indirectement en cause l'infaillibilité supposée de cette papauté qui rançonne le peuple au profit du fisc romain. Le texte est aussitôt perçu comme un véritable manifeste libérateur et est rapidement imprimé et diffusé dans toute l'Europe.»   (http://www.publius-historicus.com/reforme.htm)[11].


La Charte Protestante - La Confession d'Augsbourg

Les diètes[12] de l'Empire Germanique se sont tenues de la fin du Xème siècle (922) à la fin du XVIème siècle (1582), essentiellement dans les villes de Worms et Spire en Rhénanie, et d'Augsbourg en Bavière.

En 1519, Charles Quint (1500-1558), flamand de naissance, roi d'Espagne depuis trois ans, prend la succession de son grand-père, Maximilien 1er d'Autriche (1459-1519) à la tête du Saint Empire malgré les prétentions à la couronne impériale de l'Anglais Henry VIII et du Français François 1er. Il convoque la diète de Worms de 1521.

Quatre diètes, en tout, auront ont à traiter la question des mouvements réformateurs:

La diète de Worms de 1521 condamne au ban de l'empire (frappé d'indignité, perte de tous ses droits) un Martin Luther déjà excommunié et resté prudemment chez lui.

La diète de Spire de 1526  à l'instigation du frère de Charles Quint, Ferdinand 1er d'Habsbourg qui sera le négociateur de la Paix d'Augsbourg en 1555 et qui prendra la place de son frère à la tête de l'empire qu'en celui-ci abdiquera en 1558. L’empereur tentera une conciliation par des mesures en faveur des paysans révoltés, et, anticipant sur la diète de 1530, établira que la question religieuse doit être l'affaire de chaque état de l'empire.


A la nouvelle diète de Spire en 1529, Charles Quint fait marche arrière et se montre plus intransigeant qu’en 1526. Les princes, au nombre de cinq, et les représentants de 14 villes lui présentent une protestation officielle. De cette protestation naîtra le mot ‘protestant’ pour désigner les réformés luthériens.

En 1530, l’empereur convoque la plus connue des diètes d'Augsbourg de par les répercussions qu’elle aura sur toute l'Europe. Son but est de faire plier les princes allemands qui se sont ralliés à la cause protestante et ont rompu avec l'autorité impériale et papale en 1518. L’entreprise s'avère vaine puisque Johann-Frédéric Ier (1503-1554), Grand Électeur de Saxe, et Philippe Ier (1504-1587), Landgrave de Hesse, les deux principaux et puissants protecteurs de Luther, parviennent à réunir à leur cause les autres princes germaniques. Ils présentent à Charles-Quint leur charte, la Confession d'Augsbourg, rédigée par Philippe Mélanchthon (1497-1560). La charte contient les deux canons du protestantisme: sola gracia (la grâce seulement) et sola scriptura (l'écriture seulement) :  « Seule, la foi sauve le chrétien » et « La bible est la révélation définitive de Dieu » [13].

A cette même diète de 1530, les délégués des quatre villes de Lindau, Strasbourg, Constance et Memmingen remettent au vice-chancelier Merklin von Waltkirch, la « Confession des Quatre Villes (La Tétrapolitaine)», rédigée par l’alsacien Martin Bucer dans le prolongement de la Profession de Foi Strasbourgeoise Anticatholique que les réformés de Strasbourg avait remise deux ans plutôt à ce même légat de l’empereur et dans laquelle est affirmé le salut par la grâce.[14] La Tétrapolitaine se distinguait de la Confession remise par Mélanchthon sur la question de la Cène.

La conséquence première de cette nouvelle approche de la foi est l'abolition de toute hiérarchie au sein de la communauté des croyants, autrement dit la disparition du clergé en tant que pouvoir spirituel et maître de la liturgie. Chaque fidèle dans le protestantisme a non seulement le devoir de lire la Bible en sa langue maternelle mais encore se doit de pouvoir la lire et la prêcher auprès de ses coreligionnaires. C'est ce qui est appelé le sacerdoce universel. Pour autant, des ministres du culte seront maintenus comme étant ceux qui ont étudié la théologie, qui délivrent les sacrements et se mettent au service de la communauté, notamment pour les questions de gestions et d'ordonnance. Ils sont généralement dénommés pasteurs.

Deux autres conséquences importantes furent de par l'égalitarisme entre les fidèles, la disparition de la confession et la fin du célibat des prêtres qui n’avait été instauré au sein de la prêtrise qu'en 1123 au 1er Concile de Latran.


En 1531, les princes pour renforcer leur opposition au pouvoir impérial de Charles-Quint, et pour se défendre contre  la menace d’une invasion turque, constituent la Ligue de Smalkalde dont les chefs sont Philippe 1er et Johann-Frédéric. L’année suivante est signée avec l’empereur, la Paix de Nuremberg, qui leur donne l’autorisation de pratiquer leur culte.

Entre 1540 et 41 se tint une série de colloques à Spire, Haguenau et Worms d’où sortit le Livre de Worms , nouvelle tentative de l’empereur de trouver un compromis doctrinal avec les protestants. A ces conférences dirigées par l’homme de confiance de l’empereur, Nicola Granvelle, participaient des théologiens catholiques comme Julius von Pflug, Johannes Gropper, Giovanni Morone, le légat Gasparo, Contarini, réformateur catholique, Jan EcK, et les réformés Johannes Pistorius, Bucer, Mélanchthon et Calvin. Le Livre de Worms remanié fut représenté en 1541au Colloque de Rastisbonne (parfois appelé diète de Ratisbonne) Si un accord est trouvé sur, l’innocence de l’homme avant la chute, le livre-arbitre ( ??), la cause du péché, le péché originel, la justification par la grâce, mais les points d’achoppement reste la question de l’eucharistie et l’autorité de l’Église sur lesquels le pape Paul III reste intransigeant. En 1543 s’ouvrira à Bologne le Concile de la Contre-Réforme qui reprendra en 1553 à Trente[15].

En 1546-47, Charles Quint déclenche la Guerre de Smalkalde, en décidant d’envahir les états du Landgrave de Hesse et du Grand Électeur de Saxe dont les troupes seront défaites par l'armée impériale en 1547 à La Bataille de Muehlberg (Mülberg). Suit aussitôt la Capitulation de Wittenberg qui a pour effet la dissolution de la ligue, la destitution de Frédéric 1er de Saxe et le morcellement de son duché en les Duchés Saxons (Saxe-Cobourg, Saxe-Weimar…) ; l’université de Wittenberg est pour un temps dissoute. Jean-Frédéric 1er de Saxe, emprisonné pour cinq ans, se placera ensuite pour lutter contre Charles-Quint aux côtés de son cousin Maurice, Duc de saxe, qui s’était pourtant un temps allié à l’empereur.


En mai 1548, fort de cette victoire, Charles Quint convoque, une nouvelle diète à Augsbourg au cours de laquelle il fait proclamer l’Intérim d’Augsbourg, voulant forcer les protestants à un retour à des conceptions plus proches des catholiques. Par cet Intérim (décision intérimaire impériale), rédigé par Bucer l’empereur ordonnait entre autres aux luthériens de respecter les sacrement de l’Église mais leur accordait la communion sous les deux espèces et le mariage des pasteurs. C’était une première reconnaissance bien que non officielle du protestantisme. Le Sud et l’Ouest cèdent, le Nord résiste s’alliant à Henri II de France qui, comme son père, y trouve son parti contre Charles-Quint. S’en suivirent des négociations en vue d’un compromis qui aboutirent quelque mois L’Intérim de Leipzig proclamé en Janvier 1549  à la fin de la diète tenu dans cette ville (voir Convergence et Divergences/ Flacius) .  Philippe Mélanchthon avait fait de telles concessions pour parvenir à un accord avec l’empereur qu’il se créa une scission au sein des luthériens entre Philippistes et les ultras Gneso-luthériens.

Cette intérim suscitera de fortes controverses au sein des protestants et donnera lieu à une tentative de conciliation quelques mois plus tard avec en décembre, l’Intérim de Leipzig. (Voir Convergences et Divergences des Protestantismes).

Mais Charles Quint, malgré sa victoire aura à défendre son empire sur plusieurs frontières, face au Turc à l'Est, aux Maures au Sud, face à la France et aux protestants. En 1555, Philippe II, moins intransigeant et à qui son père l‘empereur, en mauvaise santé, laisse le pouvoir cette même année, signe à la diète Augsbourg, la Paix d'Augsbourg qui met fin au conflit entre les protestants et les catholiques au sein de l'empire. Le recès[16] est resté célèbre : «Cujus regio, ejus religio». Chaque région peut ainsi choisir sa religion.


Philippe Mélanchthon

Philippe Schwartzerd Mélanchthon[17] (1497-1560), né à Bretten (Bade-Wurtemberg, Haut-Rhin) est orphelin de père à 10 ans. Il est élevé par une tante, la sœur de l'humaniste hébraïsant, Johannes Reuchlin (voir L'humanisme/ Mouvement Hébraïsant/J. Reuchlin ). Elle prend son neveu en affection et par la suite le soutiendra dans sa lecture assidue de la bible quand celui-ci portera un intérêt de plus en plus marqué pour la théologie. Par la suite, Melanchthon hellénisera le patronyme de Schwartzerd en Melanchton (terre noire).

Mélanchton fait ses humanités, c’est-à-dire qu’il suit la formation humaniste d’apprentissage du grec et du latin. Élève surdoué, il est admis à l’université d'Heidelberg dès l'âge de 13 ans où il poursuit sa connaissance des langues antiques. L'année suivante, il est fait bachelier es lettres.

En 1512, deux ans plus tard, il entre à l’université de Tübingen. Il y étudie outre les écrivains classiques grecs et latins, la jurisprudence et la médecine, les  mathématiques et l’astronomie. Il se lie d’amitié avec Jean Husschin dit Œcolampade, Suisse-Allemand, réformateur à Bâle et qui qui épousera la thèse du réformateur zurichois U. Zwingli.

En 1514, à 17 ans, il obtient le titre de maître ès art section philosophie. Il préface le célèbre recueil de lettres Epistolae clarorum virorum (Lettres des Hommes Brillants) de son oncle Reuchlin. En 1518, à 22 ans, il publie une grammaire grecque et commence à enseigner le grec à l'université de Wittenberg, ville où Martin Luther aurait placarder en octobre 1517 ses 95 propositions. C’est d’ailleurs lui qui évoquera le fait vingt ans plus tard.  C'est le début d'une étroite collaboration entre ses deux personnalités si différentes ; collaboration qui portera entre autres sur la traduction de l’Ancien Testament par Luther, qui paraîtra en 1534.


En 1519, Mélanchthon est nommé docteur en théologie. En 1520, il fait un mariage heureux avec Katerina Krapp. En 1521, il écrit Les Lieux Communs ou Les Principaux Articles de la Doctrine Chrétienne,

 « Commentaire pratique, basé sur l’épître aux romains traitant de sujets comme de la justification de la foi et des bonnes œuvres. Certains considèrent ce livre comme le premier traité de Dogmatique de l’Église Évangélique. Luther le considérait comme quasi canonique. » (https://www.universdelabible.net/bible-et-histoire/les-reformateurs/266-philippe-melanchthon-1497-1560#_ftn7)

Au cours de la Guerre des Paysans (1524-1525), comme Luther, il demande aux révoltés de se soumettre, mais demande également aux princes de faire preuve de clémence alors que Luther approuve la répression.

En 1530, il représente une fois encore Luther à la Diète d’Augsbourg où il lit la fameuse Confession d’Augsbourg.

En 1533, François 1er qui, comme Henry VIII d’Angleterre, avait vu d’un bon œil la création le la Ligue de Smalkalde en 1531 par les princes allemands à l’encontre de Charles Quint, demande à Mélanchthon d’établir des propositions pouvant amener à une conciliation dans le conflit religieux français. Mais le roi trouvera ses mesures trop avancées pour leur temps.


En 1536, il prépare avec le réformateur alsacien Bucer, la Concorde de Wittenberg (voir Du Luthéranisme).

 Mélanchthon joue alors un rôle central dans les affaires internes comme le remaniement du texte de la Paix de Nuremberg et le divorce de Philippe de Hesse auquel avec Luther et Bucer, il acquiesce bon gré malgré. Le Conseil secret d’approbation qui est rédigé de concert servira d’argument à Charles Quint pour faire pression sur les réformés et reprendre mains sur certains états évangéliques.

Dans les années 1540, Mélanchthon, malgré de forts soucis de santé, doit participer à des colloques en présence de l’empereur, à Worms, Ratisbonne, Haguenau… au cours desquels sont débattus les thèses des protestants. Pendant la Guerre de Smalkalde (1546-47), au cours de laquelle, les troupes de Charles-Quint envahirent les états protestants, Melanchthon s’enfuit avec sa famille et la veuve de Luther dans une itinérance qui les mène de villes en villes. Il peut enfin regagner l’université de Wittenberg qui réintégra ses anciens professeurs après avoir été fermée un temps à la suite de la défaite de la Ligue de Smalkade et de la Capitulation de Wittenberg.

Jusqu’à sa mort, Mélanchthon dut alors avoir à faire face aux diatribes des plus ardents luthériens qui lui reprochaient les compromis qu’il a fait, selon eux, dans une trop grand esprit de conciliation ; notamment à l’occasion de l’Intérim de Leipzig (voir Controverses doctrinales).

Ses forces ne cessèrent de décliner. Il mourut en prière à l’âge de 63 ans et fut enterré aux côtés de son ami Luther dans l’église du château de Wittenberg

.

Thomas Münzer

Voir La Réforme Radicale/ Thomas Münzer.


Notes
[1] ‘Les Six Articles de Smalkalde’ ont été rédigés par Luther pour être présentés lors Concile de Mantoue en 1537 au pape Paul III comme les points de la foi réformée ne souffrant pas la remise en cause.

[2] Ce catéchisme « semble être l'œuvre de Gaspard von der Olewig (Olevianus) de Trèves (1536-1587 ; après des études de droit en France et de théologie en Suisse, Gaspard a été appelé en 1560 à Heidelberg). Mais il reste très dépendante de la Summa theologiae et de la Catechesis minor de Zacharie Beer (Ursinus) de Breslau (1534-1583), autre théologien de Heidelberg (Encyclopedia Universalis).

[3] «Après avoir été 7 ans étudiant, le bachelier en théologie devait en effet «lire » pendant 2 ans les livres de la Bible, comme « bachelier biblique » ; puis, pendant 2 ans encore, les « sentences » de Pierre Lombard comme «bachelier sententiaire » ; enfin, participer pendant 3 ans aux disputes comme «bachelier formé » ; ce n’est qu’ensuite qu’il pouvait se présenter à la licence». Pour en savoir plus sur le cursus des études au Moyen-Âge:

http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?t=64656&classement=recents

[4] Certaines sources affirment que ce serait Melanchthon qui aurait affiché ces propositions sur les portes de l'Église de Wittenberg, or il semblerait que Melanchthon ne soit arrivé dans cette ville qu'en 1518 pour y enseigner le grec à l'université.

[5] L'évêque d'Hippone s'est farouchement opposé à Pelage (350-423) qui soutenait la doctrine du libre-arbitre, celle d'un homme maître de son salut et dont la liberté ne saurait être entravée par le péché originel (voir Tome 1)

[6] Éminent théologien, grand commentateur de Thomas d'Aquin, le Cardinal Thomas de Vio dit le Cajetan (1469-1534), vicaire Général des dominicains, ambassadeur du pape auprès de Luther, joua une rôle important durant le Concile de Latran. Connu pour sa controverse à Ferrare contre Pic de la Mirandole, il est l’initiateur de l'Analogie des Noms (1498,) son œuvre majeur.

[7] https://www.museeprotestant.org/notice/martin-luther-1483-1546/

[8] En 1521, son commentaire sur les Évangiles, vaut à Lefèvre d’Étaples les foudres de la Sorbonne. Il se réfugie avec un noyau d'élèves à Meaux auprès de son élève, l'évêque Brissonnet qui en fait son vicaire général. Il fonde le Cénacle de Meaux, foyer réformiste d'humanistes évangélistes qui prônent un retour à Église originelle et la prédication des Écritures dans les paroisses. On y trouve Guillaume Farel (1489-1565) qui deviendra un fervent zélateur de la Réforme en Suisse. Le cénacle sera dissout en 1525 (voir Humanisme Chrétien).

[9] Barthélémy Arnoldi est né à Usingen dans le land de Hesse dont le Landgrave, Philippe 1er le Magnanime, fut un des principaux soutiens de la Réforme. Son disciple et ami, Luther ne convint jamais, malgré ses efforts, à le rallier à sa cause. En 1512, il se fit moine augustinien et le demeura jusqu’à sa mort. Fidèle au pape, il écrivit de nombreux ouvrages contres les hérésies de son temps. Il est un des tout derniers grands représentants de la scolastique qui résista au mouvement de la Renaissance

[10] Les indulgences sont inscrites à la fin du Xème siècle dans le droit canonique. « L'indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l'action de l'Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints» Encyclique Indulgentiarum doctrina de Paul VI, 1967).

[11] Il s'agirait en fait selon les sources  d'un moine. Mais  aucun document n’atteste la véracité du fait. Pour majeur que soit cet événement, il ne repose que sur le seul témoignage de Mélanchton quelques dizaines d'année plus tard. Il est pourtant  est considéré comme  historique. Les thèses, affichées ou pas,  seront parcontre  tout de suite imprimées et largement diffusées en Europe, ce qui explique leur retentissement.

[12] Diète: Assemblée épisodique et non régulière réunissant les différents chefs politiques et militaires, en l'occurrence, les princes de l'Empire Germanique, les représentants des grandes villes, les grands conseillers. Il s’agit de statuer sur les affaires importantes de l'empire comme par exemple à la diète de 1512 qui devait statuer sur une organisation fédérale de l'empire ou encore celle de 1077 qui, à la demande du pape réformateur, Grégoire VII, au cours de la Querelle des Investitures, excommunia l'empereur Henri IV après que celui-ci a déposé le pape. L’empereur excommunié, ses vassaux n’avaient plus à respecter leur allégeance. Charles Quint sera le premier empereur a assister à une diète.

[13] Sur la Confession avec commentaires voir https://enseignement-latin.hypotheses.org/3080

[14] René Bornert, La Réforme du Culte à Strasbourg, Édit .J.Brill, Leiden, Pays-Bas 1981.

[15] Sur ces colloques voir Jean-Robert Armoghate, Belles Lettres,
Article V de l’Intérim de Ratisbonne, https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2013_num_157_2_95224

[16] Du latin «départ». «Recès de l'Empire: Procès-verbal où étaient consignées les délibérations des diètes de l'Empire germanique… Vx ou littér : Lieu

 http://www.cnrtl.fr/definition/recès

[17] Axe central de cette biographie : https://www.universdelabible.net/bible-et-histoire/les-reformateurs/266-philippe-melanchthon-1497-1560#_ftn7 


LES RÉFORMÉS SUISSES

Ulrich Zwingmi - Jean Calvin  - Théodore de Bèze - Pierre Viret - Le Calvinisme


Alors qu’en Suisse alémanique, la réforme naquit de contestataires locaux, Zwingli à Zurich, Œcolampade à Bâle, ce sont des étrangers, les français Guillaume Farel et Jean Calvin puis Théodore de Bèze qui, à Berne, qui à Genève, qui, en Suisse Romande, introduisirent les idées réformatrices[1].


Ulrich Zwingli

Hulrych Zwingli (1484-1531) est né à Wildhaus dans une famille de paysans aisés de la Suisse Orientale. Il entre à l’université de Vienne en 1498, puis à celle de Bâle en 1502 où il est formé à l’esprit de la via antiqua, autrement dit à l’esprit humaniste. Il est bachelier es arts (libéraux) en 1504 et fait maître deux ans plus tard, en 1506 , à 22 ans; année où il est ordonné prêtre par l’évêque de Constance. Il reçoit en charge la cure de Glaris (ou Glarus) où il restera dix ans. Au cours de ces dix années, il séjournera par deux fois en Italie du Nord, notamment à Marignan en 1515 comme aumônier des troupes suisses à la défaite desquelles il assiste.

En 1513, marqué par les écrits d’Érasme, il se met à étudier le grec. Il rencontrera l’auteur de l’Éloge en 1516 à Bâle. L’auteur de l’Enchiridion militis christiani (Manuel du soldat chrétien), qui vient de remettre à l’important imprimeur Bâlois sa double traduction en grec et latin du Nouveau Testament, conseille à Zwingli la lecture des Épîtres de Paul. Il lit aussi les précurseurs de la Réforme :Wyclif , Huss, (cf. Tome 1/ Les Prémices de la Réforme).


Ses positions pacifistes, sa réprobation de voir les Suisses se mettre à la solde des princes étrangers, le font mal voir à Glaris, opposé qu’il est également, contrairement à la majorité de ses ouailles de Glaris, à l’alliance avec les Français. Il obtient en 1516 la cure d’Einsiedeln (canton de Schwyz), ville natale de Paracelse quelque 20 ans plus tôt. Il s’exerce à une nouvelle prédication à partir de ses nouvelles approches des Écritures Saintes avec un certain succès qui lui vaut en 1519, d’être curé de la Cathédrale de Zurich.

Atteint de la peste en 1519, il y trouve une expérience qui le met face à la question du salut. Il veut alors écarter tout ce qui s’interfère entre le fidèle et Dieu. Et il en tire des conclusions aussi bien au plan individuel que social, et donne même à son prédicat une mission politique. En 1522, il publie De la justice divine et de la justice humaine. Il y affirme sa rupture avec l’Église de Rome. Érasme le désapprouvera. Il vit ouvertement en concubinage avec Anna Reinhart qu’il marie deux ans plus tard. Ils auront quatre enfants.

A cette époque, le canton de Zurich se singularise par rapport aux autres cantons suisses en rompant ses alliances avec le pape, la France et le Saint Empire de Charles-Quint.

Au cours de la Dispute de Zurich, en 1523, dont l’objet est de savoir qu’elle est l’autorité suprême en matière religieuse, il énonce ses 67 Schlussreden (conclusions), entre autres sur la prééminence de la Bible, le rôle primordial de Jésus-Christ sur la voie du salut, mais aussi insiste sur le célibat des prêtres. Ces ‘conclusions’ emportent l’adhésion du Conseil de la ville.


En 1525, le culte remplace la messe[2]. Zwingli ouvre des cours sur la Bible commentée à partir de différentes traductions, grecque, latine, hébraïque; cours auxquels sont conviés clercs et laïcs.

Certains de ses disciples comme Conrad Grebel et Félix Manz (voir Anabaptisme) vont se détacher de lui. Ceux-ci avaient déjà considéré que leur maître avait été trop lent dans le remplacement de la messe par le culte. Ils le jugent encore trop modéré, notamment sur la question du baptême et sur la primauté à donner au Nouveau Testament sur l’Ancien. Se rapprochant des idées radicales de l’allemand Thomas Münzer et s’inspirant de ses écrits, Grebel et Manz seront à l’origine du développement de l’Anabaptisme apparu originellement chez les taborites de Bohême, « aile gauche du mouvement hussite» (M.de Gandillac op. cit.). Ils trouveront en Zwingli un farouche adversaire.

En 1526, des cantons suisses rejettent les idées de réforme au cours de la dispute de Baden (proche de Zurich) où Œcolompade se trouve en position d’infériorité. Zwingli, absent, y est excommunié. Deux ans plus tard, même si les évêques des grandes villes suisses ont décliné l’invitation, une importance inattendue sera donnée à la dispute de Berne par la présence de personnalités importantes de la réforme comme Œcolompade de Bâle, Zwingli en personne, venu de Zurich et d’autres représentants de villes Rhénanes et du sud de l’Allemagne: le Conseil de Berne décrétera l’application de leurs idées.

En 1529, au Colloque de Magdebourg où sont notamment présents Melanchthon et Bucer, Zwingli s’oppose à Luther sur la question de la Cène. Si pour Luther, le Christ est présent dans les espèces (consubstantiation) pour Zwingli

« La Cène n'apporte pas la grâce et ne rend pas le Christ présent. Elle a pour fonction de signaler sa présence, de rendre témoignage de ce qu'a fait et donné l'Esprit. En prenant le pain et le vin, le croyant déclare publiquement, au su et au vu de tous, ce que le Christ lui a apporté, et ce qu'il représente dans sa Vie. » (André Gounelle.fr /histoire-des-idees/presentation-de-zwingli.php).


La position de Zwingli sur la non présence réelle du Christ dans l’eucharistique dénie la Communion comme sacrement. Les catholiques aussi bien que les luthériens traiteront de façon péjorative les disciples de Zwingli de sacramentaires.

Il s’oppose aussi aux luthériens sur la question du péché. Pour lui, le péché n’est pas une faute originelle mais comme une ‘maladie héréditaire’. Il se rapproche par contre du maître de Wittenberg sur la gouvernance de l'Église qui ne doit pas être séparée de la gouvernance temporelle des républiques.

Sur la question du salut, Zwingli écrit :

«ce ne sont pas nos vertus qui nous sauvent, c’est la pure grâce de Dieu; ce ne sont pas nos mérites qui nous assurent la vie éternelle, c’est Sa miséricorde jour après jour renouvelée». Ou encore : « Mais moi, j’ai dit que les péchés sont remis grâce à la foi. Je voulais uniquement dire par là que seule la foi peut assurer à l’homme une rémission de ses péchés. Les péchés sont pardonnés à celui qui a confiance en Jésus-Christ…Personne ne peut savoir si les péchés d’autrui sont remis et pardonnés, sinon celui qui, grâce à la lumière et à la fermeté de sa foi, est certain de la rémission de ses péchés, parce qu’il sait que Dieu lui a pardonné par Jésus-Christ. » (Erklärung des christlichen Glaubens, Éclaircissement sur la Foi Chrétienne,1531).


Comme pour tous les réformés, pour Zwingli, le Christ sur la croix nous a lavé de nos péchés et la souveraineté de Dieu est absolue et seul sa grâce par le Christ nous sauve. Ainsi, s’affirme chez lui, la doctrine de la prédestination que reprendra Calvin en la doublant de la double prédestination. Mais, par ailleurs, Zwingli affirme que c’est la foi, notre foi que nous portons, qui nous accorde la miséricorde de Dieu, notre « confiance en Jésus-Christ qui peut assurer à l’homme une rémission de ses péchés ».  Aussi, certaines sources considèrent que chez le réformé suisse, le libre-arbitre tient une place dans le salut. Mais « dans sa ‘Réponse à Emser’, il parle de la prédestination comme étant le cœur de la providence… dans ‘Un commentaire’, il affirme que la providence est la mère de la prédestination… lorsqu’il attaque le libre-arbitre [en réponse au ‘Libre-Arbitre’ d’Érasme] et les œuvres, Zwingli parle de la providence et que tout vient de Dieu… Si dans un premier temps, la providence est plus clairement affirmée que la prédestination, en 1526, dans ‘Le Péché Originel’, Zwingli écrit : ‘‘Le bonheur de la vie éternelle et la souffrance de la mort éternelle relèvent entièrement de la libre élection ou du rejet par la volonté divine’’ ».[3]


Les heurts avec les catholiques furent sanglants en Suisse. Remplissant son rôle d’aumônier auprès des soldats mourants et blessés, en 1531, Zwingli trouve la mort à la seconde bataille de Kappel qui voit le triomphe des troupes des cantons catholiques qui ont attaqué Zurich.

Les idées de Zwingli se déploieront dans les grandes villes suisses (Bâle, Berne…) et en Allemagne du Sud.

« Zwingli apparaît comme le véritable père du courant réformé. On trouve chez lui la plupart des thèmes essentiels que reprendra et développera ensuite Calvin : la souveraineté absolue de Dieu, la prédestination, la différence radicale entre le Créateur et les créatures, l'Alliance, l’importance de l'Esprit, la théologie comprise comme connaissance de Dieu et de l'homme, la nécessité d'une lecture savante de la Bible selon les méthodes, l'organisation ministérielle de l'Église, la critique de l'anabaptisme ». (A.Gounelle, ref.cit.).  


Henri Bullinger

Henri Bullinger (1504-1575) succèdera à Zwingli. Il sera à l’origine de la conciliation des Églises de Zurich et de Genève. Il aura autant d’importance à Zurich que Calvin en aura à Genève. Celui-ci y est arrivé une première fois en 1536. Bullinger fera connaître à Calvin les idées de Zwingli qui auront selon les dernières études une influence plus grande que l’on avait jusqu’alors pensé. (A.Gounelle, réf.cit.).


Jean Cauvin Le Calvinisme

Jean Cauvin (Calvin, 1509-1564), né à Noyon en Picardie, est le fils d’un administrateur de biens. Il poursuit à Paris des études commencées dans sa ville natale, au Collège de Montaigu dont le Principal est alors Noël Béda (†1537) qui fut un des plus farouches opposants à l’humanisme. Son prédécesseur, Jean Standonck († 1504) avait instauré une discipline stricte et un enseignement basé sur les valeurs des Frères de la Vie Commune, communauté à l’origine de laquelle se trouvait Gérard Groote inspirateur de la Devotio Moderna (voir Tome 1/La Mystique au 14ème siècle/ Gerart Groote ).

En 1525, son père le dirige sur Orléans pour qu’il entreprenne des études de droit, qu’il continue à Bourges en 1529.

A la mort de son père, il s’oriente vers la théologie, l’étude du grec et de l’hébreu sous l’influence des milieux humanistes qu’il commence à fréquenter. En 1530, François 1er crée le Collège des Lecteurs Royaux[4] sur le modèle du Collège des Trois Langues (grec, latin, hébreu) de Louvain, fondé en 1518 à l’instigation d’Érasme et sur les fonds du le legs de Jérôme de Busleyden, conseiller au Grand Conseil de Malines décédé la même année. Les tensions  sont vives entre les professeurs humanistes du collège et ceux de l’Université de Paris. En novembre 1533, Nicolas Cop, acquis aux idées de la Réforme est élu recteur de l’université. Son discours d’investiture, auquel Calvin pourrait avoir participé, est jugé hérétique. Il est obligé de s’enfuir à Bâle. Calvin, déjà converti cette année-là aux idées nouvelles de la Réforme, avec pour conséquence d’avoir quitté l’Église, doit également s’enfuir.


En 1534, après un passage chez des amis à Angoulême, Noyon et Orléans, il serait de retour à Paris[5] quand éclate en octobre l’Affaire des Placards (de placarder : afficher) : Des protestants affichent dans différents lieux de France, et jusque sur la porte de la chambre du roi, au château d’Amboise, des placards écrits par un disciple de Zwingli, Antoine Marcourt, et imprimés à Zurich. La messe et l’eucharistie y sont mis à mal.

A nouveau inquiété, Calvin trouve refuge en 1535 auprès de Marguerite de Navarre à Nérac[6], capitale du Pays d’Albret en Gascogne. La sœur de François 1er a épousé Henri 1er d’Albret, futur grand-père d’Henri IV par leur fille Jeanne d’Albret. Marguerite (aussi d’Alençon et d’Angoulême), qui va tenir une place importante dans les lettres de la Renaissance (L'Heptaméron, 1559), est ouverte aux idées humanistes mais également à celles de la Réforme. Elle accueillera en Navarre aussi bien le poète du roi, Clément Marot (1496-1544, (voir Littérature Renaissance/Poésie), acquis aux idées de la Réforme, que l’humaniste évangélique, Lefèvre d’Étaples (voir Humanisme), qui, arrivé en 1531, y mourra en 1537 comme le réformé vaudois, Pierre Viret († 1571) qui y finira ses jours. La Faculté de Paris, après avoir accusé en 1531 son aumônier, Gérard Roussel, d’hérésie, en viendra à faire grief à la Reine de Navarre de ses blâmables accointances.

La répression contre les hérétiques (protestants) avait parfois donné lieu à des mises au bûcher. Mais François 1er, jusqu’alors plutôt tolérant et parfois pragmatique dans ses alliances avec les protestants d’Allemagne contre Charles Quint, avec l’Affaire des Placards, est cette fois-là, impitoyable. Se sentant insulté dans sa mission sacrée de roi de droit divin, il ordonne la fermeture des imprimeries et des librairies. En janvier 1535, six hérétiques sont condamnés à être brulés vifs. Mais par l’Édit de Coucy de juillet de la même année, François 1er veut retrouver les faveurs des protestants allemands. Cet édit qui annonçe alors la fin de la répression n’en donne pas mois six mois aux hérétiques pour affirmer leur fidélité à l’Église de Rome.


 En 1545, la répression n’est pourtant pas moins sévère. Le roi donne son aval au décret du Parlement d’Aix en Provence de 1541 ordonnant une expédition dans le Luberon (Sud de la France) qui se soldera par le massacre de plus de 3000 vaudois en 1546[7]. L’année suivante, l’imprimeur des humanistes, Étienne Dolet, sera brulé vif Place Maubert à Paris. (Voir La Réforme en France).

En 1535, Calvin quitte la Navarre pour Bâle où il rejoint son ami André Cop et rencontre Jean Husshin (ou Häusgen, dit Œcolampade, 1481-1531) qui a introduit la Réforme dans la ville en 1529. Prédicateur à la Cathédrale d’Augsbourg en 1518, Œcolampade a participé en 1529 au Colloque de Magdebourg, organisé par Philippe 1er de Hesse ; une tentative de conciliation entre différents courants réformés sur des points d’importance comme le baptême et la Sainte Cène ; S’y trouvaient réunis pour l’Allemagne, Melanchthon et Luther, pour la Suisse avec Œcolampade, Zwingli et pour l’Alsace, Martin Bucer et Wolgang Capiton.

Calvin publie alors, en latin, une première édition de L'Institution de la Religion Chrétienne, une défense de la foi réformée, tout à la fois exposé théologique et synthèse des idées protestantes. Il remaniera l’ouvrage tout au long de sa vie. La traduction française de L'Institutio Christianae Religionis de Johanes Calvinus substituera définitivement Calvin à Cauvin.


A Genève, en cette année 1535, Guillaume Farel et Pierre Viret soutiennent la fameuse Dispute de Rive qui se tint au collège du même nom et qui durera pas moins de quatre semaines. Sébastien Castellion[8] en fut un des directeurs. Face à Farel et Viret, le parti des prêtres, dont nombre se sont désistés, est représenté par un docteur de la Sorbonne et un dominicain du Couvent du Palais. Farel en dressera le procès-verbal[9]. « La dispute eut pour conséquence immédiate la destruction des images, l’abolition de la messe, le départ des prêtres, des chanoines, des religieux et des Clarisses. » On peut y lire :

« Les positions maintiennent, en somme, la justification des hommes par Jésus-Christ seul. – le régime de l’Église dépendre de la seule parole de Dieu, - l’adoration d’un seul Dieu,- qu’il est suffisamment satisfait pour noz pechez par la seule oblation faite une fois par Jésus-Christ,- qu’il est seul moyenneur entre Dieu et les hommes- ; desquelles résultoit que ceux erroient qui s’attribueroient aucune puissance, pensans estre justifiez par leurs œuvres, -que les traditions humaines et papales que l’on appeloit de l’Église estoient pernicieuses, - que c’est idolâtrie et contre Dieu adorer de quelque honneur les sainctz ny les images,- que la messe ne sert à nostre salut ny les prières pour les morz-,que les saincts ne sont nos avocatz. »

De telles disputes avaient déjà eu lieu à Zurich en 1523 et 24, à Bâle en 1524 et à Berne en 1528 ; suivra celle de Lausanne en 1536.

En 1536, Calvin qui, après un passage à Ferrare, est de retour à Paris pour des raisons familiales. Mais il doit à nouveau rapidement quitter la capitale[10]. Il arrive à Strasbourg, ville franche qui accueille les anabaptistes fuyant les persécutions qui sévissent en Allemagne du Sud. L’Alsace réformée accueillera aussi les Suisses, les Anglais et les Français. Calvin n’y reste que peu de temps, appelé par Guillaume Farel à Genève où celui-ci veut imposer la Réforme comme Zwingli à Zurich et Œcolampade à Bâle. 

Calvin, réticent au départ, mais quand même fait pasteur, devra exercer les fonctions de sa mission (sacrements, service du culte) et fera de la ville du lac, la capitale d’un protestantisme suisse à qui il donna non seulement les fondements de l'organisation des églises appelées à leur début presbytériennes mais également les bases d'une orthodoxie doctrinale.

En 1537, La Confession de Foi écrite par Farel et Calvin, consiste en 21 articles sur l’organisation de l’Église, la foi, la prévalence de l’Écriture, l’intercession salvatrice de Jésus-Christ, l’eucharistie, le baptême, le mariage, l’excommunication, et l’adhésion volontaire à la communauté des fidèles qui oblige chacun d’eux à signer cette confession.Mais le Conseil expulsa Farel et Calvin qui refusèrent de célébrer l’eucharistie avec le pain azyme tel que l’imposaient les réformés de Berne.

Calvin, après un retour à Bâle, revient à Strasbourg où il exerce le ministère de pasteur jusqu’en 1541.

Au cours de ces années, Calvin dont la santé est fort altérée par des lithiases et un surmenage intellectuel, approuve la Confession d’Augsbourg et à la Concorde de Wittenberg, (voir M. Luther et le Luthéranisme) et prend, pourrait-on dire ‘accessoirement’, pour épouse Idelette de Bure, femme dévouée, discrète, délaissée et qui mourra neuf ans plus tard. Ils eurent plusieurs enfants qui moururent tous en très bas-âge.


En 1541, Calvin est rappelé à Genève où ses Ordonnances Ecclésiastiques, approuvées par le Conseil de la ville, constituent le socle des fonctions de l’Église Calviniste (voir ses rapports avec l’Église Presbytérienne (voir Gouvernance/ Église Presbytérienne)). L’année suivante, il publie La Forme des Prières Ecclésiastiques qui reprend en partie le psautier de Strasbourg; ce psautier contenait des psaumes traduits par Clément Marot, qui, arrivé à Genève cette même année de 1542 pour poursuivre son travail, dut la quitter l’année suivante pour des questions peu certaines d’adultère. Théodore de Bèze prendra la suite en 1443 de cette traduction pour la terminer en 1551. Les Psaumes de David avec d’autres cantiques et prières constitueront en 1562 le Psautier Huguenot[11].

Même s’il ne put obtenir du Conseil de la ville le pouvoir de condamnation, le consistoire calviniste n’en eut pas moins la possibilité de juger et de faire condamner toute déviance aux règles strictes ériger par Calvin. De riches bourgeois genevois, ayant pignon sur rue, durent publiquement reconnaître leurs égarements. L’un d’eux fut décapité avec l’approbation de Calvin. L’opposition de ceux qu’on appelés les ‘libertins’ s’amplifia au point que Calvin perdit beaucoup de son pouvoir qu’il ne recouvra qu’en 1553 avec la condamnation au bûcher de l’antitrinitaire Michel Servet. obtenant ensuite que le consistoire ait pouvoir d’excommunication. L’opposition des libertins était vaincue. Leur tentative d’insurrection fut réprimée et Calvin régna en maître sur la ville, exigeant l’exécution des séditieux. Il obtint une stature internationale équivalente à celle de Luther qui l’avait précédé d’une génération.


Le besoin d’une unification des Églises suisses, entre Zurich, Genève, Bâle, Berne et Neuchâtel, se faisait sentir. En 1549, Le Consensus de Zurich (Consensus Tigurinus), convoqué à l’instigation de Heinrich Bullinger qui a succédé à Zwingli, révéla que la pierre d’achoppement étaient les conceptions divergentes sur l’eucharistie qui se partageaient entre la conception symbolique de Zwingli soutenue par la majorité des Églises suisses dont les plus influentes, Zurich, Berne, Bâle, et la conception calviniste qui ne rejetait pas tout à fait la présence du Christ dan l’eucharistie mais ni par transsubstantiation (catholiques) ni par consubstantiation (luthériens). Le consensus ne trouva sa formulation finale qu’en 1551, unifiant les réformés suisses; ce qui entraina l’approbation des calvinistes du reste de l’Europe : Calvin avec le concours de Farel et de Bullinger avait remanié le texte qu’il avait proposé en 49. La présence du Christ était reconnue en les deux espèces mais non en sa nature humaine mais en sa présence spirituelle par l’effet conjoint de l’Esprit Saint et de l’élévation de l’âme du fidèle au moment de la communion. Cette présence est dit pneumatique (pneuma=souffle), c’est-à-dire non réelle comme pour les catholiques et les luthériens. Les Églises évangélistes (mennonites, baptistes et pentecôtistes) à vocation apostolique, conserveront la conception originelle de Zwingli : La Cène n’est pas un sacrement. Elle n’a d’efficience que par le foi que le fidèle réaffirme et proclame à ce moment-là.


En 1555, Calvin accueille les anglicans persécutés par le reine catholique Marie 1ère Tudor. Parmi eux, se trouve John Knox. Nettement marqués par le calvinisme, leur retour en Angleterre imprègnera fortement l’anglicanisme. Et Knox l’imposera aux protestants jusqu’alors luthériens dans son pays d’origine, l’Écosse, où il fondera l’Église Presbytérienne.

Calvin meurt en 1564 à l’âge de 54 ans d’une faiblesse générale, épuisé par son travail et ses activités, en ayant pu parachever son œuvre, faire son testament et rédiger un discours d’adieu aux ministres (du culte).

En 1798, Genève, la « Rome, Protestante » sera rattachée à la France. Nombre de catholiques s’y installeront, qui constituent de nos jours la majorité de la population. Genève retrouvera son indépendance en 1813 et intègrera la Confédération Suisse en 1815.

Outre son Institution Chrétienne mainte et mainte fois mise au point et toujours condamnée à l’autodafé par l’Université de Paris, et son commentaire De Clementia de Sénèque écrit en 1532, Calvin laisse une importante correspondance adressée à toute l’Europe et particulièrement aux Églises protestantes de France dont il suivait de près la création et l’évolution.


Théodore de Bèze

Dieudonné (Théodore en grec) de Bèze (1519-1616), natif de Vézelay (Bourgogne) est issu d’une famille riche de la petite noblesse. Au vu de ses dons précoces, il est placé en 1528, à l’âge de 9 ans, à Orléans, auprès d’un imminent helléniste allemand acquis à la cause luthérienne.

En 1535, il entame des études de droit selon le désir paternel. Mais la lecture De l’origine des erreurs dans la célébration du culte divin (1529) du successeur de Zwingli, H. Bullange (1504 –1575) le convertira définitivement à la cause protestante, faisant de Bullinger son maître spirituel.

En 1539, doté de menses (bénéfices ecclésiastiques) conséquentes, il s’installe à Paris dans l’intention de mener une carrière littéraire contre la volonté de son père. Il fréquente le cercle des poètes de la Pléiade et son recueil de poèmes, Poemata, connait un vif succès en 1544.

En 1546, « pour des raisons que comportaient les circonstances », selon la formule de Bèze lui-même, il se fiance à Catherine Denosse ; secrètement, car elle est roturière et parce qu’il veut préserver ses menses. La crise morale qu’il traverse débouche sur une grave maladie au cours de laquelle il craint de mourir.

En 1548, il change résolument de vie. S’éloignant de la cour et de ses amis, il se tourne vers Dieu et s’exile à Genève avec celle qu’il appelle « sa femme ». Calvin marie le couple. Convaincu d’hérésie par le Parlement de Paris, en 1550, tous ses biens sont confisqués et il est condamné au bûcher. La sanction de mort et la confiscation des biens seront levées en 1564 par grâce de Charles IX. Pour subvenir à ses besoins, Pierre Viret le fait nommer professeur de grec à l’Académie de Lausanne. Les dix années passées à Lausanne seront ses années de formation théologique.

Clément Marot, dès 1533, avait commencé la versification des Psaumes de David qu’il poursuivra à Genève en 1542 et 1543 (Il meurt à Turin en 1544). Bèze en prendra la suite qu’il achèvera en 1551. Les Psaumes de David avec d’autres cantiques et prières constitueront en 1562 le Psautier Huguenot[12]. Bèze est l’auteur de mélodies accompagnant certains psaumes.


En 1556, paraît sa traduction du grec au latin du Nouveau Testament avec commentaires.

En 1559, de Bèze, mêlé à des conflits entre Berne et Lausanne, démissionne de son poste d’enseignant et se rend à Genève où Calvin fera de lui le premier recteur de l’académie (publique et privée) qu’il vient de fonder ; académie qui deviendra l’Université de Genève. De Bèze est alors pasteur.

En 1560, il est à Nérac, à la cour de Navarre de Jeanne d’Albret, qui, élevée par sa mère, la reine Marguerite dans le culte protestant, institutionnalise l’année suivante le protestantisme en Navarre. De Bèze commence à organiser la résistance aux premières répressions anti-huguenotes.

En 1561, bien que toujours sous le coup de sa condamnation, il participe au Colloque de Poissy, tentative de conciliation entre catholiques et calvinistes français. Il y représente Calvin devant la cour du nouveau roi, Charles IX, et face au chef des jésuites, le Cardinal de Tournon.

En 1562, lors de la Première Guerre de Religions en France (1562-63), il est aumônier dans le troupes protestantes dont le chef est Louis 1er de Bourbon  (†156), Prince de Condé, oncle par son frère, Antoine de Bourbon Navarre, du futur Henri IV. (A ne pas confondre avec Louis 1er de Bourbon dit Le Grand ou Le Boiteux  (1279-1341), petit-fils de Saint Louis).


En 1563 (64 ?), Bèze revient à Genève. Il succède à Calvin à la mort de celui-ci en 1564. Il est alors modérateur (chef) de la Confédération des Pasteurs de la ville et de la République de Genève. Il mettra un accent particulier sur la prédestination et sur la double prédestination.

En 1571, il prédise le Synode National de La Rochelle, d’où sortira la Confession de La Rochelle, qui avait été rédigée en 40 articles dès le Synode de Paris en 1554. Équivalent en quelque sorte de la Confession d’Augsbourg de 1530, non marquée cette fois-là par le luthéranisme mais directement insufflée par le calvinisme, elle sera signée par Théodore de Bèze pour la Suisse, Gaspard de Coligny pour la France, et Jeanne d’Albrecht pour la Navarre. (Voir Huguenots et Guerres de Religion en France). 

 En 1575, à la mort de H. Bullinger qui avait succédé à Zwingli à Zürich, de Bèze devient le chef de file incontesté du calvinisme en Europe. Il va poursuivre son œuvre écrite, son prédicat, ses tentatives de conciliations des Églises réformées jusqu’à sa mort survenue paisiblement à l’âge de 86 ans.


Il est l’auteur d’une Confession de foi, en latin (1559) et en Français (1560). L’ensemble de son œuvre fait l’objet de 90 ouvrages dont une énorme correspondance (plus de 25 volumes), des pièces de théâtre, des sermons, des poésies en latin et français, des œuvres satiriques contre des auteurs catholiques, des œuvres théologiques comme La Confession de Foi du chrétien (1556.) ou la Table de la Prédestination (1555) qui donne lieu à une polémique, certains exégètes affirmant que de Bèze trahit la pensée originelle de Calvin et lui substitue « une théologie déductive, logique, rationaliste… une ‘scolastique réformée’[13]».

« Selon [des] interprètes, Bèze aurait été une figure rebutante par son austérité moralisatrice; un théologien essentiellement abstrait, coupé des réalités pastorales et sociales de ses contemporains; un poète au style dépourvu de charme, rude et médiocre; un critique textuel rendu incapable, par ses préventions théologiques, d’utiliser la richesse des manuscrits à sa disposition; un polémiste intraitable et sans pitié; le défenseur d’une théologie toute centrée sur la seule prédestination. [14] »


Pierre Viret

Pierre Viret (1511-1571), né à Orbe dans le canton de Vaud en Suisse Romande, fut un remarquable prédicateur. Il joua un rôle déterminant dans la propagation des idées de la réforme en publiant une cinquantaine d’ouvrages et en consacrant les dix dernières années de sa vie à prêcher dans le Béarn.

D’origine modeste comme Calvin, il fera une partie de ses études au Collège de Montaigu à Paris mais quatre ans plus tard, en 1527. De retour dans sa ville natale, en 1531, il rencontre Guillaume Farel qui y a semé la graine de la réforme. Comme il le fera avec Calvin, Farel, qui, à l’occasion peut se montrer un farouche débatteur, persuade Viret de devoir surmonter sa timidité et d’être prédicateur à Neuchâtel. Il deviendra sans doute le plus brillant orateur de la réforme, improvisant ses prêches.

En 1533, il retrouve Farel à Genève. En 1536, il est à Lausanne où il parvint à implanter la Réforme après sa participation à la Dispute de Lausanne.

Il adopte la position de Zwingli sur l’eucharistie : « La cène est une commémoration de la mort du Christ, son sens est purement symbolique »[15]. Il retourne à Genève en 1538 soutenir Farel et Calvin frappés d’expulsion de la ville pour avoir refusés d’admettre l’emploi du pain azyme lors de l’eucharistie. Reconnu pour son esprit de conciliation, il y restera pour apaiser les tensions jusqu’en 1542. Il soutint à nouveau Farel à Neuchâtel en 1541, année ou grâce à lui, Calvin qui l’estimait beaucoup, peut revenir à Genève.


Conciliateur mais aussi intransigeant sur la discipline, Viret en opposition aux autorités de Berne sera expulsé à son tour de la ville en 1559. « Les Bernois incarnent une ecclésiologie zwinglienne, selon laquelle l’Église est soumise à l’État. Viret adhère à une ecclésiologie qui maintient la distinction entre l’État et l’Église. Il réclame en effet pour cette dernière le pouvoir d’excommunier et de priver ainsi de la cène les pécheurs ‘scandaleux’. Berne refuse. » (P. Briel, op. cit.). Calvin qui dans sa lutte contre le Conseil de la Ville pour que le consistoire obtienne le droit d’excommunication, aura finalement gain de cause en 1553 après l’Affaire Michel Servet.

Certaines sources indiquent qu'il a enseigné à Nimes de 1561 à 1562. Le Site du Musée Protestant le donne dans sa listes des académies protestantes du XVIème siècle comme ayant enseigné pendant ces deux années-là à l'Académie de Saumur (voir Renaissance/ Religion/France/Les Protestants). Il   séjourne ensuite  deux ans à Lyon avant d’en être chassé en 1565 sous la pression des Jésuites. Il se rend dans la principauté indépendante d'Orange et se met sous la protection de Guillaume d'Orange Nassau, futur Guillaume III qui, à côté de l'université qui a été fondée en 1365, crée un collège qu'il nomme académie. En 1566, il est à Montpellier. Puis,Jeanne d’Albret, ouvertement protestante et dont la mère, la Reine Marguerite, avait accueilli Calvin, l’invite en Navarre. Viret y sera professeur de théologie à l’académie que la mère du futur Henri IV, alors adolescent, vient de fonder à Orthez en 1566 (source:Musée Protestant). Il meurt à Bellocq non loin d'Orthez à l'âge de 71 ans.

Pierre Viret sur les terres de Navarre écrit une Instruction Chrétienne qui se situe au niveau de l’Institution Chrétienne de Calvin. Les titres sont évocateurs. Calvin soucieux de laisser une Église en parfait état de marche, met l’accent sur l’institutionnalisation du protestantisme. Viret, plus soucieux de doctrine, et de tournure d’esprit moins carrée, axe son propos sur la théologie et sous la forme vivante du dialogue.


Le Calvinisme

« À Dieu seul la gloire ». Devise du calvinisme.

Le calvinisme se caractérise par sa rigueur. Le consistoire, s’appuyant sur les articles autant de foi que de réglementation, écrits par Calvin, faisait régner à son origine un climat d’austérité morale. Certains récalcitrants, pour avoir dansé, furent condamnés à une reconnaissance publique et infamante de leur faute. Le théâtre, les mondanités, les fêtes étaient interdits.

Comme tous les autres protestantismes, il accorde une prévalence indiscutable de la foi et de la bible sur les œuvres, écarte aussi tout nécessité d’intercession d’une Église, institutionnelle et hiérarchisée, et rejette au profit du culte, la messe qui a pour (‘inadmissible’) raison d’être la transsubstantiation du pain et du vin en le Corps du Christ. Mais il se distingue du luthéranisme pour lequel il y a consubstantiation des espèces et du Corps du Christ, en faisant, à l’instar de la doctrine de Zwingli, de l’eucharistie une commémoration symbolique de la Cène. L’esprit du Christ insufflant directement l’âme du fidèle.


Le calvinisme reprend et renforce l’idée de Zwingli sur la prédestination. Zwingli ayant au début de sa démarche plutôt mis l’accent sur la providence, la prédestination n’en étant en quelque sorte que la conséquence. Pour Calvin, rien ne se fait sans que Dieu ne le veuille. Non seulement, Il choisit les élus mais également les réprouvés. Pour autant que l’homme ne se croit pas autorisé à sortir de toute conduite morale ni oser défier la justice humaine, les magistrats étant les bras de la justice divine.

Comme tous les protestants, les calvinistes rejettent le culte de Marie et le culte des saints. D’ailleurs, Calvin a été inhumé dans un endroit inconnu du cimetière-des-rois-de Genève pour qu’il ne puisse être l’objet d’aucun culte. La tombe censée être la sienne, au lieu où il aurait été enterré (?), est  vide.

Les cinq points forts du calvinisme selon l’église-luthérienne- St Pierre de Châtenay sont:

  • 1.    La dépravation totale ou incapacité totale :

               L’homme dépravé par le péché est incapable de par lui-même de choisir le bien, d’aller vers Dieu. La foi est ‘déjà’ un don de Dieu avant le salut.

  • 2.    L'Élection inconditionnelle :

              Dieu a choisi les élus avant la création même du monde. Ce choix n’est pas conditionné par quelles que valeurs que ce soit du fidèle.
              Ces valeurs, de foi, de repentance, c’est la foi que Dieu lui donne en lui donnant la foi.

  • 3.    La Rédemption particulière ou expiation limitée :

               « L’œuvre rédemptrice de Christ était destinée à sauver les élus seulement. »

  • 4.    L'appel efficace de l'Esprit ou grâce irrésistible :

              « En plus de l’appel général extérieur qui est fait à tous ceux qui entendent l’évangile, le Saint-Esprit lance aux élus un appel intérieur spécial
               qui les amène inévitablement au salut. L’appel extérieur (lancé à tous sans exception) peut-être (et souvent est) rejeté.
                Mais l’appel intérieur (qui lui n’est fait qu’aux élus) ne peut être rejeté »

  • 5.    La persévérance des saints :

               « Tous ceux qui furent choisis par Dieu, rachetés par Christ et auxquels l’Esprit a donné la foi sont sauvés éternellement.
                Ils sont gardés dans la foi par la puissance du Dieu tout-puissant et, par conséquent persévèrent jusqu’à la fin. »
                (http://www.egliselutheriennechate nay.fr/medias/files/ les.5.points.du.calvinisme)

L’œuvre de Calvin fut pérenne grâce à son sens de l’organisation. Il a su donner à son Église la forme et le fond, l’a doter d’une structure (pasteur, anciens, assemblée consistoire), d’un catéchisme et d’une liturgie (lecture, chants etc.)


Évolution du Calvinisme

Au Travers de Lapsarianisme, courant issu de l’Arminianisme (voir Pays-Bas/Arminius), les postions de certains calvinistes sur la prédestination ont évolué à partir d’une reconsidération du rôle de la Chute et de l’intention divine dans la création : Les supralapsarianistes considèrent que les directives divines sur la double prédestination, salut des élus et réprobation des réprouvés, ont précédé la Chute ; tandis que les infralapsarianistes considèrent que la Chute n’a pu être que préalable pour que Dieu décide qui sera sauvé qui ira en enfer.

Un autre courant, l’Almyraldisme né de la conception du théologien français Moïse Amyraut (1596-1664) sur la Passion : Se détachant de la conception de l’expiation calviniste limitée selon laquelle le Christ n’est mort sur la croix que pour l’expiation des élus, les almyraldistes affirment que son expiation est illimitée et concerne tout être humain, non seulement les chrétiens mais tous les êtres humains, rejoignant ainsi les catholiques.


Notes

 [1] Guillaume Farel a entrepris, dès les années 1520, une démarche réformatrice à Berne. En 1536, alors que Genève devient protestante, Berne occupe le canton savoyard de Vaud et y introduit le Réforme. Lausanne et Genève, toutes deux villes romandes, se rapprochent alors.

[2] Certaines sources donnent la date de 1519, ce qui paraît prématuré.

[3] Citations et pour en savoir plus sur Zwingli et la prédestination : Peter Stephens, ‘Zwingli le Théologien’, Histoire et Société, N°38, Édit. Labor et Fides, Genève 1999-

https://books.google.fr/books?id=k2jmPEP0LGcC&pg=PA133&lpg=PA133&dq=zwingli+et+la+prédestination&source=bl&ots=lpolW1Zs0B&sig=X5ASmI_HbaSvJQUGSKqt5EsHiFg&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjJ49v4tOPUAhXHPBoKHX7jBQcQ6AEIXTAI#v=onepage&q=zwingli et la prédestination&f=false

[4] En 1530, écoutant et partageant l'avis de personnages influents de l'entourage du roi, Budé intercéda auprès de François 1er pour qu'il fonde un Collège des Trois-Langues (latin, grec, hébreu) sur le modèle de celui de Louvain. Ce sera le Collège des Lecteurs Royaux qui portera ensuite le nom de Collège Royal avant de devenir le Collège de France. Sa mission est toujours de délivrer à tous un enseignement gratuit de haut niveau supérieur, professé par des sommités françaises et étrangères. Budé, laïc, ouvrait ainsi la voie à un enseignement en dehors de la tutelle des Universités protées par l'Église.

[5]https://www.museeprotestant.org/notice/jean-calvin-1509-1564/: « En 1534, Calvin se trouve à Paris quand éclate en 1534 l’affaire des placards ».

[6] Plusieurs sources font suivre son refuge à Nérac à son passage chez un ami à Angoulême, sans retour sur Paris et avant l’affaire des placards. Ce qui ne semble pas se justifier : Calvin ne serait en fait arrivé en Navarre qu’en janvier 1535. Cf. entre autres sources : https://www.herodote.net/21_mai_1536-evenement-15360521.php#Calvin : « Mais l'affaire des placards le compromet et, en 1535, il s'enfuit à Nérac, auprès de la bienveillante Marguerite de Navarre, puis à Bâle… L'année suivante, en 1536, Calvin est appelé à Genève par Guillaume Farel».

[7] En savoir plus :Jean Groffier, Le Feu Ardent, Édit Sud, Aix-en-Pce 1981.

[8] Sébastien Castellion (1515-1563), humaniste chantre de la tolérance publiera après l’exécution de Michel Servet, en 1553, un ‘Traité des Hérétiques’ dans lequel il s’oppose à l’intransigeance de Calvin. En 1555, Castellion publiera une traduction de la Bible qui donne la possibilité de comprendre de diverses manières des passages obscurs et dans une langue accessible à tous.

[9]‘ Résumé des Actes de la Dispute de Rive par Guillaume Farel, 1535. Édit Théodore Dufour, Genève, 1885.

[10] On peut se demander si les sources qui font revenir Calvin à Paris en 1536 n’assimilent pas ce retour à celui effectif de 1534 au moment de l’Affaire des Placards ? Quoi qu’il en soit, les sources qui mentionnent Calvin à Paris en 1534 ne le mentionne pas en 1536 et inversément.

[11] « Réédité d’innombrables fois, tiré à plus de 100 000 exemplaires, ce fut sans conteste le plus grand succès de librairie du siècle. Il suscita des traductions en quelque 22 langues et fut pour deux siècles le livre de chant des Églises réformées. ».Cité par Jean-Marc Berthoud in Théodore de Bèze, Pasteur et défenseur de la foi : http://larevuereformee.net/articlerr/n240/theodore-de-beze-pasteur-et-defenseur-de-la-foi-1519-1605

[12] « Réédité d’innombrables fois, tiré à plus de 100 000 exemplaires, ce fut sans conteste le plus grand succès de librairie du siècle. Il suscita des traductions en quelque 22 langues et fut pour deux siècles le livre de chant des Eglises réformées. ». Cité par Jean-Marc Berthoud in Théodore de Bèze, Pasteur et défenseur de la foi : http://larevuereformee.net/articlerr/n240/theodore-de-beze-pasteur-et-defenseur-de-la-foi-1519-1605

[13] Ce que réfutent plusieurs commentateurs de l’œuvre de de Bèze dont Richard Muller in L’utilisation et l’abus d’un document. La Tabula Praedestinatione, la controverse de Bolsec et les origines de l’orthodoxie réformée, publié en 1991  (The use and abuse of a document, in C.R. Trueman and R.S. Clark, Protestant Scholasticism. Essays in Reconstruction (Milton Keynes: Paternoster Press, 1999), 33-61) cité par J.M. Berthoud.

[14] T. de Bèze, La vie de Jean Calvin (Châlon-sur-Saône: Europresse, 1993, cité par Jean-Marc Berthoud in Théodore de Bèze, Pasteur et défenseur de la foi :http://larevuereformee.net/articlerr/n240/theodore-de-beze-pasteur-et-defenseur-de-la-foi-1519-1605

[15]Patricia Briel : ‘https://www.letemps.ch/suisse/2011/05/09/pierre-viret-reformateur-oublie’. Cet article à partir du livre de Jean Barnaud : ‘Pierre Viret. Sa vie et son œuvre, Édit G. Carayol, Saint Amans,1911’, sert de base à cette présente biographie.


LA RÉFORME EN ALSACE

La Réforme à Strasbourg : Matthieu et Catherine Zell - Wolgang Capiton - Martin Bucer - Gaspard Hédion


INTRODUCTION

Bucer, Capiton, Zell et Hédion sont les quatre grandes figures de la Réforme strasbourgeoise. Zell et Hédion ont eu une action plus locale. Bucer et Capiton ont participé aux différentes disputes et concordes qui ont émaillé la Réforme dans la première moitié du XVIème siècle.

Mais le premier à avoir introduit les idées de la réforme en Alsace est l’humaniste luthérien Nicolas Gerbel (1485-1560), qui eut Mélanchthon pour élève. Venant de l’Université de Tübingen où il enseignait et où il fréquentait l’humaniste Jean Reuchlin, natif comme lui de Pforzheim (Bade-Wurtenberg), il fut nommé juriste à Strasbourg en 1515. Traducteur et éditeurs des auteurs grecs, en relation avec Érasme, également ami du poète, humaniste et réformateur comme lui, Ulrich von Hutten (1488-1523 voir Poésie), Gerbel fut également très tôt admirateur de Luther dont il diffusa les idées à son arrivée en Alsace. « Il s’était fait l’éditeur des œuvres du Réformateur saxon, et y alimentait une véritable ‘‘guerre des pamphlets’’».[1]


« Au XVIème siècle, avec ses 20.000 habitants, la ville impériale libre de Strasbourg comptait parmi les cités les plus fortes de l’Empire, riche qu’elle était de ses nombreuses officines d’imprimeurs, de sa bourgeoisie marchande dynamique, de sa population laborieuse et bien structurée[2] ».

L’Alsace n’est pas à cette époque un territoire uni par une même gouvernance. Elle est partagée entre les possessions du Duc de Lorraine et celle des Habsbourg germaniques. La Réforme s’y implantera rapidement avec une nette tendance vers le luthéranisme bien que Bucer ait toujours tenter de concilier le luthéranisme avec les thèses suisses de Zwingli et Calvin ; ces dernières s’étant implantées à Mulhouse.


La pleine liberté d’exercer le culte protestant ne sera reconnue sur le territoire alsacien qu’en 1648 au Traité de Westphalie, qui rattache la majeur partie du territoire à la France et complètement en 1681, à part Mulhouse qui, restée indépendante, se rattachera volontairement à la France en 1798. Mais pour autant, la politique française maintiendra jusqu’au 18ème siècle une pression constante sur les réformés pour leur faire réintégrer le giron catholique. La révocation de l’Édit de Nantes en 1685 n’affecte pas les alsaciens, n’étant pas français lors de la proclamation de l’édit en 1598. 


Dés 1525, la langue allemande est introduite en Alsace. Cette même année le Teutsch Kirchenampt (L’Ordonnance du Culte), recueil de chorals, est publié en allemand à Strasbourg. Sur les conseils de Calvin, rendu sur place, les réfugiés français pratiqueront dans leur langue.

Terre d’asile, l’Alsace accueillera les anabaptistes venus de Suisse et les huguenots pourchassés en France. L’Église Réformée Alsacienne est multitudiniste, c’est-à-dire qu’au contraire des Églises confessantes, elle n’exige aucune profession de foi de ses fidèles. Elle est ouverte à toute personne cherchant Dieu. En tant qu’Église multitudiniste, elle accorde le baptême aux enfants. Comme pour les autres églises réformées, les sacrements n’y sont pas observés pour leur efficience mais comme promesse de Dieu. Comme pour les calvinistes, le magistrat joue un rôle en étroite collaboration avec le prédicateur. Lorsque Bucer arrive à Strasbourg en 1523, le pouvoir civil a profité de l’absence depuis fort longtemps d’un évêque pour s’arroger des prérogatives que ne dénoncera pas Bucer qui reçoit de ce pouvoir temporel le droit de prêcher en allemand d’abord puis en alsacien.

Bucer a voulu une Église implantée dans la société où elle doit tenir sa place aux côtés du pouvoir civil. Inversement, il n’est pas exclu que le magistrat ait à jouer une fonction ministérielle.


Matthieu et Catherine Zell

Matthieu Zell[3] (1477-1548), fils de vigneron de Kaysersberg (Haut-Rhin), fait des études dans différentes villes d’Allemagne jusqu’à les achever à l’université de Fribourg avec le grade le plus élevé de bachelier, celui de bachelier sentencier (qui peut commenter les Sentences de Pierre Lombard (voir Tome 1, Philosophie et Spiritualité/1100), grade au-dessus de celui de bachelier biblique (qui peut commenter, lui, les Écritures). Il y fréquente les réformateurs dont W. Capiton et leur adversaire Jan Eck (1486-1543)

En 1517, il est doyen de l’université. En 1518, quittant la vie universitaire pour une vie plus active, il est curé de la première paroisse de la Cathédrale de Strasbourg. Il découvre une ville où règne un climat culturellement dynamique, où dans un anticléricalisme ambiant, circulent les idées humanistes et celles de la Réforme luthérienne portées par Nicolas Grebel et que relaient certains des nombreux éditeurs strasbourgeois.

A partir de 1522, il parvient à imposer un prêche luthérien malgré sa condamnation par les autorités ecclésiastiques mais soutenu par la population, ce qui met la ville en effervescence.


Quand Martin Bucer arrive à Strasbourg en 1523, il facilite son installation et commence à collaborer avec lui. Cette même année, accusé d’hérésie, il se défend en publiant une apologie, défense et illustration de la cause réformée qui fera date avec ses premiers prêches luthériens dans l’histoire de la réforme alsacienne.

