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La Littérature à La Renaissance


INTRODUCTION

 

En littérature, on peut dire que la Renaissance a déjà commencé dans la seconde moitié du XIVème siècle, quand Pétrarque s’inspire des poètes latins retrouvés, et que Boccace amène avec lui le lettré grec, natif de Constantinople, Léonce Pilate, d’abord de Naples à Venise où l’auteur du Décaméron répond à l’invitation de son ami Pétrarque, puis à Florence où il l’installe et lui fait obtenir une chaire à l’Université pour qu’il enseigne le grec. Le lettré constantinopolitain, en application de la méthode d’enseignement pratiquée à l’époque, lira les manuscrits venus de Grèce à haute voix. Il sera le premier traducteur en italien de Platon, d’Aristote, d’Homère.


Dans ce même mouvement de retour à l’antiquité qui se produit dans les arts et la philosophie, la littérature va s’imprégnait de ce même humanisme. Mais bien qu’une effervescence intellectuelle, de recherche, de questionnement, anime la découverte des textes grecs et latins retrouvés, il faudra laisser passer un demi-siècle de production littéraire autant abondante que médiocre, pour qu’apparaissent dans la seconde moitié du XVème siècle des poètes de talents et carrément le XVème siècle pour que le théâtre se renouvelle selon le modèle des comédies Plaute et Terence, et des tragédies de Sophocle et Euripide. Les aventures si elles peuvent faire appel tant soit peu au ‘Roman Grec’, la veine de la Chanson de Geste reste, même sous forme parodique à la façon de Rabelais et de Cervantès, encore bien d’actualité, tandis que le récit s’intériorise et se fait plus subjective. L’Essai, genre nouveau apparait avec Montaigne. Le format almanach se développe.


"L'humanisme littéraire à la différence de l'humanisme universitaire, forme un autre genre de communauté qui repose sur un autre type d'universalisme. L'éducation n'a pas pour but la recherche intellectuelle systématique d'une unique vérité, l'universalisme de la connaissance ne dépend pas de la profondeur du raisonnement. Le programme éducatif de l'humanisme littéraire propose le modèle de l'homme à la fois noble et vertueux. Il s'agit d'élaborer une culture au sens large, pas seulement intellectuelle, mais aussi corporelle. Être un 'litteratus' signifie alors 'être un homme complet'(uomo completo). C'est la langue, le discours, la parole qui sont l'instrument par lequel on parvient à cette plénitude. Ces humanistes ne veulent pas se consacrer à des études sur des sujets 'étroitement spécialisés'. (Stefan Swiezawski, Histoire de la Philosophie Européenne', Beauchesne Éditeur, 1990-page 137)


  LA POÉSIE

Introduction - Italie - France - Outre-Manche - Pays-Bas - Péninsule Ibérique

 

Introduction

Dans le domaine poétique, Cicéron (106-43) sera le phare de la poésie de la Renaissance. Son éloquence que l’on a pu qualifier d’emphatique, de redondante, sur abondante de figures de styles, à l’opposée de l’éloquence sobre et claire des orateurs de l’attique (Grèce Classique, Démosthène etc.) servira de modèle à des poètes tels que le vénitien Pietro Bembo (1470-1547) et à des philologues tels que Lorenzo Valla (1407-1457 voir V1/Humanisme), qui sont les deux plus imminents représentants en Italie du mouvement appelé Cicéronisme ; tandis que le traducteur et philologue Étienne Dolet (1509-1546) sera celui qui l’incarnera le mieux en France par ses traductions et interprétations du poète latin.

D’autres poètes anciens n’en seront pas moins des exemples à suivre tels : chez les Grecs, Solon, (640-558), père de la démocratie athénienne, auteur de L’Élégie aux Muses, Pindare (518-438), auteur des Odes qui initie le style de l’élégie héroïque dite pindarique, et Anacréon (550-464) dont les poèmes dits anacréontiques aux thèmes légers et gracieux, à la métrique particulière du dimètre iambique, qui est un doublement du iambe (une syllabe brève suivie d’une longue) ; chez les Latins, Virgile (70-19), auteur de l’épopée l’Énéide et du recueil d’églogues Les Bucoliques, Horace (65-8), poète de prédilection de Ronsard, auteur de satires, d’épodes (distique= couplet lyrique formé de deux vers inégaux), d’odes, et Ovide (43-18) auteur des incontournables Métamorphoses.

Le thème prédominant reste celui de l’amour qu’illustrent Pierre de Ronsard en ses sonnets, celle qui signe Louise Labé en ses élégies, Le Tasse, L’Arioste en leurs poèmes au prétexte épique. L’amour est sentimental, sublimé, ‘philosophique’. L’amour est cet état, cette force qui dépasse les limites et transcende les êtres, les perd parfois, les anime toujours. Aucun poète n’ignore Pétrarque qui lui-même n’a ignoré ni la poésie courtoise ni Virgile.


Italie     

L’on ne peut tracer un panorama de la littérature italienne de cette période sans aborder une question qui fut centrale pour ses poètes et écrivains, celle de la langue. Le Florentin était incontestablement la langue écrite dominante depuis Boccace et Pétrarque. S’agissait-il alors d’en reconnaître la prévalence ou tenter de créer une langue plus syncrétique prenant le meilleur des autres dialectes de la péninsule ou sinon leurs caractéristiques, ou bien d’élargir le florentin au toscan et en suivre son évolution ? Et Rome n’avait-elle pas son ….mot à dire, elle aussi foyer bouillonnant de la culture péninsulaire ? Dante joua un rôle posthume important dans cette vive polémique, servant de fléau à la balance ; les admirateurs pesant d’un côté, les non pas adversaires mais réticents de l’autre. Le foyer de la discorde sera alimenté par l’Accademia della Crusca, cénacle de linguistes et philologues, qui publiera dès son ouverture, en 1583, son Vocabulario, un ouvrage qui fera date. Loin d’apaiser les tensions, cet ouvrage les avive. Il faudra attendre, mais bien plus tard, au XIXème siècle, l’unification de la péninsule, pour que soit trouvé un consensus et que la langue italienne se stabilise.


Poètes Humanistes : Première Génération

Giovanni Pontano

Giovanni Pontano (1426-1503) est né à Cerreto di Spoleto, non loin de Spoleto (Ombrie). Avec sa mère, il dut quitter sa ville natale et se mettre sous la protection de Ferdinand 1er d’Aragon, roi de Naples, qui avait déclaré la guerre à Florence. A Naples, il fut remarqué par le riche humaniste Antonio Beccadelli qui le considéra comme son fils. En homme d’État, il assumera des fonctions importantes à la cour des rois Aragon du Royaume de Naples comme secrétaire de l’épouse du Duc Alphonse (futur Alphonse II), conseiller du roi de Naples Ferdinand 1er (Ferrante †1494), comme ambassadeur et enfin comme chancelier (Premier Ministre). En homme politique, il jouera un rôle important dans la conciliation entre le Duc de Ferrare, Hercule 1er (†1505) beau-fils Ferdinand 1er et la Sérénissime, de même qu’il réconciliera son roi avec le pape Innocent VIII. Alors qu’il avait soutenu pour la succession au trône de Ferrante, son fils d’Alphonse II, lorsque Charles VIII fit connaître ses vues sur le Royaume de Naples[1], il prendra parti ouvertement pour le roi de France. Charles VIII sera accueilli en vainqueur lors de son entrée à Naples en 1494. Déchu de ses fonctions, Pontano se retirera de la vie politique et refusera de reprendre la charge de Premier Ministre quand Louis XII, maître du Royaume, voudra lui confier.

Homme de lettres et savant, il fut le premier directeur et l’organisateur de l’Académie de Naples fondée en 1471sur ordre du Duc de Calabre, le futur Alphonse II. Après sa mort, elle portera son nom, Accademia Pontaniana. Il y eut pour élève Luigi Pulci.


« Il est considéré comme le premier poète de la renaissance qui ait su reproduire dans ses ouvrages l’élégance et la grâce des anciens poètes latin » (Wikipedia).

D’aucun, le mettent au même plan que Le Politien. Parmi ses œuvres, toutes en latin, outre son traité d’astronomie

De rebus coelestibus libri XIIII (Discussion surLe Livre Céleste), on lui doit notamment :

De bello napolitano, un ouvrage historique ; des traités de philosophie, De prudentia, De fortuna , De Principe (1490); des dialogues sur la morale et la religion, la philologie et la littérature dont Charon et Antonius (1491), Actius (1495/99) Aegidius (1501) ; des traités sur les vertus sociales De libéralitate, De beneficentia, De wonderfulia, De splendore et De conviventia (1493/94), De magnanimitate (vers 1499), De De fortuna et De immanitate (dernière version1501) ; un poème astrologique, Urania ; et de nombreux poèmes lyriques dont les plus importants sont Lepidina — charmant conte de caractère nettement napolitain relatant le mariage d'un dieu fluvial avec une nymphe — et un recueil intitulé De amore conjugali — série de poèmes vivants et personnels sur les joies et les peines de la vie familiale » ; Le grand traité avant sa mort en septembre 1503 est De sermone (1501/02) » (Encyclopédie Universalis et Matthias Roick, Encyclopedia of renaissance Philosophy, pg. 31)


Quelques points de repères de la pensée de Pontano :

« Valla [Lorenzo Valla, philologue] restera une éminence grise très ambiguë dans les écrits de Pontano. D'une part, il critique le style intellectuel militant de Valla et rejette sa refonte radicale de la philosophie aristotélicienne [mais adhère à sa méthode philologique]… Les dialogues ultérieurs, surtout Aegidius célèbrent le triomphe de la culture humaniste, en particulier la création d'une nouvelle «philosophie latine» qui allie sensibilité philologique et perspicacité philosophique. Le point de référence principal de Pontano est Aristote… De principe De oboedientia et De fortitudine montrent également l'influence d'auteurs médiévaux tels que Jean de Salisbury, Thomas d'Aquin et Giles de Rome[2] ».


Luigi Pulci

Luigi Pulci (1432-1484) est issu d’une noble famille florentine qui compte aussi parmi ses cinq enfants, Luca qui amena sa famille à la ruine et à la prison, mais qui, connu de son temps comme poète, écrivit entre 1464 et 1465, son œuvre majeure, un poème en quatre livres, Driadeo d'Amore, et entre 1466 et 1467, Pìstole di Penneo, d'Africo et Tibro, un recueil de lettres sur le thème de l'amour. Son poème de chevalerie, del Ciriffo Calvaneo, commandé par Laurent de Médicis,  sera achevé par son frère, Luigi.


Luigi entrera au service de Laurent Le Magnifique, de 16 ans plus jeune, et accomplira pour lui plusieurs missions diplomatiques.

Sans avoir reçu de formation humaniste et bien que fréquentant l’entourage humaniste de Laurent, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, sa poésie se situe en fait aux confins de la période moyenâgeuse. Il finira par s’écarter ou plutôt être rejeté par ce cénacle. Tombé en disgrâce, accusé de magie, il devra s’exiler hors de Florence. Dans les quinze dernières années de sa vie, il sera au service du condottiere Roberto Sansovino (San Severino †1487), neveu du plus grand des condottieri italiens, Francesco Sforza (†1466), premier duc de Milan et fondateur de la dynastie des Sforza dans le Milanais.

Son œuvre maîtresse est son épopée héroï-comique, Morgante inspirée de la geste de Charlemagne contre les musulmans d’Ibérie.

« L’aspect collectif, patriotique et religieux du Cycle de Charlemagne, l’aspect individuel, amoureux, merveilleux du cycle d’Arthur, se fondant progressivement, donnèrent le poème chevaleresque spécifiquement italien… Cette ‘matière’ introduite en Toscane et dans l’Italie Centrale par des jongleurs français et vénitiens au XIVème et XVème siècles est parfois reprise en prose, mais le plus souvent ces aventures sont racontées en vers : la laisse monorime[3] laisse place à l’octave. La première œuvre représentative est due à Pulci ». (Paul Arrighi, La Littérature Italienne Que sais-je ? 1956)

Morgante

« raconte l'histoire d'un géant sarrasin, Morgante, qui converti au christianisme, devient écuyer du paladin Roland (Orlando). Il suit ce dernier dans ses combats contre les "Infidèles" et dans ses multiples aventures en Orient puis en France, jusqu'au massacre de Roncevaux. Les personnages hauts en couleur ne sont pas sans rappeler ceux de Rabelais qui était un grand admirateur de Pulci. » (Wikipedia/L.Pulci).

