function disableselect(e){ return false } function reEnable(){ return true } //if IE4+ document.onselectstart=new Function ("return false") document.oncontextmenu=new Function ("return false") //if NS6 if (window.sidebar){ document.onmousedown=disableselect document.onclick=reEnable } -->

La Littérature du Bas Moyen-Âge

LA LITTÉRATURE




INTRODUCTION 
Thèmes et Genres - Codex et Incunables - L'Imprimerie



Thèmes et Genres

Les textes médiévaux, romans, poèmes, chansons ou légendes n’étaient pas écrits pour être lus. Mis à part le dit qui comme son nom l’indique devait être dit, ils étaient destinés d’abord et avant tout à être chantés. Ils n’étaient écrits ou retranscrits, parfois d’une ancestrale version orale, que pour être non pas tant conservés et transmis que pour être adaptés, modifiés, augmentés, assemblés à d’autres sources et récits afin d’être véhiculés non par la lecture mais par la voix, le chant. La tradition orale est restée forte avant que l’impression des textes ne prévale par leur diffusion. La finalité du poème ou du roman, obéissant en cela aux règles de la rhétorique était qu’ils prennent corps par la parole.

La littérature du Bas Moyen-âge se caractérise par le fait que des thèmes récurrents traversent tous les genres : la bravoure, la fidélité, la foi chrétienne, les combats guerriers, l’amour.

Les genres littéraires sont divers. Si la Chanson de Geste et la Poésie Courtoise occupent l’essentiel de la production littéraire des premiers siècles du Bas Moyen-âge, la poésie lyrique et le genre dramatique en viendront dans les deux derniers siècles à prendre une place prépondérante.

Le genre épique est utilisé pour la Chanson de Geste, long récit en vers relatant, pour une bonne part légendaires, les hauts faits (geste) de preux chevaliers tels Roland de Roncevaux de l’armée de Charlemagne. Cette littérature est apparue dès l’An Mil. Tandis que le genre courtois, plus tardif, sera en usage chez les poètes au XIIème siècle pour chanter l’amour parfait, idéal et (bon gré mal gré) platonique, que le poète par la voix (voie) d’un noble chevalier porte à sa Dame.

La poésie va progressivement prendre sinon dans ses formes qui restent traditionnelles, mais dans son esprit, le sens que nous lui connaissons de nos jours. Le poème ne couvrira plus tout écrit rimé et chanté, épique, courtois, romanesque mais tendra à désigner une œuvre personnelle révélant l’intimité de son auteur.

Quant à la représentation dramatique, une fois sortie de son cadre liturgique et de l’enceinte de l’église, de la fête religieuse et des tableaux des mystères à thème encore religieux (Passion, Nativité), elle va se structurer à partir de deux plans. D’une part par la formalisation et l’approfondissement du dialogue et d’autre part par l’exigence du jeu de l’acteur; les deux entraînant à la fois l’apparition d’auteurs spécialisés dans l’écriture théâtrale et la formation, au début, de confréries de bénévoles, puis à la fin du bas Moyen-âge de troupes d’acteurs.

La Chronique qui relève de la transcription de l’Histoire est un genre intemporel qui, depuis l’Antiquité, a pris des noms différents. La chronique (de chronos=temps) relate ce qui s’est passé sous tel ou tel règne, en telle ou telle période.

La satire, la sotie, la farce ou le fabliau sont sans thèmes bien précis, sans exigence formelle stricte. Ce sont des genres populaires sur le mode moqueur et amusant qui reprennent les préoccupations du bourgeois ou du paysan replacés dans leur cadre de vie.


Codex, Incunables et Livres

Le Parchemin

Les manuscrits étaient écrits sur parchemin, support ordinairement en peau de mouton, parfois pour une meilleure qualité en peau de jeune veau, le vélin (à la fin du M.A.). Une fois assemblés en cahiers, ces parchemins formaient des codex; Un cahier étant un parchemin replié (plusieurs fois) sur lui-même[1]. Les parchemins étaient réutilisables une fois grattés ou poncés. C’étaient alors des palimpsestes.

Les moines, dans le scriptorium du monastère avaient en charges de copier et d’enluminer les codex, généralement désignés par manuscrits, selon leur mode d’écriture (à la main). Les clercs se chargeaient des copies des manuscrits littéraires, chansons et autres romans.

Le Papier

Le document en papier le plus ancien connu en Europe est l’acte du roi Roger de Sicile, écrit en latin et en arabe, en 1109. En 1150, on fabriquait dans la ville de Xativa, près de Valence (Espagne) du papier exporté en Europe et en Orient. Le papier est utilisé en France pour des documents officiels au XIIIème siècle[2]

Le papier bénéficiera d’une fabrication nettement améliorée par la découverte et l’usage du moulin à eau initialement utilisé pour la trituration du tissu. Le papier est fabriqué d’abord à partir du lin, du chanvre ou du coton triturés, puis ensuite encollé de gélatine (ébullition de peau ou d’os)[3]. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXème siècle qu’il sera fabriqué à partir de fibre de bois et d’extraction de la cellulose. Sa production plus importante et plus rapide fera que le papier supplantera totalement vers la fin du XIVème siècle le parchemin dont l’usage disparaîtra.

L’Imprimerie

L’impression précède l’imprimerie mis au point par Johannes Gensfleish, connu sous le nom de Gutenberg. Avant l’impression, on savait au XIVème siècle reproduire en série par gravure sur métal ou bois des motifs (lettrines, miniatures) colorés à l’encre. La tenue et la texture du support papier permit d’imprimer du texte à partir de planches de bois gravées. C’est le procédé de la xylographie : « Impression à l’aide de planches en bois portant des textes et/ou des images gravés » (Dictionnaire Larousse). Il fut utilisé pendant toute la première partie du XVème siècle.

La découverte technique de Gutenberg (ca.1400-1468) consiste à utiliser des caractères mobiles (lettres) en métal pour constituer mots et phrases. Cette technique était déjà connue en Aise au XIème et XIIème siècles. Gutenberg la découvre au milieu du XVème siècle pour l’Europe. Il y ajoute l’usage de la presse permettant une production fidèle et rapide. Sa première impression date de 1451. Il s’agit de La Grammaire Latine de Aelius Donatus (ne pas confondre avec son contemporain Donatus Magnus à l’origine d’un schisme au IVème siècle .ap.j.c.).

Les livres imprimés à partir de cette date jusqu’en 1501 portent le nom d’incunable, du latin ‘incunabula’ signifiant par extension berceau. Les incunables sont désignés comme à l’origine de l’imprimerie. A partir de 1501, la date d’impression est systématiquement incorporée à l’incunable. Les incunables imprimés pendant la première moitié du XVIème siècle porte le nom de post-incunable.


Notes

[1] Nos formats actuels répondent à la même pratique : in folio, in octavo, in quarto etc.

[2] Les Minutes de Notaire Marseillais (1248) ou le Registre des Enquêteurs d'Alphonse de Poitiers (1243). Mais c'est au 14ème siècle que sont construits les premiers moulins à papier français : à Troyes (1348) et Essones (1354 > Corbeil-Essones). http://www.lepapier.fr/histoire.htm

[3] Pour en savoir plus sur l'histoire du papier: http://www.papier-artisanal.com/petite-histoire-du-papier



LA CHANSON DE GESTE


Introduction - France - Allemagne - Angleterre - Italie - Espagne


Introduction : Le Temps des Croisades

Si les Croisades sont un fait politique de conquête et de 'sauvegarde' d’un territoire, la Terre Sainte, elles sont aussi un élan de ferveur populaire, l’occasion du grand pèlerinage à Jérusalem, l’un des trois grands du Moyen-âge avec celui de Saint Jacques de Compostelle et celui de Rome. Durant les deux siècles que dureront les croisades, les pèlerins afflueront en Terre Sainte, d’Antioche à Jérusalem.

L’Église y voit un intérêt autant politique que financier. A la fin de l’An Mil, en rivalité avec l’Empereur du Saint empire Romain Germanique, le Franc Henri IV, le pape Urbain II qui veut prendre l’ascendant sur lui, passant par-dessus les pouvoirs temporels, en appelle à l’unité du peuple chrétien, autrement dit tous les peuples de l’ancien empire carolingien. Pour ce faire, il lance, en 1096 ce qu’on appellerait de nos jours un « grand projet » : un pèlerinage massif à Jérusalem pour protéger la Terre Sainte des ambitions du Califat musulman qu’au XIIème siècle Saladin soutiendra encore. C’est la première des huit  croisades, croisade des barons et croisade populaire du petit peuple en Palestine, là où est né et a vécu la Passion, le seigneur des seigneurs, Jésus-Christ.

Le chevalier et la notion de chevalerie apparaissaient en Europe à l’époque carolingienne. Mais au XIème siècle (l’An Mil), à cause de l’effritement du pouvoir royal consécutif de la fin de l’empire carolingien, les seigneurs prennent de plus en plus d’indépendance. Apparaît alors une nouvelle réorganisation de la société, la féodalité. Les seigneurs dans leur seigneurie et leurs vassaux dans leur fief respectif constituent une classe privilégiée. Incultes, dédaignant toute forme de savoir, ils consacrent leur temps à l’entraînement guerrier et au combat. L’art de la guerre évolue avec l’apparition des casques et armures. Se développent les notions de courage, d’honneur, de fidélité qui seront les fondements moraux de l’idéal chevaleresque courtois. L’Église voit d’un mauvais œil que certains clercs combattent à leur côté. Elle décide de séparer définitivement le moine du chevalier faisant du seigneur un combattant de Dieu engagé dans une guerre sainte, héros et héraut de l’Église, et du moine, en son monastère, l’intercesseur de Dieu par ses prières. Aux vertus de courage et d’honneur se joint la piété; le chevalier va défendre la veuve et l’orphelin, et bien sûr les biens et les intérêts de l’Église.[1]

Des croisades naîtront, les Chevaliers du Temple dont l’ordre est quasiment imposé par Bernard de Clairvaux, et les Chevaliers de l’Hospital.  Ces deux ordres rivaux auront pour mission à l’origine de protéger les pèlerins et maintenir leur accès aux lieux saints. A la fin des croisades (1272), l’Ordre des Templiers s’implantera dans toute l’Europe et deviendra une puissance financière colossale, une puissance armée, un état dans l’état, à laquelle mettra fin Philippe Le Bel par une rapide et générale campagne d’arrestations de tous ses membres et en faisant monter au bucher leur grand maître, Jacques de Molay, en 1314. Les Chevaliers de l’Hospital s’installeront à Chypre et à Rhodes puis au XVIème siècle à Malte où ils porteront le nom de Chevaliers de Malte. Bonaparte les chassera de l’île. Ce sera la fin de l’ordre.

Les invasions barbares définitivement repoussées ou stabilisée (les normands s’installent définitivement en Normandie), ce nouvel ordre féodal (de fief), dans une société pacifiée sera source d’un essor économique et culturel. Commence l’établissement des grands monastères romans aux domaines parfois immense, grandes zones agricoles nouvellement défrichées, source de richesse et d’essor économique. Abbayes et bâtiments conventuels sont construits en pierre alors qu’au XIème siècle, les châteaux-forts ne sont encore que des tours en bois qui devront attendre un siècle pour être construit en pierre sur le modèle des kraks (places fortes des croisés en Palestine) voire deux pour être entourées de murs d’enceinte (courtines et tourelles) et devenir le donjon.

Ces monastères deviendront pour certains de grands centres culturels (voir L’Art Roman ), véritables maisons d’éditions et de diffusions en leur scriptorium des codex enluminés comme l’Abbaye Saint Michel par exemple.


France

L’histoire de la littérature moyenâgeuse en France est aussi l’histoire de la langue française. Si le parler celte n’a plus eu cours après la conquête de la gaule par les romains, le latin que parlaient les conquérants a connu progressivement le même sort.

Si tout au long du Moyen-âge, le latin est resté la langue des érudits, le latin vulgaire, parlé à l’origine par les romains et assimilés qui circulaient en Gaule, a été adopté par les autochtones mais aussi adapté par assimilation d’idiotismes locaux. Ce sont ainsi formés des parlers vernaculaires dont l’ensemble constitue les langues dites romanes. Au XIème siècle, les populations parlant ces langues ne comprennent déjà plus depuis longtemps le latin. C’est le Français, à l’origine le francien, parlé en Île de France, qui de par l’extension du pouvoir royal va dominer tous les autres parlers, du moins officiellement et culturellement.

Les Cycles des Croisades

Premier Cycle de la Chanson de Croisade

C’est dans ce contexte historique des croisades -qui s’étendront sur deux siècles de la première en 1096 à la huitième et dernière de 1270 qui vit la mort de Saint Louis à Tunis, suivie de la chute de Saint Jean d’Acre en 1291- que se développera au XIIème siècle le premier Cycle de la Croisade. Ce cycle relate  notamment la geste de Godefroy de Bouillon (1058-1100), duc de Basse Lotharingie, qui prit avec ses compagnons et frères Jérusalem et se nomma Avoué du Saint Sépulcre, refusant le titre de roi, titre qu’il réservait au seul roi en Terre Sainte, Jésus-Christ. Son frère, qui lui succéda, eut moins de scrupules et régna sous le nom de Baudouin 1er. Ce Baudouin-là sera le personnage central du second cycle de la chanson de croisade au XIVème siècle, Le Bâtard de Bouillon.

« Les premières chansons de croisade, la Chanson d’Antioche, la Conquête de Jérusalem et les Chétifs, suscitent tout au long du XIIIe siècle l’écriture de plusieurs autres poèmes, jusqu’à la constitution d’un cycle qui prend une dimension généalogique nouvelle. L’épopée de la première Croisade se trouve alors inscrite au cœur d’un récit sur les origines et le devenir d’un lignage et d’un seul, celui de Godefroy de Bouillon, fondateur de la première dynastie des rois de Jérusalem. Des récits, ajoutés les uns après les autres avant la Chanson d’Antioche, forment l’ouverture du cycle :

La Naissance du Chevalier au Cygne (versions Elioxe et Beatrix), Le Chevalier au Cygne, La Fin d’Elias, les Enfances Godefroi et le Retour de Cornumaran. Ils se consacrent aux origines mythiques de la famille et au début de la carrière de Godefroy, tandis qu’à l’autre extrémité du cycle, des continuations prolongent la Chanson de Jérusalem jusqu’à la mort de Godefroy, puis retracent le règne de son frère et de ses descendants. Elles s’arrêtent à la mort de Baudouin IV, le roi lépreux, et aux victoires qui lui sont prêtées contre Saladin[2]. »

La Chanson d’Antioche

La Chanson d’Antioche est un des tous premiers poèmes épiques. Richard le Pèlerin était un trouvère du Nord de la France, sans doute au service du Comte de Flandre, qu’il suivit en terre Sainte comme nombre de trouvères suivirent les barons lors de la première croisade. Ces trouvères « croquaient » sur le vif mais en paroles et musique, les faits du jour, les exploits de leur maître. Certains de ces dits historiques devenaient suffisamment célèbres dans l’entourage des croisés pour être mis par écrit. Pierre le Pèlerin réunit les siens vers 1106, qui constituèrent La Chanson d’Antioche, quelque 9000 vers. Graindor de Douai à la fin du XIIème siècle l’arrangea, la recomposa pour en faire une version manuscrite définitive. La Chanson devint un classique. Et d’autres trouvères s’ingénièrent à ‘augmenter’ cette chanson et « de chanter sa jeunesse, son père, et son grand-père qui fut identifié au légendaire Chevalier au Cygne, que les maisons de Clèves et de Bouillon vénéraient comme leur ancêtres, et sa Conquête de Jérusalem[3].

Si Pierre le fut bel et bien le témoin oculaire au tout début du XIIème siècle de ses récits, les autres chansons sont nourries de fiction et se soucient moins de chroniques historiques.

Second Cycle de la Chanson de Croisade
Le Chevalier au Cygne

Dans la Chanson d’Antioche, version Graindor, le Chevalier au Cygne apparaît comme un personnage historique. La Naissance du Chevalier au Cygne et le Chevalier au Cygne datent selon les sources de la première moitié du XIVème siècle (note 4) ou du XIIIème siècle (note 5). Soit donc elles sont parties intégrante du premier cycle, soit du second (?)

Venu dont ne sait où le chevalier débarque d’une nacelle, tirée par un cygne, au Palais de Charlemagne (!?). Ses exploits lui valent honneur et gloire. Rendu à Nimègue (Pays-Bas), il tombe amoureux de Beatrix, nièce du Duc de Clèves (ultérieurement, la duchesse de Bouillon?) avec qui il fonde foyer. Le message que portait le chevalier (non franc, il ne le parle pas) disait qu’il ne fallait lui poser aucune question sur son origine sous peine qu’il disparaisse à jamais. Mais un jour, Béatrix lui pose la question. Le cygne réapparait, le chevalier remonte sur son esquif et disparaît à jamais[4] .

La question de l’origine se retrouve dans le roman en prose de Jean d’Arras, Mélusine et la Noble Histoire des Lusignan (1394), et dans le roman en octosyllabe de Coudrette, Roman de Mélusine (1405). Mélusine, l’une des trois grandes fées du Moyen-âge avec Viviane et Morgane, fée-serpent, épouse de Raymondin de Lusignan est à l’origine de la descendance de famille seigneuriale du Poitou, les Lusignan, dont Guy de Lusignan (1159-1194). Lié par alliance à la famille des Baudoin, rois de Jérusalem Baudoin, il fut roi de Jérusalem

La geste du Chevalier au Cygne s’inscrit dans le cycle carolingien. La popularité de ce personnage fut si grande qu’il est représenté sur tous les supports artistiques, fresque, statuaire, tapisserie, enluminure. Wolfram von Eschenbach en fera son Lohengrin (Lotheringen), fils de Parsifal (cycle arthurien).

Le Bâtard de Bouillon composé  vers 1356 appartient à ce deuxième cycle. Cette chanson conte les exploits de Baudouin 1er, frère et successeur de Godefroy de Bouillon, et de son fils bâtard. Elle marque la fin du cycle des croisades et la fin de la geste des Bouillon-Boulogne.

La Matière de France ou Cycle Carolingien

La Chanson de Geste est d’origine française. Elle se développera ultérieurement en Allemagne, en Angleterre, en Italie.

La Geste de Roi

C’est un corpus de chansons qui racontent sur des bases vaguement historiques les exploits des preux chevaliers de l’armée de Charlemagne. La version la plus ancienne pourrait remonter au début de l’An Mil. La Chanson de Geste française la plus connue et qui appartient à ce corpus est la Chanson de Roland. Elle comprend plusieurs versions dont la plus ancienne est un manuscrit en langue anglo-normande de 1090 et dont l’auteur serait un dénommé Turold pour être nommé à la fin de la chanson (?). Transcrite siècle en ancien français (une des langues romanes[5]), elle relate la bataille de Roncevaux où en arrière garde de l’armée, face au maures, Roland (dit de Roncevaux) et ses compagnons trouvent une mort héroïque.

La Geste de Garin de Monglane

C’est un autre cycle important de cette matière de France. Le personnage principal en est Guillaume d’Orange; non pas l’instigateur de la révolte des Pays-Bas contre la domination espagnole au XVème siècle, mais la figure légendaire de l’historique Guillaume de Gellone, roi d’Aquitaine[6], ayant servi à la cour de Charlemagne. Ce cycle qui se déroule dans le sud de la France intègre plusieurs chansons dont entre autres La Chanson de Guillaume, Le Charroi de Nîmes.

Pour la Matière de France ou Cycle Carolingien , la distinction est faite entre :

La Matière de Bretagne

La Matière de Bretagne traitait des légendes de Bretagne et de la Grande-Bretagne au travers des récits des chevaliers de la Table Ronde. Elle relatait la geste de Tristan et d’Yseult (ca. 1151), intégrait la poésie courtoise et la poésie lyrique de laquelle l’on retient entre autres les Lais de Marie de France. Le Cycle Arthurien dans sa tradition galloise orale remonterait à l’An Mil.

La Matière de Rome

La Matière de Rome reprenait les thèmes antiques avec Le Roman de Thèbes, Le Roman d’Enéas. Le Roman d’Alexandre (ca. 1150) écrit dans cette veine en langue vernaculaire par Alexandre de Paris est le premier poème en vers de douze syllabes appelés depuis alexandrins.

Les Matières de Bretagne et de Rome regroupent sans aucun souci chronologique (diachronique) ni historique les récits en langue romane, qui sont dit romans courtois.


Allemagne 

La Chanson des Nibelungen

La Chanson des Nibelungen est une épopée germanique plus tardive, écrite au XIIIème siècle en moyen-haut-allemand. Elle conte les aventures du héros, le prince Siegfried. C’est lui qui détient le trésor des Nibelungen. Les Niebelungen[7] sont des nains vivant dans des mines d’où ils tirent leur grande richesse. Siegfried soutient le roi des Burgondes, Gunther, dans sa conquête de la belle Brunehilde. En remerciement, le roi lui accorde la main de sa sœur Kriemhild. Il est assassiné par le traître Hagen duquel Kriemhild se vengera.

On retrouve ce même thème dans la tradition scandinave, danoise et islandaise. La Chanson des Nibelungen a été considérée au XIXème siècle comme la narration d’une épopée relatant la création de la future Allemagne.

Le Minnesang

  Au-delà du Rhin, les chansons des trouvères et troubadours  eurent des oreilles attentives dès la fin du XIIème  siècle avec les Minnesänger (Chantres de l’amour ou plus simplement ménestrels) dont Walther von Vogelweide (Gautier de la Pasture aux Oiseaux, 1170-1230) fut parmi les plus célèbres.

‘Die Minne’ peut avoir une origine scandinave puisqu’il signifie en suédois ‘la mémoire’; En flamand, ce terme désigne l’amour courtois. (Voir Philosophie-Spiritualité/Écrits Mystiques/Hadewijch d’Anvers)

Wolfram von Eschenbach

Ce chevalier issu de la petite noblesse se mit au service des princes de son temps. Ce qui ne l’empêcha pas d’être poète et même le plus grands des poètes outre-Rhin du Moyen âge. Il fut le plus brillant des Minnesingers ayant vécu à la cour d’Herrmann, landgrave de Thuringe, à Wartburg. Il naît en Bavière dans la seconde moitié du XIIème siècle et meurt vers 1220. Il tire son nom de la petite ville de Ober-Eschenbach, près de Nuremberg, dans l’église de laquelle l’on a tardivement ‘située’ sa sépulture car aussi lieu de sépulture des chevaliers Teutoniques.

Wolfram est ‘l’augmentateur’ de Perceval. Il a également écrit Willehalm, traduction de la geste française Aliscans, et des poèmes lyriques, Wächter-Lieder. Son œuvre est profondément marquée par sa foi chrétienne. On l’a comparé à Dante et à Calderon. Wagner a largement puisé dans son œuvre pour son Parsifal.

Parsifal

Parsifal, le chevalier qui découvrit le Graal, est une ‘augmentation’ des aventures de Perceval et de celles de Gauvain à partir des deux versions que l’on connaît de Chrétien de Troyes, essentiellement à partir du récit de Perceval ou le Conte du Graal, écrit entre 1180 et 1190. Ce roman courtois est écrit en moyen haut-allemand, c’est-à-dire dans le dialecte allemand parlé aux XIème-XIIIème siècles dans le sud de l’Allemagne (géographiquement : haut-allemand, linguistiquement : moyen allemand). C’est la plus longue des œuvres de la littérature médiévale allemande. Elle compte 25000 vers et son parchemin aurait nécessité la peau de quarante moutons. Plus de cent copies en ont été faite au cours du Moyen-âge.

Les aventures de Perceval se déroulent pendant la période de troubles qui, durant vingt ans, verra s’affronter pour la succession du dernier des empereurs saliens (franconiens) du St Empire, Henri V († 1125), les puissantes familles des Hohenstaufen, ducs de Souabe et des Welf, ducs de Bavière (Voir Événements majeurs/Guelfes et Gibelins).

Perceval a été élevé par sa mère dans la forêt, au plus près de la nature profonde. Elle lui a caché ses ascendances royales et tout ce qui pourrait avoir trait à la chevalerie pour le préserver de la vie dangereuse des chevaliers qui meurent au combat ou dans les tournois. Mais son destin bascule quand il rencontre dans la forêt deux chevaliers de la cour d’Arthur. C’est donc un jeune homme pur, innocent, naïf et maladroit car ignorant des usages, qui se présente au roi Arthur. L’œuvre peut se rattacher ainsi à la Matière de Bretagne (Cycle du Roi Arthur) par sa venue à la cour du roi et sa rencontre avec les chevaliers de la Table Ronde, dont l’un d’entre eux, messire Gauvain, est intégré au récit. Mais Perceval ne fait pas partie véritablement du Cycle Arthurien puisque sa venue à la cour du roi Arthur n’est qu’une étape dans sa quête du Graal qu’il ignore lui-même.

Adoubé, Perceval part en quête d’aventures. Il arrive au Château de la Joie ou Château des Âmes où vit un roi blessé à la hanche (ou à l’aine, symbole de virilité), le roi Peschéor ou Mehaignié («impotent») qui est en fait son oncle, gardien de la lance qui transperça le Christ et de la coupe, le Graal, dans laquelle fut recueilli son sang. Lors d’une énigmatique procession, il s’abstient, selon la règle de discrétion d’un chevalier, de poser des questions sur la lance, la coupe et le tailloir qui défilent devant lui[8]. Questions qui pouvaient guérir le roi, autrement dit sauver le royaume devenu une terre gaste, dévastée. Perceval quitte le château sans avoir pu comprendre qu’il s’agissait de la coupe du Graal. Il se marie mais comme son père, vaillant chevalier mort au combat et qui a quitté ses deux épouses, obéissant aux lois de la chevalerie, il repart et séjourne chez le roi Gurmens qui va l’initier à la vie et aux mœurs courtoises. Et c’est non pas en chevalier mais en véritable initié (par son oncle, l’ermite Trevizent) que Parsifal, après pénitence et soumission à la volonté de Dieu, conquerra le Graal. Les versions varient sur la quête du Graal par Perceval, ses aventures et son initiation. Outre le récit de von Eschenbach, d’autres manuscrits anonymes vont faire au XIIIème siècle de Parzival le personnage central du récit. Tandis que d’autres feront de Galaad, fils de Lancelot, que Perceval accompagne, celui verra non seulement le Graal mais l’intérieur de la coupe, ce qui sera la cause prochaine de sa mort.

A l’origine du personnage de Perceval se trouve Peredur, septième fils du roi légendaire de l’Île de Bretagne, Earl Efrawg. Dans Perlesvaus ou Haut Livre du Graal (moitié du XIIIème siècle), la sœur de Perceval, Dardane, qui a été en possession du Graal, aida son frère dans sa quête avant de trouver la mort au château de la lépreuse et de retrouver Galaad, son chevalier, au-delà de la mort.

Hartmann von Aue

Il est contemporain de Wolfram et comme lui originaire du sud de l’Allemagne. Il meurt peu avant lui. Comme Wolfram, il adapte et ‘augmente’ le roman courtois français dont Chrétien de Troyes est le premier représentant. De cet auteur, il reprend aux environs de 1192 Erec et Enide, qu’il adapte et ‘augmente’, en un premier roman de dix mille vers rimés, Erec. Fait suite Iwein inspiré cette fois de Yvain ou le Chevalier au Lion. Hartmann a pu avoir connaissance aussi de la source islandaise en norrois de Erex Saga, également transcription du roman de Chrestien, comme aussi de la tradition celto-galloise transmise par les onze récits contenus dans le Mabinogion; un ensemble de texte gallois réunis sous ce titre au XIXème siècle, qui ne relèvent pas tous de la geste arthurienne; geste arthurienne qui dans ses sources galloises remonterait à l’An Mil pour sa version orale.

Erec

Erec, chevalier de la cour d’Arthur est confronté à une série d’humiliations qui l’obligent à quitter la cour du roi ; Mais à la suite d’aventures qui le mènent à l’expiation de ses fautes, il revient et vainc en tournoi le chevalier des chevaliers, Yvain. Gloire et grand honneur lui sont rendus.


Angleterre

Le Beowulf

Fruits de différentes versions orales, la première version écrite pourrait remonter au VIIème siècle qui aurait suscitée plusieurs copies jusqu’à la version complète et unique la plus ancienne qui est celle du Codex Nowell (codex UT Vitellinus A XV) écrite aux alentours de l’ An Mil. Il s’agit d’un des plus anciens écrits de la tradition anglo-saxonne qui compile plusieurs manuscrits plutôt courts. Ce chant épique conte à partir d’une faible base historique les exploits légendaires du héros éponyme qui porte secours aux Jutes et aux Angles qui vivaient dans l’actuel Danemark. Venu de la Suède, de la tribu des Geats, à la recherche d’exploits glorieux, Beowulf combat victorieusement un anthropophage nommé Grendel et l’ogresse, sa mère, avant de rejoindre son peuple, dont il devient le roi.  Il devra ensuite combattre le dragon qui garde le trésor enfoui dans la montagne et qu’a réveillé un fuyard. Les mœurs et la cour décrits dans le Beowulf sont ceux du peuple des Angles qui venus de la péninsule du Danemark ont envahi avec les Jutes et les Saxons, l’Angleterre au Vème siècle. Ces Angles s’étant établis au Sud-Est pour former le royaume de l’Est Anglie (East Anglia), les romains s’étant retiré de l’ile en 410.