En 1524, l’activisme de son ami W. Capiton, qui est arrivé dans la ville un an plus tôt, en même temps que M. Bucer, et sa positon sociale, font que Zell doit lui concéder sa place de chef de file. Ce ne fut pas par la suite sans des distensions que l’on mit au compte de l’influence de sa femme. Il lui fut reproché de ne pas suffisamment participer à la défense de points doctrinaux comme le baptême, de ne pas soutenir l’unité de la nouvelle Église, tandis que Bucer s’efforçait de rapprocher luthériens et réformés suisses. Bucer exhortait un Zell peu enclin au débats théologiques, à ne pas s’engager dans les disputes de crainte qu’il ne donne du grain à moudre à ses adversaires. Zell faisait montre d’irénisme vis-à-vis des querelles internes aux réformés, jugeant primordial le combat contre l’Église de Rome. Il privilégiait une approche confraternelle de l’Église qu’il manifestait en accueillant chez lui, alors en fuite, Caspar Schwenckfeld (1489-1561), spiritualiste réformé opposé doctrinalement à Bucer[4]. Zell n’en approuva pas moins les écrits de Bucer comme la Tétrapolitaine qui préconisait le baptême aux enfants, et signa La Concorde de Wittenberg (1536).

Maître Mathis meurt en 1548 dans la vénération générale.  Il aura été le premier des réformateurs alsaciens.


Marié à Zell en 1523 par M. Bucer, Catherine Schütz (1497-1562), fille de menuisier strasbourgeois, soutiendra énergiquement son mari et propagera avec détermination les idées de la Réforme par la parole et par l’écrit. Ce mariage entraînera l’excommunication de Zell l’année suivante.

« Catherine affirmera que son mari défunt avait toujours enseigné que « le baptême devait être libre» pour ce qui est du moment de son administration. Convaincu que seule la foi au Christ fait naître de nouveau et que là réside le baptême du Saint-Esprit, Zell aurait toujours été soucieux d’éviter qu’on fasse du baptême d’eau plus qu’il n’est en réalité, à savoir un témoignage et une confession de foi dans le Christ. Catherine en appela à son mari, mais aussi à Luther, à Bucer et à Capiton pour contrer la trop grande importance accordée à la cérémonie par l’orthodoxie luthérienne qui avait suivi la phase initiale de la Réformation. Elle considérait cela comme un retour à une religion qu’avaient précisément combattu son mari défunt et toute la première génération des Réformateurs[5]. » .

Catherine Zell aura servi la cause réformée avec vaillance toute sa vie, aura soigné les malades, accueilli les réfugiés. Elle a rencontré Luther en 1538 à Wittenberg. Elle survivra douze ans à son mari.


Wolfgang Capiton

Wolfgang Fabricius Köpfel dit Capiton (1478-1541), né en Alsace à Haguenau d’un fils de maréchal-ferrant, fait ses études à Pforzheim, ville où sont nés Jean Reuchlin et Nicolas Grebel. Il les poursuit à l’université d’Ingolstadt où il obtient le titre de bachelier ès arts puis à Fribourg-en-Brisgau où il obtient la maîtrise ès arts en 1507 et la licence en 1512. Ses études de droit et de médecine terminées, il entreprend des études de théologie et obtient le doctorat à Fribourg où il rencontre le contre-réformateur Jan Eck, fréquente le milieu des réformés, fait la connaissance de Mattias Zell et côtoie des humanistes comme le grand juriste allemand Uldaricus Zasius († 1535, Fribourg) et le poète alsacien Jacob Wimpfeling (†1528).

En 1515, il est professe la théologie à l’université de Bâle[6] et prêche à la cathédrale. Par l’intermédiaire d’Œcolampade, il rencontre Zwingli. Au vu de ses connaissances en hébreu, Érasme, qui marquera sa pensée, en fait son collaborateur pour sa traduction du Nouveau Testament qui paraît en 1516. Il traduira en allemand son Liber de Sarcienda ecclesiæ Concordia en 1533, l’année même de sa parution. Livre dans lequel Érasme s’efforce à une concorde entre les églises, la catholique et la protestante, à les raccommoder (sarceinda).

Comme il est en correspondance avec Luther, c’est lui que l’archevêque de Mayence (capitale de la Rhénanie-Palatinat) choisit pour qu’il règle son différend avec Luther.


En 1523, il obtient à la fois le droit de bourgeoisie et la prébende (prévôté) du Chapitre (communauté de chanoines) de St thomas à Strasbourg, ce qui lui permet de poursuivre ses études. Le chapitre de St Thomas, fondé en l’an mil, chapitre séculier, adoptera la réforme l’année suivante en 1524. C’est le seul chapitre luthérien en France. Martin Bucer qui est arrivé la même année que Capiton à Strasbourg en sera le doyen en 1544.

Bucer, Capiton et Zell travaillent de concert et s’opposent unanimement aux violences provoquées par la Guerre des Paysans qui, entre 1524 et 1525, sévit Outre-rhin, dans les Alpes suisses et autrichiennes, également en Alsace où elle est appelée Révolte des Rustauds. Les affrontements sont rudes entre révoltés et troupes de Duc de Lorraine. Tous trois interviennent directement auprès des paysans.

En 1524, Capiton devient le chef de file des réformés alsaciens après avoir envoyé une adresse à l’évêque de Strasbourg dans laquelle il prend fait et cause pour les réformés de la ville. Il cèdera sa place de chef de file de la réforme alsacienne à Bucer en 1530. Il se marie avec la fille d’un Conseil de la ville.

Il donne à cette époque des cours d’exégèse biblique et livre des commentaires sur Habaquq (1526) et Osée (1528), ce qui dénote chez lui une tendance spiritualiste. En 1527, il écrit un Catéchisme pour Enfants. Il s’implique dans la campagne des libelles adressées aux magistrats pour la suppression de la messe qui se fera en 1529.

En 1532, il se remarie avec la veuve d’Œcolompade, Wilbrandis Rosenblatt qui se remariera avec M. Bucer à la mort de Capiton, mort de la peste en 1541. Bucer a également perdu sa première épouse au cours de cette épidémie.


Capiton se sera engagé activement tout au long de sa vie dans l’établissement de l’Église Réformée :

En participant à la rédaction de la Tétrapolitaine ( écrite par Bucer mais dont, sans doute, il aura écrit l’article délicat  sur l’eucharistie), requête remise à la Diète d’Augsbourg, en 1530, par les délégués des quatre villes de Lindau, Strasbourg, Constance, Memmingen au vice-chancelier Merklin von Waltkirch ;

En participant en 1540-1541 au Colloque des Religieux de Haguenau qui,  transféré à Worms, peut être confondu avec le Colloque de Worms tenu en 1536 (voir Luthéranisme). Présidé par le roi Ferdinand d'Autriche, frère de Charles-Quint, ce Colloque de Haguenau-Worms réunit Calvin, Bucer, Melanchthon et Capiton pour les grands réformateurs et pour les catholiques entre autres Johannes Eck (1486-1543), professeur de théologie, ardent combattant de la Réforme, fin disputeur – il a disputé contre Luther à Leipzig en 1519, contre Œcolompade à Baden en 1526, et à ce colloque contre Melanchthon.

Aucune conciliation ne fut trouvée entre protestants et catholiques, les dissensions restant majeurs sur des questions d’importance comme la suprématie de Rome, l’eucharistie (transsubstantiation versus consubstantiation).

« Ses hésitations doctrinales, mais aussi le tempérament mélancolique de Capiton, le décès de sa première femme et des difficultés financières expliquent un certain retrait de Capiton et son effacement devant Bucer[7]. »


Plutôt conciliant au début avec les anabaptistes radicaux, accueillant Michel Servet en 1531, c’est en 1534 avec le Royaume de Münster, qu’il prendra ses distances vis-à-vis d’eux. Wolfgang Capiton fait parti de ces réformés modérés, formés à l’humanisme, soucieux de conciliation. A la fin de sa vie, il se tourne plus vers des questions d’ordre civiques et sociales comme celle de la responsabilité de l’autorité civile face à la pauvreté.

     Il meurt de la peste en 1541. Sa femme se remarie avec M. Bucer qui vient de perdre sa première épouse durant cette même épidémie.


Martin Bucer

Martin Bucer (1491-1551), fils de tonnelier, né à Sélestat en Alsace, fait partie de la première génération des réformateurs avec Luther, Melanchthon en Allemagne, Zwingli  et Calvin en Suisse. Il entre très jeune au couvent afin de pouvoir poursuivre des études, qu’il continuera en 1517 à l’Université de Heidelberg après avoir été fait prêtre à 21 ans. Heidelberg est alors la capitale du Palatinat qui chevauche à l’époque les deux rives du Rhin et dépend du Duché de Wurtemberg. Les humanistes hébraïsants Jean Reuchlin (1455-1522) et Rodolphus Agricola (1444-1485) y séjournèrent ; ce dernier y mourut. Bucer  découvre à cette période les écrits d’Érasme dont la pensée le marquera profondément.

En 1518, il fait la rencontre décisive de Martin Luther venu à Heidelberg pour une dispute qui restera célèbre pour les quarante Thèses de Heidelberg, dont l’une exigeait « que la croix du Christ soit reconnue de façon claire et constante comme étant le seul moyen de salut ». La tradition protestante veut que quelques mois auparavant, en novembre1517, à la Toussaint, celui-ci aurait placardé ses 95  thèses sur la porte de l’église de la Toussaint à Wittenberg. Bucer place dorénavant Luther au sommet de son panthéon aux côtés d’Érasme.


Ayant affirmait ouvertement ses idées luthériennes, il doit quitter l’université pour trouver refuge à Spire[8]. Il est alors en correspondance avec les humanistes allemands tel Wolfgang Capiton (1478-1541) qui lui-même ayant été formé auprès des humanistes, deviendra le chef de file des réformés alsaciens dès 1524 après avoir envoyé une adresse à l’évêque de Strasbourg dans laquelle il prend fait et cause pour les réformés de la ville. Il cèdera sa place de chef de file de la réforme alsacienne à Bucer en 1530.

Bucer est un temps chapelain au service de Frédéric II, Grand

Électeur du Palatinat[9]. Puis en 1522, il se marie à une ancienne moniale, Élisabeth Silbereisen, à Landstuhl (Palatinat). Poursuivi par les autorités religieuses, le couple pérégrine d’un bord à l’autre du Rhin. Frappé d’excommunication, Bucer se réfugie à Strasbourg en 1523. C’est le tournant de sa vie. Le couple loge un temps chez le père de Bucer dont le statut de bourgeois lui accorde certaines facilités. Il devient pasteur et prend une part active à la vie évangélique.


En 1524, alors prêtre séculier, Bucer est nommé pasteur de la paroisse Sainte Aurélie à laquelle est attachée la communauté des maraichers. Il donne un an avant Luther la messe en langue vernaculaire (l’alsacien). Il s’oppose avec Wolfgang Capiton et Matthieu Zell à la violence propagée par la Guerre des Paysans qui vient d’éclater en Allemagne et en Alsace où elle est particulièrement violente. Les réfugiés anabaptistes venus entre autres des Pays-Bas et d’Allemagne y sont les plus radicaux. Cette révolte se terminera en Alsace par le massacre des insurgés alsaciens par les troupes du Duc de Lorraine. On estime à 30000 le nombre de morts que causa cette répression.

Bucer s’élève contre la réforme radicale des anabaptistes dans deux ouvrages Apologia (1526)  et Getreue Warnung der Prediger des Evangelij zu Straβburg (Fidèle Avertissement du Prédicateur Évangélique de Strasbourg, 1527). Les rapports ne s’amélioreront pas avec les révolutionnaires anabaptistes. En 1534-35, les anabaptistes millénaristes conduit par  Jan Matthijs puis par Jean de Leyde voulurent fonder une société égalitaire et libertaire, à Münster en Westphalie. La ville fut assiégée puis reprise dans le sang par les troupes des princes allemands luthériens. Cet épisode est connu sous le nom de Royaume de Dieu à Münster. (Voir La Réforme Radicale/ Le Royaume de Münster)


 En 1528, Bucer acquiert une stature européenne en participant à la dispute de Berne avec Capiton : Deux ans plus tôt, des cantons suisses avaient rejeté les idées de réforme au cours de la dispute de Baden, (proche de Zurich) où Œcolampade s’était trouvé en position d’infériorité. Zwingli, absent, y avait été excommunié. Même si les évêques des grandes villes suisses ont décliné l’invitation, la présence de personnalités importantes de la réforme comme Œcolampade de Bâle, Zwingli en personne, venu de Zurich et d’autres représentants de villes Rhénanes et du sud de l’Allemagne, donnera à la dispute de Berne une importance inattendue : le Conseil de Berne décrète la Réforme.

Bucer va alors tenter de concilier Zwingli à Zürich et Luther à Wittenberg avec l’appui de Melanchthon. En 1529, il participe au Colloque de Magdebourg, organisé par Philippe 1er, Landgrave de Hesse, dans une tentative de conciliation entre les courants allemands et suisses de la réforme, autour entre autres de la question de l’eucharistie. Sont présents Luther, Melanchthon, côté germanique, et côté suisse, Zwingli et Œcolampade. La position de Bucer est plutôt proche de celle de Zwingli qui défend une Cène symbolique à l’opposé des luthériens qui sont convaincus de la consubstantialité des espèces.

Cette même année 1529, Bucer et Capiton ayant établi de nouvelles règles, le Conseil de la Ville de Strasbourg décide de supprimer la messe et de fermer les couvents. La capitale alsacienne rompt avec Rome et devient officiellement protestante.


A la Diète d’Augsbourg, en 1530, les délégués des quatre villes de Lindau, Strasbourg, Constance, Memmingen remettent au vice-chancelier Merklin von Waltkirch, la « Confession des Quatre Villes (La Tétrapolitaine)», rédigée par Bucer. Elle se situe dans le prolongement de la Profession de Foi Strasbourgeoise Anticatholique que les réformés de Strasbourg avait remise deux ans plutôt à ce même légat de l’empereur et dans laquelle est affirmé le salut par la grâce.[10] La Tétrapolitaine se distinguait de la Confession d’Augsbourg, luthérienne, remise elle par Melanchthon, sur la question de la Cène mais la rejoignait notamment sur la question du baptême à donner aux enfants.

En 1534, Bucer publie simultanément Bericht aus der heiligen Schrift ( Rapport sur les Saintes Écritures) et un Catechismus (Cathéchisme), deux ouvrages qui donnèrent à la Réforme Alsacienne, dans une orientation définitive, les bases de sa doctrine et de sa pratique.

En 1536, se tient la Concorde de Wittenberg, préparée par les conciliants Melanchthon, et Bucer, en vue d’une entente entre luthériens et réformés, notamment sur la redondante question de l’eucharistie, mais aussi sur le baptême et la confession privée. Si Bucer dut déclarer sa séparation d’avec Zwingli, qui ne ratifia pas les accords, il n’empêche que son rôle fut déterminant et que Luther reconnut l’unité du dogme. Melanchthon rédigea le texte des accords.

En 1538, Calvin, alors âgé de 29 ans, se déplace à Strasbourg pour rencontrer Bucer, qui âgé de quelque vingt ans de plus, est alors le véritable chef de l’Église Réformée d’Alsace. A son initiative, Bucer crée une église française pour les réformés français qui fuit les persécutions. Calvin, par la suite, à Genève, accordera la même possibilité aux réfugiés anglais et italiens fuyant la répression dans leur pays respectifs.


En 1541, une épidémie de peste sévit à Strasbourg. Bucer perd sa femme et ses enfants. Il se remariera avec la veuve de Capiton mort aussi pendant cette épidémie. La nouvelle femme du réformateur avant d’être celle de Capiton avait été celle de Œcolampade († 1531) à Bâle. Il faut voir dans ces mariages entre autre une aide sociale et un statut apportés aux veuves. Cette même année, il échoue dans sa conciliation entre protestants et catholiques à la Diète de Ratisbonne.

En 1544, il devient le doyen du Chapitre Luthérien de St Thomas. Ce chapitre (communauté de chanoines) séculier, fondé en l’An Mil, avait adopté la réforme en 1524. Il est actuellement le seul chapitre luthérien en France.

1549 est l’année de l’exil. La défaite de la Ligue de Smalkalde en 1547 à La Bataille de Muehlberg (Mülberg, Saxe) suivie de la Capitulation de Wittemberg  aura de graves conséquences sur la Réforme et sur la vie de Bucer. Charles-Quint a reconnu les talents de conciliateur de Bucer, talents qu’il n’aura cesse d’exercer dans un souci permanent d’unité entre les différents courants protestants, voire entre réformés et catholiques. L’empereur le convoque pour qu’il prépare l’Intérim d’Augsbourg qui doit restreindre le culte réformé et le rapprocher du catholique. Bucer le rédige mais non sans s’attirer les foudres des luthériens ultra, les gnesio-luthériens. Au cours de la diète de Leipzig qui s’ouvre en décembre  (voir Convergences), Bucer devra revenir sur sa position et rejettera la décision intérimaire (Intérim) de l’empereur. Par le précédent intérim qui était ressorti en mai de la diète d’Augsbourg, l’empereur ordonnait aux luthériens de respecter les sacrement de l’Église mais leur accordait la communion sous les deux espèces et le mariage des pasteurs. C’était une première reconnaissance bien que non officielle du protestantisme. Le Sud et l’Ouest cèdent, le Nord résiste s’alliant à Henri II de France qui, comme son père, y trouve son parti contre Charles-Quint. S’en suivirent des négociations en vue d’un compromis qui aboutirent quelque mois plus tard à la Diète de Leipzig. Philippe Melanchthon avait fait de telles concessions pour parvenir à un accord avec l’empereur qu’il se créa une scission au sein des luthériens entre Philippistes et les ultras Gneso-luthériens (voir Convergence et Divergences/ Flacius).  Bucer, lui, du quitter Strasbourg en 1549. Il sera remplacé par Gaspard Hédion (1494-1552) à la tête de la Réforme alsacienne.


Bucer répond alors favorablement à l’invitation de l’archevêque de Canterburry, où la réforme Anglicane s’affirme. Il s’installe rapidement avec sa famille à Cambridge, ville acquise au catholicisme, mais où dans les années 20, Hugh Latimer (1485/90 – 1555) natif de la ville, qui sera évêque de Worcester, propageait les idées luthériennes. Il sera brûlé vif à Oxford sous le règne de Marie 1ère Tudor, la Catholique. Érasme y était arrivé en 1510 pour en repartir quatre ans plus tard.

Bucer donne des cours. Paul Fagius (Paul Büchlein, 1504-1549), hébraïsant réformé, disciple de Capiton, qui l’a fidèlement suivi, meurt subitement. Bucer se rend ensuite à Oxford, là où Thomas More (1478-1535) avait réuni autour de lui un important cénacle d’humanistes dont John Colet (1467-1519, voir Humanisme) qui enseignait le grec et prônait une lecture directe de la Bible. Érasme séjourna à plusieurs reprises chez More, son ami de toujours. Ces humanistes s’étaient opposés à l’université où prédominait toujours un fervent nominalisme[11].


Bucer est sollicité pour donner plus que son avis sur la nouvelle organisation de l’Église Anglicane. Le réformé Bucer s’occupe alors entre autres de l’ordination qui confère à l’officiant le pouvoir de sacrement et le pouvoir de transsubstantiation chez les catholiques mais aussi chez les anglicans (et les orthodoxes) (Voir Convergences-Divergences. Sacrement-Culte/L’Ordination). Bucer avait sur la question adoptait la position de Melanchthon selon laquelle le corps et le sang du Christ sont présents avec et non dans le pain et le vin. Position intermédiaire entre les catholiques qui croient en la conversion des deux espèces en le Corps et le Sang du Christ par transsubstantiation et des luthériens pour qui les deux espèces sont consubstantielles aux Corps et Sang du Christ sans qu’il y est conversion de la substance des premières en les seconds.

Bucer participe à la rédaction du Book of Common Prayer, livre fondamental de l’anglicanisme où sont inscrites les pratiques et les prières du culte.


En 1550, il écrit son testament spirituel De Regno Christi dans lequel il expose toutes ses idées et espérances sur un royaume du Christ qui pourrait bien être l’Angleterre du nouveau Édouard VI à qui il offre l’ouvrage. Intronisé trois ans plus tôt, Édouard Tudor, fils d’Henry VIII et de Jeanne Seymour est le premier roi à être monté sur le trône anglican. Sa demi-sœur Marie 1ère, qui lui succèdera en 1554, rétablira pour un temps la religion catholique jusqu’à l’avènement d’Élisabeth 1er en 1558.

Deux ans seulement après son arrivée sur l’île britannique, Martin Bucer meurt de maladie à Cambridge au début de l’année 1551. Ses funérailles seraient qualifiées aujourd’hui de nationales. Marie fera  déterrer et brûler son corps et celui de Fagius, et ordonnera l’autodafé des ses ouvrages.

Bucer laisse une œuvre qui compte environ 150 traités. Un siècle plus tard, ils inspireront le fondateur du piétisme, Philippe Jacob Spener (1635-1705) qui les découvrira alors qu’ils n’étaient toujours pas publiés.


Gaspard Hédion

Gaspard Seiler dit Hédion (ou Hédio,1494 -1552), d’origine polonaise, est la quatrième grande figure de la réforme strasbourgeoise. Élève de W. Capiton à Bâle (1515-16), il obtient son doctorat de théologie en 1523 à Mayence. Proche des humanistes dont Érasme[12], conciliateur, il prêchera pendant 26 ans à la Cathédrale de Strasbourg, jusqu’à ce que celle-ci après l’Intérim d’Augsbourg de 1548 ne redevienne un lieu de culte catholique. Il prêchera alors à l’ancienne Église des dominicains (Temple Neuf actuel) jusqu’à sa mort en 1552. En 1549, à cause de fortes dissensions,  Bucer doit s’exiler. Hédion assume alors la totalité de ses fonctions.


Notes

 [1]Michel Weyer : Nouveau Dictionnaire Biographique http://bethesda.umc-europe.org/article zell dictionnaire pour pdf.pdf: 

[2] Idem

[3] Michel Weyer :Nouveau Dictionnaire Biographique : http://bethesda.umc-europe.org/article-zell-dictionnaire-pour-pdf.pdf

[4] Martin Bucer souhaitait que les réformés alsaciens soient encadrés par une disciple stricte afin qu’il ne s’égarent pas chez les hérétiques anabaptistes qui, chassés au Nord comme au Sud, affluaient en Alsace. Schwenckfeld avait prudemment quitté la ville de Legnica (Leignitz, Basse-Silésie, Prusse dite Polonaise) où il était secrétaire du Duc, après avoir mis par écrit sa conception de La Cène, à la demande justement des Alsaciens qui s’en félicitèrent tout comme Zwingli qui la publia ; ce qui l’obligea face à la réaction de l’évêque de Vienne de se diriger prudemment vers Strasbourg où selon les sources, il fut accueilli chez W. Capiton.(bethesda.umc-europe.org/article zell dictionnaire pour pdf.pdf indique M. Zell comme étant l’hôte de Schwenkfeld…)

[5] Nouveau Dictionnaire Biographique : bethesda.umc-europe.org/article _zell_dictionnaire_ pour_pdf.pdf

[6] Paracelse y enseignera dix ans plus tard sur la recommandation d’Érasme.

[7]OlivierMillet,1985 :http://www.alsace-histoire.org/fr/notices-netdba/capiton-.html) ou/et Eric Leroy et Laure Loir, La Réforme Protestante 2014 / https://books.google.fr/books?id=P8-3BgAAQBAJ&pg=PT144&dq

=wolfgang+capiton&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwia3Iv_9KfVAhWpB8AKHb1gBbEQ6AEIPjAE#v=onepage&q=financi%C38res&f=false

[8] Spire où la Diète de 1526, dans une tentative de conciliation, a autorisé la liberté du culte après la Guerre des Paysan qui se déroula en Allemagne du Sud, Suisse et Alsace. On l’appelle Révolte des Rustauds en Alsace, ou encore le Soulèvement de l’Homme Ordinaire (ou commun = gemeiner Mann).

[9] Les Grands Électeurs du Palatinat, Frédéric II puis Othon-Heinrich favorisèrent le luthéranisme. Frédéric III le pieu se convertit au protestantisme en 1546 et, succédant à la tête du Nouvel Duché du Palatinat en 1550, fit du calvinisme, la religion officiel de son duché. C’est sous son égide que fut publié en 1563 le Catéchisme de Heildelberg, un des trois textes fondamentaux du calvinisme qui forment avec La Belgica (1561) de Nicolas de Brès, profession de foi des Pays-Bas réformés, et les Canons de Dordrecht, ce que l’on appelle Les Trois Formes d’Unité’. Les Canons concluent en 1619 le synode tenu dans la ville ; ils affirment l’opposition aux thèses  d’Armenius et de la Fraternité des Remonstrants (voir Réforme aux Pays-Bas). 

[10] René Bornert, La Réforme du Culte à Strasbourg Édit .J.Brill, Leiden, Pays-Bas 1981.

[11] Au Moyen-Âge, les nominalistes s’opposaient aux réalistes. Ils considéraient que les Idées (platoniciennes) n’ont pas d’existence propre et les mots qui les nomment (d’où leur nom) n’ont d’autre réalité et fonction que d’être, selon la terminologie actuelle, des signifiants. Les réalistes croyaient en la pleine réalité (d’où leur nom) des idées, des concepts, des catégories universelles. Ce débat trouve son origine au XIIème siècle dans la dispute des universaux relancée par Pierre Abélard. (Voir BMA/ Philo-Spirit/1100)

[12] Érasme s’installe à Bâle en 1521 qu’il quitte en 1529 pour Fribourg. Bâle et Fribourg sont alors deux centres universitaires importants où se croisent humanistes et réformés. Dans les années 20, Corneille Agrippa séjourne à Fribourg qui restera catholique, qui chassera les réformés en 1524 mais qui gardera des liens étroits avec es villes réformées (Bâle, Genève, Zurich…) ; Reuchlin y a fait ses études ; le juriste humaniste allemand Uldaricus Zasius y meurt en 1535.


LA RÉFORME RADICALE

Introduction - Thomas Münzer -  L'Anabaptisme - Anabaptistes d'Allemagne
Menno Simons et Les Mennonites des Pays-Bas - Huttérites et Hussites en Moravie

L'Anabaptisme en Italie - L'Antitrinitarisme


Introduction

Très rapidement la Réforme va prendre chez certains réformés une tournure radicale à l’origine de laquelle se trouvent les anabaptistes, mais aussi les gnéo-luthériens, luthériens intransigeants. Certains réformés suisses vont se radicaliser en prenant leur distance vis-à-vis des réformés modérés comme Zwingli, Melanchthon et Bucer.

En Allemagne, le Souabe Johan Brentius, (1499-1570), chef de file des intransigeants luthériens ubiquitaires (omniprésence de Dieu par le Christ) s’élèvera vivement contre les compromis faits par Melanchthon à Charles-Quint (Intériem d’Augsbourg).

En suisse, Conrad Grebel et Félix Mantz, deux des fondateurs de l’anabaptisme s’opposent à leur maître Zwingli qu’ils jugeront trop tiède dans sa contestation du baptême aux enfants et trop lent dans son rejet de la messe. Et lorsque Conrad Grebel rebaptise pour la première fois et secrètement des adultes à Zurich en 1525, il réalise l’acte fondateur de ce mouvement, l’anabaptisme, duquel émergeront les plus radicaux des réformés pacifistes et non-pacifistes.


Parmi les pacifistes se trouvent :

  • Conrad Grebel, le père de l’anabaptisme et à sa suite Les Frères Suisses ;
  •  Michel Servet et son antitrinitarisme tenace qui lui coûtera la vie ;
  • Les Huttérites du Tyrol pour leur mode de vie et le refus de la légitime-défense ;
  • Le souabe Melchior Hoffman (1495-1543) qui prêchera l’apocalypse après son passage à Strasbourg en 1529. Arrêté à Strasbourg, c’est là qu’il recevra le baptême en 1530 et ira prêcher pacifiquement l’anabaptisme qu’il introduisit en Allemagne du Nord, aux Pays-Bas et en Scandinavie ;
  • Les anabaptistes de la seconde génération, disciples de Menno Simons (1496-1561) ; 
  • Les spiritualistes comme Sébastien Franck et Caspar Schwenckfeld peuvent être intégrés à la Réforme Radicale non seulement de par la rigueur de leur démarche intérieur, l’exigence de leur foi mais aussi parce qu’ils ont été rejetés par les réformés soucieux de fonder de nouvelles Églises bien organisées s’occupant autant des affaires civiles que du salut des fidèles. Églises qui n’ont jamais vu d’un très bon œil tout ce qui pouvait relever de la mystique.


Les belliqueux se revendiquent du réformé révolutionnaire Thomas Münzter (ou Münzer) aussi bien que de Grebel et Mantz, eux-mêmes influencés par les écrits de Münszter. Ils fondent en 1521, La Ligue des Élus ou Ligue d'Allstedt  et participent à la Guerre des Paysans de 1524. Certains après la répression se réfugieront en Suisse. Bernard Rothmann, natif de Münster (Rhénanie), disciple du pacifique Melchior Hoffman, chef de file de la seconde génération des anabaptistes sera à l’origine de la violente aventure millénariste du Royaume de Münster (1434-35).

Cet aspect proprement révolutionnaire de la Réforme, représenté par les anabaptistes révoltés de la Ligue des Élus des années 1521-25 (dont Marx et Engels se revendiqueront ouvertement) et par l’entourage de Thomas Münzer, prône un engagement politique autant que religieux. Désireux de fonder un autre type de société à tendance égalitaire et théocratique, ces ultra-radicaux rejetteront autant le pouvoir civil que l’autorité des catholiques et des luthériens. Ces radicaux s’engageront dans la lutte armée, autant que les luthériens derrières les princes des États Germaniques ont pu le faire.


Leurs révoltes prendront la forme de véritables soulèvements pendant une dizaine d’années en Rhénanie, Westphalie, Suisse, Tyrol, Alsace, Palatinat.Elles provoqueront des troubles profonds et irréversibles dans le paysage socio-politique de l’Allemagne du Sud, de l’Alsace et de la Suisse. Elles se termineront par une répression sanglante des révoltés, hommes et femmes ordinaires pour la plupart issus du peuple, de la paysannerie, massacrés, noyés.

Il s’en suivra l’exil de nombre d’entre eux dans les régions avoisinantes, en Angleterre et plus tardivement aux États-Unis où elles prendront la forme de communautés intransigeantes d’une rigoureuse moralité.

La Guerre des Paysans (ou Guerre de l’Homme Ordinaire) dans les années 1524-25, après des signes annonciateurs, marque un tournant décisif de cette période subversive, et l’aventure millénariste en Westphalie du « Royaume de Münster »,  de 1534 1535, la termine.

Le protestantisme allemand se scindera entre luthériens et anabaptistes. Les anabaptistes groupaient autour du radical et révolté Münzer refusaient le baptême aux enfants, le réservant aux adultes. Ils se scindèrent eux-mêmes en différentes branches. Il est à noter que Münzer, lui-même, ne se prononça jamais ouvertement contre le baptême des enfants.


Thomas Münzer

Thomas Münzer (ou Müntzer,1489-1525), né en Rhénanie, d’origine bourgeoise, fait d’abord des études à Leipzig (Saxe) où il acquiert une solide connaissance des Anciens et des Pères, des écrits de Joachim de Flore et des mystiques rhénans, qui marqueront définitivement sa démarche religieuse. Münzer est sans doute le seul réformé, hormis des spirituels comme Caspar Schwenckfeld (1489-1561) à être vraiment influencé par la mystique (rhénane).

C’est dans cette ville de Leipzig qu’il rencontre Luther en 1519. Celui-ci l’envoi prêcher au sud de Leipzig, à Zwickau, ville centrale du textile alors sujette à des soubresauts sociaux. Münzer se mêle aux fauteurs de troubles conspirateurs, et se voit obligé de quitter la ville. Réfugié en Bohême, il fréquente les Hussites radicaux, les taborites, fort probablement à l’origine de l’anabaptisme. (voir Hussites de Moravie). 


A Prague en 1521, il adresse à la mouvance hussite, une imprécation prophétique dans laquelle il vilipende les luthériens qui « défigurent la foi » (M.de Gandillac). Là rien encore de révolutionnaire, mais son mysticisme millénariste, faisant intervenir « la colère divine », se fait sentir. C’est la rupture avec Luther.

En 1523, en poste à Allstedt (Saxe-Anhalt, Allemagne centre), il écrit la première liturgie entièrement en allemand, l'Ordre du service des églises allemandes[1]. Les psaumes chantés y tiennent une place centrale. Il se marie avec une ancienne religieuse Ottilie von Gerson. Une enquête va être menée suite à ce mariage et sur les conseils modérateurs de Luther qui pourtant a adressé une lettre aux Princes (de Saxe) dans laquelle il attaque Münzter et son professeur de théologie à l’université de Wittenberg, Andreas Karlstadt (1486-1541) qui lui avait remis son doctorat et duquel il se sépara sur la question de la consubstantialité.


En 1524, réfugié à Mülhausen, il dénonce dans L’Expresse Dénonciation à nouveau « la foi factice » des luthériens, la « superstition littéraliste de l’Écriture » de Luther. Sur le baptême, s’il le préconise aux adultes sans lui accorder une place prépondérante sur la voie du salut, privilégiant, dans la suite de la tradition eckartienne, l’exemplarité du Christ sur la Croix, l’approfondissement de la « ténèbre intérieure ». Il parle de « la nouvelle naissance du Christ dans un ‘’cœur plein de désir’’ où du dedans jaillit la foi » (cité par M.de Gandillac). La naissance du Christ dans le cœur du fidèle ne va pas sans évoquer la mystique des béguines et le jaillissement de la foi dans ce même cœur, l’étincelle eckartienne. Comme Paracelse, Münzer croit en un perfectionnement de l’homme et du monde.

Il franchit le pas vers la lutte armée dans la Très Bien Fondée Apologie, écrit dans lequel il stigmatise puissants et riches, oppresseurs et accapareurs des biens. Il attise la révolte qui gronde dans les campagnes, portée par une ardeur millénariste de la croyance en un recours providentiel.

La même année 1524, avec La Ligue des Fidèles de la mouvance anabaptiste, il s’engage dans La Guerre des Paysans et participe l’année suivante à la rédaction des Douze Articles de Memmingen écrite par un pelletier du nom de  Sebastian Lotzer, dans lesquels les révoltés présentent leurs revendications.

« A Mülhausen, Thomas Münzer et ses disciples instaurent une sorte de théocratie populaire et participent, eux aussi, à la guerre des paysans, instaurant une violence spécifique, une violence «habitée ». La violence millénariste a en effet pour caractéristique d'être une violence de la négation de toute limite, fondée sur la conviction que toutes les forces de ceux qui sont possédés divinement doivent être vouées à l'édification, hic et nunc, ici et maintenant, de la Jérusalem céleste » (Klim Sanguine, L’histoire et mon Comptoir 2012/08/thomas-munzer-et-la-guerre-des-paysans.html)


Münzer n’a jamais dissocié la réforme religieuse de la réforme sociale, dusse celle-ci passer par la violence. La trop grande pauvreté comme le temps trop long passé à un travail pénible privent les paysans du libre exercice de leur foi, les privent du temps à consacrer à la prière, à la lecture de la Bible, à la préparation du culte.

En mai 1525, les révoltés sont défaits à la bataille de Frankenhausen (quelque 7000 morts) par les troupes coalisées du prince réformé, Philippe de Hesse qui soutient les luthériens et du comte catholique de Mansfeld. Thomas Münzer est arrêté. Malgré ses rétractations, il est condamné et décapité.

Les écrits de Münzer auront influencé les réformés anabaptistes suisses Conrad Grebel et Félix Mantz. 


L’ Anabaptisme

Signification

Les termes Wiedertäufer (à nouveau baptisé) pour l’allemand et Wederdooper pour le néerlandais, anabaptism(e) pour l’anglais et le français ont toujours étaient rejetés par les anabaptistes eux-mêmes comme désignation négative voire dégradante, formulée par leurs adversaires. Depuis l’empereur Justinien, rebaptiser est avec l’antitrinitarisme, une hérésie condamnant à l’exécution capitale.

« L’anabaptisme ne doit pas être confondu avec l’antitrinitarisme comme cela a été souvent fait et encore occasionnellement fait. »

« Comme tous les chrétiens réformistes du XVIe siècle, les anabaptistes et les mennonites ont également été exposés à cette tentation [antitrinitaire, ndrl], principalement en raison de leur radicalisme inhérent et de leur christianisme laïc ; mais les deux groupes ont résisté consciemment à cette voie, en partie, au moins, en raison de leur base d’esprit anti-intellectuel [2]» .

Les sources donnent toutes pour origine du terme, le verbe grec ‘anabaptizein’ : ‘baptiser à nouveau’. Certaines sources précisent du grec ecclésiastique ( ?). Le préfixe ana peut signifier ‘à nouveau’.

« Conrad Grebel, un des dirigeants du groupe opposé à Zwingli, pratique le 21 janvier 1525, avec quelques « frères », le baptême d’adultes dans une maison particulière. Cet acte explique qu’on ait appelé les membres de ce groupe (puis leurs disciples) des Anabaptistes, d’un mot grec qui veut dire « rebaptiseurs », puisque ces hommes avaient déjà été baptisés une première fois comme nourrissons dans l’Église catholique. » (http://evangeliquesdubas-rhin.fr/lanabaptisme-et-le-mennonitisme-du-16e-siecle-a-nos-jours/).

Le refus de donner le baptême aux enfants est aussi parfois désigné sous le terme de antipédobaptisme,

Le terme anabaptiste est réservé au XVIème siècle. De manière générale, les Églises non luthériennes et non calvinistes sont désignées comme des Églises Évangélistes.

« Si l’on reconnaît à présent plusieurs foyers ayant donné naissance à l’anabaptisme, principalement en Suisse et dans le sud de l’Allemagne, c’est à Zurich, en dissidence de la Réforme officielle menée par Huldrych Zwingli, qu’il se manifeste en premier, à partir de 1524, puis avec les premiers baptêmes d’adultes en 1525. Toutefois, si le baptême est l’enjeu le plus visible, ce mouvement de protestation implique bien d’autres facteurs, comme la séparation de l’Église et de l’État, la fiscalité, le rapport à l’autorité, la séparation des « vrais » chrétiens du reste de la société, à travers notamment le refus de prêter serment, celui de porter des armes, celui d’assumer des responsabilités publiques, celui des mariages mixtes entre « vrais » et « faux » chrétiens, celui de la propriété privée, et l’exigence d’une éthique bien plus rigoureuse que celle qui se pratiquait alors. Il rassemble d’une manière générale ceux que la Réforme « officielle » a déçus, qui aspirent à des transformations plus profondes et que la recherche a pour cela parfois qualifié « d’aile gauche de la Réforme», ou de « Réforme radicale.(Catherine Dejeumont, La réforme du mariage dans la communauté anabaptiste de Münster : quelle utopie ? https ://clio.revues.org/3802)


Historique

L’anabaptisme en lui-même n’est pas propre au mouvement anabaptiste du XVIème siècle. Le pratiquaient dès le XIIème siècle des mouvements hérétiques comme les Vaudois*  qui, disciples de Pierre Valdo à Lyon, se ramifieront en Suisse, les pauliniens de l’Église byzantine de Constantinople, ou encore les bogomiles en Bulgarie qui se ramifieront en Italie du Nord et en Rhineland qu’Eckbert (†1184), abbé de  l'Abbaye de Shönau aurait qualifiés de ‘purs’[3] (cathares, voir Tome 1, Philosophie et Spiritualité/1100/ Hérésies).

*Leur réappropriation de la parole évangélique se heurta à une réprobation ferme de l’Église les condamnant au silence. En réaction, ils affirmèrent que le sacerdoce était affaire du laïque dont la vie de piétée donnait l’exemple. Exit le clergé fourvoyé dans la possession de bien temporels. Ils revenaient à la Cène originelle du pain et du vin, proclamaient que l’eucharistie n’est efficiente que pour celui qui est prêt à recevoir le corps de Christ et donner tous les sacrements. Rien d’autre que ce que soutiendront les Réformés radicaux quatre siècles plus tard (Voir Bas Moyen-Âge/Hérésies/ Les Vaudois).


L’anabaptisme trouve des points d’émergence (ou de résurgence) dans des lieux différents. En Saxe, vers 1521, où les disciples de Thomas Münzter participèrent sous son impulsion à la Guerre des Paysans de 1524 ; En Suisse, où les disciples de Zwingli, Conrad Grebel et Félix Mantz, jugeant leur maître trop lent dans ses réformes prirent des positions plus radicales jusqu’au nouveau baptême des adultes par Grebel en 1525. Cette année même, en Allemagne, à Augsbourg, les anabaptistes tiendront à un synode dit Synode des Martyrs où des représentants de Suisse et d’Allemagne du Sud tenteront de trouver une unité d’enseignement entre les différentes tendances.

La répression fut très dure en Suisse contre les anabaptistes. Zwingli qui fut un de leurs plus farouches adversaires, n’hésita pas à les faire noyer. Nombreux d’entre eux quittèrent la Suisse pour se réfugier en Alsace où Martin Bucer les accueillit. Une seconde vague de migrants aura lieu avant la Guerre de Trente Ans qui débuta en 1618. Chassés par les autorités de Berne et de Zurich parce qu’ils refusaient de se convertir au calvinisme, les anabaptistes trouvèrent alors à nouveau refuge en Alsace. Parmi les descendants Jakob Amman (1644-1730), réfugié à Stes Marie-les-Mines, fondera en 1693 le mouvement Amish, en scission avec le mouvement mennonite né aux Pays-Bas (voir COnvergences-Divergences. les Rammifications/Les Amishs).

Dans leur ensemble, les anabaptistes furent dès les débuts contraints à des déplacements forcés, ce qui entraina un brassage et une ramification des communautés anabaptistes venues de régions différentes, de Suisse en Alsace, d’Allemagne aux Pays-Bas, d’Angleterre en Suisse, l’Alsace jouant le rôle de plaque-tournante.… Plusieurs communautés s’établirent dès le XVIIème siècle dans le Nouveau Monde. Les Huttérites, l’une des plus anciennes communautés anabaptistes avec les Mennonites et les Amish, originaires de Moravie (Tchéquie) se réfugieront en Hongrie, Roumanie, Russie et en définitive en Amérique (États-Unis et Canada)


Fondements

Au XVIème siècle comme aux précédents, ne pas baptiser était proprement un sacrilège. C’était refuser à une âme l’espérance du salut. Refuser de baptiser un nouveau-né et attendre qu’à l’âge adulte, il confesse sa foi et demande le baptême était proprement impensable dans le monde chrétien. Nul ne saurait vivre en dehors du Royaume de Dieu ou choisir d’y entrer ou pas par le baptême. Les anabaptistes font sauter une bombe atomique dans la pensée chrétienne par leur refus de donner le baptême aux enfants et de ne le donner qu’aux adultes ayant prononcer leur profession de foi. Pour eux, l’acte du baptême doit être librement et sciemment souhaité[4].

« Les anabaptistes refusent de voir dans le péché originel une totale corruption de la nature. [ils] discernent au cœur de l’homme une divine étincelle » (M.de Gandillac).

Les anabaptistes fondent donc des Églises confessantes et non mulitudinistes[5] contrairement à la plupart des Églises réformés, notamment luthériennes et calvinistes. Un autre point qui fait divergence est leur position vis-à-vis de la société. Alors que les luthériens et les calvinistes non seulement sont plongés dans la société mais revendiquent de plus un droit de regard sur les affaires publiques. Les anabaptistes se mettent en marge de la société pour fonder leurs propres communautés. Amish, mormons, huttérites en sont des exemples parmi d’autres.


Conrad Grebel et Les Frères de Suisse

Conrad Grebel (1498-1526), issu d’une famille de notable de Grüningen (canton de Zurich), fait des études à Vienne et à Bâle et les poursuit à Paris où il fréquente des humanistes comme Lefèvre d’Étaples et Guillaume Budé. Retour en Suisse, il seconde Zwingli à Zurich dans sa marche vers la réforme. Mais dès 1523, il s’en écarte le jugeant trop timoré. Il participe à deux disputes en 1525 aux côtés de Félix Mantz. Cette même année, il rebaptise à Zurich pour la première fois des adultes. Cette date marque le début de l’anabaptisme en Suisse. Arrêté, emprisonné, évadé en 1526, il meurt de la peste quelques mois plus tard après avoir eu le temps de publier son manifeste sur la question du baptême.

Grebel était un pacifiste qui rejetait l’usage de la violence. Considéré comme le père de l’anabaptisme, sa courte vie -il meurt à 30 ans- aura eu un impact considérable sur l’avancée de la Réforme.

Les Frères Suisses

En 1525, s’éleva dans la région de Zurich, un mouvement radical qui voulait imposer

« un renouvellement fondamental de l’Église et de la société de promouvoir l’autonomie de chaque paroisse, le choix du pasteur par les paroissiens, la réorganisation de la dîme, la suppression des prébendes et des images, la célébration de la Cène. L’issue malheureuse des paysans allemands [La Guerre des Paysans] qui véhiculaient des revendications semblables et la résistance des autorités de Zurich empêchèrent la percée du mouvement. Alors un certain nombre de ses adeptes rejoignirent le petit groupe de Zurich animé par Grebel et Manz. » (Marc Lienhard, ‘Le temps des confessions (1530-1620): Histoire du christianisme’, Édit Desclée 1992, T.8, Pg 124)

En 1527, les disciples de ces derniers qui se sont installés au nord de la Suisse et en Alsace se réunissent dans le village de Schleitheim à la frontière allemande, au nord de Zurich. De cette réunion ressort la Confession de Schleitheim qui expose les fondements de l’anabaptisme des Frères Suisses. Cette confession fut rédigée pour grande partie par Michael Sattler (1495-1527), un des tout premiers chefs de file des anabaptistes suisses, qui mourut torturé et brulé.


La Confession de Schleitheim contient (à partir de plusieurs sources) les points suivants :

  • Le baptême (interdit aux enfants) ;
  •   La communion (la rupture du pain par les seuls baptisés) ;
  • L’excommunication (à la 3ème remontrance et après la rupture du pain) ;
  • La séparation du diable (d’avec toutes les instances religieuses et civiles en désobéissance et rébellion aux commandements de Dieu
    c.i.e aussi bien protestants que catholiques) ;
  • La résistance au diable (incluant ses armes et armures) ;
  •  Le rôle des pasteurs (conduire la prière, enseigner, veiller à la discipline)
  • La non-résistance (aucun usage de la violence en quelle circonstance que ce soit à l’exemple du Christ) - le serment (aucun serment ne doit être pris, interdiction de jurer).

Les Frères Suisses se disperseront ensuite dans la région de Berne puis le long de la vallée du Rhin, et  seront désignés sous le nom d’anabaptistes après avoir adopté le mode d’organisation des communautés instauré par Menno Simons: « Ils adopteront peu à peu le nom de mennonites en référence à Menno Simons ayant réorganisé le pacifisme de l’anabaptisme, l’axant sur la discipline communautaire » (https://protestinfo.ch/200809044888/les-mennonites-version-suisse-des-amish-americains).


Anabaptistes d’Allemagne 

Melchior Hoffman

Melchior Hoffman (1495-1543), d’origine souabe, à l’origine luthérien, prêche d’abord en Lettonie et en Estonie. Chassé pour la redoutable concurrence qu’il faisait au clergé, il prêche à Stockholm. Il aurait été un disciple de Müntzer.[6]

En 1529 au Colloque de Flensbourg (Schleswig-Holstein, extrême nord de l’Allemagne), il rejette la doctrine luthérienne de l’eucharistie. Il est exclu du Danemark où Frédéric 1er l’avait fait ministre du culte.

En 1529 arrive à Strasbourg le spiritualiste Caspar Schwenckfeld, en fuite, accueilli par Wolfgang Capiton, et Sébastien Franck (1499-1542)[7] qui au cours de son séjour dans la ville abandonne le protestantisme luthérien pour adopter la démarche d’une voie intérieure propre au petit groupe de spiritualistes (réformés de tendance mystique) qui s’y est installé. Michel Servet arrivera dans la ville en 1531.


Hoffman arrive aussi à Strasbourg en cette même année 1529 (peut-être en 1530 ?). Avant son arrivée à Strasbourg, « Hoffmann s’était déjà rallié à une conception symbolique de la Cène et prêchait l’imminence de la Parousie.» (Marc Lienhard ‘Le temps des confessions (1530-1620): Histoire du christianisme’ Édit Desclée 1992, T.8, Pg 127). Il adhère à l’anabaptisme strasbourgeois et se fait rebaptiser. Et sous la même influence que S. Franck, son prêche se fait apocalyptique et sa pensée prend une tournure messianique fortement influencée par Joachim de Flore (M. Lienhard). Il adopte des positions extrêmes en prêchant un anabaptisme millénariste mais pacifiste. Il part prêcher au Pays-Bas et en Allemagne du Nord et en Scandinavie. Ses idées millénaristes marqueront les esprits des anabaptistes de Münster qui prendront par la force le contrôle de la ville en 1534 en vue de fonder un royaume théocratique (voir Royaume de Münster).

Ayant prédit la Parousie à Strasbourg pour 1533, il revient pour cela dans cette ville cette année-là. Les anabaptistes émigrés de Suisse, hostiles à son prêche eschatologique le font emprisonner. On le suppose mort en prison en 1543. Les melchiorites ont fini par se fondre dans la mouvance anabaptiste.


La Guerre des Paysans 

On l’appelle aussi le Soulèvement de l’Homme Ordinaire (ou Commun = gemeiner Mann) et  La Révolte des Rustauds en Alsace. La

Guerre des Paysans partit d’Allemagne du Sud en 1524 et gagna la Suisse, le Tyrol et l’Alsace.

A l’origine, des paysans d’un village du Bade-Wurtenberg, Mulhausen, s’opposèrent à leur seigneur sur le droit de corvée et sur d’autres questions féodales comme celle des redevances. En 1525, ils se rendent maître de la commune. La même année, les révoltés de Memmingen présentent leurs revendication dans Les Douze Articles de Memmingen[8], écrits en souabe entre autres par le pelletier  Sebastian Lotzer (Münzer participa à sa rédaction). L’on n’y trouve pas l’exposé d’une nouvelle théologie mais des revendications concrètes, sociales et religieuses : Égalité des droits, abolition des privilèges, choix du pasteur, appropriation des terres ecclésiastiques, diminution de la dîme.

En mai 1525, les révoltés sont défaits à la bataille de Frankenhausen (quelque 7000 morts).Thomas Münzer est arrêté. Malgré ses rétractations, il est condamné, torturé et décapité.

 On estime que la répression par les troupes du Duc de Lorraine et celles autrichiennes provoquèrent 100000 morts sur environ 300000 révoltés. Après 1525, ceux qui avaient participé au soulèvement et qui voudront poursuivre la réforme sociale même pacifiquement rejoindront les anabaptistes qui entreront, eux, dans une seconde phase, la phase pacifique du messianisme de Melchior Hoffman .

Les Douze articles de Memmingen proclamaient :

  • La commune rurale doit être la base de l'organisation sociale.
  • Seul L’Évangile doit guider la foi des hommes (reprise de la thèse luthérienne).
  • Les pasteurs seront rétribués par une dîme communale et non ecclésiale.
  • Les terres monastiques ou appartenant à une autorité religieuse doivent être sécularisées.
  •  La noblesse doit renoncer à ses privilèges.
  • Les juges doivent rédiger un droit égal pour tous les hommes, quelle que soit leur condition.
  • Le prince territorial exerce la seule autorité légitime.

         Cette dernière est tempérée par l'autonomie de la commune dans les domaines qui la concernent selon le principe de subsidiarité
          qui confère responsabilité civil à l’autorité la plus directe.


Le Royaume de Münster : Une Aventure Millénariste

Bernhard Rothmann (1495- 1535)[9] prêche à la cathédrale de Münster (Westphalie) avant de faire des études à Cologne et Wittenberg. En 1531, il revient à Münster acquise à la cause réformée. Il est nommé pasteur avec d’autres pasteurs luthériens par le conseil municipal. Catholiques et réformés cohabitent : Les paroisses aux luthériens, la cathédrale et les monastères aux catholiques.

Rothmann s’éloigne alors progressivement de l’orthodoxie luthérienne sur le baptême et l’eucharistie. L’opposition grandissant, les fidèles au luthérianisme durent s’allier aux catholiques. Mais les anabaptistes melchiorites, partisans de l’anabaptisme de Melchior Hoffman, affluaient sur la ville. Et la venue de l’ardent Jan Bockelszoon qui restera connu sous le nom de sa ville natale, Jean de Leyde (1509-1536), souleva un enthousiasme messianique. A cette occasion Jean de Leyde baptisa Rothmann.

Jean de Leyde serait venu prêcher à Münster sur les instances de son maître[10], Jan Matthijs (1500-1534) originaire de Harlem, disciple dissident de l’anabaptiste chiliastique Melchior Hofmann dont il s’était détaché pour prendre des postions plus radicales, voire belliqueuses sur l’urgence de fonder une communauté gouvernée par le ministère et non plus par le pouvoir laïc. Il avait regroupé autour de lui les anabaptistes melchiorites des Pays-Bas, alors qu’Hoffman était retourné à Strasbourg en 1533 pensant que la Parousie aurait lieu en cette ville.


Jan Matthijs et J. de Leyde n’eurent aucune difficulté à convaincre B. Rothmann, que le moment était venu d’instaurer la théocratie à laquelle ils aspiraient, d’autant que Rothmann, cette même année, écrivait un appel à la population sous le titre d’ Une Restitution de la Vraie et Saine Doctrine Chrétienne[11]. Rothmann écrit que la Parousie, « la venue de l’Agneau de Dieu, ne doit plus être entendue comme l’a fait l’Église  au sens allégorique mais dans un sens bien concret. Les clercs ont inventé deux cachettes : Ils prétendent que l’on doit comprendre l’Écriture de manière spirituelle, autrement dit intérieure et non extérieure [et] ils interprètent l’Écriture comme si elle disait autre chose que ce qu’elle dit. La Bible ne dit pas autre chose que ce qu’elle dit[12] ».

Dans son texte, Rothmann prend des positions que l’on qualifierait de nos jours de machistes et prône la polygamie à l’exemple de la Bible : 

«Pour un homme que Dieu a richement doté, capable de féconder plus d’une femme, il est impossible de respecter ce dernier point tant qu’il ignore la « magnifique liberté de l’homme dans le mariage » qu’il convient de rétablir cette liberté ; c’est celle d’avoir plus d’une épouse.[13] »

A partir de février 1534, des émeutes permettent aux anabaptistes d’obtenir un statut légal et font fuir les luthériens. D’autres anabaptistes arrivent de diverses régions de Belgique (Belgique et Pays-Bas à l’époque). Knipperdollinck[14], compagnon de Rothmann, est élu maire. « Le temps de la sainte terreur commençait » (J.Delumeau) : Institution de la communauté des biens, tout or et argent dans une seule caisse municipale, confiscations des biens des expulsés (catholiques et protestants récalcitrants), exécutions sommaires…


Matthijs est tué au cours d’une escarmouche aux remparts de la ville. De Leyde prend sa place à la tête du mouvement. Il est élu « Roi des Derniers Jours ». Franz von Waldeck, prince-évêque de la ville est chassé. Il l’a fait assiéger avec l’appui des troupes des princes protestants allemands. 6000 soldats sont recrutés et le bombardement de la ville commence en mai. Les 3000 révoltés qui ont renforcé les fortifications résistent. La sortie de la ville est rendue hermétique et l’on se prépare à un long siège qui affamera la ville. En juin 1535, cinq hommes arrivent à pénétrer dans la ville par la porte la plus faible. La population affamée et peu aguerrie au combat se rend, Jean de Leyde en tête qui sera mis au bûcher la même année.

« Münster, la « perle de la Westphalie », qui s’était faite frondeuse, fut rendue au culte catholique, et mit tout son soin à être un fleuron de la Contre Réforme. Pendant trois siècles, le culte protestant y sera interdit. Les événements survenus entre 1534 et 1535 suscitèrent le rejet et le dégoût des chefs huguenots. Luther et Melanchthon désapprouvèrent l’expérience du mouvement anabaptiste à Münster. » (J.B. Noé,ref.cit.)


Anabaptistes d’Alsace 

L’Alsace accueillit les anabaptistes de l’Allemagne du Sud et de Suisse. Catherine Zell et Capiton leur réservèrent un accueil bienveillant. (M. Lienhard)

Connus sous le nom de mennonites, ils firent condamnés en 1536 Melchior Hoffman pour ses prêches millénaristes. Jacob Amman y créera la communauté Amish en 1693.

 « Pendant plusieurs années, Strasbourg fut un lieu particulièrement rechercher par les anabaptistes et spiritualistes de diverses obédiences… la répression des anabaptistes par les autorités de la ville fut modérée jusqu’en 1534. En 1528, 500 dissidents se pressaient déjà dans la ville qui comptait 22000 habitants. » [15]


Menno Simons et Les Mennonites des Pays-Bas

Menno Simons (1496-1561), originaire de la province du Frison (Pays-Bas), représente la seconde période, pacifique de l'anabaptisme, après celle de Münzer et des révoltes paysannes.

De 1536, après le Royaume de Münzer, et jusqu’à quasiment sa mort, Simons prêcha de manière itinérante des Pays-Bas à la Suisse en passant par l’Allemagne, Alsace incluse. Son sens de l’organisation et du regroupement des communautés, sa rigueur sur la tenue des assemblées, la place centrale qu’il donna au ministre du culte, ont fait que les communautés où il séjourna gardèrent définitivement la structure qui leur avait mis en place. Les autres communautés adoptèrent aussi le même modèle au point que le terme de mennonites finira par désignés la quasi totalités des communautés anabaptistes, toutes devenues pacifistes.

Une des particularités des mennonites d’Hollande est d’avoir instauré le lavement des pieds deux fois par an au moment de la prise du repas en commun en rappel de la Cène. Les mennonites suisses pratiqueront la Cène une seule fois par an et ne pratiqueront pas le lavement des pieds.


Mais paradoxalement, c’est au pays d’origine de Simons que le mennonitisme prendra une orientation différente de celle des autres communautés. Le tournant économique libéral et bourgeois de la Hollande du XVIIème siècle, qui donnera naissance au capitalisme, fera des protestants hollandais des protestants plus ouverts et plus engagés dans la vie sociale et économique des Pays-Bas que ne le seront les communautés agraires des autres mennonites des autres pays, plutôt enclins à une plus grande austérité de vie, tendance qui ira s’accentuant avec l’apparition de mouvements au mode de vie plus strict et conservateur, tels les Amish, les Baptistes. Les anabaptistes huttérites sont toujours restés à part du mennonitisme et ont toujours gardé ce mode de vie auquel tendra les autres anabaptistes des zones rurales.

« L'interdiction est un instrument de discipline de l'église qui a joué un rôle important dans l'histoire des Mennonites. C'est le terme utilisé pour indiquer soit l'exclusion de la communion (Petit Bann), soit l'exclusion de l'adhésion (Bann, plus grand)» (GMO, Global Anabaptiste Mennonite Encyclopedia Online).


Le mennonitisme se répandra au Canada et aux États-Unis. De ce mouvement mennoniste émerge en 1609 le mouvement baptiste de l'anglais exilé à Amsterdam, John Smith (1570-1612). Thomas Helwys (1550-1616) introduit le mouvement en Angleterre en 1612, et un de ses disciples Roger Williams fonde en 1636, aux États-Unis, la ville de Providence, qui deviendra la capitale du futur état de Rhodes-Island.

En 1693, l'alsacien Jakob Amman (1664?-1730) s'écartera de l'anabaptisme pour créer la communauté des amish qui après l'expulsion d'Alsace des anabaptistes, en 1712, essaimèrent aux États-Unis. 


Huttérites et Hussites en Moravie

Hussites de Moravie

La Moravie était depuis le XIIème siècle rattachée à la Bohême. C’est en Bohême du Sud que prit naissance le mouvement hussite initié par Jan Hus (1369-1415). Le mouvement se scinda rapidement en d’eux, les utraquistes qui pratiquaient la communion sous les deux espèces, et les taborites qui, plus extrémistes, prêchaient déjà la communauté de biens, l’abolition de tous les privilèges, le refus de l’autorité de Rome, l’anabaptisme (M.Gandillac), mais aussi, de par les tristes expériences antérieures, la non-violence[16].


En 1436, les utraquistes se rallient aux catholiques tout en gardant le privilège de la communion sous les deux espèces.

En 1457, une nouvelle Église, l’Unité des Frères selon la Loi du Christ, que l’on désigne aussi comme les Frères Tchèques, rompt avec les utraquistes et Rome. Elle élit son clergé. Au XVIème siècle, elle se tournera un temps vers Bucer et la réforme luthérienne d’Alsace, puis vers le Calvinisme de Suisse, tout en gardant son indépendance. Elle adoptera le Psautier Huguenot (voir La Culture Protestante) et parviendra à réunir tous les opposants à Rome pour signer en 1575 la Confession de Bohême.


Quant au Frères Moraves, mouvement indépendant des hussites, se serait Pierre Chelčický (1390 ?-1460 ?) qui en serait à l’origine. Disciple de Jan Huss, il condamnait les privilèges seigneuriaux auxquels devaient être substitués la loi des évangiles, prônait le pacifisme et une vie retirée du monde en ayant renoncé à la propriété personnelle (http://www.universalis.fr/encyclopedie/freres-moraves/). Ce qui semble fortement assimiler ces Frères Moraves du XVème siècle aux taborites, leurs contemporains.

Fabien Girard semble amalgamer l’Unité des Frères (Tchèques) aux Frères Moraves:

« …l' Unité des Frères Moraves, communauté de sensibilité hussite qui fut non trinitaire et anabaptiste à ses origines… L'histoire de [cette communauté] débute vers 1440 lorsque le tchèque Petr Chelčický, gagné aux idées de Jan Hus mais séparé des Hussites dont il dénonçait la violence, rédige Le filet de la foi. … [Avec] d’anciens Hussites, ils fondent la communauté des Frères de L’Unité Morave en 1458 à Kunwald. »


Entre 1464 et 1467, ils mettent par écrit leur doctrine au cours de différends synodes sous le titre d’Actes de l’Unité des Frères (Acta Unitatis Fratrum). En 1494, « l’Unité des Frères se scinde en deux groupes, le parti majeur et le parti mineur. C’est le parti mineur qui demeurera antitrinitaire. » (http://libertedecroyance.blogspot.fr/2009/10/lunite-des-freres-moraves.html)

 Certains d’entre de ces frères se sont réfugiés au XVIIIème siècle, en 1722, en Saxe, et se sont mis sous la protection du Comte Zizendorf. Ce sont eux qui, désignés par leur lieu d’origine, sont le plus couramment appelés Frères Moraves. En 1733, à l’occasion d’une célébration de la Cène, ils fondent une nouvelle Église dont le comte devient l’évêque. Leur première communauté s’installe au village d’Herrhut proche de Dresde (Saxe) d’où des missionnaires partirent au Groenland et aux Antilles. En 1738, la Société Morave, implantée en Angleterre, influença John Wesley (1703-1791), le fondateur du Méthodisme dont nombre d’adeptes immigrèrent au États-Unis.

 

En résumé et en confrontation des sources, le courant hussite aurait été composé des utraquistes, des taborites, des Frères Tchèques (Unité des Frères) desquels descendraient ( ?) les Frères Moraves.

Les utraquistes auraient pratiqué la communion sous les deux espèces et auraient été non pacifistes ; puis ralliés à Rome, ils auraient gardé la possibilité de la communion sous les deux espèces.

Les Taborites auraient été anabaptistes non-violents, communautaristes retirés du monde, en rupture avec Rome et les pouvoirs publics.

Les Frères Tchèques (Unité des Frères) auraient pratiqué la communion sous les deux espèces, auraient été pacifistes, en rupture avec Rome, non protestants mais de tendance luthérienne puis calviniste. Luther et Calvin étaient opposés farouchement à l’anabaptisme.

Les Frères Moraves qui seraient peut-être les Frères Tchèques (?), auraient été anabaptistes, antitrinitaires et non-violents, et auraient vécus en communauté de biens, retirés du monde.

A noter au sujet de la non-violence des hussites qu’ « en juillet 1419, la foule jette par la fenêtre de l’Hôtel de ville plusieurs conseillers impériaux : cette « première défenestration de Prague » ouvre la période des guerres hussites, guerre des catholiques contre les « hérétiques »… l’ensemble des hussites résiste aux armées impériales »

 Avant donc 1436, date à laquelle les utraquistes ont passé accord avec les catholiques.

La Bible de Kralitz

La Bible de Kralitz est la traduction en tchèque de l’Ancien Testament faite en cinq volumes entre 1573-1588 et du Nouveau Testament en 1599 en un volume. Plusieurs tentatives de traduction en tchèque avaient été faites à partir du texte latin mais non encore à partir de la langue originale. (http://www.museeprotestant.org/notice/le-protestantisme-en-republique-tcheque/)


Les Huttérites

Dans le Tyrol du Sud, les huttérites se groupent autour de leur chef de file Jacob Hutter (1500-1536) dès le début des années 1520. En 1527, l’archiduc d’Autriche, Ferdinand de Habsbourg, frère et futur successeur en 1558 de Charles Quint à la tête de l’empire, ordonne la répression contre les anabaptistes. Deux ans plus tard, face à une répression de plus en plus forte, Hutter et ses disciples entrent dans la clandestinité et en viennent à se réfugier en Moravie en 1533. Retourné dans le Tyrol en 1535, Hutter est arrêté et torturé. Il meurt sur le bûcher un an plus tard.

Les Huttérites qui avaient déjà établi des règles de vie qui leurs étaient propres et les distinguaient des autres communautés anabaptistes, emprunteront une fois arrivés en Moravie, aux taborites leur mode de vie communautaire.


La vie communautaire est entendue au sens littéral : tous les biens sont mis en commun et la vie se déroule en commun comme dans les toutes premières communautés chrétiennes des temps évangéliques.[17] Les huttérites s’opposent à toute forme de violence et rejette l’usage de la légitime défense.

Leur mode de vie, uniquement agraire, leurs us et coutumes, le maintient de leur langue, mettront les Huttérites toujours à part de la société qui les entoure ; ce qui les a obligé à émigrer en Roumanie, en Russie, puis aux USA et enfin au Canada. Les huttérites subsistent toujours et ont conservé leur façon de vivre, leur mode vestimentaire, la langue de leurs ancêtres. Ils vivent en colonies, chacune constituée de 120 personnes disposés en 13 familles. L’adoption par certaines colonies des nouvelles technologie tend à les écarter de leur mode de vie traditionnel.[18] Actuellement, on compte environ 520 communautés huttérites dans le Nouveau Monde.

Il existe une communauté huttérite au Japon : En 1972, des habitants de Tokyo, convertis par des huttérites canadiens, quittent la ville et s’installent dans un lieu totalement isolé au milieu des montages au nord de Tokyo.


L’Anabaptisme en Italie

« En Italie, une certaine influence de l’anabaptisme est perceptible, mais il se confond souvent avec des tendances qualifiées de luthériennes ou évangéliques. De toute manières, les tendances anabaptistes en Italie sont plus spiritualistes voire antitrinitaires que l’ensemble du mouvement au Nord des Alpes. L’anabaptiste italien, si spécifique, s’incarne d’abord dans des personnages tels que Camille Renato…. Dans les Grisons avec des hommes comme François de Calabre, Jérôme de Milan et l’hébraïsant Stancaro. Vers 1549, une communauté anabaptiste émerge aux environs de Venise avec comme figure de proue Pierre Manelfi…. De manière générale, on trouve moins en Italie des communautés anabaptistes vraiment structurées que des individus isolés ou des petits cercles qui, d’une manière ou d’une autre, prennent leur distance par rapport à l’Église en place, voir par rapport aux dogmes traditionnels.» (Marc Lienhard,‘Le temps des confessions (1530-1620): Histoire du christianisme’ Édit Desclée 1992, T.8, Pg 124)

Venise qui a été une des principales portes d’entrée des idées nouvelles au début du siècle avec Ferrare, offre une poche de résistance avec les anabaptistes antitrinitarismes. En 1550, ils organisent un synode qui promulgue une confession de foi dont l’article premier, sur les dix qu’elle compte, reconnait le Christ comme « vrai homme et non Dieu».