« Auteur quelque peu oublié, Pulci est avec et avant Boiardo, le fondateur d'un genre littéraire qui devait connaître en Italie une fortune extraordinaire et aboutir, en passant par l'immortel Arioste dont le Roland Furieux connaît de nos jours une nouvelle jeunesse, à ce monument de grâce baroque qu'est La Jérusalem Délivrée du Tasse. Mais s'il reprend la matière des « chanteurs » du Moyen Âge, s'il est coulé dans le moule du poème de chevalerie, son Morgant le Géant pétille de l'esprit populaire de la Florence de son temps et, plus qu'au cycle carolingien, se rattache par la fantaisie, le mélange de fantastique et de réel à tout un courant bourgeois et réaliste de la première moitié de la renaissance annonçant Rabelais et le roman picaresque ». (Encyclopédie Universalis/Lui Pulci).


Matteo Maria Boiardo

Matteo Maria Boiardo (1440-1494), Comte de Scandiano, est surtout connu pour son poème épique, Orlando innamorato (1483). Après des études d’humanités (grec, latin) et langues orientales à Ferrare, il sortira docteur en philosophie et droit. Marié à Taddea Gonzaga, Comtesse de Scandiano où il est né (Émilie], avec les faveurs de Borso d’Este (†1471), premier duc de Ferrare, et de son fils Hercule 1er, il occupera toute sa vie la charge de gouverneur de Reggio, région de l’Émilie. 

Pour Orlando, composé pour le divertissement de la cour du deuxième duc de Ferrare, Hercule 1er d’Este (†1505), Boiardo a pris pour matière la geste carolingienne (Voir Tome 1/ la Chanson de Geste) mais la structure complexe est de sa propre invention, mêlant de façon presque inextricable le récit d’Orlando en quête de la belle Angelica avec celui de son soutien au père d'Angelica, roi de Cathay, assiégé dans sa ville Alabracca par les Tartares, et celui du son combat de l'armée de Charlemagne contre le siège de Paris par les Maures. 

Commencé en 1478 et resté inachevé, le poème aura était composé hors de Ferrare dans le château de Scandiano où il est né, où ont été hébergé Pétrarque, Calvin et le pape de la Contre-Réforme, Paul III. Les environs comme les habitants lui serviront de modèles pour son récit.


Laurent de Médicis

Laurent de Médicis dit Le Magnifique (1448-1492) commence à gouverner Florence[4]  en 1469 à la suite de la mort de son père Pierre le Goutteux, qui lui-même avait succédé à son père, Cosme l’Ancien, fondateur de la dynastie tout autant que fondateur en 1459 de l’Académie  Platonicienne sur le modèle de l’Académie d’Athènes. Fin diplomate mais aussi mécène, on lui doit pour bonne part l’effervescence artistique et littéraire de la Florence de la Première Renaissance.

Magnifique non parce qu’exceptionnellement beau, mais parce que généreux, faisant montre en tant que mécène de magnificence, Laurent, homme énergique, charismatique mènera la puissance des Médicis à son apogée, même si ses descendants furent ducs et papes. C’est son grand-père, Cosme L’Ancien, qui lui fait donner une éducation complète : Latin, grec, sciences naturelles, mathématiques, poésie, art, littérature et philosophie, et l’initie autant aux affaires de la banque qu’aux affaires politiques. Il sera au cœur de la vie intellectuelle de la péninsule dans toute la seconde moitié du siècle, soutenant les humanistes tels Marsile Ficin et Pic de la Mirandole, passant commandes aux artistes, agrandissant la bibliothèque fondée par son grand-père d’anciens manuscrits grecs.


Atteint de la maladie héréditaire des Médicis, la goutte, En 1492, à la Villa Carregi siège de l’académie, Laurent meurt dans les bras de Savonarole qu’il a fait demandé, d’un ulcère qui a dégénéré en gangrène. La date de sa mort, l’année où Christophe Colomb découvre l’Amérique, est considérée comme marquant la fin de la première phase de la Renaissance Humaniste, et la fin de la Première Renaissance dans le domaine des arts.

Son fils Pierre fut loin d’avoir sa carrure et les Florentins sous l’impulsion de Savonarole (†1498) recouvrirent leur autonomie en créant une république. Ce qui n’était pas chose rare, ducs, seigneurs, marquis, parfois à l’origine condottieres comme le duc de Milan, Francesco Sforza (†1466), mourant sans descendance, le peuple retrouvait son régime républicain d’origine (C. Montella, Les Grands Mercenaires de la Renaissance, Édit. Les Deux Coqs 1966).

Le Lorenzo poète est l’auteur de cansons d’inspiration courtoise. A son époque, se produit une résurgence de la tradition chevaleresque fortement appréciée du public. Vogue qui se prolongera jusqu’à la génération du Tasse (1474-1553). Ses premières œuvres sont néanmoins

« dans le style comico-réaliste, parodique et caricatural à l'imitation de Luigi Pulci: L'uccellagione di Starne, description d'une partie de chasse, le Simposio, caricature des Florentins avinés, la nouvelle Giacopo qui reprend le motif de la beffa[5] cher à Boccace, ou encore le poème rustique La Nencia di Barberino (1470). Dans la même veine il écrivit également des poèmes aux accents populaires et parfois licencieux : les Canzoni a ballo et les Canti carnascialeschi (destinés à être chanté pendant le carnaval) dont on ignore les dates de composition ». (https://www.jesuismort.com/tombe/laurent-de-medicis#biographie et https://www.babelio.com/auteur/Laurent- de-Medicis/  180793)


« Après l'affirmation de sa domination politique, ses œuvres deviennent plus sérieuses : l'Altercazione (1474) dialogue philosophique en vers où l'on retrouve l'influence néoplatonicienne de Marsile Ficin, le Comento ad alcuni sonetti d'amore dans lequel on retrouve l'empreinte de Dante, ou encore un Canzoniere (1465-1484) qui s'inscrit dans la lignée du courant Stil Noviste. Viennent enfin les poèmes d'inspiration classique comme l'Ambra, l'Apollo e Pan ou le Corinto. À la fin de sa vie, il composera même une pièce de théâtre religieuse : la Rapp » (https://www.babelio.com/auteur/
Laurent-de-Medicis/180793).


Ange Politien

Angiolo Ambrogini (1454-1494) est né à Montepul ciano (Abruzze).  « La forme latine de son nom est Angelus Politianus : il l'avait choisi d'après le toponyme romain de sa ville d'origine, Mons Politianus, » (Babelio), francisé en Politien. Latinisé leur nom n’était pas chose rare chez les Humanistes.

« Élève, pour le latin de Landino, pour le grec d'Andronicos de Thessalonique et de Callistos, pour la philosophie de Marsile Fici et d'Argyropoulos [voir Renaissance/Humanisme], il était, dès l'âge de quinze ans, célèbre par son érudition et son talent poétique. Vivement recommandé à Pierre de Médicis, celui-ci le donna pour compagnon d'études à son fils Laurent qui lui confia dans la suite l'éducation de ses fils Pierre [ dit le Goutteux qui succéda à Laurent] et Jean (le futur Léon X) » (Cosmovisions).

Dès l’âge de 14 (16 ans ?), il commence une traduction de l’Iliade. En 1480, il enseigne le grec après s’être démis pour dissension avec la mère des enfants, de ses fonctions de précepteur. Il traduit des auteurs grecs. Ses interprétations de manuscrits anciens à la recherche desquels il était toujours, en font le successeur de Laurent Valla (1407–1457, voir V1/Humanisme)

 Lecteur de Pindare, ce poète humaniste contribua à l’essor de la poésie italienne. Il composa ballades et airs à danser avec beaucoup de raffinement, notamment, en langue vernaculaire, la Favola d’Orfeo (voir Théâtre /Italie). Première tentative d’accorder la musique au drame, c’est une pastorale qui pose ainsi les premiers jalons d'un genre nouveau, l’opéra, et ce, bien avant la Favola in Musica, Daphné (1598) de Jacopo Peri (1561-1633), l’Orfeo (1602) de Giulio Caccini (1551-1618)et la Favola Pastorale Orfeo (1607) de Monteverdi (1567-1643). (voir Musique/ XVIème siècle/Seconde Pratique en Italie)

Ses Stanze, également en florentin, constituent « un petit poème composé pour perpétuer le souvenir d'une joute où s'était distingué Julien de Médicis ».


Poètes Humanistes Deuxième Génération

Pietro Bembo

Pietro Bembo (1470-1547), aristocrate vénitien, voyagea dans sa jeunesse en Italie accompagnant dans ses missions diplomatiques un père sénateur soucieux de l’élever dans la connaissance des humanités et des lettres. Il se trouva ainsi à Messine en 1492 où il suivit les cours du fameux helléniste Constantin Lascaris (1434-1501voir Vol 1/Humanisme). Il étudie ensuite à la célèbre université de Padoue, avant de suivre de 1497 à 1501 son père à Ferrare où il rencontre L’Arioste. C’est à cette époque qu’il écrit son premier ouvrage les Asolani publié en 1505

Ces trois livres des Asolani sont censés reprendre des conversations, qui auraient été tenues à la Villa Asolo où résidait la reine de Chypre, Catharina Cornaro. Au-delà du sujet, des dialogues sur l’amour auxquels se mêlent des considérations sur le savoir-vivre du courtisan, Bembo, dès son premier écrit, confronte les possibilités d’une langue ancienne, le latin, qui a donné tout son éclat grâce à Cicéron, avec une langue encore par trop grossière, l’italien. Il sera l’auteur de la première grammaire en italien (florentin puis toscan).


De 1506 à 1512 il vit à Urbino, où il a commencé à écrire une de ses œuvres majeures, Prose du langage vulgaire ; publié en 1525. II se rend ensuite à Rome où il est secrétaire de Léon X (†1521, second fils de Laurent le Magnifique). Il reste au service de son successeur Clément VII (arrière petit-fils de Laurent). Bembo reçoit la consécration ecclésiastique du pape Paul III en 1539.

De 1541 à 1544, il est administrateur de Gubbio, ville restée célèbre pour la légende du Loup de Gubbio, qui dévorant hommes et bêtes fut apprivoisé par St François (Les Foiretti). Il meurt à Rome à l’âge de 67 ans.


Pour cardinal qu’il fut, mais qu’à l’âge de 65 ans, Bembo n’en a pas moins été (l’un des) amants de Lucrèce Borgia (1480-1519), l’épouse du Duc de Ferrare, Alphonse 1er d’Este ; ou du moins fut-elle une de ses accompagnatrices au luth lors de ses lectures de ses poèmes. Cette belle à la réputation de légèreté surfaite porta un indéniable soutient aux artistes, poètes et musiciens (voir Musique/ la polyphonie Vénitienne/ Adriaan Willaert).

Ami des peintres et poètes célèbres, Giorgione, Raphaël, les Bellini, L’Arioste, Castiglione, amateur des antiquités autant que des belles femmes[6], ce courtisan lettré reste surtout dans l’histoire littéraire pour son esprit humaniste. Il aura laissé aux générations futures les basses de l’italien littéraire avec son ouvrage Les Proses de la Langue Vulgaire (1525). Ses référents sont bien évidemment Dante, Boccace et Pétrarque, mais également sa profonde connaissance de la rhétorique latine et des auteurs latins, notamment Cicéron, qu’il prend pour modèles dans sa prose. Par sa versification en langue vulgaire, il a voulu donner à celle-ci toutes les qualités formelles, stylistiques de son aînée. Ses Lettres et ses Rimes seront publiées après sa mort en 1551. Il correspondait avec Érasme.


L’Arioste

Ludovico Ariosto (L’Arioste, 1474-1533), est issu d’une famille rurale qui s’établit à Bologne au début du XIV (Ency. Universalis) avant de s’installer dans l’Émilie, à Reggio[7]. Il reçoit une bonne éducation mais regrettera toujours de ne pas avoir appris le grec. En 1503, il entre au service du fils d’Alphonse 1er d’Este et de Lucrèce Borgia, le cardinal Hippolyte 1er d’Este ( ne pas confondre avec son neveu le cardinal Hyppolite II), qui lui confie plusieurs missions diplomatiques. Mais en 1517, il refuse de suivre le cardinal en Hongrie. Un temps secrétaire de Léon X, il entre au service du frère du cardinal, le duc Alphonse 1er qui avait succédé à son père Ercole 1er en 1505. Le nouveau duc lui confiera la gouvernance en 1522, de la région de Garfagnana (Province de Lucques, N.O. Toscane) livrée aux brigands.


 Par le duc, il rencontrera à Modène, Charles Quint venu en la ville pour célébrer la nouvelle alliance avec l’Espagne au détriment de la France. Il organisera les fêtes à la cour de Ferrare. Il sera un familier de la sœur du duc, celle que l’on a appelé ‘La Première Dame de la Renaissance’, Isabelle d’Este (1474-1539)[8] pour son mécénat et pour son rôle politique comme régente du Duché de Mantoue quand son époux, le Duc François II Gonzague, grand condottiere, partait combattre au cours des deux premières Guerres d’Italie pour le compte de la République de Venise. Les Sforza, Este et Gonzague pour ducs qu’ils étaient n’en étaient pas moins souvent condottieri.