La portée du Beowulf, le ‘Loup des Abeilles, autrement dit l’Ours, tient à la fois à l’ancienneté de ses sources (6ème siècle), à l’importance des recherches linguistiques qu’il permet, et aussi à la transition culturelle qu’il décrit dans le passage de l’ancienne culture scandinave, païenne à la nouvelle, anglaise. Bien qu’il y ait différentes dates de compositions et une pluralité d’auteurs, ce récit se situe à la période où l’Angleterre commence à être christianisée au VIIème siècle sous l’impulsion du Pape Grégoire Le Grand, et la mission d’évangélisation d’Augustin (†609) archevêque de Cantorbéry en 597. Période à laquelle se mêlent tradition païenne scandinave et tradition chrétienne; Le texte est chrétien mais le codex expose objectivement les dieux et valeurs guerrières, de sang, de vengeances des germains septentrionaux (scandinaves) comme s’il avait voulu en laisser la mémoire. Il est écrit en deux langues du vieil anglais, principalement en saxon et en anglais .

Le Beowulf est-il un authentique poème épique du Moyen-âge ? L’écrivain contemporain allemand Uwe Topper remet en question cette authenticité. Son opinion est partagée par d’autres chercheurs comme l’américain Kevin S. Kiernan et l’allemand Alfred Tamerl. Quelques arguments de Uwe Topper[9] et Tamerl :

Le Beowulf serait l’œuvre falsificatrice de la main du linguiste Franciscus Junius (1589-1677). Il aurait été inséré après sa mort dans le codex Nowell authentifié mais après cette insertion. En 1631, ce manuscrit a été augmenté d’une table de matière ne mentionnant pas le Beowulf.

« Le savant Franciscus Junius qui eut en main le codex entre 1628 et 1650, en recopia le fragment de Judith, mais n’a pas vu une seule trace de Beowulf. Junius mourut en 1677. De même, le catalogue réalisé par Thomas Smith en 1696 ne mentionne pas encore cette œuvre. »

« Beowulf, prétendument écrit au début du VIIIème siècle, n’a été, jusqu’à sa publication en 1815 par le Danois Thorkelin, nulle part cité ni imité».

Le manuscrit conservé en Angleterre et dont il n’est jamais fait mention avant 1790, fut publié par le Danois, Thorkelin qui l’ayant reçu d’un libraire anglais attendra 25 ans avant de le publier.

« L’auteur ignore que les Danois ne connaissent pas la harpe (versets 86, 2263 etc)... et cite des dialogues du pape Grégoire 1er (verset 168 et suivants) dont nous savons qu’ils n’ont été composés que durant la Renaissance ».

« On trouve des quantités d’erreurs, de fautes d’orthographe et d’anachronismes dans le texte de Beowulf ».

La Geste de Sir Gauvain et le Chevalier Vert

Poème en vers allitératifs (répétition d'une consonne ou d'un groupe de consommes) et non en rime narre la geste d'un des plus fameux chevalier de la cour Camelot. Il est considérée comme un des textes fondateurs de la littérature anglaise. Il date de la fin du XIVème siècle, mais elle est ‘encore’ écrite en moyen anglais. Elle fait partie du Cycle arthurien de la Matière de Bretagne.

Le Mabinogion

Le Mabinogion est un recueil de contes en moyen-gallois qui réunit deux manuscrits datant de la seconde moitié du XIVème siècle, le Livre Blanc de Rhydderch et surtout le Livre Rouge de Hergest (couleur de sa couverture). Mais ces manuscrits sont des copies de manuscrits plus anciens datant de la fin du XIIème siècle - début du XIIIème siècle. Ils transcrivent une tradition orale très ancienne.

Le recueil est composé des Mabinogion proprement dits : Pwyll, prince de Dyvet, de Manawyddan, fils de Llyr, de Branwen, fille de Llyr, de Math, fils de Mathonwy, de cinq récits arthuriens dont Culhwch ac Olwen, et de trois romans, traduction en gallois d’œuvres de Chrétien de Troyes: Erec et Enide, Gauvain, Perceval.

Les Mabinogion plongent leur racine dans les origines de la civilisation celtique. Combats entre royaumes celtes, viol, mariage, enlèvement, ensorcellement forment la trame de ces récits légendaire des rois et princes gallois. Mabinogion, pluriel de mabinogi, signifie contes pour enfant (Jean Loth, Les Mabinogion, Ernest Thorin, Éditeur, 1889).


Scandinavie

Saxo Grammaticus

La Geste des Danois a été écrite par Saxo Grammaticus au

XIIIème siècle. L’ambition de son auteur est de retracer toute l’histoire du peuple danois. Cette geste constitue de ce fait un élément majeur de l’identité culturelle danoise. Les rois aussi bien que les héros légendaires y trouvent chacun leur place. Y est retracée l’expansion politique et militaire sur les régions environnantes aussi bien que sont rapportés les mythes scandinaves. Composées en seize livres, les parties historiques et légendaires ne sont pas fusionnées. Les neufs premiers livres sont consacrés aux mythes et héros légendaires ; les sept autres à l’histoire proprement dite. L’ensemble qui tient de la forme roman est écrit en latin avec une telle rare pureté de style qu’elle a fait surnommer son auteur, le moine Saxo (1150-1220), ‘Grammaticus’, le styliste.

Une autre particularité de cette geste est qu’à la prose viennent s’insérer d’authentiques poèmes remontant très avant dans la culture scandinave. 

La Geste des Danois est une des sources qui a inspiré Shakespeare pour créer son personnage d’Hamlet.

Snorri Sturluson

La Saga des Rois de Norvège, l’Heimskringla est une œuvre importante de la littérature médiévale. Elle est incontournable pour la connaissance de la culture scandinave. C’est un recueil de seize sagas de rois de Norvège, de leurs origines légendaires aux derniers rois du XIIème siècle. C’est l’historien islandais Snorri Sturluson (1179-1241) qui les a écrites en norrois, langue ayant cours pendant le premier quart du XIIIème siècle (1200-1225).

Parlé et écrit en Scandinavie, en différents dialectes, du VIIème au XVème siècle, le norrois est à l’origine des langues modernes suédoise, danoise, norvégienne, islandaise.


Italie

Vers le milieu du XIIème siècle, les jongleurs[10] itinérants, venus de France introduisent la Chanson de Geste. Quand elle n’est pas diffusée en français, langue culturelle, la matière de Bretagne donne lieu à des adaptations-traductions en langue vulgaire ou dans un mélange des deux langues. Les cycles d’Arthur et de Charlemagne seront in fine arrangés pour que la chanson puisse être intégrée à l’histoire de la péninsule.

Thomas de Saluces

Thomas de Saluces (Tommaso di Saluzzo 1356-1416), troisième du nom, marquis de Saluces (au sud de Turin) de 1396 à 1413, est l’auteur d’un poème chevaleresque qui eut une profonde influence, Le Chevalier Errant (1396). Dans ce poème allégorique écrit en français (et non plus en provençal), un chevalier, archétype du chevalier, voyage dans les monde de l’Amour, de la Fortune (Destin) et de la Connaissance.

«Tel est ce livre, souvent ennuyeux, mal ordonné comme souvent les livres au Moyen-âge. En dehors des inutiles récits romanesques, on y trouve cependant une œuvre originale qui consiste dans les descriptions historiques et les parties purement poétiques de l’ouvrage ; or cette partie est suffisamment importante pour fixer à son auteur un rang honorable parmi les auteurs français de cet époque » ( N. Jorga, cité par l’archiviste

Eugène Jarry in Vol. 58 École de Chartres 1897).

Pulci

La geste italienne trouvera son originalité en fondant au XIVème siècle « l’aspect collectif, patriotique, et religieux du cycle de l’empereur avec l’aspect individuel, amoureux, merveilleux du cycle du roi ». Le chef-d’œuvre de l’humaniste Luigi Pulci (1432-1484), Morgante Maggiore (1470) est l’ouvrage le plus représentatif du genre avant que l’Arioste (1474-1533) ne donne en 1532 son Orlando Furioso, le chef-d’œuvre de la chanson de geste italienne.


Espagne

Matière Espagnole

El Cantar de Mio Cid

 Il s’agit de la première des chansons de geste de la Matière Espagnole. Elle relate trois gestes et non une seule, ce qui la fait appeler plus souvent Le Poème du Cid  plutôt que la Chanson du Cid. Elle conte les exploits du Chevalier Rodrigo Díaz de Vivar dit El Cid Campeador[11] (1043-1099), engagé parfois dans un camp parfois dans l’autre, toujours contre monnaie sonnante et trébuchante, au cours de la Reconquista du territoire ibérique par les chrétiens contre les musulmans qui occupent alors la péninsule depuis le début du VIIIème siècle. Selon les sources, le poème aurait été mis par écrit soit en 1128 ou soit en 1207 par Per Abad. (ou Abbat).

Le Cid connaîtra vraiment la gloire (posthume) quand, avec sa véridique épouse Chimène, il sera immortalisé par les grands auteurs dramatiques du XVIIème siècle, Guilhem de Castro dans Las Mocedades del Cid (1618) et la tragi-comédie de Corneille, Le Cid (1636).


Notes
[1] En l’An Mil, le chevalier n’est encore qu’un milite, un homme d’armes qui se met au service du seigneur qui le paye. Tout à la fois mercenaires et agents de sécurité sous les Carolingiens, issus des hordes franques, les milites constituent un corps encore asocial. L’Église mettra près d’un siècle à les intégrer dans « la norme morale de la chrétienté », en leur assignant des causes noble à défendre ; défense de l’ordre mais aussi défense de la foi. L’Ordre du Temple est le premier ordre, au début du XIIème siècle, à répondre à cette double exigence. « La symbolique de la chevalerie, la mystique de la guerre sainte furent les voies d’entrée de la classe militaire dans l’Église d’Occident » (Jean Chélini in Histoire Religieuse de l’Occident, Hachette 1991).

[2] Les éditeurs ont donné à chacune des deux versions du XIIIème siècle, le nom que portait la mère d’Elias dans chacune d’elles, Elioxe et Beatrix. Citation et pour en savoir plus sur la conception et l’évolution de ces version, voir: Catherine Gaullier-Bougassas, Le Chevalier au Cygne à la fin du Moyen Âge , Cahiers de recherches médiévales http://crm.revues.org/2232 ; DOI : 10.4000/crm.2232.

La Marquise de Saint Aulière (op.cit. note 4) indique les récits relatifs au Chevalier au Cygne, comme datant de la première moitié du XIVème siècle. Olaf (note 5) la donne pour le XIIIème siècle, ainsi que Auguste Vallet de Viriville dans sa présentation de Le chevalier au Cygne et Godefroy de Bouillon par le Baron Reiffenberg, du moins, lui, dans leur version écrite. Pour autant, La Chanson d'Antioche évoque déjà le Chevalier au Cygne.

http://www.persee.fr/doc/rht_0073-8204

[3] Voir La Marquise de Saint Aulière in La Chanson d'Antioche, Édit Librairie académique Didier et Cie, Paris 1862.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6434400m

[4] Sources d'Olaf :  https://lessourcesdolaf.wordpress.com/2012/03/10/symbolique-du-chevalier-au-cygne/

[5] Les principales langues romanes sont les langues d’oïl (pour ‘oui’ au nord de la Loire), d’oc (pour ‘oui’ dans le sud), le toscan (qui deviendra l’italien), le catalan, le castillan, le galico-portugais.

[6] En 1299 sur le terme d'Aquitaine prévaudra celui de Guyenne qui en est la forme populaire d'oïl (Paul Ourliac in Les Pays de Garonne vers l'An Mil, Édit. Privat, Toulouse 1993)

[7] Ou Nibelungen, qui signifie les « fils du brouillard », c-à-d du monde souterrain . (Dict. Larousse)

[8] Sur les aventures des chevaliers de la Table Ronde et sur Perceval qui ne demande pas « à qui l’on en sert », cf. l’adapatation moderne de Florence Delay & Jacques Roubaud Graal Théâtre Édit. Gallimard 1977 et Graal Fiction de J.Roubaud , Édit. Gallimard 1978

[9] Pour en savoir plus : Uwe Topper, Le faux Beowulf : http://www.ilya.it/chrono/pages/framartikfr.htm. A propos du titre, pour Topper, le Boewulf est un ours mangeur d’abeilles.

[10] Les jongleurs sont des amuseurs qui jonglent, font des tours d’acrobatie et interprètent chansons de geste et poèmes courtois.

[11] Cid de sid, seigneur en arabe. Campeador, guerrier valeureux.


Le Roman

Le Roman Courtois - Le Roman d'Aventures- Le Roman Chevaleresque - le Roman Didactique


Introduction

Le thème central de la littérature courtoise est l’amour. L’amour platonique mais néanmoins ardent du poète ou du chevalier pour la femme qui est l’unique élue à tout jamais de son cœur, sa Dame, parée de toutes les vertus.

L’apparition de la poésie courtoise instaure une réelle révolution culturelle, équivalente à celles des deux autres Renaissances, carolingienne et humaniste. La notion d’auteur commence à poindre. Le temps des copies des textes de l’antiquité s’amorce. Des poètes, narrateurs, troubadours et trouvères, et autres jongleurs s’expriment bien qu’encore au travers de thèmes traditionnels dans des genres nouveaux.

Au plan sociologique, la féodalité a mis en place une classe dominante, les seigneurs, mais elle a aussi entrainée l’apparition et le développement de deux classes, celle des serfs qui sont corvéables[1], et celle qui vit dans le bourg, la bourgeoisie qui ‘déjà’ forge une culture qui lui sera propre et d’où sont issus certains des plus grands poètes du Moyen- âge comme par exemple Rutebeuf.


Le Roman Courtois

De manière générale, le roman, à la différence de la Chanson de Geste s’affirme comme une pure fiction puisqu’il se veut être une quête de l’amour parfait et de l’idéal chevaleresque. Le Roman Courtois est aussi appelé le Roman de Chevalerie qui n’est pas le Roman Chevaleresque. Le Roman de Chevalerie conte une geste fictive; la trame du  Roman Chevaleresque s'qppuie sur des faits réel voire relate la vie d'un chevalier ayant réellement existé (voir ci-après).

Les romans qui ont servi de modèle à Wace et à Chrétien de Troyes sont de romans dits antiques tels que le Roman de Thèbes ou le Roman de Troie, le Roman d’Alexandre, tous trois du milieu du XIIème siècle. Deux thèses s’opposent sur les sources du roman arthurien. Certains historiens les trouvent dans l’Histoire des Rois d’Angleterre de Guillaume de Malmesbury (1090-1095 – ca .1143, voir Litt.m.a./Chroniques) et dans l’Histoire des Rois de Bretagne (Historia Regum Britanniae, 1137) de l’évêque chroniqueur, mais aussi conteur, Geoffroy de Monmouth (1100-1155), qui crée « un roi, souverain idéal, maître d’une cour renommée dont les chevaliers ne vivent et ne s’aventurent que pour mériter l’amour. » D’autres considèrent que le roman arthurien a bien une provenance de tradition celtique (Cornouaille, Galles et Armorique-Bretagne ) sur laquelle s’est greffé l’esprit du fin’amor des « provençaux ».

Robert Wace

Le trouvère normand Robert Wace (ca.1100 -ca.1174) fut le Premier au XIIème siècle, à coucher sur manuscrit, en vers français, la légende d’Arthur sous le titre du Roman de Brut (Brutus, 1154). Il conte la naissance, les exploits d’Arthur, la vie à la cour et comment il crée l’ordre de la Table Ronde. Les sources de Wace relève de la tradition orale et écrite galloise et la figure historique d’Arthur est attestée dès le IXème siècle comme ayant battu en 516 les saxons. Au fil des siècles, le personnage historique se vit revêtir de légendes aux exploit fabuleux et doté d’un père à la ‘tête–de-dragon’ (Uterpendragon).

Wace est également l’auteur du Roman de Rou sur l’histoire de la Normandie, de l’installation des vikings à son rattachement à l’Angleterre en 1106.

Chrétien de Troyes 

Chrétien de Troyes (1135? -1190?), « maître-d’œuvre et créateur de l’épopée française » (opus cité,) fut au service de la fille d’Aliénor d’Aquitaine, Marie de France, demi-sœur de Philippe-Auguste par Louis VII et de Richard Cœur de Lion par Henry II ; puis au service de Philippe d’Alsace, Comte de Flandre. Entre 1162 et 1182, il écrit 7 romans dont six consacrés au cycle arthurien: Erec et Enide, Cligès ou la Fausse Morte, Lancelot le Chevalier à la Charrette (inachevé), Yvain le Chevalier au Lion, et Tristan (selon J.P Foucher) sont des romans d’aventure amoureuse, Perceval (inachevé) est le roman de l’ « aventure mystique ».

Guillaume d’Angleterre

Connu par deux copies, l’une à la BNF, l’autre à la Bibliothèque de Cambridge, le roman du XIIème siècle Guillaume d’Angleterre a longtemps été attribué à Chrétien ; ce qui n’est plus le cas. Il déroule les péripéties du roi d’Angleterre qui, devant quitter son trône et se séparer de sa femme et de ses enfants, finira par retrouver sa couronne et sa famille.

« Le roman suit de fort près un modèle qui est la Vie de saint Placidas-Eustathe[2] ». Cette hagiographie raconte le martyr de Placide, commandant de l’armée de l’empereur Trajan (98-117) converti au christianisme. Elle eut un très grand succès au point qu’elle connut de nombreuses adaptations en prose et en vers en langue vernaculaire.

Chrétien a puisé pour sa part dans des récits chrétiens comme celui de Joseph d’Arimathie et du Graal.

Pierre de Beauvaisen donne de Guillaume une traduction en 1726 octosyllabes dans le premier quart du XIIIème siècle[3].

Les Chevaliers de La Table Ronde 

Le cycle arthurien s’inscrit dans la Matière de Bretagne en

reprenant les contes et légendes de l’ancienne tradition orale celtique sur le Roi Arthur. Les plus anciens récits oraux peuvent remonter au VIIème siècle[4].

Tristan et Yseult

Tristan et Yseult est une très ancienne légende celtique mise en vers en langue normande au XIIème siècle par un poète (trouvère) que l’on convient de nommer Béroul. Celui-ci donne au récit un aspect très dramatique et violent dans un style brutal, expressif qui l’apparente peu à l’esprit courtois. Une autre version, qui daterait des environs de 1170, en ancien français est d’un autre poète normand Thomas d’Angleterre. Il ne reste de cette version que des parties fragmentaires; version d’autant plus courtoise, qu’elle fait considérer par certains son auteur comme « l’initiateur de la poésie courtoise». J.P. Foucher (opus cité) l’attribue à Chrétien de Troyes.

L’histoire telle que nous la lisons de nos jours est une recomposition des deux versions, faite au début du XXème siècle par Joseph Bédier.

Elle conte les amours impossibles de Tristan de Loonois (Pays de St-Pol-de-Léon), neveu du roi de Cornouilles, le vieux roi Marc, et de Yseult, originaire d’Irlande. Le roi confie au vaillant chevalier la mission d’enlever la nièce du Terrible Morholt et de la lui ramener pour l’épouser. Tristan tue Morholt, un autre monstre et bravant les Irlandais, finit par enlever Yseult. Sur le bateau sur lequel ils ont pris la fuite, par un funeste et tragique destin, ils boivent tous les deux « par mégarde », le philtre d’amour, philtre réservé aux futurs époux royaux, Marc et Yseult. Après moultes péripéties, intrigues et trahisons, après que Tristan a échappé au châtiment par le feu et Iseult aux lépreux, les amants inséparables, unis par une force qui les dépasse, se réfugient dans la forêt où le roi Marc les retrouve. Mais celui-ci croyant à la chasteté de leur relation pour les voir endormis côte à côte, pardonne à sa future épouse. Tristan part guerroyer et s’unit à une autre Yseult, non la blonde mais celle aux blanches mains. Il tente une nouvelle fois d’approcher Yseult la blonde et finit par mourir de ses blessures précédant de peu celle qu’il a toujours aimée. L’amour, fatidique, reste le plus fort. Par la passion, le désir qu’il suscite, il balaye tous les codes de l’honneur, toutes les conventions morales au prix de grandes épreuves et souffrances que doivent traverser les amants avant de mourir purifier par cette souffrance-même.

Tristan et Yseult symbolisent au même titre qu’Abélard et Héloïse, Dante et Béatrice, l’union indéfectible de deux êtres, formant dans et par l’amour, cette unité retrouvée qu’évoquait Platon dans le Banquet.

Les Romans de Mélusine

Les deux romans sur Mélusine du XIVème siècle, Mélusine et la Noble Histoire des Lusignan (1394) de Jean d’Arras et le roman en octosyllabe de Coudrette, Roman de Mélusine, mêlent allègrement l’histoire - celle de la noble famille du Poitou, les Lusignan dont certains membres seront roi de Jérusalem ou Comte d’Anjou- et le merveilleux avec Mélusine, épouse de l’ancêtre Raymondin de Lusignan dont elle eut dix ans mais qui le samedi (sabbat?) redevient la fée-serpent. Fée des ondes, rivières et sources, et de la pierre, elle est aussi rapprochée de Junon et apparaît sous d’autres noms dans nombre de tradition antiques, comme elle apparaît également dans les légendes de diverses régions du Nord de la France et de l’Allemagne. Elle est l’une des trois grandes fées du Moyen-âge avec Viviane et Morgane.

Si Gervais de Tilbury (vers 1150-après 1230) l’avait déjà évoquée dans une imaginaire histoire de l’univers et du monde, les Divertissements pour un empereur (Otton IV, 1215), c’est avec le roman de Jean d’Arras que Mélusine atteint sa pleine popularité. Le roman de Coudrette (ou Couldrette) la fera connaître dans toute l’Europe.


Le Roman d’Aventures

Le roman d’aventures ne s’inscrit dans aucune matière. Il puise aux sources les plus diverses, jusqu’aux sources grecques et byzantines. Le Roman de Troie (ca.1170) de Benoît de Sainte Maure, Jehan de Paris (1495), Floire et Blancheflor (XIIème siècle)- Le Roman des sept sages (XIIème siècle) - La Châtelaine de Vergy (XIIIème siècle).

Le Roman des Sept Sages

Ce roman du XIIème siècle n’est pas une œuvre européenne mais venue d’Orient. Elle circula dans toute l’Europe médiévale avec beaucoup de succès. « Sa version française constitue le plus ancien texte en français du XIIème siècle. » (Encyclopédie Larousse) Entendons sûrement, en moyen français. Jean de Haute-Seille, moine de l’abbaye dont il porte le nom écrivit à la fin du XIIème siècle un roman, le Roman de Dolopathos, inspiré de ce roman oriental et des Aventures de Sinbad. (Encyclopédie Larousse)


Le Roman Chevaleresque

Le Roman Chevaleresque est dans sa forme la plus élémentaire le récit de la vie d’un chevalier ayant historiquement existé. Il s’agit soit d’un récit autobiographique comme le Livre des Faits du Bon Messire Jehan le Maingre du même (1364-1421), maréchal de France, soit d’un récit écrit parfois par un anonyme comme le Livre des faits de Jacques de Lalaing qui relate la vie authentique (1421-1453) et d’un des meilleurs chevaliers du Duc de Bourgogne, rendu célèbre par ses nombreuses victoires en tournoi.

Joanot Martorell

Joanot Martorell (1412/13-1468), lui-même chevalier, voyagea de manière itinérante dans toute l’Europe et fut un homme de cape et d’épée, un bretteur menant une troupe de maures au brigandage. Mis en prison, sans un denier, il écrira son roman et mourra avant son édition.

Martorell est considéré comme un des pères du roman moderne. Avec L’Histoire du Vaillant Chevalier Tiran lo Blanc (vers 1460), dépassant le cadre de la littérature catalane et européenne, il entre dans l’histoire littéraire mondiale.

Tiran lo Blanc

Dans une forme plus élaborée du Roman Chevaleresque où l’historique se mêle au merveilleux, Tiran lo Blanc est certainement le plus connu du genre .Tiran ou Tirant le Blanc est en quête comme tout bon chevalier du fait d’honneur. Il parcourt le Portugal, l’Angleterre, la Bretagne avant de partir pour Constantinople défendre l’Empire Chrétien d’Orient contre les musulmans. Ses actes de bravoure feront de lui un grand capitaine. Un des épisodes, caractéristique du genre historico-merveilleux, décrit la fée Morgane et le roi Arthur accostant dans le port sur une nef merveilleuse.

« Cet incunable plein d’aventures, de conquêtes et de scènes somptueuses avec rois, Grand Khan et princesses se lit goulûment ». (http://www.babelio.com/auteur/Joanot-Martorell/115144).

Curial e Güelfa

Le roman chevaleresque Curial e Güelfa, est de la main d’un auteur anonyme du XVème siècle. Écrit en catalan entre 1432 et 1456 (1462?1468?), il  est une des dernières œuvres de la veine épique. On y retrouve le mélange de genres, réaliste et de merveilleux, propre à la geste, et ses ingrédient traditionnels : la quête initiatique du héros, le tournoi, le voyage, l’indéfectible lien amoureux ; mais ceux-ci replacés dans le goût du moment et agencés de façon très convaincante qui font de ce roman une œuvre originale.

Le fait que l’auteur use autant des expressions populaires que savantes, avec l’emploi de différents dialectes catalans brouille les pistes pour connaître son origine. Certains disent l’œuvre écrite en Catalogne, d’autres à Naples ou même encore en Bourgogne. L’universitaire contemporain Jaume Riera i Sans pense que ce roman a pu être écrit par celui qui, au XXème siècle dit l’avoir découvert, le philologue Manuel Milà Fontalnas.

Poema de Ferran Gonzalez

Le Poema de Ferran Gonzalez est un poème épique écrit vers 1255 par un moine du monastère San Pedro del Arlanza. L'action qui se passe autour de cette région de Burgos. Le poème aurait été écrit pour sauvegarder la mémoire de Ferran Gonzalez (910-970), comte de Castille en 920. Ce poème prend pour modèle Le Livre d’Alexandre, qui retrace la vie d’Alexandre le Grand. Les premières versions du Roman d’Alexandre (ca. 1150) ou  Livre d’Alexandre remontent à l’Antiquité. Les différentes versions de la période médiévale furent les premières écrites en langues vernaculaires. La version française Li romans d’Alixandre (Alexandre de Paris) introduit pour la première fois le vers de douze pieds qui sera désormais désigner sous le nom d’alexandrin.

 Le Poema est postérieur aux poèmes de G. Berceo (1178-1264), premier poète espagnol connu et le premier à avoir utiliser la métrique du Mester de Clerecía (strophe de quatre vers de quatorze syllabes monorimes, dits verso alejandrino).


Le Roman Didactique

Raymond Lulle

Raymond Lulle (Ramόn Lull, 1232-1315/16), franciscain né à Majorque, missionnaire, philosophe et théologien (voir Philosophie et Spiritualité/XIIIème siècle/ Raymond Lulle), est comme romancier un illustre représentant du genre avec son roman Blanquerne, tout en étant un fondateur de la langue littéraire catalane en lui donnant une norme[5].

Dans son roman éponyme, Blanquerne, de 1286, il trace la vie édifiante d’un ermite qui, devenu pape, réforme l’Église selon les principes lulliens avant de revenir à la vie érémitique au cours de laquelle il écrit ce que d’aucun considère comme « un des sommets de la littérature médiévale » (R.Lull, Dictionnaire des Littératures, Édit. Larousse), le Livre de l’Ami et de l’Aimé dans lequel l’aimé est le divin et l’amant son agent actif.

En cette même période, il rédige Félix ou le Livre des Merveilles du Monde en lequel dans un souci de vulgarisation des sciences, il relate les pérégrinations du héros à la découverte de la Création en ses multiples formes.

Le Livre des Bêtes écrit en vers est certainement le plus original et de ce fait le plus connu de par la curiosité qu’il suscite: la vie amoureuse à la cour d’un roi lion qui a du mal à faire régner l’ordre chez ses sujets ‘remuants’.

Si dans ses œuvres en proses, Lull se révèle comme le fondateur de la langue littéraire catalane pour lui avoir fixé des normes, dans ses œuvre en vers, il fait de nombreux appels à la langue provençale. Il est l’auteu d’œuvres poétiques comme Plainte de la Vierge Marie (1275) ou le Chant de Ramόn (1299).

Outre sa propre biographie, La Vida Coetània, Lull, polygraphe invétéré, écrivit quelque 280 autres ouvrages, tous aussi divers les uns que les autres tant du contenu que de la forme mais toujours à visée pédagogique.


Notes
[1] Ils sont astreints à une ou des corvées qui correspondent à des journées de travail gratuites qui soit tiennent lieux d’impôts pour le travail de la terre du seigneur, soit relève d’astreinte pour l’intérêt général tel que l’entretien des grands chemins. La corvée ne sera pas supprimée en France avant 1789.