« Depuis quand existe le Mouvement (Unitariste)? Depuis le synode de Venise en 1550, environ 50 communautés étaient représentées… Nous croyons à un Dieu Unique, le Très-Haut, le Seigneur, l’Éternel. Il n’y a pas d’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Jésus est un prophète parmi les prophètes, un messie, pas le Messie. » (Cf. ‘Le christianisme unitarien en France’, Étude sociologique menée par Philippe Barbey en 2001 )

Fabien Girard évoque à propos de ce synode l’absence de  l’antitrinitaire Michel Servet, n’étant pas anabaptiste. (http://libertedecroyance.blogspot.fr/2009/10/lunite-des-freres-moraves.html)


L’ Antitrinitarisme

Antitrinitarisme et Unitarisme

Pour la tradition chrétienne, catholiques et réformés confondus, Dieu, au-delà de ses hypostases, est Un en son essence. Un seul Dieu en trois personnes consubstantielles, de même essence (ousia), tel que l’a proclamé le Concile de Nicée (Symbole de Nicée, 325) en réaction aux arianistes et aux sabelliens. Le Carthaginois Tertullien (ca.150-220) en s’opposant dans son Adversus Praxeam, à la thèse d’un monarchien dénommé Praxéas développe la conception d’un Dieu trine :

« moi, qui ne fais venir le Fils de nulle part ailleurs que de la substance du Père, (un Fils) qui ne fait rien sans la volonté du Père, de qui il a reçu tout pouvoir, comment pourrais-je, en toute bonne foi, détruire la monarchie, que je conserve dans le Fils (telle qu'elle a été) transmise du Père au Fils ? Ce que j'en dis vaut également pour le troisième degré, car je ne fais pas venir l'Esprit d'ailleurs que du Père par le Fils[19] »

Après le premier Concile de Nicée (325) qui proclama la consubstantialité du Père et du Fils, Saint Hilaire de Poitiers († 367) dans son De Trinitate, s’opposant aux ariens et aux sabelliens expose pour la première fois, de manière systémique le dogme de la Sainte Trinité . « C’est la réalité mystérieuse d’un seul Dieu dans l’unité d’amour de trois personnes distinctes, égales et indivisibles. » (Église Catholique de France).


L’Unitarisme considère que Dieu est UN mais refuse sa ‘déclinaison’ en trois hypostases. Stricto sensu, les unitaristes ne sont pas hérétiques selon à quel degré l’on considèrent leur doctrine. Leur conception d’un Dieu Un n’est pas théologiquement formellement opposée à celle du Dieu unique de la tradition chrétienne issue du Concile de Nicée. Mais implicitement, cette unitarisme rejette tout forme d’’expression’ de l’Un en trois personnes.

Il trouve son origine chez les judéo-chrétiens qui ne s’intégrèrent pas dans la mouvance paulinienne, et parmi les Ébonites, les pauvres, ou/et les Nazaréens (?), pour qui la mission de Jésus (messie) comme envoyé de Dieu n’était pas un canon de la foi. Au IIIème siècle, à Rome, le prêtre d’origine libyenne, Sabellius développé un enseignement qui ne reconnaissait pas les trois hypostases comme consubstantielles mais en faisait des modalités du Dieu Un et unique, monarchique. La doctrine des sabelliens est désignée par monarchianisme ou par modalisme. Le sabellisme posait ainsi la question de la place du Fils, question récurrente tout au long du Bas-Moyen-Âge avec la Question du Filioque (voir Tome 1 Philo.Spirit./1100. Gilbert de La Porrée/note 20 B.M.A/ Philo.Spirit./1100/Gilbert de La Porrée note 20).


L’unitarisme trouvera à partir du XVIIIème siècle, un résurgence dans les pays-anglo-saxon, entre autres chez les Témoins de Jéhova.

L’antitrinitarisme, lui, rejette explicitement la notion des trois hypostases, celles du Père, du Fils et du Saint Esprit. Il considère le Christ comme ‘au mieux’ un prophète non comme une incarnation divine, non comme « vrai Dieu de Dieu » (Symbole de Nicée : Concile de Nicée 325, de Constantinople 381 et de Chalcédoine 421).

Son origine remonte au prêtre d’Alexandrie, Arianus (256-336), initiateur de l’arianisme, courant chrétien majoritaire à l’époque[20]. Arianus posa aussi la Question du Fils (Filioque), mais non tant quant à son rôle entre le Père et le Saint Esprit [21], mais en ce qui concerne sa nature, divine ou humaine. Le concile de 325 affirmera la double nature du Christ. A la Renaissance, des réformés comme Luther et des spirituels comme Swenchkfeld affirmèrent qu’il ne s’agissait pas d’une double nature mais de deux natures séparées, sans communication entre elles.


« Parmi les divers courants de cette Réforme radicale, certains étaient antitrinitaires tout en ayant des positions assez diverses :

Les uns contestaient simplement que le Saint-Esprit soit « une personne » à laquelle l'on pourrait prier (par exemple Johannes Campanus).

D'autres, comme Cellarius en 1527 pensaient que la divinité de Jésus était celle que tout homme peut revêtir lorsqu'il était habité par le Saint-Esprit.

Un troisième groupe d'antitrinitaires voyait en Jésus un homme divinisé après sa mort et ayant pris place, par la Résurrection, parmi les êtres célestes. Les principaux représentants de ce groupe étant les Siennois Lelio Sozzini (1525-1562) et son neveu Fausto Socin (1539-1604), fondateurs d’un mouvement libéral et tolérant, le socinianisme qui eut particulièrement d’influence en Pologne où Socin s’installa et se maria.

D'autres encore voyaient enfin en Jésus : un prophète, non préexistant, né de Joseph et de Marie, non divinisé (cf. les judaïsant de Transylvanie)

Il y eut donc des antitrinitaires dans tous les pays de l'Europe occidentale : en Allemagne, en Hollande, en Alsace, en France, en Suisse (Bâle, Zurich et Genève), aux Grisons et en Italie du Nord. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Unitarisme_(théologie)#Arianisme).

L’antitrinitarisme se manifesta particulièrement à l’Ouest des Carpates (Bohême-Moravie, Hongrie). On trouve des anabaptistes antitrinitaires aussi chez les anabaptistes rhénans et les humanistes chrétiens italiens. Thomas Münzer, Melchior Hoffman étaient antitrinitaires. Certains anabaptistes Suisses, Allemands du Sud et Rhénans auraient été  antitrinitaires.[22]


Ecclesia Minor

En Pologne, l’antitrinitarisme fut représenté par L’Ecclasia Minor. Elle fut créée en 1556, à la suite d’un discours tenu par l’étudiant et écrivain Piotr de Goniądz (1525-1573) au cours d’un synode calviniste. En 1567, la rupture avec les calvinistes sera consommée malgré une dispute théologique souhaitée par le roi.

En 1570, une scission apparaît entre les pacifistes ariens menés par Marcin Czechowic et Grzegorz Paweł z Brzezin, et les non pacifistes ébionites menés par le biélorusse Symon Budny. En 1579, Fausto Socin (1539-1604), fondateur du mouvement libéral et tolérant, le socinianisme, exilé d’Italie, arrive en Pologne. Bien que méfiant envers son refus du baptême, le groupe des ariens, Les Frères Polonais (Bracia Polscy) voit en lui un défenseur de leur cause face à Symon Budny. Son mariage avec une fille d’un des Frères lui fera intégrer la communauté. Les Frères seront aussi appelés les socinés

En 1658, les socinés considérés comme collaborateurs des envahisseurs protestants suédois seront chassés de Pologne et l’Ecclasia Minor dissoute par le Sjem[23]. Certains d’entre eux se réfugieront en Transylvanie. (Voir https://www.revolvy.com/main/index.php?s=Ecclesia Minor&item_type=topic ).


Michel Servet

Michel Servet (1509/11 ?- 1553) est originaire de Villanueva en Aragon, d’où son surnom de Michel de Villeneuve. Il fait des études à Saragosse, à Toulouse puis en Italie avant de devenir le secrétaire du confesseur de Charles-Quint. Cette position lui fera rencontrer les grands réformateurs suisses, allemands et alsaciens (Melanchthon, Bucer, Œcolampade).

En 1531, Wolfgang Capiton[24] l’accueille à Strasbourg où il rencontre l’anabaptiste Melchior Hoffman arrivé la même année et les spiritualistes (réformés spirituels), Sébastien Franck et Caspar Schwenckfeld (voir Renaissance/Mystique) arrivés à Strasbourg en 1529. Alors qu’il n’a qu’une vingtaine d’années, il remet déjà en cause le dogme de la Sainte Trinité dans son De Trinitatis Erroribus (Haguenau, 1531).

En 1532, il écrit Dialogorum de Trinitate et De Justitia Regni Christi sous le pseudonyme de Michel de Villeneuve.

En 1534, éclate l’Affaire des Placards. Il se réfugie prudemment à Lyon[25] où il travaille un temps dans une imprimerie. Il fait la connaissance du médecin Symphorien Champier (voir Humanisme/Humanisme Français/) qui l’ouvre à la médecine.

Venu à Paris en 1537 pour faire des études de médecine, il publie un ouvrage sur la circulation du sang qui anticipe sur les travaux de William Harvey (1578-1667)[26]. Il y rencontre Calvin avec lequel il correspond essentiellement sur la question de la Trinité.

En 1540, après des ennuis avec le Parlement de Paris pour avoir pris des positions sur l’astrologie et la divination, contraires à celle de la faculté de Médecine, il est de retour à Lyon. Il devient médecin de l’archevêque de Vienne.


« La ‘Christianismi restitutio’[27] qu'il publie anonymement à Vienne en 1553 apparaît, dans son titre même, comme une réplique à ‘l'Institution’ de Calvin. La divinité du Christ y est niée en même temps que le dogme trinitaire. ».(http/::www.universalis.fr:encyclopedie:michel-servet:)

A ces écrits compromettants, s’ajoute sa correspondance avec Calvin dans laquelle selon son dénonciateur à l’inquisition, la divinité du Christ ne serait pas reconnue à l’instar des arianistes. Au printemps 1533, Servet est consigné à résidence dans le palais épiscopal. Il s’évade et se réfugie à Genève. A l’issu d’un premier procès, il est condamné à mort et il est brulé en effigie comme hérétique, suivi de l’autodafé de la ‘Restitution’. A l’automne, il est arrêté par les calvinistes et mis en prison dans des conditions de vie déplorables. Il incrimine Calvin et demande à ce qu’il soit aussi jugé. Calvin, qui fut en la matière juge et parti, pour affermir une autorité devenue fragile face à la forte opposition des libertins qui détenaient le conseil de la ville, se dit favorable à sa condamnation. Servet est brûlé vif un mois plus tard.


Michel Servet reste la figure martyre de la Réforme et la figure de proue de la liberté de conscience sous la Renaissance. Il a suscité en ce sens une importante bibliographie.

Sébastien Castellion (1515-1563) publiera après l’exécution de Michel Servet, en 1553, une véritable charge contre Calvin, le Traité des Hérétiques dans lequel à l’appui de citations des Pères de l’Église, de Luther et d’Érasme qui avait lui-même remis en cause le trinitarisme[28], il conteste que l’on puisse convaincre de la vérité d’une croyance par la force. Il écrit cette phrase restée célèbre : « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. » Il fut soutenu dans son opposition à Calvin par des antitrinitaires italiens ayant fui la répression.

« Servet est un représentant de la Renaissance qui a foi en l’unité de toute réalité dans laquelle il ne distingue point de séparations. L’intelligence du mouvement du sang peut, lui semble-t-il, fournir la clé du mouvement des étoiles. Il n’y a pour lui qu’intensification d’un procédé naturel dans le passage de la respiration à l’inspiration, de la génération à la régénération, du sens de la vue à la vision intérieure, de la naissance à la naissance nouvelle dans l’esprit. Plutôt que panthéiste, Servet est émanatiste. Dieu confère l’être, l’essence et l’individualité à tout ce qui existe ; il est le fondement de toutes choses, l’unité fondamentale de l’univers et de ses éléments. De là, l’opposition raisonnée et irréductible de Servet au dogme de la Trinité, qu’il appelle ‘Cerbère à trois têtes’[29]».


Johannes Campanus et les Spiritualistes

Une autre victime de l’intransigeance des réformés, fussent-ils théologiquement non radicaux, est le flamand Johannes Campanus (1500-1575) resté 26 ans en prison. Évêque de Liège, disciple de l’anabaptiste Melchior Hoffman, il publie en 1532 En opposition au monde entier depuis les apôtres, en lequel il énonce que le Saint-Esprit n’est pas une des trois Personnes mais une puissance divine.

Campanus fait partie avec entre autres l’historien Sébastien Franck (1499-1543), Caspard Swchenckfeld (1490-1561) et Valentin Wiegel (1533-1588) du courant spiritualiste des réformés, courant de tendance mystique qui met plus l’accent sur la ‘possession’ du cœur par le Saint-Esprit que sur l’Écriture, la littéralité de la Bible. Georges Fox ( 1624-1691) et la Société religieuse des Amis (les Quakers ou Trembleurs) aux XVIIème siècle seront dans cette continuité spiritualiste, parlant de la « lumière intérieure » du christ qui séjourne dans cœur du fidèle et le guide. (Voir Renaissance/ Spirit.Philo./ Mysticisme)


Notes
[1] http://www.newworldencyclopedia.org/entry/Thomas_Münzter

[2] Passages et citations : GAMEO/ Anabaptism et /Antitrinistarism. GAMEO explique l’antitrinitarisme par un « rationalisme doctrinal …les auteurs du Nouveau Testament eux-mêmes, n'utilisant pas encore le terme «Trinité», usent d’une formule qui ne permet pas une distinction claire des Personnes Divines ». Ce qui conduit les antitrinitaires à l’adoption intellectuelle (rationnelle) d’une telle doctrine.

[3] « Cathare est né au milieu du XIIe siècle sous la plume d’un moine rhénan, Eckbert de Shönau, qui les nomme ketter (sorciers adorateurs du chat) dérivé de ketzer ou katze, chat en Allemand ancien. [On peut lire sous la plume du théologien] Alain de Lille dans De fide catholica (vers 1200) qui le rattache au mot latin catus: «car à ce qu’on dit, ils baisent le derrière d’un chat», accusation infamante, faite pour assimiler nos hérétiques à d’odieux adorateurs du diable, ou à de vulgaires sorciers, puisqu’au Moyen-Âge, le chat était un animal diabolique. Alain de Lille n’occulte pas cependant une possible étymologie grecque, bâtie sur la racine cathar, mais uniquement parce qu’elle signifie purge, écoulement, et que les hérétiques «suintent de vices»... On est bien loin d’une idée de pureté, et jamais on s’en doute, il n’est apparu dans un écrit «cathare». Eux-mêmes s’appelaient «chrétiens» ou « Bons chrétiens ». Ils sont désignés sous le terme de parfaits et de parfaites (hérétiques) par leurs inquisiteurs. Citation et pour en savoir plus : Hélène Darret, ‘Cathare et Catharisme’,http://icm.catholique.fr/istrmarseille/wp-content/uploads/2017/01/ Cathares-catharisme-2017-01-04.pdf)

[4] A noter que dans les premiers temps du christianisme le baptême se faisait par immersion à quasiment l’âge adulte.

[5] Henri Pero : « La force de notre Église protestante unie de France est qu’elle rassemble des chrétiens qui ont des façons de croire extrêmement variées, voire parfois assez opposées. Nous appelons ce type d’Église « multitudiniste » par opposition aux Églises confessantes, rassemblées autour d’une même confession de foi. » (https://www.evangile-et-liberte.net/2016/05/une-eglise-de-multitude/). Ces églises ne demandent pas de proclamation de la foi à leurs adhérents.

[6] Jacques Brosse, ‘Maîtres Spirituels’ Bordas 1988.

[7] Sébastien Franck après des études entre autres à Heidelberg exerce la prêtrise à Augsbourg en 1519, quitte le catholicisme en 1525 et devient pasteur évangélique. Il est le grand historien et un éminent représentant de ce que l’on nommera plus tard la libre-pensée en ce sens qu’il rejette tout dogmatisme au nom de la liberté de penser et de la tolérance. Il est un des quatre grands spirituels du 16ème siècle avec C. Schwenckfelf, Valentin Wiegel (1533-1588) et le flamand Johannes Campanus (1500-1575

[8] Liste des douze articles :

http://www.global-ethic-now.de/pdf/0c-politik/FRA/02-menschenrechte/Douze_Articles_Memmingen.pdf

[9] Pour en savoir plus et citations : Jean Delumeau :Une histoire du paradis: Mille ans de bonheur (Fayard 1995) et Jean-Baptiste Noé, ‘La Ruine de Münster’ (http://www.jbnoe.fr/La-ruine-de-Munster) qui se réfère à Barret/Gurgand dans Le roi des derniers jours, Paris, Hachette, 1981.

[10] Selon Jean Delumeau, deux disciples de Jan Matthijs précédèrent la venue dans la ville de lui-même et de Jean de Leyde, arrivés ensemble, fuyant la répression au Pays-Bas.. Selon Jean-Baptiste Noé et d’autres sources, Matthijs aurait envoyé de Leyde en premier prêcher à Münster

[11] Le terme de restitution (restauration) avait une connotation subversive puisque l’antitrinitariste J.Campanus, avait écrit en 1532, ’Restitution de la Divine Écriture’. Ce terme fut repris par Guillaume Postel dans ‘Restitution de toutes choses’, et par Michel Servet dans ‘Restitution du Christianisme’ (1553).(J. Delumeau ref. citée) ; Pour Guillaume Postel voir Humanisme/Mouvement Hébraïsant.

[12] Hoffman résume là la position de certaines Églises évangélistes contemporaines quant à la littéralité de la Bible. Pour elle, il n’y a pas de sens caché, de sens second de la Bible alors que la tradition chrétienne donne quatre niveaux de lecture de la Bible : Littéral, allégorique, figuré (ou moral) et spirituel.

[13] Cité et pour en savoir plus sur la réforme du mariage et la tentative d’instaurer la polygamie, voir Catherine Dejeumont, La réforme du mariage dans la communauté anabaptiste de Münster : quelle utopie ? https://clio.revues.org/3802).

[14] « Deux bourgmestres Knipperdollinck et Kippenbrock » (J.B. Noé ref. citée)

[15] Citation et pour en savoir plus sur l’anabaptisme et les groupes dissidents réfugiés en Alsace : Marc Lienhard ‘Le temps des confessions (1530-1620): Histoire du christianisme’, Édit Desclée 1992, T.8, Pg 124)

[16]Sources principales :

    1)http://www.universalis.fr/encyclopedie/freres-moraves/)

    2)http://www.museeprotestant.org/notice/le-protestantisme-en-republique-tcheque/
    3)http://libertedecroyance.blogspot.fr/2009/10/lunite-des-freres-moraves.html

[17] Ce type de communauté ne peut pas ne pas faire penser aux communautés hippies des années 1970 aux USA, en Europe… et au Japon.

[18]Pour en savoir plus: http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/hutterites-1/

[19] Cité par Luc Fritz Cours V : Initiation à La théologie Patristique :

 http://www.patristique.org/sites/patristique.org/IMG/pdf/Cours_V_-_2006.pdf. 

Les monarchiens (de monarchianisme) défendent une conception unitariste (monarchique) de Dieu sans délégation de pouvoir ni au Fils ni au Saint-Esprit. Luc Fritz : «Le monarchianisme est une position théologique qui affirme l'existence d'un principe premier unique. En tant que telle, l'affirmation est orthodoxe. Elle devient hétérodoxe dès lors qu'elle cherche à s'imposer aux dépens d'un autre donné fondamental de la foi chrétienne, à savoir que Dieu est trine. »

[20] C’est l’empereur Constantin (280-337) qui prie l’initiative de convoquer en 325 le premier des concile à Nicée (actuelle Iznik, n.o.Turquie) et de désigner lui-même les évêques qui y participeraient. La minorité paulinienne triompha de la majorité arianiste. Constantin ordonna l’exil d’Arius. Il instaurait ainsi le ‘césaropapisme’. La nomination des évêques sera un des points de tension des plus forts de la Réforme Grégorienne (Grégoire VII), entre pape et empereur du St Empire au XIème Siècle ( voir.B.M.A./Philo.Spirit/L'an Mil/ La Réforme Grégorienne)

[21] En 325, le Concile de Nicée, qui établira l'orthodoxie de la foi chrétienne affirmera la croyance en un Dieu créateur, en son fils engendré et de même substance ("consubstantiel au Père") et en le Saint-Esprit. Ousia, (essence) et hypostase (substance) avaient la même acception. Mais, il a été rajouté (dans la pratique) au Credo issu de ce concile que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Ce qui créa une problématique connue depuis sous le nom de ‘La Question du Filioque (du Fils)’. Il s'agit de savoir si le Saint-Esprit (que Saint Jean appelle le Consolateur) procède du Père seul ou du Père et du Fils. Selon la doctrine du Filioque, le Saint-Esprit procède du Père de façon "immédiate", et du Fils de façon "médiate". Le Fils joue un rôle de médiateur dans la procession Père-Saint esprit. «Le Saint-Esprit, écrit Augustin, procède principellement [principaliter] du Père et, par le don intemporel de celui-ci au Fils, du Père et du Fils en communion [communier]» Les positions divergentes sur cette question entre les Églises Chrétiennes d'Orient et d'Occident furent une des causes et non des moindres de leur séparation par le Schisme Orient-Occident de1054, les orientaux rejetant cette doctrine latine. Au XIVème siècle, Grégoire de Palamas (1296-1359), saint de l'église orthodoxe, s'opposait sur cette question à toutes tentatives de réconciliation des deux églises. (Voir aussi Tome 1/ Philosophie et Spiritualité.//1100/Gilbert de la Porrée ; voir également Renaissance/ La Crise Chrétienne/ Concile de Bâle)

[22] Selon l’Encyclopédie Universalis, dans les articles sur la Réforme Radicale et sur l’Antitrinitarisme, bien qu’aucunes autres sources référencées pour la présentation de l’Anabaptisme ne le confirment. Sur Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Antitrinitarisme), il est fait mention sous la Renaissance « d’un regain d'intérêt [pour l’antitrinitarisme] sous l’impulsion de Melchior Hoffman et de Johannes Campanus (1500- 1575) présentés comme adeptes de la conception symbolique de l’eucharistie de Zwingli. Toujours selon cet article, l’antitrinitarisme de la Renaissance aurait évolué vers l’unitarisme [… ?].Par ailleurs, Fabien Girard sur son blog (http://libertedecroyance.blogspot.fr/2009/10/lunite-des-freres-moraves.html) fait mention de « L’Unité des Frères Moraves [Tchèques ndrl], communauté de sensibilité Hussite, comme antitrinitaire et anabaptiste à ses origines. (Voir Huttérites et Hussites).

Pour une chronologie de l’antitrinitarisme voir : http://libertedecroyance. blogspot.fr/2008/02/chronologie-delantitrinitarisme.html

[23] Parlement polonais dans le Royaume de Pologne constitué des deux chambres, basse (les élus), haute (Sénat) et le roi.

[24] Selon les sources, c’est soit Wolfgang Capiton soit Matthias Zell qui l’accueille chez lui…

[25] Les sources indiquent que Servet aurait quitté Strasbourg de crainte des conséquences de l’Affaire des Placards. Il est pourtant à noter qu’à cette époque Strasbourg est’ ville d’empire’ , à savoir qu’elle est sous l’autorité de l’empire donc de Ferdinand d’Habsbourg, frère de Charles-Quint et futur empereur des romains, et non de François 1er, et qu’elle est gouvernée selon une constitution républicaine depuis le XIVème siècle . A telle enseigne que Strasbourg et l’Alsace seront épargnées par la Guerre de Cent Ans.

[26] « Jusqu’au XVIIe siècle, on pensait que c’était le foie qui produisait le sang, tandis que le cœur le chargeait d’un esprit vital qui distribuait la vie dans l’ensemble du corps. Mais en 1628, les observations du médecin anglais William Harvey révèlent que le volume de sang est constant pour un individu donné et que le cœur est une simple pompe qui le fait circuler » (https/::www.reseau-canope.fr:corpus:video:harvey-et-la-circulation-sanguine-140.html).

[27] Sur le terme de’ restitutio’ et ses acceptions voir Le Royaume de Münster : Une Aventure Millénariste

[28] L’Église lui reprochera comme hérétique "de nier la Trinité, l'Incarnation, la présence eucharistique" et de "réhabiliter la chair"(M.de Gandillac, Histoire de la Philosophie de la Renaissance, Édit Gallimard 1973 ).

[29] Jean Meyhoffer, présentation du Livre de Roland H. Bainton, Michel Servet hérétique et martyr. Revue belge de philologie et d'histoire Année 1954 Volume 32 Numéro 4pp. 1188-1190 (http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1954_num_32_4_1924_t1_1188_0000_1)


LA RÉFORME EN FRANCE

Le Contexte - Humanisme :1ère et 2ème Générations


Le Contexte

Le Concordat de Bologne et Le Gallicanisme 1516

En 1516, un an après son arrivée sur le trône, François 1er par le Concordat de Bologne, soumet l’Église de France à l’autorité royale. Il faut remonter à la Querelle des Investiture pour retrouver cette confrontation entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel quant au droit d’investiture. Cette querelle dans le cadre de la Réforme Grégorienne avait vu s’affronter, en 1074, le pape Grégoire IV l’empereur du St Empire et le roi de France Le pape avait obtenu un compromis pour la nomination des prélats (voir Tome 1/An MIL), : le pouvoir temporel les nommait, le pouvoir spirituel les investissait. Avec ce concordat, le roi de France reprenait la main mise sur ‘son’ clergé.

Ce concordat est signé à Bologne en plein Ve Concile de Latran (1512-1517) au cours duquel seront prises des mesures disciplinaires tels cette censure qui oblige au contrôle par l’Église des textes imprimés et un début de réforme des mœurs ecclésiastiques. Ce concile ratifiera le concordat de Bologne qui aura été le fruit de longues tractations entre le vainqueur de Marignan et le Pape Léon X. Il est finalement entériné par la bulle papale Primitiva illa ecclesia. L’autorité papale qui avait été amoindrie après la manifestation du concialirisme au Concile de Bâle (1431-1448) pendant lequel les évêques avait proclamé l’autorité du concile supérieure à celle du pape, se trouvait tant soit peu renforcée puisque était reconnue au pape son autorité sur les conciles régionaux mais non sur les généraux (œcuméniques), rassemblant, eux, tous les évêques du monde chrétien.


Outre le profit pour François 1er  de voir rentrer dans la cassette royale les bénéfices de tous les évêchés et toutes les abbayes du royaume, il nomme les évêques qui ne sont donc plus élus, le pape continuant à les investir de leur mission apostolique et juridique dans sa juridiction (son diocèse). Déjà Charles VII en proclament en 1438 la Pragmatique Sanction[1] de Bourges  avait entamé l’autorité papale sur les évêques en remettant à la charge royale l’administration des diocèses et abbayes. Véritable naissance du gallicanisme, la Pragmatique Sanction retirait au pape le droit de nommer les évêques et abbés qui étaient désormais respectivement élus par les chanoines et les moines. Le Concordat de Bologne de 1516 ira plus loin en remettant leur nomination entre les mains du roi.


Le gallicanisme trouve ses origines à la fin du XIIIème siècle lorsque Philipe le Bel (1268-1314) impose sans l’avis du pape, au clergé, un impôt, la décime. Malgré la réaction de Boniface VIII qui interdit aux évêques de verser l’impôt, le roi finit par avoir gain de cause en mettant un interdit de transfert d’argent qui prive le pape de ses ressources françaises. Après la Pragmatique Sanction et le Concordat de Bologne, ce sera la Déclaration des Quatre Articles de Louis XIV qui, en 1682, va mener le gallicanisme à sa pleine manifestation : est entérinée l’Ordonnance de St Germain en Laye de 1673 qui étendait aux évêchés du Midi et de la Bretagne le Droit de Régale (d’où régalien) qui, depuis le Moyen-âge, permettait au roi de percevoir les bénéfices des évêchés et des abbayes le temps que le nouvel évêque ou abbé soient nommés. Le roi remettait à l’évêque qui avait fait serment de fidélité au roi, son évêché et ses biens (régale temporaire). Le roi ayant alors pouvoir de nomination, la vacance à la tête de l’évêché ou de l’abbaye pouvait être fort longue.


Mais encore, les Quatre Articles sont l’aboutissement de ce long processus d’indépendance de l’Église de France voulu par le roi vis-à-vis de la papauté à laquelle n’est réservé que ce qui touche à la foi et à la doctrine (premier article), dont l’infaillibilité n’est plus reconnue (deuxième article), qui n’a plus autorité sur les conciles régionaux (nationaux) contrairement à ce qui avait été convenu au Concordat de Bologne, et qui se voit opposer une affirmation ferme du gallicanisme (quatrième article).

Les Ultramontains, essentiellement représentés par les jansénistes au XVIIème siècle et par Lamennais au XIXème siècle, s’opposeront à ce mouvement d’autonomie en défendant l’autorité qui a son siège au-delà des monts (alpins), d’où leur noms, et en soutenant la prévalence du pape en matière de foi et d’administration sur tous les diocèses et conciles.

Le Concordat de Bologne sera révoqué par l’Assemblée Constituante de 1790.


Les Premiers Signes de la Réforme

En 1521, le commentaire sur les Évangiles, de Lefèvre d’ Étaples , alors âgé de 70 ans (†1537), les foudres de la Sorbonne. Il se réfugie avec un noyau d'élèves à Meaux auprès d’un de ses élèves, Guillaume Briçonnet, qui, évêque de la ville, en fait son vicaire général. Lefèvre fonde cette même année le Cénacle de Meaux, foyer réformiste d'humanistes évangélistes qui prônent un retour à Église originelle et la prédication des Écritures dans les paroisses. Il commence à Meaux sa traduction en français du Nouveau Testament à partir de la Vulgate. Achevée en 1524, elle fut distribuée gratuitement à la population de Meaux (Guillaume de Félice et François Boniface). Marguerite de Valois-Angoulême, sœur du roi, future reine de Navarre, en reçut un exemplaire dont elle fit l’éloge autour d’elle. Luther se serait enthousiasmé pour cette traduction en français (?).

« De là, les commencements de plusieurs Églises. Cette influence fut si grande que c'était en France une locution proverbiale, dans la première moitié du seizième siècle, de désigner tous les adversaires de Rome sous le nom d'hérétiques de Meaux.» (Guillaume de Félice et François Boniface, Op. cit.)

Louise de Savoie, mère de François 1er qui tenait les rennes du pouvoir en son absence aiguisait la répression. Meaux et son cénacle connurent leurs martyrs : Jean de Caturce, prêtre et professeur, natif de Limoux, fut brulé pour hérésie en 1524 ; Jean Leclerc fut fouetté pendant trois jours en places publiques de Paris et de Meaux et eut le front marqué au fer rouge pour avoir afficher des placards sur lesquels il accusait le pape d’être l’antéchrist ; Jacques Peuvent (ou Pavanes), disciple de Briçonnet, auteur d’écrits contre le purgatoire, les saints et la Vierge, fut brûlé en 1525 sur la Place de Grève (actuellement place de l’Hôtel de Ville) (Mr G.T. Douin, Musée des Protestans Célèbres, Chez Weyer,Treuttel-Wurtz, Scherff, Paris 1822)

Louis de Berquin, d’ascendance noble, fut un autre martyr de la foi protestante. Emprisonné à plusieurs reprises à la suite de paroles et d’écrits qui avaient un grand retentissement dans Paris, il fut étranglé et brulé en place de Grève en 1529.


L’historien de la Réforme, Henri Mauser, considère que « ni l’humanisme, ni la réforme ne sont constitués en France vers 1530…En ce sens que les humanistes sont pénétrés de ces idées que l’on appelle déjà évangéliques …Tous les humanistes français sont alors protestants…(dit autrement) Il n’’y a pas de protestants français car la Réforme française n’a pas encore pris couleur de protestation[2]». Selon lui, Calvin aurait interrompu un « développement harmonieux » de « l’hérésie française » de Meaux (Cénacle de Meaux). (J. Rousselot de Melin Revue d'histoire de l'Église de France Année 1931 74 pp. 27-81, https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1931_num_17_74_2566#)


« La réforme catholique en France se manifeste plus tardivement dans la société que dans les Ordres traditionnels. C’est au XVIIe siècle notamment avec l’arrivée de la réforme des carmels thérésiens en France à partir de 1604 et la levée de grandes figures qui forment ce qu’Henri Bremond a appelé l’École française de spiritualité, autour du christocentrisme de Pierre de Bérulle, que se forge le renouveau spirituel. L’accent particulier mis sur l’Incarnation est sujet de contemplation et d’action créative, constituant l’originalité de la spiritualité française[3]».


L’ Affaire des Placards 1534

Outre le Cénacle de Meaux qui fut le premier foyer de la Réforme en France, dès 1520, les idées réformatrices de Luther et Zwingli avaient commencé à pénétrer dans une France ouverte aux conceptions nouvelles que favorisait l’esprit de la Renaissance. La Normandie n’allait pas tarder à être surnommée ‘La petite Allemagne’ (lettre de Bucer à Luther, cité par Guillaume de Félice et François Boniface).

Jusqu’à l’Affaire des Placards, en 1534, François 1er, roi de la Renaissance Française, fondateur en 1530 du Collège des Lecteurs Royaux (futur Collège de France), ouvert aux idées nouvelles, et qui avait fait sursoir le jugement de Berquin, avait été plutôt clément envers les réformés et avait même su s’allier les bonnes grâces des luthériens dans sa rivalité à Charles-Quint. Mais avec cette affaire, François 1er commença à exercer une répression de plus en plus féroce contre les calvinistes français même si un an plus tard, il tenta une conciliation par l’Édit de Coucy qui laissait six mois aux réformés pour abjurer leur foi.


L’Affaire des Placards (de placarder : afficher) éclate en octobre 1534[4] : Des protestants affichent dans différents lieux de France et jusque sur la porte de la chambre du roi, à Amboise, des placards écrits par un disciple de Zwingli, Antoine Marcourt, et imprimés à Zurich. La messe et l’eucharistie y sont mises à mal. Se sentant insulté dans sa mission sacrée de roi de droit divin, François 1er ordonne la fermeture des imprimeries et des librairies pour empêcher toute autre diffusion rebelle. En janvier 1535, six hérétiques sont condamnés au bûcher. En 1545, il donne son aval à une expédition armée dans le Massif du Luberon (Sud de la France) qui se soldera par le massacre de plus de 3000 vaudois en 1546[5]. L’année suivante, l’imprimeur des humanistes, Étienne Dolet, sera brulé vif à Paris, Place Maubert dont le nom pourrait venir de Maître Albert le Grand (†1280).


La Répression des Vaudois

Un arrêté du Parlement d’Aix en Provence ordonnait en 1540 que 17 habitants du village de Mérindol (Vaucluse), foyer vaudois, soient brulés vifs, les familles arrêtées, emprisonnées ou bannies et le village brûlé. La population vaudoise de Mérindol et d’autres villages des environs comptaient alors 18000 âmes.[6] François 1er, selon les accords passait avec Charles-Quint et le Pape Paul III sur la politique à suivre face à la religion proscrite, donna son aval en 1545 : Le Baron d’Oppède finança l’expédition des mercenaires qui firent une véritable massacre ; ceux et celles de tout âge qui ne furent pas occis sur place furent arrêtés, sommairement jugés et exécutés. L’affaire fut amenée par les vaudois échappés, survivants, devant le Parlement de Paris en 1550 et seul l’avocat général Guérin fut condamné à mort mais pour… malversation financières sur les deniers du roi. (Guillaume et Boniface Op. cit.)


L’Édit de Chateaubriand 1551

La répression s’accentue à la montée sur le trône, en 1547, du fils ainé de François 1er, Henri II ; répression qu’il poursuivra jusqu’à sa mort en 1559. L’Édit de Chateaubriand, qu’il promulgue en 1551 est un véritable édit de la censure, un contrôle strict sur tout ce qui s’imprime et particulièrement sur tous les écrits protestants. Pour stopper la montée en puissance des calvinistes, en 1560, un an après la mort d’Henri II, sous le bref règne du jeune roi François II qui meurt cette année-là à l’âge de seize ans, les Guise engagèrent une vague de condamnation qui alla jusqu’à faire monter sur le bûcher, un membre du parlement de Paris, Ann du Bourg, réfractaire à cette sévère politique. Politique d’une rigueur telle qu’elle amena des membres de la noblesse à vouloir empêcher la Maison de Guise de régenter la France – le nouveau roi Charles IX n’a alors que dix ans. Des nobles protestants ourdirent la Conjuration d’Amboise. Leurs troupes constituées de gens du peuple payés pour la circonstance tentèrent de s’emparer de la personne du roi et d’éliminer les Guises. Leur château est défendu par le Duc de Nemours, le Duc de Guise et par… Louis de Condé, oncle du futur Henri IV, qui, après avoir été l’homme de l’ombre de la Conjuration d’Amboise, a vu le vent tourner. Les troupes de la conjuration seront réprimées dans le sang et compteront 1200 victimes.


Le Colloque de Poissy 1561

Malgré cette répression, en 1559, se tient le premier synode des  réformés français qui sont calvinistes et qui ne s’appellent pas encore les huguenots. La France est sous une telle tension qu’en octobre 1561, Catherine de Médicis,  au nom du roi, son dernier fils, organise à Poissy, un colloque réunissant catholiques et protestants parmi lesquels Théodore de Bèze. Cette tentative pour trouver un accord ne peut tourner qu’à l’échec tout comme l’amnistie pour les conjurés reste sans effet car les massacres des protestants se poursuivent. Entre le colloque et l’Édit de St Germain-en-Laye qui va suivre en 1562, a eu lieu le Massacre de Wassy, non loin de Paris (Joinville) sur les terres du Duc de Guise et une trentaine de protestants ont été massacrés à Cahors.

Cet Édit de St Germain-en-Laye de janvier 62 est une nouvelle tentative d’apaisement ; s’il autorise les réfractaires à pratiquer leur culte ce n’est qu’en dehors des villes. Louis 1er Duc de Bourbon-Condé, († 1569) - qui sera suivi dans son action par son fils, Henri 1er (†1588), mari de la Princesse de Clèves- prend la tête de ceux de ceux qui vont désormais s’appeler les huguenots. C’est le début des Guerres de Religions qui vont s’étaler sur plus de trois décennies, jusqu’à l'Édit de Nantes en 1598 par lequel le roi converti Henri IV accordera aux protestants les mêmes droits qu'aux catholiques, dont celui du culte.


Humanistes et Réformés

Lefèvre d’Étaples

Voir aussi Renaissance  Humanisme/France

« Lefèvre d’Étaples avait  entrepris de refaire la légende  des saints, mais il n'alla pas  jusqu'au bout ; car ayant lu attentivement la Bible pour compléter son travail, il  y avait vu que la sainteté de beaucoup de héros du  calendrier romain ressemble  peu à l'idéal de la vertu chrétienne. Une fois sur ce nouveau terrain, il ne le  quitta plus … il attaqua publiquement quelques-unes des erreurs de l'Église catholique. A la justice des œuvres extérieures, il opposa la justice par la foi, et annonça un prochain renouvellement dans la religion des peuples. Cela se passait en 1512. (Guillaume de Félice-François Boniface, Histoire du Protestantisme en France, Toulouse- Société des Livres Religieux ,1880).


Guillaume Farel

Le Cénacle de Meaux qui sera dissout en 1525, aura été fréquenté notamment par le jeune Guillaume Farel (1489-1565), né à Gap,  très proche de Lefèvre. Ses prises de position condamnées par la Sorbonne, il partit prêcher dans le Dauphiné d’où il était originaire (Gap), puis à Bâle que son opposition à Érasme obligera à quitter. Accueilli par Martin Bucer à Strasbourg, il séjournera ensuite à Genève (1532-1536) d’où il fera venir Calvin avec qui il travaillera jusqu’à l’établissement définitif de la réforme dans la ville en 1536. En 1542, il est invité à prêcher à Montbéliard (Comté de Bourgogne) puis à Metz par la puissante famille Heu. Il meurt à Neuchâtel à l’âge de 76 ans. Il reste une grande figure du protestantisme naissant, un grand propagateur de la Réforme en Suisse Romane.


Marguerite de Navarre

Marguerite de Navarre 1492-1549), sœur de François 1er, Duchesse d’Alençon par son premier mariage, épouse en seconde noce, en 1527, Henri 1er d’Albret. Elle est ouverte aux idées nouvelles de la Renaissance mais aussi à celle de la Réforme. Elle accueille aussi bien l’humaniste évangélique, Lefèvre d’Étaples qui, arrivé à Nérac en 1531, y mourra en 1537 (voir Humanisme/France), que le poète du roi, Clément Marot (1496-1544) (voir Renaissance/ Littérature/Poésie) acquis aux idées de la Réforme, le réformé Jean Calvin et en 1560, son successeur à Genève, Théodore de Bèze . La faculté de Paris lui fera grief de ces accointances après avoir en 1531 accusé d’hérésie son aumônier, Gérard Roussel. Elle aura aussi tenu une place importante dans les lettres de la Renaissance notamment avec son l’Heptaméron paru en 1559 (voir Renaissance/ Littérature).

En 1555, leur fille Jeanne d’Albret succède à sa mère et instaure définitivement la Réforme en Navarre. A sa mort en 1572, son fil, Henri III lui succède sur le trône de Navarre et la même année, alors chef des huguenots, épouse la fille de Henri II, la Reine Margot (Marguerite de France, de Valois 1553-1615). Il deviendra roi de France sous le nom de Henri IV de Bourbon en 1589 après s’être converti au catholicisme. Son fameux mot « une messe vaut bien un royaume » est contesté par les historiens qui considèrent que sa conversion était sincère, et qu’il était suffisamment habile politique pour ne pas faire une déclaration aussi dédaigneuse envers les catholiques dont il devenait à la fois le chef et le roi.


La Réforme Calviniste

« A la fin du règne de François 1er et au début de celui de Henri II… on a calculé qu’ils formaient 1/6ème de la population [soit + de 16%]. (Guillaume et Boniface Op.cit.)

« Au plus fort de leur représentation en 1560, avant les guerres, le protestantisme ne recouvre que 10% de la population ». (Patrick Cabanel, http://www.fayard.fr/histoire-des-protestants-en-france-9782213626840.).

« Ce sont des régions entières du Royaume qui vont choisir la foi protestante, pour exemple, le département de la Charente, où l’on recensa jusqu’à 40% de sa population comme réformée. À Paris, la bourgeoisie va adhérer massivement et prendre plus de part dans les affaires politiques locales et nationales. »

 (http://lionel.mesnard.free.fr/lesite/Histoire-du-protestantisme-16eme-siecle.html).

Malgré la répression, en 1559, se tient le premier synode des réformés d’où ressort une profession de foi d’inspiration essentiellement calviniste en 40 articles et une première organisation des Églises françaises calquée sur le modèle genevois : consistoire des pasteurs élus et des « anciens », synodes régionaux et nationaux.

En 1571, Théodore de Bèze, successeur de Calvin à Genève présidera le Synode National de La Rochelle, d’où sortira la Confession de La Rochelle. Équivalente en quelque sorte de la Confession d’Augsbourg de 1530, elle reprend les 40 articles de Paris, cette fois non teintée de luthéranisme mais directement insufflée par le calvinisme. Théodore de Bèze la signe pour la Suisse, Jeanne d’Albret pour le Béarn et pour la France, l’amiral Gaspard de Coligny qui sera assassiné à la St Barthélémy.

L’activité de Calvin (†1564) se déroula pour grande partie hors de France, mais il fut toujours particulièrement attentif à l’évolution et à la progression du calvinisme français comme le montre la correspondance qu’il aura entretenue avec les protestants de France.


Les Huguenots

C’est de Genève que viendra le calvinisme mais aussi le terme de ‘Huguenot’ pour désigner les calvinistes français. Le mot est la contraction de ‘Eidgenossen’ (en allemand confédérés) et de Hugues. Ce nom est donné à l’origine aux confédérés, qui, sous la conduite de Hugues de Besançon, avaient signé le serment contre la domination savoyarde. Le mot se propagea en France dans les années 30 de façon péjorative. Mais ce n’est que sous les Guerres de Religions dans la seconde moitié du siècle, que le terme se généralisa et que les calvinistes français finirent par l’adopter.

« On doit observer que le nom de protestant ne fut généralement donné en France aux disciples de la Réforme qu'à la fin du dix-septième siècle, et il ne serait pas plus exact de les appeler ainsi, dans la première moitié de notre histoire, que de désigner sous le nom de Français les contemporains de Clovis. On les nomma dans les commencements luthériens, sacramentaires, puis calvinistes, huguenots, religionnaires, ou ceux de la religion. Ils s'appelaient eux-mêmes les évangéliques, les fidèles, les réformés. Le nom de protestant ne s'appliquait alors qu'aux disciples de la Réforme luthérienne en Allemagne. » (Guillaume de Félice et François Boniface, Histoire du Protestantisme en France, Toulouse - Société Des Livres Religieux - 1880 )

« Les huguenots français, à partir des années 1540, reconnaissent en lui [Calvin] sans équivoque leur chef spirituel. Le catéchisme genevois, Instruction et Confession de la foi dont on use en l'Église de Genève version définitive 1545 [Abrégé de L’Institution de la religion chrétienne de 1536] est adopté de facto par de nombreuses communautés protestantes, de la Picardie à la Provence. Calvin entretient avec elles des correspondances suivies ».(Michel Duchei , https://www.clio.frbibliotheque/calvin_et_le _calvinisme.asp).


Les Guerres de Religions 1562-1598

Voir Introduction Générale/Événements Majeurs


Notes
[1] La Pragmatique Sanction est une décret souverain.

[2] A savoir ce qu’on subit les martyrs précités, on peut considérer qu’une protestation était bien active avant 1530 et sa répression tout autant.

[3]http://autourdelhistoire.blog.lemonde.fr/2016/11/16/la-contre-reforme-catholique. A rappeler qu’en 1602, Madame Acarie (Marie de L’incarnation) chargera Bérulle de ramener d’Espagne quelques carmélites déchaussées en vue de fonder le premier couvent en France. 7 carmélites suivirent Bérulle à Paris dont Anne de Jésus. St François de Salles (1567-1622) aidera la première stigmatisée française dans sa mission. Le premier couvent sera situé rue St Jacques avant de se déplacer rue St Honoré. Le courant mystique autour de Pierre Bérulle, St Vincent de Paul et Charles de Condren fera également connaitre Catherine de Gênes (cf. Mytique/Italie).

[4] Il est à noter que cette même année, est instauré le supplice de la roue : le condamné était attaché à deux poutres horizontales en forme de croix de St André (X) et toutes ses articulations étaient brisées à coups de barre de fer, sans oublier la poitrine et l’abdomen. Puis il était porté sur une roue horizontale où il agonisait.

[5] Pour en savoir plus : Jean Groffier Le Feu Ardent, Édit Sud, Aix-Pce 1981

[6] Sur les Vaudois de Mérindol voir Guillaume de Félice et François Boniface op.cit. et Jean Groffier ’Le Feu Ardent’,Édit Sud, Aix-en-Pce 1981



LA RÉFORME EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE

L'Anglicanisme - L'Église Presbytérienne Écossaise


L’ Anglicanisme

Les Signes Avant-Coureurs

Au XIVème siècle, l’Angleterre avait connu au plan intérieur de forts soubresauts avec le soulèvement des Lollards qui, réunissant nobles et paysans, était allé jusqu’à une attaque de la Tour de Londres en 1381. Les Lollards s’opposaient tout autant au pouvoir royal qu’à celui du pape. John. Wyclif (†1384) qui n’était pas étranger à la naissance de ce mouvement s’élevait déjà contre le commerce des indulgences et prêchait pour un retour à une lecture directe de la Bible sans intermédiaire ecclésiastique. Bien que réprouvé, son soutien à la création d’une l’Église nationale bénéficiait à l’autorité royale dans sa politique extérieure.


En 1353, l’Angleterre proclamait la loi du praemunire ou praemunire facias « qui interdisait l'affirmation ou le maintien de la juridiction papale, impériale ou étrangère, ou d'une autre juridiction étrangère ou prétention de suprématie en Angleterre, contre la suprématie du monarque » (https://en.wikipedia.org/wiki/Praemunire). Cette loi, comme un avant goût de l’Acte de Suprématie de 1534, « aboutit à la suppression des provisions apostoliques mais aussi [à des] élections remettant ainsi les nominations entre les mains du roi. » (J. Chélini, Histoire Religieuse De L’occident Médiéval, Hachette 1991, Pg. 567).

 L’Angleterre conservait une hostilité ancestrale envers la France. Avant même le schisme de 1378, elle n’avait pas approuvé l’installation de la cour pontificale en Avignon en 1309. Lors du Grand Schisme (1378-1417), Richard II (†1400) soutint forcément le pape de Rome contre l’antipape d’Avignon qui recevait l’appui du roi de France Charles VI. Il arriva à faire signer au pape de Rome un concordat par lequel « le pape et le roi partageaient les prérogatives sur l’Église Anglaise : le roi désignait les évêques, le pape les investissait. » (J. Chéini ibidem). Accord qui remonte à la réforme de Grégoire IV et à la Querelle des Investitures dans le dernier quart du XIème siècle et que François 1er imposera à Léon X par le concordat de 1516.


Les rois suivants, Henri IV (†1413) et V (†1422) dénoncèrent ce concordat et reprirent une position plus ferme vis-à-vis de Rome. Au Cinquième Concile de Constance, Henri V, potentiel régent de France par le Traité de Troyes (1420), obtint du pape nouvellement élu, Martin V, un concordat en six articles dans lequel « aucun des droits du pontife n’est affirmé et les problèmes essentiels des nomination ne sont évoqués. Déjà l’Église anglaise suivait sa propre voie. » (J.Chélini Ibidem)

En 1539 est promulgué l' Acte des Six Articles qui confirme  la suprématie   de l'Église Anglicane sur l'Église  Romaine  et édite affirme notamment la réalité de la transubstantiation (présence réelle du Christ à l'Eucharistie), la célibat des prêtres, la nécessité de la confession et  l'autorisation de messes privées.


Les Divorces

La réforme anglicane commence véritable avec le divorce en 1534 d’Henri VIII (1491-1547) d’avec Catherine d’Aragon, fille de Ferdinand II d’Aragon et d’Isabelle de Castille, tante par sa sœur Jeanne La Folle de Charles Quint. Ce divorce sera celui aussi d’avec l’Église Romaine.

Henry VIII invoquait l’adultère pour avoir été en seconde noce la femme de son frère ainé, Arthur Tudor, Prince de Gales, Duc de Cornouailles, fils ainé de Charles VII et qui mourra en 1502 avant son père. Le véritable motif était qu’elle ne pouvait lui donner d’héritier mâle. Ils auront eu néanmoins six filles dont seule survécut la future reine Marie 1ère Tudor.

La difficulté qu’il rencontra à se séparer de la tante de l’empereur Charles Quint, le poussa à prendre des postions extrêmes.


En 1529, Henri VIII convoque alors ce que l’on a appelé « Le Parlement de la Réforme » :

« Henri VIII, conscient que la Chambre des Communes est prompt à exprimer la lassitude croissante qu’éprouvent les classes commerçantes et industrielles face au joug religieux, n’hésite pas en effet à encourager, pour mieux l’encadrer, la montée en puissance du Parlement… Il s’agissait d’établir une Église nationale, tout en conservant pour l’essentiel les articles de la foi catholique exception faite, bien entendu, de la suprématie spirituelle du pape sur l’Église d’Angleterre[1] ».

Le fin diplomate Thomas Wolsey qui a jusqu’alors servi son roi avec une particulière efficacité pour les intérêts de l’Angleterre doit répondre pour s’être opposé à ce divorce au chef d’accusation de trahison. Il est démis de ses fonctions de Premier Conseiller et de détenteur des sceaux du royaume. De relégation en relégation, de perte de droits en perte de positions, il meurt d’épuisement en 1530 alors qu’on le transporte à la Tour de Londres. Il est remplacé pas la grande figure de l’humanisme anglais, Thomas More qui sera lui-même décapité cinq ans plus tard en 1535 pour le même prétexte de haute trahison mais pour en fait ne pas avoir approuvé le remariage du roi et Anne Boleyn.

En 1531, Catherine d’Aragon, toujours reine, est expédiée, reléguée aux manoirs d'Ampthill et de Kimbolton et meurt cinq ans plus tard.

En 1532, Thomas Cranmer (1489-1556) devient archevêque de Cantorbéry au décès William Warham qui exerçait également les fonctions de Lord Chancelier (Ministre de la Justice). La réforme anglicane trouve en lui un de ses principaux artisans. En 1540, il écrit la préface à la traduction par Myles Coverdale de la première Bible en anglais, publiée en 1539 sous la direction de Thomas Cromwell[2]. Il écrit à partir de 1547 (après la mort d’Henri VIII) la liturgie réformée anglicane dans une langue anglaise remarquable par son style. Montée sur le trône, Marie Tudor la Catholique le fera brulé vif en 1556.


En 1534, par l’Acte de Suprématie, Henry VIII devient chef suprême de l’Église Anglicane. Il est excommunié ainsi que Thomas Cranmer.

En 1536, Henri VIII en réaction au refus papal de lui accorder le divorce confisque les biens monastiques et revend les bâtiments. Thomas Cromwell, Premier Conseiller prend une par active dans cette phase importante du détachement d’Henri VIII de l’autorité papale : les monastères sont dessaisis de leurs biens, les moines dispersés au quatre vents, quant aux université jusqu’alors sous tutelle papale vont voir leur bibliothèques vidées de tous les livres par trop papistes. Mais la réforme prenant des proportions que le roi ne souhaite pas, Cromwell ne va hésiter à emprisonner quelques grands du royaume. Il sera exécuté en 1540 accusé de mille maux, de favoriser les anabaptistes, de conspirer pour Marie Tudor la Catholique… mais surtout pour avoir organiser le mariage du roi avec sa quatrième épouse Anne de Clèves dont celui-ci veut se débarrasser. Thomas Wosley et Thomas More ont connu les mêmes fatales défaveurs du roi mais pour d’autres épouses.


Schisme ou Réforme

Roi tout à la fois redouté et populaire, Henri VIII Tudor était un bon catholique, et il conservera dans sa réforme, une fois devenu chef de l’Église Anglicane, les principes fondamentaux du christianisme romain. Homme de la Renaissance, goûtant aux arts et à la culture autant que la bonne chair, il écrit en 1521 un Traité de Théologie qui lui vaut la reconnaissance de Rome. 

En 1559, l 'Acte de Suprématie et d’Uniformité promulgué par Élisabeth 1ère fait suite à l'Acte de Suprématie de 1536 qui avait fait d'Henri VIII le chef de l'Église Anglicane. Il marque définitivement la politique de la reine, appelée 'Règlement Élisabéthain' du sceau de la rupture définitive d'avec l'Église de Rome, et crée les bases de la religion anglicane.  Élisabeth est alors non plus Chef Suprême de l'Église comme l'était son père mais Gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre. Tous les fonctionnaires sont désormais obligés de prêter un serment de loyauté au monarque (serment de Suprématie)  sous peine de perdre leur poste.

En 1563 sont votés les Trente Neuf Articles. Révision et ajout des Quarante Deux Articles de 1553 rédigés par Thomas Cranmer, ils  ne relèvent ni d’un calviniste strict, ni d’un protestantisme intransigeant permettant une tolérance des cultes selon le souhait de Élisabeth 1ère.
Il se définissent " à la fois par rapport au catholicisme et au puritanisme naissant.."


Dans la Réforme Anglicane, « Il s’agissait d’établir une Église nationale, tout en conservant pour l’essentiel les articles de la foi catholique exception faite, bien entendu, de la suprématie spirituelle du pape sur l’Église d’Angleterre… L’Église anglicane reconnaît pour chef, à la place du pape, le souverain temporel qui peut, de ce fait, faire élire par les chapitres les évêques de son choix. Le dogme, l’administration et la discipline du clergé demeurent cependant sous la direction des évêques et des archevêques, tandis que l’archevêque de Cantorbéry, primat du Royaume-Uni, couronne le souverain. Si l’Église anglicane a fait siens nombre des dogmes de Calvin, elle a en effet conservé, comme le catholicisme, une certaine pompe et une structure hiérarchique marquée. Sur le plan théologique, un mélange des genres similaire prévaut au sein des Trente-neuf Articles de Religion adoptés en 1563 par l’Église d’Angleterre [sous Élisabeth 1ère] pour se définir à la fois par rapport au catholicisme et au puritanisme naissant. Les anglicans reconnaissent la Trinité, l’incarnation, la résurrection du Christ et la divinité du Saint Esprit [3]». 


Il est à noter que malgré le souci de conciliation de la reine, c’est sous son règne que commenceront à être appliquées à des degrés divers selon les périodes, les mesures restrictives envers les catholiques anglais réfractaire qui seront appelés les ‘récusants’. L’humaniste et homme politique Thomas More (1478-1535), qui sera exécuté sur ordre d’Henri III dont il a été le conseiller,mais pour de tout autres réels motifs que religieux, est considéré comme un récusant de la première heure (Voir Humanisme).

Les anglicans reconnaissent les sacrements du baptême et de l’eucharistie. En ce qui concerne l’eucharistie, le réformateur alsacien, Martin Bucer (†1551), arrivé en Angleterre en 1549, s’occupa alors et entre autres de l’ordination qui confère à l’officiant le pouvoir de sacrement, c’est-à-dire le pouvoir de transsubstantiation commun donc aux catholiques et aux anglicans mais aussi aux orthodoxes. Mais en fait, il n’y a pas d’unité doctrinale entre les différentes églises anglicanes locales même si elles reconnaissent l’autorité de l’évêché de Cantorbury. Certains anglicans considèrent l’eucharistie de manière symbolique et mémorielle. Les 39 Articles rejetteront la transsubstantiation. Mais la majorité des anglicans reconnaissent la présence réelle du Christ dans les deux espèces sous lesquelles ils communient. Comme les protestants, ils rejettent le culte des saints et le purgatoire.


Les églises anglicanes sont autocéphales et fonctionnent sur le mode protestant des synodes. Diacres, prêtres et évêques ont le droit de se marier. Les prêtres sont ordonnés.

Les puritains sont les calvinistes anglais. Parmi eux, les Pilgrim Fathers (Pères Pèlerins) furent les premiers en 1620 à s’exiler sur le Mayflower pour s’installer aux États-Unis sur un territoire qui deviendra le Massachusetts.

 La réforme anglaise suscita de longues controverses même après son institution et ne fut pas sans incidence sur la guerre civile de 1649 et l’avènement de la république d’Olivier Cromwell.


La Parenthèse Catholique

A la mort d’Henry VIII en 1547, c’est son unique fils, qu’il a eu avec Jeanne Seymour, Édouard VI qui monte sur le trône en maintenant toutes les dispositions prises par son père. Il meurt en 1553. Sa demi-sœur, Marie Tudor, fille de Catherine d’Aragon, prend de force le pouvoir en faisant exécuter la Reine Blanche, sa cousine Jeanne Grey, que le feu roi avait désignée pour lui succéder mais qui ne put régner que neufs jours. Sur le trône d’Angleterre, Marie 1ère  la Catholique épouse l’année suivante, en 1554, dans une alliance des puissances catholiques, Philippe II d’Espagne et devient ainsi reine consort d’Espagne. Arrivée au pouvoir, elle avait maintenue les Six Articles promulgués en 1539 qui, entre autres, reconnaissaient la Transsubstantiation et interdisaient le mariage des ecclésiastiques avec saisie des biens mobiliers et immobiliers. Cette même année 1554 avec l’appui de son royal époux, elle fait abroger par le parlement l’Acte de Suprématie par lequel le roi était devenu chef de l’Église Anglicane: Les membres du clergé restent interdits de mariage, les biens religieux confisqués par Henri VIII ne sont pas rendus à Rome et la loi contre les hérétiques, le haeretico comburendo, (l'hérétique doit être brûlé) promulguée par Henri IV en1401est rétablie[4]. Thomas Cranmer et d’autres représentants importants de l’anglicanisme sont enfermés. Plus de deux cents. de personnes sont amenés au bûcher dont Cranmer et plusieurs évêques.

Cette politique répressive désapprouvée par ses conseillers la fit surnommer ‘The Bloody Queen’. En 1555, de nombreux anglicans se réfugièrent à Genève. John Knox,  pasteur des écossais en exil, à qui Calvin autorisa d’ouvrir dans cette ville un temple pour eux, leur imposa une nouvelle liturgie inspirée de la Forme des Prières Ecclésiastiques (1542) de Calvin.

En 1558, Marie meurt de maladie et sa demi-sœur, fille d’Anne Boleyn, Élisabeth 1er (1533-1603) monte sur le trône et ouvre un règne de 45 ans au cours duquel seront écrites et jouées parmi les plus belles pages de la culture anglaise et européenne.

Si les anglicans réfugiés à Genève se sont imprégnés du Calvinisme, si Bucer (†1551) a travaillé aux côtés de Thomas Cranmer, archevêque de Canterbury, à la première version du Book of Common Prayers,  pour autant, la doctrine de l’Église Anglicane exposée dans l’acte d’uniformité de 1562 (Cécile Guérin-Bargues) et les Trente Neuf Articles de 1563 -révision et ajout des Quarante Deux Articles de 1553 rédigés par l’archevêque – ne relèvent ni d’un calviniste strict, ni d’un protestantisme intransigeant. La Reine Vierge souhaita un consensus le plus large possible sur les questions doctrinales qui ne puisse heurter la sensibilité de chacun et les convergences avec le catholicisme ne furent pas ignorées. L’absence volontaire de rigueur doctrinal affirmée permit aux Églises anglicanes d’en faire des interprétations diverses au point qu’au fil du temps, ce texte ne revêtira plus de caractère officiel.


L’Église Presbytérienne en Écosse

John Knox

En Écosse, s'affrontaient les catholiques soutenus par la France et les nobles protestants soutenus par l'Angleterre[5]. Alors que la réforme luthérienne y était implantée dès 1525, John Knox (1505-1572), de retour en Écosse en 1559, introduisit le calvinisme.

Il avait auparavant fait des études de théologie et avait assumé dans les années 40 la charge de pasteur dans une petite paroisse au nord de l’Écosse. Les catholiques l’avaient fait prisonnier, et, expédié en France, il avait été condamné aux galères. Libéré au bout de deux ans, il s’était installé en 1549 en Angleterre où il s’était marié. Devenu l’aumônier d’Édouard VI qui succéda à son père Henry VIII, cette fonction lui permit de participer avec entre autres l’Alsacien en exil Martin Bucer (†1541) à la première version du Book of Common Prayers, rédigée sous l’égide de Thomas Cranmer, archevêque de Canterbury.

En 1553, la montée sur le trône de la reine catholique, Marie 1er Tudor, le force alors à quitter l’Angleterre. Il séjourne à Genève jusqu’en 1557 où il suit les cours de l’université et rencontre Calvin. Rencontre d’importance puisque après un séjour en Allemagne et un passage en Écosse, il revient à Genève, et devient pasteur des anglais protestants chassés comme lui de leur pays. Il leur impose une nouvelle liturgie inspirée de la Forme des Prières Ecclésiastiques (1542) de Calvin.

Il rentre définitivement dans son pays natal en 1559. En 1560, il fait voter par le parlement d’Édimbourg, une confession de foi calviniste qui supplante le luthéranisme. Son livre de liturgie, The Book of Common Order est totalement d'inspiration calviniste. Il fonde l'Église Presbytérienne d'Écosse. Les presbyters sont en Écosse l’équivalant des pasteurs.


L’Église Presbytérienne

« C'est, aujourd'hui encore, l'Église officielle de l'Écosse, par contraste avec l'Angleterre anglicane. D'ailleurs, en Angleterre même, malgré la résistance obstinée d'Élisabeth Ière et de ses successeurs Stuart, le calvinisme, appelé ici puritanisme, a de nombreux partisans, auxquels Guillaume III, en 1689, accordera la liberté de conscience et de culte. C'est par le canal de ces puritains anglais que le calvinisme entrera en Amérique du Nord, où il est toujours florissant aux États-Unis sous diverses dénominations ».   (Michel Duchein : https://www.clio.fr/Bibliotheque/calvin_et_le_calvinisme.asp
« Le calvinisme fut plus libre [que le luthéranisme, ndrl]: ses fidèles souvent dispersés (France, futurs États-Unis) ou vivant dans des pays à structure républicaine (Suisse, Provinces-Unies), il développa l'idée d'une juridiction ecclésiastique relativement autonome par rapport à la juridiction civile. Elle reposait sur le système presbytéro-synodal, structure représentative où laïcs et pasteurs partageaient les mêmes pouvoirs, composée au niveau local de Consistoires et au niveau régional ou national de Synodes. Enfin, le calvinisme était soucieux de faire respecter la discipline ecclésiastique; les consistoires veillèrent sur les croyances et les mœurs ». (https://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070424021827AAwm83d) 
Voir aussi :
La Gouvernance/ Ecclésiale


Notes

[1] Cécile Guérin-Bargues, Le Parlement de la Réforme et la Naissance de l’Église d’Angleterre, Jus Politicum n°16 http://juspoliticum.com/article/Le-Parlement-de-la-Reforme-et-la-naissance-de-l-Eglise-d-Angleterre-1104.html.

[2]  L’Anglais William Tyndale (1494-1536) acheva sa traduction du Nouveau Testament du grec en moyen anglais en 1525 à Wittenberg. Elle paraitra à Worms l’année suivante. Tyndale n’avait pu obtenir en Angleterre l’autorisation de traduire le N.T.