Auteur de satires et de comédies, L’Arioste est avant tout l’auteur de l’Orlando Furioso (1532). « Mais connaît-on aussi bien Ludovico Ariosto [comme] l'un des plus attachants de l'époque par sa bonhomie, sa sincérité, ses revendications d'écrivain tranquille voué à la morgue et à l'incompréhension de prétendus « protecteurs » ?


Héritier de Plaute et de Térence dans ses comédies, héritier d'Horace[9] dans ses Satires, L'Arioste est aussi curieusement en avance sur son temps » (Ency. Universalis )

Parmi ses œuvres, on peut citer : Poésies latines (1494-1503), des Rime en italien (1494-1516), les Satires (1517-1525), plusieurs comédies dont il s’occupait lui-même de la mise en scène et des décors. « La Cassaria en prose (1508) - elle sera versifiée en 1531 - est la première en date des comédies italiennes de la Renaissance. Lui font suite I Suppositi (1509), Il Negromante (1520), La Lena (1529), I Studenti (inachevée) ». (Ency Universalis)


Orlando Furioso

Le Roland Furieux, une des œuvres les plus célèbres de la

Renaissance a fait entrer son auteur dans la postérité. L’Arioste en publia d’abord 40 chants en 1516, puis en 1532 une seconde édition augmentée de six chants. Il y travaillera en fait jusqu’à sa mort.

Le poème est une « subtile parodie du poème chevaleresque, qui se présente comme une suite au "Roland amoureux" de Matteo Maria Boiardo, son prédécesseur » (Babélio). La matière en est extraite cycle carolingien, particulièrement le récit de Roland mais où l’on retrouve aussi Merlin de la matière de Bretagne (voir TI/ La Chanson de Geste).

Le choix de ce genre s’explique d’autant plus aisément que les duchés de Ferrare et de Modène, région d’où est natif le poète et où il fit ses études, est une région où depuis le Haut Moyen-âge la geste a fait florès. Ce chant se veut la suite du Roland Amoureux (Orlando Innamorato) écrit un siècle auparavant par Matteo Marie Boiardo. C’est une œuvre profuse, sinon confuse, du moins embrouillée. Riche en personnages en situations et en lieux. Il y a Roland, fou d’amour pour l’exotique et incontrôlable Angélique qui ne l’aime pas. A contrario, il y a Roger, le Sarazin, et la chrétienne Bradamante, amoureux l’un de l’autre. Il y a le camp de Charlemagne et le camp d‘Agramant[10], chef des Sarazins; Renaud qui va sur la lune et en revient et les Sarazins qui assiègent Paris etc. etc. etc. Mélange du fabuleux breton et de la geste chrétienne (en l’occurrence le cycle carolingien).

Le Roland Furieux fut et reste une source d’inspiration inépuisable pour les metteurs en scène de théâtre, les écrivains, les compositeurs. Antonio Vivaldi en tira un célèbre opéra héroïco-magique, en trois actes, créé à Venise en 1727 sur un livret du poète ferrarais Grazio Braccioli, Orlando finto pazzo (Orlando le Faux Fou, 1714).


Poètes Humanistes -Troisième Génération

La Poésie Pastorale

 Jacopo Sannazao (1457-1630) Voir Nouveaux Genres/ Le Genre Pastoral et

Giovanni Battista Guarini (1538-1612)


Le Tasse

Torquato Tasso dit Le Tasse (1544-1595) est le fils d’un courtier au service du Duc de Salernes au sud de Naples, capitale de la Campanie. Orphelin de mère à douze ans, il retrouve son père à la cour d’Urbino (Les Marches, Italie Centrale) où il a pour compagnon d’éducation le fils du duc. Alors qu’il n’a que 18 ans et qu’il a abandonné d’arides études de droit entamées à la célèbre université de Padoue,  il écrit en 1562 Rinaldo (le Renaud qui réapparaitra dans la Jérusalem). C’est un préambule, une préfiguration de son chef-d’œuvre. Il est alors remarqué par le duc de Ferrare, Alphonse II d’Este, qui le fait venir à sa cour. En 1571, il fait parti de la suite du cardinal frère du duc, Hyppolyte 1er d’Este (†1572) qui rend visite au roi de France Charles IX. A la mort du cardinal, il entre au service de son neveu, le Duc Alphonse II. Il éprouvera une réelle affection pour Lucrèce (†1598), la sœur du duc, et Éléonore, leur tante (†1575), qui le prirent sous leur protection. En 1573, son drame pastoral Aminte obtient un vif succès.


Le Tasse va perdre peu à peu la raison et commencer une vie itinérante de villes en villes. En proie à la persécution paranoïaque, sujet à de violentes colères, maniaco-dépressif, en 1579, il est enfermé sur ordre du duc dans l’hospice des aliénés de  Saint-Anne d’où il ne sortira que sept ans plus tard (Wikipedia/ Giuseppe Gallavresi, Catholic Encyclopaedia). Il poursuit alors une vie errante et misérable bien que sollicité par toutes les cours d’Italie. Honoré, fêté partout où il est accueilli, il n’en jette pas moins le trouble dans son entourage par son comportement outrancier. Alors que le pape l’invite à Rome pour lui poser sur la tête la couronne de laurier, il se rend de lui-même au couvent Sant' Onofrio, pour y mourir.

Amyntas

Sa Pastorale, Amyntas devance de près de dix ans le plus célèbre des poèmes pastoraux, le Pastor fido (1590) de Giovanni Baptista Guarini (1536-1612). Amyntas, petit-fils de Pan, est amoureux de la nymphe Sylvia qui repousse ses avances. Il ne la défend pas moins des assauts d’un satyre. Apprenant la mort de sa bien-aimée, il se jette du haut d’un rocher. Sylvia qui l’apprend court à sa recherche et le trouve parmi des bergers qui l’ont ramené sain et sauf du buisson qui lui a sauvé la vie. Les deux amants partagent un mutuel amour.

Le succès d’Aminte,

« vient surtout de l'extrême élégance du style, de la variété destours et des images, et de cette coupe facile et harmonieuse de vers inégaux, que le Tasse emprunta à la tragédie de Canace, par Sperone Speroni. Il faut y joindre la grâce infinie, la suavité tout italienne, avec laquelle le Tasse, âgé de 29 ans, amoureux lui-même (car il s'est peint dans sa pièce sous le nom de Tircis), analyse et commente l'amour».(http://www.cosmovisions.com/ textAminte.htm)


La Jérusalem Délivrée

Le Tasse est l’auteur d’un des poèmes les plus célèbres de la poésie européenne, La Jérusalem Délivrée (1575/81). Poème dans lequel il raconte la première croisade, le combat des croisés contre les infidèles. L’intérêt de cette oeuvre tient au juste mélange des styles: à l’épique, Le Tasse sait associer l’amoureux. L’épopée, on l’a doit au chevalier Godefroy de Bouillon qui menant la première croisade entre 1096 et 1099 délivre Jérusalem. L’amour, c’est celui du  chevalier Renaud (Rinaldo) qui, tombé sous le charme de la magicienne musulmane Armide, devient lascif et oubli sa quête. (On pense à Ulysse et Circé). L’argument rejoint celui de l’Orlando Furioso de l’Arioste : l’Infidèle a remplacé le Sarazin, et Armide s’est substituée à Angélique. Renaud reste Renaud. L’épopée est un support à l’expression de la fervente foi chrétienne du poète, le poème amoureux est le support à l’expression d’une subtile psychologie des sentiments, à des effusions romantiques avant l’heure. A cela s’ajoute, la couleur locale de l’Orient, le goût de l’exotisme.

« La Jérusalem délivrée est un modèle parfait de composition. C'est là qu'on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre : l'art avec lequel le Tasse vous transporte d'une bataille à une scène d'amour, d'une scène d'amour à un conseil, d'une procession à un palais magique, d'un palais magique à un camp, d'un assaut à la grotte d'un solitaire, du tumulte d'une cité assiégée à la cabane d'un pasteur, cet art est admirable ». (Chateaubriand).

Sa Jérusalem Conquise qu’il écrit en 1593 se veut la suite de son œuvre maîtresse, mais  elle est d’une qualité très inférieure.


Trissino

Giangiorgio Trissino (1478-1550), né à Vicence d’une famille de haute noblesse, a été surnommé le poète de l’empereur pour lui avoir dédié son poème L’Italia liberata dai Goti (1547-1548) et auprès de qui il chercha asile suite à un drame familial.

Son poème est considéré par certains comme la première œuvre épique d’un genre nouveau qui annoncerait La Jérusalem Délivrée (1581) du Tasse ou encore Les Luisiades de Camoës (1556, publiées en 1572) mais le Roland Furieux de l’Arioste a été achevé en 1532.

Il est également l’auteur d’une Sophonisbe (Sofonisba, vers 1515) imitée des tragédies grecques et considérée comme la première tragédie classique italienne. Sofonisba fut une reine numide du IIIème siècle qui choisit la mort plutôt que d’être ramenée captive à Rome par Scipion l’Africain.

Trissino fut pour l’architecte vénitien Andrea Palladio (1508-1580) un ami, un guide, un mécène tout à la fois.


Gabriello Chiabrera

Gabriello Chiabrera (1552-1638), qui est né à Savone, non loin de Gênes, y passa sa vie à part un séjour à Rome auprès d’un cardinal. Il apprend sans grande conviction la philosophie dans un collège jésuite. Les postes administratifs qu’il occupe ensuite lui donne les moyens et le temps de se consacrer à une production littéraire prolifique et variée : églogues, épopées, épitaphes, satires et même tragédies. Ses innovations poétiques portent sur la métrique, des inventions de mots, des inversions syntaxiques et une nouvelle manière de déclamer.

Il donne dans le poème héroïque dans l’esprit du poète grec Pindare (-518- -438), non sans pédanterie toute fois et sur un ton souvent mélodramatique car selon l’écrivain et critique Francesco de Sanctis (1817-1886) « il embouchait avec autant de facilité la trompette épique que la flûte de Pan ». Ses Canzonettas (1586-88), poèmes gracieux écrits pour être mis en musique, restent le meilleur de sa production. Elles pourraient avoir été influencées par les poètes de la Pléiade (Encyclopædia Britannica). « En raison du succès des expériences de Chiabrera, son travail a été imité par les poètes italiens du XVIIIe siècle et a été admiré par les poètes romantiques du XIXe. » (idem)

L’antimariniste

Par son style héroïque, on a pu écrire que Chiabrera faisait figure de poète antimariniste. Mais ses innovations peuvent en faire le rival Marino Marini dans une poésie qui tourne le dos au moins dans sa poétique au classicisme renaissant. Par contre si l’essentiel de son œuvre, poèmes lyriques et héroïques, paraît avant la fin du siècle- seule de ses œuvres importantes sa tragédie Erminia est écrite en  1622- celle de son contemporain Marini, connu en France où il arrive en 1615, sous le nom du Cavalier Marin, sera publiée après : Les premiers poèmes publiés du Cavalier, Rime, sont édités en 1602; ses poèmes idylliques et sensuels sur des thèmes mythologiques et pastoraux, réunis sous le titre de La Sampogna (Le Sphynx) sont écrits en1596 et ne sont publiés que seulement en 1620. Date de 1623 son chef-d’œuvre, l’Adone qui, représentatif de la littérature baroque italienne par son style dit affectif, précieux, ampoulé, donnera naissance au marinisme (Voir Âge Classique/Poésie/ Italie).


Le Cavalier Marin

Giambattista Marino (ou Marini, 1569-1625) 1625), né et mort à Naples, trouva à Rome la protection du Cardinal Pietro Aldobrandini qu’il suivit un temps à Turin. Appelé par Catherine de Médicis, il arrive en France en 1615. Il se fait connaître et reconnaitre sous le sous le nom du Cavalier ou Chevalier Marin. Louis XIII lui accorde une pension de 2000 écus soit 60000 livres et 356 319,35 euros (https://convertisseur-monnaie ancienne.fr/?Y=1601&E =2000&L =0&S= 0&D=0).

Marino est resté célèbre pour son style affecté, précieux, caractérisé par des jeux de mots compliqués et des métaphores élaborées qu’il poussait à des extrêmes tels que le marinisme devint un terme péjoratif. On peut faire le parallèle avec le gongorisme du poète espagnol Luis de Góngora (1561-1627) (Voir Tome III/ Littérature XVIIème siècle/ Poésie/Italie et Espagne)


France 

Introduction

Le XVIème siècle français est brillant, raffiné, certes, mais brutal aussi. La noblesse vit dans le confort des châteaux nouvellement rénovés ou construits mais ne s’entre-trucide pas point. C’est La Journée des Dupes, l’Affaire des Placards, les Guerres de Religions avec son massacre de La Saint Barthélemy. La bourgeoisie prend son essor. Nombre d’écrivains et poètes en sont issus.