« En tant qu’impôt non payé, elle est issue de la pénurie de monnaie à cette époque. » (http://jeanmarieborghino.fr/vie-seigneur-medieval-chateau/)

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_d%27Angleterre#L.27auteur : Walter 1997 p 34-35

[3] Cahier de recherches Médiévales et Humanistes/2009 : Craig Baker, Pierre de Beauvais, La Vie de saint Eustache, éd. Mauro Badas, Bologna, Pàtron, 2009, 209p.ISBN 978-88-555-3009-5.

[4] En savoir plus : Jean-Pierre Foucher, Introduction à Chrétien de Troyes, Romans de la Table Ronde, Édit. Gallimard-Folio, 1970.

[5] Différentes sources donne Lull comme fondateur de la langue littéraire espagnole. En Espagne ont été et sont toujours pratiquées plusieurs langues. Les plus proches sont le catalan que pratiquait Lulle et le castillan qui est devenu la langue officielle espagnole. Le catalan était une des langues romanes parmi d'autres comme par exemple le castillan et le galicien formant l'ibéro-roman, la langue d'oïl (français) et la langue d'oc (occitan) langues gallo-romanes avec le catalan, et les langues italo-romanes comme le florentin (le futur italien).


LES GOLIARDS

L’origine du terme goliard reste inconnue. Au XIIème siècle, l’Église s’élève contre « ces clercs ribauds, surtout ceux que l’on dit de la famille de Golias ». Ce Golias a passé pendant un temps pour être un évêque mais dans la seule imagination de ses adulateurs. On a quand même trouvé sous son nom certains poèmes ou saynètes. Aux XIIème et XIIIème siècles, sans doute comme le font de nos jours les carabins faisant la fête en chantant des chansons paillardes, des clercs, des escoliers se réunissaient pour boire tant et plus et chanter toutes sortes de chansons gaillardes et satiriques. La particularité de ces bambochards était d’être itinérants et de parcourir villes et campagnes se faisant jeter des unes pour traverser les autres toujours semant le trouble et la gaité.

Leurs chansons traitaient crument des affaires de l’Église, du célibat des prêtres, s’en prenaient au pape. Certaines têtes bien faites comme Pierre Abélard se plut à leur écrire quelques chansons. Un poète, connu de son temps, Hugues d’Orléans (1093-1160) était de leurs bandes. Leur répertoire se retrouve dans le Carmina Burana, ce recueil de chants datant de 1220-1250, de chants profanes à boire et à danser, mais chants aussi religieux, écrits en latin, roman et haut-allemand


LA POÉSIE COURTOISE

Troubadours et Trouvères - Poètes et Œuvres - Les Meistersingers


Troubadours et Trouvères

Apparition de la Poésie Courtoise

Aux XIIème et XIIIème siècles, la courtoisie est un mode de vie que suivent les gens de cour, seigneurs, dames, damoiselles et chevaliers. C’est une manière de se comporter envers l’autre, une morale qui relève de plusieurs valeurs comme la foi, la fidélité, le beau dans tous ses aspects, éthique et esthétique, la pureté des sentiments, l’esprit chevaleresque dans son acception actuelle…

Il faut aussi entendre avec l’apparition de la poésie courtoise, une réelle révolution culturelle, équivalente aux deux autres Renaissances, carolingienne et humaniste. La notion d’auteur commence à poindre. Bien que la plupart ne laisseront pas leur nom à la postérité, leurs œuvres, toutes en vers, toutes chantées, reflètent une expression personnelle et ne sont plus seulement l’adaptation, l’augmentation de manuscrits anciens.

La poésie courtoise trouve ses origines dans la poésie arabe. "C'est notamment la chanson andalouse en langue arabe vulgaire qui paraît l'avoir inspirée" (F.J.-B. P. Op. Cit.). La première manifestation de cette Poésie Courtoise se fait au XIIème siècle dans le sud de la France, à la cour du Comte de Poitiers et Duc d’Aquitaine, Guillaume IX (1071-1126), lui-même le premier des troubadours. Sa petite-fille, Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), jouera un rôle important dans le monde culturel de son époque, amenant avec elle dans le Nord cette culture courtoise des troubadours lorsqu’elle se marie d’abord au roi de France Louis VII, puis à Henri II Plantagenêt d’Angleterre.

Ce genre nouveau se développera dans les cours des Comtes de Toulouse et à la cour d’Espagne, puis rayonnera dans tout le sud de la France. Les Trouvères commenceront à se répandre dans toutes les provinces du Nord environ un demi-siècle plus tard, dans la seconde moitié du XIIème siècle en adoptant ses thèmes et ses formes.

Le Fin’Amor ou Fine Amor

Poétique et Conventions

Jean de Garlande (Gerlandus ou Hortulanus 1190-ap.1252),

grammairien et musicien, Geoffrey de Vinsauf, son contemporain, anglais lui aussi, auteur de Poetria Nova (ca.1210), écrivirent longuement sur la poétique du Grand Chant Courtois. L’art des troubadours et trouvères est très élaboré aussi bien dans sa poétique que dans son écriture musicale. Elles obéissent l’une comme l’autre

  • à des conventions, par exemple entre rimes et mélodie,
  • à des formes précises dans la mise en place des thèmes qui sont diversement ‘adaptés’ comme nous dirions aujourd’hui,
  • à l’emploi de formules ‘toutes faites’, de clichés .

Pour autant, les plus grands des poètes du Fin’amor savent faire montre

  • d’une grande créativité dans l’usage de la langue,
  • de liberté dans les modulations du chant,
  • d’inventivité personnelle dans l’interprétation,
  • du sens du contact avec l’auditoire.

A la différence de la musique sacrée polyphonique, la musique composée par les troubadours, autant musiciens que poètes, est une musique monodique. La musique monodique sera la musique de la Renaissance qui relèguera au passé de la musique la polyphonie.

Langues des Troubadours et Trouvères

La langue des troubadours (provençal troubar = trouver, inventer) est une langue originale. C’est la langue des « trouveurs » (J. Chailley) de mots et d’air, les premiers auteurs-compositeurs-interprètes de la chanson. Le gascon Marcabru (1110-1150) invente cette langue qui deviendra commune aux troubadours, une langue faite de latin et du parler vulgaire d’oc. Très tôt, les premiers troubadours dont Guillaume de Poitiers, l’adopteront.

Les Trouvères du nord de la France l’adopteront et l’adapteront en remplaçant la langue du ‘oui’ du Sud (oc) en leur langue du ‘oui’ du Nord (oïl). Mais la langue d’oïl (oui) n’est pas aussi homogène que celle des troubadours. Plus dialectale, faite d’anglo-normand, de picard, de champenois, de bourguignon, elle s’en trouve plus élémentaire dans la pensée comme l’expression, plus populaire (bourgeoise) aussi, plus enracinée dans le quotidien. Aussi le registre des trouvères est tant soit peu différent : le chant d’amour reste le thème majeur du troubadour, tandis que le trouvère laisse entrer dans son répertoire du folklore, de la jonglerie.

Les Thèmes

Troubadours, trouvères et leurs interprètes, les jongleurs, s’expriment au travers des thèmes traditionnels de la noblesse de cœur, de la fidélité à sa foi et à son engagement, et du thème nouveau de l’amour platonique, qui sera transposé chez les poétesses mystiques comme Hadewijch d’Anvers en Amour du Christ.

La Poésie Courtoise chante, et se poursuivant lointainement jusqu’au XVème siècle, chantera encore à l’orée de la Renaissance, le ‘fin’amor’, ‘l’amour parfait’, subtil et délicat, pour la Dame qui est à la fois d’un rang social bien évidemment supérieur - car rien ne doit pouvoir être imposé à celle-ci et encore moins le passage à l’acte (sexuel)-, et à la fois donc mariée. L’amour d’icelui est sublimé, forcément sublimé, en « joy d’amor ».

Cette joie d’amour comporte des degrés[1] :

« A l’origine charnelle (contemplation du corps féminin), elle n’intéressait que le sentiment et l’esprit… les degrés de l’échelle d’amour allaient de l’état du feignedor (l’amant timide et hésitant) à l’état de drutz (amant exaucé et comblé) en passant par ceux de prejador (deuxième degré où l’amant s’enhardit de supplier) et d’entendedor (troisième degré où il est écouté) ».

Mais l’acte charnel est très rarement manifesté dans la poésie courtoise.

Si l’amour pour la dame tendra au fil des générations de troubadours vers un amour toujours plus sublimé, jusqu’à atteindre à l’amour mystique chez le poète comme Dante, « c’est [que] peu à peu que ce lyrisme devint courtois au sens où nous l’entendons, c-à-d. qu’il se vit dominé par une idéal d’abnégation et de pureté. R. Briffaut sur ce point a certainement raison contre le préjugé répandu depuis l’époque romantique: l’amour que chantent Guillaume, Marcabru, Cercamon est tantôt grivois, tantôt grave et retenu, mais ne laisse pas la moindre équivoque sur le but sensuel qu’il se fixe .[2] »  

Amoureux, le héros doit conquérir le cœur de sa Dame. Une véritable quête initiatique au cours de laquelle il doit révéler non pas tant son amour que ses plus hautes qualités, ses belles manières et bonnes aptitudes au combat comme à la chasse.

Des formes d’expression nouvelles voient le jour conformes aux sujets. Poésie courtoise et poésie (dite) lyrique du Bas Moyen-âge s’expriment au travers de l’art du trobar, art de la composition de paroles en musique, chantées comme l’aède en Grèce antique chantait son poème s’accompagnant de sa lyre. D’ailleurs, les formes musicales comme la ballade ou le virelai, plus tardif, s’appliquent aussi à la poétique. C’est en cette période qu’apparaît la rime qui doit marquer le rythme, le tempo.

Le Trobar

Il existe trois modes de trobar : 

  • le ‘trobar leu’, en occitan lèu’ signifie rapide, vite, ici dans le sens de vite compréhensible, d’accès facile, ouvert,
  • le ‘trobar clus’, en occitan obscur ou la cachette, ici dans le sens de fermé, hermétique, mystique,

le ‘trobar ric’ de riche en occitan dans le sens de riche d’images, d’allégories, de métaphores

Les Formes

Les formes qu’emploient troubadours et trouvères sont :

Le Canson

Mode propre à la poésie lyrique courtoise, le canson, la chanson est de loin la forme la plus usitée. Il est significatif quand langue d’oc canso désigne aussi bien le chant que le vers. Il ne comprend pas un nombre non défini de couplets mais il s’en tient en général à une demi-douzaine. De même pour le vers dont le nombre de pieds n’est pas déterminé mais qui est le plus souvent en décasyllabes ou en octosyllabes. Toutes les strophes sont identiques à la structure de la première

Le Sirventès

Le sirventès (oc) est un poème satirique. Il est considéré comme

genre inférieur, composé pour les servants d’armes, et qui ne traite pas de l’amour mais de divers sujets comme la politique, la guerre, les croisades et parfois sont satiriques.

Le Planh

Le planh (oc) est un chant de deuil.

Le Tensons (oc) ou Joc-partit (oïl) 

Le tenson ou Joc-partit est un poème sous forme de dialogues qui opposent souvent deux contradicteurs qui abordent des sujets comme l’amour, le mariage. Suivants la même rythmique, la même métrique, les tensons (dialogues) pouvaient être composés par chacun des ‘débatteurs’ comme par un seul chantant les deux rôles.

L’Aube

Poème qui chante l’éveil des amants.

La Pastourelle

La Pastourelle en vogue au XIIIe siècle est poème (chanté bien sûr) en strophe assonancées*. Il raconte dans une alternance de dialogue et de parties narratives la rencontre d'un chevalier et d'une bergère qu’il tente de séduire parfois avec succès, parfois non.

Présentée pour la première fois en 1285 à la Cour de Charles Anjou, Le Jeu de Robin et de Marion d’Adam de La Halle où Marion résiste aux avances pressantes du chevalier Robin et qui se termine en fêtes et danses, est sans doute la plus célèbre des Pastourelles et la plus représentatives des Pastourelles.

La Pastourelle préfigure le genre pastoral du XVIème siècle.

*Vers dans lequel se suivent plusieurs mot contenant une même sonorité, une même consonance : « Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire » (Racine Phèdre) ; tandis que l’allitération consiste en la répétition d’une même consonne sur les temps forts du vers :« Qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes » (Racine Andromaque)

La Reverdie

La joyeuse reverdie (oïl) chante le renouveau de la nature, des amours.

La Serana

La serena, la sérénade (soir) se chante au soir venu à l’adresse de la bien-aimée pour la séduire.

La Ballade

La ballade fait danser

Chansons de Femme

La chanson de femme (oïl), chanson de la femme délaissée par son bien-aimé (chanson d’ami) ou chanson de malmarièe (avec un barbon) est toujours douloureusement émouvante.

Chansons de Toiles 

La Poésie Courtoise est aussi chantée par les dames, elles-mêmes, quand elles s’occupent à la couture ou au tissage. Ces chansons de toiles à la mélodie simple parlent d’une damoiselle de la noblesse éprise d’un galant séducteur. Elles se cantonnent essentiellement au nord de la France.

La Laisse

En tant que genre, la laisse est un poème dans le style de la geste, en tant que poétique, elle correspond à la strophe ou couplet dans la chanson de geste. 

La Psychomachie

Dans la littérature antique, la psychomachie était le récit sous forme allégorique du combat de la vertu contre le vice. Reprise et utilisée de manière très courante au XIIème siècle, la représentation des vices et des vertus ne se fait plus sous forme humaine. Ce sont les concepts (la sagesse), les états (amoureux) qui animent directement l’âme du héros. 

La Chanson de Croisade

La chanson de croisade du chevalier amoureux partant combattre pour servir la foi tout en perdant (de vue) sa dame.

Le Motet Organique

Le motet organique, venu du chant liturgique (polyphonie), n’est pas étranger aux chanteurs qui l’intègre en langue vulgaire comme Adam de la Halle[3] dans De a dame vient (deux voix au-dessus de celle du ténor -homme). (voir Adam-de-la-Halle/Théâtre et Musique. )

La Sextine

La sextine a été inventée par le troubadour Arnaut Daniel dans la seconde moitié du XIIème siècle. Ce poème conserve toujours dans les six sizains (strophes de six vers) qui la composent, les mêmes six mots en fin de vers, mots qui constituent les rimes, mais ceux-ci se déplacent d’une strophe à l’autre selon un ordre précis (les sources divergent sur cette ordre). Dante, Pétraque, Luís de Camões l’ont employée.

Poètes et Œuvres

Des poètes ont laissé des œuvres particulièrement représentatives de leur genre.

Bertran de Born

Bertran de Born (v. 1140-v. 1215), seigneur de Hautefort en Périgord combattit le roi d’Angleterre. Poète satiriste et moraliste autant que guerrier, il usa aussi bien des sirventes et que des tensons.

Arnaut Daniel

Arnaut Daniel est né vers 1150 en Dordogne, à Riberac comme omme l’autre troubadour Arnaut de Maroilh. Il reste connu pour avoir était l’inventeur de la sextine. Il fut loué par dante et Pétrarque qui lui empruntèrent cette versification, parlant de « ce maitre d’amour » comme « miglior fabbro » (le meilleur forgeron » par Dante et « gran maestro d’amor » par Pétarque.

« Arnaut serait devenu jongleur faute d’argent et il aurait aimé une aragonaise qui l’aurait éconduit s’il faut en croire les vers cités comme « preuve » : Et amet una auta domna de Gascoingna, muiller d’En Guillem de Buovilla[2] ».

Auteur essentiellement du ‘trobar ric’, du ‘trobar riche’, riche dans le sens de riche d’images, d’allégories, de métaphores, il ne négligea pas le  le ‘trobar clus’, le ‘trobar obscur’  ou ‘trobar de la cachette’, ici dans le sens de fermé, hermétique, mystique.

Il assistât au couronnement de Philippe Auguste en 1180. Mentionné en 1192, on peut supposer qu’il était encore vivant à cet époque

Raimbaud de Vaqueiras

Le Provençal Raimbaud de Vaqueiras (vers 1155-1210) est un

des meilleurs représentants du tenson; Mais il a également laissé son nom attaché à une trentaine de poèmes courtois et surtout à trois laisses adressées au pape Boniface II dans lesquelles, il conte leur croisade en Terre Sainte où le poète mourut.

Albert de Maléspina

Albert de Maléspina (Albert Moro,1160?-1212? actif 1180-1220), issu d’une des plus puissantes familles d’Italie, les Malaspina de Toscane, est célèbre lui aussi pour ses tensons. Il ne reste de son œuvre que le tenson qui le mit en joute avec Raimbaud de Vaqueiras. Écrivant en langue provençale, il est intégré avec son contemporain et rival, Peire de la Caravan, à l’École de Provence d’Italie.

Guiraut Riquier

Guiraut Riquier (1254-1292) est considéré comme le dernier des troubadours. Il laisse une production importante, notamment des pastourelles. Il marque la tendance après la croisade contre les Albigeois au passage de l’amour profane à l’amour d’inspiration religieuse.

Bernard de Ventadour

Bernatz de Ventedorn (1145-1195) est représentatif de la richesse de la poésie courtoise non par l’emploi de formes variées mais par son verbe et sa musique. Considéré comme un des plus grands sinon le plus grands des troubadours autant comme poète que comme musicien, il exprime dans ses quarante-cinq chants son amour pour la Dame (elles furent trois), sa fréquentation des grands (Aliénor d’Aquitaine, le Comte Raymond V de Toulouse), et de manière intime, dans un style sobre et clair, toute une sensibilité de l’âme annonciatrice de la poésie lyrique des siècles suivants.

Marcabru

Marcabru (1110-1150) donne lui aussi une intériorisation à la poésie, en l’ouvrant directement à l’état d’âme mais par le biais de la psychomachie. Il est l’inventeur de langue des troubadours faite de latin de parler d’oc.

Peire de La Caravan

Peire de la Caravana (seconde moitié du XIIème s.), chef de file de l’École de Lombardie, assimilée à l’École Provençale des Troubadours, écrivait en langue d’oc. Ses sirventes dans lesquelles il encourage les Lombards à la résistance contre la Germanie sont représentatifs du genre.

Alain de Lille

Alain de Lille (1115/28-1202) a laissé son nom dans l’histoire de

la pensée médiévale comme un des premiers scolastiques (cf.B.M.A./1100). En parallèle de son œuvre de philosophe, il laisse une courte mais importante œuvre poétique.

Son poème Anticlaudianus ( Anticlaudianicus sive de Officio viri boni et perfecti libri novem  ou Anticlaudianicus de Antirufino,1182-83) souvent nommé l’Encyclopédie (des connaissances nécessaires à la vertu) est une satire allégorique sur le vice en 6000 vers, représentative du genre psychomachique. Elle évoque de manière métaphorique le perfectionnement de l’homme par la nature.[4]

Les Plaintes de la Nature (Liber de plancia naturæ, contra Sodomiæ vitium 1160-70) dans lequel la Nature visite en songe le poète pour se plaindre des outrages qui lui sont fait par le vice et la luxure, « est un prosimètre (texte où alternent vers et prose) comme les Noces de Mercure et de Philologie de Martianus Capella (cette forme brillera encore dans La Vie Nouvelle de Dante). Pleine de jeux d’esprit et de recherches techniques, c’est une œuvre de théoricien de la littérature, où la forme allégorique sert à la réflexion philosophique[5] ».

Jean de Meung s’en serait inspiré pour son augmentation du Roman de la Rose

Alain est aussi l’auteur du célèbre poème Rhythmus alter, quo graphice natura hominis fluxa et caduca depingitur inclus dans son De Incarnatione Christi Rhythmus perelegans auquel on donne le plus souvent pour titre son premier vers Omnis Mundia Creatura, yexyes et poèmes sur l’insondable mystère de la Création qui dépasse toutes nos connaissance.

Son Sermon sur la Sphère Intelligible influencera Nicolas Cues

(1401-1464) dans sa nouvelle cosmogonie

Sa poésie ne manque ni d’élégance ni d’esprit.

Le Roman de La Rose

En fait de roman, il s’agit comme toujours lorsque l’on parle de roman pour la littérature du Moyen-âge, d’un long poème puisque écrit en vers (ici, 22000 vers). L’ ‘aucteur’ a été en un premier temps Guillaume de Loris (ca.1200- ca.1238); Jean de Meung (1250-1305) en fut par la suite ‘l’augmenteur’, l’ensemble s’étalant sur une période allant de 1235 à 1280. La première phase est dans la tradition courtoise; la seconde, sous forme de dialogues, est plus philosophique. Elle traite de l’amour, de la condition du seigneur, du mariage.

Écoles des Troubadours et Trouvères

Voir en détail Index des Noms

Écoles de troubadours (sud de la France)

  • L’École d’Aquitaine  qui comprend les écoles : du Limousin et de Saintonge

L’École d’Auvergne - L’École de Rodez         

  • L’École du Languedoc qui comprend les écoles :  de Toulouse, de Narbonne et de Béziers
  • L’École de Provence dans laquelle on inclut les écoles : de Vienne, de Montferrat et
  • d’Italie (Troubadours de la péninsule écrivant en langue d’Oc) qui comprend les écoles de :

Piedmont, de Mantoue et de Lombardie

Écoles des Trouvères

Les Trouvères étaient actifs dans le nord de la France sans particularisme régional comme dans le Sud.

Voir Index Auteurs/ Troubadours et Trouvères pour leur nom et appartenance.


Les Meistersinger

Les Meistersinger, les Maîtres-chanteurs, perpétueront avec leur confrérie jusqu’aux XVème voire XVIème siècle, la tradition des Minnesänger des XIIème et XIIIème siècles, mais dans une veine plus lyrique qu’épique. Ils se revendiquent de leurs ancêtres, Walther von Vogelweide, Hartmann von Aue et de leur maître à tous , l’auteur de Parsifal, Wolfram von Eschenbach.

Établis en une confrérie, essentiellement dans le sud et le centre de l’Allemagne, ils ont un métier qui est souvent celui d’artisan. Ils choisissent un maître qui les forme selon la tradition du compagnonnage : l’élève devient compagnon puis maître qui, poète-chanteur accompli, écrit et compose poèmes et mélodies. Aux grandes occasions annuelles (fêtes de la ville, fêtes religieuses), ils organisent des compétitions qui permettent aux participants de faire valoir leur talents mais d’être aussi jugés par les maîtres les plus réputés qui les notent en fonction de leur respect des règles strictes qui codifient chant et écriture.

Cette confrérie inspira à Richard Wagner (1813-1883), l’un de ses plus fameux opéras, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg dont l’un des principaux personnages est le plus célèbre des Maîtres Chanteurs, Hans Sachs.

Hans Sachs

Hans Sachs (1494-1576) est né et mort à Nuremberg. Cordonnier de son métier, il a composé aussi bien des farces pour animer les fêtes (carnavals) que des drames et des pièces lyriques tel son Rossignol de Wittenberg (1523). On lui attribue plus de 6000 compositions qui s’adressaient à un public populaire.

Hugo de Monfort

Hugo de Montfort (1357-1423), issu d’une très ancienne famille de la noblesse autrichienne, servira les Habsbourg, auxquels il était apparenté. D’abord chef des armées en Italie, il devient Hofmeister, le précepteur du palais, un maître du palais comme il y en avait sous les rois mérovingiens, tel Charles Martel. De par ses fonctions, il veillait à la bonne gestion (intendance, sécurité) du palais et au bon ordre des affaires privés de l’empereur, pouvant faire office de tuteur de ses descendants . Ses œuvres poétiques sont réunis dans un codex datant de 1414.

Oswald von Wolkenstein

Oswald von Wolkenstein (1376-1445) est le dernier grand représentant des Meistersinger. Issu d’une petite noblesse, du Tyrol, il commença sa vie de manière aventureuse en voyageant dans toute l’Europe et en Palestine. En 1408, il part en pèlerinage pendant deux ans. Il assuma une fonction de diplomate auprès de Sigismond de Luxembourg qui régnait sur la Germanie, la Bohème et l’Autriche, ce qui l’amena à nouveau à voyager.

On le retrouve en 1414 au Concile de Constance dans l’entourage du Duc Fréderic IV d’Autriche qui fera assiéger son château. Il mène une vie mouvementée voire périlleuse, pris dans le conflit qui oppose Sigismond et l’empereur Frédéric. Dans la dernière partie de sa vie, il assume la charge d’électeur du Tyrol. Il meurt en 1445 en Italie à Méranà (Nord de l’Italie).

Avant et après son mariage en 1417 avec Margarete von Schwangau, il eut une forte et houleuse relation amoureuse avec Anna Hausmann, la fille du locataire de son château dont il avait hérité. Il lui écrivit quelques vingt-cinq chansons avant son pèlerinage pour la Terre Sainte qui s’arrêta vraisemblablement au Caire. Il en écrivit aussi à son épouse et à une dénommée Barbara.

Entre 1423 et 1425, il établit un premier manuscrit de cent de ses compositions, désigné par le manuscrit ‘A’. Entre 1431 et 1432, il le remanie en un second, le manuscrit ‘B’, qui porte en page de garde son célèbre portrait où on le voit borgne de l’œil droit. Il l’était dès son enfance. Après 1438, un autre manuscrit, ‘C’, reprend les A et B mais sans musique avec quelques ajouts de ses chansons. Grand Meistersinger mais aussi un des grands poètes de la littérature germanique. Sa façon de faire correspondre la ligne musicale avec le texte l’a fait considérer comme

« le créateur du Lied individuel[6]. Sa musique inclut non seulement les chansons monophoniques, mais aussi les polyphonie dans trois ou quatre parties. Vers la fin de sa vie, il composa la musique religieuse en textures simples.»


Notes
[1] René Nelli in Écrivains anticonformistes du Moyen-âge, Édit. Phébus

 [2] Citation et pour en savoir plus sur Arnault http://www.trobar-aquitaine.org/fr/troubadours-jongleurs/arnaut-daniel

[3] Fr.J.-B.P. Écrits Mystique des Béguines, Édit.Seuil, 1954. L’auteur porte en note que la mystique soufi exprimait l'amour divin en termes humains, tandis qu'un courant néoplatonisant, à l'inverse traitait  l'amour profane en mode de l'amour divin. « L'idéal d'une passion toute humaine mais fervente et chaste connut en Islam une vogue considérable dont le théoricien fut Ibn Dawûd de Bagdad (†909). »

[4] Sur l’existence réelle de Adam –de-la-Halle lire la Communication faite à la journée scientifique organisée en vue de l'agrégation le 16 janvier 2009 à l'Université de Nantes par Oliviens Bettens :  Manuscrits, mètres, performances : les jeux d'Arras, du théâtre médiéval  :« L'entité que nous connaissons sous le nom de Adam-de-la-Halle-dit-le-Bossu-d'Arras est-elle un personnage historique, plusieurs individus que l'enfilade de l'histoire nous présenterait comme un seul, ou encore un ou plusieurs personnages imaginaires ? »

[5] Il est intitulé Anticlaudianus, non que ce soit une réfutation du poème de Claudien contre Rufin, mais parce qu’il en est une imitation en sens inverse. Claudien suppose un complot de vices pour bannir de l’empire le règne de la vertu. Alain, au contraire, imagine un concert parmi les vertus pour chasser les vices de la terre. De tous les ouvrages d’Alain, c’est celui qui l’a rendu le plus célèbre. Il était déjà devenu classique au XIIIème siècle. (Biographie nationale de Belgique -P. F. X. de Ram-Alain de Lille-Wikisource)

[6]Jean-Pierre Bordier, Alain de Lille (1128-1203),Encyclopædia Universalis: http://www.universalis.fr/encyclopedie/alain-de-lille/

[7]http:// www.allmusic.com/artist/oswaldvonwolkensteinmn0002173862/biography



POÉSIE LYRIQUE et POÉSIE MORALE


Au Moyen-âge, les œuvres sont écrites en vers, rares sont les textes en prose. Poèmes, chroniques, contes, satires etc. sont versifiés. La poésie couvre en fait quasiment tous les genres littéraires si l’on convient d’attribuer à poésie la définition d’œuvre en vers.

Ce qui peut plus ou moins distinguer le poème tel que nous le concevons aujourd’hui des autres genres littéraires est qu’il est comme sous l’antiquité chanté ; C’est une chanson, une ballade, un rondeau ou un virelai.


France: De Rutebeuf à Villon

Il est des personnalités, des poètes, qui tout en utilisant les modes, les genres à leur disposition, les transcendent de par leur personnalité, la force de leur langue et les plient à leur inspiration.

Marie de France

Marie de France (1154-1189) reste dans nos mémoires pour être la poétesse ayant écrit (en dialecte normand, l’anglo-normand) des Lais (1160-1180). Mais lais au Moyen-âge est un terme générique qui désigne de manière générale un poème quel que soit son genre mais toujours court et, de ce fait, qui évoque plus qu’il ne décrit. Il ne relève pas d’une forme bien définie – il peut même désigner la mélodie qui porte les paroles - mais il n’en reste pas moins qu’il s’applique plus souvent au genre narratif que lyrique.