[3] Idem Cécile Guérin-Bargues]

[4] Henri IV Lancastre, né en 1367, roi d’Angleterre de 1339 à sa mort en 1413, fut le premier roi à parler anglais. C’est sous son règne que l’anglais devient la langue courante. Jusqu’alors et depuis l’invasion de l’Angleterre en 1066par le Duc de Normandie, Guillaume 1er le Conquérant(1027-1086), la langue de cour et officielle était le français. Le discours d’ouverture de la session du Parlement de Londres de1363 marqua la naissance officielle de la langue anglaise, le parler de Londres. Les délibérations et les déclarations se sont  faites à partir de ce moment en anglais et non plus en français. (Voir Tome 1/ Poésie Lyrique/Outre-manche)

[5] Voir Événements Majeurs/ Royaumes/Angleterre



LA RÉFORME AUX PAYS-BAS ET EN SCANDINAVIE

La Réforme aux Pays-Bas - La Réforme en Scandinavie



La Réforme aux Pays-Bas

En Belgique (à l’époque Belgique-Pays-Bas-Luxembourg-Flandres) l’opposition à l’Église romaine est aussi, voire surtout, une opposition au roi d’Espagne, Philippe II, fils de Charles Quint, et à la domination espagnole. Cette contestation se manifeste par le soulèvement des Gueux au milieu du XVIème siècle[1] et par la révolte menée par Guillaume d’Orange dit le Taciturne[2].  Statdhouder, représentant de l’Espagne, Guillaume prend pourtant la tête des calvinistes et catholiques unis contre le pouvoir royal. En 1579, il proclame par l’Union d’Utrecht,  l’autonomie des Provinces-Unies, sept provinces du Nord sur les dix sept provinces qui constituaient la Belgique ou Pays-Bas Espagnols, sous domination espagnole. Sont ainsi constituées les Provinces-Unies dont l’indépendance déjà de fait sera entérinée en 1648 au Traité de Westphalie. Tandis que les autres provinces, qui représentaient un territoire équivalent à l’actuelle Belgique, le Luxembourg et la Flandre française, vont constituer les Pays-Bas du Sud ou Belgica Regia et resteront sous la domination espagnole, jusqu’à ce qu’au début du XVIIIème siècle, elles passe de la domination des Habsbourg d’Espagne à celle des Habsbourg d’Autriche.

 Les calvinistes et les arminiens (ou arminianistes) auront joué un rôle déterminant dans cette indépendance des Provinces-Unies. 


Guy de Brès

Né à Mons, Guy de Brès (1522/23-1567) séjourna en Suisse, prêcha dans la région wallonne et fonda des églises comme à Amiens. Il joua un rôle essentiel dans l'introduction des idées de la Réforme au Pays-Bas. Sa  Confession de foy, faite d’un commun accord par les fidèles qui conversent ès pays-bas, lesquels désirent vivre selon la pureté de l’Evangile de nostre-Seigneur Jésus-Christ de1562 est entièrement d'inspiration calviniste. Sur sa vie voir : Académie Royale de Belgique Bibliographie Nationale de Belgique Tome 3.


Menno Simons

Voir : L’Anabaptisme/ Pays-Bas/ Menno Simons et Les Mennonites des Pays-Bas

Et  Divergences et Controverses / Gomarus, Armenius et la Fraternité des Remonstrants


La Réforme en Scandinavie

« Au début du XVIe siècle[3], la Scandinavie comprend les royaumes de Danemark-Norvège et celui de Suède-Finlande. Ils sont unis dans une fragile confédération (l’Union de Kalmar), qui s’écroulera sous l’impact de la Réforme : le luthéranisme s’impose rapidement et devient religion dominante. Il favorise la constitution d’Églises nationales soumises à l’État, et l’individualisation des langues nationales… Le luthéranisme, introduit par Hans Tausen (1494-1561), ancien moine qui avait été étudiant de Luther à Wittenberg, s’implante à partir de 1523 sous le règne de Frédéric 1er (1523-1533) [de Danemark] : la Diète d’Odense proclame la liberté religieuse et politique vis-à-vis de Rome. En 1530 une confession de foi explicitement luthérienne (affirmant la justification par la foi) est adoptée par le Roi (Confessio Hafniensis). Mais c’est sous le règne de son fils, le roi Christian III (1534-1559) que la Réforme luthérienne, imposée autoritairement par le roi, devient la religion nationale du Danemark…

En Norvège, la domination danoise impose le luthéranisme dès 1537, en vertu du principe Cujus regio, ejus religio. Comme au Danemark, les activités catholiques sont proscrites, la langue danoise remplace le latin et devient la langue liturgique. Mais ces changements sont mal reçus par les couches pauvres de la population, qui restent encore attachées à certaines traditions catholiques jusqu’au début du XVIIe siècle. De ce fait, le luthéranisme s’implantera de manière plus progressive et prudente qu’au Danemark.

En 1523, Gustave Vasa (1496-1560) chasse les Danois de Suède. Élu roi, en tant que héros de l’indépendance, il cherche à rompre les liens avec la papauté et à s’affranchir de la puissance économique de l’Église. Il s’appuie sur les frères Petri, disciples de Luther, pour introduire la Réforme en Suède. Dès 1527, la Diète de Vasterâs déclare que « la parole de Dieu doit être prêchée dans sa pureté dans tout le royaume ». C’est la naissance de l’Église nationale suédoise. »


Notes
[1] Voir Événements Majeurs/ la Révolte des Gueux

[2] A ne pas confondre avec son homonyme Guillaume III d’Orange (1650-1702) qui devint roi d’Angleterre en 1688 mettant fin au bref règne de Jacques II Stuart (Révolution Glorieuse).

[3] https://www.museeprotestant.org/notice/le-protestantisme-dans-les-pays-nordiques. Au vu de la clarté de la synthèse que ce site fait de la réforme en Scandinavie, l’auteur s’est autorisé une si longue citation.



LA RÉFORME PROTESTANTE  EN ITALIE

Introduction - L'Anabaptisme - L'Inquisition


Voir aussi La Contre-Réforme/ Réforme Catholique

Introduction

Les populations des péninsules européennes, l’italique et l’ibérique, fortement attachées à l’Église romaine, furent moins attirées par la Réforme, d'autant que la Contre-Réforme s'y exerça de manière plus vive avec la répression de toute forme d'hérésie et que l’Inquisition, notamment en Espagne, participa grandement à endiguer le courant réformateur. Les réformés furent nombreux à s’exiler vers les régions voisines. Calvin en accueillit certains et organisa pour eux une Église comme il l’avait fait pour les exilés anglais fuyant la répression de Marie la Catholique.

Convergence des Réformes

La péninsule italique compte à l’époque une quinzaine de villes-états ou de royaumes de plus ou grande influence et de plus ou moins grande indépendance. Pour les plus importants :

  • au Sud : le Royaume de Naples qui englobe la Calabre, la Sicile et la Sardaigne et que les rois de France croiront pouvoir disputer un temps à l’Empire ;
  • au Centre : les États Pontificaux;
  • Plus au Nord :
  • La République de Siennoise (domination française puis espagnole) ;
  • Le Principat de Florence (futur duché de Toscane) que les Médicis gardèrent en main contre les républicains ;  grâce à l’appui de l’Empereur et du pape Léon X (Giovanni di Lorenzo de' Medici);
  • Le Duché de Ferrare, gouverné par la famille d’Este ; 
  •       Au Nord :
  • Le Duché de Milan où les Sforza ont succédé aux Viscontien 1450 avant de céder la place par intermittence  aux Françaisde 1498 à 1530. Le duché passe ensuite sous domination espagnole jusqu’en 1714 où il passe sous domination autrichienne.
  • La République de Venise, quant à elle, dut faire face au début du siècle à la coalition des Français, du pape et de l’empereur Charles Quint et des états voisins. La Sérénissime résista et sortit renforcée de l’affrontement.


La Péninsule, à cette époque de la Renaissance Classique, restait un territoire instable où les rivalités entre les états ne s’apaisaient pas, même après le bouleversement provoqué par l’invasion des puissances étrangères pendant les Guerres d’Italie qui connurent des jeux d’alliances à rebondissements ; l’allié d’hier, devenu trop puissant et trop influent devenait la menace du lendemain.

Dès 1519, à la suite des 95 thèses de Luther, les idées réformatrices luthériennes, puis suisses, commencèrent à se répandre en Italie.

« Il est extrêmement difficile de distinguer en cette première période [avant 1542] le mouvement de ‘réforme catholique’ des premiers courants d’opinion favorables aux réformateurs [protestants]… mais aussi de percevoir avec netteté quelles étaient les préférences accordées à telle ou telle opinion réformatrice… On peut dire qu’au Nord se fit sentir l’influence de Luther, Zwingli puis Calvin, tandis qu’au Sud, se fera jour à partir de 1534 un cercle réformé dû à l’Espagnol Juan de Valdès.» » (Giovanni Gonnet Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'histoire des religions).

Nombre de ceux qui jouèrent un rôle important dans la Réforme Catholique, étaient humanistes, d’un humanisme d’inspiration chrétienne. Et dans la première phase de la Réforme italienne (avant l’inquisition romaine de 1542), les idées de Luther et de Calvin qui commençaient à pénétrer dans la péninsule allaient de concert avec la réforme catholique, les humanistes chrétiens « s’inspirant des mêmes textes [que les réformés] de l’apôtre Paul, qui étaient la base de la doctrine nouvelle de la justification par la foi seule[1]


En 1512, la publication par Lefèvre d’Étaples de sa traduction commentée des Épîtres de Paul fera référence dans les milieux de la Réforme italienne.

En 1516, Érasme qui rencontre le réformateur suisse Zwingli à Bâle lui recommande la lecture de ces mêmes épitres.

En 1521, Melanchthon publie Les lieux communs ou Les principaux articles de la doctrine chrétienne ;  « Commentaire pratique, basé sur l’épître aux romains traitant de sujets comme de la justification, de la foi et des bonnes œuvres[2]

Installés de longue date dans les Pouilles et la Calabre (G.Gonnet Réf.Cit), les Vaudois (non les Valdésiens) qui jusqu’alors avaient vécu discrètement leur foi (nicodémisme) décidèrent dans cette première phase de la Réforme italienne, d’en faire une profession publique ; ce qui entraina leur répression avant même celle que durent subir les Vaudois du Sud de la France au milieu du siècle. Les Vaudois intègreront la réforme calviniste en 1532. Les Vaudois du Piémont font exception car par le Traité de Cavour de 1561, passé avec le Duc de Savoie, ils bénéficieront de la liberté du culte.


Au nord de la péninsule, Modène et Ferrare furent des centres importants de diffusions des idées réformatrices venus du Nord. En 1543, le Duc de Ferrare, Hercule II d’Este, fit fermer une académie considérée comme un foyer d’hérétiques, hérétiques pourtant protégés par son épouse, Renée de France, fille de Louis XII, femme de grande culture qui anima une des cours les plus brillantes de la Renaissance. Elle y accueillit notamment Clément Marot et clandestinement, sous un faux nom, Jean Calvin qui continuera d’échanger avec la duchesse une correspondance qui s’étala sur plusieurs dizaines d’années. Son soutien aux idées de la réforme lui vaudra comparution devant l’Inquisition. Elle devra rentrer en France à la mort du Duc en 1559.


Au centre, Lucques fut le foyer le plus important de la Réforme à laquelle adhérèrent de nombreuses familles nobles. Comme dans les autres centres de la réforme, des humanistes convertis aux idées nouvelles, des prédicateurs, furent condamnés par l’Inquisition et menés au bûcher.


L’ Anabaptisme en Italie

Voir Réforme Radicale/ L’Anabaptisme en Italie


Juan des Valdès

Juan des Valdès (1499-1541) fait partie des réformistes catholiques de la première phase de la Réforme Catholique. Né en Espagne, il s’installe vers sa trentième année au Royaume de Naples où il mourra[3]. C’est un humaniste, imprégné dès sa jeunesse des idées d’Érasme qui fut son ami[4] comme celui de son frère Alfonso (1490-1532) qui, secrétaire de Charles Quint, participa activement à la Diète de Worms, convoquée en 1521 par Charles-Quint, en vue d’une réconciliation entre catholiques et protestants.

Avant son départ d’Espagne, Juan fréquente assidument les cercles illuministes. Alors âgé d’une trentaine d’années, à la suite de la publication en 1529 (ou 31 ?) de son ‘Dialogo de Doctrina Christiana’  qui n’est pas particulièrement bien perçu, il décide de se rendre Rome. L’inquisition espagnole intentera un procès contre lui en 1532 malgré l’avis favorable de l’Inquisiteur Général sur la publication corrigée de cet ouvrage.


A Rome, il est un temps camériste du Pape Clément VII (Jules de Médicis). Nommé archiviste de la ville de Naples, en 1533 (ou 34 ?), il doit rentrer à Rome suite à un accueil défavorable de la population qui le paye pour abandonner sa charge. Sous protection du nouveau pape, Paul III (qui convoquera le Concile de la Contre-Réforme), il retourne à Naples en 1536 où il vit jusqu’à sa mort entouré d’un cercle d’amis comme la Comtesse et poétesse Vittoria Colonna, la belle-sœur de celle-ci Giulia Gonzana, Marcantonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius 1498 - 1550), poète humaniste italien qui augmenta le Beneficio di Cristo, et  le Siennois Bernardino Ochino (1487-1564)

Bernardino Ochino, général des capucins, s’orientera nettement vers le protestantisme. Il fut célèbre en son temps pour ses prêches autant que par ses écrits, notamment sa Tragédie ou Le Dialogue de la Prière Usurpée par l'Évêque de Rome, dans laquelle le pape apparaît en antéchrist , avant 1549). Valdès l’aurait influencé pour ses sermons pendant sa période napolitaine.

Il commencera ensuite à fréquenter les cours d’Italie puis se rendra à Augsbourg et ensuite à Londres qu’il quittera en 1553 à la montée sur le trône de Marie Tudor. Rendu à Zurich, son antitrinitarisme l’obligera à fuir pour la Pologne où, à nouveau banni, il mourra de la peste.

De tendance spiritualiste (ou mystique), Valdès prône une foi vivante de l’intérieur sans recours à aucune manifestation ou soutien extérieur. Tolérant, il ne prêche aucun ostracisme, refuse les jugements comme les condamnations. Pour lui, tout est une affaire intérieure et pour chacun.


Ses ouvrages principaux sont le Dialogo paru en 1529 et Alfabeto Christiano de 1536, écrit sous forme d’un dialogue avec son amie Giulia Gonzaga, noble lettrée qui constitua un cénacle dans son château de Fondi (Latium, entre Rome et Naples) que fréquentaient des poètes comme l’humaniste Marcantonio Flaminio[5] ou des peintres comme Sebastiano del Piombo. Gonzaga prendra soin de sauvegarder cet ouvrage, tous les originaux des œuvres (en espagnol) de Valdès ayant disparus sauf des extraits des 110 Considérations (Cento et dieci Considerazioni).


Dans l’ Alfabeto Christiano, Valdès affirme la nécessité d’une intériorisation de la foi par un abandon des affaires du monde en faveur d’une voie spirituelle pour laquelle même les œuvres et les pratiques comme la prière et le jeune doivent être aussi abandonnées.

« Valdès ne rompit pas avec l’Église… il préféra une réforme sans schisme… il représente, à côté du luthéranisme, le courant réformiste fécondé par Érasme, l’illuminisme et la mystique espagnole[6]».

« Valdès n’était pas de ces contraires (contrariii) à l’Église mais de ses contradicteurs (contraditorii) selon l’expression de l’historien philosophe Benedetto Croce[7]».


Valdéisme

A propos du Valdéisme, il ne faut pas confondre Pierre Valdès (Valdo) qui, au XIIème siècle à Lyon, donna naissance au mouvement vaudois, et Juan des Valdès, initiateur du valdéisme. Sur le valdéisme, courant qui se serait formé autour de Valdès à Naples et prolongé après sa mort à Viterbe par ses amis, notamment Flaminio et Ochino, si certaines sources font état de sa large diffusion en Italie et à l’étranger, J.N. Bakhuizen émet des doutes : 

« …ceci ne signifie pas que Valdès soit resté pour ces hommes et en toutes circonstances et surtout plus tard après leur refuge en terre étrangère, le mentor qu’il fut au commencement ».

En effet, Ochino marquera une évolution nette vers le protestantisme s’éloignant du réformisme valdésien qui comme tout courant réformiste modéré disparaitra après l’échec du Colloque de Ratisbonne[8] en 1541 et l’établissement de l’Inquisition Romaine en 1542. Le Marquis de Vico, parmi les proches de Valdès à Naples, réfugié à Genève en 1561, se convertira aux idées calvinistes.


Beneficio di Cristo

Le Beneficio di Cristo (Trattato Utilissimo del Beneficio di Giesu Christo Crocifisso verso i christiani), est publié à Venise en 1553, deux ans après la mort de Valdès. Cet ouvrage connut un énorme retentissement (sans doute 40000 exemplaires rien qu’à Venise) et une large diffusion (nombreuses traductions) bien que condamné par l’Inquisition Romaine qui finit par le faire disparaître totalement dans les années 60 à part un seul exemplaire redécouvert à la bibliothèque de St John’s Collège (Cambridge) en 1855.

Il a été écrit en un premier temps par un moine, Benedetto Fontinini da Montava (Mantoue), que Valdès aurait rencontré lors d’un séjour à Venise en 1537; mais le poète proche de Valdès, Marcantonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius, 1497-1550) en élabora une seconde version augmentée - ou n’en aurait que modifié le style sans certitude d’ajouts ( J.N. Bakhuizen). A la mort de J. Valdès, ses disciples s’étaient déportés sur Viterbe. Ils réservèrent à l’ouvrage un accueil enthousiaste.

« Ce travail peut être considéré comme une sorte de manifeste de la forme la plus mature de la réforme italienne, il n'y a pas de controverse anti-romaine. Il essaie seulement de donner une réponse aux nouveaux besoins religieux et une réponse afin d’éviter de nouvelles fractures dans l’Église. Il offre un message de libération, de salut et de la grâce qui sauve de la peur de Dieu, non plus vu comme vengeur mais doux avec une prédestination qui nous fait de nous les élus de la vie éternelle élus. » ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Giusto_Fontanini )


« On a interprété le Benefico de plusieurs façons : on l’a proclamé valdésien, c’est-à-dire d’une tendance illuministe, et érasminienne ; luthérien- le thème en est le salut et la foi ; calviniste : on y trouve des passages directement empruntés à l’Institution Chrétienne. Dans sa préface (à l’édition de Turin 1975), Salvatore Campanetto le présente comme un texte valdésien luthérien, calvinien mais essentiellement valdésien dans sa doctrine…les aspects luthériens et calviniens sont subordonnés à une pensée qui se refuse au schisme et au salut par les œuvres. Pour S. Campanetto, les années 1541-42 marquent la fin du réformisme érasminien et des tentatives officielles d’entente avec les protestants [Diète de Rastisbonne en 1541]…1542 instauration de l’Inquisition Romaine. » (Jean Séguy, Compte rendu du Bénéficio, http://www.persee.fr/doc/assr_03355985_1976_num411_ 2095_t1_0209_0000_3).
  « Beneficio de Christo qui est centré sur la justification par la foi seule révèle à la fois des éléments propres à la réforme catholique et aux réformateurs Luther, Melanchthon et Calvin. »  (Giovanni Gonnet, Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'histoire des religions)

« L’auteur de l’Histoire du Valdésianisme en Italie, A Meozzi, considère le Benefciio comme l’expression la plus appropriée du christianisme de Valdès, comme la synthèse de ce qu’il y a de plus vivant et de plus fort dans ses écrits… ce livre représente la faillite de l’irénisme et de l’évangélisme en Italie : il est en effet fondamentalement réformateur et n’a plus rien de commun avec la spiritualité valdésienne…certains passages remonte à la seconde édition de l’’Institution’(Calvin 1539)… il y a un abîme entre le Beneficio et Valdès d’une part et entre Valdès et la réforme de l’autre. »     (J.N. Bakhuizen, Ref.Cit.).


L’Inquisition Romaine

L’Inquisition à Rome

En 1542, le Pape Paul III fonde la Congrégation de l'Inquisition[9] romaine et universelle qu’auront en charge de manière traditionnelle les dominicains. C’est le début de la fin de la Réforme en Italie, qu’elle soit catholique, érasmienne ou protestante. La lutte acharnée de cette institution contre les réformés aboutira à l’éradication de la Réforme avant la fin du siècle. Le Concile de Trente qui s’étale de 1545 à 1563, concile de la Contre-Réforme, sera une mise au pas de tous ceux ayant ou ayant eu quelque velléité réformatrice qu’ils soient protestants ou catholiques.

Après 1542, nombre de réformés se réfugieront en Allemagne et en Suisse dans les Grisons et particulièrement à Genève où Calvin organisa pour eux une Église comme il le fera dans les années 50 pour John Knox et les exilés anglais ayant fui la répression de Marie la Catholique montée sur le trône en 1553..


L’Inquisition à Venise

Venise a été une des principales portes d’entrée des idées nouvelles au début du siècle avec Ferrare.

 « La Liberté de pensée subsiste à Padoue. L’université de Padoue, université de Venise, a été un grand foyer intellectuel [où se sont affrontés humanistes et aristotéliciens au siècle précédant, ndlr ] comme dans l’ensemble de la République de Venise. Le gouvernement a certes accepté l’établissement de l’inquisition romaine en 1547 mais il la surveille de près. On la laisse agir contre les étrangers, les protestants français et flamands réfugiés dans les années 1569… le napolitain Giordano Bruno [voir humanisme] est arrêté en 1592 et expédié à Rome. On la laisse faire contre les guérisseurs, les pauvres mais les nobles sont à l’abri de l’inquisition. » (Marc Venard, Histoire du Christianisme, Tome 8, Le temps des Confession ref..cit, pg 557).

Un noyau dur pourtant résistera à l’inquisition, celui des anabaptistes antitrinitaristes. En 1550, ils organisent un synode qui promulgue une confession de foi dont l’article premier sur les dix reconnaissait le Christ comme « vrai homme et non Dieu » (cf. L’Anabaptisme en Italie).

Notes

 [1] Giovanni Gonnet (et pour en savoir plus sur) :Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'histoire des religions Année1982 Volume 199 Numéro 1 pp. 37-65 (http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1982_num_199_1_4755)

[2] https://www.universdelabible.net/bible-et-histoire/les-reformateurs/266-philippe-melanchthon-1497-1560#_ftn7

[3] Le Royaume de Naples était une possession espagnole convoitée par le roi de France Charles VIII qui chassa Frédéric 1er d’Aragon, ce qui donna naissance à partir de 1494 aux Guerres d’Italie. Les Français ne purent garder le royaume un temps en leur possession. Dans la première moitié du XVIème , il était gouverné come le Royaume de Sicile ; par des vice-rois nommés par le roi d’Espagne, ce qui leur donnait une autonomie certaine.

[4] Yvonne Charlier, Érasme et l’Amitié d’après sa Correspondance, Édit Belles Lettres 1977 : la diffusion de la théologie érasmienne déchaina une lutte passionnée entre les humanistes et les moines scolastiques d’Espagne. Certains défenseurs d’Érasme comme Valdès seront emprisonnés.

[5] Malgré son insistance, il ne fut pas accepté par les théatins, ordre des clercs réguliers fondé en 1524 par Gaétan de Thiene (1480-1547) et Jean-Pierre Carafa (1476-1559) qui deviendra pape sous le nom de Paul V en 1555. Mouvement réformateur dont « l'idéal pastoral se retrouvera dans les dispositions du Concile de Trente » (Encyclopædia Universalis) (Voir Contre-Réforme/Concile de Trente)

[6] Cité par: J.N. Bakhuizen van den Brink in Juan Valdès Réformateur en Espagne et en Italie, Édit. Librairie Droz, 1967, Pg 47.

[7] Idem

[8]  Voir Réforme en Allemagne/ la charte Protestante § 12

[9] L'Inquisition Médiévale est une procédure particulière du tribunal ecclésiastique instaurée par la bulle 'Vergentis in Senium' du Pape Innocent III en 1199 afin de lutter contre les hérésies. Elle donne pouvoir au juge d'entreprendre de sa propre initiative et non à la suite d'une plainte, une action judiciaire à l'encontre de toute personne. L'inquisition Espagnole de 1478 reprendra ce modèle juridique. L'on ne retient généralement que cette phase de l'inquisition et d’elle particulièrement le dominicain Torquemada (1420-1498). Inquisition ne signifie pas systématiquement torture mais plus délation, accusation à charge et sans défense. L’inquisition remettait l’accusé reconnu coupable à la justice civile qui proclamait et exécuté sa condamnation. (Voir Tome 1/1200 La Scolastique/ Ordre Dominicain/ L'Inquisition


LA RÉFORME PROTESTANTE EN ESPAGNE


Voir aussi  La Contre-Réforme/ La Réforme Catholique/Espagne


Un mot peut résumer la Réforme protestante en Espagne : nada. L’Espagne restera tout au long du siècle sous l’autorité de Charles-Quint, empereur du St Empire de 1519 à 1555, et de son fils Philippe II qui, entre autres couronnes, reçoit de son père celle d’Espagne en 1555 qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1598- il assurait de fait la charge royale depuis 1533 dû au mauvais état de santé de son père. Le frère cadet de Charles-Quint, Ferdinand 1er de Habsbourg, à qui son frère avait donné la gouvernance des terres des Habsbourg, roi de bohème et de Hongrie, reçoit, lui, la couronne impériale en 1556. Ferdinand d’abord archiduc d’Autriche ouvre la branche de la Maison d’Autriche.

Les idées d’Érasme rencontrèrent une relative diffusion notamment par les frères Alfonso et Juan des Valdès (voir Humanisme/Italie) Juan mena plus avant les idées d’une réforme catholique, sans jamais souhaiter quitter le giron romain. Quelque peu inquiété par l’Inquisition, il s’installe à Naples (espagnole) dès l’âge de trente ans.

Un courant illuministe (les alumbrados), spiritualiste, afficha la volonté d’un retour à un christianisme animé par une vie intérieure, mais les idées protestantes, luthériennes et calvinistes, n’eurent aucun impact sur la vie spirituelle espagnole. Dans la seconde moitié du siècle, Philippe II fit organiser de grands autodafés, notamment à Séville et Valladolid, et toute idée réformatrice fut totalement évacuée du royaume. (Sur les alumbrados voir Mystique/Espagne)

Le très catholique St Jean de La Croix (1542-1591) dut lui aussi goûter de la prison pour avoir voulu réformer le Carmel. Ste Thérèse d’Avila (1515-1582), à la suite de la diffusion dans les couvents du Le Livre de La Vie (1575) et pour des pratiques d’oraisons suspectes, eut maille à partir avec l’Inquisition qui lui interdit un temps toute sortie de son couvent avant de la laver de tout soupçons d’hétérodoxie.


LA CULTURE PROTESTANTE


La Littérature - L' Architecture -  La Musique

La Littérature

Un de grands points forts de la révolution culturelle protestante fut le remplacement dans la liturgie du latin par la langue vernaculaire. Avec la réforme, l'idée d'une unité culturelle et politique se fait jour en Allemagne. Cette revendication linguistique s'affirmera au XVIIème siècle avec des écrivains allemands comme le fils de pasteur Philippe von Zesen (1619-1689) (Voir Tome 3/ Littérature).

Comme son père, poète de l’école des Grands Réthoriqueurs, le poète français, Clément Marot (1496-1544) fut un ardent partisan de la Réforme et en tant que poète traduisit en grande partie les psaumes de David.

Au Pays-Bas, Philippe de Marnix (1538-1598), Seigneur de Sainte-Aldegonde, a marqué les Lettres Hollandaises par trois écrits : Tout d’abord, Vraye Narration et Apologie des Choses Passées aux Pays-Bas Touchant le Fait de la Religion en l'an de 1566. Pamphlet  célèbre dans lequel il prend la défense des Réformés. Puis, Biyenkorf der Heilige Roomsche Kercke (La Ruche de la Sainte Église Romaine) de 1569. Une satire contre l’Église de Rome, écrite en néerlandais, qui n’est pas sa langue maternelle, sous le pseudonyme d’Isaac Rabbotenu (celui qui utilise le rabot) et dans laquelle à sa charge contre le catholicisme se joint un rappel des fondements de la Réforme, l’importance de la Bible et du Christ-Sauveur. Et enfin, son oeuvre majeure, Tableau des différends de la religion, écrite en français, publiée après sa mort en 1599. Développement, enrichissement et remaniement de l’œuvre précédente, ce Tableau fait un faux éloge de l’Église Catholique sous prétexte d’en faire une vrai : un clerc maladroit n’a de cesse malgré lui d’en dénoncer ses pratiques, ses docteurs de la foi, son clergé, ses rites. La prodigieuse érudition de l’ancien élève de Calvin, que révèle cette œuvre, ne prive pas son auteur d’une irrésistible faconde digne de Rabelais. Ce genre du faux-éloge est en vogue à son époque. Voir L’Éloge de la Folie (1509, Érasme †1536).


L’ Architecture

« L’architecture religieuse protestante ou plutôt l’architecture religieuse des protestants en France est extrêmement diverse. Il n’y a pas d’unité architecturale mais un ensemble de caractéristiques qui perdurent d’un siècle à l’autre, d’un style à l’autre : suppression du culte des images, organisation de l’espace intérieur autour de la chaire et de la table de communion et non de l’autel, ouverture sur l’extérieur par de nombreuses fenêtres. »

(https://www.museeprotestant.org/notice/larchitecture-religieuse-protestante/).
 
« Les temples protestants se démarquent des églises catholiques et se caractérisent généralement par un plan centré. L’extérieur, souvent simple, peut être somptueux dans les communautés les plus riches, avec des décors très modernes. L’intérieur, assez sobre, montre cependant une vraie science de l’espace et de l’acoustique. Ainsi a pu se constituer une architecture protestante particulière…Certains de ces édifices ne sont que des réemplois d’églises catholiques ou de bâtiments civils, réaménagés afin de
répondre aux principes du culte réformé. Mais d’autres ont été construits afin de servir de temples et ont cherché à répondre du mieux possible par leur plan, par leur aménagement intérieur, par leur décoration, aux nécessités liturgiques des calvinistes français…


On peut rappeler l’ordonnance de l’Église de Hesse, en 1526 ; “Nous exhortons tous les fidèles à participer à la prière et à la lecture publiques, régulièrement et avec zèle et de même à la Cène du Seigneur. Ces actes ne seront plus désormais accomplis dans le chœur, mais au milieu de l’église“. Pourquoi le milieu de l’église, c’est-à-dire la nef ? Sans doute parce que c’est là qu’étaient prêchés les sermons, que se sont déroulées les disputes amenant les communautés à se réformer, sans doute aussi parce que les fidèles avaient l’habitude de s’y rassembler. Le chœur, séparé de la nef par le jubé, était l’espace traditionnellement réservé aux clercs, par opposition aux laïcs, distinction que la Réforme veut abolir ». (Yves Krumenacker,  Les temples protestants français, XVIe-XVIIe siècles,  https://chretienssocietes.revues.org/2736).


Pour également rapprocher le prêtre de ses ouailles, autrement dit l’Églises de ses fidèles, le concile va faire supprimer les jubés. Ils seront pour la plupart détruits, rarement déplacés comme à Rodez, parfois conservés comme à Troyes ou Albi. Le jubé de Ste Geneviève-du-Mont-de-Paris reste exceptionnel par sa date de construction de 1530 et pour sa réussite architecturale, bel exemple de la transition entre Flamboyant et Renaissance. (Voir Bas Moyen-Âge/Architecture Romane / Grammaire/Jubé)

« Une chaire (meuble en bois dans lequel monte le prédicateur), qui est placée au milieu et dominant le chœur du temple. Dans le chœur, il y a une table en bois (table de communion) sur laquelle est placée la Bible ouverte. Il peut y avoir un verset peint de chaque côté de la chaire, sur les murs du chœur. Il y a un orgue pour accompagner le chant des cantiques. » (https://oratoiredulouvre.fr/faq/quels-symboles-dans-un-temple-protestant.php).


La Musique

La musique liturgique dut répondre à trois questions avant de trouver sa forme définitive[1], le but étant de ne pas déstabiliser la communauté tout en respectant l’esthétique propre aux valeurs protestantes. Pour ce qui est de la langue : la langue vernaculaire compréhensible de tous remplaça le latin. Pour ce qui est du répertoire : A l’origine, c’est à des textes déjà connus auxquels on fit appel, sachant que le texte devait prévaloir sur la musique. A la différence de la messe catholique, le chant est chanté en chœur par l’assemblée des fidèles et non par un chantre ; aussi le texte doit être simple et accessible à tous. Pour la musique, c’est aussi bien aux musiques sacrées et profanes que populaires et médiévales que l’on fit appel.

Il en ressortira :

  • en Allemagne : le choral luthérien, qui atteindra son apogée avec J.S. Bach.
  • en France : le Psautier Huguenot (avec mélodies) des calvinistes dont la première édition complète (psaumes, cantique, prières…) paraît en 1562.
  • en Angleterre : les antiennes (anthems) pour les anglicans, et en
  • 1550, le Book of Common Prayer (avec musique).
     

Note
 
[1] De et pour en savoir plus et notamment sur le déroulement des différents cultes et parties chantées : Marie-Claire Beltrando-Patier, Histoire de la Musique, Bordas 2004



CONVERGENCES ET DIVERGENCES DANS LES PROTESTANTISMES

La Théologie - Le  Culte et Les Sacrements -  La Gouvernance - Les Controverses - Les Ramifications


La Théologie

Sola Gratia- Sola Scriptura

Il est à noter que la mystique est étrangère à la pensée protestante, hormis celle des spiritualistes, si ce n’est à considérer que la foi que le réformé a en le Christ Sauveur, est en soi, nonobstant son efficience salvatrice, une voie de l’union à Dieu.

Les fondements du protestantisme se trouve dans la Confession d'Augsbourg rédigée par Melanchthon et que les luthériens présentèrent en 1530 à Charles-Quint à la diète d'Augsbourg.

« - Sola gratia : La grâce seulement. La justification par la foi, véritable clé de voûte du protestantisme est l'affirmation que, seule la foi sauve le chrétien et lui permettra d'obtenir le Salut.
 - Sola scriptura : L'écriture seulement : La bible est la révélation définitive de Dieu actualisée par la  parole vivante de la prédication. L'autorité de l'Écriture, principe formel de la Réforme, supplante ainsi l'autorité de l’Église et rejette toute hiérarchie ecclésiastique.»

 (http://www.publius-historicus.com/reforme.htm).

Ce ne sont ni les sacrements ni les œuvres qui justifient l'homme mais la foi sans laquelle, il ne saurait y avoir quelque efficience que ce soit dans la voie du salut.. Ils ne suffisent pas non plus à la rémission des péchés.  Le Christ par ses souffrances sur la croix est notre seul sauveur.

N'est révélé que ce qui est contenu dans la Bible. Et tout croyant est capable de la comprendre et de l’interpréter.

« Les luthériens et les réformés pensent que tout ce que n’interdit pas la Bible est permis. Pour les radicaux tout ce qu’elle n’ordonne pas expressément est interdit. » (A.Gounelle)


La Prédestination

Les luthériens n'admettent pas la double prédestination des calvinistes, la prédestination des élus et celle des réprouvés. Zwingli, lui, maintient le libre-arbitre de l'homme dans sa quête du salut. Au contraire de Luther et Calvin, pour lui " le péché ne nous est pas transmis à la naissance, si non comme une simple inclination à pécher à notre tour". (Hervé Masson, Dictionnaire des Hérésies, Édit.Sand 1986) 

Pour les réformés, « la prédication fondée sur l'Écriture éradique les déformations ecclésiales, alors que le luthéranisme met l'accent sur l'expérience du péché et du pardon. » (andregounelle.fr/histoire-des-idees/presentation-de-zwingli.php)


Le Jugement Dernier

Les protestants reconnaissent le mystère de la Sainte Trinité et le péché originel. Pour autant, « les anabaptistes refusent de voir dans le péché originel une totale corruption de la nature. Ils discernent au cœur de l’homme une divine étincelle » (M.de Gandillac). Un réformé de la première heure comme Zwingli considère que le péché n’est pas une faute originelle mais comme une ‘maladie héréditaire’.

Le jugement dernier et la résurrection, le paradis et l'enfer sont reconnus sauf par les anabaptistes.

Les réformés ne reconnaissent ni le purgatoire, ni le culte des saints, ni le culte des morts.


Culte et Sacrements

Le Culte

Le fondement de la messe catholique est la communion (l'eucharistie) donnée par un prêtre qui a reçu l'ordination, c'est-à-dire le pouvoir de faire que l'eucharistie soit la transsubstantiation du pain et du vin en le Corps du Christ. Le culte protestant est centré sur le prédicat. Le prêche est fait généralement par un pasteur qui reçoit une forme d’Ordination. Tout protestant est à même de lire et de commenter la Bible. Alors que les liturgies catholiques et orthodoxes sont strictement organisées, les formes du culte protestant peuvent varier d'une église à l'autre. Le culte s'accompagne de chants, les cantiques, sous la forme du choral (Voir La Culture Protestante). Les textes lus et les chants sont fonction d'un calendrier liturgique ou de circonstances particulières (par exemple le baptême). En France, les textes liturgiques de l'Église Réformée de France différent de ceux de l'Église Évangélique Luthérienne de France.         (voir https://www.eglise-protestante-unie.fr/convictions/celebrer-dieu-les-liturgies-3). 

Pour les luthériens comme pour les calvinistes, l'Église est invisible. Elle est la communauté rassemblée par le Christ et non une institution. Elle est «le corps mystique du Christ». Les communautés locales qui se réunissent dans un temple, constituent les églises visibles, les paroisses.

Les cérémonies et les fêtes religieuses sont condamnées. La confession est rejetée.

Les cultes des saints, de la vierge et des reliques sont rejetés, Dieu seul est adoré. En 1543, Calvin écrira le Traité des Reliques en recensant autant qu’il put celles vénérées pour en dénoncer l’absurdité.

La virginité perpétuelle de Marie, contrairement au catholicisme, n’est pas reconnue. Marie a été vierge jusqu’à la naissance de son premier fils, Jésus.

S’il n’y a pas d’ornementation, de statue, d’image quelconque, il n’y a pas non plus de génuflexion.


Les Sacrements

Les protestant reconnaissent le baptême (les anabaptistes pour les seuls adultes), l'eucharistie (la Cène) et la confirmation.

Le Baptême

Le sacrement du baptême sera la cause d'une scission entre protestants dès les débuts de la Réformation. Les anabaptismes avec les Suisses Conrad Grebel et Félix Manz, disciples de Zwingli, considérèrent que le baptême ne doit pas être administré aux bébés mais aux seuls adultes après que ceux-ci aient reçu un enseignement préalable. Des réformés radicaux comme l’Allemand Thomas Münzer sont moins catégoriques faisant du baptême une adiaphora, une question secondaire.

A noter que dans les communautés chrétiennes des premiers siècles le baptême était donné aux adultes par immersion complète.

La Sainte Cène

Le 4ème Concile de Latran (1215)[1] avait établi le dogme de l'eucharistie posant par transsubstantiation (changement d'une substance en une autre) des espèces en le Corps et le Sang du Christ. Jusqu’au XIème siècle, la présence du christ dans le pain et le vin était entendue le plus souvent comme symbolique, la transsubstantiation ne faisant pas l’objet d’un dogme[2].

Au Vè Concile de Constance (1514-1517), l’Église romaine reviendra sur ce qui avait été prononcé au Concile de Bâle (1431-1448) : la communion sous les deux espèces, le pain et le vin, pratiquée par les hussites et les orthodoxes leur est tolérée, et la communion sous la seule espèce du pain (azyme, pain non fermenté, sans levain) est réaffirmée pour les catholiques romains. Il est à noter que les utraquistes, également appelés les calixtins (du latin calice), une des deux branches des hussites avec les taborites, avaient gardé le droit de communier sous les deux espèces lorsqu’ils rallièrent les catholiques en 1436. Les réformés tinrent à célébrer la Cène à l’instar des hussites. (Voir Réforme Radicale/ Hussites et Huttérites)


Le sacrement de l'eucharistie[3], appelée Sainte Cène par les protestants, oppose les calvinistes et les luthériens. Au contraire des catholiques qui la conçoive comme une transsubstantiation, transformation, transmutation du pain et du vin en Corps et Sang du Christ, les luthériens, après la mort de Luther (†1546)entendirent définitivement dans la Formula Concordiae, (Magdebourg, 1577) la consubstantiation comme la présence réelle du Christ “dans, sous et avec " le pain et le vin. Pour Luther, le pain et le vin sont le pain et le vin tout en étant corps et sang du Christ. Les luthériens qui adoptent cette conception de la communion sont appelés les luthériens ubiquitaires[4].
Johan Brentius, (1499-1570), natif de Souabe, proche de Luther, fut leur chef de file.

Pour les calvinistes, la communion est à la fois physique et spirituelle: le pain et le vain sont aliments du corps, mais l'âme est alimentée par la présence pneumatique[5], le souffle vital, du christ dans le pain et le vin. Les anabaptistes de la seconde période, celle pacifiste de Melchior Hoffman, se rangent à la conception de Zwingli pour qui l'eucharistie n'est que la commémoration de la Cène, rejetant tout surnaturel dans cette célébration.


« En 1536, Mélanchthon et des représentants d’Allemagne du Sud dont le réformé alsacien Matthieu Zell se rencontrent à Tübingen. Il y est déclaré que « la présence de Christ dans le sacrement est véritable et réelle: mais elle n’est ni terrestre ni charnelle; ni la raison ni les sens ne nous la font percevoir; au contraire, elle est céleste; c’est par l’esprit du Nouveau Testament et par la foi que nous la sentons. Le pain et le vin sont des symboles terrestres comme le dit Irénée; mais ce que ces symboles représentent est céleste.»[6]

 Dans le Consensus de Zurich (Consensus Tigurinus), en 1548, Calvin, proposait un consensus sur l’eucharistie. Opposé bien évidemment à l’idée d’une transsubstantiation chère aux catholiques mais aussi à la consubstantialité des luthériens, tout en étant proche de la vision symbolique de Zwingli mais sans y adhérer pleinement, il voyait là ni une commémoration ni un sacrement, mais comme un bienfait de l’Esprit Saint. Exit le Christ dans la communion. Devant le rejet de ce dit consensus, Calvin mit de l’eau dans son vin et avec l’aide de Bullinger révisa le texte; « Les deux théologiens étaient d'accord sur l'interprétation du "Ceci est mon corps" comme voulant dire "Ceci signifie mon corps»[7]. Le consensus ainsi rédigé, obtient cette fois-ci, en 1549, une approbation générale non seulement des églises réformées suisses, mais aussi des anglicans et de certains allemands, comme les Philippistes, fidèles Philippe Melanchthon ; ce qui attira sur ces derniers les foudres des gnésio-luthériens et des ubiquitaires et provoqua, Luther mort, une dissension au sein des luthériens jusqu’à la Formule de la Concorde de 1577. La  Formule de la Concorde de 1577, dite des Deux Catéchismes qui, sans recevoir l’aval de tous les luthériens, marqua néanmoins une rupture définitive avec les réformés suisses. En 1580, paraît  Livre de La Concorde qui contient outre la Formule,  « le Credo des Apôtres (vers 186), le Credo de Nicée-Constantinople (381), le symbole d'Athanase ( entre 350-600), les Catéchismes Grand et Petit Luther (1529), la Confession d'Augsbourg, écrite par Melanchthon et présentée par l'électeur de Saxe et d'autres princes luthériens d'Augsbourg en 1530;, l'Apologie de la Confession d'Augsbourg (1531) , écrite par Melanchthon contre la réfutation romain qui avait rejeté la Confession d'Augsbourg; les articles Smalkalde (1537), écrit par Luther et résumant la compréhension protestante des principaux articles de foi pour un concile qui n'a jamais été appelé, du Traité sur la puissance et la primauté du Pape (1537), écrite par Melanchthon pour augmenter les articles Smalkalde » (https://mb-soft.com/believe/tfhm/concord.htm).


Le Mariage

Le sacrement du mariage est permis aux pasteurs protestants. La dissolution du mariage est reconnue.

Les Vœux

Les vœux monastiques sont rejetés.


L’Ordination

L’ordination est un acte de consécration. Elle consacre la mission et la fonction de l’officiant, son sacerdoce.

« Pour les protestants, il n'y a pas de sacrement de l'ordre. Dans l'Église Réformée de France, au terme de leur formation, les pasteurs passent une sorte d'examen devant une "commission des ministères" et ils sont inscrits au Rôle des pasteurs. Il n'y a pas de cérémonie d'ordination, mais un rite de reconnaissance de ministère avec imposition des mains. Dans l'Église luthérienne, il existe une cérémonie d'ordination, mais elle n'est pas sacramentelle. Cette ordination est faite après l'obtention du diplôme universitaire et une année de stage auprès d'un pasteur expérimenté. L'ordination au ministère pastoral est à la fois l'invocation de l'Esprit pour l'exercice du ministère et la reconnaissance de la compétence et de la vocation. » (http://cybercure.fr/archives/pretres_pasteurs.htm#formation).


« Le terme de noviciat n'est pas employé par les protestants mais celui de proposannat. Le pasteur "proposant" est accompagné au début de son ministère et évalué au bout d'un an ou deux. Si l'évaluation est positive, a lieu la cérémonie d'ordination chez les luthériens (c'est le terme utilisé mais qui ne correspond pas tout à fait à l'ordination chez les catholiques) ou de consécration ou reconnaissance de ministère chez les calvinistes. Dans les autres Églises protestantes qu'on nomme "évangéliques" (le terme d'anabaptistes est réservé au xvième siècle), il y a une grande variété selon qu'il s'agisse d'Églises baptistes, pentecôtistes ou autres. »

  (Rachel Barral, Musée Virtuel du protestantisme, correspondance avec l’auteur).

Le pasteur est vêtu d’un vêtement sacerdotal, la toge.


La Gouvernance

Temporelle

Au plan temporel, dans sa première phase, l’anabaptisme, sous l’impulsion du radicalisme de Thomas Münzter, prêcha avec la réforme religieuse la révolution sociale, le renversement des institutions en embrayant sur le mécontentement paysan des années 20-25 en Allemagne. Les anabaptistes pacifiques de la seconde période, dont Menno Simons (1496-1551) fut une figure charismatique, admirent la légitimité du pouvoir temporel et les lois en vigueur dans leurs contrées respectives.

Les luthériens comme les calvinistes de la période de la Réforme reconnaissaient la légitimité du pouvoir civil mais tout en y associant fermement le pouvoir religieux dans une étroite collaboration dans la gestion de la cité avec sans doute plus d’indépendance et de droits chez les calvinistes. Calvin avait lutté pour l’obtention par exemple du droit de condamnation, tandis que Luther marqua toujours une tendance à faire prévaloir le pouvoir princier garant de la stabilité politique.

La réforme en Allemagne du Nord n’aurait pu se faire sans le soutien des princes allemands, non plus en Suisse sans l’aval des Conseils de la Ville, les uns comme les autres officialisant le protestantisme dans leurs régions respectives. En Allemagne, le soutien des princes fut autant dû à leur opposition au pouvoir impérial qu’à leur adhésion aux idées de la Réforme. François 1er en leur apportant son soutien trouva là l’occasion de conforter son opposition à Charles Quint.


Ecclésiale

Au plan ecclésial, la constante de la gouvernance luthérienne fut à l'origine le rejet de l'épiscopalisme, d'une hiérarchie ecclésiale des prélats, d'une curie. Lors de sa scission d’avec l’Église de Rome au début des années 1520, Luther reconnaissait à chaque communauté locale (congrégation) le droit à sa propre institution, le droit de nommer ses prédicateurs, de trancher de questions d’autorité, bref de se constituer en congrégation. (congrégationalisme). Mais dans la pratique, une constante de luthéranisme fut de restreindre l’autonomie des églises locales indépendantes. Le congrégationisme fut plutôt le fait des anabaptistes, et surtout celui des anglicans dont les courants dès l’origine étaient divers et dont les divergences s’accentuèrent lors de leur migration dans le Nouveau Monde. Les calvinistes restèrent dès leur origine groupés en une église réformée intégrant rapidement les courants calvinistes Zwingliens et Buceriens.


Luthériens et calvinistes reconstituèrent en fait une véritable hiérarchie pastorale au travers des consistoires (groupement de conseils presbytériens de différentes paroisses) et des synodes, pour finalement en arriver à l’élection de l’équivalent des évêques. Ce retour à une Église hiérarchisée s’explique par le souci de donner de la crédibilité à la fonction pastorale. Seules, les Églises évangéliques restèrent fidèles par leur système (sans doute étroit) de vie communautaire avec le refus d’un ‘clergé’ protestant.

Dans ses rapports avec le gouvernement civil, « le calvinisme fut plus libre: ses fidèles souvent dispersés (en France, aux futurs États-Unis) ou vivant dans des pays à structure républicaine (Suisse, Provinces-Unies), il développa l'idée d'une juridiction ecclésiastique relativement autonome par rapport à la juridiction civile. Elle reposait sur le système presbytéro-synodal, structure représentative où laïcs et pasteurs partageaient les mêmes pouvoirs, composée au niveau local de Consistoires et au niveau régional ou national de Synodes. Enfin, le calvinisme était soucieux de faire respecter la discipline ecclésiastique; les consistoires veillèrent sur les croyances et les mœurs ». (https://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070424021827AAwm83d).

 Quant  aux églises luthériennes  « en raison de leur origine au xvième siècle, [elles] sont étroitement liées à leurs gouvernements respectifs, soit exclusivement, comme dans les pays scandinaves, soit dans un montage en parallèle avec le catholicisme romain, comme en Allemagne… Un système uniforme de gouvernement de l'Église n'a jamais été développé dans le luthéranisme; structures congrégationalistes, presbytériennes et épiscopales, tous existent, même si une tendance est apparue au xxe siècle pour donner le titre d'évêque aux dirigeants élus de judicatories (synodes, des districts, des églises) ».  (http/::mbsoft.com:believe:tfxtm:lutheran.htm)


Dans ses Ordonnances Ecclésiastiques de 1541, Calvin présente son organisation de l’Église :

« Les ordonnances reconnaissent quatre ministères de l’Église.

  • les pasteurs prêchent la parole de Dieu et donnent les sacrements. Par contre, ils n’exercent aucune juridiction civile et doivent prêter le serment civil par lequel ils s’engagent à faire en sorte que le peuple respecte l’autorité de la ville.
  • les docteurs enseignent la sainte doctrine.
  • les Anciens veillent aux mœurs des fidèles. Ce sont des laïcs choisis par les conseils de la ville.
  • les diacres veillent sur les pauvres et les malades.
  • Les ordonnances établissent deux assemblées : la compagnie des pasteurs et le Consistoire :

    - La compagnie des pasteurs qui se réunit chaque semaine assure la cohérence doctrinale des pasteurs. Elle examine la candidature des nouveaux pasteurs.

    - Le Consistoire réunit anciens et pasteurs de l’Église de Genève (les laïcs y sont majoritaires). Il traque les « superstitions », c’est-à-dire les relents de catholicisme et dénonce les mœurs scandaleuses. » (https/::www.museeprotestant.org:notice:les-ordonnances-ecclesiastiques-1541)


John Knox (1514-1572) dans son organisation de l’Église presbytérienne prendra largement à son compte ces ordonnances calvinistes: Comme toutes les Églises réformées, les presbytériens ont rejeté la hiérarchie ecclésiastique catholique. L’organisation est bipolaire : Le Consistoire ou Conseil Presbytéral et le Synode. Le consistoire réunit au plan local pasteurs et anciens. Le choix de ses membres et les paroisses, qu’ils regroupent, évolueront au fil du temps. Le Synode est une assemblée au niveau national qui traite des questions essentielles sur la foi, les relations avec les autres Églises

C’est en fait l’organisation presbytérienne dite presbytéro-synodale qui finira par prévaloir sur toutes autres dans la majorité des Églises luthériennes et calvinistes. Les Églises évangéliques ont une organisation communautariste.

Avec le temps, les luthériens et les calvinistes d'Allemagne ont fini par former des Églises «unies». En France en 2012, l'Église Évangélique luthérienne de France et l’Église Réformée de France (calviniste) se sont associées en l’Église Protestante Unie de France. Il arrive que les fidèles passent parfois d'une église à l'autre.


Les Controverses Doctrinales

Andreas Osiander et La Justification 

Andreas Osiander (1498-1552) participa aux grands débats luthériens. Éditeur, il ajouta une préface à l’ouvrage de Copernic, Sur la Révolution des Sphères Célestes (1543), dans laquelle il faisait douter, non sans intention, de la validité de la thèse qu’il présentait.

En 1548, Nuremberg doit accepter les prescriptions de l’Intérim d’Augsbourg qui imposait au protestants de quasiment revenir à la pratique catholique. Osiander se réfugie à Breslau, puis à Königsberg en Prusse où bien que non diplômé en théologie, il est nommé professeur primarius de la nouvelle université en 1549. Il y passera l’essentiel de sa vie active qui fut en partie consacrée à l’alchimie ;

En 1550, il fait paraître De Lege et Evangelio (La Loi et l’Évangile) et De Justificatione (La Justification) dans lesquels il expose sa conception d’inspiration mystique de la Justification.

Pour lui, la Justification, l’absolution des péchés, n’est autre que la présence réelle du Christ en l’âme du fidèle. Cette conception de la naissance du Christ en l’âme qui le transcende, est une conception centrale dans la Mystique Rhénane et chez les Béguines du XIIIème siècle. Les Luthériens, et parmi eux particulièrement Melanchthon, ainsi que les calvinistes, s’opposeront à cette conception de la justification qui pour eux ne saurait être une pénétration du verbe en l’âme mais un don de Dieu fait par le Christ sur la Croix.


Flacius et L’Intérim de Leipzig

Charles Quint à la Diète d’Augsbourg qui se tint de septembre 1547 à juin 48, promulgua en mai 1548 l’Intérim d’Augsbourg qui partagea les protestants, les uns reconnaissant cet intérim qui faisait de légères concessions au culte protestant tout en le rapprochant du culte catholique ; les autres, les ‘véritables’ luthériens, appelés les gnésio (vrai)-luthériens s’y opposèrent farouchement. Les débats se poursuivirent entre catholiques et protestants mais également entre protestants sur des sujets essentiels comme celui de la justification et sur d’autres secondaires (appelés adiaphora) tels celui de la confirmation (introduite par l’alsacien Bucer) ou celui des jours saints etc.. En décembre, Melanchthon, obéissant toujours à son esprit de conciliation, proposa l’Intérim de Leipzig dans lequel il finissait par accepter des concessions importantes au culte catholique, mais qu’il voulut juger comme des adiaphora ne touchant points aux valeurs cardinales du protestantisme.

Matthias Flacius Illyricus  (1520-1575), Serbo-Croate, professeur d’hébreu à Wittenberg à partir de 1544, reprocha vivement à Melanchthon d’avoir fait autant de concessions sur les principes fondamentaux du luthéranisme. Son intransigeance rejoignait celles de Joachim Westphal et des gnésio-luthériens.


La dernière mouture du Consensus de Zurich (voir L’eucharistie) rédigée en 1549 par Calvin et Bullinger et aussi Farel, trouva une approbation chez certains luthériens et surtout chez les philippistes partisans de la position de Philippe Melanchthon, qui pour l’occasion furent accusés d’être des crypto-calvinistes. Les gnesio-luthériens, farouchement fidèles aux thèses de Luther, qui s’appelaient entre eux les luthériens, et qui étaient appelés les Flaciens par leurs adversaires, soutenaient fermement derrière Flacius, depuis leur centre de Magdebourg,  la con-substantiation, présence réelle du Christ en les espèces qui gardent leur propres substances. Joachim Westphal (1510-1574) ne fut pas le moindre des défenseurs de l’ubiquité christique dans la Cène, s’en prenant vivement à Melanchthon et à Calvin.

Flacius défendait aussi une position extrême sur le péché originel « qui, selon lui, constituait la substance physique de l'humanité. La plupart des luthériens rejetèrent cette profession de foi et Flacius fut écarté. Ce dernier exerça son ministère pendant une courte durée à Anvers puis s'établit à Strasbourg, où il fut accusé d'hérésie et expulsé. Il se rendit par la suite à Francfort, ville où il trouva la mort. »[8]. Sa position fut rejetée lors de l’établissement de la Formule de la Concorde de 1575.

Flacius aura également marqué la naissance du protestantisme par son Historia Ecclesiae Christi.

« Cet ouvrage, profondément luthérien, retrace l'histoire des antipapes de l'Église chrétienne depuis son avènement jusqu'au début du XIVe siècle et fut par la suite publié sous le titre les ‘Centuries de Magdebourg’. » (idem. note 92.)


Gomarus, Armenius et la Fraternité des Remonstrants 

(Voir aussi Philosophie et Spiritualité des xvii et xviiièmes siècles)

L'arminianisme trouve ses origines à Leyde (Pays-Bas) avec Hermann Armenzoon connu sous le nom de Jacobus Armenius (1560-1609). C'est à partir de son opposition aux thèses calvinistes, notamment sur la notion de prédestination, qu'il voulut assouplir, que se singularise l'arminianisme. En 1610, les arminianistes présentaient aux autorités néerlandaises une Remonstrance qui reprenait les cinq points cardinaux de la doctrine calviniste et remettait en question la Confessio Belgica.

Le théologien brugeois, Franciscus Gomarus (1563-1641) fut le plus farouche adversaire des thèses d’Armenius. Il rencontra Jacob Arminius en 1603 à l’université de Leyde. Arminius en bon pélagien, y professait des thèses libertaires, sur le choix personnel, la liberté de l’homme et rejetait la prédestination. En 1609, fut organisée une dispute opposant arminiens et gomaristes.

Du synode tenu de 1618 à 1619 sortit Les Canons de Dordrecht qui réfutaient en cinq points les thèses d’Armenius et de la Fraternité des Remonstrants.

A ces Canons de Dordrecht,qui sont en fait des textes juridiques, viendront s’ajouter pour constituer la profession de foi des Pays-Bas réformés, appelée Les Trois Formes d’Unité, la Confessio Belgica écrite par Nicolas de Brès en 1561, et le Catéchisme de Heildelberg, publié en 1563 avec l’appui du Grand Électeur du Palatinat, Frédéric III le pieu.

Les Grands Électeurs, Frédéric II et Othon-Heinrich, avaient favorisé le luthéranisme dans leur Duché du Palatinat. Mais Fréderic III, converti au protestantisme en 1546, arrivant à la tête du Nouveau Duché du Palatinat en 1550, fera du calvinisme, la religion officielle de son duché.


Les Ramifications

Aux XVIIème siècle et XVIIIème siècles, des membres des communautés réformées se détacheront de leur communauté d’origine pour fonder de nouvelles communautés. (Voir Philosophie et Spiritualité des xvii et xviiièmes Siècles) :

  • John Smyth (1572-1612) et les Baptistes
  • Jabob Amman (1644-1730) et les Amish détachés des anabaptistes mennonites d’Alsace ;
  • George Fox (1624-1691) et les Quakers (les Trembleurs) ou Société des Amis détachés de l’anglicanisme ;
  • John Wesley (1703-1791) et les Méthodistes détachés des anglicans ;
  • Philipp Jacob  Spener (1635-1705) et les Piétistes détachés du luthéranisme.
  • Différents courants regroupés sous le terme de Christianisme Évangélique[9] ou Évangélisme comme les Pentecôtistes et les Baptistes, apparaitront aux XVII et XVIIIème siècles en dissidence avec l'Église catholique et s'inspirant de l'esprit et des réformes apportées par le Protestantisme.


Les Amish

Au début du XVIIème siècle, forcés de quitter les cantons de Zürich et Berne pour ne pas avoir voulu se convertir au calvinisme, nombre d’anabaptistes s’exilèrent en Alsace et au Palatinat. D’autres choisirent de seulement s’éloigner dans des régions tout à fait isolées comme dans l’Oberland ou la Vallée de l’Emme (connue pour son fromage).

Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, une seconde répression s’abattit sur les anabaptistes dont la plus part immigrèrent en Alsace, qui depuis le Traité de Westphalie mettant fin à la Guerre de Trente Ans (1618-1648) était devenue française. En 1660, ils signent à Ohnenheim (Bas-Rhin) les Canons de Dordrecht (voir Divergences et Controverses / Gomarus, Armenius et la Fraternité des Remonstrants). Un majorité s’installa à Ste Maries-aux-Mines où l’on y trouve en 1696 le pasteur Jacob Ammann (ou Amman, 1644- avant1730) qui faisait partie de cette seconde vague de migrants.

En 1693, Ammann vivait encore en Suisse, dans une communauté de la vallée retirée de l’Emme. Il s’était formalisé sur la pratique du lavement des pieds deux fois l’an. Comme il maintint sur la question une position radicale, déjà très entouré de ses amis (qui le surnommaient ‘ami’, d’où son surnom d’Amish), cela entraina une scission d’avec le reste de la communauté mennonite qui ne le pratiquait qu’une fois l’an.


« Ammann a excommunié tous les anciens et les ministres suisses qui n’étaient pas d'accord avec lui pour pratiquer la Meidung (Gemeinschaftsentzug, l’excommunication). Il a visité les communautés suisses, en appelant à plusieurs réunions les anciens aînés et les ministres, en agissant de manière illégale et sévère, comme il l'a reconnu plus tard. Amman doit avoir visité la communauté de Markirch (Alsace) à peu près à la même époque où il a excommunié certains membres et a immédiatement entamé une controverse avec les ministres du Palatinat qui ont tenté une conciliation. Il a trouvé un soutien quasi unanime chez les ministres d'Alsace, mais a procédé à l'excommunication de la plupart des ministres palatins. En quelques années, Ammann et ses amis ont reconnu avoir été trop radicaux et ont tenté une réconciliation, mais tout en avouant qu’une  erreur de méthode et d'esprit tout en refusant de revenir sur l’excommunication (Meidung). Ainsi, la division a été rendue permanente en raison de l'intransigeance d'Ammann.[10]»

 En 1696, Amman et ses compagnons signent une pétition contre le service militaire obligatoire. On fait de cette date, la date originaire de la communauté Amish et plus précisément du schisme qui pourtant avait eu lieu au cours des trois années précédentes, pour bonne partie sûrement en Suisse. Rupture d’avec la communauté anabaptiste mais non avec les autorités civiles vis-à-vis desquelles on ne saurait parler de scission. Il organisera d’autres rejets du service militaire pour d’autres amish en 1704 et 1708.


Amann que ses amis appellent familièrement Amish devint et reste connu sous le nom du Patriarche. Le film ‘Witness’ (‘Témoin’,U.S.A.1985) a fait connaître le mode de vie des amish, et ceux-ci sont devenus emblématiques des autres communautés évangéliques qui partagent un semblable mode de vie rural, avec refus du progrès technique, endogamie et non-violence.

Expulsés à leur tour d’Alsace en 1712, les anabaptistes se dispersent alors et une partie s’exile aux États-Unis et au Canada.  


Le Baptisme

Du mouvement anabaptiste émerge le mouvement baptiste en 1609, initié par l'anglais en exil à Amsterdam, John Smith (1570-1612). Thomas Helwys (1550-1616) introduit le mouvement en Angleterre en 1612, et un de ses disciples, Roger Williams, l’introduit aux États-Unis où il fonde en 1636 la ville de Providence, qui deviendra la capitale du futur état de Rhodes-Island. Le baptisme qui fait partie du protestantisme évangélique n’est pas admis par les autres protestantismes. Les baptistes ne croient pas à la prédestination mais à la révélation individuelle. Cette rencontre avec Dieu est une ‘nouvelle naissance’ qui engage délibérément et volontairement, le croyant dans une vie nouvelle. Elle est l’équivalent du baptême aux adultes des anabaptistes. Les baptistes n’en attachent pas moins une importance première à la lecture de la Bible et à la communion.


Notes
 
[1] Citations et pour en savoir plus: Présentation par Anne-Sophie Robin de la traduction de" Substances, quidités et accidents" de T. de Freiberg par Rudolph Imbach, Édit. Vrin 2008  http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article85

[2] Qu'une substance (ou essence) puisse se métamorphoser en une autre tout en maintenant ses caractéristiques physiques (ses accidents, couleur, goût etc.) posa problème aux aristotéliciens.Et cela possiblement par une intervention surnaturelle divine, un miracle. La transsubstantiation dissocie l'essence de ses accidents (ses particularités) et fait exister ceux-ci de manière indépendante (de la substance), ce qui tend à rejoindre la conception platonicienne. Or, Aristote dans les ‘Catégories’, s’oppose à son maître et affirme que les accidents, êtres incorporels, ne peuvent exister en dehors d'une substance. Ils lui sont inhérents (l'Inhérence est une notion créée par Empédocle). Voir Tome1 :Philo.-Spirit./1200 La Mystique/L'École Rhénane/Thierry de Freiberge/Substance-Accident.

[3] Pour en savoir plus, voir: http://andregounelle.fr/protestantisme/cours-1998-19-ecclesiologie-protestantisme.php

[4] Le théologien protestant Karl Barth a vu dans cette omniprésence de Dieu par le Christ, les prémices de la pensée idéaliste allemande du xixème siècle.

[5] Pneuma, esprit en grec, souffle en général et particulièrement souffle vital, est une notion utilisée aussi bien dans l'antiquité grecque, la bible et la tradition chrétienne, que par les doctrines ésotériques.

[6]Nouveau Dictionnaire Biographique : http://bethesda.umc-europe.org >article zell dictionnaire pour pdf.pdf

[7]http://www.calvin.org/fr/calvin-bio2/historique2/vie2/1549-consensus-tigurinus-zuerich.html&item=mod300_23_

[8]http://dicocroate2.over-blog.com/article-matthias-flacius-illyricus-38996919.html

[9] « Luther a utilisé le terme "évangélique" pour tous les chrétiens qui acceptaient la doctrine de la grâce seule (sola gratia), qu'il considérait comme le cœur de l'Évangile… Dès le début du XVIIIe siècle, ce terme était devenu en Europe un simple synonyme de "protestant ».( https://www.oikoumene.org/fr). De nos jours les sectes dites évangélistes sont notamment caractérisées par leur vocation à la prédication. Selon Rachel Barral, (musée Virtuel du protestantisme, correspondance avec l’auteur, le terme d’anabaptiste est réservé au XVième siècle prenant ensuite le nom d’évangélistes (voir Sacrement/Note B.P.)

[10]Bender, Harold S. and Sam Steiner, Ammann, Jakob (17th/18th century). Global Anabaptist Mennonite Encyclopedia Online. January 2005. http://gameo.org/index.php?title=Ammann,_Jakob_(17th/18th_century)&oldid=143822Cette principale source comme celle de l’Abbé Grandier* ne disent pas en quelle année les Amman sont arrivés en Alsace et si le schisme qui est dit être « consommé » en 1696 relève tout aussi bien du rejet du service militaire que de la seule raison, interne aux anabaptistes, du lavement des pieds deux fois l’an plutôt qu’une fois; ce qui ne semble pas en soi doctrinalement fondamental pour provoquer le schisme.(http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Jakob Amman/fr-fr/),




INTRODUCTION À LA CONTRE-RÉFORME

Les Contradicteurs - La Contre-Réforme - Les Catholiques


Les Contradicteurs

 La Réforme catholique ne suivit pas le modèle des Réformes dites de façon générales protestantes, la luthérienne et la calviniste et encore moins celui adoptés par les réformés radicaux. Les réformateurs ou plutôt les réformistes bien que se situant en dehors de l’institution ecclésiale ne cherchèrent pas la rupture avec le saint Siège car originaires des pays traditionnellement attachés l’autorité spirituelle du pape, l’Italie et l’Espagne.

Néanmoins, dans le premier quart du XVIème siècle, les chrétiens étaient conscients de la nécessité d’une réformation de l’Église au vu de ses excès mercantiles, de sa déchéance morale et de son affaiblissement doctrinal. Ce redressement de l’Église passait aussi bien pour les humanistes que pour les réformés par un retour à la lecture directe des Écritures (sola scriptura) et par la voie d’un salut sans intermédiaire ecclésiastique (sola gracia).