Foyers et Formes

Trois grands foyers de la littérature en ce siècle français où le pouvoir royal tend à devenir monarchique : Paris avec les poètes de La Pléiade, principalement Ronsard, du Bellay et du Baïf ; Lyon avec son imprimerie et l’École Lyonnaise (Maurice Scève, Louise Labé, Pernette de Guillet et Marot, de passage) ; Nérac et la cour de Navarre (Marguerite, Marot, d’Aubigné, du Bartas).

La littérature s’exprime sous deux formes traditionnelles, la poésie avec entre autres les poètes de La Pléiade, et le roman et le récit sous formes diverses, au mieux représenté par Rabelais. D’autre part, un troisième et nouveau genre, l’essai, avec pour illustre figure son initiateur Michel de Montaigne, fait son apparition. Sans oublier la chronique qui trouve un nouvel élan en la personne de Philippe de la Clyte, sire de Commines (1447-1511).


La Langue Française

D’un point de vue historique, les lettres tiennent une place importante parce que les poètes, romanciers, chroniqueurs décident de transcrire leur inspiration en moyen français. L’un d’eux, Joachim du Bellay, écrira d’ailleurs en 1549, La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse. Pourquoi ?

Entre 1530 et 1540, apparaissent le premier dictionnaire et le premier traité de grammaire et d’orthographe de langue française. En 1539, l’Ordonnance de Villers-Cotterêts institue officiellement la langue française comme langue du droit et de l’administration. Le latin vulgaire n’étant quasiment plus parlé, le royaume se dote alors d’une langue officielle, unificatrice, qui met de côté tous les dialectes et parlers pour ce qui est du rapport des sujets  entre eux et des sujets avec le Roi. Tout un chacun doit pouvoir comprendre l’autre et en être entendu. Cette ordonnance est édictée par François 1er, défenseur lui-même des arts, des lettres et des sciences. En 1530, à l’instigation du grand humaniste et traducteur Guillaume Budé, son bibliothécaire et de l’entourage humaniste de celui-ci, il a fondé initialement le Collège des Lecteurs Royaux qui deviendra le Collège France, sorte d’université libre où tout un chacun peut venir librement recevoir un enseignement de haut niveau sur les arts, les lettres, les sciences et indépendamment de…l’Université de Paris qui n’apprécie pas du tout ce rival qui lui retire le monopole du savoir.


Pour Joachim du Bellay et pour six autres poètes, Pierre Ronsard, Antoine Baïf, Pontus de Tyard, Étienne Jodelle (voir Théâtre), Jacques Peletier, Rémy Belleau, qui ont fondé en 1553, le mouvement ou l’école de La Pléiade, cette langue française non seulement doit pouvoir être parlée et écrite et lue par tous mais encore doit-elle par l’excellence de sa finesse, de sa subtilité, de sa richesse de vocabulaire exprimer au mieux tout ce qu’un poète, un écrivain doit vouloir exprimer. Et le moyen français tel qu’il est alors pratiqué est encore une langue trop rustre.

Joachim du Bellay (1522?-1560), Pierre Ronsard (1524?-1585) et Antoine du Baïf (1532-1589) vont poursuivre leur recherche sur la langue mais non plus tant du point de vue linguistique que phonique et métrique. En 1571, à l’instar de la Camerata Fiorentina (voir Musique), du Baïf fonde l’Académie de Poésie et de Musique de Paris avec un programme culturel et politique très ambitieux qui ne visait pas moins que « l’invention de l’œuvre d’art total … ». (G. Durosoir). Toute la dialectique entre parole et musique- parler, chanter, scander- la métrique et la mesure - est étudiée. Poésie et musique ont partie liée au point qu’en supplément à son recueil Les Amours de Cassandre, Ronsard ajoutera un Supplément Musical, six compositions permettant de chanter les sonnets du recueil.


Les Grands Rhétoriqueurs

Le Plaisir des Mots

« Le nom de grands rhétoriqueurs a été donné, au xixe siècle, par les historiens de la littérature, à un groupe de poètes qui firent carrière auprès des ducs de Bourgogne, de Bretagne, de Bourbon et auprès des rois de France entre 1450-1460 et 1520-1530 environ. » (Encyclopédie Universalis)

 « Nom que se donnaient, à la fin du xve et au début du xvie s., les poètes des cours de France, de Bourgogne, de Bretagne et de Flandre. » (Encyclopédie Larousse)

Issus de la bourgeoise et de la petite noblesse, les Grands Rhétoriqueurs furent au service des rois et ducs pour lesquels ils proclamaient des louanges ou se faisaient les propagandistes de leur politique ou encore leur chroniqueur.

Leur poésie relève d’une même poétique qu’ils pratiquent au long d’une période allant de la fin du Moyen-âge (1460) jusqu’à l’époque baroque avec les poètes du Siècle d’Or Hollandais, en passant par la Renaissance. De manière générale, leur style éloquent porte à l’emphase. Ils usent de l’allégorie à des fins morales. Ils peaufinent, triturent la langue. Ils utilisent le vers en véritables artisans comme si la langue était la cause et la fin de leur poétique : choix précis du vocabulaire, jeu des sonorités, jeu avec les mots et jeu de mots.


  • À la Cour de Bourgogne, s’illustrent Georges Chastellain (ca.1404/05?-1475) et Jean Lemaire de Belges (1473-1515?).
  • À la Cour de France, s’illustrent Guillaume Crétin (vers 1460-1525), Jean Molinet (1435-1507), Pierre Gringore (1475-1539), Jean Marot (vers 1450-1526), père de Clément Marot, André de La Vigne (vers 1470-après 1515), Jean Bouchet (1476-1557), Michel d'Amboise (1504-1550);
  • Aux Pays-Bas, les poètes qui peuvent représenter l’école de rhétoriqueurs sont Roemer Pieterszoon Visscher (1547-1620) auquel on rattache à une date plus avancée les poètes Pieter Corneliszoon Hooft (1581-1647), Gerbrand A. Bredero (1585-1618) et Joost van den Vondel (1587-1679) appartenant à la « Vielle Chambre » de rhétorique, la plus connue, L’Églantier à Amsterdam.Mais les Chambres de Rhétoriques des Pays-Bas n’avaient pas les mêmes objectifs, plus larges et plus sociaux (Voir Poésie/Pays-Bas).


« Le vers, ses nombres, ses coupes et ses rimes, ses assemblages en strophes et formes, est pour les Rhétoriqueurs l’objet de tous les soins. L’art de la poésie est pour eux le plus grand des arts, et l’essence de la poésie réside dans le vers. Être poète, c’est être artisan, fabricant de vers, “facteur”. » (Jacques Roubaud, Impressions de France, Hatier 1991).

Cette poésie formelle tomba dans le plus total discrédit quand les jeunes poètes de la Renaissance commencèrent à s’illustrer et à prôner une poésie de l’amour, plus vivante bien que toute aussi soucieuse de métrique et de versification. Tombée en désuétude, elle le resta définitivement et ne sera jamais plus lue et étudiée que par la critique et les universitaires.

Tous se revendiquaient d’Alain Chartier.


Alain Chartier

Alain Chartier (1385/90-1430/40), diplomate et poète fut très admiré de son temps pour son éloquence et le ton oratoire qu’il intégra dans ses poèmes. Ses œuvres les plus connues sont Le Livre des Quatre Dames (1416) écrit après la désastreuse défaite d’Azincourt (1415) qui vit une véritable hécatombe dans la lourde chevalerie française sous les flèches des légers archers français, embourbée qui plus est qu’elle était ; et Le Quadrilogue Invectif (1422), invective allégorique par lequel le poète proclame l’union sacrée au travers d’un dialogue entre les trois ordres et la France représentée sous les traits d’une femme. Nous sommes en pleine Guerre de Cent Ans et en pleine Guerre des Armagnacs et des Bourguignons et de plus, c’est ouvert l’année précédente la question de la succession au trône de France. Charles VI, roi de France et Henri V, roi d’Angleterre sont morts à quelques mois d’intervalles. Or selon la volonté de Charles VI, le Traité de Troyes donnait la succession au roi anglais. En France, Charles VII dit le Roi Sans-Terre se proclama à Bourges roi de France. En Angleterre, Henri VI, denier de la dynastie de Lancastre vient de monter sur le trône et Jean de Lancastre, Duc de Bedford, oncle du jeune roi s’installe à Paris et se proclame Régent de France et Capitaine de Paris.

 Voir Tome 1/Événement Majeurs et Littérature/Poésie/ France : de Rutebeuf à Villon.


Clément Marot

Clément Marot (1496-1544), né à Cahors de père marchand, partisan de la Réforme, ami de Calvin et néanmoins poète officiel du roi, valet de chambre de sa sœur, Marguerite d’Alençon (et de Navarre) et son protégé, eut une vie faite d’honneurs et d’exil. Son engagement réformiste, l’amena après l’Affaire des Placards (voir Vol. 2/ Réforme) en 1534 à commencer une vie de fuite qui le mena de la Navarre à Ferrare et à Turin, avant de pouvoir revenir à Paris après avoir abjuré sa foi réformée. François 1er lui confia la traduction des Métamorphoses d’Ovide. Mais la chasse aux huguenots que poursuivait le roi, l’obligera à se réfugier à Genève. Accusé d’avoir eu des relations coupables avec une femme marié, il dut la vie sauve grâce à Calvin qui le recommanda au Duc de Savoie. De Chambéry, il partira pour Turin où il mourra dans la pauvreté.


Avec les Grands Rhétoriqueurs, dont son père qui fut à la fin de sa vie, le poète officielle d’Anne de Bretagne[11], Marot fut l’un des premiers poètes à sortir de la tradition médiévale ou de ce qu’il en restait. Sur le tard, il traduira à Genève les psaumes de David, une cinquantaine, qui seront intégrés au culte protestant (voir La Réforme en Suisse). Il aura entre temps écrit une œuvre riche en ballades, rondeaux, églogues, complaintes, épitaphes. Sinon, d’autres de ses écrits s’inspirent ou traduisent des auteurs contemporains qui n’auront laissé que peu de leur mémoire dans l’histoire des lettres si ce n’est Filippo Beroaldo (1453 -1505) connu comme traducteur et éditeur des poètes latins classiques, et le poète rhétoriqueur Jean Lemaire de Belges (1473-1515?).


Marot a mis au goût du jour l’emblème légendée ou blason avec notamment le Blason de la Rose. Il s’agit d’une représentation imagée suivie d’une devise et d’un dizain. Cette forme fut en grande vogue à l’époque.

On lui doit la règle de l’accord conditionnel du participe passé avec le verbe avoir et d’avoir fait publier les poèmes de François Villon (1441- après1463), et sans oublier qu’il introduisit le sonnet en France. Il fut le premier à écrire un sonnet en français, sonnet dédié à la Duchesse de Ferrare.

Poète amoureux, engagé, au talent reconnu, poète de l’amour comme tous les poètes de la Renaissance, poète de l’amour courtois platonique pour la Dame, poète galant et raffiné, Marot reste sobre dans son expression et d’une pureté de style qui fera de lui le précurseur du classicisme du siècle suivant et dont Boileau se sentira proche.

L’Adolescence Clémentine

Ses principales poésies, Opuscules, Élégies, Épîtres (au roi, et à des grands personnages), Épigrammes, Complainte, Ballades sont recueillies dans L’Adolescence Clémentine dont les inspirateurs sont Virgile, Ovide, Lucien. La première édition paraît en 1532 avec l’aide de son ami Étienne Dolet. En 1538 paraît la seconde qui le brouillera avec son ami à qui il n’a pas fait appel. Marot a composé son recueil non dans l’ordre chronologique de leur composition mais dans un souci autobiographique.

« ‘Adolescence’[12] ne doit pas s’entendre au sens actuel (un adolescent a aujourd’hui entre 13 et 20 ans), mais au sens latin du terme : on était « puer » jusqu’à 15 ou 16 ans, puis « adulescens » jusqu’à 30 ans ; « iuuenis » de 30 à 45-50 ans (on était consul à Rome, sous la République, à partir de 43 ans), et enfin « senex »… L’Adolescence Clémentine comprend donc les pièces composées avant les 30 ans du poète, c'est-à-dire jusqu’en 1526».