Marie de France a passé pour bonne part sa vie en Angleterre à la cour d’Henri II Plantagenêt. Elle doit probablement son nom au fait d’être née en France (à l’époque, l’Île de France) et non du fait d’être une princesse royale. Son originalité tient justement qu’à partir du lai narratif, elle développe le récit, l’augmente d’une introduction et d’une conclusion donnant ainsi au lai à l’instar des conteurs de la tradition de Bretagne, une force, une incision à ce qui est devenu ainsi un conte avec des personnages bien campés. Ses thèmes ne sont pas de la même originalité. Elle puise dans la fiction légendaire. Elle a lu Ovide et réapparaissent ainsi les métamorphoses d’un personnage en animal ou autre animal doté de la parole.

L’œuvre de Marie de France comme cela se retrouve dans la Chanson de Geste est à la frontière de deux cultures, celle de la tradition celtique, ouverte au merveilleux, et celle chrétienne que reflète la société dans laquelle elle vit et qu’elle nous fait découvrir. Le merveilleux côtoie le monde bien réel de son temps. Érudite, elle a traduit du latin en anglo-normand le Traité sur le Purgatoire de Saint Patrick du moine Henry de Saltrey ; Nourrie autant de poésie antique que de l’imaginaire celtique, elle adhère à cette conception de l’amour profane qui seul unit deux êtres par lui-même or de toutes convenances et obligations sociales ; mais elle s’éloigne de ce même amour courtois quand il se fait passion dévorante, le veut tempéré pour une vie plus harmonieuse.

Les lais de Marie- de France sont un hymne à l’amour.

Rutebeuf

Rutebeuf n’est sans doute qu’un surnom, que le poète se serait lui-même attribué. Il se voulait ou se voyait comme un rudebeuf, un bœuf solide. L’on ne connait rien de ce trouvère sinon qu’il était d’origine champenoise, peut-être né en 1230 et mort en 1285. L’on sait que les 56 poèmes écrits par lui sont diffusés entre 1248 et 1277. Il pourrait être issu de condition modeste. Ses écrits prennent la défense des petites gens. Il parle de la misère, de leur misère et de la sienne. Il n’en a pas moins une formation savante et littéraire. Il pratique le sirventès, prônant la croisade. Il use de la satire, vilipendant les clercs, les béguines et les prêtres accusés de simonie. Mais il défend l’Université, et particulièrement le scolastique Guillaume de Saint-Amour, au travers de Le Dit de Guillaume de Saint-Amour et La Complainte Guillaume, en s’en prenant aux ordres mendiants qu’il accuse de fausseté.

Moraliste et moralisateur, tout en chantant les plaisirs de tavernes et le jeu, il dénonce le vice, l’hypocrisie. Dans le Renart Bestourné (ou Dit de l’Herberie).

« Tout un montage allégorique fait s’affronter ces vices aux vertus oubliées dans la mise en scène métaphorique du voyage, de la bataille et du débat. Ainsi les personnes réelles et les événements particuliers de l’histoire sont intégrés au système allégorique où tout devient exemple d’une moralité universelle.» (http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Rutebeuf/141845)

Son œuvre est en rupture avec la poésie courtoise dans le fond comme dans la forme. Elle est diverse: hagiographie de saintes, dramatique avec le Miracle de Théophile, engagée, entre autres avec La Discorde de l’Université de Paris et des Jacobins [les dominicains] (1254). Il sait adresser une lamentation mortuaire au Roi de Navarre, au de Comte de Nevers. En trouvère, dans La Chanson de Pouille (1264) et La Disputaison du Croisé et du Décroisé (1268), il met en chanson la croisade.

Mais Rutebeuf est resté dans les mémoires pour son apport à la poésie lyrique, pour ses poèmes de confession dans lesquels il développe souvent le thème de la nostalgie, l’ubit sunt[1] comme dans ses Griesche d’Yver et Griesche[2] d’été, la Plainte Rutebeuf, La Povreté Rutebeuf, La Mort Rutebeuf. La langue de Rutebeuf est riche et fouillée. Il lime la rime et travaille les sonorités, joue sur les assonances.

L’auteur-compositeur-interprète Léo Ferré a rassemblé en une seule chanson la Grièche d’Hiver et La Plainte.

Guillaume de Machaut 

Né probablement en Champagne, à Machault, Guillaume de Machaut (1300-1377) fut très populaire de son temps ; Essentiellement connu de nos jours pour son œuvre de compositeur, il fut aussi un grand poète lyrique. Rompu à l’écriture musicale savante, sans doute éprouva-t-il le besoin de donner à la parole seule la possibilité d’exprimer aussi sa sensibilité, tout son lyrisme. Ainsi, devait-il estimer que telles paroles d’une ballade pouvaient se suffire à elles-mêmes et ne pas devoir la mettre en musique. Et ce n’est pas sans un certain paradoxe que ce grand compositeur de motets et messes, de ballades et complaintes, à l’œuvre musicale, religieuse et profane, abondante, fut un des premiers de ceux qui ‘libérèrent’ la parole de la musique. Parmi ces dits (écrits de circonstance, adresses, poèmes narratifs) citons Le Voir-Dit (1362-1365), Le Dit de la Rose, le Dit du Vergier, sinon Le Jugement du Roy de Behaigne, Le Jugement du roi de Navarre, Le Remède de Fortune. Le Confort d’Ami, La Fontaine Amoureuse.

Il a également écrit un poème épique, La Prise d’Alexandrie, à la gloire de Pierre 1er de Chypre (1328-1369), de la dynastie déchue des anciens rois de Jérusalem, lointain successeur du premier roi de la ville de la Passion du Christ, Godefroy de Bouillon (1058-1100), héros lui-même de la geste ‘Le Batard de Bouillon’ du milieu du XIVème siècle et appartenant au second Cycle de la Chanson de Croisade.

Eustache Deschamps

Eustache Deschamps (ou Eustache Morel, 1345/46-1406/07) tient une place importance dans l’histoire de la poésie. Non seulement, il poursuit l’initiative de Guillaume de Machaut de détacher la poésie de la musique mais il considère que la poésie est un art à part entière, voire même supérieur à la musique qui s’apprend tandis que la poésie est un don de naissance. Pour mieux affirmer sa position, il écrivit en 1493 l’Art de Dicter (L’Art de Dictier et de Fere Chançons, Ballades, Virelais et Rondeaux); Dicter avant 1483 signifie rédiger (Lat.: Dictare=re-dire (dicere) ). C’est le tout premier art poétique jamais écrit.

L'art d'écrire supplée à l'art de composer; D'où la nécessité de donner à l'écrit et donc au dire une valeur formelle. Il fixe la forme de la ballade et passe selon certains comme son créateur et comme créateur également de la chanson à boire, ce qui est pour cette dernière oublier ceux qui l’ont forgée et pratiquée, Les Goliards du XIIIème siècle, dont un de leurs auteurs ne fut autre que Pierre Abélard.

Deschamps, natif de Champagne, « bailli de Vermandois, maître d’hôtel et conseiller de Louis d’Orléans », auteur de balades de moralitez, lays, chançons royaulx, balades amoureuses, rondeaux et virelais, écrivit quelques 80000 vers dont on retient Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, écuyer, huissier d’armes des rois Charles V et Charles VI, châtelain de Fismes et bailli de Senlis (Édit. Crapelet paris, 1832). On lui doit une ballade sur le trépas du Connétable Bertrand Du Guesclin (1320-1380).

Christine de Pisan

Christine de Pisan ou Pizan nait en Italie à Pisano près de Bologne

en 1364, mais elle passe sa petite enfance à la cour de France, son pèreétant astrologue du roi Charles V. Aînée de ses deux frères, elle profitera de l’enseignement qu’en tant que garçons, ils reçoivent. La même année de 1386, elle perd son père et son mari. Sans soutien, veuve avec trois enfants sur les bras’ à vingt neuve ans, sans compter mère, frères plus jeunes et nièce, elle ne voit d’autre moyen pour survivre que de tirer bénéfice de ses écrits. Ce sera la première femme de lettre et non des moindres a vivre de sa plume.

Au début de sa carrière littéraire, elle parle d’elle, de sa vie, de ses difficultés à assumer sa solitude, le tout sous forme de ballade et en se référant à la tradition courtoise. Elle est intelligente, elle a du charme, elle réussit ! Elle vend ses poèmes (roman) que ses poèmes aux riches ou plus exactement, elle bénéficie de la générosité de mécène. On ne trouve dans ses biographies aucune trace de relation amoureuse.

Et puis, elle lit, lit beaucoup : l’histoire (antique) la philosophie, la mythologie.

En1402, dans un ouvrage, que l’on qualifierait actuellement d’ouvrage de vulgarisation, dans lequel elle rassemble sa toute nouvelle culture, le Dit de la Rose, elle fait une critique acerbe de la misogynie du Second Roman de la Rose (Meung). Ce qui entraîne une polémique qui ne sera pas sans la desservir. Elle trouve son créneau et se met à écrire sur des héroïnes féminines du passé : la reine Penthésilée, Médée (magicienne pour l’occasion ??) ou encore Esther et Judith. 

En 1403, elle va un peu plus loin dans son féminisme et nous dit dans Le Livre de Mutacion de Fortune comment elle a changé de sexe en devenant un ‘homme de lettres’, comment ‘de femelle devins masle’. La même année, elle écrit dans un autre registre Le Livre du Chemin de Longue Estude dans lequel elle raconte  un voyage au pays de Sagesse et de Raison. En 1405, toujours sous la forme allégorique qui rappelle Marie de France, et toujours aussi prolixe (et pour cause), elle mêle dans L’Advision de Cristine, ses malheurs et ceux de la France. 

Elle devient la protégée du Duc Jean de Berry et de l’épouse du roi Charles VI, Isabeau de Bavière. Tout en continuant à écrire poèmes lyriques et ballades, son œuvre s’étendra à des ouvrages de réflexion sur la politique : Épître à Isabeau de Bavière (1405), Lamentation sur les maux de la France (1410), Le Livre du corps de policie, (1407), Le Livre de la Paix (1414); sur morale : Le Livre de Preudhommie (1406) sur la religion : Les Sept Psaumes allégorisés’ (1410), voire sur l’art de la Chevalerie : Le Livre des faits d’armes et de chevalerie (1410).

Après la défaite d’Azincourt en 1415 contre les Anglais (Guerre de Cent Ans), c’est en 1418 la Guerre (de deux types de société) des Bourguignons (les pro-anglais : élevage et commerce) et des Armagnacs (les profrançais, agriculture et féodalité) qui l’amène à quitter Paris, qui n’est plus une place sûre, pour rejoindre sa fille en l’Abbaye de Poissy où menant une vie plus en retrait, elle mourra en 1430.

Un an avant sa mort, en 1429, année au cours laquelle la Pucelle libère Orléans et Charles VII est sacré à Reims, elle écrira Le Ditié de Jehanne d’Arc.

Christine de Pisan aura abordé tous les genres littéraires de son temps mais son nom reste attaché à son ouvrage le plus célèbre La Cité des Dames. De la même façon qu’elle avait réagi au roman de Jean de Meung, c’est Les Lamentationes Matheol’ de Mathieu de Boulogne (sur mer) qui fut à l’origine de ce roman allégorique dans lequel elle dresse le portrait de femmes pouvant par leur noblesse d’âme rivaliser avec les hommes : Artémis, Sémiramis, Frédégonde, Bérénice… Raison, Droiture et Justice entourent et soutiennent l’auteur dans la construction de cette citée. Au fil du temps et jusqu’à nos jours, selon la lecture qu’on en fait, ce livre a suscité autant de critiques comme ‘pas vraiment féministe’, ‘ignore la condition de la femme d’origine modeste’, que de louanges comme ‘la première revendication du droit des femmes à l’égalité avec les hommes’, ‘la première remise en cause des antiféministes’. Il n’empêche que ce roman est fortement construit (!), qu’il s’appuie sur une grande érudition et une forte tradition, de la psycho machie allégorique à la galerie (des hommes et femmes illustres) en passant par le dialogue (dans le sens platonicien)[3].

Charles d’Orléans

Prince et poète, Charles d’Orléans (1391-1463 ou 1394-1465), neveu du roi Charles VI, est une figure majeure de la vie politique de son temps. L’assassinat de son père en 1407 par Jean-sans-Peur , duc de Bourgogne, fut pour lui un drame et l’objet d’une vengeance longtemps ourdie.

Il est capturé par les Anglais, à la bataille d’Azincourt (1415, guerre de cent ans) au cours de laquelle il commandait les troupes françaises. Après avoir été gardé prisonnier pendant vingt-cinq ans en Angleterre, il rentre en France et vit les vingt autres années de sa vie en ses châteaux du bord de Loire. Les poèmes écrits durant sa période anglaise sont réunis sous le titre Poèmes de Prison. Ils sont sans grande originalité, d’inspiration courtoise avec thèmes allégoriques; mais déjà ils révèlent un grand poète par l’élégance, la finesse du style. 

Il poursuivit son œuvre en France, s’écartant de la vie politique, mais s’éloignant aussi de la poésie courtoise. Entouré de grands seigneurs versificateurs, de poètes comme François Villon et Marie de Clèves, sa dernière épouse, il écrit ballades et rondeaux d’une manière plus personnelle. Le terme de raffinement devrait bien caractériser le style autant que le personnage, Charles d’Orléans.

En cette période où dominait en musique le courant Ars Nova, ses vers furent mis en musique par Gilles de Binche (1400-1460).

« Le temps a laissé son manteau - De vent, de froidure et de pluie - Et s’est vêtu de broderie. »

Alain Chartier

Alain Chartier (1385/90-1440), issu d’une famille bourgeoise de Normandie (Bayeux), fait ses études à l’université de Paris. Il joue ensuite un rôle politique de premier plan auprès de Charles VI et Charles VII qui lui confient des missions diplomatiques d’importance. S’il écrit en prose après la défaite d’Azincourt (1415), un fervent plaidoyer pour l’unité du pays, Le Quadrilogue invectif (1422), il écrit aussi des poèmes dont les plus célèbres, sous la forme allégorique, sont Le Livre des Quatre Dames (1416) et La Dame Sans Mercy (1422). Très célèbre de son temps et grandement admiré pour son éloquence, seul Ronsard arrivera à le détrôner au panthéon des poètes français.

François Villon

Du poète du Moyen-âge, le plus connu de nos jours, nous ne savons ni la date exacte de naissance (1431 ?) ni encore moins la date de sa mort. Il est banni de Paris en janvier 1463 à la suite d’une énième rixe, alors qu’après avoir été mis en geôle, soumis à la question de l’eau, il sauve une nouvelle fois sa peau par ce jugement plus clément du bannissement au lieu d’être pendu et étranglé comme il devait l’être en première instance. De ce jour de janvier, oncques de ses « frères humains » ne saura ce qu’il advient de lui ou du moins la postérité ne le saura.

Brillant estudiant puis clerc de l’université de Paris, une des plus rayonnantes de tout le Bas Moyen-âge, quand il ne va pas avec ses compagnons se frotter à d’autres bandes sur les près qui longeaient à cette époque la rive gauche de la Seine - près qui donneront leur nom au quartier St Germain -il s’acoquine avec une bande de malfrats pour cambrioler un collège ou trucide un prêtre au cours d’une bataille de rue. Sa notoriété – il était reconnu de son vivant pour ses Legs (Lais) et Testaments – lui fera bénéficier de la mansuétude de Charles d’Orléans qui l’accueille à sa cour de Blois, puis de l’indulgence de Louis XI, ce qui ne lui évitera pourtant pas de plonger pour un temps dans les oubliettes du Château de Meung/Loire.

Le nom qu’il laisse à l’histoire des lettres n’est même pas le sien. C’est celui de son bienfaiteur, un chapelain lettré et aisé à qui sa mère a pu le confier avant de mourir, et par la volonté duquel, il a pu faire des études. Quant à son père, il reste inconnu.

François de Montcorbier n’est pas un grand versificateur, un créateur de formes nouvelles. C’est son existence houleuse autant que ses poèmes qui en traduisent la violence, la détresse, la peur de la mort, qui font de lui un poète existentiel, sincère et touchant, touchant l’âme de « son semblable, son frère » pour reprendre Baudelaire. Un poète qui plonge sa plume dans la révolte, révolte contre la condition humaine, révolte contre l’ordre établi que représentent clercs et notaires, contre le pouvoir en place, la monarchie de Charles VII - L’Université soutenant les Anglais, tandis que Jeanne d’Arc soutenait Charles VII - Il plonge sa plume dans la souffrance morale et physique, la déchéance, l’approche de la mort.

Pour qualifier la vie de Villon, on pourrait paraphraser ce que l’écrivain Bernanos (Mouchette, Journal d’un Curé de Campagne) disait de sa propre vie, que ce n’était pas « une vie de chien mais  une chienne de vie ». Mais, lui, Villon, a eu aussi une vie de chien. Sa célèbre Ballade des Pendus est emblématique de son œuvre comme de son existence.

Après 1533, date à laquelle le poète de la Renaissance, Clément Marot, la réunira et la publiera, son œuvre tombe dans l’oubli jusqu’à ce qu’au XIXème siècle, elle refasse surface et que des poètes comme Nerval et Rimbaud s’y intéressent avant qu’elle ne devienne un phare de la poésie française et que son auteur ne devienne un personnage de fiction mis en scène au théâtre comme au cinéma.

Ubi sunt 

Ubi sunt vient de l’expression latine ubi sunt qui ante nos fuerunt? Qui veut dire « où sont ceux qui nous précédèrent ? ». L’ubi sunt est un thème cher aux poètes du Moyen-âge. Nombreux sont les poèmes qui commencent par « Où sont-ils » et qui se poursuivent par le regret de la disparition de ceux qui, au temps jadis plus que naguère, étaient beaux, belles, nobles, valeureux, fiers… et qui sont maintenant disparues. Thème de la nostalgie du temps passé, des temps anciens glorieux; Thème du temps qui inexorablement efface tout, fait tout disparaître même les plus forts, mêmes les grandes gloires quand à la fin seule la mort triomphe.

Deux exemples sont restés célèbres dans la poésie française; La Ballade des Dames du Temps Jadis, de Villon avec son vers connu « Mais où sont les neiges d’antan »; Et de  Rutebeuf dans sa Plainte :

« Li mal ne sevent seul venir -Tout ce m’estoit a avenir-S’est avenu- Que sont mi ami devenu- Que j’avoie si pres tenu- Et tant amé ? »

Dans la poésie anglaise, à la Renaissance, le poète élisabéthain Thomas Nashe (1567 -1601?) en donne un exemple dans son poème In Time of Plague (Au Temps de Peste) dans lequel il écrit ces vers :« Adieu, adieu, félicité de la terre ; ce monde incertain est; Friands sont joies lubriques de la vie ; la mort leur prouve tout sauf jouets  ».

Jean Molinet

Jean Molinet (1435-1507), poète, musicien, chroniqueur natif du nord de la France, appartient à l’École Bourguignonne, mais à la seconde, celle de Charles le Téméraire. La capitale du duché a été transféré à Bruges en 1420 par le père de celui-ci, Philippe III le Bon. Il sera en sera le chroniqueur de Charles et en 1477, à sa mort, celui de sa fille Marie de Bourgogne.

Son œuvre est diverse : poèmes religieux, fratrasies, sermons… Il reste dans l’histoire littéraire pour avoir mis en prose le Roman de la Rose en 1500 et pour avoir écrit un Art de la Rhétorique(1492). Il est en effet une des principaux représentants des Grands Rhétoriqueurs. Ce mouvement poétique entre Bas Moyen-âge et Renaissance, à cheval sur le XVème et le XVIème siècle auquel adhérait entre autres le père de Clément Marot, met en avant l’art du bien dire, attache une grande importance à l’aspect formel de l’œuvre plus qu’à son contenu. (voir Renaissance/ Littérature)

On doit aussi à Molinet un Mistère de Saint Quentin (ou la Passion de Monsieur Saint Quentin, 1482). Considéré de son temps et bien après sa mort comme une très grand poète, il a fréquenté les milieux littéraires et musicaux et correspondu avec les écrivains, artistes et musiciens renommés.


Italie

La littérature italienne des XIIème, XIIIème siècles est riche en œuvres poétiques, historiques, morales, religieuses et politiques. Que ce soit à la Cour du Roi de Sicile, autour de l’université de Bologne[4] fondée en1088, en Ombrie (Assise, Sienne), et surtout en Toscane, la vie intellectuelle est florissante. Et ce d’autant que c’est de Florence, qui prend conscience de son destin culturel et politique que va se propager au XIIIème siècle, le toscan comme langue culturelle rivalisant alors avec la langue d’oc et le latin, jusqu’à devenir, supplantant tous les autres dialectes, l’italien qui sera parlé dans toute la péninsule.

Les trois grands noms de la littérature médiévale italienne sont Dante (1265-1321), Pétrarque (1304-1374) et Boccace (1313-1375). Ils écrivent dans la langue culturelle de l’époque, le toscan qui, avec son évolution normale dans le temps, est pour nous, aujourd’hui, l’italien.

École d’Ombrie

Giovanni di Pietro Bernardone ST François

Le premier des poètes de la péninsule italique a laissé son nom dans l’histoire de la poésie européenne est néanmoins Saint François d’Assise (1181/ 82-1226) avec son Cantique des Créatures ou Cantique du Frère Soleil (Laudes Creaturarum). Poète mystique qui écrit dans son dialecte d’Ombrie, il est plus connu pour sa vie spirituelle et comme père fondateur de l’ordre des franciscains, l’Ordre des Frères Mineurs -bien qu’il n’en ait pas approuvé la règle- C’est un lettré pratiquant la langue provençale, celle des troubadours ; Langue qui sera pratiquée en Italie au XIIème et surtout  XIIIème siècle par les auteurs notamment les chroniqueurs.

Les Fioretti, ce florilège des actes de la vie du saint ont été composés quelque cent ans après sa mort et se veulent plus fidèles à son esprit qu’à son histoire. Ce sont en quelque sorte son évangile, lui qui faisait de la vie du Christ l’exemple des exemples à suivre.

Jacopo Benedetti da Todi

Un autre poète Jacopo Benedetti da Todi (1230/36-1306), natif également d’Ombrie, fait suite au « petit pauvre » comme poète d’inspiration religieuse mais également comme son disciple. Adhérant au mouvement contestataire des Spirituels, qui veulent, au sein même de l’ordre, rester fidèles à l’esprit de la voie franciscaine, il est l’un des instigateurs de l’éphémère Congrégation des Pauperes heremitae domini Celestini. Excommunié, il passera plusieurs années dans un couvent franciscain (!), prisonnier, vivant dans des conditions misérables, pour avoir contesté la légitimité du pape Boniface VIII, avant d’être absous trois ans avant sa mort. Chantant la pauvreté en des laudes (louanges – dans la liturgie : office du matin : louange à la création renouvelée) réunis dans Chants de la Pauvreté, d’aucuns comme le linguiste contemporain Georges Mounin, le place aux côtés d’un Rutebeuf, d’un Villon et préfigurateur de Jean de la Croix.

École Provençale

Les troubadours ont fait aussi école en Italie. Trois troubadours italiens écrivent en langue d’oc : Albert de Malaspina (Alberto Moro, actif 1180-1210) originaire du Piedmont, Peire de la Caravana (seconde moitié du XIIème s.), de file de l’École Lombardie, et Sordello de Mantoue (†1266).

École de Sicile

Dans la première partie du XIIIème siècle, à la Cour de Frédéric II de Hohenstaufen, empereur du Saint Empire et roi de Sicile se développe une brillante école de poètes lyriques d’inspiration courtoise, qui écrivent dans leur langue d’origine. Fréderic II en fut comme Ciullo d’Alcamo, Pierre des Vignes, Guido dalle Colonne da Messine.

École de Bologne

Guido Guinizelli

Guido Guinizelli (ca.1275) fut dans la seconde partie du XIIIème siècle le chef de file de l’école de poésie de Bologne et son influence se fit sentir sur les poètes du nord de la péninsule. Il est fut à l’origine de ce style appelé Stil novo en lequel est sublimé à l’extrême l’amour pour la dame qui devient un être totalement désincarné. Dante sera le plus prestigieux représentant de ce style nouveau.

École de Toscane

Guittone d’Arezzo

Guittone d’Arezzo (1230-1294 ?), né non loin d’Arezzo. Son père était trésorier de cette ville et représentant des Gulfes propapistes. Il se fait moine à 35 ans. Il est l’auteur de 250 sonnet et canzoni. Il écrit d’abord dans la veine courtoise provençale, mais dépasse les thèmes convenus du genre en y ajoutant des thèmes de morale politique, l’honneur, la ‘patrie’ dans une certaine véhémence de style propre au personnage politiquement engagé qu’il était. Il suit ensuite son évolution spirituelle pour écrire sur le thème de l’amour divin et sur des ensignements moraux en langue vulgaire dans une recherche toujours plus soignée du style qui le rapproche de l’ars dictandi, cet art de la dictée obéissant aux règles de la rhétorique latine. Il est généralement considéré comme « un poète de transition, qui fait le lien entre la poésie lyrique provençale ou sicilienne, de type aristocratique, et les milieux bourgeois des villes du Moyen Âge. » (Ency. Univ./Guittone)

Il est également l’auteur d’un traité sur l'amour en douze sonnets. Il était reconnu de son temps comme le poète le plus important de l’École Toscane-Sicilienne. Et son style eut beaucoup d’influence sur les poètes contemporains. Il a inventé un genre nouveau, la   ballade-laudative. 

Il dut se retirer dans sa ville natale Arezzo à cause de sa prise de position en faveur des Guelfes propapistes. Son texte le plus connu est celui qu’il a é crit après la défaite en 1260 à Montaperti des Guelfes face aux gibelins , ‘Ahi lasso or è stagion di doler tanto, scritta dopo la sconfitta.

 A ne pas confondre avec Guido d’Arezzo (992-1033), théoricien de la musique (voir Musique).


Les Trois Couronnes de Laurier

Dante Alighieri

Issu de la petite noblesse, Dante (Durante degli Alighieri) nait en 1265 à Florence à la fin de la guerre opposant Gibelins vaincus, partisans de l’empereur et Guelfes vainqueurs, partisans du pape. Il rencontre pour la première fois Béatrice Portinari à l’âge de neuf ans. Sa mère meurt quand il en a dix, et il perd son père (Alighiero di Bellincioni degli Alighieri) quand il n’en a que dix-huit.

Il suit les enseignements des franciscains et des dominicains dans sa ville natale avant de s’engager politiquement du côté des Guelfes Blancs favorables à plus d’autonomie de la ville face au pouvoir ecclésiastique (guelfes noirs) et en devient un des magistrats les plus importants. Accusé faussement de malversation, il ne peut pas rentrer à Florence après une mission en 1301 comme intercesseur auprès du Pape Boniface VIII. Poussé ainsi à l’exil, il passe le reste de sa vie à voyager dans la péninsule et meurt à Ravenne d’une crise foudroyante de malaria en 1321. Il s’était marié en 1285 et avait eu quatre enfants.

Il a commencé déjà à rédiger en toscan La Vita Nuova en 1292, 35 poèmes et 42 chapitres en prose consacrés à Bice di Folco Portinari (Béatrice). Si les poèmes évoquent son amour en une figure éthérée, sa prose explique, commente leur forme et leur contenu. Ce besoin didactique sur son œuvre se retrouvera dans son livre suivant, Le Banquet.

« On ne sait pas vraiment si cette Béatrice fut l’objet d’un amour éperdu, d’un rêve ou d’un délire ou qu’elle ait été un moyen littéraire génial, imaginé pour émouvoir  le  lecteur. »[5]

Entre 1304 et 1307, il écrit son second ouvrage en langue vulgaire, Il Convivio (Le Banquet.). Cette longue série de chants accompagnés de leur explication est une présentation des sciences et des savoirs de son temps. Il traite de la cosmogonie, du système solaire, de la hiérarchie céleste (des anges jusqu’au Séraphins), des arts libéraux, des pouvoirs temporels et spirituels.

A partir de 1306, il entreprend La Comédie (le qualificatif de divine lui a été attachée ultérieurement par ses premiers exégètes). Il y travaillera jusqu’à sa mort. Il écrit également deux traités : Une vulgarisation des savoirs de son temps, De vulgari eloquentia en 1308, resté inachevé, dans lequel il jette les bases linguistiques d’une langue italienne; Et de Monarchia où il traite de la séparation des pouvoirs temporels et spirituels, de la monarchie comme seule pouvant dans sa perfection assurer la paix et la stabilité. Cet ouvrage sera mis à l’index pour ses positions sur cette séparation des pouvoirs. Index qui ne sera levé qu’en 1808. Des poèmes éparpillés ont été réunis dans le recueil Rime.

La Divine Comédie

Cet œuvre monumentale de 14200 vers utilise une rimique que Dante invente pour l’occasion, le terza rima qui consiste à introduire dans le second vers des strophes de trois vers (tercet), la rime du tercet suivant donnant le schéma a-b-a, b-c-b, c-d-c. Le chiffre trois soutient toute la symbolique de l’œuvre.

Dante parcours les trois mondes de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis, guidé par l’auteur de l’Énéide, le poète latin Virgile (1er s. av.J.C.). Ils vont descendre au fin fond de l’Enfer où par un orifice, ils arriveront sur l’île du Purgatoire. Ils en graviront les neufs degrés pour une fois au sommet atteindre au Paradis habité par les entités célestes, chrétiennes et païennes, déjà annoncées dans Le Banquet.