Les réformateurs allemands, ceux qui s’appelleront rapidement les protestants, et les réformés suisses optèrent pour une coupure radicale avec la papauté, rejetant l’institution romaine et son clergé. Ils trouvèrent l’appui du pouvoir temporel, en Allemagne  celui des princes, et en Suisse celui des Conseils des Villes. En Italie et en Espagne, non seulement, les réformateurs ne trouvèrent aucun appui d’aucune sorte mais furent sévèrement réprimés. En France, la répression fut constante avec plus d’acharnement de la part d’Henri II que de son père François 1er, jusqu’aux Guerres de Religion (1562-1568) qui trouvèrent en l’Édit de Nantes de 1588 sinon la fin des tensions mais du moins un apaisement. En Angleterre, un sentiment ‘national’ favorisa l’avènement d’une Église anglaise dont le premier chef fut Henry VIII qui rompit avec Rome malgré ses convictions catholiques. 


D’autres réformateurs préférèrent une réforme au sein même de l’institution romaine. Plus qu’une réforme en profondeur, ces réformés catholiques défendirent un raffermissement du dogme et une moralisation du clergé. Des figures se levèrent pour renforcer le pouvoir sacerdotal et régénérer l’assise doctrinale de Rome. Parmi les plus actives, Jan Eck, théologien, éminent débatteur contre les chefs de file protestants ou encore Gilles de Viterbe (1464-1532), Général de l’Ordre Augustinien, philosophe platonisant, humaniste hébraïsant, qui appela dès le Vème Concile de Latran (1512-17) à une réforme de l’Église. D’autres comme l’Espagnol Juan de Valdès (1499-1541) s’engagèrent dans une voie plus personnelle, intérieure, qui ne fut pas sans écho. Sans oublier les  grands mystiques espagnols qui, au-delà de toutes confessions, même si elles durent subir quelques tourments de leur hiérarchie catholiques, illuminèrent le ciel chrétien, et dont  Rome tira toute la Gloire.


Mais la Réformation avait pris une telle ampleur en Europe, que Rome, voyant des pays entiers et de vastes régions échapper à son contrôle, réagit en largeur et profondeur dans le second quart du XVIème siècle. Tout d’abord par la fondation d’ordres nouveaux comme celui d’Ignace de Loyola (1491-1556) fondateur de la Compagnie des Jésus ou celui de Philippe de Néri (1515-1595), l’Ordre de l’Oratoire. Deux ordres en charges de la propagation de la foi et de l’enseignement catholique (!). Puis, en 1542, par la convocation par le pape Paul II du Concile de Trente, véritable machine de guerre anti-réformateurs, en même temps qu’il mettait en place, la même année, la Congrégation de l'Inquisition Romaine et Universelle.


La Contre-Réforme

La Contre-Réforme en tant que courant et entreprise s’opposant aux mouvements des réformateurs protestants (luthériens)  et des réformés (calvinistes, huguenots) n’est qu’un aspect de la Réforme Catholique.

Le terme de Contre-Réforme n’apparaît qu’au XIXème siècle sous la plume de l’historiographie allemande. Il désignait et désigne toujours l’ensemble des mesures de la Réforme Catholique de l’Église mise en place pour contrecarrer la Réformation protestante et calviniste. La Contre-Réforme correspond à la dernière phase de la Réforme Catholique au cours de laquelle se tint le Concile de Trente qui dura dix-huit ans, de 1545 à 1563. Le concile tridentin réaffirma toutes les doctrines chrétiennes, devenues catholiques, mises à mal par l’ensemble des mouvements réformateurs.

 

Les Catholiques

Le terme de catholique définissait depuis les conciles de la fin de l’Empire Romain, l’Église Chrétienne comme universelle dans une volonté d’unifier les cinq Églises de la pentarchie, celle de Rome, d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem et de Constantinople. L’Église Chrétienne était apostolique (missionnaire) et œcuménique (universelle). Au XVIème siècle, le terme de catholique désignera spécifiquement l’Église de Rome. Les Églises d’Orient ayant été soumises à celle de Byzance et celle de Byzance, ayant apuré à ses dépens ses comptes doctrinaux -qui remontaient au Grand Schisme de 1054- avec celle de Rome au Concile de Bâle (1431-1449). L’Église de Rome restait bien œcuménique et catholique mais bien isolée aussi,  affaiblie par sa perte d’autorité politique (Rome est saccagé en 1527) et de crédibilité morale. Le pape, lui-même, au sein de l’Église avait perdu de sa suprématie depuis ce même concile itinérant de Bâle qui avait reconnu, en vertu du conciliarisme, la supériorité du concile œcuménique (des évêques) sur les décisions du Saint Père. Déclaration entérinée par le Ve Concile de Latran en 1512 et qui ne fut pas sans conséquence sur la réticence des papes à convoquer le tardif Concile de Trente, incontournable pourtant pour la propre survie de l’Église Romaine.


 



INDEX DES RÉFORMÉS PROTESTANTS


 

Précurseurs de La Réforme

Bohême :       

     Jean Huss (ou Hus) 1369/1373-1415 (Hussites)

Angleterre :     

                 John Wyclif 133-1384 (et les Lollards)

 

Réforme en Allemagne :

Luthériens :

 Martin Luther 1483- 1546)

 Philippe Schwartzerd Mélanchthon 1497-1560

 Johannes Bugenhagen  1485-1558

 Landgrave de Hesse Philippe 1er

 Grand Électeur de Saxe Jean-Frédéric 1er

Les Radicaux :

 Thomas Münzer (ou Müntzer) 1489-1525

Luthérien ubiquitaire : Johan Brentius 1499-1570

Anabaptistes :   Melchior Hoffman 1495-1543),

Millénariste :   Bernhard Rothmann 14945- 1535

 

Réforme en Suisse :

Villes :

Zürich

 Hulrych Zwingli 1484-1531

              Henri Bullinger 1504-1575

Genève :

 Jean Cauvin (Calvin) 1509-1564

      Dieudonné (Théodore en grec) de Bèze 1519-1616

Lausanne      

Pierre Viret 1511-1571

Genève et Neuchâtel :

Guillaume Farel 1489-1565

 Bâle:             

 Œcolompade (Jean Husschin ou Huszgen dit ) 1481-1532


Les Radicaux :

Anabaptistes  :

Conrad Grebel 1498-1526

Félix Manz 1498-1527

 Huttérites (Alpes Suisse et Autriche, Moravie) :

Jacob Hutter 1500-1536

 

Réforme en Alsace:

                        Martin Bucer 1491-1551

 Mattias Zell 1477-1548

 Wolgang Capiton (Wolfgang Fabricius Köpfel dit) 1478-1541

 Gaspar Hédion (ou Hédio) 1494- 1552

 Nicolas Gerbel 1485-1560 

 

Réforme en France et Navarre :

France :

                      Nicolas Cop 1501-1540

                      Renée de France 1510-1574

         Jean Cauvin (Calvin) 1509-1564

         Guillaume Farel 1489-1565

         Pierre de La Ramée 1515 -1572

Navarre :

 Marguerite de Navarre 1492-1549

Pierre Viret 1511-1571

                          Lefèvre d’Étaples 1450-1536

                        Clément Marot 1496-1544

 

Réforme Outre-Manche :

Angleterre :   

Henry VIII d’Angleterre

                        Thomas Cranmer 1’89-1556

Écosse :       

 John Knox 1513-1572 (Presbytérien)

 

Réforme aux Pays-Bas :

Guy de Brès 1522-1567

Radicaux Anabaptistes:

 Menno Simons 1496-1561 (Mennomitisme)

Millénaristes :

Jan Matthijs (1500-1534)

 Jean de Leyde (1509-1536),

 

Réforme en Italie :

Juan des Valdès 1499-1541

Bernardino Ochino (1487-1564)

Marcantonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius) 1498 - 1550

Vittoria Colonna 1490-1547


Réforme en Espagne:

Alonso et Juan des Valdès

 

Réformés Dissidents :

Antitrinitaires :

        Michel Servet 1509/11 ?- 1553

       Lelio Sozzini (1525-1562

Arminianisme (Pélagisme, Pays-Bas) :

        Jacobus Armenius (Hermann Armenzoon) 1560-1609

        Amish (anabaptisme d’Alsace) :           Jakob Amman 1664?-1730

Baptisme (anabaptisme de Hollande) :  

        John Smith 1570-1612 (Amsterdam)

         Thomas Helwys 1550-1616 (Angleterre en 1612)

         Roger Williams (Etats-Unis,1636)

Méthodisme ( de l’anglicanisme):       

         John Wesley 1703-1791

Quakers (les Trembleurs, de l’anglicanisme) :

      George Fox 1624-1691

Piétisme (du Luthéranisme)

       Philipp Spenner 1635-1705

LA RÉFORME CATHOLIQUE

Par Pays : Italie - Espagne -Allemagne - La Fondation d'Ordres Nouveaux


Par Pays

En Italie

L’Italie dans tous ses États

La péninsule italique compte à l’époque une quinzaine de villes-états ou de royaumes de plus ou moins grande influence et de plus ou moins grande indépendance. Pour les plus importants :

  • au Sud : le Royaume de Naples qui englobait la Calabre, la Sicile et la Sardaigne et que les rois de France crurent pouvoir disputer un temps à l’Empire espagnol;
  • au centre : les États Pontificaux;
  • au Nord :
  • -  La République de Sienne (sous domination française puis espagnole) ;
  • -  Le Principat de Florence (futur duché de Toscane) que les Médicis gardèrent en main grâce à l’appui de l’Empereur et du pape et contre les républicains ;
  • -   Le Duché de Ferrare gouverné par la famille d’Este ;
  • -   Le Duché de Milan où les Sforza succèdent aux Visconti avant que la France  ne prenne un temps leur place pour devoir la céder ensuite à l’Espagne de Philippe II ;
  • -  La République de Venise qui dut faire face au début du siècle à la coalition des Français, du pape, de l’empereur Charles Quint et des états voisins. La coalition s’était formée officiellement pour combattre l’avancée de l’empire ottoman La Sérénissime résista et sortit renforcée de l’affrontement (Voir 4ème Guerre de Religions).

Durant la phase de la Seconde Renaissance, la Renaissance Classique, la péninsule restera un territoire instable. Après le bouleversement provoqué par l’occupation des puissances étrangères au cours des Guerres d’Italie qui avait provoqué des jeux d’alliances à rebondissements les rivalités entre les états ne s’apaiseront pas.


Convergence des Réformes en Italie

En 1512, la publication par Lefèvre d’Étaples de sa traduction commentée des Épîtres de Paul fera référence dans les milieux de la Réforme.

En 1516, Érasme qui rencontre le réformateur suisse Zwingli à Bâle lui recommande la lecture de ces mêmes épitres.

En 1521, Mélanchton publie Les lieux communs ou Les principaux articles de la doctrine chrétienne’ ;: “Commentaire pratique, basé sur l’épître aux romains traitant de sujets comme de la justification, de la foi et des bonnes œuvres.[1]

« Il est extrêmement difficile de distinguer en cette première période (avant 1542) le mouvement de ‘réforme catholique’ des premiers courants d’opinion favorables aux réformateurs… mais aussi de percevoir avec netteté quelles étaient les préférences accordées à telle ou telle opinion réformatrice… On peut dire qu’au Nord se fit sentir l’influence de Luther, Zwingli puis Calvin, tandis qu’au Sud, se fera jour à partir de 1534 un cercle réformé du à l’Espagnol Juan de Valdès». (Giovanni Gonnet Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'histoire des religions)


En Italie, la Réforme Catholique se confondit en ses débuts avec le mouvement humaniste biblique. Parmi ceux qui jouèrent une rôle important, nombreux d’entre eux, en effet, étaient humanistes, d’un humanisme d’inspiration chrétienne. Dans la première phase de la Réforme italienne (avant l’inquisition romaine de 1542), les idées de Luther et de Calvin commençaient à pénétrer dans la péninsule par des prédicateurs franciscains tels que Girolamo Galateo (1490-1541) et Bartolomeo Fonzio. Ces idées allaient de concert avec ce mouvement engagé par les humanistes chrétiens qui « s’inspiraient des mêmes textes [que les réformés] de l’apôtre Paul, qui étaient la base de la doctrine nouvelle de la justification par la foi seule[2]


En 1519, à la suite des 95 thèses de Luther, les idées réformatrices luthériennes, puis suisses, commencèrent à se répandre en Italie du Nord. Modène et Ferrare furent des centres importants de diffusions des idées réformatrices venus d’Allemagne et Suisse. En 1543, le Duc de Ferrare, Hercule II d’Este, fit fermer une académie considérée comme un foyer d’hérétiques, hérétiques pourtant protégés par son épouse, Renée de France, fille de Louis XII, femme de grande culture qui anima une des cours les plus brillantes de la Renaissance. Elle y accueillit notamment Clément Marot et clandestinement, sous un faux nom, Jean Calvin qui continuera d’échanger avec la duchesse une correspondance qui s’étala sur plusieurs dizaines d’années. Son soutien aux idées de la réforme vaudra à la duchesse une comparution devant l’Inquisition. Elle devra rentrer en France à la mort du Duc en 1559.


Au centre de la péninsule, Lucques fut le foyer le plus important de la Réforme à laquelle adhérèrent de nombreuses familles nobles. Comme dans les autres centres de la réforme, des humanistes convertis aux idées nouvelles, des prédicateurs furent condamnés par l’Inquisition et menés au bûcher.

Dans le sud de la péninsule, installés de longue date dans les Pouilles et la Calabre (G.Gonnet Ref.Cit), les Vaudois (non les Valdésiens) avaient jusqu’alors vécu discrètement leur foi (nicodémisme). Durant la première phase de la Réforme italienne, ils décidèrent dans faire une profession publique, ce qui entraina leur répression avant même celle que durent subir les Vaudois du Sud de la France au milieu du siècle[3]. Les Vaudois du Piémont font exception car par le Traité de Cavour de 1561 passé avec le Duc de Savoie, ils bénéficieront de la liberté du culte. En 1536, les Vaudois du canton de Vaud (capitale Lausanne) seront assujettis au canton de Berne, calviniste depuis 1528.

mais avec l’instauration de l’Inquisition en 1542, il en sera fini de tout érémitisme, de tout tentative d’apporter quelques changements, fussent-ils modestes, aussi bien dans la doctrine que dans les institutions romaines. Le Concile de Trente, le Concile de la Contre-Réforme (1542-63), engagea lui une véritable campagne de reprise en main des mentalités et établit un programme de communication et d’enseignement par lequel l’Église réaffirmait son autorité.


Juan des Valdès

Juan des Valdès (1499-1541) fait partie des réformistes catholiques de la première période de la Réforme Catholique. Né en Espagne, il s’installe vers sa trentième année au Royaume de Naples où il mourra. C’est un humaniste, imprégné dès sa jeunesse des idées d’Érasme qui fut son ami[4] comme celui de son frère Alfonso qui, secrétaire de Charles Quint, participa activement en 1521 à la Diète de Worms en vue d’une réconciliation entre catholiques et protestants.

Juan fréquente en Espagne assidument les cercles des illuministes (voir Renaissance/Mystique/Espagne), les alumbrados. A la suite de la publication en 1529 (ou 31 ?) de son ‘Dialogo de Doctrina Christiana’  qui n’est pas particulièrement bien perçu, alors âgé d’une trentaine d’années, il décide de se rendre Rome. L’inquisition espagnole intentera un procès contre lui en 1532 malgré l’avis favorable de l’Inquisiteur Général quant à la publication corrigée de cet ouvrage.


A Rome, il est un temps camériste du Pape Clément VII. Nommé archiviste de la ville de Naples, en 1533 (ou 34 ?), il doit rentrer à Rome suite à un accueil défavorable de la population qui le paye pour abandonner sa charge. Sous protection du nouveau pape, il retourne à Naples en 1536 où il vit jusqu’à sa mort entouré d’un cercle d’amis dont la Comtesse et poétesse Vittoria Colonna, sa belle-sœur, Giulia Gonzana, Marcantonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius 1498-1550), poète humaniste italien qui augmenta le Beneficio di Cristo, et  le Siennois Bernardino Ochino (1487-1564), général des capucins. Ce dernier s’orientera nettement vers le protestantisme. Il fut célèbre en son temps pour ses prêches autant que par ses écrits (La Tragédie ou Le Dialogue de la Prière Usurpée par l'Évêque de Rome, dans laquelle le pape apparaît en antéchrist - avant 1549). Valdès aurait influencé ses sermons de la période napolitaine avant qu’il ne fréquente les cours d’Italie et ne se rende à Augsbourg puis Londres qu’il quittera en 1553 à la montée sur le trône de Marie Tudor pour Zurich où son antitrinitarisme l’obligera à fuir pour la Pologne où, à nouveau banni, il mourra de la peste.

De tendance, spiritualiste (ou mystique), Valdès prône une foi vivante de l’intérieur sans recours à aucune manifestation ou soutien extérieur. Tolérant, il ne prêche aucun ostracisme, refuse les jugements comme les condamnations. Pour lui, tout est une affaire intérieure et pour chacun.


Ses ouvrages principaux sont le Dialogo paru en 1529 et Alfabeto Christiano de 1536, écrit sous forme d’un dialogue avec son amie Giulia Gonzaga, noble lettrée qui constitua un cénacle dans son château de Fondi (Latium, entre Rome et Naples) que fréquentaient des poètes comme l’humaniste Marcantonio Flaminio[5] ou des peintres comme Sebastiano del Piombo. Gonzanga prendra soin de sauvegarder cet ouvrage, tous les originaux des œuvres (en espagnol) de Valdès ayant disparu sauf des extraits des 110 Considérations (Cento et dieci Considerazioni).

Dans l’ Alfabeto Christiano, Valdès affirme la nécessité d’une intériorisation de la foi par un abandon des affaires du monde pour une voie spirituelle pour laquelle même les œuvres et les pratiques comme la prière et le jeune doivent être aussi abandonnées.

« Valdès ne rompit pas avec l’Église… il préféra une réforme sans schisme… il représente, à côté du luthéranisme, le courant réformiste fécondé par Érasme, l’illuminisme  et la mystique espagnole[6]. »

« Valdès n’était pas de ces contraires (contrariii) à l’Église mais de ses contradicteurs (contraditorii) selon l’expression de l’historien philosophe Benedetto Croce[7]. »


Valdéisme

A propos du Valdéisme, il ne faut pas confondre d'une part  Juan des Valdès, initiateur du valdéisme. Sur le valdéisme, courant qui se serait formé autour de Valdès à Naples et prolongé après sa mort à Viterbe par ses amis, notamment Flaminio et Ochino, si certaines sources font état de sa large diffusion en Italie et à l’étranger, J.N. Bakhuizen en émet des doutes : « …ceci ne signifie pas que Valdès soit resté pour ces hommes et en toutes circonstances et surtout plus tard après leur refuge en terre étrangère, le mentor qu’il fut au commencement ». En effet, Ochino marquera une évolution nette vers le protestantisme s’éloignant du réformisme valdésien qui comme tout courant réformiste modéré disparaitra après l’échec de la Diète de Worms en 1541 et l’établissement de l’Inquisition Romaine en 1542. Le Marquis de Vico, parmi les proches de Valdès à Naples, réfugié à Genève en 1561, se convertira aux idées calvinistes.

 Et  d'autre part  Pierre Valdès (Valdo) qui, au 12ème siècle à Lyon, donna naissance au mouvement vaudois. La réappropriation de la parole évangélique par les Vaudois  se heurta à une réprobation ferme de l’Église les condamnant au silence. En réaction, ils affirmèrent que le sacerdoce était affaire du laïque dont la vie de piétée donnait l’exemple. Exit le clergé fourvoyé dans la possession de bien temporels. Ils revenaient à la Cène originelle du pain et du vin, proclamaient que l’eucharistie n’est efficiente que pour celui qui est prêt à recevoir le corps de Christ et donner tous les sacrements. Rien d’autre que ce que soutiendront les Réformés radicaux quatre siècles plus tard (Voir Bas Moyen-Âge/Hérésies/ Les Vaudois).


Beneficio di Cristo

Le Beneficio di Cristo (Trattato Utilissimo del Beneficio di Giesu Christo Crocifisso verso i christiani), est publié à Venise en 1553, deux ans après la mort de Valdès. Cet ouvrage connut un énorme retentissement (sans doute 40000 exemplaires rien qu’à Venise) et une large diffusion (nombreuses traductions) bien que condamné par l’Inquisition Romaine qui finit par le faire disparaître totalement dans les années 60 à part un seul exemplaire redécouvert à la bibliothèque de St John’s Collège (Cambridge) en 1855.

Il a été écrit en un premier temps par un moine, Benedetto Fontinini da Montana (Mantoue), que Valdès aurait rencontré lors d’un séjour à Venise en 1537; mais le poète proche de Valdès, Marcantonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius, 1497-1550) en élabora une seconde version augmentée- ou n’en aurait que modifié le style sans certitude d’ajouts ( J.N. Bakhuizen)-. A la mort de J. Valdès, ses disciples s’étaient déportés sur Viterbe. Ils réservèrent à l’ouvrage un accueil enthousiaste.

« Ce travail peut être considéré comme une sorte de manifeste de la forme la plus mature de la réforme italienne, il n'y a pas de controverse anti-romaine. Il essaie seulement de donner une réponse aux nouveaux besoins religieux et une réponse afin d’éviter de nouvelles fractures dans l’Église. Il offre un message de libération, de salut et de la grâce qui sauve de la peur de Dieu, non plus vu comme vengeur mais doux avec une prédestination qui nous fait de nous les élus de la vie éternelle élus. »

 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Giusto_Fontanini)

« On a interprété le Benefico de plusieurs façons : on l’a proclamé valdésien, c’est-à-dire d’une tendance illuministe et érasminienne ; luthérien- le thème en est le salut et la foi ; calviniste : on y trouve des passages directement empruntés à l’Institution Chrétienne. Dans sa préface (à l’édition de Turin 1975), Salvatore Campanetto le présente comme un texte valdésien luthérien, calvinien mais essentiellement valdésien dans sa doctrine…les aspects luthériens et calviniens sont subordonnés à une pensée qui se refuse au schisme et au salut par les œuvres. Pour S.C. les années 1541-42 marquent la fin du réformisme érasminien et des tentatives officielles d’entente avec les protestants (Diète de Rastisbonne en 1441)…1542 instauration de l’Inquisition Romaine. » (Jean Séguy, compte rendu du Bénéficio,   http://www.persee.fr/doc/assr_03355985_1976_num_41_1_2095_t1_0209_0000_3

« Beneficio de Christo qui est centré sur la justification par la foi seule révèle à la fois des éléments propres à la réforme catholique et aux réformateurs Luther, Mélanchton et Calvin. » (G. Gonnet Les Débuts de la Réforme en Italie, Revue de l'histoire des religions).

 « L’auteur de l’Histoire du Valdésianisme en Italie, A Meozzi, considère le Benefcio comme l’expression la plus appropriée du christianisme de Valdès, comme la synthèse de ce qu’il y a de plus vivant et de plus fort dans ses écrits… Ce livre représente la faillite de l’irénisme et de l’évangélisme en Italie : il est en effet fondamentalement réformateur et n’a plus rien de commun avec la spiritualité valdésienne… Certains passages remontent à la seconde édition de l’Institution (Calvin 1539)… Il y a un abîme entre le Beneficio et Valdès d’une part et entre Valdès et la réforme de l’autre». ( J.N. Bakhuizen, Ref.Cit.)


En Espagne

Pour le peu d’impact qu’eut l’œuvre de l’humaniste chrétien Érasme en Espagne, elle reçut néanmoins un accueil favorable voire décisif chez les chrétiens portés plus à la vie intérieure qu’à toute forme de foi extériorisée.

Mais le réformisme qu’ils purent tenter tint encore moins de place qu’en Italie. Les Rois Catholiques, Ferdinand II, roi d’Aragon, roi consort de Castille sous le nom de Ferdinand V, et son épouse, la reine de Castille, Isabelle la Catholique ne pouvaient laisser pénétrer sur la péninsule ibérique dont ils venaient d’achever la totale reconquête, des courants aussi réformateurs que ceux qui étaient en train de bouleverser l’Europe du Nord. L’inquisition se chargea des chrétiens dissidents tandis que luifs et musulmans étaient contraints à la conversion ou à l’exil. Le Cardinal Cisneros, un temps régent du royaume, alla jusqu’à aller les pourchasser jusqu’au Maghreb.

(Voir aussi La Réforme/Espagne)


Cardinal de Cisneros

Francisco Ximénez (ou Jiménez) de Cisneros (1436-1517), castillan issu de la petite noblesse, fait des études à l’université réputée de Salamanque, fondée en 1239. Il en ressort diplômé in utroque jure, c’est-à-dire avec un doctorat en droits canonique et juridique. Ordonné prêtre, il exerce en Italie de 1459 à 1466 la profession d’avocat pour le consistoire (assemblée des cardinaux conseillers du pape). Il revient en Espagne où des tribulations pour obtenir le poste à l’évêché d’Uceda (Castille) promis par le pape mais que l’archevêque de Tolède lui refuse, l’amènent pour quatre ans en prison. Libéré, il obtient enfin ce poste mais l’échange en 1482, contre celui de Vicaire Général (prêtre qui seconde l’évêque) du diocèse de Sigüenza.


Deux ans plus tard, il choisit de se faire moine. Il entre dans l’ordre des  Franciscains de l’Observance, branche des Spirituels (Fraticelli) qui prônent un retour à la stricte observance de la règle de St François contrairement aux Conventuels (voir B.M.A./Spiritualité/ 1220/St François). Il passe dix dans le recueillement et l’étude à Tolède au Monastère de Saint-Jean des Rois (Monasterio San Juan de Los Reyes) (particulièrement représentatif du Style Isabelin, Voir Renaissance/Architecture Espagne.).

En 1492, par la capitulation du dernier des représentants de la dynastie des Nasride qui y régnaient depuis un accord de vasselage conclu en 1246 avec Ferdinand III de Castille- un des grands rois du Moyen-Âge, qui agrandit considérablement son royaume par la Reconquista- l’Émirat de Grenade intègre le Royaume de Castille. C’était le dernier territoire restant de l’ancienne Al-Ándalus musulmane qui arriva à couvrir quasiment toute la péninsule hormis La Castille et le Léon.  Les juifs furent contraints par le Décret de l’Alhambra de se convertir ou de s’exiler. Les trois quarts des juifs s’exilèrent, les cinquante mille environs qui restèrent se convertirent. Ces nouveaux-chrétiens furent appelés les ‘conversos’, les convertis, pour les distinguer des anciens chrétiens. Cette ségrégation a trouvé son origine dans la théorie de la ‘Pureté du Sang’ (‘ (premiers s en 1449) de Sangre’) qui dès le milieu du XVème siècle voulait séparer les anciens chrétiens d’avec les juifs qui tout au long de la Reconquista furent convertis de forces et qui commençaient à représenter une force économique qui suscitait envies et jalousie.


Cette même année 1492, Cisneros devient le confesseur de la reine Isabelle de Castille, épouse du roi Ferdinand II d’Aragon, qui devient sous le nom de Ferdinand V, roi consort de Castille. Leur fille Jeanne la Folle unira les deux couronnes d’Aragon et de Castille. Par la montée sur le trône en 1516 de son fils Charles Quint, les Habsbourg règneront sur l’Espagne jusqu’à la Guerre de Succession d’Espagne contre la France en 1700.

En 1494, Cisneros est nommé ministre provincial de l’ordre franciscain qu’il dirigera avec grande fermeté en imposant une stricte observance de la règle même aux conventuels dont nombreux préférèrent quitter le couvent. Avant le Concile de Trente, il interdit les concubines aux religieux ; les prêtres sont astreints à leur paroisse avec obligation de prêche. En 1498, après avoir réformé les franciscains, c’est à tous les ordres (dominicains et hiéronymites) qu’il imposera la même rigueur. Des moines réticents, jusqu’à 400, partent en Afrique où nombre d’entre eux se convertissent à l’Islam.

En 1495, Isabelle la Catholique, qui en a fait son conseiller, le force à accepter d’être archevêque de Tolède.

En 1499, il entreprend la christianisation de force des maures en transformant les mosquées en églises et en multipliant les autodafés. En 1501, comme cela avait été le cas pour les juifs, il oblige les Mudéjars (musulmans vivants en terre chrétienne) révoltés, à l’exil ou à se convertir et devenir ce que l’on a appelé les ‘moriscos’, les morisques. Les musulmans connaitront en 1529, une autre vague de répression qui les chassera de l’Aragonais.


Les convertis juifs et musulmans les uns comme les autres furent désignés sous l’appellation de ‘marranos’ (porc dans le sens d’une insulte en espagnol).

A la mort de la reine Isabelle, en 1504, Cisneros va jouer un rôle politique éminent. Il va d’abord servir d’intermédiaires entre le roi consort Ferdinand II d’Aragon (V de Castille) et le couple composé par sa fille Jeanne la folle et son gendre Philippe le Beau, maître de la maison des Habsbourg. Son gendre, Philippe, meurt en 1505 et sa fille devenue complètement folle au décès de son époux (d’où son surnom) se trouve dans  l’incapacité de régner. Cisneros assure la gouvernance jusqu’au retour deux ans plus tard en 1504, de Ferdinand[8] qui assumera la régence jusqu’à ce qu’en 1516 son petit-fils, Charles 1er d’Espagne (futur empereur Charles-Quint) soit en âge de gouverner. Jiménez est fait cardinal et Inquisiteur Général de Castille.


Selon le vœu testamentaire d’Isabelle et sous l’insistance du cardinal de mener une guerre de conquête religieuse en Afrique du Nord, Ferdinand cède. En 1509, le cardinal-soldat se met à la tête des troupes qu’il a imposées au clergé de financer. Il conquiert Oran (Algérie). S’en suivra une suite de prises de villes en Afrique du Nord.

En 1513, de Cisneros est nommé Inquisiteur Général d’Espagne et bien que les historiens soient partagés sur son engagement, les condamnations se comptèrent par milliers. Il a eu un prédécesseur célèbre, Tomás de Torquemada (1420-1498) qui, comme lui, fut confesseur de la reine Isabelle.

A la mort de Ferdinand II, en 1516, le cardinal-inquisiteur régente un temps le royaume, et de la même main de fer qu’il a tenu l’Église. Le peuple se soulève et la noblesse fomente. Mais le cardinal résiste pour préserver la couronne au jeune Charles d’Habsbourg alors âgé de 16 ans et qui, né en Flandres, y réside toujours. Charles n’arrive en Espagne qu’en septembre 1517. Le vieux cardinal, en mauvaise santé, s’était alors retiré à Roa dans la province de Burgos (aujourd’hui célèbre pour son vin) où il meurt quelques semaines plus tard sans savoir que Charles l’a démis de ses fonctions au prétexte de sa santé.


L’œuvre réformatrice de Jiménez de Cisneros se situe au plan pédagogique quant au cursus des études à suivre dans les universités, basé sur l’étude comparative du nominalisme et du scotisme, les uns niant l’existence réelle des Idées, les autres la soutenant. Il a fondé une université à Alcalá de Henares (Nord de Madrid) où il avait fait ses études.Il fut également très actif dans l’envoi de missionnaire dans le nouveau monde. Si le rôle qu’y joua l’inquisition reste à son passif, le rôle des missionnaires est plus mitigé (remise en cause de l’esclavage, études de la culture indigène, sauvegarde d’ouvrages). (Voir Événement Majeurs/ Le Nouveau Monde)

Ayant consacré sa vie à l’Église et au pouvoir Royal, il aura écarté l’Espagne de tout ‘mauvaise’ influence (réformée) et aura encore renforcé la morale et le service religieux en instaurant une contre-réforme avant l’heure.


L’inquisition Espagnole

En 1478, à la demande des Rois Catholiques, Ferdinand II d’Aragon (1452-1516) et son épouse Isabelle 1ère de Castille (1451-1504), le pape Sixte IV les autorise à nommer des inquisiteurs. Pour la première fois depuis sa création en 1231 par le pape Grégoire IX, ce tribunal ecclésiastique qui n’a jamais eu le pouvoir de condamnation, devient un instrument direct entre les mains du pouvoir spirituel.

La reconquête ne devait pas être seulement celle de la péninsule ibérique en son entier mais aussi la reconquête des âmes. A l’unité du territoire devait satisfaire une unité de la foi.

La première phase de l’inquisition concerne d’abord sur les juifs marranes, juifs convertis au catholicisme car soupçonnés de continuer leur religion, et puis sur les musulmans.

En 1482, l’inquisition se porte sur toute forme d’hérésie. Les jugements qu’elles ordonnent sont des ‘actes de foi’, des ‘auto da fé’. Par une volonté d’épuration, elle écarte de toutes responsabilités les nouveaux convertis juifs et musulmans au nom de la ‘Limpieza de sangre’, ‘la pureté du sang".

« Les procédures secrètes de l'Inquisition, son empressement à accepter les dénonciations, son recours à la torture, l'absence de conseil pour l'accusé, l'absence de tout droit de confronter les témoins hostiles et la confiscation des biens de ceux qui ont été condamnés, tout cela a inspiré une grande terreur…Le nombre des condamnés pour hérésie n'a jamais été très grand et a souvent été exagéré par les écrivains protestants. Mais sous le règne des Rois Catholiques, plusieurs milliers de conversos furent condamnés et brûlés pour pratiques judaïsantes dont toute la famille du philosophe et humaniste Juan Luis Vives[9]. »

Le dominicain Tomás de Torquemada (1420-1498) est resté la figure emblématique de cette intransigeance. Le nombre des brûlés sous son inquisition s’élève à plusieurs milliers.

En 1492, s’achève la Reconquista. La vassalité de l’ Émirat de Grenade prend fin avec l’abdication du derniers émir Nasride. Les juifs sont expulsés d’Espagne. Ce qui entrainera la formation de la diaspora juive espagnole en Afrique du Nord.

En 1501, ce sera au tour des maures (morisques) d’être expulsés de l’Andalousie et d’être pourchassés jusqu’en Afrique.

En 1525, l’Inquisition Espagnole ouvre une seconde phase de répression, cette fois-ci contre les chrétiens réformateurs et les illuministes, les alumbrados. Juan des Valdès aura à pâtir d’enquêtes menées sur lui. Ste Térèse Davila (1515-1582) sera astreinte à résidence pour soupçon de pratiques religieuses non conforme à l’orthodoxie et pour sa volonté d’un retour à la règle originelle du Carmel (1247) de concert avec St Jean de la Croix (1542-1591) qui, lui, connut la prison pour soupçon d’illuminisme.

L’inquisition espagnole restera en place jusqu’en 1834.


Luis de Molina

Luis de Molina (1535-1600), né à Cuenca -Castille La Manch) dans une famille noble, commence par étudier  le droit canon au célèbre Colegio Mayor[10] de Salamanque mais avant d’avoir terminé son cursus, en 1552 il va étudier le droit canon et la logique à celui Alcalá de Henares. Il entre à 18 ans en 1553 dans la Compagnie de Jésus.

Un an plus tard, il est envoyé à Lisbonne et fait le voyage à pied en vivant d’aumône. Puis, il entre à l’université de Coimbra pour étudier les ars ; université où a enseigné Pedro de Fonseca (1528-1599) dont la pensée, préfigurant le Quiéstime, aura une forte influence sur lui et sur son contemporain Francisco Suárez (1548-1617 voir Réforme Catholique/Espagne) qui enseigna à Coimbre de 1597 à 1616 et qui introduisit la notion de « grâce congrue » dans le Quiétisme (voir Réforme Catholique/Jésuites).

En 1568, il enseigne la théologie à l'Université d'Évora. Trois ans plus tard, en 1571, il devient docteur en théologie. Et obtient la première chaire de théologie à l'Université d'Évora. En 1584, il quittera le monde académique pour s'installer à Lisbonne, où il se concentrera sur la composition de ses œuvres. En 1591, il revient dans sa ville natale. Il sera nommé professeur de théologie à L’ École Royale de Madrid mais n’enseignera pas.


Membre éminent de l’École de Salamanque (voir Humanisme/ Espagne/ Droit naturel), un des rares avec Francisco Suárez à ne pas être dominicains, il va avec son ouvrage Concordia liberi arbitrii cum gratiae donis paru en 1588 poser « la question des rapports entre les secours divins dans l’état postlapsaire [après la Chute] et le libre arbitre ». La controverse va opposer les jésuites et les dominicains, plus précisément Molina avec Domingo Bañes (1528-1604) qui, directeur de conscience de Ste Thérèse d’Avila  avant d’être en 1573 recteur du Collège San Gregorio de Valladolid, sera après un passage au Tribunal de l’Inquisition nommé professeur de théologie (la plus prestigieuse) à l’université de Salamanque en 1580.


La question de auxiliis (de l’aide) porte en fait autant sur le rôle de Dieu que celui de l’homme quant au salut de ce denier.«[Cette dispute[11] s’inscrit dans un contexte très tendu, les théologiens devant à la fois lutter contre la théorie de la prédestination et la négation du libre arbitre défendues par les protestants, et contourner le risque de pélagianisme… L’objet de la Concordia] est explicitement de résoudre l’opposition entre la prescience divine et le libre arbitre. Comment en effet les hommes pourraient-ils exercer leur libre arbitre si l’ensemble du réel est prédéterminé par la volonté divine ? Pour expliquer comment la liberté s’insère dans l’ordonnancement divin, Molina théorise un troisième mode de connaissance divine, la science moyenne, permettant l’existence de futurs contingents conditionnels. Les thomistes, et en particulier Bañez, réagissent immédiatement à cette thèse en dénonçant ce qu’ils interprètent comme une négation de la toute-puissance de Dieu». Pour Molina « Au moment du choix, Dieu est toujours partie prenante du libre arbitre, mais pas tant comme cause active que comme auxiliaire de la volonté. » (G.Demelemestre )


Dieu devient en quelque sorte un auxiliaire de la volonté humaine. Molina écrit :

« L’assistance par laquelle nous sommes aidés par Dieu pour la justification n’est pas intrinsèquement efficace et par sa nature même ; plutôt, le fait qu’elle soit efficace dépend du libre consentement de la faculté de choix, un consentement que la volonté est capable de ne pas donner en dépit même de cette assistance »

 Cette controverse religieuse portant sur la grâce et le libre-arbitre avait commencé au IVème siècle, St Augustin tenant de la grâce que Dieu accorde à l’homme et Pelage tenant de son Libre-arbitre. Dispute qui aura traversé toute le Réforme et qui se poursuivra au XVIIème siècle entre jésuites et jansénistes[12] : La doctrine de Molina, le Molinisme, qu’il reprend à Pedro da Fonseca, professeur de théologie à l’université de Coïmbre (Portugal) est un moyen terme, que l’on a appelée ‘la science moyenne’ entre la prédestination des luthériens et des calvinistes et le libre-arbitre des hollandais que sont les partisans de Jacobus Arminius (1560–1609), les arminianistes et  au XVIIème siècle Cornélius Jansen et les janséniste augustiniens de Port-Royal.


« À partir d'une discussion sur la causalité, où il s'opposait à la « prémotion » thomiste, Molina énonçait une théorie de la coopération divine qui l'entraînait sur le terrain de la grâce : L'homme collabore à l'acte surnaturel et, dans le cas de l'acte de contrition et d'attrition, le concours général de Dieu lui suffit à l'accomplir. La liberté humaine passe alors au premier plan : de ces efforts pour lutter contre le déterminisme des nominalistes et des luthériens, l’augustinisme classique ne sortira pas indemne, et Molina en vient à se rapprocher de certaines thèses pélagiennes (sur la condition et la nature humaines, sur le libre arbitre, sur les facultés de l'homme pécheur). La théorie de la science moyenne lui est alors nécessaire pour concilier cette liberté humaine avec l'enseignement de saint Paul et de saint Thomas : le décret éternel de Dieu sur chacun est un décret de providence, mais la prescience du bon usage que certains feront de leur liberté aidée des secours de la grâce en fait pour eux un décret de prédestination » (Encyclopædia Universalis /Molinisme).


Francisco Suárez

Francisco Suárez (1548-1617), né à Grenade dans une famille de juristes entre à l’adolescence comme novice dans la Compagnie de Jésus. En 1561, il commence des études de droit canon à l’université de Salamanque. En 1564, après plusieurs rejets, il est enfin admis comme jésuite. Il étudie pendant quatre ans la théologie. De 1571 à 1574, il enseigne la philosophie à Ségovia, et en 75 la théologie comme stagiaire en même temps qu’ Ávila.

 De 1576 à 1580, il enseigne la théologie dans différents collèges castillans ou et à Valladolid. En 1580, il part enseigner la théologie au Collège Rome. Fondé en 1551 par Ignace de Loyola, ce collège fait aussi office de scolasticat, résidence où lola cummunauté des scolastiques (étudiants), l’équivalent des collèges des Pays-Bas, l’enseignement se déroulant des les Pédagogies (Pédagogium). Pour des raisons de santé, il revient en Espagne cinq ans plus tard.


En 1590, il publie De verbo incarnato et, deux ans plus tard, De mysteriis vitae Christi, dans lequel il commente certains aspects de la la Somme de St Thomas. En 1593, il s’installe pour quatre ans à Salmanque puis, en 1597, il part enseigner la théologie à l’université de Coïmbre (Portugal) où il mourra EN 1599, l’université fermé, il se rend à madrid où il pulie Opuscula theologica dans lequel il expose l’idée de la confession à distance qui va être contestée.

En 1612, il publie De legibus qui sera une autre de ses œuvres importantes. Un an plus tard, il publie sa Defensio fidei catholicae apostolicae adversus Anglicanae sectae error » (Défense de la foi catholique et apostolique contre les erreurs de la secte anglicane). L’ouvrage, qui paraît durant le conflit qui oppose le pape à Jacques 1er Stuart[13] a été commandé directement par Paul V. Suarez  soutient la thèse que le pape peut intervenir dans les affaires temporelles, contrairement à l'idée que les rois ont reçu leur souveraineté de droit divin.


En 1614, il cesse d’enseigner à Coimbre et se retire à Lisbonne où il meurt trois ans plus tard à la l’âge de 69 ans.

Son œuvre théologique ne compte pas moins de 29 titres. Son principal ouvrage philosophique, Disputationes metaphysicae paru en 1597 est un commentaire d'Aristote dans lequel il expose toute sa théologie.

Suárez que les anglo-saxons situent dans cette période qu'il appelle 'the early modern scholastic', s’est efforcé de trouver un moyen terme sur toutes les grandes questions qui ont nourri la pensée médiévale. Et il a également entretenu la controverse sur la question de la grâce et du libre-arbitre que son contemporain Luis de Molina (1535-1600 voir Âge Classique/Religion/Espagne) a exposé dans De liberi arbitrii cum gratiae donis, divina praescientia, praedestinatione et reprobatione concordia (1595) en reprenant la doctrine de la « science moyenne du professeur de théologie à CoïmbrePedro de Fonseca (1528-1599).

Le Congruisme

Sur cette question de la grâce et du libre-arbitre qui va partager Jansénistes et jésuites au siècle suivant, Suárez va comme Molina adopter une position intermédiaire, mais non entre les positions des jésuites et celles des molinistes mais, en avance sur son temps entre la doctrine francesca-moliniste et celle à des jansénistes de Port-Royal : Si pour Molina, Dieu accorde à l’homme une ‘grâce suffisante’ dont ce dernier garde la libre disposition, et si pour les jansénistes, ce sera une ‘grâce efficace ‘ que Dieu devra accorder à l’homme qui doit néanmoins s’y prédisposer par la piété et la communion, Suárez apporte une nuance à la ‘grâce suffisante’ de Molina : l’homme obtient de Dieu une ‘grâce suffisante’ et ‘congrue’, une grâce adaptée aux besoins de chacun ; une grâce proportionnée à l'effet qu'elle doit produire et à la disposition de celui qui la reçoit. » Comme pour les molinistes, Dieu accorde sa grâce à certains, mais celle-ci sera congue ou pas, conviendra ou pas à celui qui la reçoit en fonction de la volonté de celui-ci, volonté qui elle-même ne dépend pas de lui mais de Dieu. La grâce ne sera efficace que si c’est « une proposition où il y a accord complet » (Bossuet Hist. des variations des Églises protestantes).

Certaines sourcent assimilent ‘grâce congrue’ à ‘grâce suffisante’ :

« Congruisme : une théorie avancée par les molinistes selon laquelle la grâce divine est efficace parce qu'elle est donnée par Dieu dans des circonstances qu'il sait d'avance être congrues et favorables à son opération » (merriam-webster.com/ dictionary/congruism).

Le Congruisme de la Sorbonne

« Quand l’Augustinus de Jansénius est publié, le système théologique dominant en Sorbonne est un congruisme suarézien représenté par la triade tutélaire que forment Philippe de Gamaches, André Duval et Nicolas Ysambert. Avec le développement de l’antijansénisme apparaît un congruisme de Sorbonne original dont la première formulation se trouve chez Isaac Habert et Alphonse Le Moyne avant sa diffusion dans les manuels au temps de la Paix de l’Église. Congruisme qui rejette le système thomiste et qui soutient qu’à chacun, même au pécheur le plus endurci, a été conféré un secours suffisant ad orandum qui permet de réclamer la grâce d’action indispensable pour accomplir l’acte salutaire » (Sylvio Hermann dc Francheshi, Qu’est-ce que le congruisme de Sorbonne ? Genèse d’une tentative française de voie moyenne dans la querelle catholique de la grâce au XVIIe siècle P.UF. 2022 Revue N°294)


Le Juriste

Francisco Suárez (fut un des membres des plus éminents de l’École de Salamanque, jésuite à côté des dominicains Francisco Vitoria (1546), Dominigo de Soto (†1560) et Melchor Cano (†1560. Il a fait ses études de droits à l’Université réputée de Salamanque mais enseigna la théologie. Dans son Tractatus de legibus ac Deo legislatore (Traité des Lois et de Dieu le Législateur de 1612 et dans Defensio fidei catholicae de 1613, il s’attache à particulièrement traité des rapports du droit naturel et du droit international devançant en cela Hugo Grotius (1583-1645) qui, considéré comme le fondateur du droit international (voir Âge Classique/ Droit Naturel), lui est redevable de plusieurs de ses idées de base. Certains sources considèrent que c’est Francisco Vitoria (1486-1546) dans De potestate civili (1528) qui établit les bases théoriques du droit international moderne comme il fut dans son De Jure Belli de 1539un des premiers à affirmer que la différence de religion ne peut être une cause de juste guerre. Il fut avec Suárez et par la suite Grotius, celui qui  a apporté la question qui va devenir essentielle avec la conquête du Nouveau-Monde de la Guerre Juste et de la Guerre Sainte.

« S'opposant au principe de la royauté de droit divin, Suárez considère les peuples eux-mêmes comme étant les détenteurs de l'autorité politique et l'État comme résultant d'un contrat social auquel le peuple donne son consentement » (Encyclopédie Universalis).

« Il s'est opposé au thème du contrat social, et à la théorie qui est devenue dominante au début de la modernité chez les philosophes politiques tels que Thomas Hobbes et John Locke » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Suarez#Philosophie_du_droit).


Les deux sources s’accordent néanmoins sur le fait qu’il s’oppose à la théorie du droit divin que mit en avant Jacques 1er Stuart monté sur le trône d’Angleterre en 1603, ainsi que sur le fait le monarque ne saurait exiger de ses sujets autre qu’une obéissance aux lois temporelles, de politique et de justice, mais en rien en ce qui touche à la question religieuse. En fait, en bon jésuite Suárez soutient non seulement la légitimité du pouvoir royal mais en une forme de monarchie absolue, le pouvoir politique, le droit positif étant ou devant être une expression du droit naturel, quoique celui-ci, jusqu’à la Déclaration de droits de l’Homme et du Citoyen, ne relevait aucune prescription ni d’aucun code écrit.

Le jusnaturalisme ( le droit naturel) s’oppose au positivisme juridique (droit positif) de par son universalisme, en ce qu’il s’applique à tous les hommes et n’est pas propre à une société particulière.

« Ces idées de contrat social et de droits de l'individu conduisent Suárez à des conclusions intéressant les comportements de certaines nations, notamment les pratiques de la colonisation espagnole (De bello et Indis). Il voit dans les territoires indiens des États souverains légalement égaux à l'Espagne et des membres de droit de la communauté mondiale, le pape ni l'empereur ni aucun prince chrétien ne pouvant s'autoriser à les occuper ou à les conquérir sous prétexte de leur apporter la foi. » (Encyclopédie Universalis).


Le Théologien

 Celui que l'on surnommé le 'Doctor Eximius', l'Éminent Docteur' (quoique eximius peut qualifier un personnage hautain) est le dernier grand scolastique en ce qu’il ne s’est pas satisfait comme la plupart des derniers scolastiques de commenter Aristote. Il a élaboré le corps d’une doctrine métaphysique espistémologiquement autonome. Il fait référence à tous les grands penseurs de la période médiévale et même de ses contemporains, Saint Thomas d'Aquin, Aristote et Platon, les nominalistes et les réalistes mais aussi des philosophe arabes, sans oublier les maîtres de Salamanque. Il n’en est pas moins du audacieuse innovation.

 Dans ses cinquante-quatre Disputations Méthaphysiques, qui traite chacune d’un sujet propre, le Doctor eximius comme il était appelé expose l’ensemble de ses conceptions méthaphysiques. C’est selon le mot de Schopenhauer « « un recueil authentique de toute la tradition scolastique ».

« Suárez est généralement loué pour son exposé complet, exhaustif et systématique de plus ou moins tout ce qui était connu en philosophie jusqu'à son époque (certainement, en tout cas, en métaphysique), sa réalisation à cet égard ne doit pas éclipser la profondeur , la puissance et l'originalité de ses propres idées. Il a travaillé dans une grande variété de domaines, y compris la métaphysique, la théologie naturelle, la philosophie de l'esprit, la philosophie de l'action, l'éthique, la philosophie politique et le droit. » (https://plato.stanford.edu/entries/suarez/)


Le cœur du sujet est une approche restrictive de la métaphysique qu’il conçoit comme « l'étude de l'être en tant qu'être réel». Approche que l’on qualifiera un siècle plus tard d’’ontologique’. On comprend qu’elle n’ait pas laissé indifférents des philosophes comme Spinoza ou contemporains comme Martin Heidegger qui écrivit de lui : « Suárez est le penseur qui a le plus fortement influencé la philosophie moderne » ( Les Problèmes Fondamentaux de la Théologie).

Suárez étudie de manière aristotélicienne l’être et ses causes dans un sens large qui englobe en termes aristotéliciens ce que l’ontologie de l’Âge de Raison inclura « 'investigation des esprits et des corps, la causalité, nombres, identité et autres relations, propriétés et propositions, modalité et, éventuellement, la nature des entités abstraites, y compris les entités fictives » (voir Âge de Raison/Philosophie, notamment Rationalisme).


Parmi les thèmes traités, les transcendantaux, l’être, le Bien, le vrai qui peuvent être attribué à n’importe catégorie d’être ; « une qualité est un être, un ens, comme une substance est un ens, et ainsi de suite pour toute catégorie d'être » ; les causes de l’être : « Pour comprendre l'être, il faut comprendre ce qui provoque l'être, au sens le plus large possible, ce qui est responsable de l'être (ens). Par la suite, nous devons nous réconcilier avec ce qui fait que les êtres individuels (entia) viennent à l'existence, ou à changer leur mode d'existence une fois qu'ils sont venus à l'existence ». Sur la question nominalisme et le réalisme, querelle des universaux qui depuis Abélard a animé tout le Bas Moyen-Âge, Suárez adopte une position ambivalente sans pour autant que vraiment il assume. Dans une position nominalistes, les Idées (platoniciennes), les universaux, qui peuvent être communs à plusieurs choses, n’existent pas en eux-mêmes, seul existe, le particulier, l’individuel, le singulier ; tandis qu’ils existent qu’ils sont réels, ce sont des entités indépendantes du langage et de l’esprit (mental) du point de vue des réalistes  (d’où leur nom). Suárez, nominalistes, n’en affirme pas moins que les choses dites universelles existent vraiment dans la réalité « es quae universales denominatur vere in re existunt ».


« Dans toutes les choses réelles, il y a une unité formelle en soi, propre à chaque essence ou nature…L'unité formelle se distingue de l'unité singulière par la raison… L'affirmation que quelque chose est une unité ne nous dit rien de déterminé sur un individu au-delà du fait que c'est une chose ou une autre. Au contraire, l'unité formelle nous ramène directement à une essence, sans aucun ajout, même par la raison. C'est ce que veut dire Suárez lorsqu'il dit que l'unité formelle et l'unité singulière ne sont pas une seule et même chose » (https://plato.stanford.edu/entries/suarez/#MetDis).
« Il ne faut pas oublier qu'au cœur de la théologie morale et du droit jésuites du début de la période moderne, nous trouvons une vision anthropologique exceptionnellement optimiste ainsi qu'un modèle de résolution de problèmes très redevable à une vision de l'action humaine basée sur la liberté : le « probabilisme ». (
Wim Decock Freedom. The legacy of early modern scholasticism to contract lawhttps://books.openedition. org/pucl/844).


« On peut dire que Suárez est le représentant le plus remarquable de ce qui, avec un sens généreux, pourrait être considéré comme une école de pensée jésuite. S'il est possible de parler de profils d'une telle école, ce sont : un intellectualisme clair d'inspiration aristotélicienne ; un respect inaliénable pour Saint Thomas, surtout en théologie ; un certain volontarisme où il y aurait des résonances de Duns Scot aux défenseurs de la liberté dans l'humanisme de la Renaissance ; à cela il serait possible d'ajouter un peu de pragmatisme » (José Hierro Real https://dbe.rah.es/biografias/8415/francisco-suarez).


Le Nouveau Monde

Dans sa première phase de colonisation, avant l’arrivée sur le territoire nord américain des puritains anglais chassés d’Angleterre au XVIIème siècle, le Nouveau Monde sera catholique. Les missionnaires y joueront un rôle de premier plan et particulièrement les jésuites.

Dès 1511, la légitimité de la conquête du Nouveau Monde avait été l’objet de nombreuses controverses. En 1550-51 se tient la fameuse Conférence de Valladolid (Nord Espagne) au cours de laquelle s’affrontèrent le missionnaire dominicain Bartolomé de Las Casas (1484-1556) et le chroniqueur de Charles-Quint, Juan Ginés de Sepúlveda (1490-1573). Le premier, aumônier des conquistadors, défendait la cause des autochtones. Dans le combat d’une vie, il s’opposait non sans succès aux encomiendas, camps de travail forcés où étaient parqués les indiens ; tout comme il s’opposait aussi à l’esclavage des africains. de Sepúlveda, historien, auteur d’une Histoire de la Conquête du Nouveau Monde, humaniste aristotélicien, opposé autant à Érasme qu’à Luther, défendait sur des bases raciales (infériorité des indiens ) la colonisation ; le devoir voire l’obligation morale d’un peuple civilisé (donc chrétien) étant de soumettre les populations sauvages et de les civiliser.

Il ressortira de cette conférence, une préservation des indiens du Pérou et du Mexique qui seront plus favorisés que ne le seront les indiens d’Amérique du Nord lors de la Conquête de l’Ouest. En contre partie, leur protection aura pour effet d’entrainer l’apport massif d’africains réduits à l’esclavage. (Voir Événements Majeurs/ Nouveau Monde/de Las Casas).


Outre-Rhin

Jan Eck

Johann Maier dit Johan Eck (1486-1543), théologien fervent défenseur de l’Église de Rome, fut un sérieux adversaire des réformés allemands. Brillant débatteur, ils les affronta à plusieurs reprises : Martin Luther à la Dispute de Leipzig en 1519 ; Œcolompade de Bâle et Mélanchthon au Colloque de Baden en 1526, et tout à la fois, Calvin, Bucer, Capiton et Mélanchton au Colloque de Worms en 1536 ;

Professeur de théologie à Fribourg, il aura formé le réformateur alsacien Wolfgang Capiton (1478-1541) (voir La Réforme Alsacienne/Wolgang Capiton).

 

La Fondation d’Ordres Nouveaux

« La réforme tridentine est précédée de la fondation d'ordres nouveaux en Italie. Dès le pontificat de Léon X, au plus tard en 1517, l'initiative part de Rome, d'un groupe d'ecclésiastiques et de laïques cultivés qui s'unissent en une fraternité, l'Oratoire de l'Amour Divin ; au début, ils n'ont d'autre souci que de se renouveler intérieurement par des œuvres de piété et de charité ; puis des filiales s'érigent dans plusieurs villes italiennes. Mais tout cela est peu organisé » (http/::www.larousse.fr:encyclopedie:divers:R%25C3%25A9forme_catholique:140524 G00SZX299hV8C4yg.99)

« Si l'on considère dans son ensemble la vie religieuse de l'Occident de la fin du xive siècle au début du xvie siècle, on constate que les églises se multiplient partout à un rythme rapide, qu'une religion plus personnelle se développe parmi les élites grâce à la devotio moderna, et qu'en milieu urbain s'épanouissent des formes nouvelles et populaires de piété. En même temps, de multiples réformes partielles s'opèrent dans les ordres religieux par le retour à une plus stricte discipline : chez les Dominicains par la création au xve siècle de la congrégation dite de Hollande ; chez les Camaldules grâce à Paolo Giustiniani ; chez les Franciscains où Matteo da Bascio, héros de la pauvreté, provoque la naissance en 1526 d'une nouvelle famille religieuse : celle des Capucins. » (https://www.universalis.fr/encyclopedie/contre-reforme/2-la-reforme-catholique/).


« Pour répondre aux nouveaux besoins d’évangélisation, les prêtres se réunissent en congrégations. Ils prêtent des vœux spéciaux mais ne sont pas obligés d’assister aux offices religieux du monastère. Ces clercs réguliers enseignent, prêchent, confessent mais ne sont pas liés à un territoire comme les curés ou les chanoines. Ils sont sous l’autorité des évêques. En Italie, la première congrégation de clercs réguliers est l’ordre des Théatins fondé par Gaétan de Tienne et Jean-Pierre Caraffa en 1524. Après eux, viennent l’ordre des Somasques en 1528, voué à l’assistance ; celui des Barnabites en 1530 ; les sœurs de la compagnie de Saint-Ursule en 1535 qui se consacrent à l’éducation des jeunes filles. L’ordre apparaît en France en 1586. En 1524, à Rome, des prêtres commencent à vivre en communauté autour de Philippe Néri. [Ceux-ci] Les Oratoriens  se donnent des institutions en 1564 et sont reconnus comme ordre par le pape en 1575. Ils utilisent la musique et le chant pour attirer les fidèles ».

(http://autourdelhistoire.blog.lemonde.fr/2016/11/16/la-contre-reforme-catholique/)


Les Théathins

En 1524, Gaétan de Thiène (1480-1547) et Jean-Pierre Carafa (1476-1559) fondent l’Ordre des Clercs réguliers qui prend le nom d’Ordre des Théatins. Avant ceux des jésuites et des barnabites, cet ordre est le premier des ordres de clercs réguliers. Il tient son nom de la ville où il fut fondé, Chieti sur la côte adriatique (Abruzzes , Italie Centre) dont Pietro Carafa, futur pape sous le nom de Paul IV, était alors l’évêque (episcopus theatinus). Chieti dans l’Antiquité s’appelait Teate. Les Jésuites s’y installèrent.

« L'ordre des Théatines fut fondé en 1583 par Ursule Benincasa, ordre soumis à la règle des Théatins et divisé en deux congrégations, l'une active, l'autre contemplative ».  (http://www.cnrtl.fr/definition/théatins)                               

En 1528, les théatins se fixent définitivement à Venise et ne cessent d’étendre leur activité dans les villes environnantes, Vicence, Padoue, Brescia…et jusqu’en Espagne.


Gaétan de Thiène

Gaétan de Thiène (1480-1547)[14] est fils du condottiere Gaspard de Thiène et de la comtesse Maria Porto. Orphelin de père à deux ans, sa mère l’élève dans l’esprit des dominicains. Il fait ses humanités dans sa ville natale de Vicence et poursuit ses études à l’université de Padoue où en 1504 il obtient le doctorat in utroque jure, c’est-à-dire en droit civil et droit canon. Il reçoit la même année la tonsure.

En 1507, il est à Rome ou Jules II le nomme protonotaire apostolique et scrittore des lettres pontificales, poste qu’il occupera pendant plus de dix ans.

En 1515, il entre dans l’Oratorio del Divino Amore qui déjà se portait vers une assistance humanitaire dans un souci réformateur de voir l’Église s’orienter vers plus d’évangélisme et faire montre de plus de charité.

En 1516, il accède par les faveurs et dispense du pape à la prêtrise. Il prend pour guide spirituel Laura Mignani, une mystique de Brescia.

En 1518, il est de retour à Vicence où il intègre et réforme des

compagnies locales. En 1522, il fonde avec ses dernières à Venise l’Opsedal Nuevo pour les incurables.

En 1523, il est de retour à Rome où il reprend contact avec ses amis de l’Oratoire dont Giampietro Garafa en vue de constituer une communauté de prêtres.

En 1524 avec son ami et deux autres membres, il prononce les vœux.


Ainsi est créé l’Ordre des Clerc Réguliers. Le premier. Tous les autres ordre des clercs réguliers seront fondés en Italie au XVIème siècle : Barnabite, Somaque, Jésuites, Camilien…« La base de l’Institut était la vie commune dans la pratique des conseils évangéliques. L’accent était mis sur la pauvreté la plus rigoureuse. La norme fondamentale du nouvel institut était le renouveau de la Vita Apostolica telle qu’elle est décrite dans les Actes des Apôtres. Les célébrations communautaires de la liturgie eucharistique et chorale ainsi que la cura animarum [la charge d’âme, la cure] devaient être exemplaires. »

« Le souci réformateur des théatins se porta aussi sur la révision des textes liturgiques. « Lorsque Pie V [pape austère et sévère sur les mœurs] rendit obligatoires le Bréviaire puis le Missel romains [du Concile de Trente] par les bulles Quod a nobis (9 juillet 1568) et Quo primum (14 juillet 1570), on put se rendre compte à quel point l'œuvre des Théatins et les critères qu'ils adoptèrent pour réaliser cette réforme avaient été utiles. » (http://missel.free.fr/Sanctoral/08/07.php#biographie)

Entre Venise et Naples où il se rend pour la première fois en 1533, il mène une activité importante, fondent ou dirigent plusieurs monastères. Il est à l’origine du Mont de Piété. Il meurt à Naples en 1547. Sa mort aura été à l’exemple de sa vie : il meurt sur un lit de cendre.


Giampetro Carafa

Giampetro Carafa (1476-1559), noble de la Campanie (région de Naples) mènera une carrière ecclésiastique rigoureuse conforme à son caractère. En 1505, il est évêque de Chieti (Abruzzes). Nonce en Angleterre, il est nommé archevêque de Brindisi en 1518. Il fonde avec Gaétan de Thiène en 1524 l’Ordre des Théatins. En 1530, lui est confié le procès en hérésie du franciscain Girolamo Galateo (1490-1541) qui étaient de ceux qui véhiculaient des idées de réformes p roches des protestants. Bien que protéger par la gouvernement vénitien mourra en prison. Ce sera l’occasion pour Carafa  de rencontrer à Venise pour la première fois les luthériens.

Dans le mémorial qu’il adressera en 1533 au pape Clément VII , Carafa évoquera « le "nid maudit" de prédicateurs errants qui avaient semé le poison de l'hérésie dans la République. » (http://www.ereticopedia.org/girolamo-galateo). 

Dans ce mémorial, le ’Cardinal Théatin’ comme on l’a surnommé « mettait à nu les plaies de l'Église et indiquait les moyens les plus efficaces pour promouvoir la réforme et réprimer les erreurs… Témoignage de l'esprit qui animait les clercs réguliers dans leur volonté de préserver la foi et de promouvoir la réforme catholique».  (http://missel.free.fr/Sanctoral/08/07.php# biographie1).

En 1536, aux côtés de plusieurs cardinaux sous la direction du cardinal Gasparo Contarini, il participe à la commission chargée par le pape Paul III d’établir un rapport sur les abus de l’Église. Il en ressort en 1537 un projet de réforme de l’Église: Consilium de Emendanda Ecclesia. (http://compilhistoire.pagesperso-orange.fr/PaulIV.htmsur la base de différentes sources)

En 1542, à l’établissement de l’Inquisition Romaine par Paul III, il est nommé Inquisiteur Général. En 1549, il est archevêque de Naples, et en 1553, doyen du Sacré-Collège (collège des cardinaux).

Élu pape sous le nom de Paul IV en 1559, il mettra le Concile de Trente entre parenthèse, pas du tout convaincu de sa nécessité, estimant que la réforme, c’est l’affaire de la curie et d’abord la sienne.

Pape, Carafa fit preuve autant de népotisme en comblant de titres ses deux neveux[15] que d’intransigeance envers les hérétiques et les juifs; sa bulle de 1555, les obligeait à vivre dans des ghettos et imposait un taxe aux synagogues. Il élargit les pouvoirs de l’Inquisition et soutint particulièrement l’inquisition espagnole.


Les Nouveaux Franciscains

Conventuels et Observants

Le vœu pieu de Saint François de préserver son ordre de toutes possessions mobilières et immobilières s'avéra impossible à réaliser quand de tous les coins d'Europe Occidentale mais aussi Orientale et jusqu'en Syrie s'ouvraient des monastères se réclamant de sa parole. Parmi tous ces nouveaux frères se trouvèrent des lettrés et non des moindres. L'ordre connu une scission de fait : En 1517, le pape Léon X par la bulle Ite et vos in vineam, entérine cette scission : d'un côté les 'modernes', appelés les conventuels[16] et de l’autre, les ‘’anciens", défenseurs de l'idéal premier de pauvreté et 'simplicité d'esprit', que l'on appela les 'célestins' ou les 'spirituels' (les Fratricelli étant une fraction). Au sein des observants émergeront quatre sous-ordres.


Franciscains Réformés

En 1519, en Italie les conventuels obtiennent la possibilité pour ceux qui le désirent de faire des retraites temporaires sans pour autant se dissocier de la vie commune. Ils constituent les Franciscains Réformés et acquièrent leur autonomie en 1579.


Capucins

 En 1525, les Capucins (capuche pointue), très rigoureux, portés à la vie érémitique apparurent en Italie avant de se répandre, sous autorisation papale à partir de 1574 en Europe. Ils arrivent en France la même année au Couvent de Meudon. Ils rencontrèrent un succès certains dans l'aristocratie.

Benoît de Canfield

En Angleterre, c’est le frère franciscain Benoît de Canfield (1562-1611) qui introduit l’ordre. Issu de la noblesse rurale anglicane de l’Essex, il se convertit au catholicisme, il entre en 1587 chez les capucins de Paris (les Cordeliers) où il reçoit le nom de Benoit (Benet).

On perd sa trace en 1592 au moment où il est nommé maître de la custodie d’Orléans. On retrouve en 1597 à Paris comme définiteur. il écrit une Règle de la Perfection En 1599, après la critique par les Capucins de l’Édit de Nantes (1588), il retourne en Angleterre où il rédige le Chevalier Chrétien qui lui vaut deux ans de prison. Banni du royaume, après l’intervention d’Henri IV, il revient en France en 1602 où il est gardien (supérieur) à Chartres, Meudon, Rouen, à nouveau Chartres… De 1606 à sa mort, il est à nouveau définiteur. La première édition de la Règle paraît en 1609. De retour à Pais en 1610, il meurt la même année, son ascétisme ayant aggravé une santé fragile depuis l’enfance[17].