L’École de Lyon

Le Lyon est à cette époque le premier centre financier[13] du Royaume et l’un des trois grands foyers culturels de la Renaissance française avec Paris et Nérac. C’est une place d’édition et d’imprimerie renommée. Des ateliers d'imprimerie comme celui de Jean de Tournes ou de Sébastien Gryphe, d'une grande production, y ont atteint une qualité qui n'a rien à envier à ceux de Venise ou de Paris. Une vie culturelle intense est animée par les amis médecins, musicologues, lettrés de Symphorien Champier (c.1472- ca.1531), médecin de renom, doyen du Collège des Médecins de Lyon, qui participa activement à la fondation du Collège de la Trinité dont il fut le premier Principal. Ce sont Maurice Scève, Clément Marot, (voir Poésie/France) Bonaventure des Périers, Corneille Agrippa et les traducteurs Claude Seyssel et Jean Lascarys (voir Humanisme). Au sortir de la faculté de médecine de Montpellier, Rabelais qui vient de publier le premier volet de son burlesque roman de chevalerie, Pantagruel arrive dans la ville en 1532 pour exercer la médecine.


Maurice Scève

Maurice Scève (1501-1564) est né et mort à Lyon. Il est issu d’une famille de notable ; son père était juge. Il aura mené une vie sans éclats mais dans la considération de tous. En fondant l’École Lyonnaise, il sera au centre de l’importante vie intellectuelle de Lyon, que fréquentera le tout aussi actif médecin et humaniste Symphorien Champier (voir Vol.1/ Humanise),

Héritier des Grand Rhétoriqueurs, Scève est aussi et surtout un poète courtois, d’abord et avant tout le poète de l’amour. Son œuvre unique, Délie-Objet de plus Haute Vertu est un canzonniere (dans la tradition provençale), recueil de poèmes d’amour pour la Dame idéalisée qui remonte à Pétrarque et aux Troubadours.

Ce recueil est construit sous la forme des emblèmes légendés ou blasons (voir note 52), mis à la mode par Clément Marot[14], fort en vogue à l’époque: une représentation imagée suivie d’une devise et d’un dizain. Chez Scève, la signification de ses 446 dizains est parfois énigmatique et a donné lieu à nombres de controverses. Si Délie est un des noms de Diane la Chasseresse, il est certain que l’élue est la poétesse lyonnaise Pernette du Guillet, autre grande figure de la poésie lyonnaise. Le thème central est celui du temps qui passe en effaçant la beauté physique de la Dame mais sa vertu reste éternelle… grâce au chant du poète.


Louise Labé

Louise Labé (1520/25-1565) doit son nom d’écrivaine et son surnom de la “Belle Cordière” à son père, Pierre Charly qui en épousant sa femme reprend au premier mari de celle-ci, Jacques Humbert dit Labé, l’état de cordier et le nom qui était rattaché à son commerce. Louise nait de ce second mariage de sa mère issue d’une famille bourgeoise lyonnaise aisée. Elle reçoit une solide éducation sans doute avec précepteur. Outre qu’elle apprend à lire et à écrire, ce qui n’est déjà pas courant à cette époque pour une femme, elle apprend le latin, l’italien, l’escrime et plus tard la musique.


En l’an 1536, elle a une liaison avec Clément Marot qu’elle rencontre dans l’entourage de Maurice Scève, figure centrale de l’École Lyonnaise, cénacle de lettrés, qu’elle fréquente. Liaison qui ferait remonter sa naissance à au moins 1520. On lui prête un épisode chevaleresque au siège de Perpignan aux côtés du roi Henri II. Elle se marie avec un cordier aux alentours de ses 20 ans et réunit alors autour d’elle des intellectuels dont trois poètes qui fonderont avec du Bellay et Ronsard, La Pléiade : Pontus de Tyard, Antoine du Baïf et Pelletier du Mans. Son salon, véritable foyer culturel humaniste, reçoit également les artistes et écrivains de passage en sa ville de Lyon. Esprit libre, on lui reprochera des mœurs plus que légères voir débauchés. Cette cabale n’aura pas de suite.

Poétesse de l’amour, l’œuvre de Louise Labé est peu volumineuse. Outre sonnets et élégies édités dès 1555, elle écrivit aussi Débat d’Amour et Folie, une œuvre qui s’inscrit dans les lectures faites en son temps du Banquet de Platon, mais qui pour autant ne manque ni d’humour  ni d’esprit satirique (contre les ‘machistes’, les puissants, les hommes de lois) par lesquels on retrouve sa liberté de pensée. Si la forme du débat est une forme littéraire déjà ancienne, elle lui apporte toutes les interrogations de son temps sur l’amour.


Vraie ou fausse Louise Labé?

Certains exégètes ont remis en cause l’existence physique de Louis Labé. L’existence d’une Louise Charly ne semble faire aucun doute à la lecture d’actes notariés (mariage, acquisition de biens immobiliers, testament). Marot aurait-il, plume en main, ‘fantasmé’ sur la ‘Belle Cordière’ comme il la nommait…?

« Mystère et paradoxes entourent le personnage de Louise Labé, à la réputation controversée de courtisane, ainsi que la publication en 1555 de son unique ouvrage, les Euvres de Louïze Labé Lionnoize. Trois élégies et vingt-quatre sonnets lui ont assuré une gloire universelle de poète, alors même que l'ouvrage comporte un long Dialogue de Folie et d'Amour  en prose et qu'il est composé pour un tiers d'écrits dithyrambiques à sa louange, pièces non signées, de poètes contemporains qui ne parleront ensuite plus jamais d'elle.


A resituer le cercle de ces poètes de Louise Labé, dans le Lyon fastueux du milieu du XVIe siècle, il apparaît que les œuvres, opération collective élaborée dans l'atelier de Jean de Tournes par des auteurs très impliqués dans la production de ce dernier, ne sont qu'une supercherie brillante. Celle-ci ne devait pas faire illusion au lecteur lyonnais de 1555, habitué aux masques et aux déguisements, aux momeries[15] et aux figures allégoriques comme mythologiques qui hantent Fourvière (le forum de Vénus), attaché à la littérature paradoxale alors à la mode dans cette cité où l'on débat entre néoplatoniciens italiens et français des vertus de l'Amour.

Le projet marotique ancien de « louer Louise », inspiré du « laudare Laure » de Pétrarque, adapté dans des circonstances très particulières, se révèle finalement comme une mystification de poètes facétieux qui ont cyniquement couché sur le papier une femme de paille dont ils se sont joués ». (http://www.droz.org/ france/fr/983-9782600005340. html: Présentation du livre de Mireille Huchon"Louise Labé : Une créature de papier".

« Alors pourquoi cette mystification ? Le critique répond qu’il y avait un “projet de ‘Louer Louise’” sous forme de dialogue poétique entre Antoine Du Moulin et Clément Marot — un dialogue poétique “qui serait à considérer comme un jeu de mots marotique, sans aucun lien avec une Louise réelle, mais correspondant au ‘Laudare Laure de Pétrarque“ ». (Laurent Angard, Présentation et inter-citations extraites du livre de Mireille Huchon http://www.fabula.org/ revue/document 1316.php ).


Autour de La Pléiade

Les fondateurs de la Pléiade, Ronsard, du Bellay et Antoine Baïf ne sont pas les seuls à tenir  haut le rang de la poésie française à la Renaissance Française. Le siècle est riche en poètes. 

Mellin de Saint-Gelais

Mellin de Saint-Gelais (ou Melin de Saint-Gelays ou de Sainct-Gelais,1491-1558) est né à Angoulême d’une famille bourgeoise.

« Fils naturel ou neveu du rhétoriqueur Octavien de Saint-Gelais, évêque d'Angoulême, fit dans sa jeunesse un voyage en Italie (Bologne, Padoue) et fut un des introducteurs de l'italianisme en France. Ordonné prêtre, il devint aumônier du dauphin et bibliothécaire de François Ier. Poète de circonstance, favori du roi, organisateur des plaisirs de la Cour, Mellin de Saint-Gelais fait longtemps figure de rival de Clément Marot dont il ne possède ni la verve ni la perfection technique…Il resta un adversaire de la Pléiade à laquelle il reprochait son goût de l'érudition et sa référence à Pindare. » (Encyclopédie Universalis)

Dans sa préface de L’Olive, du Bellay fait de lui l’initiateur du sonnet en France. Ce qui est surprenant car on doit cette forme poétique à Marot qui fut le premier à écrire un sonnet en français, sonnet dédié à la Duchesse de Ferrare. Il l’introduisit d’Italie en France. L’Olive est par contre le premier des recueils de sonnets.

En 1554, sa traduction en prose de la Sophonisbe (Sofonisba, vers 1515) du Trissin (voir Poésie/Italie), imitée des tragédies grecques, est jouée en 1554.devant la Cour à Blois. Elle serait la deuxième tragédie jouée en France.

Mellin était de son vivant considéré comme l’un des meilleurs poètes de son temps, à l’actif de quelques six cents poèmes. Aujourd’hui, tombé dans l’oubli, il reste dans l’histoire de la poésie surtout pour sa rivalité avec Ronsard avec qui il finit par se rabibocher.


Jacques Peletier du Mans

Jacques Peletier du Mans (1517-1582), né au Mans comme son nom l’indique, est issu d’une famille très nombreuse ne comptant pas moins de 15 enfants. Fils d’un avocat au service du Sénéchal (ou bailli, homme de justice), son père le dirige vers des études de droit et de théologie. Mais un ami de la famille, Jean Spineus, médecin, l’oriente vers les sciences.

En 1530, alors qu’il n’a que 13 ans, il entre au célèbre Collège de Navarre[16] où son frère ainé enseigne les mathématiques. Il y étudie la philosophie aux côtés de son condisciple Pierre de La Ramée (Petrus Ramus, 1515-1572, voir Tome 2 Vol. 1/Humanisme France/2ème Génération). Il étudie ‘pour le plaisir’ la médecine et la mathématique. Puis, il retourne au Mans où il va exercer le droit pendant cinq ans.

En 1539, il est secrétaire de René du Bailly (parent de Joachim) et fréquente le cercle rapproché Marguerite de Navarre aux idées réformistes bien marquées. Mais, s’il a fréquenté tout au long de sa vie, les cercles des réformés, pour autant, il ne dérogera jamais de sa foi catholique.

 Il a appris le grec en autodidacte et donne en 1541 une versification française de L’Art Poétique d’Horace. Prônant l’usage de la langue vernaculaire, il s’inscrit dans le droit fil du groupe de La Pléiade dont il fait figure d’aîné. Il en est un des fondateurs.

En 1542, avec notamment Ramus, il soutient la réforme de l’orthographe mise au point par un anonyme d’Abbeville. Cette réforme trouve une farouche opposition chez le réformé calviniste suisse Théodore de Bèze[17]. Ce soutien s’affirmera en 1550 avec sa publication de Dialogue de l'ortografe et prononciation françoese.

En 1546, recteur du Collège de Bayeux à Paris, c’est lui qui fut chargé en 1547 de l’éloge funèbre d’Henri VIII qui meurt sans doute du diabète ou sinon du scorbut à l’âge de 65ans[18]. Il publie cette année-là ses premières œuvres poétiques, essentiellement des traductions des premiers chants de l’Odyssée, premier livre des Géorgiques de Virgile, douze sonnets de Pétrarque, trois odes d’Horace auxquelles il aurait joint « les premières poésies publiées de Joachim du Bellay et de Pierre de Ronsard » (Wikipédia)… ? La première publication de Ronsard est son Hymne de France de 1549 et celle de du Bellay, la rédaction de La Défense et Illustration, ouvrage collectif date aussi 1549 , soit deux ans deux plus tard.


En cette même année de 1547, il abandonne son poste de recteur et entreprend des étude de médecine et voyage en France et à Bâle, grand foyer de la Réforme suisse avec Œcolompade (voir Tome 2 Vol.1/Réforme Suisse).

Mathématicien, il publie en 1549 une Arithmétique, une des premières publiées en France et dans laquelle il est le premier à introduire les lettres dans les équations. Suivra une Algèbre en 1554, publiée à Lyon où il s’est installé depuis un ans pour quatre ans. Il fréquente le cénacle de Maurice Scève (1501-1564). A-t-il retrouvé Pontus de Thyard, qui, ami de Maurice Scève, sera député de la province de Lyon à l'assemblée du clergé de France tenue à Melun en 1579 et qui publie cette année de 1549 son premier ouvrage poétique Les Erreurs amoureuses (prolongées en 1555).

1558 : Un an avant la mort d’Henri II mortellement blessé au cours du tournoi de la Rue St Paul organisé pour les mariages de sa fille Élisabeth avec Philippe II d’Espagne et de sa sœur Marguerite avec le Duc Emmanuel-Philibert de Savoie, il écrit un discours appelant à la réconciliation entre le roi de France et Charles-Quint.

1551 : Un recueil de poésies, Louanges sera sa dernière publication.

A sa mort, en 1582, il a été dit que Jean Dorat (†1588), le maître de Ronsard et du Bellay, alors âgé de 80 ans, prendra sa place au sein de La Pléiade, mais il est reconnu à l’heure actuelle que La Pléiade n’a jamais été un groupe constitué, plus un mouvement qu’une école.