L’Enfer (1307), le Purgatoire 1316) et la Paradis (1317, inachevé) contiennent chacun 33 chants. L’enfer a la forme d’un amphithéâtre en forme d’entonnoir qui s’enfonce jusqu’au fin fond de la terre où se trouve Satan. Sur chacun de ses neufs gradins les condamnés (ses adversaires) subissent des supplices en proportion de la gravité de leur condamnation, de la plus légère à la plus lourde au fur et à mesure du rétrécissement de l’entonnoir. Le purgatoire est représenté par une montagne s’élevant au-dessus d’un océan comprenant aussi neuf cercles comportant des épreuves spirituelles. Au-dessus, le Paradis est représenté par neuf sphères concentriques au centre desquelles se trouve la terre. Dante y entreprend un voyage initiatique au cours duquel il rencontre à des degrés d’élévations spirituelles différents toutes les hautes figures qu’il a admirées comme St Thomas d’Aquin ou le Roi Salomon. Une Béatrice transcendée, illuminative le guidera jusqu’ au cœur de l’Empyrée où trône Dieu, représenté par trois cercles concentriques de la Trinité. Dante y reçoit le plein accomplissement spirituel.

 « Complexe et lyrique, la Divine Comédie est une véritable “somme “ des connaissances et des concepts issus du Moyen-âge. Elle éclaire l’époque sur bien des plans, philosophique, politique, sociétal, théologique et scientifique, en particulier cosmogonique. » (J. Prévost, ref.citée).

Pétrarque

Ses parents ayant dû quitter Florence à la suite des mêmes événements qui avaient poussé Dante, pris dans le conflit entre Guelfes à l’exil, Francesco Petrarca naît à Arezzo en 1304 (†1374). Il suit ses parents partis s’installer dans le Comtat Venaissin à Carpentras, espérant quelque amélioration de leur situation à vivre dans l’entourage du pape. Pétrarque se forme en la matière par excellence le droit - son père était notaire- aux universités de Montpellier puis de Bologne.

« Il avait reçu de la nature un esprit juste et pénétrant, une logique claire et précise, une heureuse mémoire, une grande délicatesse de sentiments et une grande affabilité. » (Gustave Chatenet, Études sur les Poètes Italiens, 1892).

En 1326/27, son père meurt. Plus attiré par la vie de la cour que par les études de droit, il abandonne celles-ci et revient en Avignon où la famille du Cardinal Colonna le recueille. Il voit pour la première fois Laure de Nove (Nove, une petite ville près d’Avignon), mariée à Hugues de Sade vivant au Château des Sade, à Lacoste (le marquis Donatien Alphonse, quelques siècles plus tard, y mena bonne vie et bonne … chair). Son amour pour la belle, fait de désir charnel et de beauté de l’âme, est sans espérance. Il s’installe en 1341 à La Fontaine du Vaucluse où elle habite. Il y écrit les poèmes en toscan qui sont un des sommets de la poésie italienne. Ils inspireront les poètes des siècles à venir comme Ronsard ou du Bellay.

Ayant atteint à une très grande renommée, sollicité par Paris et Rome, c’est à Rome qu’il choisit de se rend pour recevoir la consécration suprême pour un poète, la couronne de laurier.

Après dix-huit années depuis leur première rencontre, Laure meurt en 1348 frappée par la peste qui ravage l’Europe entière. Morte, elle inspire chez le poète des sentiments de désespoir aussi fort que ceux qu’il éprouvait de son vivant.

En 1354, il repart pour Rome où les événements politiques qui semblaient tourner en sa faveur, l’obligent à s’arrêter à Milan où il s’installe jusqu’à ce que la peste l’oblige à un nouveau départ. Il voyage alors dans toute l’Europe, Espagne, Angleterre, et séjourne particulièrement dans les cours de la péninsule, à Carpi (province de Modène), à Mantoue, à Vérone, à Padoue qui l’accueille avec tous les honneurs.

En 1360, missionné par l’archevêque de Milan, il fait un bref séjour à la cour de Charles le Bon.

En 1368, il assiste à Milan au mariage de Lionel d’Anvers, fils de Richard III avec une Visconti. Il y rencontre le poète anglais Geoffrey Chaucer (1340-1400) et le chroniqueur natif du Hainaut Jean Froissart (1337-1410).

Dès 1372, le Pape Grégoire XI envisage de rétablir le siège Pontifical à Rome (il partira pour la cité de St pierre en 1377). Pétrarque s’en félicite mais refuse ses propositions honorifiques. Il aimait par-dessus tout la solitude, l’étude et la contemplation de la nature face au Mont Ventoux dans le Vaucluse ou face aux collines enganéennes d’Arquà (région de Padoue).

En juillet 1374, on le retrouve « mort dans sa bibliothèque, la tête appuyée sur un livre ouvert; il avait 70 ans. » (Gustave Chastenet opus cité)

Son meilleur ami fut Boccace, auquel il écrivait ne faire avec lui qu’un seul cœur. Pétrarque joua comme Dante, un rôle politique important par des missions diplomatiques que lui confiera l’Église.

Grand érudit de son temps, il contribuera par sa recherche de textes latins et grecs au renouveau de la Renaissance Humaniste. Ses œuvres en latin, qu’il considérait comme plus importantes que celles en langue vulgaire comprennent trois traités et des poèmes élégiaques, un poème Africa sur les guerres puniques (Rome vs Carthage) et une volumineuse correspondance.

Œuvres

Ses œuvres principales écrites en toscan et latin sont :

  • le Canzioniere : Consacré à Laure, ses sonnets sont composés à partir de 1332 et remaniés, réorganisés à différentes périodes. Le manuscrit est considéré comme achevé 1374 ; Il est composé en trois parties : In vita di Laura, Dopo la morte di lei et des poésies diverses.
  • · Les Trionfi, au total de six (amour, renommée, mort…) seront commencés vers 1351. Il y travaillera jusqu’à sa mort. Ses sources d’inspirations sont diverses, Dante, Boccace, a Bible, Raimbaut de Vacqueyras, les poètes latins dont il fut nourri par son père dans son enfance …
  • De Contemptu Mundi (Secretum,1343): Reprenant le thème traditionnel de l’Antiquité grecque (du stoïcisme entre autres) et de l’ascétique chrétien, que Bernard de Clairvaux et Pierre Abélard abordèrent aux XIIème siècle, Pétrarque dans cette contemplation du monde, de toutes ses vanités et de ses plaisirs éphémères fait aveu de ses faiblesses et de ses inquiétudes. Cette œuvre a également été publiée sous les titres Mon Secret ou Du Conflit de mes Passions (cf. édit. BN 1898) et Mon Secret ou le Mépris du Monde (Édit Lachèse et Dolbeau, Angers 1886)
  • De Vita Solitaria (1346-1354), dédié à son ami Philippe de Cabassoles, évêque de Cavaillon, est écrit sous la forme épistolaire. Dans les premières lettres, il célèbre la vie solitaire en l’opposant à la vie citadine qui plonge dans le divertissement (dans le sens pascalien). Dans la seconde lettre, il démontre la justesse de son propos par des exemples puisés dans l’histoire des lettres et de la philosophie. Cette vie solitaire est le temps du repos, de la détente, de la méditation autrement dit le temps de l’otium[6] tel que l’entendait les auteurs latins comme Sénèque et Cicéron. Thème déjà traité dans de Contemptu Mundi et qu’avait repris le premier des scolastiques Anselme de Canterburry comme temps de la méditation.(†1109).
  • les Rime Dispierse.
  • De Remediis Utriusque Fortunae (Des remèdes contre la bonne et la mauvaise fortune1356>66): 2 livres de philosophie morale et esthétique sous forme de dialogues, en latin.

L’élévation de la pensée, la délicatesse des sentiments de Pétrarque sont exprimés dans une poésie harmonieuse et limpide.

« Il a lutté longuement contre la philosophie scolastique, imposant le culte de Platon à la place de celui d’Aristote et substituant à Saint Thomas le modèle de Saint Augustin ; il a réaffirmé la primauté de l’éthique et a élaboré une notion de la philosophie comme « mode de vie[7] ».

Boccace

Giovanni Boccacio (1313-1375), est chronologiquement parlant, la troisième grande figure de la littérature italienne du Bas Moyen-âge. Il est précédé par Dante, Florentin comme lui, et dont il est le premier lecteur officiel de sa (Divine) Comédie, et par son ami de toujours Pétrarque dont il est plus jeune de sept ans.

A la fois homme du Moyen-âge et déjà précurseur de l’Humanisme à venir, disciple de Dante, il ne s’en départit pas moins dans l’approche de son temps et sa représentation sociale. Si tous deux sont qualifiés de réalistes en opposition à l’intériorisation intemporelle d’un Pétrarque, l’un fait de la figure de l’empereur, le pivot central sur lequel repose tout l’édifice social et préserve l’individu de la pression de l’Église, l’autre, au contraire, se veut le défenseur des aspirations de la bourgeoisie, classe dont il est issu et qui commence à prendre conscience de son poids économique et politique. Par ce déplacement du pouvoir et par son enracinement social, Boccace amorce ce mouvement qui n’ira que s’amplifiant jusqu’à s’épanouir au Quattrocento, dans le mouvement humaniste qui voudra placer l’Homme au centre de la Création avant d’en exclure quelque cinq cents ans plus tard, celui qu’il avait considéré jusque-là comme étant son Créateur.

Pendant sa période de jeunesse, vivant à Naples où il fréquente la jeune noblesse de la cour de Robert d’Anjou, Boccace écrit plusieurs romans avec lesquels il fait sa plume. Puis en 1341, perdant la protection de la célèbre et la plus riche des familles, celle des Bardi, il revient à Florence où il retrouve la situation sociale et financière de ses origines. Il écrit La Commedia delle Ninfe Fiorentini qui préfigure dans le ton et la composition le Décaméron. Suivent entre autres l’Elegia di madona Fiametta, écrite cette fois-ci tout en prose, et dans laquelle s’équilibre précisément la part faite à la subjectivité du personnage de Fiametta, tiraillée par les sentiments ambivalents qu’elle éprouve pour l’amant qui l’a délaissée, et la part faite à l’objectivité par le regard porté par l’auteur sur la société dans laquelle il vit.

De 1348, année où se déclare la Grande Peste, à 1353, il va écrire son chef-d’œuvre, Il Decamerone (Le Décaméron),  C’est pendant cette période qu’il devient l’ami de Pétrarque.

Il va ensuite délaisser le roman pour se consacrer à une œuvre plus réflexive et s’entourer d’intellectuels qui formeront avec lui le premier courant humaniste de la Pré-Renaissance. Il accueille chez lui un lettré grec, Léonce Pilate, pour qu’il lui apprenne le grec. Il peut lire ainsi Platon, Homère, Thucydide dans le texte. Il va permettre à son professeur de s’établir à Florence où celui-ci pourra faire découvrir les auteurs grecs à la haute société florentine.

Boccacio consacrera alors une bonne part de son temps à donner des conférences sur Dante. Jusqu’à la mort de son ami Pétrarque, il ne se départit jamais de son amitié n’ayant de cesse de louer l’homme et l’œuvre.

Après une vie offerte aux plaisirs et à la galanterie, il passa ces dernières années dans la pauvreté financière et l’économie des plaisirs à Certaldo, une petite ville près de Florence et y mourut en 1375.

Le Décaméron

En dix nouvelles, dix jeunes gens ayant fui à la campagne la peste qui sévit à Florence, se racontent et racontent. Boccace aborde toutes les aspects de l’amour, de l’adultère à l’amour sublimé en passant par la conjugalité, l’amour fatal… et plus encore que dans son roman précédent, il trouve un parfaite unité entre les histoires dites par chacun des jeunes gens, leur narration interne, et l’histoire centrale qui les contient toutes, celle des conteurs qui pendant dix jours, chacun à leur tour content leur histoire.


Outre – Manche

Le discours d’ouverture de la session du Parlement de Londres de1363 marque la naissance officielle de la langue anglaise, le parler de Londres. Les délibérations et les déclarations se feront à partir de ce moment en anglais et non plus en français. Il faudra attendre le règne de Henry IV (1367-1399-1413) pour que l’anglais devienne la langue courante. Jusque-là, la langue vulgaire demeure l’anglo-normand: le tronc du vieil anglais (anglo-saxon, northumbrien etc.) sur lequel est venu se greffer le normand, branche de la langue d’oïl. Les langues celtiques plus excentrées gardant leur particularisme (Écosse, Galles, Cornouaille).

Dans sa monographie, Le Dialecte Anglo-normand (1904), l’Américain Louis Émile Menger écrivait : « Je commence par le dialecte anglo-normand comme étant probablement le plus important dans l’étude de la philologie de l’ancien français ». Il est cité par Marie Dominica Legge (in Cahiers de civilisation médiévale Vol.8, 1965) qui note que « la littérature anglo-normande fait partie de la littérature de l’ancien français proprement dit ». Les trouvères anglais reproduisaient des copies de versions déjà surannées sur le continent.

Angleterre

Comte de Gloucester

Au Comte de Gloucester (1090-1147) et à ses Chroniques Rimées, l’Angleterre doit son premier texte en anglais, plus exactement en moyen anglais. Il s’agit d’un des nombreux dialectes pratiqués en ce temps en Angleterre. Le moyen anglais apparaît au début du XIIème siècle. Dans la période qui va de 1064-1266, pendant laquelle règnent entre autres Henry II et Henry III Plantagenêt, la littérature était et reste encore écrite en anglo-normand ou anglo-français, dialecte de l’ancien français. 

Robert Langland

Les Visions de Guillaume au sujet de Pierre le Laboureur (Piers Ploughman) est un long poème de 7000 vers composé en moyen anglais en 1362 par Robert (ou William) Langland. Selon les versions des différents manuscrits, le thème central varie. L’accent est parfois mis sur la satire des mœurs du temps, parfois sur la quête par le personnage principal d’une vie en conformité avec la foi chrétienne, ce qui dénote l’enracinement à cette époque du christianisme en Angleterre.

Outre qu’il s’agit de l’une des toutes premières œuvres d’importance dans la littérature anglo-saxonne, un autre intérêt présenté par ce poème est qu’il est un bel exemple de l’Alliterative Revival. La Renaissance allitérative

« est un retour par écrit à une forme essentiellement orale, le vers allitératif. C’est une technique de rime interne au vers, qui utilise les assonances selon différents rythmes. » (Jean-Philippe Genet, Préface à William Langlande, Pierre le Laboureur’ d’Aude Mairey, Publications de la Sorbonne.) 

Le poème de Langland ouvre une tradition qui s’étendra jusqu’à la période élisabéthaine. Il est suivi de Pierce the Ploughman’s Crede,[8] Ce poème également allitératif de 850 vers, écrit entre 1393 et 1400 contenait selon les critiques modernes certains passages hérétiques sur le rejet de la transsubstantiation au cours de l’Eucharistie, un des thèmes les plus subversifs soutenu par Wyclif. Certaines sources attribuent le Crede à Langland du fait d’une édition commune en 1561.

L’auteur du Crede serait sans doute aussi l’auteur de The Complaynte of the Ploughman ou The Ploughman’sTale (La Plainte du Laboureur) dans la même veine. Mais l’attribution de ces deux dernières œuvres fait l’objet de controverses. Elles ont été attribuées un temps à Chaucer lui-même. D’autres sources attribuent la première à John Ball, le plus connu des Pauvres Pécheurs ou des Simples Prêtres que le réformateur anglais J. Wyclif,[9] avaient envoyé sur les routes d’Angleterre prôner pauvreté et liberté du croyant ne devant rendre des comptes qu’à Dieu.

Elles sont plus certainement dues aux Lollards, eux aussi partisans de Wyclif, qui avaient menés en 1380-81 la révolte des paysans du Kent, de l’Essex jusqu’à la prise de la Tour de Londres. Shakespeare en fera un des sujets de sa pièce Richard II. 

Le Crede est une attaque contre les frères prêcheurs et mendiants, dominicains et franciscains, peints sous les aspects les plus sordides pour leur cupidité, leur lubricité par le narrateur en quête d’apprendre le Credo; Credo qu’il finira par apprendre d’un laboureur chez qui il est reçu et en qui il trouve une parole sage. La morale est celle d’un Lollard, d’un partisan de Wyclif: « la vraie religion est la vertu des pauvres ». A la différence du Laboureur de Langland, l’opposition au clergé, aux frères est ici plus affirmée. Il ne s’agit plus d’une vision comme dans le poème de Langland mais de la parole bien réelle d’un paysan.

Robin des Bois

Le personnage de fiction Robin des Bois fait son apparition dans Pierre le Laboureur où un prêtre l’évoque comme faiseurs de rime. Robin avait déjà grande réputation dans la population comme chef d’une bande de lutteurs qui venaient triompher dans les fêtes villageoises dans le premier quart du XIVème siècle. L’imagination des conteurs au fil des siècles, d’une ballade à une geste, bâtira peu à peu la légende de Robinhood ou plutôt Robinhood défenseur du petit peuple et affrontant le Shériff de Notthingham. On a la trace d’un Robehod ou Hobbehood mis en prison en 1228 pour ne pas avoir payé une dette[10].

Geoffrey Chaucer

Geoffrey Chaucer (ca.1343-1400 ?) fait entrer la littérature anglaise dans son histoire internationale. Il est le fils d’un riche marchand de vin. Après une jeunesse sur laquelle on sait peu de chose, on le retrouve pensionné par le roi Richard II pour lequel il effectue des missions en France et en Italie où il découvre Dante et Boccace. Enrôlé dans l’armée anglaise, il est fait prisonnier en France du fait de la Guerre de Cent Ans (1350-1450) et libéré après versement d’une rançon. Il poursuit ses missions diplomatiques pour le roi, qui le mènent en Italie et en Navarre. En 1385, il se met en retrait de la vie politique et opte pour un poste juridique dans le Kent. Il occupera ensuite différentes fonctions administratives jusqu’à la fin de sa vie. Marié en 1366, son épouse mourra en 1384. La date de sa mort est incertaine, on la situe aux environs de 1400.

Dans la première partie de sa vie d’écrivain, il écrit à la mort de la Duchesse Blanche de Lancaster, épouse de Jean de Gand, oncle de Richard II, un poème narratif, Le Livre de La Duchesse (1369). Au cours d’un voyage en Italie en 1387, il écrit dans le genre du Roman de la Rose, Anelida et Artice, Le Palais de la Renommée (The house of Fame), et notamment le Parlement des Oiseaux (1382) dans lequel débattent des oiseaux sur le thème de l’amour. Puis, de retour d’Italie, il écrit inspiré des auteurs italiens Troilus and Cressida (ca. 1385), avant d’entreprendre l’œuvre qui le fera passer à la postérité, Les Contes de Canterbury. Toute cette période de la fin des années 1370 et début des années 1380 est troublée en Angleterre et particulièrement à Londres par la Révolte des Paysans et le mouvement des Lollards (cf. Bas Moyen-âge/Philosophie et Spiritualité / Wyclif et les Lollards ).

Chaucer ne commencera pas Les Contes avant sa quarantième année. Six contes resteront inachevés sur un total de trente qui à l’origine devaient être le double (aller et retour du pèlerinage). Écrit en vers distiques, des poèmes d’avant 1380 y seront intégrés. Une trentaine de personnes de conditions diverses partent un beau matin d’avril, en pèlerinage sur la tombe de l’archevêque de Canterbury, Thomas Beckett. En chemin, ils racontent chacun une histoire. La meilleure histoire vaudra à son auteur un repas gratuit dans une auberge. Les contes en vers qui, mêlent les genres, geste, fable, lais, dépeignent les mœurs de l’époque. Entre les histoires, les conversations des personnages entre eux dévoilent leur personnalité. L’influence du Boccace de Troilus and Cressida est indéniable. S’il n’informe en rien le lecteur sur le voyage en lui-même, Chaucer dépeint précisément la société de son temps :

« Le chef-d’œuvre de Chaucer peut être considéré comme un vaste et minutieux panorama de la vie médiévale anglaise : c’est une sorte de comédie humaine de la société bourgeoise à la fin du XIIème siècle. » (http://andret.free.fr/atc/chaucer_contes.htm)

Chaucer tient dans l’histoire de la littérature anglaise une place comparable à celle de William Shakespeare.

John Gower 

Au XIVème siècle, John Gower (1325?-1408) écrivit un poème de 33000 vers, intitulé ‘Confessio Amantis orTales of the Seven Deadly Sins’ dans lequel Amans, l’amant, se confesse à un prêtre de Vénus, Genius. Ce long poème composé de maints poèmes narratifs est un classique de la littérature médiévale anglaise

Écosse

Au XIVème siècle, des  poètes s’illustrent en moyen-anglais.

Babour

John Babour (1320-1395), fut le premier poète écossais à laisser son nom dans l’histoire de la littérature pour avoir écrit un poème, The Brus (1375), en gaélique écossais (l’un des deux dialectes écossais avec le northumbrien).

Ce poème dans le genre épique est à la gloire du roi Robert Bruce 1er (1274-1329) qui, dans la première Guerre d’Indépendance Écossaise (1296-1357), combattit la domination anglaise avant d’être emprisonné à la Tour de Londres et, libéré, de se marier avec la sœur du roi Edouard III. Son petit-fils, Robert II Steward (Stuart) ouvrit la dynastie du même nom. Ce poème épique est resté célèbre et fait partie de la culture générale écossaisse.

Le poème fut composé sous le règne de David, à la gloire de son père et de son preux chevalier Doulas le Noir (†1330).. ce qui peut expliquer que certaines sources mentionne le poème comme étant à la gloire celle de son fils David.

Plusieurs sources indiquent The Brus comme écrit en ‘early scots’ (premier écossais’), ou encre écrit en anglo-écossais. The Brus est écrit en moyen-anglais, langue qui restera pratiquée en Écosse jusqu’au milieu du XVème  siècle. L’anglo-écossais est une construction linguistique entre le scot et l’anglais au XVIIème siècle. Quant au ‘early scots’ (auquel succèderont ‘the middle-scot’ et le ‘scot’(l’écossais actuel), langue écossaise avec le dialecte gaélique , c’est une langue germanique qui dérive d’un dialecte du ‘vieil anglais’, pratiqué en Northumbrie (Édimbourg devient la capitale de l’Écosse en 1532). Pour les différences entre anglo-écossais et écossais voir : http://www.teamdemise.com/ 1044444x9VLwM/.

Harry-l’Aveugle

 Blind-Harry écrit vers 1460 un des derniers poèmes dans la tradition arthurienne, Les Aventures de Sir William Wallace dans lequel le patriotisme, l’héroïsme, le fabuleux se mêlent, et en font depuis sa traduction en anglais moderne au siècle dernier « le livre favori des Écossais » (in Soirées Européennes, Bibliothèque Ville de Lyon).

Robert Henryson

Actif dans la seconde moitié du XVème siècle, il a essentiellement écrit des fables.

David Lindsay

David Lindsay (1490-1557), fort célèbre en son temps et encore

de nos jours, est un poète essentiellement tourné vers la satire. Réformé, il s’attaque à la noblesse et au clergé. Chaucer fut son principal modèle. (Voir Littérature Renaissance).


Espagne

Poème de Clerc

 Gonzalo de Berceo

Au XIIIème siècle, un genre poétique apparaît dans les monastères de Castille, la Mester de Clericia.  On désigne ainsi les poèmes écrits par les clercs. Ils obéissent à une métrique bien précise la cuadema via: un quatrain de quatorze syllabes, ayant une seule rime selon certains exégètes. Par contre, Serge Cirot écrit dans son Inventaire Estimatif de la Merster Clericia (in Bulletin Hispanique de 1946 V.  8) que la Mester Clericia a une origine française et que « son vers est celui du Poème d’Alexandre en dodécasyllabe (6+6). C’est ce qu’on peut affirmer en attendant la preuve du contraire. » Il ajoute que la cuadema via prévaudra pendant deux siècles dans l’écriture des poèmes narratifs, moraux et religieux.

Le religieux Gonzalo de Berceo (1195-1264), premier poète espagnol (Castillan) dont on connaît le nom, fut aussi le premier maitre du genre dans la douzaine de recueils qu’il laissa. Font également partie de cette littérature, le Poema de Fernán González datant du XIIIème siècle (voir Roman Chevaleresque) relatant les exploits de ce comte castillan (910-970), et une autre œuvre majeure du genre, El Libro de Buen Amor datant du siècle suivant (voir ci-après Juan Ruiz).

Le Siècle d’Or Valencien

Le XVème siècle espagnol est marqué par le règne d’un roi, Renaissant avant l’heure par son amour des arts et des lettres,  Alphonse le Magnanime (1394-1458), roi de Castille, d’Aragon et de Valence. Il deviendra également roi des Deux-Siciles (Sicile et Naples). Ce qui favorisera grandement les échanges culturels entre les deux péninsules.

Le royaume de Valence bénéficie alors d’une relative tranquillité en échappant aux conflits de succession que connaissent les autres royaumes de la péninsule. De grands talents littéraires vont émerger tout au long du siècle au point que cette riche période littéraire sera appelée le Siècle d’Or Valencien. Poètes et écrivains ont abandonné la langue provençale des troubadours qui étaient encore jusqu’à la fin du siècle précédent reçus à la Cour de Castille et d’Aragon. Ils se détachent aussi petit à petit de l’influence italienne. A l’instar du poète Ausiàs March, ils emploieront dorénavant pour la prose comme pour le vers la langue castillane.

Ausias March

Ausiàs March (1397-1459) est l’un des plus imminents représentants de cet apogée valenciennois. D’aucuns le considèrent comme le plus grand poète espagnol du XVème siècle. Son œuvre poétique commencée relativement tardivement à l’âge de 33 ans, révèle tout son art de l’analyse et de l’exposition du sentiment. Elle comprend des poèmes lyriques : poèmes d’amour dans lesquels les sentiments amoureux rivalisent et tentent de supplanter le désir charnel ; les poèmes de mort dans lesquels il pleure la perte de son épouse ; et les poèmes spirituels avec Le Cantique Spirituel qui révèle son angoisse devant la mort et son recours à la foi.

Il fut le beau-frère de Joanot Martorell (1397-1459), un des pères du roman moderne.

Jordi de Sant Jordi

Jordi de Sant Jordi est chronologiquement parlant le premier représentant de l’École Valenciennoise. Son œuvre est courte. Né à la toute fin du XIVème siècle, il meurt jeune, vers les 25 ans. Sa poétique reste dans la droite ligne de la poésie courtoise, héritée des Troubadours provençaux dont il pratique la langue et la métrique. Elle est aussi influencée par Pétrarque – Il a séjourné à Naples au service d’Alphonse le Magnanime et sera fait prisonnier quand Francesco Sforza prendra la ville. Il n’empêche qu’au-delà de l’aspect formel, Jordi puise en lui-même son propre univers poétique tendre et inquiet, fait de nostalgie, de mélancolie. Il ferme en quelque sorte la porte de la littérature du Moyen-âge espagnol alors que March, Martorell, Joan Roís de Corella, entre autres, ouvrent celle des temps modernes.

Une édition complète de ses œuvres –Jordi fut peu prolixe- est parue en 1984 sous le titre Les Poesies de Jordi de Sant Jordi, cavaller valencià del segle XV (1984), a cura de Lola Badia i Martí de Riquer (València : E.Climent,1984)

Joan Roís de Corella

Théologien de formation, Joan Roís de Corella (1433/43-1497) est aussi poète avec Balada de la Garsa y l’Esmerla et auteur dramatique avec Tragédie de Caldesa, Triumfo de les Dones. Il eut une grande influence sur les auteurs de son temps. Son œuvre, solide, dénote une personnalité forte et complexe. Il n’occupe sans doute pas dans l’histoire de la littérature espagnole la place qu’il mériterait s’il n’avait été longtemps ignoré des critiques et universitaires.

Le Romancero 1440-1550

Au XIVème siècle, sont écrits des poèmes inspirés le plus souvent de la veine chevaleresque, essentiellement du Cycle de Charlemagne, mais pouvant être aussi historiques (Le Cid), lyriques (Chimène et le Cid). Anonymes, les Romanceros du XIVème siècle sont appelés Romancero Viejo par rapport aux Romanceros plus tardifs qui en poursuivent la tradition.

Le Romancero est œuvre à la fois littéraire et musicale, toujours d’origine populaire à la différence du Cancionero. Du point de vue de la poétique, la Romance est courte, en octosyllabes à rimes assonantes intercalées. La partie musicale est sous forme de la Ballade.

La figure historique et légendaire Rodrigo Diaz de Vivar (1043-1099), surnommé le Cid ou le Campéador[11], sa jeunesse, ses exploits sont un des thèmes privilégiés du romancero. Elle donnera lieu à de nombreux récits très populaire, réunis sous le titre de Romancero du Roi Rodrigue. Vers 1344 -1360, un dernier chant, Mocedades de Rodrigo (Les exploits de Jeunesse de Rodrigo) est un chant épique qui narre ses exploits de jeunesse (mocedad).

Le  Cantar de Rodrigo ou El Cantar de Mio remonte plus avant. Il est le premier chant sur le Cid. Il a été mis par écrit, selon les sources,

soit en 1128 soit en 1207 par un dénommé Per Aba.