Sa mystique qui évoque la déification de l’âme, que la chrétienté a toujours tenue sous le boisseau, et ses extases intenses voire ses lévitations, ont inquiété l’ordre et la Sorbonne. Il sera questionné par l’université en 1609. Mais il garde ‘l’auréole’ d’un anglican converti. Plusieurs versions manuscrites de la Règle circulent, apportent quelques difficultés à la compréhension de la progression de sa démarche spirituelle qui peut s’inscrire dans le mouvement du Quiétisme.

Ange de Joyeuse

Canfield fut lié d’amitié avec le duc Henri de Joyeuse (1563-1608) qui, après une brillante carrière politique et guerrière au service d’Henri III et la montée sur le trône d’Henri IV, selon le vœu fait à son épouse que le conjoint survivant entrerait dans les ordres, il entre chez les capucin en 1599, au couvent Saint Honoré. Il mène alors une vie dite remarquable de prêches et de conférences spirituelles. En 1601 et 1608, il est Provincial de l’ordre. Il se dévoue aux pauvres et aux pestiférés. Il meurt en 1608 sur le retour d’un voyage à Rome comme définiteur. Il est inhumé au couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré[18]


Franciscains Déchaussés (alcantarins)

Pierre d'Alcántara (1499-1562) jouera un rôle déterminant dans la fondation des Frères Mineurs Déchaussés ou Alcantarins. Il soutiendra Ste Thérèse dans sa réforme du Carmel (Carmel Déchaussé) qui s’inspirera de la sienne.

Puis vint une nouvelle branche, les Récollets en 1570. des maisons de recollection sont ouvertes aux conventuels souhaitant faire retraite. Les moines en charge de ces maisons, les Récollets obtiendront leur propre autonomie au sien des Frères Mineurs.


Les Jésuites

Ignace de Loyola

Iñigo Lopez de Oñaz y Loyola (Ignace de Loyola, 1491-1556) est né au château de Loyola dans une famille de petite noblesse du Pays Basque espagnol. Orphelin de sa mère dans sa prime enfance, puis de son père à l’adolescence, il vint vivre à la Cour de Castille et d’Aragon où il occupa des postes subalternes.

A l’âge de vingt deux ans, formé au métier des armes selon l’éducation traditionnelle de sa classe, il participe en 1521 à la défense de la forteresse assiégée de Pampelune que Ferdinand II d’Aragon avait prise en 1512 dans sa volonté de reconquérir le sud de la Navarre mais que va reprendre Henri II de Navarre. Il est blessé aux deux jambes. « Parce qu'il veut retrouver son élégante démarche d'autrefois, il accepte de se faire briser la jambe et scier les os qui dépassent. » Commence pour lui un longue période d’alitement qu’il occupe par la lecture.

« Il aimerait bien lire quelques romans de chevalerie, mais dans tout le château, on ne lui trouvera que deux livres: l'un portant sur la vie des saints et l'autre sur la vie de Jésus ». (http://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Saint-Ignace-de-Loyola/Qui-est-saint-Ignace-de-Loyola).

« Ayant épuisé les récits de chevalerie, il entame la vie des saints. » (http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1596/Saint-Ignace-de-Loyola.html)

« Durant sa convalescence, faute de trouver les célèbres romans de chevalerie du temps, il lit de nombreux livres religieux comme une Vie de Jésus de Ludolphe le Saxon en quatre volumes ou La Légende Dorée (vie des saints et des martyrs) de Jacques Voragine (archevêque de Gênes, chroniqueur médiéval)».   (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ignace_de_Loyola ).

Dans la biographie qu’il lui consacre, Enrique Garcia Hernan (Édit Seuil 2016) évoque la possibilité pour Loyola d’avoir lu à cette époque de Traité de la Vie Spirituelle du prédicateur espagnol Vincent Ferrier (ou Ferrer 1350- 1419) que le Cardinal Cisneros fit publier en 1510, et d’être relativement proche des Alumbrados[19].

Face à la souffrance physique et au désespoir moral, Ignace trouve en ces livres l’ouverture à une vie nouvelle. Il prie, entre en oraison, et une nuit la Vierge et le Christ lui apparaissent.


En 1522, il part pour Jérusalem mais son pèlerinage s’arrête en Catalogne, non loin de l’Abbaye de Montserrat, à Manresa. Pour éviter la peste qui sévit à Barcelone (?), il vit pendant un an dans une grotte et mène une vie d’ascèse. Il commence à Manresa à ébaucher les Exercices Spirituels qui seront publiés 26 ans plus tard en espagnol avant d’être traduits en latin.

« Il y découvrira sa vocation propre: non la contemplation, mais le service de Dieu parmi les hommes.»   (http://nominis.cef.fr/contenus/saint...).

« Mystique d’une grande sensibilité -le don des larmes[20], quand il priait, faillit le rendre aveugles- Ignace, dans son ‘Journal’ décrit les contemplations au cours desquelles lui fut révélée l’essence divine « dans une grande clarté ».(Jacques Brosse, Les Maîtres Spirituels, Édit. Bordas, 1988)

En 1523, il reprend la route, s’arrête à Rome avant de parvenir à Jérusalem. Il n’y reste que trois semaines, les franciscains lui ayant fortement conseillé de s’en retourner[21]. Un an plus tard, il est de retour en Espagne. Âgé de 33 ans, il entreprend des études qui de l’université d'Alcalá de Henares, fondée par le Cardinal Cisneros (1517), le mène à celle  réputée de Salamanque où il est en butte avec l’Inquisition[22]. En 1528, il est à Paris où il poursuit ses études au Collège Montaigu[23] puis au Collège Sainte Barbe où il a pour compagnon de chambre François Xavier (1506-1552).


Doté de facultés intellectuelles peu communes alliées à une intransigeance morale, il crée autour de lui à Paris le même climat d’hostilité qu’il a connu à Alcalá et à Salamanque. Il obtient néanmoins en 1533 et 34, successivement les diplômes de bachelier es arts puis de licencié en théologie.

Cette même année 1534, Ignace et les six compagnons qui l’entourent, prononcent leurs vœux au Martyrium de St Denis à Montmartre, et font vœu également de partir convertir les infidèles à Jérusalem. Parmi eux, François Xavier et Diego de Lainez qui, en tant que théologien, jouera un rôle réformateur important au cours du Concile de Trente. En 1558, c’est lui qui succèdera à Ignace à la tête de la Compagnie de Jésus.

de Loyola et ses compagnons fondent la société des « Amis du Seigneur ». En 1535, il quitte Paris pour l’Espagne.


En 1537, les six compagnons plus trois autres se retrouvent à Venise où Ignace est ordonné prêtre. Sur la route de Rome, dans une chapelle où il s’est arrêté pour prier avec ses amis Diego Lainez et Pierre Favre, il leur dit « avoir cru voir Jésus avec sa croix sur l’épaule et à côté de lui, le Père Éternel qui disait à son Fils : ‘’Je veux que tu prennes celui-ci pour ton serviteur. Et Jésus m’a dit : ‘’Je veux que tu nous serves.’’ » (récit n° 96- https://christus.fr/ignace-de-loyola/)

En 1538, par l’intermédiaire de Diego Lainez, le pape Paul III reçoit le groupe de ces réformateurs défenseurs de la foi et à vocation apostolique. Commencent des pourparlers et l’élaboration des Constitutions, texte qui deviendra la charte de l’ordre mais sans être achevé avant sa mort (Christus Ref.cit.). En 1540, le pape donne son accord pour la création de la Compagnie de Jésus.

En 1542, Ignace fonde la Maison de Sainte Marthe qui accueille les prostituées appelées « femmes errantes », et d’autres maisons et des œuvres pour les pauvres, les prisonniers, les juifs et les musulmans en passe de se convertir (les catéchumènes). En 1547, il fonde la Compagnie du Saint-Sacrement de l'Église des douze Apôtres regroupant des laïcs.

Harassé par son travail et en proie à de vives souffrances physiques (?), Ignace s’éteint au mois de juillet 1556. Il sera canonisé en 1622 en même temps que François Xavier et Thérèse d’Avila.

Ignace est tout à la fois un grand spirituel qui influença la spiritualité chrétienne mais aussi un meneur d’hommes, donnant une vocation missionnaire aux jésuites qui portèrent leur mission d’abord en Europe au cours de la Contre-Réforme puis dans le Nouveau Monde et en Asie. La Compagnie finit par avoir des points d’ancrage dans le monde entier.


Les Exercices Spirituels

Les historiens s’accordent à faire de la vison qu’Ignace eut à 31 ans, en 1522, sur la route de Rome, à la chapelle de Manrèse, l’origine des Exercices. Ignace va commencer alors à prendre des notes pendant une vingtaine d’années qui trouveront leur forme définitive en 1544 et seront publiées en 1548. Les exercices sont pratiqués pendant trente jours divisés en quatre semaines.

« Les exercices se divisent en quatre parties: la première est la considération et la contemplation des péchés; la seconde, la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ jusqu'au dimanche des Rameaux inclusivement ; la troisième, la Passion du Sauveur; la quatrième, sa Résurrection et son Ascension, avec les trois manières de prier. »     (4ème annotation)

Par exemple pour la 3ème semaine, la Passion : La semaine s’échelonnera jour après jour en une visualisation (mentale) du parcours du Christ avec des instructions telles que :

 « La première contemplation se fera au milieu de la nuit, sur le voyage de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de Béthanie à Jérusalem, jusqu'à la dernière Cène inclusivement. Elle comprend l'oraison préparatoire, trois préludes en six points et un colloque. »

« Dans le premier point, je verrai les personnes de la Cène; puis, réfléchissant en moi-même, je m'efforcerai d'en retirer quelque profit. Dans le second, j'entendrai ce qu'elles disent, et je tâcherai d'en retirer quelque utilité pour mon âme. Dans le troisième, je regarderai ce qu'elles font, afin d'en retirer quelque fruit. »

« Ainsi au 5ème jour : [Je visualiserai] « Au milieu de la nuit, ce qui se passa depuis la maison de Pilate jusqu'au Crucifiement du Sauveur; et le matin, depuis qu'il fut élevé en Croix jusqu'à ce qu'il rendit le dernier soupir; ensuite les deux répétitions et l'application des sens.»

 Les Exercices contiennent aussi des règles sur la tempérance, sur le pain et la nourriture. Il est recommandé de manger comme on imagine que le Christ mangerait. (5ème règle).

« Les oraisons comprennent trois formes de prières :

  • 1ère manière sur les commandements, sur les péchés capitaux, sur les trois puissances de l’âme, sur les cinq sens.
  • 2ème manière : « La seconde manière de prier consiste à peser attentivement la signification de chaque parole d'une prière. L'addition de la première manière de prier doit se faire également dans la seconde. L'oraison préparatoire sera relative à la personne à laquelle s'adresse la prière que l'on va méditer. » .
  • La troisième manière : « La troisième manière de prier est comme en mesure. L'addition sera la même que dans la première et la seconde manière de prier. L'oraison préparatoire, comme dans la seconde manière de prier. Cette troisième manière consiste donc à prier de cœur et à dire de bouche, à chaque respiration ou soupir, une parole du Notre Père ou d'une autre prière, de manière à ne prononcer qu'une seule parole entre une respiration et l'autre. Et l'espace de temps qui s'écoule d'une respiration à l'autre doit s'employer à considérer spécialement la signification de cette parole, ou l'excellence de la personne à laquelle la prière s'adresse, ou notre propre indignité, ou la différence entre tant de grandeur d'un côté, et de l'autre tant de bassesse… » (Citations extraites de https://livresmystiques.com/partietextes/exercices_ignace/exercices.html

« C'est un code très parfait, dont tout bon soldat du Christ doit se servir... Car tout y est disposé avec tant de sagesse, tout est en si étroite coordination que, si l'on n'oppose pas de résistance à la grâce divine, les Exercices renouvellent l'homme jusque dans son fond et le rendent pleinement soumis à la divine autorité ». (Pie XI Lettre Apostolique du 3 décembre 1922). 

 

  • « Le premier temps ou première partie des Exercices est ordonné à la libération de l'âme, c'est-à-dire à la prise de conscience des obstacles qui l'empêchent de discerner la volonté de Dieu et à la purification de la conscience par le sacrement de la réconciliation.
  • Le second temps ou deuxième partie est ordonné à la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, le divin Roi et Sauveur du monde entier... Par la contemplation évangélique à laquelle elle est initiée, elle apprend à connaître intimement Jésus, à l'aimer davantage et à marcher à sa suite.
  • Le troisième temps ou troisième partie des Exercices est ordonné à la participation personnelle au mystère de la Rédemption par la contemplation de la Passion de Jésus-Christ… L'amour qui a grandi dans le cœur du retraitant durant les jours précédents l'invite maintenant à compatir concrètement aux souffrances du Christ afin de partager ensuite la joie de sa victoire.
  • Le quatrième temps ou quatrième partie des Exercices est ordonné à l'expérience de la joie de Jésus Ressuscité … La joie spirituelle naissant de la gloire de Jésus doit désormais fortifier l'âme et la rendre capable de triompher avec Jésus de toutes les épreuves; c'est la joie de la foi et de l'amour gratuit qui doit désormais accompagner le retraitant dans les diverses circonstances de sa vie et lui permettre d'être un témoin rayonnant de Jésus-Christ. » ( J.R. Bleau http://www.lumenc.org/exspirs_ignace.php)

Les Exercices eurent un retentissement considérable dans toute la spiritualité chrétienne des XVI, XVII et XVIIIème  siècles.


La Compagnie de Jésus

Le Contexte

« Le terme « jésuite » est antérieur à la fondation de la Compagnie de Jésus. Pour les théologiens du Moyen Âge, le chrétien, après sa mort, deviendrait un jesuita, c'est-à-dire un autre Jésus. Mais dès le début du xvisiècle, le mot avait pris dans les pays germaniques une coloration péjorative. Appeler quelqu'un jesuita équivalait à le traiter de « faux Jésus », donc d'hypocrite ». (https://www.universalis.fr/encyclopedie/jesuites-compagnie-de-jesus/)

Avant sa reconnaissance officielle par Paul III en 1540 et même par la suite, la société des Amis du Seigneur - qui avec ses Constitutions devient la Compagnie de Jésus- sera le deuxième des nouveaux ordres après celui des Théathins. Elle va se trouver en bute à une forte hostilité de la part de l’Inquisition et de manière plus générale de la part de ceux qui ont la charge de celle-ci, les dominicains ; hostilité aussi au sein de la curie au moment de son officialisation.

Paul III persiste car il voit dans la compagnie formée par ces lettrés qui veulent se vouer à l’enseignement et à la mission, un apport certain à la Réforme Tridentine. De même, le pape Innocent III avait encouragé au début du XIIIème siècle, la création des ordres mendiants de St François et St Dominique à des fins de réforme et d’un renouveau d’évangélisation.[24] Aussi préféra-t-il les voir commencer leur mission à Rome plutôt que de les laisser partir à Jérusalem. En 1539, Les Amis du Seigneur s’engagent à se mettre à la disposition du pape pour propager la foi chrétienne comme le rapporte la bulle de 1540.


Les Buts de la Compagnie

« Je me représenterai un roi que la main de Dieu a choisi…parlant à tous ses sujets, et leur disant: ‘’Ma volonté est de conquérir tout le pays des infidèles’’….si l'appel d'un roi de la terre à ses sujets fait impression sur nos cœurs, combien plus vivement ne devons-nous pas être touchés de voir Jésus-Christ, notre Seigneur, Roi éternel, et devant lui le monde entier, et chaque homme en particulier, qu'il appelle en disant: ‘’Ma volonté est de conquérir le monde entier, de soumettre tous mes ennemis, et d'entrer ainsi dans la gloire de mon Père.’’ » (Seconde Semaine des Exercices Spirituels)


Les Exercices Spirituels révèlent un programme sans ambiguïté dévolu par Ignace aux jésuites. Ce programme sera celui diffusé par la Compagnie dans son ensemble sous la forme de l’enseignement. La Compagnie a été fondé par des clercs qui avaient mis en pratique les Exercices Spirituels. Alors qu’ils souhaitaient se vouer à une démarche spirituelle plus qu’au prédicat ou à l’enseignement, le pape vit en ces ardents lettrés de parfaits instruments de propagation de la Contre-Réforme. « En 1544, bien qu’elle ne compte pas cent membres, la Compagnie a déjà neuf grands établissements en Europe[25]. »

La Compagnie va diffuser son propre enseignement et va ainsi façonner pour bonne part ce qu’il y a de nouveau dans le christianisme issu de la Réforme Tridentine, le catholicisme.


La Compagnie dans le Temps

 « Un instant compromis et expulsés de France, à la suite de l'attentat de Châtel (1594), ils furent rappelés par Henri IV en 1604, et depuis lors, pendant tout le cours du dix-septième siècle, leur histoire ne compte plus que des succès. Dès le commencement du dix-septième siècle, les jésuites réunissaient près de quatorze mille pensionnaires dans leurs collèges de la seule province de Paris…Déjà bannis de la Russie en 1719, du Portugal en 1759, ils le furent de la France en 1762, et de l'Espagne en 1767. Quelques années plus tard, en 1773, l'ordre tout entier était aboli par le pape Clément XIV. L'Église elle-même finissait par se révolter contre l'humeur despotique et les manières arrogantes d'une société dominatrice, véritable monarchie théocratique qui régnait sur le monde entier. (Gabriel Compayré :http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand- buisson/document.php?id=2957).


Rétablis en 1801 par le pape Pie VII, les jésuites prirent en France le nom de Pères de la Foi. Leurs collèges fermés sous la Restauration française (1818-1848), ils purent les rouvrir en 1850, sous le Second Empire, grâce à la loi sur la liberté de l’enseignement et retrouvèrent toutes les faveurs de la noblesse et de la bourgeoisie.

Les jésuites ont été l’objet des critiques les plus sévères comme des louanges les plus élogieuses. Ils ont été ou sont considérés par certains comme un ‘entrisme’ judaïque au sein de la société chrétienne, par d’autres comme des suppôts de Satan, par d’autre comme un rempart de la foi chrétienne. Sur l’enseignement proprement dit, les avis sont également partagés : « En ce qui regarde l'instruction de la jeunesse, disait Bacon, consultez les classes des jésuites : car il ne se peut rien faire de mieux ».

Pour d'autres, les jésuites seraient d'aussi mauvais pédagogues qu'ils sont de redoutables politiques : « En fait d'éducation, disait Leibnitz, les jésuites sont restés au-dessous de la médiocrité». (G. Compayré, Réf Cit)


Il semblerait que de nos jours la Compagnie de Jésus prennent une nouvelle orientation depuis que le cardinal jésuite Bergoglio a accédé au trône papal sous le nom de François 1er et que son fidèle ami, le Père Arturo Sosa Abascal est le Général des Jésuites. Les propos de celui-ci, qualifié d’hétérodoxes par les traditionnalistes, montrent une orientation ‘moderniste’ de l’approche de la religion et du monde :

« Selon son interprétation toute personnelle et hétérodoxe, le diable n’est qu’une ’’figure symbolique’’ créée par l’homme « pour exprimer le mal. »… Féministe convaincu, il milite pour que les femmes aient plus de pouvoir au sein de l’Église : ‘’ J’en appelle à la créativité féminine pour que dans 30 ans, nous ayons des communautés chrétiennes avec une autre structure’’. S’il préfère ne pas s’engager positivement sur le « mariage homosexuel « il défend en revanche les « unions civiles…’’ On ne peut pas vraiment savoir ce qu’à dit Jésus parce qu’à son époque on n’avait pas d’enregistreur (sic)’’ ».(http://www.medias-presse.info/la-nouvelle-doctrine-du-general-des-jesuites-le-diable-est-une-figure-symbolique-creee-par-nous/75166/)


L’Enseignement

« Il faut savoir que l’engagement spirituel des membres de la Compagnie de Jésus est un peu différent de celui des autres religieux catholiques. Comme ces derniers, après leurs deux ans de noviciat, les jésuites prononcent les trois vœux traditionnels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, mais ils professent en plus un autre vœu qui leur est propre : l’obéissance au souverain pontife. De plus, ils se contraignent à n’accepter aucune dignité ecclésiastique, à moins que le pape ne leur intime de le faire.

Ainsi, à l’aube ou presque de leur histoire, les jésuites mettent par écrit une méthode d’enseignement et d’apprentissage sous le titre Ratio Studiorum. Publié en 1599, cet ouvrage est destiné aux enseignants et aux cadres administratifs. Le degré de précision de l’ensemble de ses rubriques est saisissant : on y indique avec un grand soin la division des classes, les matières de l’enseignement, les devoirs et les fonctions de chaque professeur. En somme, le Ratio précise à chacun ce qu’il a à faire et ce à quoi il doit être attentif… Pendant longtemps, le théâtre, presque toujours associé à la musique, au chant et à la danse, est très présent dans la pédagogie jésuite… Chez les jésuites, la pédagogie ne se limite pas au strict apprentissage des connaissances; au contraire, elle dépasse la maîtrise de disciplines académiques. Largement empreinte d’un esprit humaniste, son ambition est de permettre la poursuite du développement intellectuel, sensoriel et corporel de chaque élève pour qu’il atteigne la pleine mesure de ses talents et qu’il puisse les déployer. » (http://www.brebeuf.qc.ca/le-college/compagnie-de-jesus-jesuites/)

L’enseignement jésuite se porta quasi essentiellement sur le niveau du secondaire, ne déployant aucun effort pour l’enseignement primaire, encore moins des classes populaires en invoquant le manque de moyens. Il est écrit dans les Constitutions :

 «Nul d'entre ceux qui sont employés à des services domestiques pour le compte de la Société ne devra savoir lire et écrire, ou, s'il le sait, en apprendre davantage : on ne l'instruira pas sans l'assentiment du général de l'ordre, car il lui suffit de servir en toute simplicité et humilité Jésus-Christ notre maître ». (Cité par G. Compayré /F ; Buisson Ref.cit.)


Les Constitutions

Les Constitutions fondent juridiquement la Compagnie. La première mouture est en espagnol, et est rédigée par Saint Ignace et Juan Palanco, son secrétaire. Une des constitutions engage la compagnie « à se disperser dans le monde entier… La Compagnie n’a de lieu que “le seul lieu du monde” dira Jérôme Nadal ’[l’un de ses fondateurs]. » ( http://www.raggionline.com/saggi/scritti/fr/constitutions.pdf)

D’autres constitutions concernent les compagnons envoyés en mission, d’autres la formation des collèges, d’autres de manière très précise la méthode de l’enseignement, etc.. Elles trouveront leur version définitive en 1594.


Doctrine et Casuistique

Devise de l’ordre ;"Ad majorem Dei gloriam" (Pour la plus grande gloire de Dieu)

 La casuistique, cette « partie de la théologie qui traite des cas de conscience » (Dict. Larousse) connut son essor à partir du XVème siècle. Jean de la Croix, de formation jésuitique, en donna des cours et institua des conférences régulières.« Le jésuitisme est une approche ad hominem [en vers l’homme] de problèmes de conscience qui fut promue par des jésuites du XVIIème siècle (jamais par la Compagnie de Jésus comme ordre religieux). Le mot semble avoir été utilisé pour la première fois en 1622.


« Le jésuitisme n’est pas un système ni une école de théologie morale (et le mot ne se trouve dans aucun dictionnaire de théologie). Certains théologiens jésuites cependant, en vue de promouvoir la responsabilité personnelle dans le respect de la liberté de conscience, donnèrent une importance considérable à une approche strictement individuelle des décisions morales, et finalement développèrent une casuistique (études des cas de conscience) où les inclinations personnelles prenaient le pas sur la loi morale. Suivant les personnes et le directeur de conscience concernés, on en arrivait à des décisions totalement opposées, même lorsque le problème posé était semblable. Ces décisions furent taxées de « jésuitiques » qui devint synonyme d'« hypocrite ». Blaise Pascal, sympathisant janséniste, attaqua vigoureusement dans Les Provinciales ce qu'il jugeait être le 'laxisme moral' de ces jésuites». (http://dictionnaire.education/fr/jesuitisme)


« Leur dispute [jésuite vs jansénistes] était officiellement théologique. Elle portait sur le libre-arbitre, comme la dispute entre les protestants et les catholiques, mais plus particulièrement sur le problème de la grâce, de la grâce "suffisante", de la grâce "efficace", et sur la signification de ces mots. Les jansénistes se référaient à Saint Augustin, à travers Jansénius, tandis que les jésuites, dont l'ordre avait été fondé pour combattre le protestantisme, avaient élaboré une casuistique qui permettait la restriction mentale, pour permettre à tous les chrétiens de rejoindre l'Église de Rome. » (Putakli,https://www.etudes-litteraires.com/forum/topic 7549-difference-entre-jesuites-et-jansenistes.html)

Au XVIIème et même jusqu’au XVIIIème siècle, le débat fut vif entre les jansénistes et les jésuites. La question centrale est celle du libre-arbitre. Pour les jansénistes, sans la grâce divine, l’homme n’est pas capable de son salut mais la grâce est donné par avance. Ils sont dans la suite du courant réformé ; pour les jésuites l'homme par les bonnes œuvres qui le lavent de ses péchés, par la prière et la confession peut obtenir la grâce ou non de Dieu. Ils sont partisans du libre-arbitre.


Jésuitisme et Judaïsme

Les juifs convertis (conversos) mais restés fidèles au judaïsme (marranes) auraient jouét un rôle important dans la formation, la doctrine et la diffusion de la Compagnie :

« Dès le début, Ignace s’entoura de convers qui sont à compter parmi les pères de la Compagnie. Le plus célèbre est évidemment Jacques Lainez, un des sept « Amis dans le Seigneur » de 1534. Fidèle conseiller et second d’Ignace, il lui succédera, en 1558, à la tête de la Compagnie devenant ainsi le deuxième Supérieur Général de l’ordre ; Pedro Ortiz fut aussi un des principaux convers de l’entourage d’Ignace : ce prêtre, proche de Charles-Quint, fera tout pour faire connaître et approuver la Compagnie par le Saint-Siège… Jean-Alphonse Polanco [1516-1577], quant à lui, fut le secrétaire d’Ignace ainsi que de son successeur Lainez, et restera un des membres les plus influents du noyau central de l’ordre. Jérôme Nadal, proche d’Ignace qui faisait partie des successeurs potentiels de celui-ci et était commissaire en Espagne, posera certains fondements de la doctrine spirituelle des jésuites. Mais ces convers, parmi les premiers et les plus influents de l’ordre, ne furent pas les seuls. De la fondation de la Compagnie jusqu’en1593, des juifs allaient rentrer en masse dans celle-ci – à tel point que le roi Philippe II d’Espagne (1527-1598), grand allié des jésuites, qualifiera la Compagnie de «Synagogue de juifs» (https://explicithistoire.files.wordpress.com/2012/12/lacompagniedejesus.pdf)


L’Ordre de L’Oratoire

En 1561, Philippe de Néri (1515-1595), d’origine florentine, passa la majeure partie de sa vie à Rome où sa renommée était fort grande. Prêtre, il a toujours eu une vocation apostolique et humanitaire. Nourri aux sources du christianisme des Pères du désert, il n’en a pas moins été un homme actif et particulièrement auprès de la jeunesse parmi laquelle se trouvera les premiers membres de sa Congrégation de l’Oratoire qui sera officialisée par le pape en 1575. Son but, en unissant des prêtres dans une vie commune est de répandre la foi et d’apporter l’enseignement chrétien. La congrégation doit son nom au fait que les premières réunions se faisaient dans un oratoire. Personne de nature joyeuse et d’esprit clair, Néri marquera les esprit du siècle suivant. Il sera canonisé en 1622. En France, au XVIIème siècle, le Cardinal Pierre Bérulle instaurera l’Oratoire de France.


La Réforme du Carmel

Voir Renaissance/ Spiritualité/Mystique/Sainte Thérèse d’Avila


Notes

[1] https://www.universdelabible.net/bible-et-histoire/les-reformateurs/266-philippe-melanchthon-1497-1560#_ftn7

[2] Giovanni Gonnet (et pour en savoir plus sur) ‘Les Débuts de la Réforme en Italie’, Revue de l'histoire des religions Année1982 Volume 199 Numéro 1 pp. 37-65 (http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1982_num_199_1_4755)

[3] Ceux-ci rallieront en 1560, les huguenots de la Conjuration d’Amboise visant à enlever François II pour le soustraire à l’emprise des Guise.

[4] Yvonne Charlier, ‘Érasme et l’Amitié d’après sa Correspondance’, Édit Belles Lettres 1977 : la diffusion de la théologie érasmienne déchaina une lutte passionnée entre les humanistes et les moines scolastiques. Certains défenseurs d’Érasme comme Valdès seront emprisonnés.

[5] Il demanda en vain aux théatins installés à Venise d’entrer dans l’Ordre des Clerc réguliers, ordre fondé en 1524 par Gaétan de Thiene.

[6] Cité par: J.N. Bakhuizen van den Brink in ‘Juan Valdès Réformateur en Espagne et en Italie’ Edit. Librairie Droz, 1967, Pg 47). Pour en savoir plus sur la vie et la pensée de Valdès voir aussi

[7] Cité par J.N. Bakhuizen van den Brink in ‘Juan Valdès Réformateur en Espagne et en Italie’ Edit. Librairie Droz, 1967, Pg 48)

[8] En 1503, Ferdinand était parti déposséder Frédéric 1er d’Aragon-Trastamare du Royaume de Naples que leur ancêtre Alphonse V d’Aragon dit le Magnanime avait conquis en 1442, mettant fin à la domination des Français sur Naples. René d’Anjou avait hérité en 1435 du Royaume de Naples de son père Louis II d’Anjou qui l’avait lui-même hérité de son père Louis 1er d’Anjou, second fils de Jean le Bon, mais qui, adopté par Jeanne de Naples, en hérita le royaume.

[9]https://www.britannica.com/place/Spain/The-Spanish-Inquisition#ref  587474. La théorie de la ‘Pureté du Sang’ (‘Limpieza de Sangre’) séparait les anciens chrétiens des nouveaux chrétiens, les ‘conversos’ (convertis) qui prirent aux yeux des chrétiens de ‘souche’ une importance trop grande dans la vie économique et dans la riche bourgeoisie. Luis de Vivès (1492-1540) est un converso, d’origine catalane mais qui passa la majeure partie de sa vie en Belgique. Humaniste moraliste, il se préoccupa d’intégrer la politique dans une conception morale de la société.

[10] Les Grandes Écoles d’enseignement supérieur (Escuelas Mayores) constituaient des universités avant l’heure. Salamanque en comptait à partir de 1411 le plus grand nombre, quatre, celui de Alcalá de Henares a été fondé en 1508 par le Cardinal Cisneros. L’unversité de Madrid ne sera fondée qu’en 1968.On parle plus généralement d’université.

[11] Citation et pour en savoir plus sur cette dispute Gaëlle Demelemestre Enjeux anthropologique et juridique de la controverse de auxiliis entre Luis de Molina et Domingo Bañes  in Revue Réforme, Humanisme, Renaissance 2018/2 (N° 87), pages 67 à 105

[12] Pour l’importance que pris cette dispute devenus centrale dans la pensée religieuse du XVIIème siècle, Luis de Molina et le Molinisme est traité dans Âge Classique/ Religion/Espagne ; voir aussi Jansénisme et Molinisme

[13] « Après la Conspiration des Poudres, Jacques prend des mesures sévères pour contrôler les catholiques non-conformistes anglais. En mai 1606, le Parlement vote le Popish Recusants Act par lequel tout citoyen peut se voir demander de prêter un serment d'allégeance reniant l'autorité du pape sur le roi. » (Alan Stewart, The Cradle King : A Life of James VI & I, Éditions Chatto & Windus, 2003, cf Wikipédia Jacques IV et 1er). Voir Âge Classique/Religion/Angleterre.

[14] Sur la biographie de Gaétan de Thiène voir

http://missel.free.fr/Sanctoral/08/07.php - biographie1 ou son condensé :

 https://paroissestjulienlacalmette.wordpress.com/2017/08/07/saint-gaetan-de-thiene-pretre-et-fondateur-de-l-ordre-des-theatins/.

[15] Le duc Giovanni fut condamné pour assassinat de sa femme et son frère Carlo, intrigant et qui selon son oncle « avait du sang » jusqu’au cou connu la même fin tragique.

[16] « Pour favoriser une vie communautaire plus ordonnée, une liturgie plus solennelle et une meilleure formation des candidats, les frères se réunissaient en fraternités conventuelles. Le mot ‘conventuel’ provient du latin ‘cum venire’ qui veut dire se réunir. Les Frères Mineurs Conventuels vivent et prient en communauté dans leurs couvents… appelés Cordeliers en francophonie, Friars chez les anglophones Grey et Minoriten.chez les germanophones ».

(https://franciscains.eu/les-franciscains-conventuels/)

[17] Base de la biographie : http://www.freres-capucins.fr/Benoit-de-Canfield-la-biographie.html

[18]Base de la biographie : http://ecole-franciscaine-de-paris.fr/ange-de-joyeuse/

[19] Cf Mystique Espagnole/ Isabel de La Cruz-les Alumbrados/ Note 370

[20] Le ‘Don des Larmes’ s’inscrit dans la tradition de la mystique médiévale. Catherine de Sienne possédait fortement ce don. La signification des larmes versées est variable mais de manière générale, elles ne sont pas considérées par les chrétiens comme des larmes de repentir ni de tristesse mais au contraire comme un don qui est fait au mystique, signe d’une gratification divine; les pleurs se produiraient en ressentant une présence invisible. Les détracteurs considèrent, eux, que le fait de pleurer sans raison apparente et de manière fréquente est le symptôme d’une dépression chronique.

[21] Selon les sources, les raisons de cette ‘évacuation’ varient soit qu’elle tienne à une situation dangereuse soit que les franciscains n’aient pas jugé particulièrement bénéfique la tournure qu’Ignace donnait à son pèlerinage.

[22] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ignace_de_Loyola#La_conversion

[23] Le Collège Montaigu dépendait de l'une des quatre universités de Paris. Il délivrait l'enseignement secondaire dans les matières des arts (libéraux) préparatoires aux études du droit canon, de la médecine ou de la théologie enseignés dans les trois autres universités. Le Collège Sainte Barbe, fondé en 1460 sur le Mont Ste Geneviève de Paris, était aussi un établissement secondaire qui eut la particularité d’accueillir des élèves catholiques et protestant pendant la réforme. Fermé en 1999, il sera resté le plus ancien collège de Paris.

[24] Voir Tome 1/Philo/A200/Les Ordres Mendiants/ St François : L'Ordre des Frères Mineurs est fondé par Saint François (1186-1226) en 1210 sur approbation par le pape de sa première règle. Peu après, est fondé l'Ordre des Frères Pêcheurs en 1216 par Saint Dominique (1170-1221). Dans le sens d'une réforme voulu par les papes successifs, ces deux ordres bouleverseront l'Église non seulement en tant qu'ordres mendiants - ils se sont refusés (du moins à l'origine) à la possession de tout bien, ce qui est une révolution dans le monde monastique - mais aussi par le développement exceptionnel du nombre de leurs monastères dans toute l'Europe, ainsi que  par l'entrée de leurs élites intellectuelles dans les universités, suivant la volonté de Rome sous l'autorité de laquelle celles-ci demeurent.

[25] « En 1554, l’ordre s’étend déjà dans 8 provinces: les Indes, avec 12 établissements (dont 2 au Japon), le Brésil, avec 5 établissements, le Portugal, avec 5 établissements, la Castille, avec 9 établissements, l’Espagne méridionale, avec 5 établissements, l’Aragon, avec 4 établissements, l’Italie, avec 11 établissements sans compter Rome, la Sicile, avec 3 établissements. En dehors de ces provinces, on dénombre d’autres établissements en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, etc. La Compagnie ne possède pas moins de 61 résidences et 63 maisons, sans compter les implantations dans certaines colonies, comme le Congo. Les collèges jésuites prolifèrent aussi: en 1555, ils ne comptent pas loin de 6 000 écoliers, chiffre énorme pour l’époque! »

https://explicithistoire.files.wordpress.com/2012/12/lacompagniedejesus.pdf


LA RÉFORME TRIDENTINE

Introduction - Le Concile de Trente


Introduction

Avant la Contre-Réforme, l’Église catholique, ainsi que les pouvoirs impériaux et royaux, avaient fait alterner répressions et tentatives de conciliations. Ces tentatives de conciliation entre les chefs de la réforme allemande, suisse, alsacienne, française et les autorités, temporelles alternaient avec des phases de guerres, de révoltes et de répressions.

Ont ainsi alternés en Allemagne :

  Diète de Worms (1521), Guerre des Paysans (1524-25), diète de Spire (1526 et 29), colloques de Augsbourg (1530), Royaume de Münster (1534-35), Colloque de Haguenau-Ratisbonne-Worms (1540-41), Guerre de Smalkalde (1546-47), menée par Charles-Quint dans les principautés d’Allemagne du Nord, Colloque d’Augsbourg (1548), Paix d’Augsbourg (1555)

                  en Suisse :

Disputes notamment de Berne (1526) et de Rive (1531)  entre réformés concomitantes aux massacres des anabaptistes.

      en France :

Répressions des calvinistes (bûchers et supplices) notamment après l’Affaire des Placards (1534), redoublées sous Henri II, Massacre des Vaudois dans le Sud de la France (1548),  Colloque de Poissy (1561), Guerres de Religions (1562-1598).

 

L’année 1542 va marquer un tournant pour l’Église catholique. Devant l’évidence de l’ irréversibilité du mouvement protestant dans les pays d’Europe du Nord, elle durcit sa position contre les tentatives de réforme en son sein. C’est la fin de tout pacifisme, de tout irénisme. Plus de conciliation mais une volonté de fermeté constante. C’est l’année où Paul III, pape de 1534 à 1549, décide  l’établissement de l’Inquisition Romaine et convoque le Concile de Trente qui s’ouvrira quatre ans plus tard.

Pour l’historien Salvatore Campanetto, « les années 1541-42 marquent la fin du réformisme érasminien et des tentatives officielles d’entente avec les protestants…1542 instauration de l’Inquisition Romaine. »(Jean Séguy, compte rendu du Bénéficio, http://www.persee.fr/doc/assr_0335-5985 _1976 _num_41 _1_2095_t1 _0209_0000_3).


Le Concile de Trente 

Le Cadre

La Constitution du Concile

Le Concile de Trente se déroulera de 1545 à 1563 en vingt cinq sessions :

De 1545 à 1547 : de 1ère à 8ème ; 1547 à 1549: de 9ème à 11ème ; de 1551 à 1552 : de 12ème à 16ème ; de 1562 à 1563 : de 17ème à 25ème.

La première session en 1545 peut paraître une date tardive pour un concile qui se donnait pour objectif de contrecarrer la Réforme protestante qui n’avait cesse de monter en puissance depuis plus un quart de siècle. Mais la situation était trop conflictuelle pour que les conditions d’un concile où toutes les parties prenantes devaient y être favorables, soient réunies. Et les papes depuis le Concile de Bâle au XVème siècle et celui de Latran au début du XVIème appréhendaient de voir à cette occasion leur autorité à nouveau affaiblie au profit de celle du synode des évêques mettant en avant la théorie du conciliarisme. Paul III tarda lui-même à convoquer le concile

Dès 1530, le pape Clément VII s’était vu pressé par Charles Quint pour le convoquer. Mais Jules de Médicis, grand mécène de la Renaissance, homme plus politique que de religion, était d’abord soucieux d’asseoir le pouvoir de Rome face à l’emprise tentaculaire de l’empereur. Antoine de Bourbon qui, s’étant mis du côté de ce dernier avait fait prisonnier son Roi, François 1er, à la célèbre Bataille de Pavie en 1525, et avait envahi Rome en 1527. Le pape devait aussi  faire face à Henry VIII auquel il refusait le divorce d’avec Catherine d’Aragon, nièce de l’empereur ; refus qui eut pour conséquence l’établissement d’une Église Anglicane autonome.

En 1536, Paul III, qui a coiffé la tiare deux ans plutôt, lance les convocations pour un concile qui devait initialement se tenir à Mantoue. Les protestants d’Allemagne de la Ligue de Smalkalde - (Voir Réforme /Confession d’Augsbourg)- sont conviés pour présenter leurs Six Articles de Smalkalde, un des textes fondateur du luthéranisme qu’avait rédigé Luther en 1537. La Ligue rejette l’invitation. Les troupes de l’empereur la disloqueront quelque dix années plus tard. Par ailleurs, la guerre entre François 1er et Charles Quint se poursuivant, les convocations de 1539 et 1542 n’aboutissent pas plus que les précédentes. Il faudra attendre que soit instaurée la paix entre La France et l’Empire par le traité de Crépy-en-Lannois en 1544 pour que la situation sur le continent soit suffisamment stable pour que le concile puisse tenir sa première session à la fin de l’année 1545.

En 1548, Charles Quint, ayant défait la Ligue de Smalkalde un an plus tôt, oblige à la seconde Diète d’Augsbourg (septembre 1547-juin 48) les protestants à participer au concile comme contre partie du compromis qu’il leur a accordé par l’Intérim d’Augsbourg promulgué en mai. Les protestants, emmenés par le Duc Maurice de Saxe († 1547), répondent au dialogue par les armes. L’empereur se voit contraint de signer la Paix de Passau en 1552 qui reconnaît le culte protestant. La Paix d’Augsbourg de 1555 entérinera cette accord avec la célèbre formule : « Cujus regio, ejus religio».


Pontificats du Concile

1534-1549 : Paul III : Alexandre Farnèse, autorise la création de la Compagnie de Jésus. Il rétablit l’Inquisition Romaine en 1542 qui marque un tournant dans les réformes protestantes et catholiques. Il a le courage d’ouvrir le concile alors que ces prédécesseurs craignaient un renforcement du conciliarisme exerçait aux conciles précédents (Bâle et Latran).

1550-1555 : Jules III. Giammaria Ciocchi del Monte, bien que souhaitant vraiment une réforme de l’Église, face à ses insuccès dans ses alliances politiques, se retira dans sa luxueuse villa qu’il avait faite construire, la Villa Giulia (Voir Art Cinquecento) et ne porta plus qu’un intérêt lointain aux affaires. Sous son pontificat se tiendra en 1550-51 la Controverse de Valladolid sur la légitimité de la colonisation espagnole dans le nouveau monde et son droit à réformer les mœurs indigènes. Marie Tudor dit La Catholique aura rétabli pour un temps le catholicisme en Angleterre de 1554 à sa mort en 1558. En 1552, face à la situation critique de Charles Quint qui a dû fuir devant l’avancée des troupes du Duc de Saxe, Jules III suspend le concile.

1555-1559 : Paul IV : Gian Pietro Carafa, fondateur de l’ordre des Théatins avec de Gaétan de Thiene. Il mettra le concile entre parenthèse, pas du tout convaincu de sa nécessité, estimant que la réforme c’est l’affaire de la curie et d’abord la sienne. Cardinal de Tolède, il avait été nommé Contrôleur Générale de l’Inquisition Romaine crée en 1542 par Paul III. Pape, il élargira les pouvoirs de l’Inquisition et soutiendra particulièrement l’inquisition espagnole.

1559-1565 : Pie IV : Angelo de Médicis couvrit d’honneurs et de charges son cardinal de neveu Charles de Borromée, véritable incarnation de la Contre-Réforme que celui-ci mit en œuvre à Milan. Il rouvre le Concile en 1562, suspendu par Jules III dix ans plus tôt. Il le suit de près, même de trop près selon les cardinaux. Il soutient fortement l’action des jésuites. A la fin du concile, il entérine tout de suite ses décisions par la bulle Benedictus Deus et Pater. Il meurt d’épectase (mort pendant l’orgasme) dans les bras de la belle Elvira Cagliari.


Les Buts du Concile

Le Concile se fixe deux objectifs : le rétablissement de la morale et de la discipline, et le retour à la rigueur spirituelle par la réaffirmation des dogmes chrétiens mis à mal par la vague protestante. Et par voie de conséquence : la réaffirmation de la foi catholique, la reconquête des territoires et des esprits, la diffusion de ses préceptes entre autres par les arts.

La Doctrine

Sont réaffirmés[1] :

  • Les sources de la foi : le canon de l'Écriture Sainte et la Tradition.
  • La sainte eucharistie (sanctissima eucharistia) en tant que transsubstantiation des espèces.
  • Les sept sacrements dont l’extrême-onction et le baptême.
  • L’immaculée conception de la Vierge par St Anne (bulle, Ex omnibus afflictionibus 1567) promulguée au Concile de Bâle de (1431-1449). Dès sa conception, la mère du Christ n’a été entachée d’aucun péché.
  • La justification par la foi qui est antinomique à toute prédestination.
  • L’autorité du pape, chef suprême de l’Église, au-dessus de tout conciliarisme.

Sont promulgués :

  • Le décret Morone : nomination et devoirs des cardinaux, organisation des synodes diocésains et des conciles provinciaux, visite des diocèses par l'évêque, réforme des chapitres et des ordres monastiques, collation des paroisses et prédication paroissiale.
  • Le décret Tametsi sur le mariage, et les décrets sur le purgatoire, les indulgences et le culte des saints (1563).
  • Le « catéchisme romain » (1566), l'édition de la Vulgate (traduction de St Jérôme 5èmes. seule et indiscutable), la réforme du bréviaire (1568) et du missel (1570), la refonte du calendrier et du martyrologe (1582).

La Morale & L’Enseignement

Au désintérêt que les papes népotiques du XVème siècle avaient manifesté pour les affaires religieuses, plutôt soucieux d’affermir un pouvoir temporel en se plongeant dans la politique européenne, s’était ajoutée une décadence des mœurs ecclésiastiques. Laurent de Médicis qui avait connu le pontificat de Innocent VIII, mort la même année que lui en 1492, et qui n’eut pas le loisir de connaître le pontificat de son successeur, Alonso Borgia (Calixte III), avait déjà qualifié l’Église « de rendez-vous de tous les vices ». Ce délitement moral se manifestait par :

La recherche et le cumul des menses (bénéfices ecclésiastiques) sans souci d’exercer la charge ecclésiastique qui y sont liée, certains évêques allant jusqu’à déserter leur évêché, et les prêtres percevant les prébendes de plusieurs paroisses se dispensant de prêches et de visites.

La dispense excessive des indulgences (pardon des péchés contre argent) à des fins lucratives au point que s’en était devenu un véritable commerce.

L’augmentation de la dîme, qui fut une des causes en Allemagne de la révolte de la Guerre des Paysans (1524),

La simonie consistant à la vente de biens religieux immatériels (sacrements, dignité etc.) ou à la location de service religieux comme la mise à disposition d’une chapelle ‘privée’ au seigneur et à sa famille contre monnaie sonnante et trébuchante.

En réaction le concile décide :

  • La création de séminaires sous l’autorité de l’évêque pour la formation des clercs. Les nouveaux prêtres sont instruits et formés à leur mission. Il s’agit pour la première fois d’un cursus de formation.
  • Le développement des cultes de la Vierge, des Saints et du Sacré-Cœur pour orienter le culte vers son aspect affectif. (Encyclopédie Larousse Réf cit.)
  • De « privilégier la confession et la prédication, caractérisées par le confessionnal et par la chaire (une estrade d'où le prêtre, lors des offices, s'adresse aux fidèles)» (Hérodote.net : Le Concile de Trente et la Contre-Réforme).
  • La mise en place de grandes messes et cérémonies. La pompe, qui jouera un rôle primordial dans l’édification du fidèle. Au ‘Grand Siècle’, Bossuet dira qu’il ne faut pas confondre pompe et majesté.
  • « Du non cumul des menses : un prêtre pour une paroisse. Des charges obligatoires pour les évêques (choix des prêtres, synode diocésain, visites biannuelle des paroisses…) ; du renforcement de l’autorité de l’Abbé dans les monastères et de la fin des commendes (laïque qui touche les revenus d’un monastère); La création de vœux simples. Au Moyen-Âge, on faisait des vœux solennels devant la communauté, maintenant, les religieux peuvent s'engager de manière moins contraignante, pour quelques années seulement et/ou pour des fonctions particulières: les jésuites ne sont pas soumis à résidences. »  (http://www.cliohist.net/moderne/europe/16/cours/chap9.html)

La création et le développement d’un style propre à l’Église romaine, le  Maniériste qui sera à l’origine du style baroque-pour en faire un instrument de communication et le signe ostentatoire du rayonnement retrouvé de l’ Église Romaine.


La Réforme Interne de l’Église (1566-1605)

Les papes qui succédèrent au concile poursuivirent la même politique de réforme de l’Église. Le Catéchisme Romain est publiée en 1566 sous Pie V (pape de1566 à1572) qui entame la mise en route des décisions tridentines et veille particulièrement à un redressement de la vie morale des ecclésiastiques. Grégoire XIII (de 1572 à 1585) s’applique à une révision du droit canonique en s’appuyant particulièrement sur les jésuites en Allemagne pour la formation des cadres du clergé. Sixte V (de 1585 à 1590) s’attache à une réforme administrative de l’Église. Il crée des congrégations administratives et religieuses ayant en charge les rites, l’enseignement, les ordres, etc., et fait publier la Vulgate prévue par le concile mais dans une version très décriée. Sous Clément VIII (de 1592 à 1605), la Cité Vaticane redevient un centre religieux à la vie intense. Il fait publier le Pontifical (livre liturgique, 1596), le Cérémonial des évêques (1600), le Bréviaire (1602), le Missel (1604) et la Vulgate selon la version revue qui porte le nom de version sixto-clémentine, qui restera en vigueur jusqu’au Concile de Vatican II (1962). Il favorise l'éducation chrétienne des pauvres : « c'est une tendance profonde de la réforme catholique que ce recours à l'enfance pour compenser l'hérésie ou la tiédeur des adultes. Le soin des malades, lui, sera assuré par l'ordre fondé par Saint Camille de Lellis († 1614, fondateur de l’Ordre des Clercs réguliers pour le service des malades). » D’autres ordres de clercs réguliers[2] seront fondés sous Clément VIII[3] qui, fin politique, absout Henri IV de ses fautes (de son protestantisme) seulement deux ans après que celui-ci s’est converti au catholicisme en 1593, au grand dam de Philippe II d’Espagne. Il aura participé activement à la Paix de Vervins signée en 1598 entre la France et l’Espagne.


St Charles de Borromée

Fils d’une Médicis, comblé de titres par son oncle Pie IV cardinal à 22 ans avant même d’être archevêque de Milan, percevant des revenus forts conséquents de son évêché et de ‘ses’ abbayes, Charles de Borromée (1538-1584), après une vie mondaine occupée à la chasse et à la musique, va devenir l’incarnation de la Contre-Réforme. Il va appliquer à la lettre les consignes de la réforme tridentine.

 « Son action et ses écrits serviront d'exemple à tous les prélats réformateurs de la chrétienté… En outre, son influence déborde son diocèse de Milan; le Saint-Siège le nomme visiteur et il peut ainsi réformer des régions entières d'Italie. D'autres prélats l'imiteront, dont le cardinal Hosius qui présida au Concile de Trente, [†1579,] en Pologne et au Portugal l'archevêque de Braga, Barthélemy des Martyrs.» (Ency.Larousse Réf.Cit.)

En 1566, à la mort de son oncle dont il a été le secrétaire d’état, il rentre dans son diocèse de Milan où il va mettre en pratique un nouveau modèle pastoral en menant une vie ascétique (silice, sommeil au sol, un repas maigre par jour). Il vend ses meubles et donne l’argent aux pauvres. Crée un séminaire de formations des prêtres helvétiques. Visite régulièrement pauvres et malades et ses paroisses. Impose la discipline de leur règle aux ordres religieux. Durant la peste qui frappe la ville en 1570-71, il assiste les malades et conduit pieds et tête nue, corde au cou une procession.

« A la fin d’octobre 1584, s’étant retiré au Sacro Monte de Varallo, affaibli par les mortifications, [il] tomba malade. Ramené en litière et atteint d’une forte fièvre jusqu’à Milan, il s’éteignit dans la nuit du 3 au 4 novembre 1584 à l’âge de 46 ans, couché sur le sac et la cendre, les yeux fixés sur le crucifix qu’il tenait à la main.»

(Biographie sur http://www.paroisse-saint-charles.fr/biographie-saint-charles-borromee/)


La Reconquête des Territoires et des Âmes

En 1555, Charles-Quint, en mauvaise santé, abdique officiellement de sa couronne royal en faveur de son fils Philippe II qu’il l’exerce en fait le pouvoir en Espagne depuis le années 30. Le nouveau roi, moins intransigeant que son père, signe à la diète Augsbourg, la Paix d'Augsbourg qui met fin au conflit entre les protestants et les catholiques au sein de l'empire. Le recès[4] est resté célèbre : «Cujus regio, ejus religio». Chaque région peut choisir sa religion.

Cette paix comme le concile lui-même reconnaissent de facto l’existence d’une nouvelle religion et son droit au culte. Si les catholiques affermissent leur doctrine et affirment leur volonté de reconquête des âmes, les protestants ne feront pas montre de moins de fermeté et de résistance. Intransigeance réciproque qui provoquera les Guerres de Religions en France (1562-1598) et la Guerre de Trente Ans (1618-1648) dont l’une des causes sera le refus des protestants tchèques de reconnaître l’empereur catholique, Rodolphe II de Habsbourg comme roi de Bohême : A la Diète de Prague, en 1619, les représentants de l’État de Bohème défenestreront les envoyés de l‘empereur à l’instar de Hussites de Moravie 150 ans plus tôt.


Entre temps, dans une paix retrouvée, du moins en Allemagne, les jésuites vont mener une action décisive dans l’établissement de nombreux collèges, à Prague, à Vienne, à Cologne, à Munich et dans d’autres villes. Ils font de la Bavière et de l’Autriche des ‘bases arrières’ de la Contre-Réforme. La Pologne, la Bohême, la Hongrie, comme l’Allemagne du Sud pour bonne partie sont restées favorables à Rome, tandis que le protestantisme luthérien a conquis le Nord.

Les jésuites ouvrent de nombreux collèges en Europe et maintiennent leur vocation à la prédication.

« Au début des années 1560, les dernières sessions du concile de Trente marquèrent le début d'une offensive destinée à faire observer la discipline religieuse auprès des fidèles et l'Inquisition se mit au service du renouveau de la pastorale en surveillant les discours et les comportements. Les divers foyers de conflits en Europe ayant un caractère confessionnel marqué, c'est tout naturellement que l'Inquisition fut employée comme moyen de contrôle des populations étrangères ou descendant d'infidèles. (L'Inquisition espagnole au lendemain du concile de Trente. Le tribunal du Saint-Office de Séville (1560-1700), Université de Montpellier, Presses de l'Université, 2003).


Une Religion de la Peur

« On peut accuser l'Église d'avoir propagé une religion de la peur, presque terroriste. Pendant cent ans, on a vécu dans une période où s'agite la menace du péché et de l'enfer, et on n'a pas encore les conséquences de Trente : entre 1560-1650, c'est la grande époque des procès de sorcellerie. On assiste à une flambée de bûchers : 63 femmes en Allemagne en 1562, puis les Pays-bas et la France. Entre 1570-1630, on compte 3 000 bûchers en Allemagne, 4 000 en Écosse et 2 000 en Lorraine. Ce qui est remarquable : la création d'une géographie originale : la majorité des sorcières sont allemandes. On brûle dans les régions de front entre catholicisme et protestantisme (zone de crainte réciproque). Zone ou l'état est aussi faible : le parlement de Paris ne brûlera presque pas. Les états faibles ont un maximum de sorcellerie… L'Inquisition en 3 siècles aura tuée 12 000 personnes, les procès de sorcelleries 50 000 entre 1570-1630. » (http://www.cliohist.net/moderne/europe/16/cours/chap9.html)


La Contre –Réforme et Les Arts

Le sac de Rome en 1527 par les mercenaires (lansquenets) de Charles Quint menés par Antoine de Bourbon ébranla fortement les consciences dans leur certitude de pouvoir atteindre à un monde humaniste fait de sagesse, d’idées et d’équilibre des formes. Le maniérisme, apparu à Florence entre 1520-30, nait d’un sentiment d’inquiétude spirituelle dû au climat de tension instauré entre Réforme et Contre-Réforme. La sérénité de la certitude classique s’estompe. Il ne s’agit plus d’exprimer ‘clairement’ ce qui est vu et ressenti, mais de manière parfois onirique, dans des attitudes inattendues, des couleurs surprenantes, en renonçant à toute quiétude intérieur, de traduire par l’allégorie, le symbole, ce tourment intérieure, cette incertitude nouvelle du monde. (voir Art Renaissance/Maniérisme).


Le Concile de Trente mit en place au plan artistique une vaste campagne de ‘com’ (comme nous dirions aujourd’hui). Les consignes en matière de construction, de compositions furent suivies par les artistes qui, soit par leur adhésion aux idées de la Contre-réforme soit par les obligations imposées par leurs commanditaires, constituèrent non une école mais un mouvement.

En musique, par exemple, l’on peut regrouper les musiciens de la Contre Réforme comme de même on peut regrouper ceux de la Réforme. (Voir Musiciens Des Réformes, Protestante et Catholique). Le Madrigal fut intégré dans la musique religieuse. Ainsi, paraît le Musica spirituale – Libro primo di canzon emadrigali a cinque voci ou quand et comment des textes bibliques sont chantés sur des madrigaux.

En architecture, à Rome, la façade à deux niveaux et deux ordres et volutes de l’Église du Gesù , église mère de la Compagnie de Jésus, conçue par l’architecte Le Vignole (1507-1573) sera un modèle de l’architecture de la Contre-Réforme appliqué à de nombreuse églises en Europe. Le jubé des églises va disparaître au profit d’un lien direct du clergé avec les fidèles par la chaire..

En peinture, le courant maniériste italien représenté par des peintres comme le Tintoret (1518-1594) est très significatif de ce bouleversement des esprits avec ses teintes sombres, ses formes en ‘s’, et une recherche du mouvement qui annonce le Baroque.


Notes
[1] Sur la base de et pour en savoir plus sur les décisions du concile :

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/concile_de_Trente/147379#z94Cbos1dBmJtDsH.99

[2] Dict. Larousse : Clercs réguliers : congrégations de prêtres qui pratiquent en commun les exercices de la vie religieuse et font, les uns, des vœux solennels, les autres des vœux simples. [Par exemple les jésuites.]

[3] En savoir plus sur http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/R%C3%A9forme_catholique/140524#RetM4k13KWluPxJJ.99

[4] Du latin «départ». «Recès de l'Empire: Procès-verbal où étaient consignées les délibérations des diètes de l'Empire germanique…Vx ou littér.:Lieu préservé des atteintes extérieures où l'on se retire.» (http://www.cnrtl.fr/definition/recès).


INDEX DES RÉFORMATEURS CATHOLIQUES


Giampetro Carafa –Paul IV 1476-1559 (Italie)
Gaétan de Thiène 1480-1547 (Italie)
Juan des Valdès 1499-1541 (Espagne-Italie)
Jan Eck 1486-1543 (Allemagne)
Saint François Xavier( Francisco Javier  Francisco de Jasso y Azpilicueta (Navarre-Chine) 1506-1552
Saint Philippe de Néri 1515 ?-1595 (Italie)
Ignace de Loyola fondateur de l‘Ordre des Jésuites en 1534-1539

Francisco Suarez  1535-1617
Charles de Borromée 1536-1584 (Italie)
Saint François de Sales 1567-1622 (France)



LA MYSTIQUE À LA RENAISSANCE


LA SPIRITUALITÉ EN ALLEMAGNE

Introduction - Les Spirituels


Introduction

Martin Luther traitait de « Schwärmer » ceux qui étaient portés à la mystique ou à l’illuminisme. Le terme peut avoir plusieurs acceptions. On peut le traduire en français par ‘rêveur’, ‘enthousiaste’, ‘visionnaire’ ou encore ‘fanatique’[1]. Dans l’esprit de Luther, il pourrait avoir signifié ‘doux rêveur’ ou peut-être plutôt ‘doux dingue’ sinon ‘échauffé’. Luther en particulier et les réformés à quelques exceptions notables ont regardé avec défiance la mystique, l’approfondissement de la voie intérieure dans la recherche de l’union à Dieu. Ces ‘fantastes’ « qui dans la Réforme naissante, prolongeaient le mouvement d’idées issus de la mystique médiévale »[2] erraient de ville en villes, pourchassés par les doctes luthériens[3]. La Réforme dans son ensemble, qu’elle soit protestante ou catholique, n’a pas favorisée, et ce peut être un euphémisme, une voie qui mettait plus l’accent sur la ‘possession’ du cœur par le Saint Esprit que sur l’Écriture, la littéralité de la Bible ; et tant s’en faut qu’elle est encouragée les âmes qui, portées au mysticisme, considéraient les œuvres extérieures et l’attachement aux valeurs morales comme secondaires voire superfétatoires.

« Pour les polémistes et hérésiologues du luthéranisme, toute tendance mystique signifiait nécessairement hérésie panthéiste, toute tendance à l’intériorisation de la vie religieuse voulait dire apostasie » (A. Koyré, op. cit. / V Weigel, pg 137)


Hormis celle de ses spiritualistes, la pensée protestante, si ce n’est à considérer que la foi que le réformé a en le Christ Sauveur est en soi une voie d’union à Dieu, n’a suscité aucun écrit dans la veine rhénane, n’a éveillé à aucune illumination. Quant à la pensée catholique, elle s’est forgée au travers des codes établis par la réforme tridentine que véhiculait l’enseignement jésuite. L’Inquisition, elle, a veillé au grain : les illuministes, les alumbrados espagnols, ont été pourchassés, les grands mystiques inquiétés voire mis en prison, et les disciples de l’espagnol Juan Valdès en Italie ont fini par rentrer dans les rangs protestants.

Rares sont ceux qui, sans s’engager résolument dans une voie mystique, ont été influencés par la tradition rhénane comme le radical Thomas Münzer (ou Müntzer, 1489-1525) au travers de Maître Eckart, ou comme l’éditeur Andreas Osiander (1498-1552) dont la conception de la justification comme présence réelle du Christ en l’âme ne peut pas ne pas faire penser à la naissance du Christ en le cœur chez les béguines du XIIIème siècle. Il s’opposera en cela à Melanchthon. En deux écrits, De Lege et Evangelio et le De Justficatione, parus en 1550. Il sera présent à la Confession d’Augsbourg (1530). Le flamand Johannes Campanus (1500-1575), évêque de Liège qui fut retenu en prison pendant 26 ans par les luthériens pour avoir défendu l’ancienne tradition antitrinitaire, adhéra lui au courant des spirituels.


Les spirituels répondaient avec non moins de fermeté et d’engagement aux attaques des luthériens. Ils reprochaient à Martin Luther et aux luthériens, notamment les plus stricts d’entre eux, les gnesio-luthériens, de

 « s’écarter de la voie que Luther avait ouverte, et au lieu de fonder une communauté évangélique d’engager la Réforme dans une voie politico-religieuse et de rétablir la plus part des choses que Luther avait combattues : La liberté du chrétien, la libre piété évangélique, l’adoration de Dieu « en esprit et en vérité ». La chrétienté luthérienne était à nouveau asservie à la loi, et la religion de l’esprit tournait à l’idolâtrie. » (A. Koyré)


Les Spirituels

Johannes Denck

Johannes Denck (1495/1500-1527), né en Bavière, entre à dix sept ans à l’université de Ingolstadt, la première de Bavière (1472), où enseignait le contradicteur de M. Luther, Jan Eck[4]. Il poursuit ses études à Bâle. Il baigne alors dans l’effervescence de la Réforme et s’intéresse aux idées du radical Thomas Müntzer  tout autant qu’il est attiré par les spiritualistes. A Bâle, il travaille un temps comme correcteur d’imprimerie avant que le chef de file de la réforme bâloise, Œcolompade ne le fasse nommer en 1523 recteur de l'école Saint-Sebald à Nuremberg où il se marie et où il ne semble pas qu’il ait rencontré Müntzer (voir Réforme). Il découvre La Theologica Germanica qui aura une profonde influence sur lui.

De l’approfondissement de sa connaissance de la Bible et de l’Hébreu, il adopte une attitude sceptique sur la vérité qu’est censée révéler le Livre, là où lui ne voit plus que contradictions. Il se sent appeler à une révélation intérieure pour affermir une foi qui ne le dispense ni du péché ni de ses doutes. C’est ce qu’affirmera sans ambages ce jeune homme d’une extraordinaire simplicité, de santé fragile, dans une déclaration de foi qu’il sera obligé de faire pour avoir été impliqué dans l’affaire des frères Sebald et Barthel Beham et de Georg Spencz. Ces trois jeunes peintres, qualifiés de « peintres sans Dieu » - entendons, non pas athées mais n’ayant pas fait le choix du Dieu qu’il fallait pour les réformés de Nuremberg- formés plus ou moins directement par Dürer, traitaient des sujets irrévérencieux[5] et proféraient des propos trop proches de Müntzer et de Andreas Karlstadt pour plaire au Conseil de la Ville  qui, à l’instigation de Andreas Osiander) sont chassés  de la ville début 1525. (https://en.wikipedia.org/wiki/Hans_Denck Les trois artistes y reviendront deux ans plus tard mais pas Denck, banni à vie, sera définitivement séparé de sa femme et de ses enfants. Il mènera une vie itinérante jusqu’à sa mort.


En 1525, Denck reçoit le baptême d’un un anabaptiste de St Gall et devient le chef des anabaptistes de Nuremberg.[6] Il écrira par la suite trois ouvrages sur le baptême : Que Dieu soit la cause du mal, La loi de Dieu et Paradoxa: Celui qui aime vraiment la vérité. Puis il se rend à Augsbourg ; ville qui restera célèbre pour le nom qu’elle donnera à la Confession rédigée par Melanchthon et que les luthériens présenteront cinq ans plus tard à Charles-Quint en 1530. Il vit de cours de grec et de latin, fréquente les anabaptistes. Sa ‘mauvaise réputation’ le poursuit et lassé des disputes avec les luthériens, il quitte la ville. Il arrive à Strasbourg en 1526. Il fréquente le milieu anabaptiste mais il  doit se confronter aux chefs de files de la Réforme non radicale Martin Bucer et Wolfgang Capiton (voir La Réforme/ Alsacienne). Martin Bucer qui le qualifie de ‘Pape des Anabaptistes’ le fait chasser de la ville. Il pérégrine en Allemagne et en Suisse. A Worms, il aide Haetzer à finir la traduction des Prophètes de l'Ancien Testament [7], pour enfin trouver refuge chez Œcolompade, à Bâle.


En 1527, il assiste au Synode des Martyrs (voir Réforme/ Anabaptisme)  tenu à Augsbourg en août par les différentes tendances anabaptistes suisses et sud allemandes pour tenter de trouver une unité d’enseignement. Si cela  montre les liens certains que Denck a eu avec l’anabaptisme, la question reste toujours posée de son adhésion à l’antitrinitarisme (voir Réforme Radicale/Michel Servet). Il meurt la même année,  frappé par la peste.