Pontus de Tyard

Pontus de Tyard (ou de Thiard, 1521-1605), issu de la noblesse, nait dans la château familial de Bissy/Fley dans le Châlonnais. A douze ans, il entre comme chanoine à la Cathédrale de Mâcon, façon d’assurer un revenu permanent comme c’était souvent l’usage dans la haute noblesse. A quinze ans, il entame des études à Paris qu’il terminera par un diplôme en théologie qui lui permettra après avoir reçu la tonsure d’être par la suite, en 1578, nommé évêque de Mâcon. Il sera le seul évêque du XVIème siècle à écrire des homélies dans lesquelles il prêchera un esprit de tolérance et de conciliation envers les huguenots, persuadé qu’il sera qu’ils reviendront dans le giron de l’Église romaine.

Il a été l’ami Maurice Sève qui venait en son château Bissy et l’on peut de ce fait le rattacher à l’École Lyonnaise. Rattachement que certaines sources font passer avant celui de à la Pléiade.


Connu surtout comme poète et l’un des fondateurs de la Pléiade, son œuvre poétique pourtant ne s’étale que sur huit ans de 1548 à 1556. A Lyon, anonymement, en 1459, il publie son premier recueil commencé dans sa jeune, Les Erreurs amoureuses, augmenté de plusieurs livres et « continuations » jusqu'en 1555.Un recueil de

« sonnets pétrarquisant en décasyllabes, entrecoupée par des chansons, des épigrammes et des « chants », mesurés ou non, est consacrée à la louange d'une maîtresse imaginaire appelée du nom gnostique de Pasithée (la Toute Divine), douée de toute excellence et perfection » (Ency. Universalis).

En 1551, il publie Chant en faveur de quelques excellens poëtes de ce tems où l’on retrouve Marot, Ronsard, du Bellay, Mellin de Saint-Gelais, l'École Lyonnaise,

A partir de 1555, il s’éloigne de La Pléiade et des ses recherches métriques et musicales pour se consacrer plus à la philosophie. En 1557, paraît toujours anonymement, sous la forme du dialogue les Discours philosophiques ou Univers ou Deux discours de la nature du monde et de ses parties. Esprit ouvert à toutes les nouvelles connaissances, savant, astronome, mathématicien, il explore dans cet ouvrage sous forme de dialogues aussi bien la divination que la musique, la métrologie que l’astronomie en présentant chaque fois le pour et le contre de la thèse exposée. En cela est significative sa position sur l’héliocentrisme de Copernic (1473-1543, voir Vol2/Événement Majeurs/Introduction/ Science et Nature) : «  toutefois, vraie ou non que soit sa disposition, la connaissance de l’être de la Terre telle que nous la pouvons avoir, n’en est aucunement troublée. »


Il sera lecteur en mathématique et astronomie de deux rois, Charles IX et Henri III. En 1573, ses Œuvres Poétiques  qui sont dédiées à la maréchale de Retz lui attirera une certaine reconnaissance parisienne.

Évêque de Mâcon en 1578, il va se consacrer entièrement à sa charge. Il fera paraître en 1594 une Généalogie d’Hugues Capet.

Personnage contrasté, Pontus aime sa Bourgogne natale mais pense que ces défauts viennent de « la crasse mâconnaise» ; porté à la retenue et à la modestie, il est également « expert dans l’art de la flagornerie » ; poète qui se fait une haute idée de la poésie, il préfère néanmoins se consacrer à la  philosophie. (Selon http://www.unjour un poeme.fr / auteurs/tyard-de-pontus).


Joachim du Bellay

Joachim du Bellay (1522-1560) est issu d’une famille dont les membres ont su s’illustrer par les faits d’armes et l’adresse diplomatique. Alors que tout semblait le prédestiner à une brillante carrière plutôt ecclésiastique que militaire au vu de sa santé fragile, la mort de ses parents, lorsqu’il n’a pas dix ans, le laisse livré à lui même en son château natal de Turmelière près Anjou. Son frère ainé, René, à qui il a été confié l’ignore. Espérant pouvoir entrer au service de son oncle (ou cousin ?), le cardinal Jean du Bellay, évêque à Paris, il entreprend à 23 ans des études de droit à Poitiers où il retrouve Ronsard qu’il a rencontré un beau jour dans une auberge des bords de Loire où il aimait aller rêver. Il fait aussi la connaissance de Peletier du Mans (1517-1583), mathématicien avant-gardiste et poète, qui eut une grande influence sur les poètes de la Pléaïde à laquelle il appartint.


En 1547, il rejoint Jean-Antoine Baïf (1532-1589), et Ronsard au Collège de Coqueret, réunis autour de Jean Dorat (Voir Ronsard) où il apprend avec ses amis le latin en découvrant Dante, Boccace et Pétrarque. Il écrit à cette période l’Olive à consonance pétrarquiste bien que par la suite, il reprochera à Ronsard son penchant pour la préciosité. Et la Brigade, comme appelait Dorat, les jeunes poètes qu’il avait réunis autour de lui, lui confie d’écrire leur manifeste poétique, qu’il intitulera Défense et Illustration de la Langue Française (La Deffence et Illustration de la Langue Francoyse, 1549).

Son travail intense va rogner sa santé fragile. Il reste deux ans alité dans la souffrance. Tout comme Ronsard, il sera atteint d’une surdité progressive. Dans cette période, il traduit une partie de l’Énéide et écrit Inventions aux accents très personnels sur son délabrement.

En 1553, un membre de la famille du Bellay, le cardinal Jean du Bellay, dont Rabelais fut le médecin en Italie et qui, ambassadeur de confiance auprès de François 1er, plaida auprès du roi, avec G. Budé, pour la fondation du Collège des Lecteurs Royaux, revient en grâce auprès d’Henri II qui fait appel à lui pour négocier avec le papes Jules III et contre Charles Quint[19]. Il amène avec lui du Bellay à Rome.


De ce séjour de 1553 à 1357, Joachim en retirera des Regrets. Non seulement les tâches d’intendant que lui confie le cardinal sont loin d’être à la hauteur de ses ambitions diplomatiques, mais la corruption et les mœurs à la cour pontificale le désenchantent totalement. Il n’a qu’une hâte, c’est de revenir en France auprès de ses amis, dans son Anjou natal et à la cour qui lui est favorable. Mais il peut quand même découvrir les ruines romaines, fréquenter les milieux humanistes et tomber amoureux d’une romaine qu’il nomme tour à tour Columba ou Faustina.

La production italienne n’en sera pas moins riche. Retour en France, il publie en 1558 outre les 191 sonnets des Regrets dont une partie sera écrite en France, les Antiquités de Rome, les Jeux Rustiques et  les Poemata, poésies latines qui préparent la version française. Un an plus tard, il écrit et publie une satire sur Le Poète Courtisan. Mais, lui-même se fait courtisan auprès du nouveau roi François II avec son Ample Discours au Roi dont il tire pension. Des soucis domestiques, financiers, l’attendaient. Il a des difficultés à sauver sa demeure des mains des créanciers. Sa santé se dégrade un peu plus. Sa surdité est totale. Il meurt prématurément d’une attaque cérébrale (apoplexie dans le sens ancien) à l’âge de 37 ans.


Son Œuvre

La Défense et Illustration  est une sorte de programme pour développer, favoriser l’usage de ce nouveau français que François 1er a rendu officiel par son ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Il faut non seulement inventer des mots nouveaux, indispensables à l’expression du génie français à l’instar du grec et du latin, mais faut-il encore le pratiquer, l’écrire pour le forger et remettre comme dira Boileau cent fois l’ouvrage sur le métier. Les mots doivent être beaux et la poésie porter cette beauté. Le ton de la Défense est enlevé, dynamique, passionné, lyrique.


Avec les sonnets de l’Olive (1550), du Bellay introduit ce pétrarquisme venu d’Italie que reprendront après lui Ronsard et les poètes moins connus de la Renaissance jusqu’au galant, courtisan, précieux maniériste Vincent Voiture (1597-1648)[20]. L’inspiration n’en est pas moins religieuse, les poèmes s’étalant de Noël à Pâques, le poète développe une méditation sur la brièveté, l’évanescence de l’existence. L’Olive est le premier des recueils de sonnets, genre nouveau que venait d’introduire d’Italie Marot. Dans sa préface au recueil, du Bellay présente Mellin de Saint Gelais (1491-1558) comme l’inventeur du sonnet. Mellin était un poète de la cour fort apprécié de son temps et qui sentant un rival en le jeune Ronsard le moqua devant Henri II. De fait, c’était Marot qui avec son sonnet dédié à la Duchesse de Ferrare inventa le sonnet à la française.

« Les Regrets sont le premier recueil de poésie française qui joue sur une « mise en abyme » de l'art poétique : l'auteur combine la forme très corsetée du sonnet et le goût de la litanie pour énumérer tout ce à quoi il renonce. Le recueil contient le plus célèbre de ses sonnet « heureux qui comme Ulysse… ».

Les Antiquités de Rome aborde une fois encore le thème du temps qui efface tout amour et réalisations humaines. Lointaine est la gloire de la Rome antique alors que la Rome que découvre du Bailly est celle que les troupes de Charles Quint ont mis à sac en 1527.


Pierre de Ronsard

Pierre de Ronsard (1524-1585), issu d’une famille noble, est né au château de la Poissonnière (Loir et Cher, Val de Loire). Son père était « maître d’hôtel des enfants de France ». Il passe sa jeunesse au château. A 12 ans, il est page à la cour de François 1er, d’abord au service de son troisième fils, Charles II d’Orléans, ensuite au service de la sœur de celui-ci, Madeleine de Valois qui mourra en 1537, deux mois après son mariage avec Jacques V Stuart d’Écosse. Rentré d’Écosse où il l’avait accompagné à l’occasion du mariage, il séjourne en Allemagne chez l’ambassadeur, poète et humaniste Lazare de Baïf dont il devient le protégé.

En 1539, revenu en France, il entre au service de Charles IX et sur les instances du roi suit l’ambassadeur en Allemagne Lazare Baïf. Mais Ronsard est alors frappé d’une grave maladie qui le rend quasiment sourd. Isolé par son infirmité, retiré en son château natal, il se livre à la poésie et commence par s’essayer à la versification latine en prenant exemple sur Horace et Virgile mais sans conviction. Il s’applique à sa langue maternelle tout en conservant le genre de l’ode latine. Il veut rivaliser avec le Marot des Chansons. Conscient de ses lacunes, il va pendant plusieurs années travailler à imiter son poète de prédilection, Horace, et à approfondir sa connaissance de la culture antique.


En 1543, voulant se consacrer à nouveau à l’étude il reçoit la tonsure et il est nommé curé au Mans. Il rencontre le poète et savant, Jacques Pelletier du Mans (1571-1582) qui lui prodigue des conseils

En, 1544, Lazare du Baïf donne pour précepteur à son fils et à son jeune secrétaire Ronsard, l’éminent helléniste Jean Dorat[21] (1508-1588) qu’ils suivront trois ans plus tard leur au Collège de Coqueret ou du Bellay, natif aussi du Val de Loire les rencontre. Dorat leur fait découvrir aussi bien Pindare que Catulle ou Ovide mais aussi les trois grands poètes humanistes, Dante, Boccace, Pétrarque et ses sonnets qui les incitèrent à s’illustrer en la langue française depuis peu officielle[22] comme les trois grand poètes italiens avait fait avec le toscan.


C’est à cette époque que les trois poètes formèrent la Brigade, comme l’appela Dorat, sur la base d’une nouvelle poétique que du Bellay expose dans sa Défense et Illustration de la Langue Française en 1549. Ronsard, alors considéré comme le chef de file de la nouvelle école, publie en 1550, les Quatre Premiers Livres d’Odes (du Bellay publie ma même année L’Olive). Ces odes chantant son amour pour Cassandre Salviati et son Vendômois natal, lui valurent le surnom de « Pindare français » par leur ton grandiloquent, leur obscurantisme et leur pédanterie. Peu apprécié pour ces raisons de la cour, malgré le soutien de Margueritte de France, la Reine Margot de trente ans plus jeune[23], et de celui que nous qualifierions aujourd’hui de grand serviteur de l’état, de Michel de l’Hospital (†1573), Ronsard s’orienta avec plus de modestie vers une poésie plus simple donnant notamment dans son deuxième Livres des Odes, La Nouvelle Continuation des Amours (1556), dans lequel si certains sonnets sont encore dédiés à Cassandre, la majeure partie du recueil, pour bonne part en alexandrins, est inspirée par une paysanne, Marie Dupin ave qui il entretient une relation pendant cinq qans à partir de 1560. Ses Odes à Marie parues en 1578 font référence à Marie de Clèves, favorite d’Henri III et morte quatre ans plus tôt. La même année, 1578 paraissent ses Sonnets pour Hélène.   