Les grands poètes espagnols puiseront dans cette veine populaire pour en tirer certains de leurs chefs-d’œuvre : Lope de Vega (le Cid), Quevedo, Cervantès (satire de la chevalerie avec Don Quichotte). Eux-mêmes et des poètes de leur temps écriront aussi des romances que l’on désigne sous le terme de Romancero nuevo[.

Le Cid nous est mieux connu depuis la pièce de théâtre Las Mocedades del Cid, écrite entre 1605 et 1615 par Guilhem de Castro

(1569-1631) et la tragi-comédie de Corneille, Le Cid (1636), qui s’en inspire.

Poésie Lyrique

Juan Ruiz

Entre 1330 et 1343, Juan Ruiz dont on ne sait quasiment rien écrit El Libro de Buen Amor (Le Livre du Bon Amour), un long poème en vers qui déroule une série d’aventures amoureuses survenues au narrateur et supposé auteur, l’archiprêtre de Hita. L’occasion pour celui-ci d’exposer une collection de portraits d’hommes et de femmes de son temps. L’œuvre mêle différents genres qui relèvent tantôt de la littérature savante, tantôt de la littérature populaire, passant du poème aussi récit, du défilé carnavalesque au pèlerinage. Ce poème de clerc tels qu’ils en étaient écrits et lus dans les monastères de Castille au XIIIème et XIV siècle, et qui de ce fait obéit à la métrique du genre (quatrains de quatorze syllabes avec une seule rime), d’un ton souvent burlesque, parodique, se veut édifiant : Il tend à nous montrer le chemin vers l’amour divin sans pour autant nous faire renoncer à l’amour humain s’il ne se limite pas à la seule attirance de la chair. Mais une peinture aussi vivante du désir charnel et de l’irrésistible attirance qu’éprouvent hommes et femmes du récit, n’en reste pas étonamment moins troublante.

Jorge Manrique

Jorge Manrique (1440-1479) est resté célèbre pour ses stances écrites à la mort de son père, Coplas por la muerte de su padre (1476). Ces élégies sont emblématiques de la poésie espagnole.

Juan de Mena

Au même titre mais dans le style de la poésie allégorique, l’œuvre maîtresse de Juan de Mena dit l’Ennius (1411-1456), Laberinto de Fortuna, est une œuvre majeure de la poésie espagnole médiévale.

Lopez de Mendoza

Homme politique d’une très ancienne famille noble d’Espagne, et vaillant combattant des Maures, Lopez de Mendoza, Marquis de Santillane (1398-1458) a laissé une œuvre littéraire importance à double titre : par son volume et par l’influence qu’elle exerça. En prose, une œuvre de réflexion, sur la poétique, sur la politique. En vers, sa fameuse ‘Lettre au Connétable du Portugal’ , un cancionero de quarante-deux sonnets, fortement inspiré des sonetti italiens[12], et des serrenillas, poèmes de la rencontre amoureuse du poète avec une femme de la montagne, de veine bucolique, genre typiquement castillan, pouvant être connoté de religiosité: Querella de Amor, la Comedieta de Ponza, la Vaquera de la Finojosa, la Mozuela de Bores, El Aguilando. Ses sonnets sont connus pour être les plus anciens de la poésie espagnole.


Notes
[1] Voir François Villon

[2] Grièche du grec griois car les Grecs avaient la réputation d'être querelleurs (Dict. Académie Française)

[3] Dialogue comme un échange argumenté et démonstratif non dans le sens d'une conversation à bâtons rompus.

[4] ‘Université de Bologne est considérée comme la première université jamais fondée en Europe et ayant utiliser le terme d’’universitas’. Il se pourrait que ce terme ait été employé dans son sens premier d’ ‘universel’, l’école de Bologne délivrant un enseignement universel, mais nom dans le sens de corporation qu’il prit ultérieurement, au XIIIème siècle, conférant ainsi à l’université de Paris le privilège d’avoir été la première universitas de professeurs en 1150.

[5] Et pour en savoir plus sur Dante et autres sujets : Jacques Henri Prévost in   Petit Manuel d'Humanité (arts et sciences, hommes et dieux). http://jacques.prevost.free.fr/cahiers/cahier_31.htm#a3

[6] « Saint Anselme, Jean de Fécamp, Bernard de Moorlas et bien d'autres encore ont prôné dans leurs traités le mépris du monde et porté un jugement fondamentalement pessimiste sur les réalités temporelles, les activités terrestres et l'amour humain, c'est-à-dire sur la vie profane en son ensemble (André Vauchez in La spiritualité du monde occidental, Édit. Seuil, 1994, P.43) Cf.Spirit & Philo / L’An Mil/ Saint Anselme de Canterbury

[7]  Enrico Fenzi in Pétrarque

[8] Source https://en.wikipedia.org/wiki/Pierce_the_Ploughman's_Crede

[9] Voir Bas Moyen-âge/Philosophie et Spiritualité

[10] https://fr.wikipedia.org/wiki/Robin_des_Bois_Histoire_et_légende

[11] Cid, de l'arabe sid, seigneur. Campeador, valeureux guerrier.

[12] Édouard d'Ault-Dumesnil, Revue des Deux Mondes T.1 1834 Le Marquis De Santillane


SATIRE, FABLIAU et FATRASIE

La Satire - Le Fabliau - La Fatrasie et Le Fatra - La Chantefable

La Satire 

En parallèle à la littérature épique, courtoise, savante, écoutée dans les cours des seigneurs, existent d’autres genres et courants, destinés à la population des bourgs, la bourgeoise. Telle la satire relève d’une tradition qui remonte à l’antiquité grecque. Elle ne tient pas une place majeure dans la littérature médiévale. Pourtant, deux romans satiriques du Moyen-âge ont traversé le temps.

Le Roman de Renart

Le Roman de Renart (1198) est une satire mettant en scène des animaux qui de par leurs caractères et expressions sont en fait les hommes et les femmes de la société du moment. Le personnage éponyme, Renart est le goupil, animal bien connu des basses-cours. Le goupil sera désormais et dorénavant appelé le renard. Ce recueil de récits a été écrit en vers par différents auteurs dont seuls trois d’entre eux sont connus : Richard de Lison, Pierre de Saint Cloud et le Prêtre de la Croix en Brie.

Les deux personnages principaux sont Renart, le goupil et Ysengrin, le loup. Renart fréquente la cour de Noble, le roi lion, et de la reine, Dame orgueilleux. Il  y côtoie les conseillers Ours et Sangliers et tous les autres animaux, taureau, mouton, chat, paon, blaireau, cerf qui occupent les charges et fonctions de la socité (humaine), chevalier,abbé, juge, page etc.. Renart séduit Dame Hersent, madame Ysengrin. Le roi est clément, mais Chantecler, le coq, l’accuse d’avoir tué la sœur de sa ‘poule’, Dame Pinte. Renart est condamné à être pendu mais sur intervention de la reine, il s’en tirera avc un pèlerinage à Jérusalem. Mais Renart a de nouveau maille à partie avec la justice. Il feint le repentir, demande au confesseur, le Hibou,  à être confessé, mais il finit par l’étrangler. Tout cela non sans maintes aventures. Le roman est une parodie sévère de la cour, du clergé, de la chevalerie. Tout est tourné en dérision, l’esprit chevaleresque, les cérémonies, , les sacrements, la vie de cour.

Le Roman de Fauvel

Deux contributeurs sont à l’origine du Roman de Fauvel qui comprend deux livres, l’un de Gervès du Bus date de 1310, l’autre de Chaillou de Pestain date de1314. Féroce satire politique contre la corruption et les abus de pouvoirs, ce roman, écrit en ancien français,  conte les méfaits de l’âne qui donne son titre au roman ; En fait de titre, un acrostiche de tous les défauts du personnage: Flatterie, Avarice, Variété (inconstance), Vilenie, Envie, Lâcheté.
L’importance de l’œuvre tient en grande partie à ce que le texte servira de support à tout un déploiement de formes musicales, de la ballade au motet, du rondeau au conduit. Ces pièces musicales monodiques ou polyphoniques marquent la fin de l’Ars Antiqua (1320) qui va être suivi tout logiquement de l’Ars Nova.

Le musicien Philippe de Vitry (1291-1361), initiateur de cet Art Nouveau le mettra en musique en utilisant des genres très divers tels que la polyphonie, le pseudo-chant grégorien, la chanson paillarde. Jehannot de Lescure composera également sur ce texte.


Le Fabliau 

Apparu aux alentours de 1150, ce genre s’est fort probablement forgé à partir de la Disciplina Clericalis, œuvre de Pierre Alphonse (Petrus Alphonsi 1062-1140), juif converti, d’origine aragonaise, médecin à la cour d’Alphonse 1er. Il s’agit d’une traduction et interprétation de fables arabes, perses et indiennes, qui connut un immense succès dans toute l’Europe. Parmi ces trente-trois contes se trouvent les contes d’origine persane les Mille et une Nuits et Sindbad le Marin.

Le fabliau est une forme de ballade en vers, courte, sans prétention littéraire destiné à amuser, parlant parfois de manière très crue des choses de la vie courante et finissant toujours par une morale. Il développe un esprit terre-à-terre opposé à l’idéalisme des chansons de gestes, en cela frondeur. Il oppose les petits, les vilains aux grands, aux puissants. Le genre fabliau donnera lieu à une production qui s’étendra sur au moins deux siècles, particulièrement dans le nord de la France. Il sera une source d’inspiration pour La Fontaine et Molière (Le Médecin malgré lui).

Les fabliaux étaient écrits par des clercs (prêtres érudits qui ne vivent pas forcément en communauté) et les trouvères. La plupart de ces ‘aucteurs’ nous sont restés inconnus, mais nous connaissons Gautier le Leu, Huon le Roi, Jehan Bodel (1165-1210) et bien sûr Rutebeuf (c.1230-c.1285). Ils étaient contés par les ménestrels, musiciens devenus itinérants et par les jongleurs qui avaient pris leur place dans les cours et qui chantaient mais aussi dansaient, jonglaient (dans le sens actuel).


La Fatrasie et le Fatras

La fatrasie a été inventée par Philippe de Rémi de Beaumnoir (1210-1265). C’est un poème dans lequel le son prime sur le sens en jouant de l’allitération, de l’assonance, la multiplication des sonorités. En quelque sorte comme les chansons du chanteur moderne Boby Lapointe.

Le Fatras est un poème qui privilégie le non-sens. Il est composé d’un onzain (onze vers) à deux rimes seulement, enserré dans un distique. Ce n’est pas un poème fourre-tout comme les poèmes du poète moderne Jacques Prévert dans son recueil Fatras.


La Chantefable

La Chantefable est un genre littéraire apparu au XIIème  siècle et qui perdurera jusqu’à la fin du XIVème. La seule œuvre qu’il nous reste de ce genre est Aucassin et Nicolette d’un anonyme de la fin du XIIème siècle ou du début du XIIIème. Il est composé de deux formes qui alternent : la forme chantée, écrite en vers (chante), et la forme en prose récitée (fable). Les parties chantées, certainement accompagnées de musique et à laquelle probablement participait l'assistance, s’intercalent entre les monologues ou éventuellement les dialogues pour marquer une transition dans le récit ou /et un rappel à l’auditoire. On peut imaginer que le trouvère pouvait laisser libre cours à son imagination et adapter la fable à la circonstance du moment.

L’unique manuscrit d’Aucassin et Nicolette se trouve dans un recueil datant de la fin du XIIIème siècle provenant du nord de la France (Artois ou Picardie) dans lequel on trouve des lais, des fabliaux.

Aucussin est fils de Comte. Nicolette une esclave sarrasine baptisée. Leur différence socia fait obstacle à leur mariage. Les amant s’enfuient. Au long de moultes péripéties, ils sont séparés puis se retrouvent. Les parents d’Aucussin morts, il devient comte et rien ne s’oposse plus à son mariage avec Nicolette d’autant que l’on qu’elle la fille d’un émir musulman…ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Le Happy-end semble une loi du genre.


LA DANSE MACABRE
    memento moris

France - Espagne - Italie - Flandres - Allemagne

Introduction

Voir aussi Art/Peinture

Le terme de danse macabre apparaît pour la première fois sous la plume de Jean Lefèvre dans son ‘Respit de la Mort’ écrit en 1376.

Avant qu’elle ne soit une représentation picturale, telle que peinte par exemple sur les murs du Cimetière des Innocents en 1420 à Paris, la Danse Macabre est une œuvre écrite. Elle veut nous rappeler notre fin inéluctable, et qu’il vaut mieux, plutôt que de courir après les vanités de ce bas-monde, nous préparer au passage dans l’au-delà.

« Pour les mondains, la vie est une danse, une farandole, symbole du plaisir qui étourdit, qui détourne de la pensée de la mort, cache la triste réalité et les conséquences terribles du péché, le Jugement et les peines éternelles » (F. Ed. Schneegans  La « Danse macabre » du Bar Revue Romania Année 1927 212 pp. 553-558).
Le thème de la Danse Macabre est indissociablement lié à celui de l’Ars Moriendi, Art du Bien Mourir, de comment savoir (bien) mourir. On doit l’expression à l’un des derniers grands scolastiques Jean de Gerson.

Un bel exemple du genre est l’Ars Moriendi, daté de 1415, écrit par un moine anonyme (peut-être à l’occasion du Concile de Constance), illustré de gravures et diffusé dans toute l’Europe. Un exemplaire avec gravure sera édité en 1495. A cet Ars est liée la formule édifiante : « Memento moris», « Souviens-toi que tu vas mourir ».
La Danse Macabre peut aussi revêtir une forme scénographique. Avant de faire peindre puis graver une danse macabre, le Duc de Bourgogne, Philippe le Bon, en fait donner une représentation en 1449 dans son Hôtel de Bruges.

Les représentations picturales de la danse macabre s’étendront jusqu’au XVIème siècle. Le premier incunable sur ce thème est L’Ars bene moriendi imprimé à Venise, en 1478 et qui aurait pour auteur Mathieu de Krokov, évêque de Worms. On a cru pendant longtemps que son auteur était Dominique de Capranica, cardinal de Fernio, mais on a découvert qu’il en était le traducteur en italien. Ce texte fut de nombreuses fois réimprimé, notamment à Paris par Guy Marchant, en 1483 et fut suivi d’un grand nombre d’ouvrages du même type augmentés de différents morceaux. A noter que cette édition de Guy Marchant comporte la première marque de libraire ou d’imprimeur.
« A noter qu’il ne faut pas confondre Tractatus de arte bene vivendi et bene moriendi qui sortit des presses le 20 octobre 1501 avec l’ouvrage de Josse Clichtove, De doctrina moriendi opusculum necessaria ad mortem feliciter qu’imprima Simon de Colines, en 1520, »

« En 1538, avec la publication de Les simulacres de la Mort, Hans Holbein le Jeune redéfinit le thème de la danse macabre. La Mort, toujours agressive et jubilatoire, ne danse plus dans une longue farandole, mais intervient directement dans des scènes de la vie quotidienne. Dès lors, l’œuvre de Holbein devient la référence. Celle-ci est une de 41 gravures sur bois, qui furent exécutées vers 1526 et publiées douze ans plus tard à Bâle et publiées douze ans plus tard à Bâle, dans un recueil intitulé : Les simulacres et historiées faces de la mort [1] ».


France

Jean de Gerson

On trouve pour la première fois l’expression d’ars moriendi dan le titre de l’œuvre de Jean de Gerson (1363-1429) Opusculum tripertitum de praeceptis decalogii, de confessione et de arte moriendi (1408).

« L’ouvrage de Gerson était abondamment illustré de bois, illustration considérée comme un des chefs-d’œuvre de l’art graphique flamand, qu’on a pu attribuer à Rogier van der Weyden .»(http://agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/ars_moriendi)

Pierre de Nesson

Pierre de Nesson (1383-1442), maître es université de Paris, au service de Jean 1er de Bourbon, bailli missionnaire du roi Charles VII, a écrit Le Vigile des Morts, une réflexion sur l’existence vouée à la mort, largement inspiré du Livre de Job. L’historien Pierre Champion a écrit de lui : « L’homme de la puanteur, du cimetière, de la fiente, de la pourriture, de la charogne ». A se référer à son antériorité, il serait sinon l’initiateur du moins l’inspirateur du genre.

Le Mors de La Pomme

Ce poème de 500 vers en octosyllabiques, écrit en français traite des fins dernières de l’homme. Chaque strophe se termine par un verset latin des "Psaumes". Le thème de l’ouvrage est que quel que soit ce qui nous mène, l’amour ou la recherche de la richesse, c’est l’inexorable mort qui guide nos pas. Il a été attribué à Jean Mielot (†1472), chanoine copiste, enlumineur au service de Philippe le Bon,

qui fut aussi  traducteur et qui compila notamment des vers de Boccace et de Cicéron traduits en moyen français, entre 1461et1468. Mais l’on possède un manuscrit du Mors de la Pomme datant de 1461 et dans le Respit de la Mort, daté de 1376, Jean Lefèvre parle du Livret de la Pomme. L’original[2] pourrait donc être une composition médiévale bien antérieure.

Pierre Michault

Les miniatures de la  Dance des Aveugles de Pierre Michault de Guyot (†1466) est imprimée en incunable en 1465. La vie lui apparaît comme une danse. L’homme danse des « dances mondaines …et à toutes générales ». La vie est gouvernée par les trois puissance que sont l’amour, la fortune (providence) et la mort.

Jehan Castel

Jehan Castel (1383-1476) est l’un des maîtres de la Danse Macabre. Son œuvre majeure, en vers, Le Mirouer (ou Spécule) des Pécheurs et Pécheresses qui date sans doute de 1468 sera imprimé en 1495. Elle est en trois livres:

  • Le premier livre, le Spécule des Pécheurs « fait et compilé pour le salut des ames sur pluseurs divines escriptures des saincts docteurs par frere jehan de castel religieux de l’ordre saint benoist et croniqueur de France. »
  • Le second est « une Exortation des mondains tant gens d’Église que séculiers, une ballade pour avoir paix a dieu et au monde. Pour contempler toutes richesses et amender sa vie ».
  • Le troisième est Le Mirouer des Dames et Damoiselles et l’Exemple de tout le sexe Féminin :« Mirés vou cy dames et damoiselles / Mirés vous cy et regardés ma face / Helas pensés se vous este bien belles / Comment la mort toute beauté efface. »

 Entre 1488 et 1500 plus de cinquante éditions sur l’art du bien mourir seront publiées.

Martial d’Auvergne & Guyot Marchand

La première imprimerie à caractères mobiles et non plus selon le procédé de la xylographie s’ouvre à Paris en 1470. En 1485, l’imprimeur Guyot Marchand imprime La Grande Danse Macabre. Le procédé d’impression permettra sa très grande diffusion.

Il éditera quelque temps plus tard La Danse des Femmes, que l’on attribue parfois au scolastique Pierre Gerson mais plus généralement à cet étrange et énigmatique procureur au Parlement qui, pris d’un accès de folie, se jeta un jour de sa fenêtre, Martial d’Auvergne (1430/35-1508), auteur également des Arrêts d’Amours (1463).

Guyot (Guillaume) Marchand adjoindra à cette édition le Débat du Corps et de l’Âme et La Complainte de l’Âme Damnée,  faisant suite ainsi à son édition de La Danse des Hommes à laquelle il avait annexé le Dit des Trois Morts et des Trois Vifs. Ce dit fut également un thème soit pictural soit sculptural qui représentait trois cadavres s’adressant à trois jeunes -gens, le plus souvent de jeunes cavaliers richement vêtus.


Espagne

La Danse Générale de la Mort

Sommet du genre en Espagne, et l’un des plus beau manuscrit sur le thème de la mort, la Dança General de la Muerte, est un poème en castellan généralement daté de 1520 mais qui pourrait avoir été écrit en 1350 par une moine réfugié au monastère de San Juan de la Peña. Ce codex fait partie du riche fond que Philippe II rassembla dans sa bibliothèque du Palais de l’Escurial. Son interprétation reste encore difficile car il contient de nombreuses énigmes sur le sens et la chronologie. Mais le sens général reste celui d’une satire de l’homme au travers de ses péchés et de ses travers sociaux (Cf. Dr V. Infantes https://todoenciclopedias.com/obras/codiceescorial.html)


Italie

Savonarole

Le moine et prédicateur Jérôme Savonarole (1452-1498) écrit le Prédica dell’arte del bene moror en 1496… Il sera brûlé vif deux ans plus tard en place publique de Florence… ce à quoi il avait sans doute du bien se préparer. Charles VIII entre en libérateur des Médicis en 1484, lors de la première Guerres d’Italie. Les florentins instaure alors la république sous la gouvernance de Savonarole. En 1494, tenant des discours…enflamées, il fait élevé sur la Place de la Seignerie, un bucher des vanités dans lequel les œuvres d’art et les livres des grands artiste et poètes du siècle et du siècle précédent. Accusé d’hérésie, Savonarole sera lui-même brûlé sur cette même place l’année suivante. En 1492, Laurent le Magnifique l’avait fait appelé à la Villa Careggi et mourra dans ses bras. La villa, où il résidait, était le siège de Academia Platónica florentina fondée par Cosme l’Ancien en 1463 et dont le premier directeur était Marsile Ficin (†1499).


Flandres 

Josse van Clichtove

Le théologien flamand et chanoine théologal de Chartres qui fut l’un des premiers réfutateurs de Luther, Josse van Clichtove (1472-1543) écrit De Doctrina Moriendi Opusculum necessaria ad Mortem Feliciter en1520. Titre complet De doctrina moriendi Opusculum necessaria ad mortem foeliciter oppetendam preparamenta declarans & quo modo in ejus agone variis antiqui hostis insultibus sit resistem dum eddens (Sur la doctrine de la mort Un nouvel ouvrage déclarant les préparatifs nécessaires pour réussir à obtenir la mort). Cette édition est illustrée sur le titre d’un bois figurant une tête de mort tenant un os entre ses mâchoires répétée à la fin du volume (B. Galimard Flavigny Ref. Cit.).


Allemagne

  Au XVème siècle Un traité de l’art du bien mourir est imprimé à Jüterbork(Brandebourg)


Notes

[1] https://bibliophilie.blogspot.fr/2007/11/holbein-et-la-danse-macabre.html. 

[2] Sur la question de la date du Mors de La Pomme voir Félix Lecoy  Romania Année 1953 Volume 74 N° 296 pp. 507-511 www.persee.fr/issue/roma_0035-8029_1953_num_74_296


LES ÉCRITS MYSTIQUES

Flandres - Outre-Rhin - France - Angleterre


Les œuvres retenues dans cette section le sont pour leur qualité littéraire indépendamment de leur valeur spirituelle. Pour plus d’informations sur leurs auteurs et leur démarche intérieure se reporter à Philosophie et Spiritualité/ Siècle de leur naissance/ Mystique.


Flandres

Hadewijch d’Anvers

Hadewijch d’Anvers nous est plus connue comme poétesse mystique au travers de son œuvre poétique et autobiographique, ses visions, sa correspondance, que comme une de ces ‘grandes demoiselles’ qui dirigeait un béguinage. Elle en aurait dirigé un près de Nivelles, ville natale de Marie d’Oignie (voir Âge d’Or de la Mystique). Mais rien ne semble devoir vraiment l’attester.

La Poétesse

Il y a deux Hadewijch : Hadewijch I, celle des Poèmes Strophiques et Hadewijch II, celle des ‘Nouveaux Poèmes’ ou ‘Poèmes à Rime Plate’. Cette distinction est faite à partir de ses poèmes dont les premiers relèvent de la mystique nuptiale (Minnemystieck), tandis que d’autres poèmes ont une connotation et une terminologie propres à la mystique de l’Essence (Wesensmystiek) qui les font attribuer à une et inconnue Hadewijch II. Mais l’ensemble des poèmes I et II se trouvent réunis dans deux manuscrits qui sont les plus anciens qu’on ait conservés. Ruysbroeck en possédait un qui a disparu.

Sa poésie, complexe, savante, s’inscrit dans le courant de la Poésie Courtoise. Elle use du terme ‘minne fijn’, ‘fin’, emprunté au fin’amor de la Poésie Provençale du siècle précédent, et que l’on peut traduire par ‘amour noble’. Si le thème central du fin’amor des troubadours est maintenu, l’aimée n’est pas la Dame mais Dieu. Un amour total et dévastateur de l’amante envers les Personnes divines, Père et fils. L’âme souffre comme on le retrouvera dans la poésie de Ste Thérèse d’Avila, de l’absence de l’Aimé autant qu’elle n’aspire qu’à se fondre en Lui. Le terme de ‘minne’ (amour en vieux néerlandais) désigne dans ses poèmes de manière englobante tout à la fois l’amour de l’autre, l’amour de l’Autre, l’Amour divin. ‘Minnemystik’ est équivalent à Brautmystick, le mariage nuptial, thème autour duquel gravite la mystique sponsale, le cheminement amoureux de l’âme vers Dieu initiée par Bernard de Clairvaux (†1153); Thème que l’on retrouvera chez Mechtilde de Hackerborn et Gertrude la Grande.


A la différence de Catherine de Sienne sujette aux ravissements et aux lévitations, de la carmélite Marie-Madeleine de Pazzi (1566-1607), submergée d’extases, qui reçut les stigmates et fut marquée de la couronne d’épines, à la différence encore de Catherine de Gênes (1447-1510) sous l’emprise de convulsions hystériques, l’ardente ferveur de Hadewijch s’élève en cantique spirituel.

 « C’est ici que victoire m’attend /je veux gagner, que Dieu me donne/ce qui sied au seul Amour /si tel est son bon plaisir, le désastre est mon honneur».

« Amour d’abord se plaît à nous combler lorsqu’au premier jour il m’entretint de lui-même. Ah ! Toute à lui, que j’ai ri de tout le reste ! Mais il me fit alors pareille au noisetier, qui tôt fleurit dans les mois sombres/et longtemps laisse attendre ses fruits désirés ».

« Mais de l’amour on peut dire aussi que sa plus haute assurance nous fait faire naufrage, et son état le plus sublime nous coule à fond ; son opulence nous appauvrit et ses bienfaits sont nos malheurs ; ses consolations agrandissent nos blessures ».

« Combien douce est l’habitation de l’aimée dans l’aimé, et comme ils se pénètrent de telle sorte que chacun ne sait plus se distinguer. Cette jouissance est commune et réciproque, bouche à bouche, cœur à cœur, corps à corps, âme à âme ».

C’est lorsqu’il [l’amour] s’en va qu’il nous est le plus proche; son silence le plus profond est son chant le plus haut ; sa pire colère est sa plus gracieuse récompense ; sa menace nous rassure et satristesse console de tous les chagrins : ne rien avoir, c’est sa richesse inépuisable».


Outre quarante-cinq poésies strophiques et vingt-neuf d’inspiration courtoise, son œuvre compte également trente et une lettres, treize visions, et une Liste des Parfaits Amants en laquelle elle évoque des personnes dont certaines ont pu être retrouvées et d’autres non. Elle parle notamment d’Aleydis, béguine condamnée au bûcher par l’inquisiteur Robert le Bougre en 1236 à Cambrai. Celui-là même qui, en Champagne, fera brûler quelques années plus tard 180 personnes au Mont-Aimé et 50 autres à la Charité sur Loire. À rappeler que l’Inquisition (dominicaine[1]) n’exécutait pas elle-même la sentence mais remettait les condamnés aux autorités juridiques civiles.


Outre-Rhin

Mechtilde de Magdeburg

Mechtilde de Magdeburg (1207?-1283), native de la région d’Hefta (Saxe-Anhalt) est le plus souvent présentée comme béguine. Rien dans ce qui est connu de sa vie ne permet de l’attester. Elle fut par contre une tertiaire dominicaine appartenant donc à une fraternité de tertiaires qui ne vivaient pas dans un béguinage.

Ses écrits, à l’origine en un dialecte bas-allemand (linguistiquement Allemagne du Nord, Pays-Bas-Belgique) sont réunis en six volumes et traduits en latin avant sa mort. Un septième et dernier échappera à cette traduction remaniée. L’ensemble est réuni sous le titre Das fließende Licht der Gottheit (La Lumière Fluente de la Divinité). L’ouvrage sera retrouvé et traduit en haut-allemand au XIVème siècle avant de disparaître à nouveau et d’être retrouvé au XIXème siècle.

« Marquée par la poésie courtoise et des chants populaires, Mechtilde transcrit l’enseignement religieux qu’elle reçoit, essentiellement des dominicains, dans un langage vernaculaire chatoyant, en créant des métaphores d’une grande fraîcheur, avec des associations nouvelles et inhabituelles. C’est le premier écrit en langue en langue allemande témoignant d’expériences spirituelles personnelles Elle forge ainsi tout un vocabulaire pour la mystique allemande postérieure ». (Ancelet-Hustache, Jeanne, Mechtilde de Magdebourg (1207-1282), Étude de psychologie religieuse, Honoré Champion 1926).


France

Héloïse d’Argenteuil

Héloïse (1092-1164)[2], de naissance noble mais adultérine, ne sera jamais connue que sous son prénom, sans titre ni nom de famille. Élevée par les bénédictines d’Argenteuil, près de Paris, on la nomme parfois Héloïse d’Argenteuil pour la distinguer d’autres Héloïse, réelles ou de fictions, plus ou moins connues.