Pour courte que fut la vie de Denck, elle ne l’aura pas empêché de marquer profondément les esprits de son temps. Sceptique éloigné de tout dogmatisme, Denck est de ceux qui, au sein de la Réforme, ont voulu introduire face au sectarisme une liberté de penser et de jugement qui le rattache à l’esprit humaniste. Celui qui a déclaré « là où est la foi, il n'y a pas de péché ; là où il n'y a pas de péché demeure la vertu divine », ne pouvait que révéler un homme dont le seul critère de la foi pouvait être la pleine et parfaite sincérité avec soi-même et les autres. Pour lui, la Bible n’est pas plus le livre de la révélation que ce qu’on peut dire et écrire sur la foi et la religion. Denck s’intègre au mouvement anabaptiste tout autant qu’à celui des spiritualistes en ce que pour lui, les sacrements comme le baptême ou l’eucharistie ne sont que marques d’une profession de foi qui engage celui qui les reçoit dans une démarche personnelle intérieure, seule voie de connaissance de la vérité divine. Vérité de Dieu à laquelle on accède non par la justification que Dieu accorde au croyant selon Luther mais par l’exemplarisme christique, qui renvoie à la mystique médiévale à laquelle se sont référés des spiritualistes comme Wiegel ou Schwenckfeld. Il a écrit : « Personne ne peut vraiment connaître le Christ excepté celui qui le suit dans la vie. »


Denck a laissé des articles et de courts traités. Outre sa confession de 1525, il est à retenir entre autres : Celui qui était doux et miséricordieux (1525), sur les contradictions de la Bible ; Ce que dit l'Écriture (1526), ​ traité sur la libre volonté ; De la Parole de Dieu, de comment elle a été oublié et comment l’homme en suivant les paroles du St Paul de l’Épitre aux Corinthiens doit s’efforcer de gagner l’Amour de Dieu; De l'Ordre de Dieu et le Travail des Créatures (1526), « l'une des œuvres les plus importantes de Denck. C'est principalement un deuxième traité, la liberté de la volonté. Il aborde les questions de la prédestination telles, l'enfer, le paradis, la Trinité, l'idolâtrie… »; Von den waren Liebe (1527), traité de l'amour de Dieu tel qu’il est révélé par Jésus. « L'homme qui aime Dieu n'a pas besoin d'institution qui peut aveugler son âme. C'est le chef-d'œuvre de Denck[8] ».

Il faut y ajouter son Avant-Propos à l’édition de la Theologia Allemande (1528). Ludwig Haetzer qui avait déjà fait participer Denck à sa traduction de l’Ancien Testament des Prophètes, fit parvenir ce texte de Denck à l’imprimeur de Worms, Schöffer, pour l’inclure à la publication. La plupart des éditions ultérieures ont maintenu l’inclusion. Schwenckfeld, Franck, Arndt, Philip Jakob Spener (1635-1705, fondateur du Piétisme), se sont souciés de le faire connaître[9].


La Theologica Germanica

La Thelologica Germanica est un traité édité pour la première fois en 1518. Luther en eu la copie en 1516. Il fut publié à sa demande en 1518,  accompagné de ces mots : «A l'exception de la Bible et de Saint Augustin, aucun livre n'a été porté à mon attention dont j'ai appris et apprendrai davantage sur la nature de Dieu, du Christ, de l'homme et de toutes choses. Faites que ce livre devienne plus connu, alors ils verront que les théologiens allemands sont les meilleurs théologiens[10]. »

La date à laquelle ce traité aurait été écrit et son auteur varient selon les sources :

      -  https://en.wikipedia.org/wiki/Theologia_Germanica le présente comme écrit au milieu du XIVème siècle par un moine du monastère de Raitenhaslach près de Burghausen (Bavière, frontière autrichienne).

      -    http://sources-spirituelles-et-mystiques.blogspot.fr/2010/08/ hans-denck-la-theologica-germanica.html le présente comme écrit au milieu du XIVème siècle et pouvant avoir été écrit par Maître Eckart (pourtant mort au plus tard en 1328 !?) de par « le style et l’approche psychologique ». Et indique une réédition en 1528 avec l’Avant-Propos de Denck.

      - http://www.gameo.org/index.php?title=Deutsche_Theologie donne la Théologie Allemande comme écrite en 1500 par Pirtstinger et éditée en 1518 par les soins de Luther qui en avait eu la copie deux ans plus tôt. En 1528, parut une deuxième publication par les soins de Ludwig Haetzer avec l’avant propos de Denck et sous le titre Théologie Allemande (Deutsch Theologia et non Germanica).

        -  https://en.wikipedia.org/wiki/Berthold_of_Chiemsee donne Pirstinger comme l’auteur de la Théologie Allemande en 1528 :

« Après sa démission de ses fonctions épiscopales, Berthold consacra son temps à des activités littéraires. Sur la suggestion de Matthäus Lang von Wellenburg, le cardinal archevêque de Salzbourg (1519-1540), il a écrit son Tewtsche Theologey (théologie allemande - Munich, 1528) et l'a traduit ensuite en latin (Augsbourg, 1531). L'œuvre ne semble pas avoir été très demandée, car ni l'original ni la traduction n'ont été réimprimés … avant 1852. »


Bertold Pürstinget (1465-1543) connu sous le nom de Pirtstinger  ou Berthold de Chiemsee, en tant qu’évêque de Chiemsee (lac de Bavière), joua un rôle non négligeable dans la vie ecclésiastique autrichienne, notamment dans son opposition aux avancées des thèses luthériennes. Il se retira au monastère de Raitenhaslach en 1526.

S’il n’y a pas eu simultanément en 1528 la réédition de la Thélogica Germanica et la première publication de la Deutsch Théologia, il semblerait qu’entre les sources une confusion ou une assimilation soit faite avec la Germanica et la Deutsch toutes deux écrites en allemand.


Quelles que soient ses dates de publication, La Thélogica Germanica eut un immense succès auprès des spiritualistes et anabaptistes et ultérieurement piétistes, en ce qu’elle s’enracinait dans la tradition rhénane. Le Christ est le chemin de la perfection qui passe par « le renoncement au péché et à l’égoïsme, pour en arriver à ce que, ultimement, la volonté Divine remplace la volonté humaine[11]. » Ce renversement de la volonté d’humaine à celle divine annonce bien, semble-t-il, la doctrine de la connaissance supérieure tel que l’exposera C. Schwenckfeld au milieu du XVIème siècle. L’Avant Propos de Denck ne peut que se raccorder à cette veine. Quant à la Deutsch Théologia, vraisemblablement écrite par Pirtstinger, elle semble bien s’inscrire, ne serait ce que par l’activité de son auteur, dans le droit fil de la lutte anti-luthérienne.


Sébastien Franck

Sébastien Franck (1499-1542), né en Bavière, après des études entre autres à Heidelberg, exerce la prêtrise à Augsbourg en 1519. Il quitte le catholicisme en 1525 et devient pasteur évangélique. En 1529 (1530 ?), il arrive à Strasbourg où Matthias Zell vient d’accueillir le spiritualiste Caspar Schwenckfeld (1490-1561) en même temps que l’anabaptiste millénariste Melchior Hoffmann (1498-1543) (Voir Réforme/Alsace). L’antitrinitaire Michel Servet arrivera dans la ville deux ans plus tard en 1531. La cité alsacienne est pleine de l’effervescence de la réforme. Elle accueille aussi bien Calvin que les réfugiés anabaptistes du Sud et du Nord comme elle accueillera les anglicans pourchassés par Marie Tudor.


Au cours de ce séjour strasbourgeois, Franck abandonne le protestantisme luthérien pour adopter la démarche d’une voie intérieure, alors qu’il fréquente le petit groupe de spiritualistes (réformés de tendance mystique) qui s’y est installé, déjà influencé qu’il était par la liberté de penser, l’anti-dogmatisme du recteur de l’École de Nuremberg, Johannes Denck (1500-1527) qui écrivait : « Là où est la foi, il n'y a pas de péché ; là où il n'y a pas de péché demeure la vertu divine. »

Ce même besoin d’indépendance, son opposition à toute forme de sectarisme, son esprit de tolérance qui le mettent au-dessus des conflits de personnes, des chicaneries des egos, feront de lui un perpétuel rejeté. Après Ulm et Stuttgart, c’est de Strasbourg qu’il est chassé après avoir été mis en prison pour s’être soustrait à la censure en publiant et vendant sa ‘Chronique de tout le Pays Allemand’. Ce que Martin Bucer lui reprocha vivement. Banni à vie de la ville, il y reviendra un temps.

Il mène alors une vie errante au cours de laquelle, sans illusion sur le monde, il n’a cesse de ‘démonter’ le dogme luthérien et jusqu’à sa conception de l’Église invisible, ainsi que  la formation des Églises protestantes dans laquelle il ne voyait là que « dégénérescence voire même perversion », la nouvelle « hiérarchie des théologiens-commentateurs ». Ne s’étant jamais arrêté d’écrire pour convaincre, il meurt à Bâle en 1542, quasiment d’épuisement, à l’âge de quarante trois ans.


L’élan mystique, la passion religieuse ne sont pas son affaire. « Sa religion se confond souvent avec la morale ; son ‘mysticisme ‘ est une métaphysique pensée plus que vécue. C’est de la philosophie, nullement de l’expérience…Il n’a jamais eu le sens du mystère, c’est pourquoi il préfère la Théologie Germanique à Maitre Eckart » (A.Koyré op.cit.)

Ni grand penseur, ni grand érudit, ni simple compilateur, panthéiste (Dic. Alsacien), supranaturaliste,[12] (Koyré), Frank s’est forgé à partir des emprunts divers qu’il fait, une pensée cohérente avec quelques lignes directrices et marquée profondément par la tolérance et le souci d’impartialité à l’image de son Dieu qui est « doux et sage », à l’opposé de la figure luthérienne. Dieu est cet infini bien qui crée le monde et conduit les hommes. Et pour considérer, cet Être suprême, ce « Bien substantiel », Frank se réfère aux maîtres de l’apophatisme, au Pseudo-Denis et à la Mystique Rhénane.     

« Ce n’est que par rapport à nous qu’il est personne, qu’il est force, qu’il prend forme. Il s’humanise par et pour nous. Il n’est rien et il est l’Être même, l’Être de tout être, l’Essence de toute essence, Substance de toute substance. »


Franck croit en la bonté foncière de l’homme créé à l’image de son Dieu. Le mal, le péché ne sont l’effet que d’un obscurcissement. Il ne croit ni à la perversion de la nature de l’homme ni à la prédestination. Il est fidèle à son maître Érasme : l’homme est libre.

 « Sans liberté morale qui serait en même temps une liberté métaphysique, il n’y aurait pas pour l’homme de responsabilité donc pas de justice divine…c’est en catégories morales que Franck cherche à formuler les rapports entre Dieu et l’homme…l’idée de la révélation naturelle (lui) apparaît comme pour Érasme et Zwingli, impliquées dans les notions même de Dieu et d’homme. Un homme qui n’aurait pas l’idée de Dieu, serait-ce un homme ? »

'Erzketzer' et 'Schwärmer', autrement dit,  hérétique et illuminé, Frank aura été, selon le mot de A. Koyré[13], celui qui présente le plus d’intérêt parmi les« dissenters » (dissidents de la réforme), les ‘fantastes’ dont les plus connus sont Johannes Denck, C. Schwenkfelf, Valentin Weigel (1533-1588), le flamand Johannes Campanus (1500-1575), auxquels il faut ajouter Ludwig Hetzer, Bernard Hortmann et l’antitrinitaire Martin Keller. Pour autant, Franck n’adhère à un quelconque groupe, anabaptiste, schwenkfeldien…

Plutôt prolixe, Sébastien Franck von Wörd laisse outre son ouvrage le plus connu ‘Chronique de Tout le Pays Allemand’ qui s’arrête en 1543 et qui est une bonne source de documentations sur les mouvements religieux, ‘Les 286 Paradoxes’, ‘Les Proverbes’, ’L’Arche d’Or’ et enfin ‘Le Livre Scellé de Sept Sceaux’.


Caspar Schwenckfeld

Caspar Schwenckfeld (1489/90-1561), issu d’une famille noble de Silésie, fait  des études à Cologne et à l’université de Frankfurt. Vers 1518-19, il aurait eu une première « visite à domicile de Dieu », une « Heimsuchung Gottes » (Christianitytoday, The Life and Thought of Caspar Schwenckfeld von Ossig ). Ce qui l’aurait amené à épouser la cause luthérienne (Emmet MacLaughlin ‘Kaspar von Schwenckfeld’, MenLex V).

Il revient à Ossig (actuel Osiek), sa ville natale,  à la mort de son père en 1519 et devient secrétaire des ducs successifs de Liegnitz[14] jusqu’en 1523.

Très tôt séduit par les idées nouvelles du radical Thomas Müntzer (1489-1525), du professeur de théologie de Wittenberg, Andreas Karlstadt (1486-1541), et surtout de Martin Luther, il les propage tout en approfondissant sa connaissance de la Bible et en étudiant le grec et l’hébreu, le latin lui étant déjà courant. Mais en 1524, son Admonition aux prêcheurs de Silésie  dénonce déjà ce qui l’oppose à Luther.


En 1525, une seconde visite « Heimsuchung Gottes » serait à l’origine du désaccord essentiel qu’il marque alors avec son maître à penser sur la conception de la Cène (E. MacLaughlin) ;  question centrale que celle de la Cène. Axe même de la Réforme, elle sera l’objet de maintes disputations entre les réformateurs suisses et allemands, et sera l’une des causes majeures de la séparation d’avec Rome : Le christ est-il consubstantiel aux deux espèces (luthériens), transsubstantiel (catholiques), ou bien la Cène n’est-elle qu’un symbole et non un rite (magique) selon les réformés suisses ? De plus face dans son opposition à la fermeté des luthériens qui veulent exclurent de l’Église nouvelle tous ceux des protestants qui ne partagent pas leur conceptions de la Cène mais aussi, des sacrements comme le baptême, Schwenckfeld prône plus de tolérance.

En 1526, après un dernier échange de correspondance, la rupture avec Luther est consommée. Schwenckfeld cesse alors toute participation à la Cène : c’est le Stillstand (l’arrêt) (https://www.universalis.fr/encyclopedie/kaspar-schwenckfeld-von-ossig/). 


Il rompt également avec son ami Valentin Crautwald (1465-1545), humaniste, disciple de Reuchlin (1455-1522, voir Réforme/Mouvement Hébraïsant), professeur de théologie à Leignitz qui l’influença sur ses prises de position sur l’eucharistie (http://www.gameo.org/index.php?title=Crautwald,_Valentin_(1465-1545), 
et dont le néoplatonisme augustinien lui fit développer son dualisme esprit-matière/ intérieur-extérieur. (E.MacLaughlin ref.cit.)

En 1527, il vit une expérience mystique « faisant l'expérience de la conversion, sa foi passant, selon ses dires, du niveau de l'intelligence à celui du cœur : « Je me suis entièrement donné au Seigneur Jésus-Christ : par lui et dans le Saint-Esprit, je me suis engagé dans l'école de Dieu pour m'y laisser instruire et éduquer, et je me suis offert en sacrifice vivant[15]».

La cessation du repas du soir un an plus tôt serait à l’origine de cette troisième visite. (E. MacLaughlin)


En 1528, il est sollicité par les réformés strasbourgeois, dont le chef de file est alors Martin Bucer, pour développer sa conception de la Cène. A Zürich, Zwingli qui a pris connaissance de son écrit le fait publier. L’évêque de Vienne, lui, a la réaction inverse et se plaint auprès de l’empereur qui se tourne vers le Duc de Leignitz.

En 1529, prudemment, Schwenckfeld se dirige vers Strasbourg où l’accueille chez lui Wolgang Capiton[16]. Il restera à Strasbourg jusqu’en 1534.

En 1530, alors qu’il s’est opposé aux anabaptistes, il semble subir leur influence et il remet en cause la nécessité du baptême et de l’ordination des prêtres qui doit se faire par un signe de Dieu et non par une autorité humaine.

En 1533, le désaccord profond entre Bucer et Schwenckfeld est consommé à la fin du synode que Bucer avait sollicité et au cours duquel il avait dû justifier toute ses positions.

De 1535 à1539, ayant quitté Strasbourg, il est à Ulm qu’il doit aussi quitter. Il trouve asile chez un noble à Justingen (Bade-Wurtemberg). Il poursuit ses écrits, tout en  recevant et allant à la rencontre cercles épousant ses idées.

En 1561, il meurt de dysenterie à Ulm.


Le Dissidenter

Fortement influencé par Luther, Schwenckfeld, comme son maître et contrairement à Sébastien Franck, adhérait à une conception de l’homme privé de toute liberté. Comme chez les autres spiritualistes, il reconnaissait fondamental la présence du « Christ en nous » mais ce Christ était un « Christ pour nous ». Seule, la grâce nous sauve et non quoi qu’on fasse, et quelles que soient nos œuvres. Rien que l’on puisse faire qui nous accorde le salut. Plus luthérien que Luther lui-même, mais qui avait rejeté le contenu de la Confession d’Augsbourg ( voir Réforme/Luther), il fut plus que tout autre un Schwärmer renié par le maître de Wittenberg. Il poussa plus loin son hérésie luthérienne en affirmant que les sacrements ne sont efficients que par la force de la foi qui est dans le fidèle mais aussi en l’officiant ; seule, elle nous accorde le salut par son pouvoir de participation à la grâce dans notre approche du divin.

On a reproché à Schwenckfeld de ne pas être un théologien confirmé, et à partir de là, de ne pas avoir vraiment compris les « constructions intellectuelles » auxquelles s’étaient efforcés les réformateurs pour établir une théologie solide, notamment concernant les sacrements et l’eucharistie, et que de ce fait les critiques qu’il leur faisait ne pouvaient être réellement fondées. Schwenckfeld, comme tous les spiritualistes et à l’instar des anabaptistes, dans une attitude à l’opposé d’une approche raisonnée de Dieu a fondé ses conceptions sur sa propre expérience religieuse même s’il a tenu à forger une pensée cohérente à partir de concepts qu’il a du générer, extrapolant ainsi sa propre expérience en une théorisation sur la nature humaine et divine, sur le mal et le péché.


La Cène

Schwenckfeld avançait une conception de l’eucharistie tout autre que celle luthérienne de la consubstantiation ; selon lui, le Christ n’était pas présent dans les deux espèces. Il proposait une nouvelle interprétation des paroles du Christ et, ce qui deviendra la marque de reconnaissance des schwenckfeldiens, « l’abstention temporaire de la communion, tant que l’union sur le sens du rite et sur l’interprétation des paroles de la Cène ne serait pas établie. »(A.Koyré).

« Ce ne sont que des symboles, des images qui représentent la vérité éternelle et divine et attirent l'attention sur elle... Bref, je suis un enfant du Nouveau Testament et non de l'Ancien. Ainsi, le Royaume de Dieu ne consiste pas en boire ou manger (Rom 14.17). Il ne consiste pas en eau ou en pain ni en telle ou telle autre chose extérieure, mais il est paix, joie et justice dans le Saint-Esprit. Si, par contre, quelqu'un pense que l'eau ou autre chose peut lui être utile pour se séparer de la vie mondaine, se convertir, s'unir à Dieu par Christ et mieux le servir en esprit et en vérité, je le laisse faire, sachant que tout concourt au bien des élus. » (C. Schwenckfeld, cité par D. Husser).

Schwenckfeld adopte là une position bien proche de U. Zwingli et l‘on comprend que celui-ci ait souhaité la diffuser.


Le Baptême

Schwenckfeld dans son traité Du Baptême écrit en 1530, après

donc son arrivée à Strasbourg, opte pour une conception du sacrement qui peut paraître ambiguë et qui l’a fait dire anabaptiste. S’il n’accorde pas une véritable importance au baptême des adultes comme aux sacrements en général, il considère comme encore moins censé le baptême des enfants. Il ne manifeste par ailleurs aucune opposition à un second baptême à l’âge adulte. En fait, pour lui, il n’y a de baptême qu’en esprit et par l’esprit. De nature conciliante, réfractaire à la dispute, il ne s’oppose à rien qui pour le fidèle semble peu ou prou renforcer sa foi, sa foi intérieure, la seule chose qui est valeur d’efficience à ses yeux. L’important est de croire et le baptême comme la communion viennent en surcroît.


 Les Anabaptistes

Si Schwenckfeld reconnaît en eux leur piété, leur ardeur, leur engagement, il leur reproche :

  • de mélanger de ce qui est spirituel avec ce qui est temporel et charnel ;
  • l’importance trop grande accordée au baptême ‘’extérieur’’ ;
  • le manque d'instruction sur les bases de la foi chrétienne (même chez ceux qui prêchent) ;
  • que ce sont des ministri litterae et non des spiritus [qui accordent trop d’importance à la lettre et non à l’esprit]
  • qu’ils perdent la simplicité selon Jésus-Christ (2Co 11.3) pour s'occuper de ce que Dieu a fait avant le début du monde et de ce qu'il fera après le Dernier Jour...
  • qu’ils nomment « sans-Dieu » ceux qui ne sont pas d'accord avec eux (même ceux qui leur veulent du bien) ;
  • qu’ils ne sont pas accueillants pour les faibles dans la foi, et ont un « zèle amer ». (D.Husser op.cit.)

Pour autant le « doux » Schwenckfeld s’oppose à leur persécution. Comme S. Franck, et d’autres esprits humanistes tel Sébastien Castellion (†1564) qui s’éleva contre la condamnation au bûcher de M. Servet, Schwenckfeld considère qu’on ne combat par une idée en tuant celui qui la pense, que l’on ne peut bannir de sa communauté quelqu’un qui professe d’autre idée sur la religion. Cet esprit de tolérance que les spiritualistes partagent avec les humanistes les éloigne un peu plus du dogmatisme des nouvelles Églises et des réformés radicaux que l’on nommait sectaires.


La Grâce

La grâce ne nous touche que parce qu’elle fait d’abord naître en nous un homme nouveau, un homme « engendré ». Comme pour Luther, l’homme est une créature déchue, pervertie, habitée par le péché, vouée au mal. Mais si pour Luther, la punition de la créature est telle que seul Dieu par son pardon peut la sauver, pour Schwenckfeld, la puissance du mal est telle en la créature qu’elle ne pourra jamais l’être. Dieu accorde sa grâce non à la créature charnelle qu’il a créée mais à l’homme nouveau, « engendré » ; et cet engendrement est déjà effet de la grâce.

 Par cette distinction, cette réelle séparation que Schwenckfeld fait entre la créature charnelle et l’homme intérieur, et entre la créature et son créateur, il ne peut souscrire à une efficience quelconque des œuvres et même des sacrements, qu’il s’agisse du baptême ou de la communion dont il minimise l’importance. Seule la foi leur donne une quelconque efficacité encore qu’ils ne soient pas indispensables.


Le Corps Céleste

En 1541 est publié la Grande Confession de la Gloire du Christ dans laquelle Schwenckfeld développe sa doctrine de la chair céleste du Christ.  L’homme est tout à la fois homme intérieur ‘engendré’ et créature ‘créaturelle’, homme extérieur, de chair. L’un est engendré et l’autre créé. Mais il s’agit de deux natures de l’homme irrévocablement séparées. L’en-soi, l’essence de l’homme, reste une. Ce qui est créé est extérieur à Dieu, ce qui est engendré en l’homme est cette capacité de l’homme à devenir par et avec le Christ « Fils adopté de Dieu ».

Corollairement, le Christ est à la fois homme et incréé, mais non dans sa nature humaine créature. Il est esprit mais possède une chair qui ne peut être une chair physique, qui est chair ‘spirituelle’. Schwenckfeld rejette tout idée d’un Christ pur esprit uniquement divin comme l’on proclamait les monophysites, son corps physique n’étant qu’une apparence de corps. La vie, la croissance de Jésus « consiste en une transfiguration de plus en plus complète et parfaite de sa chair, en une pénétration de plus en plus profonde de l’esprit pur dans la ‘matière spirituelle’, une évolution qui n’a pris fin qu’avec le retour à la forme divine, à la transfiguration définitive de Jésus ressuscité. » (A. Koyré)


Cette chair transfigurée est éternelle. Et c’est parce qu’elle est consubstantielle à la divinité du Christ, que le Christ est non pas homme et Dieu, mais homme-Dieu. La nature humaine du Christ est un ‘moment nécessaire’ à la trinité. Il s’en suit que l’homme est un ‘moment nécessaire à la divinité, et l’incarnation de l’homme n’est plus la punition de sa faute, mais un ‘moment nécessaire’ pour que Dieu se réaliser. L’humanité dans son ensemble revêt un caractère divin. Dieu et homme « s’impliquent mutuellement avant toute création ». L’opposition chair-esprit est de l’ordre du relatif non de l’absolu. « La naissance de l’homme spirituel en nous est la naissance de son corps spirituel. »

Cette chair céleste est celle que nous incorporons au moment de La Cène. Ce n’est pas que les deux espèces deviennent le corps et le sang du Christ ni l’inverse. « Christ est lui-même ‘le pain et le vin de la Vie’[17]. »

Cette doctrine du « Corps céleste » et de « la chair spirituelle du Christ » développée par le Silésien aura été, selon A .Koyré, la clef de voûte de son enseignement. Elle aura des répercutions dans l’évolution de la mystique allemande. Selon E. Macghlin, elle aurait influencé le mysticisme millénariste de l’anabaptiste Melchior Hoffman (1498-1543, voir Réforme Radicale) arrivé à Strasbourg en 1529, revenu en 1533, et l’autre anabaptiste, Menno Simons (1496-1561) initiateur du mennonitisme (voir Idem)


La ‘Vraie’ Église

Schwenckfeld commence par désapprouver toutes les querelles que suscite l’établissement d’une Église extérieure, « dans des cérémonies, des opinions humaines et des pratiques extérieures ». Il considère dérisoires ses disputes permanentes entre luthériens qui rejettent les zwingliens qui rejettent les anabaptistes qui rejettent tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Il ne voit chez ces ‘querelleurs’ que des sectaires défendant des intérêts humains qui veulent ramener tout le monde à eux. Quelle Église choisir ? Sa position peut se résumer à la réponse qu’il fit lors de son interrogatoire au synode de 1533 quant à savoir s’il y avait une Église à Strasbourg : « Je crois que le Christ a partout les siens ; quant à dire qui ils sont ou quelles sont leurs qualités, c'est lui qui le sait le mieux» ; Quant à sa voir si l’Église de Strasbourg était Église du Christ :« qu'on me décrive au préalable l'Église du Christ. »

Schwenckfeld s’oppose à la définition de l’Église chrétienne telle que définit dans la Confession d’Augsbourg comme une rassemblement de fidèles à qui les Évangiles sont prêchés. La conception qu’il se fait de l’Église est celle conçue aux premiers temps de la Réforme, d’un Église invisible et non institutionnelle qu’elle est devenue ; pour lui

« peuvent porter le nom de membre de l’Église chrétienne unie, tous ceux qui croient de tout cœur au même Christ, qui écoutent un seul Évangile qui est la puissance de Dieu, qui ont un Saint-Esprit et une foi vivante, qui font aussi un bon usage des mêmes sacrements, d'après le cœur et la volonté du Christ. » (cité par D.Husser).

Notre foi « libre et sincère » s’extériorise par la repentance de nos péchés, les bonnes œuvres, par un amour envers autrui, une vie à l’exemple du Christ.

Pour Schwenckfeld, la ‘vraie’ Église, c’est le corps glorieux du Christ. Non le corps spirituel de son passage sur terre mais le corps céleste. Nous devenons les membres de ce corps éternel par engendrement et constituons avec l’ensemble des croyants cette Église immatérielle qu’est le corps de gloire.


Les Swenckfeldiens

Avant de s’appeler Schwelckfeldiens, ses disciples se nommaient les Confesseurs de la Gloire du Christ, du titre de son livre. (https://en.wikipedia.org/wiki/Schwenkfelder_Church)

Le mouvement schwenckfeldien s’est distribué en deux zones bien différentes: La majeure partie vivait en Basse-Silésie d’où était originaire Schwenckfeld, et en Allemagne du Sud. En Silésie, ils vivaient en milieu rural et touchaient une population plus modeste de paysans et d’artisans. (E. MacLaughlin ref.cit.)

En Allemagne du Sud, le mouvement était constitué de bourgeois et de seigneurs parmi lesquels les femmes ont pu jouer un rôle important. Ils ont été dispersés pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648).


Au XVIIIème siècle, les Schwenckfeldiens de Silésie s’étaient regroupés autour de la ville de Harpersdorf. Suite aux persécutions qu’ils connurent entre 1719-1725, ils prirent refuge auprès du Duc de Saxe, Nicolaus Ludwig von Zinzendorf[18]. En 1733, à la mort du Duc, ils furent à nouveau inquiétés par les jésuites qui poussèrent le nouveau duc à prendre des mesures à leur encontre. (https://en.wikipedia.org/wiki/Schwenkfelder_Church)

En 1734, cinq cents Schwenckfeldiens silésiens émigrèrent en Pennsylvanie, où leurs descendants vivent encore aujourd'hui. Le dernier Schwenckfeldien, resté en Silésie, est mort en 1826. (E. MacLaughlin ref.cit.). Le territoire de la Pensylvanie-Delaware (capitale Philadelphie) a été concédée en 1682 par le roi Charles II Stuart au quaker immigré William Penn qui accueillera à ce moment-là les Amish qui y constituent de nos jours encore une communauté importante bien qu’une partie se soit installée plus à l’ouest. 

Même si elles partagent le même fond de croyances, les Églises schwenckfeldiennes sont autonomes. Elles sont organisées en congrégations qui élisent chacune leurs ministres du culte qui reçoivent une ordination d’un Ministère. Un Conseil Exécutif supervise la congrégation. (https://en.wikipedia.org/wiki/Schwenkfelder_Church)


Valentin Weigel

Valentin Wiegel (1533-1588) eut une existence des plus simples. Né à Naundorf bei Seyda[19] dans le district de Wittenberg, il commence ses études à Meissen au nord de Dresde et les poursuit aux universités de Leipzig et de Wittenberg. Pasteur en 1567, il est nommé à Zschopau, près de Chemnitz (Ouest Saxe, Dresde, Leipzig) où il vivra jusqu’à sa mort.

A sa mort, sont découverts chez son successeur  « des œuvres manuscrites dont le caractère hérétique sautait aux yeux » (A.Koyré/A.Weigel)[20]. Mais selon A.Koyré, Weigel n’aurait pas laissé une œuvre vraiment originale. On y retrouve l’influence de l’École Rhénane, (notamment celle de Tauler), de Paracelse (sans doute la plus forte), de Denis l’Aréopagite, des panthéistes médiévaux et bien sûr des spiritualistes de son temps, S. Franck et C. Schwenkcfeld dont il reprend parfois la terminologie.

Il serait l’auteur de 54 mini-traités dont entre autres un sur l’astrologie, Astrologie Theologized .  Seulement moins de la moitié lui sont attribués avec certitude. Ils seront publiés par un petit groupe de fidèles entre 1609 et 1612. Interdits, ils furent rééditées sous le manteau mais fort peu répandues.


De la Conversion Intérieure

Opposé à toute forme d’extériorisation de la vie religieuse, Weigel adhère avec Schwenckfeld à cette nécessité d’une conversion intérieure de l’homme qui est « résurrection de l’homme tel qu’il fut ab æterno en Dieu. » (A.Koyré) ? Cette action directe de Dieu en l’âme est l’intériorisation du Christ qui illumine et purifie. Il nait en elle parce qu’inné à elle, « plus proche de l’âme que l’âme elle-même» selon Weigel.

Si c’est par la naissance en nous du Christ, Homme-Dieu de toute éternité, qui nous fait participer à la vie divine[21], c’est le moment de sa mort qui est le moment essentiel de notre conversion, de notre vie intérieure même, car cette mort est abandon, mort à soi-même. Le rapprochement avec la Gelassenheit eckartienne est inévitable. Certes, comme pour quasiment tous les mystiques chrétiens, pour Weigel, la « sanctification complète » ne peut être atteinte en ce bas-monde, mais le but même de notre existence est d’y tendre.

Pour Weigel et les spiritualistes de son temps, est chrétien tous ceux qui ont la foi de quelle qu’origine qu’ils soient. De quelle que confession qu’ils soient, ils forment la Vraie Église, qui n’est pas l’Église extérieure des religions institutionnalisées.

Sa conception de l’eucharistie entendue comme l’absorption de  l’Homme-Dieu, être divin mais doté d’une ‘chair céleste’, est proche de celle de Schwenckfel ( voir Schwelckfeld/ le Corps Céleste).


Du Mal

Pour V. Weigel, il y a

« le mal originel [qui] est contemporain à l’acte créateur. Dès l’instant de la création, le mal est présent, parce que toute création est perte d’une unité, et révélation d’une dualité…[influence du néoplatonisme]. Il a une intuition claire, qui se trouve confirmée par la méditation sur l’union en Dieu des contradictoires, différente de la simple coïncidence en Dieu des oppositions [référence à la coïncidence des contraires de Nicolas de Cues]… [et sur] le mal accidentel [qui] est à l’autre fin de la chaîne de la création : l’homme pêche par orgueil ; il s’attribue la volonté divine ; il est le grand responsable du mal. 

Ces deux conceptions ne sont point présentes en Valentin Weigel comme deux traditions dont un épigone n’aurait su achever la synthèse. Le rapport qui les unit est temporel, historique : par nature, la création entraîne la naissance du mal. Par la grâce, et dans l’instant de l’acte créateur, le mal est totalement effacé par le don total de Dieu à l’homme. Cependant, dans un second moment, l’homme se précipite à nouveau dans le mal, en se détachant de la grâce pour retrouver la nature. » (Bernard Gorceix, La Mystique de Valentin Weigel, 1971).


De la Connaissance Supérieure
La Connaissance Intérieure

Pour fonder sa conviction[22] que seul un éveil peut offrir à l’homme la connaissance supérieure de lui-même, Weigel part de l’observation qu’il fait du mode de connaissance sensoriel d’un objet par un observateur. Pour percevoir un objet, il faut à l’homme sortir de lui-même par la perception qui lui fait découvrir et connaître l’objet hors de lui. La connaissance ne se fait pas sur le mode passif. L’objet ‘attend’ que nous allions à lui pour se révéler. A rester passif, l’homme n’a pas accès à la connaissance. Rien ne vient à lui. Quand, c’est l’esprit qui est objet de connaissance, l’homme accède à une connaissance supérieure. Et c’est par un éveil intérieure, analogique à la perception sensoriel, que l’homme ‘perçoit’ ce qu’il est, esprit. Mais la différence entre les deux champs de connaissance, l’extérieur et l’intérieur, est que le mode de connaissance s’inverse. Pour la connaissance des choses extérieures, l’homme doit être actif et aller vers elles. Pour la connaissance intérieure, l’homme doit être passif et attendre, parce qu’il est alors l’objet à connaître, non l’homme « du monde » mais l’homme en esprit. Quand il reçoit « la lumière de la grâce » comme de la perception sensorielle se révèle l’objet, de cette lumière se révèle l’esprit. Cette conception que toute connaissance émerge de l’intérieur et ne saurait provenir d’un phénomène extérieur influencera profondément Jacob Boehme (1575-1624) .

La Poignée d’Or 

Der Güldener Griff (La Prise d’Or) [23] est l’un des deux principaux écrits de Weigel sur la connaissance avec Vom Orth der Welt. Écrit en 1578, il fut édité par deux fois dans le premier quart du XVIIème siècle et participa grandement au fort impact qu’eut sa pensée sur la mystique du siècle.

Pour atteindre à la Vérité, l’homme doit acquérir deux modes de connaissances : celui de la voie intérieure qui ne se réfère à une quelconque connaissance ni quelconque savoir ou autorité extérieure; et celui double qui « puise à la lumière de la nature et à la lumière de la grâce».  Selon, la tradition médiévale, trois modes de connaissance opère en l’homme : la connaissance sensorielle de l’ordre du sensible (le corps), la connaissance rationnelle de l’ordre de l’entendement (l’intellect), et la connaissance révélée (l’âme) de l’ordre de la mystique. A partir de là, s’établit la relation du sujet et de l’objet.

« La connaissance mystique est une rupture tellement brusque et radicale avec la connaissance naturelle qu’elle bouleverse les cadres dans lesquels celle-ci s’exerçait et renverse complètement les termes. La lente montée de l’âme vers Dieu ne mène pas au sommet : au moment où s’épanche la grâce divine s’opère une révolution sur deux plans décisifs. Si jusque là, le sujet avait le rôle actif traditionnel, dans la connaissance surnaturelle, le sujet tient le rôle passif. Et c’est l’objet, Dieu, qui tient le rôle actif…Dans la connaissance mystique, le seul effort de l’homme est de nier ce dont il tirait l’orgueil même de sa condition : Il doit devenir soi-même objet; il doit cesser d’être lui-même ; il doit être et demeurer le nouvel objet, l’objet de sa foi. »


L’objet semblable à nous-mêmes

La théorie de la connaissance[24] chez Weigel participe de l’innéisme, doctrine selon laquelle « idées ou structures mentales sont innées, c'est-à-dire présentes dès la naissance… idées primitives à partir desquelles notre esprit va connaître les choses. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Innéisme). Mais il y adjoint la théorie des correspondances de Paracelse entre microcosme et macrocosme. L’homme-microcosme participe réellement au macrocosme Entre idées innées qui permettent la connaissance et correspondance des mondes, la connaissance se place comme connaissance de l’objet en tant que semblable à nous-mêmes : on ne connaît que ce qui est semblable à nous. Sans cette ressemblance, sans correspondance, nous ne connaîtrions pas l’objet. Et si nous connaissons l’objet, c’est qu’il est ‘déjà’ nous-mêmes. Connaître l’objet revient alors  à se transformer en l’objet. « L’homme n’a réellement besoin de se connaître pour connaître en même temps le monde… Il est le centre du monde ; il est divin, astral, matériel», et de ce fait, il possède les trois modes de connaissance de Dieu, de lui-même et du monde, spirituel, intellectuel et sensible.

Dans Orth der Welt, Weigel avance la position suivante : tout lieu est dans le monde mais le monde n’a pas de lieu. Toutes nos catégories, et particulièrement d’espace et de temps, ne peuvent s’appliquer que sur les lieux du monde et non sur le monde en sa globalité. On ne peut pas situer, localiser le monde. Mais pour autant, Weigel s’écarte de tout subjectivisme (par lequel on a voulu en faire l’annonciateur du subjectivisme kantien) : « Weigel est persuadé du caractère objectif des qualités sensibles et de l’expérience extra-mentales de l’objet de la perception ».


Théosophie et Illuminisme

Weigel annonce la théosophie allemande qui prendra vraiment naissance avec Jacob Böhme (1575-1624). L’orientation que prend la pensée de Weigel le dégage de la tradition mystique médiévale.

Dans sa thèse de Doctorat d’État, La Mystique de Valentin Weigel (1971) à laquelle il est fait référence ici, Bernard Gorceix définit ainsi la théosophie :

« Ce que nous entendons par réflexion théosophique n’a rien à voir avec la pseudo-religion moderne du même nom. Il s’agit d’une forme particulière de la spéculation religieuse, qui se caractérise par des traits constitutifs d’une méthode de pensée, que nous voyons particulièrement fleurir dans la tradition cabalistique du Zohar, et que nous pouvons isoler en Allemagne, du XVIe au XIXe siècles, de Valentin Weigel à Franz von Baader. »

« Le discours théosophique, ce n'est pas seulement le discours de l’homme sur la manifestation divine, c'est aussi et d'abord le discours de Dieu qui s'exprime dans ses  œuvres. Le discours de Dieu est réexprimé par le discours de l'homme en qui Dieu s'est engendré. Ainsi se forme le corps spirituel qui est le terme de la révélation. » (Pierre Deghaye , Revue Théosophie et Philosophie, N° 4, 1990, http://doi.org/10.5169/seals-381429)

Comme elle a beaucoup marqué Jacob Boehme, la profonde subjectivité, mais non le subjectivisme, à laquelle fait appel V. Weigel inspirera tout autant le mouvement des Illuministes du XVIIème siècle représentés par le Suédois Emanuel Swedenborg (1688-1772), le Français Yves de Saint Martin (1743-1803) qui donna son nom au martinisme, doctrine élaborée par son maître Martinez de Pasqually (1700 ?-1774), et en Allemagne par Von Baader (1765-1841), théologien, théosophe, ésotériste, disciple de Boehme[25].


Johann Arndt

Johann Arndt (1555 -1621) participa à la diffusion des idées de Weigel. Luthérien convaincu, il n’en a pas moins développé une pensée mystique marquée par St Bernard, Johannes Tauler et Thomas a Kempis. Son œuvre majeur en quatre livres Wahres Christentum (Vrai Christianisme, 1605-1610) a connu un fort retentissement au XVIIème siècle. Il eut une forte influence sur le luthérien Philipp Jakob Spener (1635-1705), fondateur en Allemagne du Piétisme luthérien. Mouvement à tendance mystique fondé sur le repliement dans une vie intérieure en quête de la paix de l’âme sans aucun recours à des éléments extérieurs, le piétisme s’écartait de la sècheresse doctrinale pour se tourner vers une démarche spirituelle plus affective et donner au luthéranisme un nouvel ‘élan du cœur’. Spener ne put ignorer l’œuvre et l’action de Miguel de Molinos (1628-1696) à l’origine en Espagne du Quiétisme, démarche similaire mettant l’accent sur la dévotion, le « pur amour de Dieu ». Molinos puisa la notion de quiétude dans le traité Subida del Monte Sion (Ascension du Mont Sion) du frère franciscain Bernardin de Laredo (1482-1540) et chez Juan de los Angeles (c. 1540-1609), franciscain déchaussé.

Le Piétisme diffusa en Europe et aux États-Unis avec une grande répercussion sur les mystiques. En France, les plus illustres représentants du Quiétisme furent Fénelon et Mme Guyon.


Notes
[1] Voir https://www.linguee.fr/allemand-francais/traduction/Schwärmer.html

[2] A Koyré,  Mystiques, Spirituels, Alchimistes du XVIème siècle Allemand, Éditions Gallimard 1971

[3] Il est à noter que Luther qui fut enthousiasmé par la Theologica Germanica (voir ci-après) et le premier à la faire publier, revint sur son jugement craignant que le texte ne recèle quelque fanatisme ; et les luthériens bon teint la dénoncèrent comme hérétique.

http://www.gameo.org/index.php?title=Deutsche_Theologie

[4] Jan Eck (1486-1543) débattit avec Luther en 1519 lors d’une dispute restée célèbre, la disputation de Leipzig, au cours de laquelle fut abordé les trois grands thèmes qui, avec l’eucharistie, séparaient les Réformés et les Catholiques : la justification, le libre-arbitre et les indulgences, ces dernières ayant été les premières raisons qu’afficha Luther pour s’opposer à Rome.

[5] « Les frères Beham ne sont pas vraiment prudes : Hans Sebald (1500-1550) et son frère cadet Barthel (1502-1540) représentent à tour de bras des paysans qui se tripotent ou qui s’embrassent (et pas mal de mecs qui vomissent leur quatre heures), des vieux qui pelotent des jeunes, des bites qui pendent, des types qui tiennent la bite d’un autre et, bien sûr, des chattes. Très peu d’artistes occidentaux ont jamais montré la fente du sexe de la femme (cf En Orient, le femme a le pubis fendu)».

(https://femelletemple.wordpress.com/2011/02/27/le-bain-selon-les-freres-beham-peu-de-lavage-beaucoup-de-tripotage/)

[6] http://gameo.org/index.php?title=Denck,_Hans_(ca._1500-1527)

[7] Ibidem. Luther s’en servira pour la traduction de son Ancien Testament (1534).

[8] http://www.gameo.org/index.php?title=Deutsche_Theologie S’y référer pour la liste complète de ses œuvres

[9] Ibidem

[10] Ibidem

[11] http://sources-spirituelles-et-mystiques.blogspot.fr/2010/08/hans-denck-la-theologica-germanica.html

[12] Koyré dénonce l’accusation portée contre Schwenckfeld de panthéiste considérant que pour le Silésien ‘toute créature est en dehors de Dieu’.

[13] Citations et pour en savoir plus sur Sébastien Frank et les spirituels allemands Cf. Alexandre Koyré ‘Mystiques, spirituels, alchimistes du 16ème siècle, Édit Gallimard 1971. Et ‘Dictionnaire de Biographie des Hommes Célèbres d’Alsace’. (BNF, Gallica)

[14] Legnica ou Leignitz en tchèque se situe en Basse-Silésie dans l’ancienne Prusse dite Polonaise. Le Duché de Leignitz qui dura de 1248 à 1675 fut longtemps gouverné par la famille Piast qui donna plusieurs roi à la Pologne.

[15] Daniel Husser, « Caspar Schwenckfeld : « À la recherche de la vraie Église », Fac-Réflexion n° 26 – juin 1994, à partir de sa thèse d’Histoire, «Liberté spiritualiste et structures socio-religieuses » Université de Strasbourg.

[16] Selon United Methodist Church ( bethesda.umc-europe.org/article zell dictionnaire pour pdf.pdf),M. Zell aurait été l’hôte de Schwenckfeld. D. Husser précise pour une période de deux ans chez Capiton.

[17] La position semble ambiguë, d’un Schwenckfeld qui d’un côté minimise l’efficience du rite de la communion n’y voyant qu’un renforcement de la foi et non un rite magique (A.Koyré) par cons- ou trans-substantiation, et qui d’un autre côté accorde à la communion le pouvoir d’incorporer la chair céleste du Christ… ?

[18] Il est à noter que ce même duc accueillit en 1722 les Frères Moraves (voir Réforme Radicale/ Hussites et Huttérites en Moravie)

[19] Et non « à Hayn, Hayn, près de Dresde » (petit village de Saxe-Anhalt) comme l’indique l’article de Wikipédia/ V. Weigel.

Voir sources J.Opel ‘Valentin Weigel’ Leipzig 1884 et suivantes citées par A.Koyré (op. cit.). Voir aussi https://www.biblicaltraining.org/Valentin Weigel

[20] L’Étude que A.Koyré (op. cit.) consacre à V. Weigel a servi de base à l’exposé de sa pensée.

[21] Cette notion de participation à la vie divine ne va pas sans rappeler la notion de théosis. La théosis a conservé dans la Tradition orthodoxe le sens de participation à la Vie divine. Pour la Tradition catholique, elle  prend ‘seulement’ le sens du cheminement de l’âme vers le salut. Pour l'une comme pour l'autre de ces Traditions, le Fils incarné est le pivot de cette théosis qui est dans un cas comme dans l'autre une com(mune)-union de l'âme à Dieu. De même que Dieu s'est fait homme, Il fera de l'homme Dieu, non pas en essence (enosis) mais à Sa pleine image (théosis).

La Théosis, bien que très ancienne notion du christianisme empruntée à la pensée grecque, a toujours était gardée sous silence par l’Église car elle tend à minimiser son rôle d’intermédiaire par les œuvres et les sacrements.

[22] Cette partie se base sur l’article consacré à V. Weigel : Mysticism at the Dawn of the Modern Age in Rudolf Steiner Archive & e.Lib.

[23] Cette partie se base sur Jean Borel, Compte-rendu de La Poignée d’Or, Controverse sur la “Poignée dorée”, du Jugement chez l’homme, édition et préface d’Horst Pfefferl (1997).

[24] Cette partie se base sur A. Koyré op.cit.

[25] « La théosophie de Boehme est une théologie mystique. Elle s'articule sur un grand thème de la mystique chrétienne: la naissance de Dieu dans l'âme humaine, qui correspond à la seconde naissance de l'homme. Mais d'autre part, le théosophe décrit également la naissance de Dieu préalablement à la création d'Adam. Avant de s'engendrer dans les âmes humaines, Dieu naît dans une âme universelle que Boehme dit éternelle et qui se situe en fait entre l'Éternité parfaite et le temps de notre monde. Cette âme primordiale est émanée, alors que l'âme humaine est créée ». (Pierre Deghaye)


LA MYSTIQUE EN ESPAGNE

Mystique Contestatrice - Autour du Quiétisme - Mystique Réformatrice



Une Mystique  Contestatrice

Les Conversos

En 1492, par le Décret de l’Alhambra, Grenade venant de tomber aux mains des Rois Catholiques, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, les juifs eurent à choisir entre l’exil ou la conversion. Les trois quarts s’exilèrent ; le quart restant se convertit[1]. Ces nouveaux-chrétiens furent appelés les ‘conversos’ (les convertis) pour les distinguer des anciens chrétiens.


Cette distinction s’origine dans la théorie de la ‘Pureté du Sang’ (‘Limpieza de Sangre’) qui, dès le milieu du XVème siècle, voulait séparer les anciens chrétiens d’avec les juifs qui, tout au long de la Reconquista, furent convertis et qui, constituèrent la bourgeoisie riche avec laquelle les familles aristocratiques n’hésitaient pas à s’allier par mariage. Ils finirent par occuper des postes importants dans l’administration espagnole et représenter une force économique qui suscita envies et jalousie. L’hostilité envers les juifs alla s’accroissant dans cette seconde moitié du siècle dans la continuité des pogroms de la fin du XIVème siècle. Pour justifier leur pogromes de 1391, les chrétiens avait invoqué le fait que les juifs avaient volontairement provoqué la peste pour détruite le christianisme. Et les juifs convertis ne furent pas les derniers à attiser cette haine contre ceux restés juifs. (https://www.britannica.com/place/Spain/The-Spanish-Inquisition#ref587474.)

L’hostilité des anciens chrétiens se retourna aussi contre les conversos. En 1478, l’Inquisition Espagnole, instaurée par la Bulle du pape Sixte IV, eut entre autres à s’occuper de la question de ces conversos dont la sincérité était remise en cause. « Sous le règne des Rois Catholiques, plusieurs milliers de conversos furent condamnés et brû lés pour pratiques judaïsantes. [Parmi eux]Toute la famille du philosophe et humaniste Juan Luis Vives ». (https://www.britannica.com/place/Spain/The-Spanish-Inquisition#ref58 7463)


Les musulmans connurent le même sort. En 1499, Le Cardinal de Cisneros (1436-1517), conseiller d’Isabelle de Castille, entreprit la christianisation de force des maures en transformant les mosquées en églises et en multipliant les autodafés (actes de foi). Il obligea les Mudéjars, musulmans vivants en terre chrétienne, soit à l’exil ou à se convertir et à devenir ce que l’on a appelé des ‘moriscos’. Les convertis, juifs et musulmans, les uns comme les autres, furent désignés sous l’appellation de ‘marranos’ (porc dans le sens d’une insulte en espagnol).


En 1525, le Grand Inquisiteur Manrique ouvre une seconde phase de répression, cette fois-ci contre les chrétiens réformateurs et les Alumbrados, les illuministes, dont la plupart sont des conversos l’autre partie étant issue de la haute aristocratie.

Malgré la répression, les conversos, et particulièrement parmi eux, ceux qui appartenaient à la mouvance illuministe, ont joué une rôle important au long du XVIème et XVIIème siècle dans la vie spirituelle et littéraire espagnole

« La majorité des conversos sont restés catholiques orthodoxes, jouant un rôle de premier plan dans tous les aspects de la vie religieuse et intellectuelle espagnole. Ils vont de saints tels que Thérèse d'Ávila et saint Jean de Dieu, à Diego Laínez, un ami de saint Ignace de Loyola, deuxième général de l'ordre des Jésuites, Fernando de Rojas, auteur présumé de La Celestina, et, deux générations plus tard, Mateo Alemán, auteur du grand classique Guzmán de Alfarache , le poète humaniste Luis de León, le grand juriste Francisco de Vitoria et Bartolomé de Las Casas » (Idem).


Isabel de la Cruz et Les Alumbrados

Ce courant des alumbrados (illuminés) se manifeste séparément dans plusieurs capitales de provinces. Mais c’est à Tolède où la spiritualité qui de longue date est colorée de soufisme, que la franciscaine Isabel de la Cruz (fin XVème ?-mi XVI ?), converso née à Guadalajara, en est l’initiatrice. Très jeune, elle est sujette à des expériences spirituelles et quitte sa famille. Franciscaine, elle s’engage dans une voie d’une recherche spirituelle plus profonde et enseigne un chemin de perfection appelé ’dejiamento’, un chemin d’abandon total à la volonté et à l’amour de Dieu. « En même temps, elle encouragea ses disciples laïques à abandonner les formes extérieures de dévotion et des religieux, en particulier les franciscains, qui la suivirent à se libérer du jeûne, des disciplines, des veillées et des autres pénitences prescrites par la règle. » (http://dbe.rah.es/biografias/17946/isabel-de-la-cruz http://dbe.rah.es/biografias/17946/isabel-de-la-cruz). Elle acquiert une  réputation de sainteté.

« À Tolède, où l'influence de soufis hétérodoxes s'était secrètement perpétuée, l'Inquisition hésitait à poursuivre Isabel de La Cruz, réputée pour sa sainteté et autour de laquelle s'était formé un groupe dont les enseignements rappelaient ceux de Marguerite Porete[2]. »


En 1519, elle est dénoncée par une femme de chambre qui apparaitra dans plusieurs procès faits aux alumbrados, Mari Núñez. Elle fut accusée de nier l’existence de l’enfer, de nier l’efficacité des bonnes œuvres et la dévotion à la Passion du Christ. De plus, elle et Pedro Ruiz de Alcaraz, son plus fidèle compagnon, ont condamné les visions, révélations et extases dans lesquelles certains adeptes de la réforme franciscaine étaient satisfaits, manifestations auxquelles le grand Cisneros n'était pas défavorable. » (ibidem). L’Église leur reproche de vouloir se passer de tout recours aux sacrements et à la liturgie, sans devoir accomplir les œuvres et de prétendre au salut par la seule voie directe d’union à Dieu, le Christ ou le Saint Esprit jouant le rôle d’intercesseur dont ils reçoivent lumière (l’illumination) et les révélations.

Son influence grandissant, sa supérieure lui interdit de recevoir des membres et des étudiants de l’université de Salamanque où son mouvement s’étend dans plusieurs autres villes. En 1523, la procédure d’Inquisition commence à Tolède. Un chroniqueur, Alfonso des Santa Cruz relate :

«Ils disent que l'amour de Dieu dans l'homme est Dieu. (...) Affirment que l'extase ou l'illumination conduit à une perfection telle que les hommes ne peuvent plus pécher, ni mortellement ni vénalement; cette illumination libère et libère de toute autorité; et qu'ils n'ont pas besoin de rendre compte à qui que ce soit, pas même à Dieu, parce qu'ils lui ont fait confiance (d'où vient leur refus des sacrements, des prières et des bonnes œuvres). .. Loin de pleurer sur la passion du Christ, ils se réjouissent et profitent de tous les plaisirs de la Semaine Sainte. Ils déclarent que le Père s'est incarné comme le Fils et croient qu'ils ne parlent avec ce Dieu ni plus ni moins qu'avec le Corregidor d'Escalona . Pour se souvenir de Notre-Dame, ils contemplent le visage d'une femme [réelle] au lieu de contempler une image. Ils appellent l'acte conjugal l'union avec Dieu. La secte est centrée sur Isabel de La Cruz et un certain père Alcazar. » (The Alumbrados of sain http://www.notbored.org/resistance-40.html).


Enrique Garcia Hernan dans sa Biographie d’Ignace de Loyola fait référence en note 149 à cette évocation Corrigidor (haut magistrat), Duc d’Escolana au sujet de laquelle il écrit page :« Il faut se souvenir que jusqu’en 1525, avec le procès d’Inquisition de Tolède, les alumbrados n’était pas considérés comme des hérétiques ? Le qualificatif d’alumbrado ou d’iluminado n’avait pas de connotation théologique négative tout au contraire[3] ».

En 1525, l’inquisiteur Manrique lance une répression généralisée contre tous les hétérodoxes. Salamanque, Francisca Hernandez n’aura la vie sauve qu’en dénonçant les membres de son groupe. A Llerena où la population est largement favorable aux alumbrados, mais où sévira encore la répression en 1578, Fernando Alvarez et ses sympathisants sont dénoncés et poursuivis et la majorité des alumbrados furent condamnés au bûcher, parmi eux de nombreux curés, ecclésiastiques, et docteurs. A Séville, les alumbrados arrivent à composer avec l’autorité ecclésiastique à la fois au vu de leur nombre et à condition qu’ « il n'y ait pas de duchesse ou de marquise, pas de femme de haute ou de basse condition, à qui l'on peut reprocher quelque erreur de cette hérésie[4]». Isabel est condamnée à la prison à vie en 1529. Sa peine sera commuée en 1538 à une astreinte à Guadalajara, à des pénitences, prières et pèlerinages.


Les alumbrados sont parfois rapprochés des libertins qui s’opposèrent à Calvin à Genève à la même époque, de par leur rapport à la sexualité. L’inscrivant dans la tradition d’une mystique nuptiale, ils considéraient l’amour humain comme une préfiguration de l’union au Bien-Aimé. Fernando Alvarez invitait les novices à méditer sur les plaies du Christ « avec une telle ardeur qu'ils deviennent rouges au visage, éclatent en sueur, ressentent la tristesse dans leurs cœurs…et finissent par ressentir une extase dans laquelle, selon  leur expression, ils « deviennent liquéfiés [!] dans l'amour de Dieu[5] ». Mais ce que reprochait l’intransigeant Calvin à ses concitoyens ‘hérétiques’ était leurs mœurs dévoyées (ils osaient danser) mais non tant une pratique religieuse qui ne tendait à rien moins qu’à un mysticisme sexuel. Le chroniqueur Alfonso de Santa Cruz a transcrit plusieurs articles des accusations au procès à Tolède:

« Ils disent que l'amour de Dieu dans l'homme est Dieu. (...) Ils affirment que l'extase ou l'illumination conduit à une telle perfection que les hommes ne peuvent plus pécher, ni mortellement ni vénalement; cette illumination libère et libère quelqu'un de toute autorité; et qu'ils n'ont besoin de rendre compte à personne, pas même à Dieu, parce qu'ils ont mis leur confiance en lui (d'où leur refus des sacrements, des prières et des bonnes œuvres). Ils croient que l'anéantissement de leur propre volonté est la gloire suprême (...).Ils nient [l'existence de] l'enfer… Pour se souvenir de la Madone, ils contemplent le visage d'une [vraie] femme au lieu de contempler une image. Ils appellent l'union conjugale avec Dieu. …[6]. »


Juana de la Cruz

Juana de la Cruz (1481–1534), née à Azaña, sœur du troisième ordre franciscain[7] , fut abbesse au couvent de Cubas de la Sagra (région de Madrid). Mystique visionnaire, au cours de ses extases en public, une voix grave qui sortait d’elle racontait  les fêtes et célébrations qui se déroulaient au Paradis, ou bien elle commentait la bible dans un état semi-extatique. Ses ‘sermons’ sont réunis dans un livre, le Liber del Conorte (le Livre de la Consolation) et sur les 72 qu’il contient, une sélection a été faite et éditée sous le titre Sermons Visionnaires.

Dans son ouvrage Les Stigmatisés (Paris, Le Cerf, 1996), l'historien Joachim Bouflet la signale comme stigmatisée aux côtés d’autres mystiques comme Catherine de Sienne (1347-1480) ou Marie-Madelaine Pazzi (ci-après).


Autour du  Quiétisme

Bernardin de Laredo

Bernardino de Laredo (1482-1540), issu de la petite noblesse sévillane, fait des études qui le mènent tout à la fois à la médecine et à

la théologie avant d’entrer chez les franciscains. Frère lai (convers), il y officie comme infirmier. Il est appelé à plusieurs reprise à la cour de la reine du Portugal, Catherine du Portugal, sœur de Charles Quint,.

En 1535, paraît anonymement en castillan  son traité en trois livres Subida del Monte Sion ( La Montée du Mont Sion). A part une version remaniée de 1538, l’œuvre n’a été à ce jour rééditée qu’en 1948 en espagnol. Il meurt deux ans plus tard au couvent de St Francisco del Monte où il aura passé la majeure partie de sa vie.

Il est également l’auteur de deux traités pharmaceutiques: Metaphora Medicinae (1522 et 1536) et Modus faciendi cum ordine medicandi (1527, 1534 et 1542).

Au centre de sa mystique, « l’oraison sous la forme de la quiétude. » (Ricard Robert)


« La matière de chaque livre [ du traité] est disposée en trois semaines et répartie en trois tableaux…le premier livre porte sur la voie unitive en développant la connaissance de soi, sur base de trois séries de sept méditations touchant la condition humaine, les vices et les vertus, ainsi que la pénitence. Le deuxième livre concerne la voie illuminative en envisageant la sainte humanité du Christ, c'est-à-dire sa nativité, sa Passion et sa glorification. Le troisième livre s'engage sur la voie unitive en définissant la contemplation parfaite, dite de quiétude, dans laquelle il s'agit de s'unir immédiatement à la Divinité par l'amour, au moyen d'aspirations et d'élévations affectives » ( Wikipédia/Bernardo de Laredo, source R. Ricard, Laredo Bernardino de, pp. 277-281, in Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, tome IX, Paris, Beauchesne, 1976, p. 278).


La démarche spirituelle de Laredo se décompose ainsi en trois phases : la pratique de la vertu (purification des sens et examen des connaissance), la méditation sur la Passion, « intériorisation unique de la tradition médiévale tardive de visualisation imaginative de la Passion.»[ce qui peut faire penser à l’un des Exercices de Loyola], et la contemplation comme le « no pensar nada qui à l'origine a attiré l'attention de Teresa d'Avila[8].» Ce qui ne va pas sans renvoyer à la mystique de  St Jean et à la similitude du titre de sa Subita del Monte Carmelo avec celle écrite quelque cinquante auparavant par Bernardo de  Laredo, La Subita del Monte Sion.

L’on reconnait dans sa mystique « les tendances spirituelles médiévales que l'on trouve dans les traités moraux, les vies du Christ et les voies contemplatives tripartites afin de synthétiser une voie cataphatique (positive) unique vers l'union avec un Dieu situé à l'intérieur de l'âme[9]. »

« Cinq degrés sur l'échelle de la contemplation: leçon, prière, méditation, contemplation et spiritualité. «Avec la leçon, écrit-il, l'âme cherche ce qu'elle veut; avec la prière, elle l'exige; la méditation la reçoit et, dans la contemplation, elle la possède et jouit de toute tranquillité et paix; et dans une spiritualité pure, simple, vraie, elle connaît son Créateur, qui demande à être recherché  en esprit ». (Ibidem) demande à être recherché en esprit et en vérité » (https://www.franciscanos.org/enciclopedia/bernardinolaredo.htm)/


Laredo reste connu de nos jours pour l’influence que sa mystique exerça sur sa lectrice St Thérèse. Tous deux étaient animés d’une profondes dévotion à St Joseph, Laredo incérant sa seconde édition de la Subita un écrit consacré au saint. La sainte « le critiqua parfois mais  qui lui pris certaines de ses idées et des images».  https://www.franciscanos.org/enciclopedia/bernardinolaredo.htm)/

« Les métaphores du château, du papillon, de l'abeille, etc., utilisées par Sainte Thérèse, sont également empruntées à cette œuvre de Laredo » (Directorio Franciscano Enciclopedia Franciscana, (https://www.franciscanos.org/enciclopedia/bernardinolaredo.htm)


Juan de los Angeles

Juan Martinez (ca.1540-1609) est issu d'une famille de Corchuela (province de Tolède) mais l’on ne sait rien d ce qui a précédé  son entrée au noviciat de la province franciscaine déchaussée de San José en 1553 où  reçoit le nom  Juan de los Angeles. Vers 1555, on le trouve inscrit p à l’université université d'Alcalá de Henares fondée par Cisneros en 1499, où il étudie la rhétorique grecque et l’hébreu. Dix ans plus tard, il est prêtre. Peut-être lecteur (professeur) de théologie entre 1565 et 71 ; plus certainement entre 1571et1576, Juan est à Madrid, compagnon du bienheureux Nicolas Factor confesseur des clarisses, et en 1580 prédicateur conventuel à San Juan Bautista de Zamora. En 1585, il est élu définiteur de sa province (représentant des moines d’une province de l’ordre au Chapitre Général qui comprend le chapitre des définiteurs et le chapitre des Provinciaux réunissant lui les supérieurs des Provinces).


En 1589, il est désigné pour fonder un couvent d’alcantarin (déchaussé) à Séville. Après un an passé au Portugal, il revient en Espagne en 1594 où il est visiteur canonique de provinces.
En 1595 sont publiés ses Dialogos. En 1600, il participe au Chapitre Général de l’ordre à Rome où il est élu provincial de San José, province dans laquelle il fondera plusieurs couvents. Il est ensuite nommé prédicateur de la chapelle de Marie d’Autriche[10], fille de Charles Quint, veuve de l’empereur Maximilien, retirée au couvent des déchaussées de Madrid avec sa fille Marguerite de la Croix dont Juan est le confesseur.

Il se retire alors de toutes ses fonctions officielles et se consacre à la prédications et à ses écrits jusqu’à sa mort qui survient en 1609.

La spiritualité de Juan de Los Angeles s’inscrit dans la tradition franciscaine de la voie du cœur que soutient un ascétisme fait de pénitence et d’humilité pour atteindre à ce pur amour divin qui seul libère.


Doté d’une qualité de pénétration psychologique au moins aussi profonde que celle de jean de La Croix, il explore le cheminement de la vie intérieure mais sans avoir connu les expériences mystiques de son contemporain et contrairement à lui en mettant en avant le rôle de volonté et non la passivité de l’âme.

Il préconise quatre type d’exercices sur la voie du Salut : une communion affectivement avec le Christ de la Passion, la communion passive par l’eucharistie, faire appel, invoquer, susciter la présence divine par la volonté mai aussi l’amour qui nous porte vers lui et enfin l’aspiration profonde et dévotionnelle qui ouvre l’âme à la venue divine qui seule opère quand l’âme est passive.


« Si ces quatre types d'exercices mènent tous à Dieu par la voie de l'amour, il n'en reste pas moins que l'auteur distingue, en chacun d'eux une progression en quatre étapes, qui permet de passer naturellement de la méditation à la contemplation. En effet, une fois dépassées les images et les pensées, l'âme entre, par un processus d'introversion (concept repris aux mystiques rhéno-flamands), dans un état de profond recueillement : ce recogimiento (ou quietud) qui est comme le sceau de la spiritualité des franciscains espagnols à partir de Francisco de Osuna. Juan se concentre tout particulièrement sur le centre de l'âme (analogue au château intérieur de Thérèse d'Avila et sur cette étape mystique transitoire et quelque peu incertaine : quand l'âme flotte encore entre l'activité et la passivité, avant de basculer dans la Ténèbre, où s'accomplit l'union et la fruition, à la seule clarté de l'amour, dans un silence total de l'entendement » (Wikipe, Ref Miguel de Catro/Jean des Anges in Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, tome VIII, Beauchesne 1974).