Consacré Prince des Poètes, admiré de la cour, l’ambitieux Ronsard ne se satisfait pas de cette seule gloire. Pour toucher à l’excellence, il éleva son aspiration aux Hymnes et Poèmes. Une poésie plus gracieuse, plus accessible lui attira nombres de disciples. Avec les meilleurs d’entre eux, Pontus de Tyard, Le Pelletier du Mans, Étienne Jodelle (1532-1573), Rémy Belleau (1528-1577) et ses amis Bellay et de Baïf, il fonde La Pléiade du nom de la constellation que sept poètes d’Alexandrie, trois siècles avant J.-C., avaient pris pour former leur école. Le mot d’ordre est l’imitation des Lettres Antiques. La Défense et Illustration (1549) de Du Bellay passera pour son premier manifeste.


En 1543, il avait selon la coutume reçut grâce à son ami d’enfance Henri II, la tonsure afin de percevoir les prébendes des cures. Sans pour autant être prêtre, Ronsard va devenir Conseiller et Aumônier Ordinaire du Roi. Sa charge va consister à tendre au roi l’eau bénite et placer le coussin sur lequel vont se poser les genoux royaux. Charles IX, roi en 1560, le comble de sinécures ecclésiastiques. Cette année-là ses œuvres complètes sont publiées réunissant Amours, Odes, Poèmes et Hymnes. C’est la consécration. Ronsard n’a alors que 36 ans.

Quand le Prince des Poètes est lassé de la cour, des œuvres de circonstances et de faire le nègre en billets doux pour tel gentilhomme ou noble dame, il se retire en son Vendômois natal pour goûter aux charmes de la nature.

Ronsard, tenant à sa place, ses honneurs et ses émolument va un temps dans ses Discours opter pour une position modérée, puis donnera par la force des choses, dans les Pamphlets plus de véhémence quand les Guerres de Religion commenceront en 1562. « Au moment des victoires catholiques de Jarnac et Moncontour (1569), il a même chanté des hymnes de triomphe d’une sauvagerie déconcertante[24] ».

Puis, c’est la disgrâce ou demi-disgrâce. Son épopée la Franciade, qui paraît en 1572, fortement inspirée des Illustrations de Gaule et Singularités de Troie -récit légendaire des pseudo-origines communes des Troyens et des Celtes du chroniqueur et poète grand rhétoriqueur Jean Lemaire de Belge (1473-1515)- ne reçoit aucun écho. Charles IX mort 1574, le nouveau roi Henri III a pour poète, son favori, Desportes. Ronsard se retire. Malade, goutteux, insomniaque, il écrit néanmoins l’une de ses œuvres maîtresse, les Sonnets d’Hélène, parus en 1578, ainsi que les Sonnets à la Mort de Marie. Marie de Clèves, épouse d’Henri 1er ,deuxième prince des Bourbon-Condé et maitresse d’Henri III.


Ronsard s’est éclipsé, son œuvre le sera aussi jusqu’aux Romantiques. Deux raisons à cette éclipse : Malherbe qui aura eu le dernier mot dans son opposition à la poétique de La Pléiade et Ronsard, lui même, qui trop soucieux de laisser une œuvre qui se voulait immortelle, n’eut cesse dans ses dernières éditions, à tant vouloir la parfaire, de l’épurer, la remanier. IL faudra attendre les romantiques pour que sa poésie retrouve son vrai lyrisme d’origine par lequel ils seront séduits.

Horace[25] aura été son poète de référence même si sous l’influence de Dorat, il s’efforça au style plus rugueux de Pindare dans le premier livre des odes, écrit pourtant en dernier des quatre. Au Cinquième Livre (1552) vient se greffer l’inspiration anacréontique[26] aux thèmes légers et gracieux.

Sonnets et Amours

L’on retient surtout de son œuvre ses Sonnets et ses Amours. Les 183 sonnets des Amours de Cassandre (1552) relèvent d’une poésie raffinée, élégante, affectée tendant au pétrarquisme[27]. Là, rien de la passion amoureuse mais jeux de l’esprit, prétexte à rimer et à évocations mythologiques. Mais tout y est bien construit et la forme qu’il fixe du sonnet permet une mise en musique plus aisée. Il ajoute d’ailleurs en fin du recueil six compositions en Supplément Musical.

Les Sonnets d’Hélène (1578) célèbrent en 130 sonnets un amour sincère et attendri pour la jeune et belle veuve, Hélène de Surgères, fille d’honneur de Catherine de Médicis. Le ton est celui de la confidence.

Ronsard et la Rhétorique

Dans son ouvrage Ronsard et la Rhétorique (Genève, Librairie Droz 1970), Alex Gordon montre combien les poètes de La Pléiaide et en premier lieu Ronsard était soucieux de la rhétorique, cette théorie du bien penser et du bien dire telle que l’exposait Antoine Flocin dans sa Rhétorique Françoise en 1555. Dans son ouvrage sur Ronsard, A.Gordon

« présente les conventions oratoires de l’éloge, les problèmes de forme portant sur le mot et sur la syntaxe, les répétitions oratoires, les figures de pensée, les tropes[28]. Chaque chapitre donne une définition de la notion rhétorique d’après les traités du XVIème siècle, et inventorie l’usage qu’en fait Ronsard dans son œuvre, selon les genres et selon son évolution au long de sa carrière » (Florence Charpentier, compte-rendu du Livre d’A. Gordon, Revue belge de Philologie et d'Histoire Année 1972 50-2).


Jean-Antoine de Baïf

Jean Antoine de Baïf (1532-1589) est né hors mariage. Sa mère était une demoiselle de conditions modeste[29] tandis que son père Lazare, était de 1531 à 1534 ambassadeur à Venise pour François 1er avant d’être Conseiller au Parlement de Paris puis ambassadeur en Allemagne sous Henri II. Ce père qui fut disciple de Guillaume Budé, avait appris le grec par Jean Lascaris [30] traduisit Sophocle et Euripide. Il va donner à son fils une éducation humaniste hors pair. Jean-Antoine est en effet confié dès le berceau au maître Crétois Ange Vergèce (1505-1569) qui enseigna d’abord à Venise puis en France, et au médecin et imprimeur mais aussi auteur de dictionnaires, Charles Estienne (1504 -1564), puis à huit ans à Jacques Toussaint, professeur de grec au Collège Royal. En 1544, l’éminent helléniste Jean Dorat devient son précepteur et de fait celui de Ronsard, jeune secrétaire de son père. Ils le suivront au Collège de Coqueret en 1547, année où meurt le père de Jean-Antoine lui laissant une fortune convenable.

Dorat, qui met en contact direct ses élèves avec les langues et les textes anciens dans une cadence soutenu d’un enseignement assidu donne ses lettres de noblesses à ce Collège de Coqueret qui, bâti en 1418 sur la Montagne Ste Geneviève par Nicolas Coqueret, n’avait jusqu’alors brillé d’aucune lumière. Le collège deviendra le foyer de La Pléiade.


En 1551, il donne ses premiers vers dans le Tombeau de Marguerite de Valois et, juste après, Les Amours de Méline et les Amours de Francine (1552-1555) aux moments où Ronsard publie sa Continuation des amours (Amours à Cassandre et à Marie). Du Bellay a publié L’Olive en 1550.

En 1569, les Huguenots (voir V2/Réforme/France) pillent ses biens. Il reçoit le soutien de Charles IX qui le nomme Secrétaire Ordinaire de la Chambre du Roi.

En 1571 (70/67 ?) sur lettres patentes de Charles IX, de Baïf, qui fut un maitre en versification, introduisit en France la versification quantitative mesurée, puisée dans la poésie de l'Antiquité gréco-latine. Il fonde cette année-là l’Académie de Musique et Poésie alors que nous sommes en pleine période de la Chanson. L’académie fermera ses portes assez rapidement en 1584. Selon les préceptes de cette académie, la chanson strophique doit se calquer sur le sonnet, le couplet tenant la place de la strophe, et le vers en sera mesuré à l’exemple de la métrique en usage dans la poésie de l’Antiquité par les poètes grecs et latins, tel Pindare et Horace (Renaissance / La Musique/ Vers La Mondodie/Intoduction, et La Chandon Française)

« Un recueil de vers mesurés, appelés aussi baïffins, sous le titre : Etrenes de poesie fransoeze en vers mesurés... au Roé... Les Bezognes d'Eziode, les vers dorés de Pitagoras, Anségnemans de Faukilidès, 1574. Il avait composé deux traités, perdus aujourd'hui, l'un sur la prononciation, l'autre sur l'art métrique ». (Cosmomovisions.com)


Comme auteur dramatique, Ronsard et Jodelle (voir Théâtre) reconnurent son talent. Mais son œuvre théâtrale tient surtout son intérêt de ses adaptations et traductions des tragédies antiques auxquelles il se consacra pendant quelque vingt ans. Son père avait traduit Électre de Sophocle en 1537. Il traduira lui, de ce qu’il nous reste, l’Antigone de Sophocle et deux comédies, L’Eunuque de Terence (Carthage1585-Rome 159) jouée en 1565 et Le Brave, adaptation du Soldat Fanfaron (Miles Gloriosus) de Plaute (Rome 255-184) jouée en 1567 devant la cour qui pour la première fois assistée à un pièce de théâtre adaptée de l’Antiquité[31].

« Cette adaptation est une remarquable réussite, la meilleure de Baïf. A l'exemple des comédies italiennes et conformément au vœu des dramaturges de sa génération, soucieux de «naturaliser» la comédie antique, Baïf ne se borne pas à traduire le Miles [il le métamorphose dans ses moindres détails pour en faire une pièce française du XVIe siècle, destinée au public raffiné de la cour. » (Simone Maser : Jean-Antoine de Baif : Le Brave, Bulletin de l'Association d'étude sur l'huma- nisme, la réforme et la renaissance, n°10, 1979. p. 100; https://www.persee.fr/doc/rhren_0181-6799_1979_num_10_1_1150)


Sa production poétique est très importante, mais sans qu’elle ait rencontré un succès comparable à celui de Ronsard. On lui doit Les Amours (1552 et 1558), Les Météores (1567), inspirées des Géorgiques de Virgile et dédiées à Catherine de Médicis et le Passe-Temps (1573). Il réunit l’ensemble de son œuvre en 1573 : 9 livres de poèmes, 7 d’amours, 5 de jeux (dont une tragédie et une comédie), 5 de passe-temps. Les Mimes, recueil d’enseignements et proverbes  sont édités en 1581 et connaissent un vif mais bref succès. Le XVIIème siècle l’ignorera. 


Rémy Belleau

Rémy Belleau (1528-1577), né à Nogent-Le-Retrou, fut le précepteur de Charles de Lorraine dit le cardinal de Vaudémont (1561-1587), fils cadet de Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont, duc de Mercœur ( à ne pas confondre avec Charles de Lorraine (1592-1631), évêque de Verdun, fils d'Henri de Lorraine, comte de Chaligny).

Arrivé à Paris en 1553, il intègre rapidement le Collège de Coqueret Jean Dorat, qui avait mis  en contact direct ses élèves  (Pierre de Ronsard, Antoine de Baïf, Joachim du Bellay) qu'il appelait sa brigade, avec les langues et les textes anciens dans une cadence soutenu d’un enseignement assidu donna ses lettres de noblesses à ce Collège de Coqueret qui, bâti en 1418 sur la Montagne Ste Geneviève par Nicolas Coqueret, n’avait jusqu’alors brillé d’aucune lumière. Le collège deviendra le foyer de La Pléiade  en 1554. Belleau, qui devint  un très proche ami de Ronsard, en fait partie et  participe avec ses membres  à la Pompe du bouc.

En 1553, sont jouées Cléopâtre Captive  et Eugène, deux pièces d'Étienne Jodelle (1532-1573) considérées comme respectivement les premières tragédie et comédie françaises. Tragédie et comédie humanistes (régulières, imitées de l‘Antique), présentées devant Henri II, elles font un triomphe. Ces deux événements qui marquent le retour en France du théâtre à l’antique sont célébrés avec ses amis de La Pléiade à Arcueil ( pour ses célèbres aqueducs antiques ?) par une cérémonie bien évidemment sur le modèle des cérémonies antiques avec toges, lierre et déclamations ; célébration à laquelle ils donnent le nom de ‘Pompe du Bouc’ ; le terme ‘bouc’ serait à l’origine de celui de ‘tragédie’ et un bouc aurait été sacrifié.

En 1556, il publie Les Odes d'Anacréon,[ poèmes anacréontiques voir Ronsard/note 26]Teien, trad. de grec en françois par Rémy Belleau, ensemble quelques petites hymnes de son invention. En 1565 parait Bergerie avec des souvenirs d’une enfance pastoral, réminiscences de  l'Arcadia (1504) de l'Italien Jacopo Sannazaro, et dont les poèmes font preuve de plus d'originalité sans atteiendre le niveau poétiques des poèmes de ses amis. En 1578 est publiée sa comédie de mœurs écrite en 1563, La Reconnue.