Les lettres qu’elle adressa à Abélard ont forgé la légende des amants éternels comparable à celle de Tristan et Yseult. Ces lettres font surtout entrer leur auteur dans l’histoire de la littérature européenne comme première femme de lettres, au deux sens du terme. Poétesse, musicienne, elle est la créatrice du genre épistolaire. Érudite, versée dans les arts libéraux, elle étonna par son savoir Pierre le Vénérable, abbé de Cluny († 1156), celui-là même qui recueillit Abélard en fuite et qui à la demande d’Héloïse ramènera son corps au Paraclet, monastère qu’Héloïse avait fondé près de Paris. Elle est aussi sans doute la première femme en Occident à avoir œuvré pour la reconnaissance de l’égalité intellectuelle et de droit homme et femme.


Angleterre

Margery Kempe

Entre 1436 et 1438, Margery Kempe (1273- après1346) dicte son autobiographie qui portera le titre de Le Livre de Margery Kempe. Le manuscrit original sera perdu. Margery parle de ses visions du Christ et de Marie, des pratiques et conseils de sa vie domestique, de ses pèlerinages. Elle mène une critique des mœurs de son milieu social. Outre, sa forte personnalité, son esprit d’indépendance, son anticonformisme, son ouvrage lui attirera des démêlés avec les autorités ecclésiastiques qui la soupçonneront d’hérésie et la feront mettre en prison. Mais grâce sa visite à la mystique Julienne de Norwich qui reconnaitra l’authenticité de ses visions et leur orthodoxie, grâce tout autant à sa propre défense, Margery sera finalement déchargée de toute suspicion d’hérésie.

Vers 1450, une copie du manuscrit a été faite par un dénommé Salthows[3]. Il comporte à la fin des annotations de quatre mains différentes et porte la mention « Liber Montis Gracie ». Autrement dit, cette copie a pu être faite par un moine de l’Abbaye de Mountegrace, qui serait donc un chartreux (VoirPhilosophie et Spiritualité/1300 /Nuage d’Inconnaissance).

Son ouvrage est généralement considéré comme la première autobiographie en anglais. De ce fait, Margery Kempe serait la première écrivaine anglaise[4]. Mais, au-delà de la biographie, le livre de Margery est une véritable étude critique des mœurs urbaines, de son matérialisme et de son conformisme ; critique qui s’étend au clergé par trop plongé dans la vie mondaine.

Sans doute est-ce cette copie de Salthows (British Library, Additional 61823) qui est retrouvée dans le fonds de la bibliothèque de la famille Butler-Bowden en 1934 et publiée pour la première fois en 1936. Deux ans plus tard, sortira une première édition en sa langue originale, le moyen anglais.

Les auteurs importants de son temps sont Geoffrey Chaucer (ca.1343-1400), Robert (ou William) Langland (actif 1360-1387) et l’Écossais John Babour (1316 /20/35 ?-1395).

Correspondance

La correspondance tient une place importante dans la vie des spirituelles. Certaines en laisseront un volume important. Outre, l’intérêt d’une meilleure compréhension de leurs expériences mystiques, elles traitent sou

vent de problèmes politiques et sociaux qui reflètent les préoccupations de leur l’époque.


Notes
[1] Voir Philosophie et Spiritualité/1200/La Scolastique/ Les Ordres/ Dominicains

[2] Sur sa vie et sa relation avec Pierre Abélard ou Abailard (1079-1142) voir Bas Moyen-âge/ Philosophie et Spiritualité/1100/Scolastique

[3] Sur ce passage, voir The Book of Margery Kempe: Introduction by Lynn Staley (http://www.luminarium.org/medlit/kempebk.htm)

 


LE THÉÂTRE


Le Drame Liturgique - Fêtes, Miracles et Mystères - Le Jeu -La Farce
 La Moralité - La Tragi-Comédie - La Poésie Dramatique


Le Drame Liturgique

L’origine du théâtre dans l’Occident du Moyen-âge se trouve dans la liturgie franco-romaine et dans les fêtes religieuses. En effet, dès le Xème siècle, afin de fidéliser les ouailles et maintenir leur attention, le clergé décide d’introduire au sein de la messe, des chants dialogués dont les paroles ne seraient pas religieuses. Ces ajouts sont appelés des tropes[1]. Cyril Mérique les définit dans sa thèse sur L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du XVIème siècle comme « des textes brefs accompagnés de musique que l’on récitait lors des offices liturgiques et qui constituaient la base du drame liturgique médiéval».

Le plus ancien de ces tropes date de 915. Il s’agit du Quem Quæritis de la Visitatio Sepulchri, attribué au moine Tutilon : un dialogue entre Marie et les anges, récité à Pâques durant la messe de la Résurrection. Un autre thème, à l’opposé à celui de la mort du Christ, sera ensuite celui de la Nativité. Passion et Nativité resteront les deux thèmes principaux qui donneront l’occasion d’introduire des tropes au sein des cérémonies religieuses. Les tropes les plus anciens liés au thème de la nativité remontent au XIème siècle .

« L’Officium Pastorum (contient des) compositions musicales développant habituellement le récit évangélique de Luc 2, 7-20 qui relate l’annonce angélique aux bergers de la naissance du Christ… Le chant de ces antiennes relatives à l’ « adoration des bergers » semble avoir été dramatisé par des chanteurs qui se déguisaient parfois pour l’occasion ». (Cyril Mérique opus cité)

 « Ainsi est né le Drame Liturgique. Même de manière encore discrète, ces tropes donnent lieu à de sobres mises en scène. Une partie de l’église est aménagée pour recevoir la ‘mansion’, une petite structure scénique (généralement une tente), symbolisant un lieu particulier (le jardin d’Éden, Jérusalem, etc.),

et la ‘platée’, une zone neutre, utilisée par les interprètes pour jouer autour de la ‘mansion’ ». (Le Théâtre Médiéval sur theatrons.com).


Fêtes, Miracles et Mystères 

Les Mystères

Le drame liturgique à caractère mi-sacré mi-profane prendra au fur et à mesure de plus en plus d’ampleur et…de place dans l’église. A l’occasion de grands moments de l’année liturgique, comme celui de la Pâque, de véritables mises en scène avec décor sont mis en place pour servir de cadre à des représentations sur les thèmes de la Crucifixion et de la Résurrection, jouées par des ‘acteurs’, des bénévoles qui évoluent dans l’église au gré de l’action dramatique, suivis par ce que l’on peut déjà appeler les spectateurs. Il faut imaginer l’espace ecclésial alors libre de tout mobilier autre que l’autel et des stalles installées tardivement. En dehors du temps des cérémonies et offices, cet espace restait disponible pour les commerçants, les hommes d’affaires et les mendiants et voyageurs qui trouvaient là où dormir, couchés sur la paille qui jonchait ici ou là le sol. L’autel était mobile et n’était jamais installé ni au chevet ni en avancée comme il l’a été par la suite.


« Si l’on vient à l’édifice pour assister aux offices divins…On y tient des assemblées politiques sous la présidence de l’évêque; on y discute du prix du vin et du bétail; les drapiers y fixent le cours des étoffes… » (Fulcanelli in ‘Le Mystère des Cathédrales, Édit. P. Pauvert, 1979, Pg. 49-50)

Il y avait aussi chaque année différentes fêtes jouées à l’intérieur de l’église, la Fêtes des Fous, le Fête de l’Âne, que les jeunes membres du clergé interprétaient. C’étaient des parodies de liturgie ou de célébration dans lesquelles l’âne ayant porté le Christ ou un pseudo-fou prenant la place de l’évêque tenaient le rôle principal. Ces fêtes n’allaient pas sans débordements iconoclastes. Au point que ces fêtes furent reléguées sur le parvis. La date de cette sortie de l’enceinte sacrée n’est pas attestée. Les sources donnent généralement entre le XIème et le XVème siècle, soit la période du Bas Moyen-âge… ? La ‘profanisation’ des thèmes au XIIIème siècle pourrait être indicatrice du fait. À noter que le premier drame liturgique, Le Jeu d’Adam du XIIème siècle (vers 1150>70) était joué sous le porche de l’église.

Les représentations dramatiques qui les accompagnaient ne prirent que plus d’ampleur au point qu’à Noël, Pâques ou l’Ascension, ces toutes premières dramaturgies pouvaient s’étaler sur des dizaines de jours, jusqu’à quarante jours. Elles étaient arrangées en cycles basés sur les récits bibliques. Elles seront appelées Mystères ou Miracles, déformation du mot roman  mistère qui vient du latin misterium et qui signifie cérémonie.

Au XIIème  siècle, alors que Saint Bernard développe le culte marial, Gauthier de Coinci (Coincy, 1177/78-1233/36), prieur bénédictin de Vic-sur-Aisne, rassemble, traduit en moyen-français et met en vers Les Miracles de Notre Dame auxquels il ajoute de ses poèmes à la louange de la Vierge Marie sur des airs profanes, populaires (1218>1228).

Ces Mystères se retrouvent dans les différents pays d’Europe, France, Angleterre, Espagne, Italie. La population y participait d’autant plus activement que jusqu’au XVème siècle, il n’y avait pas de troupes de comédiens, mêmes amateurs. Une famille conservait d’une génération à l’autre un rôle, celui de Jésus ou de Pilate etc. ou bien c’était une confrérie qui avait en charge telle ou telle mise en scène.

Les Confréries Françaises

Les bourgeois (artisans, commerçants) constituent à Nantes en 1371 puis à Paris en 1380 ; elle sera dissoute en 1676. Une confrérie, les Confrères de la Passion (Confrérie de la Passion et Résurrection de nostre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ) se ‘spécialise’ dans le Mystère de la Passion. Cent cinquante ans plus tard, elle s’associera aux Enfants-sans-soucis, autre confrérie qui jouait des soties (satires de l’actualité du moment) pour fonder le premier théâtre fixe et payant sis à l’Hôtel de Bourgogne (Voir Renaissance /Théâtre). Ils seront les premiers directeurs de salles de spectacles accueillants des troupes venues de l’extérieur.

Au XIVème siècle la Guilde Saint Éloi des Orfèvres de Paris commandite 40 miracles dramatiques représentés à Paris de 1339 à 1382.

Au XVème  siècle, ces Mystères sacrés (Passion, Nativité) ou profanes (historiques) se structurent. Des auteurs s’y consacrent comme Eustache Marcadé dont La Passion s’étale sur quarante jours; Simon et Arnoul Gréban dont La mystère des Actes des Apôtres fait appel à près de 500 comédiens; et Pierre Gringoire qui donne au début du XVIème siècle Le Mystère de Saint Louis.

Les Cycles Anglais

Plusieurs cycles nous sont parvenus, le Cycle d’York, le Cycle d’Hegge ou de Coventry, l’Ensemble de Towneley, Le Cycle de Chester. Tous sont des mises en scène, plus exactement des tableaux, entre 30 et 50, représentant des récits du Nouveau et de l’Ancien Testament. Ces représentations débutées dans le dernier quart du XIVème siècle se poursuivirent jusqu’au premier quart du XVIème .

« Dans les Mystères de York ou de Towneley, le Christ tient à la fois du fou de cour et du fou sage, ce qui (…) trouve son origine dans la place accordée au fou dans la société médiévale occidentale en général. Le fou dit « sage » était, en raison du mépris dans lequel il tenait sa propre personne physique et son statut social, couvert du même opprobre que son homonyme de cour: tous deux bénéficiaient d’une liberté singulière qu’ils payaient de l’abandon de toute dignité. Les brimades endurées par le Christ dans deux Mystères anglais, Christ Before Herod et The Buffering qui visent (…) à humilier leur victime en faisant d’elle un bouffon, ont pour objet véritable de rendre évidente la folie d’un tel geste(…) dans une mise en scène qui met en avant les qualités liminales de cette période de la vie du fils de Dieu…Elles mettent également en évidence le statut véritablement abject du fou[2]».


Le Jeu

Le Jeu

Arrivé sur le parvis de l’église, le drame liturgique, hors de l’enceinte sacré, va immanquablement se ‘profaniser’. Aux thèmes religieux vont être ajoutés des thèmes profanes au XIIIème siècle. Jusqu’à ce que disparaisse l’élément religieux au profit du seul profane. Ainsi nommé, le Jeu, sans limite de temps liturgique va s’allonger pouvant aller jusqu’à 1000 vers.

Jeu d’Adam

Le Jeu d’Adam est un drame liturgique composé dans le troisième quart du XIIème siècle. Par un auteur anonyme, fort probablement un moine de l’entourage français d’Henri Plantagenêt[3]. Il était joué sous le proche de l’église[4]. Il mêle les chants latins de la liturgie aux paroles en français du drame. Sa composition en trois tableaux sur le thème du péché originel amène à attribuer trois ‘scènes’ différentes. A ce déplacement scénique élaboré s’ajoute pour la première fois, des indications de mise en scènes et de jeu (didascalie). Écrit en français, il est le premier drame en langue vulgaire devançant en cela Adam-de-la-Halle.

Jehan Bodel

Jehan Bodel (1165-1210), trouvère d’Arras, est le premier à écrire un drame non liturgique, et en français, bien qu’il raconte la conversion des Sarrazins au catholicisme, le Miracle de Saint Nicolas (ca. 1200) ou le Jeu de Saint Nicolas.

« l'argument de sa pièce : un roi sarrasin, dont les terres sont envahies par une croisade chrétienne, remporte la victoire sur les chrétiens qui sont massacrés. Un prud'homme, que ses émirs ont capturé alors qu'il était en prière à l'écart des combattants devant une image de saint Nicolas, le convainc de confier son trésor à la seule garde du saint, en se portant garant de son efficacité sur sa vie. Trois voleurs s'emparent du trésor, mais saint Nicolas les oblige à le rendre, sauvant ainsi le prud'homme et obtenant la conversion du roi et de tous ses vassaux» .(https://www.universalis.fr/encyclopedie/jeu-genre-dramatique/2-le-jeu-de-saint-nicolas/).

Adam-de-la-Halle

La vie de Adam le Bossu connu sous le nom de Adam-de-La-Halle est généralement présentée ainsi : Adam est un trouvère et musicien né à Arras en 1245, mort à Naples en 1287 ou 1288. A l’âge de vingt ans, après avoir était tenté par une carrière ecclésiastique, il se marie. En butte à des problèmes financiers, il quitte sa ville natale où il est déjà réputé comme trouvère pour se replier sur Douai. De retour à Arras, quatre en plus tard, en 1274, il écrit La feuillée (1276 ?). Il obtient une bourse et part étudier à Paris où il obtient le grade de Bachelier es ars.

En 1280, il entre au service du Comte Robert II d’Artois. En 1283, il suit son maître à Naples parti soutenir le roi de Naples et de Sicile, Charles d’Anjou, fils du roi de France Louis VIII, qui doit faire face à la Révolte des Vêpres Siciliennes (voir Événements Majeurs/ Guelfes et Gibelins).

Adam fait jouer Le Jeu de Robin et de Marion et met en chantier sa geste la Chanson du Roi de Sicile. « Il est certainement mort à Naples en 1287, comme l'indique l'explicit de la copie datée de la Chandeleur 1288 du Roman de Troie par Jehan Mados (ou Madot), son neveu…[pourtant !] un rôle de dépenses de la Couronne britannique, de la Pentecôte 1306 signale un “Maître Adam le Boscu, ménestrel“, présent à l'adoubement du prince Édouard à Westminster.[5]» Certains historien lui attribue le Jeu du Pèlerin, d’autres non.

Le musicologue Olivier Brettens remet en cause cette version généralement admise de la vie d’Adam :

 « L'entité que nous connaissons sous le nom de Adam-de-la-Halle- dit-le-Bossu-d'Arras est-elle un personnage historique, plusieurs individus que l'enfilade de l'histoire nous présenterait comme un seul, ou encore un ou plusieurs personnages imaginaires[6] ? »

Selon lui, des moments de la vie d’Adam comme son séjour à Naples ne sont en rien attestés. Quant à ses jeux, ils font partis d’un ensemble, Le Pèlerin et La feuillée constituant deux versions du prologue au Jeu de Robin et de Marion[7].

« Il est évident par exemple, que le Jeu du Pèlerin, « prologue » du Jeu de Robin et Marion, présente de nombreuses similitudes ou symétries avec la première partie du Jeu de la Feuillée…

Le volet Robin et Marion est donc entièrement peint en une perspective dont le Jeu du Pèlerin constitue l'élément de base ».

Comme tous les trouvères et troubadours, Adam-de-la-Halle est musicien. Et la partie musicale de ses jeux, pastourelle et féerie, apportent plus de nouveauté que la partie non jouée. C’est d’ailleurs un des très rares nom de compositeur qui nous soit resté. (Voir Musique/ École Notre-Dame). 

En tant que trouvère, il est considéré comme l’un des derniers. En tant que polyphoniste, on le fait parfois appartenir au courant musical de l’Ars Nova, pourtant apparu au siècle suivant, après 1320 et le traité de Philippe de Vitry. Adam appartient bien au XIIIème siècle mais sans qu’on puisse directement le relier à la polyphonie de Notre-Dame et tout en ayant pu anticiper les nouveautés qu’apportera l’Ars Nova (Voir Musique/ Ars Nova). 

Le Jeu de Robin et Marion

Robin et Marion est ce que l’on appellerait aujourd’hui un ‘spectacle musical’ voire une ‘comédie musicale’. Sous la forme de la Pastourelle, dialogues et chants alternent et le tout se termine en une danse qui réunit en farandole tous les acteurs.

L’histoire est devenue classique : un chevalier tente de séduire une jeune bergère qui garde ses moutons à l’orée de la forêt. Devant la résistance d’icelle, il l’enlève. Robin, son fiancé, jeune paysan du village, intervient. Le chevalier le rosse mais finit par s’enfuir. Sur ces entrefaites, les villageois arrivés sur …le champ, font la fête. Histoire allégorique qui reprend le récit dans le récit : Marion s’aperçoit que dans le grabuge un mouton a disparu, sûrement emporté par un loup. Robin part à sa recherche, le ramène sauf…. Et la fête continue.


La Farce 

Dès le Xème siècle, afin de fidéliser les ouailles et maintenir leur attention, le clergé décide d’introduire au sein de la messe, des chants dialogués dont les paroles ne seraient pas religieuses. Ces ajouts sont appelés des tropes[8]. Cyril Mérique les définit dans sa thèse sur L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du XVIème siècle comme « des textes brefs accompagnés de musique que l’on récitait lors des offices liturgiques et qui constituaient la base du drame liturgique médiéval».

Passion et Nativité resteront les deux thèmes principaux qui donneront l’occasion d’introduire des tropes au sein des cérémonies religieuses. Les tropes les plus anciens liés au thème de la nativité remontent au XIème siècle. Quant au terme de farce (de farcir), il était « utilisé pour parler de gloses extracanoniques, de paraphrases de textes religieux, bref, de tout ‘’supplément au texte biblique qu'on mêlait dans certaines fêtes à la liturgie officielle’’[9] ». Mais cette farce qui était une glose[10] ne pouvait être que le fait de l’officiant.

Les origines de la farce en tant que genre dramatique sont donc difficiles à trouver. Elles peuvent relever d’un fonds oral populaire. Elle apparaît sous la forme de pièce ou jeu comique au 12ème siècle. La plus ancienne conservée est La Garçon et l’Aveugle (vers 1270). La Farce du Cuvier (ou Le Cuvier), anonyme, daterait du 1Vème siècle. Le ‘genre’ (le terme en tant que catégorie littéraire La Farce du cuvier, ou Le Cuvier est inconnu à l’époque) se développe aux XVème et XVIème siècles où sous une forme plus élaborée, il est écrit en vers et en un acte et prend sous la dernière et meilleure place, comme clou du spectacle, sur tréteaux des places et des rues après la moralité ou la sotie.

Le sens qu’a pris bien pour nous aujourd’hui le terme de farce dit bien ce qu’en était le genre. C’est un mauvais tour jouer aux dépens de quelqu’un. Il ne demande aucune subtilité d’écriture ni de finesse d’intrigue. Il est très populaire. Il est moins irrévérencieux et plus formel, que la sotie.

Les auteurs dramatiques, l’espagnol E Juan del Encina et le Portuais Gil Vicente écriront des farces à succès au 16ème siècle. (voir Tome 2/Théâtre). Et la farce aura encore de beaux jours jusqu’à la fin du 17ème siècle. Molière l’intégrera à ses comédies et s’étendra jusqu’au 17ème siècle ; Molière l’intégrera à ses comédies comme il s’inspirera de la Commedia Dell’arte.   

La Farce de Maître Pathelin

La Farce de Maître Pathelin est certainement la farce la plus connue de toutes celles du Moyen âge. Elle est datée aux environs de 1460. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. Maître Pathelin, avocat, feint d’être malade quand le drapier vient en vain chez lui réclamer son dû pour la pièce de drap qu’il lui a acheté sur le marché. Dépité, le drapier s’en prend à son berger qu’il rencontre sur le chemin du retour. Et le berger d’aller aussitôt solliciter Maître Pathelin pour sa défense car le drapier l’accuse de voler ses moutons. Pendant le procès, le drapier en revient toujours à son affaire de drap avec l’avocat, et le juge sans cesse de répéter le fameux « revenons à nos moutons ». Le berger gagne le procès car sur les conseils de son avocat, il ne répond à toutes les questions que par « bée, bée », ce qui le fait passer pour irresponsable. Mais pas fou pour autant car lorsque Maître Pathelin lui réclame ses honoraires, le berger ne trouve rien de mieux à lui répondre que… “bée, bée“».

Le Franc Archer de Bagnolet                                                               

On ne connaît pas l’auteur de ce monologue comique qui comprend de nombreux jeux de scènes. Il a pu être écrit dans la même période que La Farce de Maître Pathelin, vers 1468. C’est une charge contre les francs-archers réputés lâches et indisciplinés et que le ‘bon peuple’ devait entretenir. Le franc-archer est un homme dispensé de payer la taille (impôt annuel créé en 1439 par Charles VII) en contrepartie d’un engagement temporaire dans l’armée royale selon les besoins militaires du moment, en quelque sorte militaire de réserve.

Crée en 1448 par Charles VII, ce corps sera supprimé par Louis XI en 1480 et rétabli par François 1er en 1521. Le franc-archer Pernet, habite le petit village proche de Paris, Bagnolet, village toujours prétexte à des risées. Il se vante par mille faux exemples d’être un fier guerrier. Mais il est tourné en ridicule par le narrateur qui rétablit les faits dont il se vante comme par exemple quand il se met à genoux pour demander grâce à l’ennemi avant de s’apercevoir qu’il ne s’agit que d’un épouvantail tournant au vent.

Dans la même veine, Le Franc Archer de Cherré (Anjou), attribué à Maître Mitou, a été composé après 1521, date de recréation du corps par François 1er.


La Moralité

Apparue à la fin du XIVème siècle, la moralité appartient au genre comique. Mais elle ne s’en veut pas moins moralisatrice. Souvent allégorique avec des protagonistes comme Malice, Envie, le Temps…elle reste imprégnée de religion, montrant les difficultés de l’homme à trouver ici-bas les moyens de son salut face aux forces du mal et des péchés tentateurs.


La Tragi-Comédie

Fernando de Rojas

Fernando de Rojas est un auteur dramatique né à Tolède en 1475. Il y meurt en 1551. On ne connaît de lui que La Célestine ou tragi-comédie de Calixte et de Mélibée (1499). Nous devrions plutôt dire que nous ne connaissons Rojas que par sa tragi-comédie. Très connue et abondamment lue dans toute l’Europe, ce n’est qu’au début du XXème  siècle que l’on en a découvert l’auteur, un avocat juif de Tolède converti au catholicisme.

Écrite en prose, les critiques hésitent entre la classer dans le genre dramatique ou roman. Elle comprend 21 actes (16  puis 5 ajoutés).

 La Célestine

Célestine est une entremetteuse qui a partie liée avec l’enfer. Engagée par Calixte, elle parvient à s’attacher les faveurs de la jeune Mélibée. Elle sera assassinée par les valets de Calixte qui veulent lui dérober l’argent que lui a donné leur maître. Première mort. Alors que les valets sont poursuivis, Calixte au contraire de Cyrano escalade le mur pour rejoindre sa belle. Il tombe et se tue. Deuxième mort. Mélibée, amoureuse fautive, de honte se jette du haut d’une tour. Troisième mort. Dans cette tragi-comédie, l’argent, le vice, la cupidité, le désir charnel qui en sont les vrais protagonistes triomphent.

Cet ouvrage écrit en prose comme un roma, est une action dialoguée plus qu’à proprement parler une pièce de théâtre. Les critiques hésitent entre la classer dans le genre dramatique ou roman.

Après avoir entendu un acte écrit par un anonyme, Rojas décida d’en écrire la suite la suite. Sa première publication de 1499 comprend 16 actes, celle de 1502 comprend 21 actes (16  puis 5 ajoutés). 20. Des dizaines voire des centaines d’autre éditions suivront. Cette œuvre  a la particularité d’ouvrir le siècle mais également d’initier un genre, la literatura celestinesca, la littérature célestinesque ou la Celestinesque comme le présente Paloma Bravo dans son étude de la nouvelle d’Alonso Jerónimo de Salas Barbadillo, La Fille de Célestine, parue en 1612 (voir Âge Classique/Littérature /Espagne) ; une nouvelle qui reprend la formule du trio de personnages, si ce n’est qu’aux deux amants bien sous tous rapports, Calixte et Mélibée, et à l’entremetteuse Célestine qui favorisant leur amour les porte au malheur et au sien dans le roman éponyme, seront substitués un siècle plus tard la picara, gueuse, catin, accompagnée de son proxénète Montúfar et de la vieille Mendéz « sorte de chaperon a contrario ».

L’originalité de Rojas est double : Il initie un genre avec un personnage féminin. Cette Célestine, « vielle femme barbue, rouée, sorcière, capable de toutes les mauvaises choses » est un personnage si bien campé, qu’il désignera par la suite toutes les entremetteuses et aura une nombreuse descendance, à commencer par la Seconde Célestine et la Troisième Célestine de Feliciano de Silva. Nombre d’auteurs reprendront le trio de personnages les faisant évoluer du roman célestinesque initial au roman picaresque du XVIIième baroque, dans lequel l’héroïne de jeune fille pure évolue carrément en une picara, une dévergondée. Toute une évolution littéraire qui va de la Calixte de La Célestine, à la « narquoise » Justine de La Fouyne de Séville ou l'Hameçon des Bourses (1661) de Castillo y Solorzano, en passant par La Fille de Célestine (1612) de Salas Bardillo, qui sera selon cette même étude à la jonction des genres célestinesque et picaresque.


Les Célestines donneront lieu à des suites romanesques comme des feuilletons, des sagas ou soap opera avant l’heure. 

« Incomparable, transcendant les frontières de genres, la tragi-comédie, injouable par sa longueur et la lenteur de son rythme, sera un modèle du genre pour les multiples expérimentateurs du XVIème siècle. Il y apprendront la liberté d’allure d’un dialogue ’naturel’, l’éloquence efficace d’un monologue vivant comme la parole, la modernité d’une langue théâtrale qui retentit de l’écho des conflits présents et à venir » (Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre Bordas 1991).

En Espagne La Célestine est aussi connue que Don Quichotte. Elle n’a cessé d’être éditée au fil des siècles et parfois dans des éditions pour bibliophiles. Elle a fait l’objet de mises en scène régulières. Elle a été la matière de mise en musique, et a inspiré des peintres comme Picasso.


La Poésie Dramatique

Juan del Encina 

Juan del Fermoselle (1468-1533) est connu sous le nom de Juan del Encina, du nom de sa ville natale supposée dans la Castille-et-León. D’origine modeste, son père était cordonnier, il fit des études de droit à l’Université de Salamanque.

Musicien, il fut maître de chapelle de la Cathédrale de Salamanque, puis, pendant son séjour à Rome, l’un des chantres du pape Léon X . Après un pèlerinage à Jérusalem, il revient en Espagne en 1519 et devient chantre à la Cathédrale de León. Il est rattaché à la fameuse École Polyphonique Castillane à laquelle ont appartenu des musiciens renommés comme Juan de Anchieta (1462-1523).

Auteur de Villancicos, de Romances, de Frotolla, ses œuvres, qui au dire même de son auteur, ont toutes été composées avant l’âge de 25 ans, sont réunies dans le Cancionero Musical del Palacio, le Cancionero de Segovia, et dans le Chansonnier d’Upsal (Venise 1556). Dans le Cancionero del Palacio, le poème du berger Rodrigo Martinez est chanté sur le thème de La Follia. Le poète portugais Gil Vicente s’en servira pour plusieurs musiques de ses poèmes avant que ce thème ne passe en Italie et qu’il ne devienne un des ‘best-sellers’ de la musique occidentale. Tous les grands compositeurs avec des variantes l’ont par la suite utilisé.

El Cancionero (1496) réunit des compositions de jeunesse. Cette édition bénéficie pour sa diffusion des nouveaux procédés de l’imprimerie post incunable. Ses œuvres musicales sont rassemblées en 1890 sous le titre Cancionero musical Barberini.