Parmi ses œuvres ont peu notamment citer :

  • Triumfos del amor de Dios (1580)
  • Dialogues sur la conquête du royaume spirituel et secret de Dieu
  • (Dialogos de la conquista del espiritual y secreto reino de Dios 1595)
  • Lutte Spirituelle et amoureuse entre Dieu et l’Âme (Lucha espiritual y amorosa entre Dios y el alma (1600)
  •  Traité spirituel sur la façon dont l'âme doit toujours amener Dieu devant lui ou de la présence de Dieu (Tratado espiritual de como el alma ha de traer siempre a Dios delante de si ou De la presencia de Dios (1604).
  •  Considérations Spirituelles sur le Cantique des Cantiques (Considerationes spirituales super librum Cantici canticorum,1600)
  •  Manual de vida perfecta (Seconde partie des Dialogos,1608)
  • ·Vergel espiritual del anima religiosa (Madrid, 1609; 1610)


Pierre d'Alcántara

Juan Garavito de Sanabria (1499-1562), issu de la petite noblesse, est né à Alcántara (l’Estramadure) où son père était gouverneur et qu’il perd à quatorze ans. Il fait ses études d’arts libéraux, philosophie et droit canon à l'université de Salamanque. En 1515, il fait son nociat chez les Frères Mineurs Conventuels au couvent de Los Majaretes dont son onle est le gardien (supérieur) et prend le nom de Pierre d’Alcántara. En 1519, il est choisi comme gardien du couvent de Badajo. Il est fait prêtre en 1524.

 « Prédicateur, il est appelé à la cour de  à la cour de Jean III le Pieux, roi du Portugal qui a succédé à son père Manuel 1er trois ans plus tôt. Élu custode de la sous-province (custode) de Saint-Gabriel en 1538, il met en pratique  un régime très rigoureux. En 1542, il se retire dans un lieu désertique au bord du Tage pour fonder un monastère d'ermite. Rappelé dans sa province (San Gabriel) en 1544, il y fonde, près de Lisbonne, un couvent qui sera le germe d'une province nouvelle (1550). Lors d'un voyage à Rome, il reçoit l'approbation de Jules III pour expérimenter une réforme radicale, sous la juridiction des mineurs observants dont le commissaire général le nomme commissaire général des mineurs réformés d'Espagne (1556) ; Paul IV lui donne tous pouvoirs pour ériger de nouveaux couvents (1559). Pierre d'Alcantara meurt au couvent d'Arenas (province d'Avila) le 18 octobre 1562. Il expira doucement en murmurant des psaumes. Il fut inhumé près de l'autel de l'église des franciscains d'Arénas.».    (http://nova.evangelisation.free.fr/pierre_de_alcantara.htm)


« Dans cette province [San Gabriel], on le retrouve successivement gardien des couvents de Robledillo, Gata, Bradajoz, La Lapa et Plasencia. Il est ensuite appelé à de plus hautes responsabilités : Clément VII l'établit procureur de certaines maisons. Il est nommé définiteur en 1535, 1544 et 1551, et provincial de 1538 à 1541… Par deux fois, en 1540 et 1552, il est élu comme représentant [définiteur] au chapitre général de l'ordre…Dès 1555, en effet, il demande la permission de se retirer dans la solitude, à Santa Cruz de Paniagua (Caceres), où il a fait la connaissance de Juan Pascual, fondateur de la custodie de San Simon en Galice, qui dépendait de Santiago. Deux ans plus tard, à la mort de celui-ci, il lui succède comme Commissaire général des conventuels réformés. La même année, il fonde le couvent du Pedroso de Acim (Concepción del Palancar), celui du Tiers-ordre féminin régulier à Jerez de los Caballeros en 1558  et encore ceux d'Aldea de Palo et d'Arenas, en 1561. Il meurt chez son médecin le 18 octobre 1562…Organisateur de la vie consacrée et animateur de la vie intérieure, il aura rénové le franciscanisme espagnol, en développant de petites communautés de huit religieux, très pauvres et très austères, qui ne consacraient pas moins de trois heures par jour à l'oraison » (Wikipédia).


Ste Thérèse dont il avalisa les visions auprès de sa hiérarchie, le teint en grande estime :

« Il se consolait beaucoup avec moi, me témoignait une très grande affection, et il m'a toujours depuis fait part de ses pensées les plus intimes et de ses desseins. Heureux de voir que Notre-Seigneur m'inspirait une si ferme résolution, et tant de courage pour entreprendre les mêmes choses qu'il lui faisait la grâce d'exécuter, il goûtait un grand contentement dans cette mutuelle communication de nos âmes ».(La Vie)

Il l’aura soutenue dans sa réforme du Carmel déchaussé qui s’inspire de la sienne[11]. Béatifié en 1622 et canonisé en 1669, l’hagiographie lui accorde l’accomplissment de nombreux miracle comme d’arrêter l’incendie d’un couvent en marchant vers les flammes ou par sa simple prière faisant pleuvoir sur une région desséchée et menacée de famine…


Son œuvre majeure est son traité sur l’oraison, Tratado de oracion y meditacion, dans lequel on retrouve pour l’oraison deux des trois voies dyonisiennes traditionnelles, la purgative et l’illuminative. La troisième étant la vois unitive. Jean de Gerson les a exposé dans sa Montagne de la Contemplation écrite en 1397. Ces thèmes de méditations sont ceux que l’on retrouve dan la spiritualité espagnole de bernardin de Loredo à Ste Thérèse en passant par Loyola sur la condition humaine, la Passion. Sa pratique de l’oraison qui s’inspire de Franscisco Osuna, premier guide spirituel de Ste Thérèse, se développe en « préparation, lecture, méditation, action de grâce, offrande et demande ».


Luis de León

Luis de León (1528-1591), moine augustin, poète, professeur de théologie à l’université de Salamanque, d’ascendance juive, féru hébraïsant, surnommé  « le cygne du Tormes » ou « le Fénelon de l'Espagne » fut un des meilleurs représentant de l’humanisme Renaissant en ce qu’il sut concilia le didactisme d’une pensée scolastique nourrie de la Théologie Rhénane (cf. Tome I) et un lyrisme poétique imprégné d’Horace et de Virgile. Son œuvre maitresse De los nombres de Cristo en la Sacrada Escritura (1583>85>87) développe sous la forme du dialogue platonicien quatorze noms donné à Dieu dans la Bible. Il fut l éditeur de Ste Thérèse et un traducteur du Cantique des Cantiques.

Voir Littérature/Poésie Espagne


Saint Alonso de Orozco

Saint Alonso de Orozco (1500-1591), né à Oropesa (province de Tolède) est le fils père était d’un gouverneur local. Il commence ses études à  Talavera de la Rein. Il est enfant de chœur à la cathédrale de Tolède, où étudie  la musique. À quatorze ans, il entre à l'Université de Salamanque où son frère aîné étudie déjà.

En 1520, les sermons de Thomas de Villanova[12] déterminent  sa vocation à la vie religieuse. Il entre quelques temps plus tard au Couvent de Saint Augustin, où Thomas de Villanova est son directeur de conscience.

En 1527, ordonné prêtre, de par ses dons précoces, il est nommé au ministère de la prédication. Il occupe des fonctions importantes au sein de l’ordre tout en menant vie d’austérité


En 1538, il prieur de la communauté de la communauté de Soria (Castille et León) ; en 1540, de celle de Medina. En 1541, il est nommé définiteur de la province des augustins d'Espagne. De 1542 à 1544, il est prieur à Séville, de 1544 à 1548, prieur à Grenade. A partir de 1545, il est visiteur de visiteur pour l’Andalousie.

En 1549 il part comme missionnaire au le Mexique –de Villanova fut un de premiers évêque a envoyé des missionnaires dans le Nouveau Monde. Mais pour des raisons de santé, il  dira jamais qu’aux îles Canaries,

En 1554, prieur du couvent de Valladolid, il est appelé comme «prédicateur royal» à la cour de Charles Quint. En 1561, Philippe II déplace la cour à Madrid et Alonso s'installe au Monastère de San Felipe El Real où il poursuit une vie humble et austère (un repas et trois heures de sommeil par jour. Il visite malades, prisonniers, les pauvres.  


En 1591, il meurt frappé par la fièvre au Monastère de L’Incarnation, un de monastères qu’il avait fondés comme le Colegio de la Encarnacion (actuel palais du Sénat) dont  Maria de Aragon, l’une de ses proches, fera décorer la chapelle par El Greco en 1589. Sa renommée était grande dans toutes les couches de la société madrilène. Il est dit que le poète Quevedo « est passé devant la chapelle de repos et s'est précipité aux portes de l'église du collège, renversant les portes à la recherche d'une relique, d'un éclat du lit ou d'un fragment de ses vêtements, de ses chaussures ou de sa chemise de cheveux ». Il a été béatifié par le pape Léon XIII le 15 janvier 1882.

Dans son œuvre  à vocation pastorale, écrite en latin et en espagnol, nourrie de la pensée augustinienne à laquelle il fait souvent référence, se mêlent étroitement ses réflexions sur les Écritures Saintes et ses propres expériences contemplatives.  On retient essentiellement La Règle pour une vie chrétienne (1542), lJardin de prière et mont de contemplation (1544), Mémorial de l'amour saint (1576), Trésor spirituel (1551), L'art d'aimer Dieu et le prochain (1567), Le livre de la douceur de Dieu (1576), Tract sur la couronne de Notre-Dame (1588). Portant une dévotion particulière à La Vierge Marie, il était persuadé d’écrire sous son inspiration.


Miguel de Molinos

Miguel de Molinos (1628-1696) sera au siècle suivant un des représentants du Quiétisme, démarche spirituelle qui met l’accent sur la dévotion, le « pur amour de Dieu ». Molinos puisa la notion de quiétude dans le traité Subida del Monte Sion (Ascension du Mont Sion) et chez le franciscain déchaussé Juan de los Angeles (c. 1540-1609). Il préconise la recherche du repos , de la quiétude, de l’âme pour atteindre à l’union divine. L’une des pratiques est la Prière du Cœur, répétition ad libitum du nom de Jésus (mantra) qu’il n’est autre que l’Hésychasme orthodoxe à la différence que cette dernière, plus accomplie, l’accompagne d’une position corporelle précise de la tête penchées sur le cœur et d’un contrôle de la respiration. Le but étant le même de toute évacuation de pensée.

Voir Âge Classique/ Religion/Espagne


Mystique  et Réforme

Sainte Thérèse d'Avila

Térèsa Dávila (1516-1582) est née dans la province d’Ávila située au nord de la péninsule dans ce que l’on appelle La Vielle-Castille (Castilla la Vieja), la Castille historique qui, avec le Leòn ne connut pas l’occupation maure, par opposition à la Castille Nouvelle (Castilla la Nueva : Madrid, Tolède) la jouxtant au sud pour occuper le centre même de l’Espagne. Térèse portera selon l’usage de l’époque le nom de sa mère, Béatriz Dávila de Ahumada, seconde épouse de Alphonse Sanchez de Cepeda, drapier d’origine juive, converso de Tolède, qui eut trois enfants de sa première femme et dix de Béatriz ; Térésa étant la cinquième.

Élevée dans une atmosphère pieuse dans laquelle la vie des saints est présente, les quelques romans possédés par son père avivent son imagination. Elle rêve dans son enfance de partir avec l’un de ses frères en terre maure et mourir en martyr de la foi chrétienne. A douze ans, elle perd sa mère. Adolescente, elle se détourne de ses aspirations religieuses et mène une vie portée aux futilités de son âge, soucieuse de sa joliesse et entrainée, dira-t-elle, par sa cousine au péché mortel. Ce qu’elle regrettera par la suite et qui lui valut quand même d’être mise au couvent par son père qui, sûrement, voulut l’éloigner de ses fréquentations jugées pour le moins immorales.


Elle entre à 15 ans au Carmel mitigé (qui ne suit pas strictement l’observance) du monastère de Santa Maria de Gracia à Avila  Un an plus tard, elle doit quitter le couvent non pas par les sollicitations et visites de l’extérieur qui la détourneraient d’une vie pieuse ni par son besoin permanent de liberté qui s’adapte mal à la vie conventuelle, mais parce qu’elle est en proie à des troubles nerveux[13]. Son père l’amène voir une guérisseuse. On la croit perdue. Elle reste trois jours dans le coma. Réveillée, elle restera trois ans paralysée. Par la suite, c’est de crises rhumatismales dont elle souffrira atrocement toute sa vie. Son oncle, chez qui elle vient de séjourner, lui a glissé entre les mains le Troisième Abécédaire sur l’oraison du franciscain Francesco de Osuna (1492-1542)[14]. C’est sa première initiation à l’oraison mentale.

En 1533 (34 ?), elle entre au couvent ouvert du Carmel au Monastère de l’Incarnation d’Ávila et prend l’habit en 1536 (37 ?). Ses troubles nerveux continuent (épilepsie ?). Elle reste paralysée deux années durant et souffre de fortes douleurs corporelles.

En 1539, elle reprend une vie sociale que lui autorise la règle ‘relâchée’ du Carmel mitigée. Mais en 1541, à la vue d’un Christ au Martyr, elle a la révélation de la force de l’Amour Christique et du sacrifice que Jésus a vécu pour nous. C’est pour elle une «première conversion ».

À partir de ce moment, Thérèse va pratiquer assidument l’oraison et commencer à recevoir les grâces. En 1554, elle a ses premières visions. Le Christ lui apparaît qui lui dit « Je ne t’abandonnerai pas, Ne crains rien ». C’est sa « seconde conversion ». Elle a alors près d’une quarantaine d’années. Elle entre dans une vie de prières, d’oraison, de communion.


En 1562, s’inspirant de l’œuvre du franciscain Pierre d'Alcántara, réformateur qui a fondé en Espagne l’Ordre des Frères Mineurs Déchaussés et qui va la soutenir, elle entreprend la réforme du Grand Carmel auquel elle consacrera le restant de sa vie. C’est sa façon à elle de participer à la Contre-Réforme instituée par le Concile de Trente (1545-1563). Elle fonde d’abord le Monastère de St Joseph en 1562, puis seize autres monastères de carmélites et quatorze de carmes, allant de l’un à l’autre par tous les temps sur des routes ou plutôt des chemins difficilement praticables.

En cette même année 62, elle commence la rédaction de sa biographie. Tous ses ouvrages relatent les faits de son existence et ses expériences mystiques. Ils seront publiés après sa mort.  A l’automne de 1582, elle arrive à Albe de Tormes (Castille-et-León). Âgée 67 ans, souffrant depuis plusieurs années d’un bras cassé, “la pauvre vieille “ comme elle s’appelle, tant sa vie et ses déplacements l’ont épuisée, sent que la mort est proche avec sa maladie de cœur, ses rhumatismes et une certaine tuberculose: “Il est temps de nous voir, mon Seigneur, il est temps de nous mettre en route“ »[15]. Elle s’éteint quelques semaines plus tard, le 4 octobre. Elle sera canonisée en 1622 et faite Docteur de l’Église en 1970.


La Réforme du Carmel

En 1209, des hommes s’étaient installés pour vivre en ermite selon une règle simple dans les grottes du Mont Carmel en Terre Sainte (près d’Haïfa), là où Elie avait combattu les 450 prophètes de Baal. Vers 1240, devant les conquêtes successives des Musulmans, ils commencent à refluer vers la France. En 1247, sur autorisation du pape, ils deviennent moines et fondent L’Ordre des Frères de Notre-Dame du Mont Carmel ou Carmes.

En 1256, le pape accorde la réunification de quatre congrégations d’ermites du Nord de l’Italie pour fonder le quatrième ordre mendiant, l’Ordre des Augustins suivant la règle régulière la plus ancienne, celle de l’évêque d’Hippone mais telle que l’avait adaptée Saint Albert de Jérusalem pour les premiers ermites du Mont Carmel.

 La papauté favorisait en cette première moitié du XIIIème siècle, la création d’ordres monastiques pour contrebalancer l’influence des hérétiques albigeois, particulièrement celle des cathares qui lui fallut tout au long de cette moitié de siècle combattre et réprimer.

Jean Sorteh (1394-1475), supérieur de l’ordre, fonde en 1452 l’Ordre des Carmélites. C’est par lui que sera fondé le tiers-ordre, qui comme pour les franciscains et les dominicains est la branche de l’ordre réservée aux laïcs.


Après 1554, date de sa seconde conversion, plusieurs sœurs, toutes aspirant à une vie spirituelle plus authentique, se réunissent régulièrement dans l’appartement de Thérèse[16]. Ce serait l’une d’entre elles qui serait à l’origine de l’idée d’une vie dans la stricte observance de la règle d’avant sa mitigation. Ste Thérèse va alors entreprendre de réformer l’Ordre du Carmel. Non seulement cette réforme répond chez elle au besoin d’une plus intense vie intérieure, à la nécessité d’une pratique rigoureuse qui lui paraît indispensable pour qui s’engage dans la vie religieuse, mais encore répond à sa manière, en cette période où l’Église Catholique en pleine crise est confrontée à la Réforme qui bouleverse le monde chrétien.

Thérèse fonde en 1562  un ordre au sein de l’ordre, au début ne s’adressant qu’aux moniales, l’Ordre des Carmes Déchaux; déchaussés en signe d’humilité et de pauvreté. Installée au Monastère de St Joseph, fait abandonner à ses sœurs carmélites qui l’ont suivie la règle mitigée pour revenir à la règle originelle qui impose notamment une clôture stricte. La  règle originelle  établie en 1209   par Saint Albert de Jérusalem (Albert Avogadro 1150-1214), patriarche de Jérusalem, pour les moines installés au Mont Carmel    avait été mitigée (mitigation) en 1432 par le pape Eugène IV à la demande des moines eux-mêmes.  Ste Thérèse imposera la règle sans mitigation, mais  soit celle donnée par Albert de Jérusalem ou/et celle Hugues de Saint Cher, Cardinal de Saint Sabine en 1248 selon ce que Ste Thérèse à écrit dans le  Livre de Ma Vie (?).   Ses premières pensionnaires sont quatre orphelins.


Un temps, Thérèse est obligée par les autorités ecclésiastiques de retourner au Couvent de l’Incarnation, où elle vit depuis 26 ans sans avoir jusqu’alors jamais été parmi la soixantaine de sœurs qui l’entoure[17], une carmélite ‘modèle’, ayant pendant longtemps reçu de fréquentes visites de l’extérieur. Mais très vite, elle retourne au couvent St Joseph où elle va élever ses orphelines dans une disciple stricte faite d’oraison, de jeune, de pauvreté, de totale clôture et nu-pieds. Telles seront les bases du nouveau Carmel des Déchaussés.


Le jeune Saint Jean de la Croix (1542-1591), qu’elle a rencontré en 1567 et qu’elle a remarqué, a rapidement apporter tout son zèle à cette réforme en adoptant en 1568 la règle non mitigée et la faisant adopter pour la première fois par des moines. En une vingtaine d’années, seize couvents de moines l’adopteront, tandis que Thérèse aura fondé pendant ce temps une quinzaine d’autres couvents de carmélites déchaussées à Tolède, Pastrana, Valladolid, Salamanque… En 1571, elle sera nommée prieure du Couvent de l’Incarnation d’Avila où elle était entrée à vingt ans.

Mais une partie des carmes garderont la règle mitigée et constitueront officiellement en 1593 les Carmes Chaussés ou Grand Carme. L’ordre depuis sa fondation avait connu une série de mitigations du 13ème au 15ème siècle, rendant la règle de plus en plus souple (libre circulation, absence de jeûne etc.), soit à cause des circonstances comme La Grande Peste du milieu du XIVème siècle, soit par demande des supérieurs au pape. Le Grand Carme adoptera à la fin du XIXème siècle avec la Réforme de Touraine une règle qui se rapprochera de celles des déchaussés. Règle qu’adopteront à leur tour les carmélites chaussées, faisant que la séparation des deux branches du Carmel ira s’amenuisant.


La Mystique de St Thérèse

Les mystiques tel Ruysbroek l’Admirable (1293-1381) et les théologiens comme St Bonaventure (†1274) ont tracé par leur écrit aux générations futures un chemin vers Dieu. Si l’importance que revêtira Ste Thérèse dans la mystique chrétien tient évidemment à son élévation spirituelle, l’enseignement ,qu’elle propose de l’oraison contemplative est le fruit direct des ses états d’union mais s’inspire aussi de la pratique sur l’oraison que le quiétisme de Bernardo Laredo a exposé dans son Subito del Monte Sion qu’elle a lu et parfois critiqué. Elle n’a pas ignoré non plus l’enseignement de celui qu’elle rencontra en 1560, qui la soutiendra dans sa réforme du Carmel et  qui avalisera ses expériences mystiques Pierre d'Alcantara dont le Tratado de la oracion y meditation. axé sur la dévotion, préconise des thèmes de méditations proche de ceux des Exercices de Loyola ( condition humaine, Passion…) et un développement de l’oraison ( lecture, méditation, action de grâce) inspirée des écrits de Francisco de Osuna que Thérèse eut très tôt entre les mains.

 St Jean traduira en poète les stases de cette avancée mystique dans l’oraison.

Visions et transverbération,

 Visions, transverbération et extase sont les moments forts de la vie intérieure de Thérèse.

Les visons de Thérèse sont de trois ordres : corporelle, la vision est comme réelle ; extérieure à elle, imaginaire, la vision est comme une sorte d’hallucination visuelle ;  intellectuelle, la vision est sans image et se traduit par le ressenti d’une présence : « Elle voit Dieu non des yeux du corps mais par une sorte d’intuition indubitable et profonde, elle le sent à côté d’elle, elle lui parle». [18]

Ste Thérèse ne connut pas comme St François, Catherine de Sienne ou Marie-Madeleine Piazzi ou encore plus près de nous le Padre Pio, la stigmatisation mais la transverbération (de transverberare=transpercer ). 

« Je vis un ange proche de moi du côté gauche… Il n'était pas grand mais plutôt petit, très beau, avec un visage si empourpré, qu'il ressemblait à ces anges aux couleurs si vives qu'ils semblent s'enflammer … Je voyais dans ses mains une lame d'or, et au bout, il semblait y avoir une flamme. Il me semblait l'enfoncer plusieurs fois dans mon cœur et atteindre mes entrailles » (Une Vie)  Lors de son autopsie, on put voir au cœur une sorte de blessure… ?


Ste Thérèse dit que l’oraison n’est « à [son] avis, qu’un échange intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé". (Vie VIII)

Cet échange d’amitié n’en présente pas moins une approche graduée. Elle se fait d’abord par l’oraison mentale, la prière ; puis vient l’oraison de quiétude en laquelle on se retire, on fait silence, où les pensées sont suspendues, les sens en retrait :

 "Les âmes qui commencent à s’adonner à l’oraison, sont celles qui tirent péniblement de l’eau du puits. Elles se fatiguent, en effet, pour recueillir leurs sens habitués à se répandre au-dehors ; c’est là un très grand travail." (Vie XI) ;

"Je ne vous demande pas en ce moment de fixer votre pensée sur lui, ni de faire de nombreux raisonnements, ou de hautes et savantes considérations. Je ne vous demande qu’une chose : le regarder." (Chemin de la perfection XXVIII) ;

En cette quiétude recouvrée, la personne se doit de participer à cette avancée vers Lui

« car  [si la porte est fermée] bien qu’Il veuille venir se délecter dans une âme et la choyer, il n’en trouve pas l’accès, alors qu’il la veut seule, limpide et désireuse de recevoir ses faveurs. (Vie VIII, 9)


L’oraison d’union ou de contemplation commence par la fruition des « goûts divins », par immiscions de Dieu dans l’âme, puis  vient l’extase, le ravissement, que Thérèse décrit comme « un rapide enlèvement de l’esprit dont l’impétuosité est telle que l’esprit semble se séparer du corps. La personne est incapable de dire si son âme habite ou non son corps». Extase en et par laquelle l’union est consommée.

Dans Les demeures du Château intérieur (Las Moradas del Castillo interior ), Ste Thérèse développe les étapes de l’entrée dans la vie intérieure[19] :

  •  1ères demeures : l’âme découvre le mystère du mal et du péché
  •  2èmes demeures : l’accent est alors mis sur la vertu de persévérance dans l’oraison,
  •  3èmes demeures : les sécheresses spirituelles, qui tarissent notre oraison, doivent être une école d’humilité et non d’inquiétude.
  •  4èmes demeures : La distinction est faite entre les joies naturelles et bénéfiques qui « ont leur source en nous et aboutissent à Dieu » et « la jouissance (spirituelle) qui a sa source en Dieu» (IV, I, 4).
  • ·5èmes demeures : où il est traité de la façon dont l’âme s’unit à Dieu dans l’oraison. « Sa Majesté, elle-même, est notre demeure dans cette oraison d’union dont nous sommes, nous, les ouvrières» (V, II, 9)
  •  6èmes demeures : L’âme va éprouver toutes sortes d’épreuves intérieures et extérieures avant d’entrer dans la septième demeure : persiflage ou éloges excessifs, très graves maladies sans compter les peines intérieures. Mais aussi,« Après avoir assimilé l’entrée en la Cinquième demeure à l’entrevue première qui permet aux personnes de se plaire l’une à l’autre, elle compare la sixième à l’alliance solennelle ([desposorio, fiançailles]» (Dom Chevalier cité par Roger Duvivier, La Génèse du Cantique Spirituel de St Jean de La Croix, Presses Universitaires de Liège, 1971).
  • 7èmes demeures : c’est la révélation du Mystère de la Très Sainte Trinité. « L’âme comprend avec une absolue certitude que ces trois personnes distinctes sont une seule substance, un seul pouvoir, un seul savoir et un seul Dieu » (VII, I, 6).

« Après avoir avancé la notion globale de desposorio [fiançailles], la Sainte en vient à établir dans la Septième demeure une nette distinction entre desposorio, d’une part, et matrimonio [mariage] de l’autre. » (Roger Duvivier, Op. Cit.).

Par la consommation du mariage, l’union devient indissoluble. Par le mariage, la phase ultime de l’union gagne en profondeur et se stabilise. En d’autre termes, il ne s’agit plus d’une extase, d’un état mystiques mais d’une réalisation de l’être[20].


Œuvres Majeures

À la demande de son directeur spirituel, le Père Gracian, Thérèse écrit entre 1562 et 65, son premier livre Le livre de la Vie (Vida de Santa Teresa de Jesús), qui ne reçut pas le meilleur des accueils. Son oraison mentale apparaissait suspecte. Des suspicions d’hérésie planèrent autour de l’ouvrage et son auteur fut consigné à résidence le temps d’examiner son cas.

Pour répondre à l’insistance de ses sœurs de St Joseph, elle écrit  entre 1565 et 70 Le Chemin de Perfection dans un style simple. Mais le Père Garcia de Toledo le jugeant peu « orthodoxe » le remania amplement au point que Thérèse en récrivit une autre version dite de Valladolid.

Toujours à la demande du Père Gracian, elle rédige pour ses moniales Les demeures du Château intérieur.

Les Constitutions (Libro de las constituciones) de 1563 et Les Fondations (Libro de las fundaciones ) de 1577-82 sont des ouvrages sur la règle qu’elle met en place pour les moniales, et le récit de la fondation de ses couvents.

À noter ses réflexions sur le Cantique des Cantiques, qui s’étalent de 1566 à 1574 et qui portent le titre de Pensées sur l’Amour de Dieu.

« Enfin, bref, d’une manière ou d’une autre, il y a forcément une croix à porter tant que nous vivons »

« La vie n'est qu'une nuit à passer dans une mauvaise auberge. »

« Ce qui importe avant tout, c'est d'entrer en nous-mêmes pour y rester seul à seul avec Dieu »


Au XVIIème siècle, Le Bernin sculptera une Ste Thérèse en extase, visible à l’église Santa Maria della Vittoria à Rome. L’expression de son visage en extase, bouche ouverte comme prête à recevoir la flèche (!) de la transverbération, a fait rapprocher au psychanalyste Jacques Lacan, cette « jaculation [jouissance, débordement] mystique », selon son mot, à une jouissance sexuelle :

« ... Sainte Thérèse - vous n’avez qu’à aller regarder à Rome la statue du Bernin pour comprendre tout de suite qu’elle jouit, ça ne fait pas de doute. Et de quoi jouit-elle ? Il est clair que le témoignage essentiel des mystiques, c’est justement de dire qu’ils l’éprouvent, mais qu’ils n’en savent rien. » (Jacques Lacan, Dieu et la jouissance de la femme, Le Séminaire Livre XX, 1973).


Saint Jean de La Croix

Juan de Yepes (1542-1591) est né à Fontibéros (ou Fontivéros) dans la même province d’Ávila que Ste Thérèse, cette Vielle-Castille qui résista à la conquête musulmane. Au déshéritage  de son père, de petite noblesse, qui avait fait scandale en se mariant à une roturière, fille de sa logeuse à Médines, vint s’ajouter le décès de ce père alors qu’il n’avait que deux ans. Il mène alors avec sa mère et son frère une vie errante et misérable. Il est mis dans un orphelinat[21].

Il va suivre une formation sacerdotale de 1562 à 1568 à Médina del Campo où il peut suivre des études au collège jésuite de la ville en contrepartie de taches domestiques. En 1563, il entre au Carmel où il prend le nom de Jean de Saint-Mathias qu’il gardera jusqu’en 1568, date à laquelle il choisira la nouvelle observance du Carmel Déchaussé et prendra le nom de Jean de La Croix. De 1564 à 67, il est ensuite envoyé à la célèbre université de Salamanque où il se fait remarquer pour « ses qualités d’esprit », et où « il a charge d’enseigner une leçon et de présider aux thèses ». De par sa propre tournure d’esprit sans doute mais aussi grâce à sa formation chez les jésuites, Jean devient un fin casuiste. La casuistique, cette « partie de la théologie qui traite des cas de conscience » (Dict. Larousse) connut son essor à partir du XVème siècle. Il en donna des cours et institua des conférences régulières (Voir Contre-Réforme/Ignace de Loyola/ Doctrine et Casuistique)


En cette même année 1567, il est ordonné prête et lors de sa première messe reçoit sa première révélation, celle de se consacrer à Dieu avec la certitude qu’il ne l’offensera jamais. C’est alors qu’il rencontre Ste Thérèse qui arrive à Médina avec pour but de rencontrer des hommes d’églises à même de fonder la branche masculine du Carmel réformé qu’elle a fondé cinq ans plus tôt. Jean accède à la demande de Thérèse mais retourne sur ses conseils à Salamanque pour poursuivre ses études de théologie.

Un an plus tard, en 1568, Thérèse ouvre à Duerelo, proche de Valladolid (Castille et Léon) où elle vient de fonder un nouveau couvent de carmélites déchaussées, le premier monastère pour moines déchaussés. Jean s’y établit et prend le nom de Jean de La Croix. Il va mener pendant deux ans une vie très ascétique faite du port du cilice, de profondes mortifications, de jeûne, de prières et de prêches.


En 1570, il est nommé recteur du Collège d’Alcala (province de Madrid) qui vient d’être ouvert sous l’impulsion de la Contre-Réforme, et qu’il doit organiser. En 1572, Jean est appelé pour être directeur spirituel des moniales au Couvent de L’Incarnation à Ávila où l’année précédente Ste Thérèse a été nommée prieure et où elle était entrée à l’âge de vingt ans. Il mène solitaire une vie retirée à l’écart du couvent. C’est en ces temps que se révèle à lui la « nuit obscure ».

En 1577, dans la confrontation qui oppose vivement les Carmes hostiles à la réforme et Carmes déchaussés (réformés), Jean est arrêté et emprisonné à Tolède dans des conditions de détention particulièrement pénible qui lui font dire qu’il vit là « la nuit de la foi ». En cette période particulièrement éprouvante physiquement (il subit le fouet) et moralement, il écrira là l’un de ses poèmes majeurs Le Cantique Spirituel (Cántico espiritual)


Après neuf mois de détention, il parvient à s’échapper. Il est excommunié pour vouloir séparer définitivement le Carmel déchaussé du Grand Carme. En 1578, il part s’installer au couvent de Calvario en Andalouise, proche de la ville de Beas de Segura où il devient le directeur spirituel des carmélites et où il accepte d’être le recteur de l’université. Il écrit un commentaire à son Cantique Spirituel et les vers de soutien spirituel qu’il écrit pour les carmélites seront réunis sous le titre Paroles de Lumière et d’Amour.

Il fonde un couvent à Baeza près de Jaén. En 1579, la peste sévit en Espagne. Jean qui soigne les malades perd sa mère Catalina. En 1580, le pape Grégoire XII par la Pia Consideratione sépare définitivement Carmes Chaussés et Carmes Déchaussés. Jean est réintégré et rédige les contitutions du nouvel ordre.  En 1582, Jean rencontre une dernière fois Thérèse qui l’envoie fonder un nouveau monastère à Grenade avec Anne de Jésus[22] avec qui il s’est lié d’amitié à Beas de Segura. Elle en  deviendra la  prieure de ce nouveau monastère et sera la dédicataire du Cantique Spirituel qu’il lui adressera en 1584. En octobre de la même année, St Thérèse dont la présence lui a manqué au long de ces années, meurt.


Jean continue ses directions spirituelles et à la demande de Anne de Jésus, il commente  ses poèmes écrits après Tolède et commence à rédiger à partir de 1584 La Montée du Carmel. Tout en poursuivant ses visites aux couvents à dos de mulet et en en fondant d’autres, il écrit la Vive Flamme d’Amour (Llama de amor viva). Il est nommé Vicaire Provincial d’Andalousie et se déplace sans cesse. En 1586, il ne conserve que sa charge de prieur de Ségovie. Son rôle de consultant est important au sein de l’ordre. Mais, il sera progressivement écarté. On parle de l’envoyer fonder un monastère au Mexique . Il se trouve relégué comme simple religieux au couvent de La Peñuela à l’ouest de Séville.

A l’été 1591, il souffre d’érésipèle (infection de la peau). Les soins radicaux qu’on lui prodigue ne font qu’amplifier sa souffrance. Sachant sa fin prochaine, il demande à ce qu’on lui lise le Cantique des Cantiques. Il s’éteint en décembre de la même année à l’âge de quarante neuf ans.

Le Mystique

On retrouve dans la mystique de St Jean la traditionnelle voie dionysienne : purgative, illuminative et unitive, qui a traversé tout le Moyen-âge et telle qu’entre autres Jean de Gerson l’exposait dans sa Montagne de la Contemplation écrite en 1397. Approche illuminative de l’union à Dieu héritée du St Augustin platonicien dont Jean était féru. L’augustinien St Bonaventure dans L’itinéraire de l’Esprit vers Dieu écrivait en 1259 qu’il ne dépend que de notre âme que de s’enfoncer dans cette ‘nuit de l’âme’ qui sera chère à Saint Jean de La Croix. L’âme humaine, créée pour vivre en Lui et l’aimer, entre alors en contemplation de Dieu par une extase illuminative après avoir été coupée de toute perception sensible et toute formulation intellectuelle.


L’on trouve également dans sa mystique, le socratisme chrétien qu’avait annoncé l’Ordre des Chartreux au XIème siècle et qu’au siècle suivant St Bernard hissera au sommet de la mystique chrétienne, lui qui écrivait « Commence à te considérer toi-même, bien plus, finis par là! » ; alors que St Jean écrira : 

« Après l'exercice de la connaissance de soi, la considération des créatures est le premier pas à faire dans le chemin spirituel, pour arriver à la connaissance de Dieu..».

Robert Ricard retrouve ce socratisme chrétien chez le poète contemporain de Jean, Luis de Léon qui traduisit le Cantique des Cantiques et chez qui

« la connaissance de soi se rattache à la voie purgative, elle est en effet la base de l’humilité… la connaissance de soi peut sembler une étape sur la voie illuminative car elle est souvent due à une illumination intérieure dont Dieu favorise l’âme pour lui permettre de se voir en toute exactitude (théorie d’origine augustinienne)[23]».

 (http://jesusmarie.free.fr/jean_de_la_croix.html: Le Cantique Spirituel)


N’ayant habituellement sous la main que le  Flos sanctorum de la vidas des los santos de Pedro Ribadeneyra (1527-1611)[24] et le livre de Saint Augustin, Contra hæreses, ses écrits ne contiendraient de réminiscences que de Saint Thomas, Saint Augustin, Saint Bernard, Saint Grégoire, du Pseudo Denys et d’Aristote. A propos des études que le saint fit à Salamanque, le P. José de Jésus-Marie nous dit qu’aux matières de scolastiques, « il joignait l’étude particulière des auteurs mystiques, notamment de Saint Denis et de Saint Grégoire. » (Historia de la vida y virtudes del Ven P. Fray Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628.)


Les Œuvres

Quatre grands traités : la Montée du Carmel, la Nuit Obscure, la Vive Flamme d’Amour, le Cantique Spirituel. 

Dans La Montée du Carmel  et dans La Nuit Obscure, St Jean commente un poème écrit initialement, portant le titre de La Nuit Obscure, (La Noche Oscura) et comportant huit cantiques dont deux seulement seront expliqués dans La Montée et La Nuit. » Ce qui peut laisser supposer qu’une partie de ces deux traités ait été perdue[25]

« Jean de la Croix a commenté deux fois son poème de la Nuit : dans la Montée du Carmel et dans la Nuit obscure. Dans la Montée du Carmel, il envisage la voie spirituelle sous l'angle actif : celui des initiatives à prendre, dans la Nuit Obscure, sous l'angle de l'acceptation de ce que cette voie lui réserve : une purification dont il ne choisit ni les temps ni les modes. Celle-ci comporte en fait deux étapes qu'il nomme nuit des sens et nuit de l'esprit. La première atteint la conscience dans ses facultés périphériques, la seconde dans sa profondeur la plus secrète. Mais il existe entre elles un dénominateur commun : l'action intime de Dieu qui travaille l'âme au sein d'une contemplation obscure et consumante. »


La Montée du Carmel

Dans La Montée du Carmel, composé de trois livres, St Jean pose les bases de son chemin spirituel[26], ce chemin est celui de la ‘Nuit Obscure’.

La première nuit est celle dans laquelle plonge l’âme qui a quitté les appétences du monde et de la chair, qui n’a plus goût à rien de créé, quels que soient les résidus de ces appétits que l’âme ne peut totalement mortifier et qui peuvent agir d’eux-mêmes quand l’âme est absorbée en oraison. Il suffit alors que la volonté n’y consente. Deux voies conduisent à la ‘nuit des sens’: la voie active en laquelle l’âme exerce sa volonté, la voie passive dans laquelle l’âme s’abandonne, Dieu agissant en elle. « Dieu agit en elle, moyennant des secours plus particuliers, et elle se tient passive, consentant librement » (Chap. XIII).

La seconde nuit est celle de la foi car la foi écarte l’intelligence, la connaissance intellectuelle et les facultés cognitives ordinaires ; L’âme entre en quiétude, dégagée des ‘anxiétés sensibles’. Là aussi deux voies s’offrent à l’âme, l’active par laquelle elle fait l’exercice des trois vertus théologales, la foi, l’espérance, la charité. Elle se ‘fixe dans la foi pure’; « cette voie ou façon de procéder, est la " voie étroite " car elle exige un complet dépouillement », et la voie passive, voie de la négation car tout mode de connaissance est rejeté et fait cesser le discours imaginatif, le monologue intérieur. Mais la pensée est une fonction naturelle qui ne saurait être arrêtée sans signe préalable induisant à son abandon :

« Les trois signes auxquels l’homme spirituel peut s’apercevoir qu’il doit sans crainte abandonner la méditation [réflexion] ; c’est a) l’impuissance à méditer ; b) l’inappétence totale de l’imagination et des sens à l’égard de tous leurs objets respectifs; c) l’attrait vers l’attention amoureuse et solitaire à Dieu, dans la paix, la quiétude, le repos total. Que ces âmes apprennent à s’appliquer à Dieu dans une attention amoureuse, en toute quiétude, sans recourir à l’imagination… la contemplation est [encore] ténèbres pour l’âme, [c’est] pourquoi il faut la posséder avant d’abandonner le discours.» (M.du C.)


Après la nuit des sens et la nuit de la foi, la troisième nuit est la nuit de l’esprit. L’âme passivement reçoit des perceptions spirituelles : « visions, révélations, paroles et sentiments spirituels ».

« Les visions peuvent porter sur des substances corporelles, et sur des substances immatérielles : Dieu, les anges les âmes… Elles peuvent néanmoins se faire sentir dans la substance de l’âme, au moyen d’une connaissance amoureuse accompagnée de touches très suaves…Les révélations d’ordre purement spirituel…consistent à comprendre des vérités concernant Dieu et les créatures… Elles apportent au cœur une joie inexprimable ; elles sont réservées à l’âme parvenue à l’état d’union, car elles sont cette union même… car elles sont des faveurs accordées à l’âme détachée de tout, et font partie de l’union…. Les sentiments spirituels sont d’ordre absolument passif ; ils opèrent dans la volonté et dans l’intelligence. L’activité de l’âme n’y intervient nullement. Ce sont des touches de l’union opérée passivement dans l’âme.» (Montée du Carmel.)

 Tout au long de la Montée du Carmel, St Jean opère avec une grande précision une classification rigoureuse des sentiments, des différents types d’objets, temporels, sensibles, surnaturels, spirituels qui peuvent provoquer le différents types d’affections : espérance, joie, crainte, des biens sensibles et des biens spirituels qui mènent l’âme à Dieu.


La Nuit Obscure

Dans La Nuit Obscure, La Noce Oscura, St Jean traite de l’aspect passif de la nuit. C’est la nuit de l’esprit dans laquelle l’âme est en contemplation. « L’âme n’offre que son libre consentement à ce que Dieu opère en elle. » L’âme s’est purifiée et cette purification la disposée à recevoir les grâces. Mais Dieu seul peut la préparer ultimement à son union à Lui. Dans une profonde analyse psychologie, St Jean montre comment Dieu opère dans les méandres de l’âme pour la purifier en profondeur ‘’en opérant l’universelle suppression des goûts et saveurs à l’endroit du créé. C’est la Nuit dite " passive’’».

« Dieu ne met pas l'âme qu'il veut élever à une perfection plus éminente, dans l'union de l'amour divin, aussitôt qu'elle est sortie des sécheresses et des afflictions de la nuit des sens : au contraire, après qu'elle a passé par les exercices des commençants, elle demeure plusieurs années dans l'état de ceux qui avancent. Alors, semblable à une personne qui s'est échappée d'une obscure prison, elle s'attache aux choses divines avec plus d'étendue de cœur et avec plus de satisfaction qu'auparavant, et elle goûte des délices plus grandes et plus intérieures qu'elle n'en sentait au commencement, avant qu'elle entrât dans la première nuit. Son imagination et ses puissances ne sont plus assujetties aux représentations, aux pensées, aux raisonnements spirituels; car elle se trouve incontinent plongée, sans ces opérations, dans une contemplation pleine d'amour et de douceur. Elle n'est pas néanmoins encore dégagée de toutes ses imperfections. Ce qui vient de ce que l'esprit n'est pas encore parfaitement purifié, parce que la liaison naturelle et nécessaire qui est entre la partie inférieure et la partie supérieure, est cause que l'âme, nonobstant la purgation des sens la plus rigide, succombe à beaucoup de faiblesses, jusque à ce qu'elle ait passé par la nuit ou purgation de l'esprit. C'est pourquoi il faut absolument qu'elle endure des sécheresses, des obscurités, des afflictions plus grandes que les premières : toutes ces peines sont les présages et les avant-coureurs de la nuit de l'esprit qui doit bientôt suivre. Elles ne durent pas néanmoins si longtemps que la nuit qu'on attend; car quelques jours après que cette nuit ou cette tempête a commencé et est finie, l'âme recouvre sa tranquillité : et c'est ainsi que Dieu purifie les personnes qui ne doivent pas monter a un si haut degré d'amour. »(La Nuit Obscure Livre II ).


Le Cantique Spirituel

En 1578, après son évasion de la prison de Tolède, il peut coucher sur papier les cantiques du Cantique Spirituel de l’Âme et de Jésus-Christ son Époux, qu’il a écrits dans sa tête. Jusqu’en 1585, il en rajoutera 9 autres pour un total de 40, qu’il commentera à la demande des moniales à qui il les lit.  Il adressera ce commentaire à la Mère Anne de Jésus, Prieure des Carmélites Déchaussées du Monastère St Joseph de Grenade, 1584, et le présentera comme « une explication des strophes qui traitent de l’amour entre l’âme et le Christ son époux : On y expose et on y explique quelques points et quelques effets de l’oraison. »

Il y a deux versions de ce cantique, aucune n’étant de la main de St Jean. Le manuscrit de Sanlúcar dit version A dont seules les annotations sont de sa main et la version B, manuscrit de Jaen, qui est une version remaniée de la A avec une réorganisation des strophes.

Jean revient dans l‘exposition du cantique sur le thème déjà systématisé par Thérèse de l’union nuptiale en reprenant la distinction faite par Thérèse entre les fiançailles et le mariage qui est union indissoluble de l’épouse et de l’époux.

Ce Cantique est le chant de la joie au sortir de la nuit obscure, la rencontre avec le bien aimé.

« Là, mon bien aimé me donna son cœur. Là, il m'enseigna une science pleine de suavité. Et moi je lui donnai en réalité Tout ce qui est à moi, sans rien me réserver. Là, je lui promis d'être son Épouse. »


La Vive Flamme de l'Amour

La Vive Flamme de l’Amour (La Llama de Amor viva) est à l’origine un court poème en quatre strophes écrit à Tolède au monastère de Penvela en 1584 pour une bienfaitrice Dona Ana de Peñalosa. Jean le fera suivre comme à son accoutumée d’un commentaire qui portera le même nom, sorte d’introduction à la vie mystique. Cette dernière œuvre est une œuvre flamboyante. Ce chef-d’œuvre de la poésie espagnole révèle la dernière étape de son cheminement spirituel.L’âme s’embrasse dans l’union consommée entre elle et Dieu.  L’édition contient les quatre cantiques dont les commentaires  font l’objet de l’ouvrage. Les thèmes en sont l’unité des Trois Personnes, l’action de l’Esprit-Saint qui est la flamme d’amour et l’établissement de l’âme en Dieu.

« L’amour est une inclination de l’âme, une force ou une faculté qu’elle possède pour aller à Dieu ; c’est par amour qu’elle s’unit à Lui ; voilà pourquoi plus elle possède de degrés d’amour, plus elle pénètre dans les profondeurs de Dieu et se concentre en Lui. Aussi pouvons-nous dire que, par les degrés d’amour que l’âme gravit, nous pouvons compter les degrés toujours plus intimes du centre divin où elle pénètre ». (St Jean)


Notes
[1] Selon certaines sources, le nombre estimé de juifs avant leur expulsion aurait été de 200 000 dont environs 150 000 s’exilèrent. Selon d’autres sources, le nombre à la fin du XVème siècle aurait atteint les 300 000 et la majorité serait restée.

[2] Marguerite Porete voir Tome 1/ Les Béguines

[3] Hernan rappelle dans cette biographie (Édit. Seuil 2016) que Loyola « était proche de l’alumbradismo pratique concernant la manière de faire oraison dans le ’’recueillement ‘’ que prêchaient les béates [dont Isabel de la Cruz] mais resté loin d’un alumbradismo militant ». Il rappelle également que Cisneros « qui aimait le merveilleux » avait fait éditer en 1510 le Traité de la Vie Spirituelle de Vincent Ferrier duquel il fait retirer « les chapitres consacrés aux ravissements et révélations mystiques ». Saint V. Ferrier ( ou Ferrer,1350-1419) prédicateur espagnol né à Valence et mort en Bretagne qui parcourut l’Europe convertissant juifs et musulmans. Il prit un temps parti pour l’antipape Benoit XIII avant de reconnaitre la légitimité de Rome. Il joua également un rôle politique dans l’accession au trône de Ferdinand 1er d’Aragon.

[4] Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique (Paris, Letouzey, 1930), rapporté par Raoul Vaneigem.

[5] Rapporté par Raoul Vaneigem (op. cit.) qui parle d’« illumination orgasmique et de « …l’identification avec Dieu que Simon de Samaria appelait ‘dynamis mégale’, tandis que le beghard Jean de Brünn évoquait l'identité du pneuma et du sperma dans la fusion qui le laissait ‘totaliter liquefactus’.

[6] Cité par Raoul Vaneigen, La Résistance au Christianisme. Les Hérésie des origines aux XVIIIème siècle, Édit Fayard 1993.

[7] En 1222, St François d’Assise fonde le Tiers-Ordre pour permettre à ses disciples laïques de mener une vie de piété sans avoir à prononcer leurs vœux. Par la suite, une distinction sera faite entre ceux qui désirent conserver une vie séculière et ceux (ou celles) qui voudront mener une vie régulière. C’est la Bienheureuse Angélique de Marsciano (1377-1435), fille du Comte de Marsciano (région d’Orvieto, Ombrie), orpheline à 12 ans, mariée contre son gré à 15 mais très vite veuve, sujette très jeune à des visons de St François et de la Vierge, qui, devenue franciscaine sous le nom d’Angelina de Corbora, fondera ce tiers-ordre régulier qui s’étendit dans toute l’Europe.

[8] Citations Jessica A. Boon, Université de Pensylvanie, Le langage mystique du souvenir: Bernardino de Laredo et la «Subida del Monte Sión». L’auteure « suggère que les études précédentes mettent trop l'accent sur l'introduction par Laredo de la théologie négative dans la deuxième édition, avec les éléments qui y sont habituellement associés de l'union par la volonté aimante déjà présents en 1535. » Pour elle, la seconde version se justifierait surtout par « l'échec du langage mystique comme sa motivation pour réviser le Subida ». Selon elle, Laredo aurait fréquenté le milieu des conversos

[9] Citations Ricard Robert, Compte-rendu d’Un inspirateur de sainte Thérèse, le Frère Bernardin de Laredo de P. Fidèle de Ros.
https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1949_num_51_1_3174_t1_0069_0000_2

[10] Voir Vol. 2/Musique/ Espagne/ Tomás Luis de Victoria. Le plus illustre des musiciens de la Renaissance espagnole composera une de ses plus pages avec son Office des Morts qu’il écrivit à la mort de la douairière en 1603. Juan prononcera, lui, l’oraison funèbre.

[11] De manière non explicite, les sources donnent de manière doublement contradictoire Pierre premièrement comme ayant appartenu à la fois aux franciscains conventuels et aux observants ( en 1517 Léon X les a séparés), et secondement comme ayant été le commissaire général des réformés (les réformés viennent des conventuels) et le fondateur des franciscains déchaussés qui viennent eux des observants et qu’on appellera les alcantarins.

[12] Archevêque de Valence, béatifié en 1618, Thomas de Villanova (1486-1555) est comme Ignace de Loyola un défenseur du libre-arbitre face au luthéranisme. Suivant la tradition augustinienne, l’amour tient une place centrale dans l’appel de l’âme à Dieu. Les trois stases de l’oraison, purgative, illuminative et unitive correspondent chez lui à la dévotion, l’intelligence du cœur hors tout intellectualisme, l’union qui est félicité. Il reforma l’ordre selon les instructions du Concile de Trente.

[13] Gonzague Truc, Les Mystiques Espagnols Édit. La Renaissance du Livre, Paris, 1921.

[14] « Les écrits mystiques de Francisco De Osuna, un moine franciscain d'Espagne, sont un trésor de sagesse pour les chercheurs spirituels, qui est redécouvert après des siècles d'obscurité. Osuna transmet la sagesse de la tradition contemplative chrétienne à travers une série de maximes pures - Un Alphabet Spirituel [Abécédaire Spirite*]. Le but de ces Paroles de Sagesse est de se souvenir d'elles et de vivre avec elles afin qu'elles puissent constamment réorienter le cœur et l'esprit vers la source de la vie intérieure… “ Fais de chacun tes maîtres et, tout en les aimant, fuis vers un seul“ ». (http://franciscodeosuna.blogspot.fr/)

* Adaptation au plan spirituel du genre appartenant à la tradition poétique espagnole du poème alphabétique et dans lequel de courts traités, 26 au total remplacent les poèmes.

« Les deux premiers traités sont consacrés l’un à la Passion l’autre à l’ascétisme. Le troisième traite de la mystique et du recueillement [de l’oraison]. Le quatrième sert de conclusion au trois précédents. Le cinquième et le sixième sont posthumes et traitent de certains problèmes comme de la pauvreté pour le 5ème et de la reprise de la Passion pour le 6ème » (M. Foket, Compte rendu de F. de Osuna, Le recueillement mystique. Troisième abécédaire spirituel. Introduction, traduction et notes par Michel Darbord (coll. Sagesses chrétiennes), 1992.

http://www.persee.fr/doc/thlou_00802654_1998_num_29_1_2930_t1_0115_0000_3

[15] http://www.dieu-parmi-nous.com/NIC/Sainte.Therese.Avila.pdf

[16] http://www.carmel.asso.fr/Au-16e-siecles-en-Espagne.html

[17] De soixante carmélites que compte le couvent de l’Incarnation à l’entrée de Térèse en 1536, elles seront trois fois plus nombreuses trente ans plus tard. Des historiens expliquent cet accroissement de la population féminine conventuelle issue des bonnes familles par le départ des jeunes hommes dans les expéditions des Grand Voyages espagnols qui jalonnent le XVème siècle. Ainsi les frères de Térèse sont eux-mêmes partis pour le Nouveau Monde.

[18] G. Truc Les Mystiques Espagnols, Édit Renaissance du Livre

[19] Résumé de la présentations des sept demeures faite par le Docteur es Lettres, Mme Martine Petrini-Poli sur http://www.narthex.fr/blogs/ecrits-mystiques/le-chateau-interieur-ou-les-demeures-de-l2019ame-de-therese-d2019avila-1577.

Par ailleurs, le docteur en théologie Marie-Joseph Huguenin a publié une étude très approfondie sur l' oraison selon Thérèse d'Avila et Jean de la Croix aux Éditions des Béatitudes, 2010)

[20] Voir cette même distinction chez Catherine de Sienne (1347-1380) (Tome 1 La Mystique 1300) : En 1366 (ou 68?), vers l'âge de 19 ans, alors que les rues de la ville résonne de la fête du carnaval, Catherine de Sienne a la vision d'un cortège de saints mené par le Christ qui la choisit pour épouse. C'est sa première expérience de mariage mystique. Cette union nuptiale est à entendre en son sens restreint, celui d'une union à la présence divine et non plus seulement dans le sens large d'une relation en laquelle le Christ apporte sa parole, son réconfort et son soutien. Le Bien-Aimé lui remet l'anneau d'union nuptiale.

[21] Socle de la biographie de St Jean, l’article de Wikipédia qui prend ses sources auprès de : Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, Jean de la Croix : Présence de lumière, Venasque, Éditions du Carmel, 1991 ; Élisabeth Reynaud, Jean de la Croix : Fou de Dieu, Paris, Bernard Grasset, 1999 ;

Dominique Poirot, Jean de la Croix et l'union à Dieu, Paris, Bayard Éditions, 1996 ; Eulogio Pacho, o.c.d., Initiation à Saint Jean de la Croix, Paris, Cerf, 1991 ;

Jean Georges Boeglin, Le Christ maitre de vie spirituel chez Jean de la Croix, Paris, Edition Saint-Paul, 1992.

[22] En 1602, Madame Acarie (Marie de L’incarnation) chargera Bérulle de ramener d’Espagne quelques carmélites déchaussées en vue de fonder le premier couvent en France. 7 carmélites suivirent Bérulle à Paris dont Anne de Jésus. St François de Salles (1567-1622) aidera la première stigmatisée française dans sa mission. Le premier couvent sera situé rue St Jacques avant de se déplacer rue St Honoré.

[23] Robert Ricard faisant référence à la thèse de Alain Guy sur La Pensée de Fray Luis Leon (Paris 1943) in Le “Socratisme chrétien” en Espagne et au Portugal : http://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1949_num_51_4_3205. Sur le Socratisme Chrétien voir Tome 1 :La Mystique au XIIème siècle/Bernard de Clairvaux.

[24] Pedro Ribadeneyra (1527-1611)[24] est un jésuite hagiographe, proche du fondateur de la Compagnie de Jésus dont en 1572 il a écrit une vie restée célèbre.

[25] Et pour une présentation générale des œuvres de St Jean : Père Berthier

http://www.abbaye-saint benoit.ch/saints/carmel/ jeandelacroix/ jeandelacroix01. htm# _Toc134004767)

[26] La base de la documentation et les citations sur La Montée du Carmel sont de F. Pascal du S. Sacrement O. C. D. in Dictionnaire de Théologie Catholique/ article St jean de La Croix/ Vie et œuvre de St Jean de La Croix.


LA MYSTIQUE EN ITALIE


Catherine de Gênes - Catherine de Ricci - Marie-Madeleine  Pazzi


Catherine de Gênes

Catherine Fieschi (1447-1510), née à Gênes, est la fille du vice-roi de Naples dont la « famille, féconde en grands hommes, avait donné à l'Église deux Papes, neuf cardinaux et deux archevêques ». Très jeune, elle veut se consacrer à la vie intérieure mais, à 16 ans, ses parents la marient. Son mari se révèle violent. Elle mène une vie mondaine voire dissolue, mais elle n’en retire qu’amertume, insatisfaction, jusqu’au jour où à 26 ans, en 1473, le Christ lui apparaît portant la croix, couvert de sang. Il lui dit « tout ce sang a été répandu au Calvaire pour l'amour de toi, en expiation de tes fautes! ». Cette vison la transforme. Elle choisit alors une existence de pénitence en expiation de son existence passée, visite les malades, soigne les lépreux. Quelque quatre ans plus tard commence pour elle une vie ponctuée d’extases, vouée à l’abandon de toutes attaches extérieures et intérieures. Une vie en l’entre-deux du purgatoire, terrestre et céleste, entre un corps abandonné (inédie (absence d’alimentation), contrition) et une âme consumée par l’amour divin. Elle convertira son mécréant de mari qui mourra tertiaire franciscain.

« Pendant vingt-trois ans, il lui fut impossible de prendre autre chose que la Sainte Communion[1]; elle buvait seulement chaque jour un verre d'eau mêlée de vinaigre et de sel, pour modérer le feu qui la dévorait, et, malgré cette abstinence, elle jouissait d'une forte santé ».


Son entourage de fidèles proches, formant la Fraternité du Divin Amour, a recueilli ses paroles et noté ses expériences mystiques qui connaissent une première publication en 1551 sous le titre Vie Admirable et Doctrine Sainte. Des Dialogues feront suite. Son texte le plus connu, le Traité du Purgatoire est un extrait de ce recueil.

« Les souffrances du purgatoire sont aussi vives que celles de l’enfer quand même elles s’accompagnent, mais sans les diminuer, d’une joie intense due à la certitude d’être sauvé et, au terme de la purification, d’être pleinement uni à Dieu. C’est dans cette tension que réside l’essentiel des souffrances des âmes du purgatoire. Elles sont unies à Dieu par un lien de charité parfaite (elles veulent ce que Dieu veut) et elles voient par conséquent toute l’horreur du péché. C’est une souffrance d’amour. Leurs peines sont d’autant plus intenses qu’elles sont attirées vers Dieu et qu’elles voient toute la laideur des souillures qui les empêchent de Lui être déjà unies. »

(Florent Thibout, Sainte Catherine de Gênes, une sainte en Purgatoire http://www.revue-resurrection.org/Sainte-Catherine-de-Genes-une N°76)

Après sa mort, son corps est resté à ce jour incorruptible. Elle est canonisée en 1737.

Catherine ne fut pas connue de son temps. Ce sont ses écrits qui la feront connaître, notamment en France où, au siècle suivant, elle aura une grande influence sur le courant mystique autour de Pierre Bérulle, St Vincent de Paul et Charles de Condren.


Catherine de Ricci

Alessandra Lucrezia Romola de Ricci (1522-1590) née dans une riche famille patricienne florentine de banquiers, montre très tôt des dispositions à la vie religieuse. Elle connaît des ravissements, est sujette à des visions et d’elle-même prie seule. Orpheline de sa mère, elle entre au monastère de Saint-Pierre de Monticelli (Florence Hors-les-murs) où sa tante est abbesse. Elle fait preuve d’une grande piété priant chaque jour longuement devant une image du Christ, revivant intérieurement la Passion.

Malgré les réticences de son père, à l’âge de 13 ans elle entre dans le tiers-ordre (laïc) dominicain au couvent du Prato très marqué par les prédications du moine florentin Savonarole (†1498). Après son noviciat, elle prend le voile sous le nom de Catherine. Sa santé est très fragile. On la dit souffrir d’un mal incurable, la petite vérole (variole). Elle guérit miraculeuse après la vision de trois Frères portant l’habit de St Dominique.

Elle vivra tout sa vie au couvent du Prato, habitée par les grâces, les visions et les extases, entourée de phénomène miraculeux comme le changement de son cœur en un cœur nouveau « formé sur le modèle de celui de sa très sainte Mère[2] »


En 1542, elle connaît sa première extase de la Passion. Elle va la revivre de façon hebdomadaire du jeudi midi au vendredi 16 h pendant plus de dix ans reproduisant avec sa tête, ses mains et ses pieds les gestes du martyr du Christ portant la couronne et crucifié. Le phénomène attira au couvent une foule nombreuse.

En cette même année 1542, elle connut le mariage mystique. Il s’agit des vraies noces mystiques comme les connut Catherine de Sienne († 1380) et St Thérèse d’Avila. Cette union est à entendre en son sens étroit d’union nuptiale, union à la présence divine et non pas seulement dans le sens large de fiançailles, relation en laquelle le Christ apporte sa parole, son réconfort et son soutien. Le Bien-aimé lui remet l’anneau d’union nuptiale. Et comme Catherine de Sienne[3], elle reçut en consécration des noces les stigmates.

Saint Philippe de Néri attesta l’avoir rencontrée en vision alors qu’à Rome, il était en correspondance avec la sainte, pouvant même la décrire sans jamais l‘avoir vue.

Elle entretint une correspondance avec Marie-Madeleine Pazzi. Princes, Princesses, ducs d’Italie, de France et d’Europe, ambassadeurs, cardinaux ne cessèrent d’affluer au couvent. Elle est béatifiée en 1732 et canonisée en 1746.


Marie Madeleine Pazzi

Sainte Marie-Madeleine Pazzi (Maria Maddalena de Pazzi (1566-1607), née et morte à Florence, est issue de la très ancienne noblesse dont les origines remonte en deçà de l’An Mil. Elle est portée très jeune à la vie spirituelle. « Toute une nuit, elle porta une couronne d'épines sur sa tête, avec des douleurs inexprimables, pour imiter son Amour crucifié [4]. » Elle a sa première extase à 12 ans. Ses précepteurs sont deux jésuites. Elle découvre la spiritualité franciscaine au couvent franciscain de Cortone (Toscane). « Un jour, tentée plus fortement qu'à l'ordinaire, elle se jeta dans un buisson d'épines, d'où elle sortit ensanglantée, mais victorieuse[5] ». Elle fera du poverello son maître spirituel. Elle est pensionnaire chez les Chevalières de Malte, à San Giovannino, de 1574 à 1578 et de 1580 à 1581 avant d’entrer  au couvent du Carmel Chaussé de Ste Marie-des-Anges en 1582. Elle a 16 ans et a déjà refusé le mariage que voulaient lui imposer ses parents.


Au sortir d’une grave maladie au cours de laquelle on la croit perdue, elle entre en une extase qui durera quarante jours. Elle était souvent atteinte de douleurs et d’asthénie « En 1584, elle reçoit les stigmates mais selon sa prière, ceux-ci ne seront pas visibles[6]. » (Joachim Bouflet, Les Stigmatisés, Édit. Le Cerf, 1996),

Après avoir été chargée des novices, elle est sous-prieure en 1604. Elle mène une vie de privation et de mortification. Elle ne mange que du pain et ne se nourrit vraiment que le dimanche. Elle meurt en 1607 à l’âge de 41 ans. Sa vie aura été une vie de douleurs, de dévotion et d’acclamation de l’amour de Lui seul. Elle sera canonisée en 1669.


Son corps s’est momifié. Elle laisse des Colloqui qui ont eu une grande influence sur la spiritualité italienne des XVII et XVIIIème siècles.

« Des vénérables comme Diomire du Verbe Incarné (Marguerite Allegri, 1651-1677), membre de l’ordre des Sœurs Établies de la Charité (Philippines de Florence), des bienheureux comme Hyppolite Galantini (†1619) ou des saints comme Alphonse Marie de Liguori (1696-1787) et Thérèse de Lisieux (1873-1897), ont nourri pour la sainte mystique de Florence une vénération significative. »  (http://www.30giorni.it/articoli_id_16412_l4.htm).

Ses reliques sont contenues dans la chapelle de l'église  Santa Maria Maddalena dei Pazzi construite par Ciro Ferri entre 1677 et 1685. Ne pas confondre cette chapelle avec la Chapelle des Pazzi construite en 1430 par Brunelleschi dans le cloître de Santa Croce, toutes deux à Florence.


Notes

[1] Autorisation exceptionnelle que celle de la communion quotidienne. La privation de nourriture et quasi de boisson se nomme l’indédie. Des cas sont restés célèbres comme celui de Catherine de Sienne (1347-1380) pendant huit ans, Thérèse Neumann (1898-1962) pendant 36 ans, Marthe Robin (1902-1981), stigmatisée, pendant un demi siècle.

[2] http://voiemystique.free.fr/catherine_de_ricci_extrait.htm

[3] Ibidem : « Outre les sacrés stigmates, Sœur Catherine reçut encore la couronne d'épines : ses compagnes ont vu plusieurs fois des épines fort longues lui percer la tête et faire jaillir le sang; elles ont remarqué aussi comme un cercle de pointes qui lui environnait le front où ruisselait un sang vermeil

[4] Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Édit Mame, 1950.

[5] Ibidem Ce qui ne va pas sans rappeler St François d’Assise dont on rapporte la même anecdote.

[6] Madeleine de Pazzi (1566-1607) recevra en 1584 les stigmates, mais selon la même prière, ceux-ci ne seront pas visibles. Dans son ouvrage Les Stigmatisés (Paris, Le Cerf, 1996), l’historien Joachim Bouflet remarque que les stigmatisés sont souvent des femmes et souvent réduites au silence. Il cite entre autres Osanna Andréasi (1449- 1505), Juanna de la Cruz (1481-1534), Catherine de Ricci (1522-1590) et Véronique Giuliani (1660-1727), DomenicaLazzeri (1815-1848), Thérèse Neumann (1898-1962), Marthe Robin (1902-1981), un homme, Padre Pio (1887-1968),


INDEX DES SPIRITUELS ET MYSTIQUES


Les Spirituels 

Outre-rhin:

Johannes Denck 1495/1500-1527 

César Frank Sébastien Franck 1499-1542

Caspar Schwenckfeld 1490-1561

Valentin Wiegel 1533-1588

Johann Arndt 1555 -1621

Flandres

Johannes Campanus 1500-1575

 

Les Mystiques

Espagne :
Alumbrados (Illuminés) XVIème s. :

       Fin XIVème s- mi XVIème s  :     Isabelle de la Cruz

   Ruis de Alcaraz

                                   Francisca Hernandez

   Fernando Alvarez

                                   María de Cazalla

Mystiques :

Juana de la Cruz 1481–1534

Sainte Térèsa Dávila (1516-1582)

Saint Jean de La croix (Juan de Yepes) 1542-1591

 

Italie

Catherine de Gênes (Catherine Fieschi) 1447-1510

Alessandra Lucrezia Romola de Ricci 1522-1590

Sainte Marie-Madeleine Pazzi Maria Maddalena 1566-1607


Share by:
Retourner en haut