Poète, Juan del Encina a écrit dans sa jeunesse sur l’art poétique castillan, Arte de Trobar, dans lequel il se réfère à la poésie courtoise. Il est l’auteur d’églogues dont parmi les plus connues Egloga de les tres Pastores (Fileno, Zambardo, Cardonio) publié en 1509, ou encore  la Pládcida y Vitoriano  et l’Auto del Repelón, une farce que des étu- diants jouent à de braves paysans dans le style juego escolar (jeu d’école). Il a adapté des Eglogues de Virgile en dialecte castillan.

Il a mis nombre de ses poèmes dramatiques et lyriques en musique. Et de ce fait, il privilégie dans sa musique l’expression dramatique dans le sens d’une simplification de la composition ; Ce qui préfigure les recherches des poètes et musiciens de la fin de la Renaissance Italienne, ceux de la Camerata Fiorentina entre autres.

Juan del Encina est considéré comme le père du théâtre espagnol, non seulement pour sa pièce, Triunfo de la Fama, mais surtout pour la manière dont il dramatise ses églogues, poèmes champêtres dans lesquels il fait dialoguer les protagonistes, les bergers qui, comme dans l’Auto de Reyes Magos, une de ses rares pièces religieuses, sont les quatre évangélistes. Ces représentations se terminent toujours par un villancico (poème chanté). Cette mise en forme dramatique permet d’en donner une représentation comme celle jouée en 1492 à la cour du Duc d’Albe où il était chargé d’écrire de la musique et des divertissements . L’inspiration profane prendra au fur et à mesure de son évolution le pas sur le thème religieux.

Juan del Encina tient une place doublement importante dans l’évolution du théâtre et de la musique. D’abord, ses poèmes dramatiques joués lors des fêtes religieuses annoncent les autos sacramentales,pièces eucharistiques représentées le jour de la Fète-Dieu, qui constitueront un genre à part entière aux XVIème et surtout au XVIIème siècle où elles atteindront leur plus parfaite expression avec Calderon qui clôt ce genre. Ensuite, du point de vue musical, outre sa recherche sur l’expression dramatique en musique, ses villancicos donneront dans leur évolution naissance à la Zarzuela, forme d’opérette apparue dès le XVIIème siècle. La Zarzuela est aussi le plat catalan à base de poissons, moules et gambas, agrémenté du ‘picada’ (amandes, ail, persil), et du ‘sofrido’ (sauce préparée avec des oignons du safran , du piment doux, du coulis de tomate et l’eau de cuisson des moules ).


Notes

[1] Ces tropes agrémentés de musiques seront le point de départ de la polyphonie dès le Xème siècle. Tropes a aussi un sens métaphorique. Le Larousse donne en exemple l'emploi de 'voiles' pour 'vaisseaux'.

[2]Tatjana Silec : Le personnage du Christ dans les Mystères anglais : une analyse d'après les travaux de Victor Turner (https://acrh.revues.org/2005)

[3] Les sources indiquent généralement un contexte anglo-normand. Le texte est en français et le contexte pourrait être plus normand qu’Anglais. Henri Plantagenêt (1133-1189), bien que roi d’Angleterre en 1154, ses possession étaient relativement peu importantes et il ne maitrisa l' île britannique qu’à partir de 1174. Il était Duc d’Anjou et Duc de Normandie, née et élevée en France. En épousant en 1252 à Poitiers, Aliénor d’Aquitaine, ajouta au déjà immenses terres des Plantagenêt l‘Aquitaine constituant l’ ‘Empire Plantagenêt’ à savoir une partie de l’Angleterre et plus du tiers de la France actuelle. Henri n’établit pas de capital et sillonna son empire tout au long de son règne. Il séjourna fort probablement plus sur ses terres continentales qu’insulaires.

[4] http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Jeu_dAdam/174264

[5] https://lesacrechoeur.jimdo.com/biographies/adam-de-la-halle/ 

[6] Sur l’existence réelle d’Adam –de-la-Halle et en savoir plus sur son œuvre voir la Communication faite à la journée scientifique « Manuscrits, mètres, performances : les jeux d'Arras, du théâtre médiéval ? » organisée en vue de l'agrégation le 16 janvier 2009 à l'Université de Nantes par Véronique Dominguez, Benoît de Cornulier et Julien Goeury. https://virga.org/robin/article/

[7] Ibidem Voir également l’ Avant-propos de Olivier Bettens in Li gieus de Robin et de Marion, édité d'après le manuscrit de la Vallière (Paris BN fr. 25566)

[8] Ces tropes agrémentés de musiques seront le point de départ de la polyphonie dès le Xème siècle. Tropes a aussi un sens métaphorique. Le Larousse donne en exemple l'emploi de 'voiles' pour 'vaisseaux'.

[9] Citation et pour en savoir plus sur son histoire et ses thèmes Norman Leroux, La Farce du Moyen-âge, https://www.erudit.org/fr/revues/ etudfr/1979-v15-n1-2-etudfr1689/036682ar.pdf

[10] La glose, commentaire et explication en marge d’un texte, est apparue avec le scolastique Anselme de Laon (1050-1117) dont la glose sur l’Écriture Sainte fondera une nouvelle didactique en usage tout au long du Moyen-âge.


LA CHRONIQUE


France - Outre-Manche - Italie -Wallonie

France

Villehardouin

Geoffroy de Villehardouin (1150-1218), natif de la Champagne, fils de seigneur, accompagne Henri II de Champagne à la 3ème croisade. Il est fait prisonnier au siège de Saint Jean d’Acre en 1190. Revenu en Champagne, il assume des fonctions diplomatiques avec Venise pour le passage des croisés de la 4ème croisade avec lesquels il part en 1202. Croisade qui verra la prise de Constantinople à laquelle il participe sous l’autorité de Baudouin 1er, frère et successeur de Godefroy de Bouillon sur le trône de Jérusalem. Il reçoit titres et fiefs en Thrace où l’on suppose qu’il est mort.

La Conquête de Constantinople (1213) est la chronique de la 4ème croisade, de sa prédication en 1199 à la mort d’un de ses chefs, le Marquis de Montferrat. On en retient le style clair et simple, le sens de l’analyse, la modestie du personnage qui a occupé des charges de premiers plans. Certains loue sa franchise et sa probité d’historien, d’autres le soupçonne de ne pas dévoiler les vrais raisons du détournement de la croisade dont il tente de se justifier, la délivrance de Jérusalem s’étant en fait ‘transformée’ en prise de Constantinople avec pour résultat la fondation de l’Empire latin d’Orient que les Byzantins reprendront en 1261.

Joinville

Le noble Jean de Joinville (1224-1317) est issu de la haute noblesse champenoise. Il sera sénéchal du Comte de Champagne, c’est-à-dire qu’il l’assistera dans ses fonctions administratives et juridiques. A dix sept ans, il suit son seigneur à la cour de Louis IX (Saint Louis) et s’engage comme chevaliers lorsque le roi  part pour la septième croisade (1248-1254). Il devient son conseiller et confiden. Il est prisonnier avec lui par les Mamelouks en Égypte. Le roi repart en croisade en 1270 et trouve la mort dans le port de Tunis la même année. Joinville, qui ne l’a pas suivi, va écrire sa biographie à la demande de Jeanne 1ère de Navarre, épouse de Philippe IV Le Bel.

Le Livre des Saintes Paroles et des Bons Faiz de Nostre Saint Roy Looÿs plus connu sous le titre de La Vie de Saint Louis, commencé en 1305 sera achevé en 1309. Plus qu’une chronique sur les événements historique qui ont marqués le règne, il s’agit de son témoignage sur Saint Louis tel qu’il l’a connu durant la croisade. Sa mémoire est vive et donne un récit alerte dans lequel foisonnent les anecdotes agrémentées de traits d’humour. Il rapporte également les propos royaux qui souvent chez St Louis prennaient une tournure didactique, moralisatrice.

Froissart

Jean Froissart (1337–1410), né à Valenciennes, orphelin très jeune à était élevé par Jean de Beaumont, oncle de Phillipa de Hainault qui épousa Edourd III Plantagenêt (†1377) auprès de qui il se rendit à la mort de son protecteur et surtout suite à une grende déception amoureuse. Vivant de cour en cour, il raconte la Guerre de Cent Ans en quatre livres, Chroniques de France,d’angleterre et d’Espagne qui retracent les faits de ses protectrices et protecteurs, princes et Ducs, notamment Philippa de Hainaut, Jeanne de Brabant, Guillaume IV de Hainaut, Jean de Berry ou encore vencelas, duc de Brabant. Il ne passe pas pour un historien très scrupuleux des dates et des faits. Ses chroniques tiennent plus du roman chevaleresque par le style et les faits. Mais

« son livre est un témoignage vivant du temps où il a vécu : aucun art ne s’y fait voir ; la candeur des sentiments y égale la naïveté des expressions ; on y trouve le couleur et les charme des romans de chevalerie, cette admiration pour la valeur, la loyauté, les beaux faits d’armes, pour l’amour et pour le service des dames » ( Prosper de Barante Études historiques et biographiques)

 Poète courtois, avant que de s’attacher à la chronique chevaleresue, il composa virelais, ballades, pastourelles et rondeaux. Il laisse deux poèmes à sa Dame L’Espinette Amoureuse et Le Buisson de Jonèce. Ces manuscrits ont fait l’objet de nombreuses copies richement enluminées.

de Commynes

Philippes de la Clyte de Commynes (1447-1511), originaire de la Flandre française, est le dernier grand chroniqueur français du Moyen-âge. Il fut conseiller et chambellan de Charles le Téméraire et de Louis XI. Tout aussi intéressé par l’argent que par les arts, de Commynes acquerra fortune en se voyant octroyer par Louis XI les immenses terres de La Trémoïlle et des Nemours dont le monarque les avait privés.

Diplomate, il est un homme de l’ombre qui détient un très précieux carnet d’adresses qu’il s’est constitué tout au long de ses quarante années au service de Louis XI, Charles VIII et Louis XII. Il est en cheville avec la banque des Médicis et possède ses entrées à Venise. Il joue la carte Duc d’Orléans et participe au complot visant à l’enlèvement de son cousin, le futur roi Louis XII. Emprisonné et condamné, il est relé gué sur ses terres d’Argenton où il mourra. de Commynes était un homme en avance sur son temps. Ses voyages, ses missions, lui ont donnés une vision unitaire de l’Europe. Il est un Turgot avant l’heure où comme nous dirions de nos jours, un libéral. Ses mémoires, sa correspondance sont une source inépuisable pour les historiens.


OUTRE-MANCHE

Angleterre

Guillaume de Malmesbury

Guillaume de Malmesbury (1090-1095- ca.1143) est un moine historien qui s’intéressa particulièrement à l’histoire ecclésiastique. Parmi une œuvre particulièrement abondante, sont entre autres à retenir le Liber Pontificalis (1119), une histoire des papes, la Gesta regum Anglorum sur les hauts faits des Rois d’Angleterre de 735 à 1125, qui sera suivie d’une Gesta Pontificum Anglorum, l’histoire du clergé anglais et d’une Historia Novella (Histoire contemporaine).

Poète courtois en sa jeunesse, il a laissé deux poèmes lyriques, L’Espinette Amouresue et le Buisson de Jonèces

Geoffroy de Monmouth

Geoffroy de Monmouth (1100-1155) fut évêque et chroniqueur. Dans son œuvre majeure sur l’histoire des rois de Bretagne L’Historia Regum Britanniae écrite entre 1135 et 1139, il est le premier à donner une place centrale au roi Arthur, personnage historique du VIème siècle qui s’est couvert de légendes au fil des siècles et en sera recouvert avec l’engouement qu’il suscitera parmi les auteurs et 'augmenteurs' de gestes. Déjà, tout y est : le roi, sa cour, ses chevaliers en quête d’aventure et la table ronde. Table Ronde dont « à l’origine, il y a plusieurs traditions celtiques. La plus générale est celle de “la Table des“ (et) … ce n’est pas céder à des spéculations extravagantes que de mettre l’invention de la Table Ronde en rapport avec des mythes solaires » (J.P. Foucher Roman de la Table Ronde, Gallimard-Folio, 1970).

Geoffroy est également l’auteur d’une Vie de Merlin (1138).


La Chronique de Croyland

La Chronique de Croyland  provient de l'abbaye bénédictine de Croyland (ou  Crowland), (Lincolnshrie). Elle a été connue sous le nom de Chronique d'Ingulphe, d'après l'abbé Ingulphe, qui aurait  vécu au XIe siècle mais dont on ne sait rien ni même s’il a vraiment existé. Le contenu de cette chronique est pour une grande partie non fiable. Ce n’est d’ailleurs pas la seule chronique rédigée dans cette abbaye,  la plus puissante de l'Est de l'Angleterre,

Pour l'historienne contemporaine Alison Matthews,  les chroniques d’avant  1117 sont fausses,  mais  les trois « continuations » anonymes qui couvrent les périodes de 1144 à 1469, de 1459 à 1468 et de 1485 à 1486 peuvent être considérées comme fiables.

Certains historiens estiment que l’auteur des deux  périodes du XVème siècle ( 1459 > 1486), appelée la Deuxième Continuation, a été écrite  par  John Russell, évêque de Lincoln et chancelier de Richard III. D'autres pensent qu’elle  a été écrite par un moine de Croyland. Elle aurait été rédigée  en 1486 après la montée sur le trône en 1485 d’Henri VII qui ouvre la dynastie des Tudor après la mort la même année à de bataille de Bosworth de Richard III, le dernier des rois York et le dernier des Plantagenêt,

Le texte couvre surtout la période qui précède la  Guerre des Deux-Roses qui a duré de 1455 à 1485, opposant  les York (rose blanche)  et les Lancastre (rose rouge) alors que  le duc d’York Richard Plantagenêt commence à diriger  le royaume, le roi Henry VI  étant  en proie à des crises de folie. Les batailles de Richard III sont aussi évoquées, et  le règne d’Henry VII, dont Russell eut les faveurs, est abordée. L a chronique s’achève sur  le mariage d’ Élisabeth d’York, nièce de Richard III, avec Henry VII qui instaure la réconciliation entre les York et les Lancastre, la rose rouge des Lancastre étant créée à cette occasion pour faire pendant la rose blanche des York.


Écosse

Andrew Wyntoun

Andrew Wyntoun ou André de Wyntown, prieur de St Andrews, mort aux environs de 1420, donne une Chronique d’Écosse qui a l’originalité d’être pour la première fois écrite en prose et le mérite d’être la première histoire de l’Écosse.


Italie

Giacomo da Varazze 

Giacomo da Varazze du nom de sa ville natale, en français Jacques de Voragine (1225/30-1298), est l’auteur de La Légende Dorée, chronique célèbre qui retrace la vie de saints et martyrs. Frère dominicain, il vécut à Gênes et fit carrière au sein de l’ordre et de l’Église jusqu’à devenir Vicaire Général de la Province de Lombardie et archevêque de Gênes. Il écrivit aussi une histoire de Gênes.

Martino da Canale

Sans doute d’origine étrangère venu s’installer à Venise où il travaillera comme scribe aux douanes, Martino da Canale laisse Les Estoires de Venise ou Cronaca Veneziana in Lingua Francese dalle Origini el 1275 terrestre. Une histoire de Venise de ses origines au vivant de l’auteur, écrite entre 1267 et 1275 en un français (oïl) fortement teinté de franco-vénitien, qui est une forme d’intégration du français (médiéval) au dialecte local. Le français était avec le latin la langue culturelle de référence, utilisée et comprise du reste de l’Europe. Écrire en français permettait une plus vaste diffusion des œuvres. 

Guido dalle Colonne da Messine

Poète à la cour sicilienne de l’Empereur des Romains, Frédéric II (1194-1250), il écrivit au XIIIème siècle une histoire de Troie qui fut très appréciée dans les autres cours européennes.

Marco Polo

Une ancestrale voie commerciale partait de l’actuelle Turquie (d’Antioche) pour joindre la Chine en passant par l’Asie Centrale et l’Inde. Elle reste dans les mémoires sous le nom de la précieuse marchandise qui finira par lui donner un nom, la Route de la Soie. Marco Polo (1254-1324) avec son père et le frère de celui-ci, marchands vénitiens, vont l’emprunter d’un bout à l’autre dans le dernier quart du XIIIème siècle pour se mettre, arrivés à destination, au service du chef mongol Kubilaï Khan qui achève à cette époque sa conquête de la Chine. Marco restera dix sept ans dans cette partie extrême de l’Asie.

 Retour en Italie, emprisonné pendant la guerre contre Gènes, à la toute fin du siècle, il raconte ses souvenirs à son compagnon d’infortune, Rustichello, qui, écrivain de romans chevaleresques, les couchera sur papier en français-vénitien et lui donnera le titre de Le Devisement du Monde. Cartographes et explorateurs étaient très à l’écoute des témoignages que pouvaient leur apporter les marchands ayant parcourus des territoires lointains. Le livre de Marco eut son importance auprès d’explorateurs comme Vasco de Gama ou de Colomb qui l’annota, avant que lui même, il ne devienne au travers de ses propres aventures un personnage de fiction. (Voir aussi Introduction/ les Grands Voyages).


Wallonie

Jean de Mandeville

Le Livre des Merveilles du Monde est une géographie mêlant le fabuleux au véridique, due à la plume de l’explorateur Jean de Mandeville (1300?-1372), natif de Liège, prétendument chevalier anglais. Il voyagea en Afrique du Nord et aussi en Asie.

Le récit de Marco Polo sera plus connu sous le titre Le livres des Merveilles à partir du moment où vers 1410, pour Jean-sans-Peur alors Duc du Bourgogne, furent réunis diverses relations sur l’Orient dont  Le Devisement du Monde de Polo et Le Livre des Merveilles du Monde (1356). Le récit de Marco prit ensuite le titre de celui de Mandeville, les éditeurs ayant sans doute compris que ce titre, plus attrayant, convenait mieux au succès qu’obtenait le livre de Polo. Le Livre des Merveilles prendra à partir du XVIIème siècle le titre anodin de Voyages.


Espagne

Pedro Lopez de Alaya 

La vie riche et tourmentée de cet homme politique et militaire a traversé les règnes des rois Alfonso XI, Pierre le Cruel, Henry II, John I, Henri III et Jean II. Pedro Lopez de Alaya (1332-1407) s’engagera dans les conflits civils intérieurs de l’Espagne de son époque et extérieurs contre l’Angleterre le fils d’Édouard III, Édouard de Woodstock, preux combattant connu sous le nom du Prince Noir pour la couleur de son armure.

De Alaya sera fait prisonnier par les Anglais et plus tard par les Portugais (défaite d’Aljubarrota en 1395). Il jouira des faveurs royales pour services rendus et amassera une grande fortune.

Il est surtout connu pour ses Chroniques des Rois de Castilles commencées en 1396, et pour un hymne national resté populaire en Espagne. C’est lui qui a inauguré le genre littéraire du Portrait. Son œuvre poétique, en 8200 vers, Libro Rimado de Palacio (Rimes de Cour, 1378), une autre sorte de chronique des mœurs de la cour, est une des dernières œuvres à employer le vers de quatorze syllabes dans la métrique de la cuadema via propre à  la Mester de Clericia (voir Poésie Lyrique/ Espagne/ Poèmes de Clercs).    Le critique espagnol Marcelino Menéndez Palayo a dit de lui « qu’il était le premier homme moderne de l’Espagne ».



INDEX DES ÉCRIVAINS ET DES POÈTES


La Chanson de Geste                 

France 

Richard le Pèlerin début du XIIème siècle : La Chanson d’Antioche

Graindor de Douai fin du XIIème siècle : Le Chevalier au Cygne

          Matière de France :

La Geste du Roi

La Geste de Garin de Monglane ou de Guillaume-au Court-Nez 14e s.)

        Matière de Bretagne :

Le Cycle Arthurien

Allemagne

La Chanson des Nibelungen

Walther von Vogelweide (Gautier de la Pasture aux Oiseaux, 1170-1230) : Palästinalied (Chant de La Palestine)

Wolfram von Eschenbach †1220 : Parsifal

Hartmann von Aue † 1210 : Erec

Scandinavie

Saxo Grammaticus 1150-1220

Snorri Sturluson 1179-1241

Outre-Manche

XIIème S.   : Geste de Gauvain et le Chevalier Vert

                   : Le Mabinogion
                    : Le Beowulf

XIVème s.  : La Geste de Sir Gauvain et le Chevalier vert

Italie

Thomas de Saluces (Tommaso di Saluzzo) 1356-1416

Luigi Pulci 1432 – 1484 : Morgante Maggiore

Espagne

La Chanson Andalouse (à l’origine de la poésie courtoise)

XIIème s >XIIIème S.  El Cantor de Mio Cid


Le Roman   

Courtois ou de Chevalerie :

        Matière de Rome   :

XIIème s.  : Le Roman de Thèbes

                 : Le Roman d’Enéa

                 : Le Roman d’Alexandre ca. 1150

      Matière de Bretagne  :

XIIème S. :     Robert Wace 1100-1174 :  Le Roman de Brut

                                                                            : Le Roman de Rou                 

                                  Chrétien de Troyes 1135?–1190? :  Les Chevaliers de La Table Ronde

                               Béroul : Tristan et Iseult

          XIIIème S. :     Guillaume de Loris ca.1200- ca.1238

                                  Puis  Jean de Meung actif 1235-1280 :  Le Roman de La Rose 

         XIV-XVèmes S. : Jean d’Arras 1394

                                 Et Courdrette 1404 : Les Romans de Mélusine 

D’ Aventures et Chevaleresque: 

            D’Aventure :

            XIIème S.     :  Benoît de Sainte Maure : Le Roman de Troie ca.1170

                                 :  Floire et Blancheflor

                   :  Le Roman des Sept Sages XIIème siècle

                    : Jehan de Paris 1495

          Fin XIIème S. : Jean de Haute-Seille : Le Roman de Dolopathos, inspiré des Aventures de Sinbad
                                   et du Le Roman des Sept Sages XIIème siècle

            XIIIème S. :     La Châtelaine de Vergy

          Chevaleresque :

         Jehan le Maingre 1364-1421:  Livre des Faits du Bon Messire Jehan le Maingre 

        Anonyme : Le Livre des faits de Jacques de Lalaing 1421-1453

        Joanot Martorell 1412/13-1468 : Tiro le Blanc

        Anonyme : Curial e Güelfa, entre 1432 et 1456 (1462?1468?)

             Didactique :

            Raymond Lulle 1232-1316 : Blanquerne 1286.


Le Fabliau

        Jehan Bodel 1165-1210

                    Gautier le Leu 1ère moitié du 13 s.

             Fin XIIIème  s - début XIVème s. : Huon le Roi

                                                                    : Pierre Alphonse (Petrus Alphonsi) 1062-1140 : Disciplina Clericalis  
                                                               ( traduction et interprétation de contes persans
Les Mille et une Nuits et Sindbad le Marin (XIème s).)

La Fatrasie                                                          

                 Philippe de Rémi de Beaumanoir 1210-1265

La Satire                                                                                     

XIIème Siècle:    Le Roman de Renart  1174-1250 : Contributeurs du roman du goupil appelé Renart :   

                                                Pierre de Saint Cloud 1174

                                                Richard de Lison 1190

                                    Le Prêtre de la Croix en Brie 120 ( qui commençait toujours ses histoires par "un prêtre..." d'où son surnom)
                    auteur de la branche  IX : 
Renart et le Vilain Liétard     

               

La Danse Macabre             

France

 Pierre de Nesson 1383-144               

 Jehan Castel 1383-1476

 Martial d’Auvergne 1430/35-1508               

 Jean Mielot † 1472

 Pierre Michault † 1465

Itali

 Savonarole 1452-1498

Flandres

Josse van Clichtove 1472-1530 : De Doctrina Moriendi Opusculum necessaria ad Mortem Feliciter


La Poésie Courtoise

Écoles de Troubadours et Trouvères 1100 -1300 

Écoles de Troubadours d’Aquitaine

du Limousin :      Guillaume IX de Poitiers 1071-1126

                 Bernart de Ventadour 1125-1195

    Bertran de Born ca. 1140- ca1215

de Gascogne :    Marcabru 1110-1150 Ramόnd Jordan

                           Geoffroy Rudel

                Elias de Barjols (1191-1213) >Provence

de Saintonge :     Renaud de Pons

                Richard de Barbesieux

Écoles de Troubadours du Languedoc :

de Toulouse :       Peyre Vidal

                Guillaume Anelet

de Narbonne :      Guiraut Riquier 1254-1292

de Béziers :         Raymond Caucelm

Écoles de Troubadours de Provence :

                 Raimbaud de Vaqueiras 

                            Raoul de Gassin

                           Arnaud de Cotignac

               Ogiers de Saint Donat

d’Auvergne :     Peirols

                                       Guilhem Ademar

 de Rodez :         Aranaud de Moncuc

Écoles des Trouvères du Nord de la France :

                        Gautier de Coinci 1177/78-1233-36

                         Jehan Bretel d’Arras  1210-1272 qui forma

 Adam-de-la-Halle 1242-1287

 Rutebœuf 1230-1285

 Mahieu de Gant qui vécut à Arras

 Conon de Béthune,

 Thibaut de Champagne

                         auxquels on peut adjoindre Chrétien de Troyes 1130-1180/90

Écoles de Troubadours de la Péninsule Italique :        

                               École Provençale :  Albert de Maléspina actif 1180-1220

                                                              Sordello de Mantoue † 1266

       École d’Ombrie :   François d’Assise (Giovanni di Pietro Bernardone) 1182-1226

 Jacopo Benedetti da Todi 1230/36-1306

        École de Sicile (1ère moitié XIIIème s.) :                               

      Frédéric II de Hohenstaufen[] 1194-1250

      Ciullo d'Alcamo

       Pierre des Vignes

       Guido dalle Colonne da Messine

       Jacopo da Lentino

       École de Bologne :   Guide Guinicelli (2ème moitié 13ème s.)

                               École de Palerme :   Ruggierone da Palermo

       École de Arezzo :    Guittone d’Arezzo


La Poésie Lyrique & Morale

Franc

XIIème s. :      Marie de France  1154-1189

XIIIème s. :     Rutebeuf  1230-1285

XIVème s :     Guillaume de Machaut 1300-1377

                                    Christine de Pisan ou Pizan 1364-1430

XVème s. :      Charles d’Orléans 1391-1463 ou 1394-1465

                                    François de Montcorbier ( François Villon) 1431-1463

                                   Jean Molinet 1435-1507


Outre-Manche

Angleterre   :

XIIIème s. :    Jean de Garlande (Gerlandus ou Hortulanus)1190-ap.1252

                       Geoffrey de Vinsauf

XIVème s.     Robert (ou William) Langland actif 1360-1387

Écosse   : 

XIVème s. :      Babour 1316 /1335 ? - 1395

                         Geoffrey Chaucer ca.1343 – 1400   

XVème s. :       Robert Henryson actif après 1450

                        William Dunbar 1460-1530

                         Blind-Harry 2ème quart du 15ème s.

Espagne                                                                   

Poèmes de Clerc :

    Gonzalo de Berceo 1195-1264

Siècle d’Or Valencien

      Ausiàs March 1397 - 1459

                              Jordi de Sant Jordi 1er quart du 15ièle s.

                              Joan Roís de Corella 1433/43-1497

                              Juan del Fermoselle, del Encina 1468-1533


Le Chantefable

France 

                     Aucassin et Nicolette (fin du XIIIème s.)


La Chronique

France                         

XIIème s. :           Geoffroy de Villehardouin 1150-1218

XIIIème s. :           Jean de Joinville 1224-1317

 XIVème s :          Jean Froissart 1337–1410

Outre -Manche       

XIème s. ;           Comte de Gloucester 1090-1147

XIIème s. ;          Guillaume de Malmesbury 1090-1095 – ca .1143

                            Geoffroy Monmouth 1100-1155

XIVème s.          Andrew Wyntoun (ou André de Wyntown)

Scandinavie 

  Saxo Grammaticus 1150-1220

  Snorri Sturluson 1179-1241

Italie         

Martino da Canale    ca.1270

Marco Polo / Rustichello 1254-1324

Guido dalle Colonne da Messina

Espagne                                         

Rodrigo Jiménez de Rada 1170-1247

Pedro Lopez de Alaya 1332-1407


Les Écrits Mystiques

France            

Héloïse d'Argenteuil 1092-1164

Flandres                                

 Hadewijch d'Anvers † vers 1260

 L'Imitation selon Jésus-Christ vers 1375

Outre-Rhin : Hefta                     

Mechtilde de Magdeburg 1207?-1283

Angleterre                            

Margery Kempe 1273- après1346

Le Nuage d'Inconnaissance vers 1350


Le Théâtre

Le Drame Liturgique

France 

Jehan Bodel 1165-1210

Espagne 

                        Juan del Fermoselle, del Encina 1468-1533           

                        Fernando de Rojas 1475-1551

Les Mystères

XIIIème s. :     Gautier de Coinci 1177/78-1233-36

XIVème s. :     Confrères de la Passion

            Confréries des Enfants-sans-soucis,

La Farce                           

France

XVème S. :      La Farce de Maître Pathelin 1460

                                    Le Franc Archer de Bagnolet 1468

XVIème S. :   Maître Mitou : Le Franc Archer de Cherré (1521 Anjou)


Share by:
Retourner en haut