 Belleau peut être considéré comme un poète mineur au vu des poètes qui l’entouraient. Ronsard jugeait sa poésie un peu sèche.

"Selon certains le moins lyrique des poètes de la Pléiade, le plus pudique au dire d'autres, Rémy Belleau ne déborde certainement pas d'imagination et il imita plus qu'il ne créa, mais il demeure un orfèvre du verbe dont Ronsard écrivit : Luy mesme a basti son tombeau / Dedans ses pierres précieuses." (Encyclopédie Universalis)


Les Indépendants

Jean Vauquelin de La Fresnaye

Jean Vauquelin de La Fresnaye (536-1607), né et mort à Caen, commença comme tout gentilhomme sa carrière dans les armes pendant les Guerres de Religions (voir Vol1/Événements majeurs). Il sera ensuite jusqu’à la fin de sa vie magistrat dans sa ville natale. 

Vauquelin tient une place particulière dans la poésie française du XVIème siècle de par son positionnement rural. Ce poète normand, campagnard et pastoral, amoureux de la nature comme son modèle Ronsard aimait participer aux travaux des champs. Ses Foresteries et ses Idillies dans la veine pastorale décrivent une aspiration à une vie des plus naturelles, avec par moment une impudicité qu’accorde la simplicité de la vie champêtre.

Non méconnu de la cour, à la demande d’Henri III, il commence en 1574 L’Art poétique de Vauquelin de la Fresnaye : où l’on peut remarquer la Perfection et le Défaut des Anciennes et des Modernes Poésies. Lui qui s’est intéressé à la poésie médiévale des trouvères tend à vouloir trouver entre les ‘anciens et les ‘modernes, ce qui pourrait être une poésie française.


Agrippa d’Aubigné

Théodore Agrippa d’Aubigny (dit d’Aubigné, 1552-1630) est natif de la Saintonge (Charente-Maritime), terre acquise à la cause des réformés, qui eut à souffrir de la répression durant les Guerres de Religion et qui connut entre 1593 et 95 la première révolte des Croquants.

Fils d’un père calviniste, juge et roturier, qui a participé à la Conjuration d’Amboise[33] et d’une mère de la petite noblesse, morte à sa naissance, Agrippa reçoit une éducation humaniste et apprend le latin, le grec et l'hébreu. C’est un enfant qui pourrait être qualifié à notre époque de surdoué : à sept ans, il traduit Platon. Esprit chevaleresque, à seize ans, il s’enfuit de chez lui pour combattre aux côtés de ses frères huguenots. Tout au long de sa vie, d’Aubigné aura sa plume dans une main et son épée dans l’autre. Il combattra aux côtés du futur Henri IV, alors roi de Navarre dont il s’estimera, homme entier, sans concessions, trahi par son abjuration et l’insuffisant Édit de Nantes. Il aura le don de se fâcher avec un peu tout le monde dont le roi de Navarre Henri III (futur Henri IV), sa maitresse du moment la très belle et dévouée Diane d'Andoins et la Reine Margot, fille d’Henri II. Il se retirera en Vendée dont il sera gouverneur avant d’être nommé vice-amiral de Guyenne et de Bretagne. Mais Il reprendra les armes sous Louis XIII. Exilé en 1620 pour son Histoire universelle depuis 1550 jusqu’en 1601, il émigre dans la ville refuge des Calvinistes, Genève. Il se marie trois ans plus tard et consacre les dernières années de sa vie à la publication de ses œuvres.

Son œuvre est volumineuse et touche à tous les genres, des contes aux méditations, des pamphlets à l’histoire versifiée, des poèmes lyriques à l’épopée. Ce sont les Romantiques qui le sortiront de l’oubli.

 

Sa principale œuvre, Les Tragiques, commencée en 1576 développe en sept chants la guerre civile des religions et la désolation qu’elle entraîne dans le pays : « Je veux peindre la France une mère affligée, /Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargées. ». Récit héroïque, allégorique, visionnaire, réaliste.

Agrippa était un homme des excès autant dans ses colères que dans son verbe, puissant dans ses engagements autant que dans son expression. Il a du souffle. Il a du coffre. Il peint à grands coups de plume ses fresques épiques et historiques comme il devait de son épée frapper de taille et percer d’estoc ses ennemis. Il est des rares écrivains baroques français. Il est le grand-père de Françoise d’Aubigné qui deviendra Madame de Maintenon que Louis XIV épousera en secret en 1683.


François de Malherbe

François de Malherbe (1555-1628), né à Caen, se disant issu de la noblesse, appartient au milieu bourgeois de la ville. Il fait des études de droit dans sa ville natale, puis à Paris, Heidelberg et Bâle avant de rentrer à 21 ans au service du Duc d’Angoulême, fils d’Henri II, qu’il suit quand celui-ci est nommé gouverneur de la Provence. Il y restera une vingtaine d’année sans trop écrire. En 1605, le Président du Parlement de Provence, le présente au roi. Son ode pour le voyage royal en Limousin fait de lui à cinquante ans le poète officiel de la cour. Ses œuvres seront alors de circonstance, des odes et célébrations adressées à Henri IV, à Louis XIII, Marie de Médicis et Richelieu. 

Vaniteux et égoïste, Malherbe trainait en plus derrière lui la fâcheuse réputation d’être terriblement avare bien que riche.

Il s’est opposé aux poètes de La Pléiade, selon lui par trop contraints au modèle antique, par trop soucieux d’une langue savante alors que tant était à forger de la langue française et de son originalité mais en puisant dans la langue du peuple. Il est de ces poètes qui donnèrent à la langue française la réputation qu’elle a toujours gardée d’être une langue raffinée, harmonieuse, à l’élégance du verbe, en un mot classique. Sa poésie est tout autant à l’opposé du gongorisme de son contemporain espagnol Luis de Gongóra (1561-1627) que du marinisme du non moins contemporain le Cavalier Marin (1569-1625) appelé en France par Catherine de Médicis en 1615 qu’il rencontrera certainement.


Il fut aussi soucieux d’une hiérarchie des genres que d’une grammaire correcte : d’abord la poésie religieuse, puis les poèmes et odes consacrées aux rois et aux puissants, puis la poésie galante, celle des airs de cour, avec celle des épitaphes ; chacune ayant ses règles, son rythme, son ton, de la pompe à l’humour, de la gravité à la légèreté.

Si on lui a reproché une certaine sècheresse d’expression, certaines de ses œuvres ne sont pas dépourvues de lyrisme comme son Ode à Louis XIII, partant pour siège de La Rochelle, son œuvre majeure.

« On raconte, sur sa lenteur à composer, des anecdotes piquantes. Un président ayant perdu sa jeune femme, Malherbe voulut lui adresser quelques consolations quand il lui apporta sa pièce, il le trouva remarié. Il avait  mis trois ans à rimer ses condoléances ».(Daniel Bonnefon, Les Écrivains célèbres de la France, Librairie Fischbacher, 1895] http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/fran-ois-de-malherbe/content/1805888-francois-de-malherbe-biographie.)

Épurateur, réformateur de la langue française, est resté autant célèbre pas son vers : « Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un matin », que par l’hommage que lui rendirent tous les classiques français au travers de cet déclaration de Boileau : « Enfin Malherbe arriva et le premier en France, d’un mot mis en sa place, enseigna le pouvoir».


Jean de Sponde

Bien qu’appartenant au XVIème siècle, Jean de Sponde (Joanes Ezponda, 1557-1595) d’origine basque, est un baroque avant l’heure. Il fit une carrière politique dans l’entourage d’Henri IV en Navarre comme à Paris. Comme lui, il se convertit au catholicisme. Protestant sévère, élève à Bâle du théologien calviniste, Théodore de Bèze, et proche d’Henri IV, il fut rejeté par les uns et par les autres et son œuvre pourtant méritoire sombra dans l’oubli.

Les Amours comme les Douze Sonnets sur la Mort sont une défense contre les illusions et les vanités du monde. On l’a rapproché comme poète religieux du poète anglais métaphysique John Donne (1572-1631). Dotée d’une bonne connaissance du grec, il traduira Homère en latin et préfacera l’Organon[34] d’Aristote.

Poète de l’impermanence, de la mort toujours présente, mais aussi de l’amour, érotique et sublimé,

« Son écriture cherche à peindre l'épaisseur du monde

les complications du destin de l'homme, son obscurité. Cette sensibilité baroque est exprimée par la recherche du déséquilibre, de la perle irrégulière, de l'étrange et de la richesse excessive des formes. Le monde qui se reflète dans cette poésie est ainsi un monde qui a cessé d'être clair et univoque, et le style de Sponde rend cette complexité palpable ».(https://www.jesuismort.com/tombe/jean-de-sponde #biographie).


Outre-Manche

Le siècle de la Renaissance Anglaise est le siècle du ‘père’ Barbe-Bleue, Henri VIII (1491-1547), de sa vierge de fille, Élisabeth 1er. et de, la demi-sœur aînée de celle-ci, marie Tudor, la Bloody Queen. C’est aussi celui de Marie 1er Stuart, (1542-1587) reine d’Écosse de 1542 à 1567 et reine de France en 1559 pendant un an et demi pour avoir épousé François II dans les circonstances tragiques d’un tournoi où Henri II trouva la mort. Elle avait passée son enfance à la cour de France.

En 1472, l’imprimeur et écrivain William Caxton (1422-1492) traduit, et imprime pour la première fois en Angleterre, un livre : Recuyell des Historyes du Français Raoul Lefèvre. Jusqu’alors c’était les Français ou les Flamands qui passaient la manche pour vendre les œuvres imprimées.

Ce sont deux Anglais qui ont introduit le sonnet à la française dans la patrie de Shakespeare, le poète et diplomate anglais Thomas Wyatt (1503-1542) et son ami Henry Howard, Comte de Surey (1516-1547), C’est néanmoins en Écosse que se trouvent dans la première moitié du siècle de la Renaissance, les meilleurs poètes tels que William Dunbar, David Lyndsay, Walter Kennedy (c.1455 – c.1508).


La Poésie Écossaise 

William Dunbar

William Dunbar (ou Dumbar, 1459/60-1520) est documenté pour la première fois à la date de 1474 dans les archives de  l'Université de Saint Andrews (côte est) dont il

ressort maître ès arts cinq ans plus tard. Il serait probablement issu de la famille des Contes de Dundar et March bien que La Poetryfoundation avance qu’on ne sait rien de sa filiation. Ce que l’on peut savoir de sa vie doit être cherché dans son œuvre. On peut supposer qu’après l’université, il est entré dans les ordre.

Entre 1500 et 1513, il est au service du roi d’Écosse Jacques IV Stuart (ou Steward), derniers des roi d’Outre-manche à mourir au combat ; ce fut contre les Anglais.Dunbar doit assumer des fonctions ecclésiastiques. Certaines sources indiquent qu’il accomplit différentes missions. Le roi lui accorde en tout cas une très forte pension.

 Son œuvre est riche et variée qui va de l’œuvre religieuse au poème courtois en passant par la satire ou le poème de circonstance (à la gloire ou à la mémoire de…). Il a ainsi  touché à tous les genres littéraires de son époque.

« S'il y a un seul mot pour décrire la réalisation poétique de Dunbar, c'est bien la variété. Dunbar est à la fois un innovateur et un expérimentateur dans les formes de vers, et il affiche une grande diversité dans le sujet. Dans ses nombreux poèmes courts, il présente une variété de thèmes, d'images et d'ambiances, tous très humains. Dans de nombreuses scènes, il y a une dimension de fantaisie. Pour parvenir à une telle variété, Dunbar emploie de nombreux types de diction - de la plus splendide, la diction dite auréenne composée de mots latins, aux écossais familiers, y compris l'argot et les obscénités[35]. »


Ses deux poèmes les plus importants sont The Goldyn Targe d’inspiration courtoise et The Trissil and the Rois, en l’honneur du mariage de Jacques IV et Marguerite Tudor, sœur d’Henri VIII. Son poème, Le Chardon et la Rose (1503) reste de facture moyenâgeuse.

Dunbar est documenté pour la dernière fois en 1513 et l’on peut supposer qu’il est mort aux côtés de son roi tué à la Bataille de Flodden dans le Northermburland.

Il fut loué de son temps par des poètes comme David Lindsay (†1530) dans Testament and Complaynt of our Soverane Lord Papyngo (1530). Trois recueils tardifs rassemblent l’essentiel de son œuvre : le Manuscrit de Bannatyne (1568), le Folio de Maitland (1570-1586) et le Manuscrit de Reidpeth (1623). Mais aucun texte n’est de sa main ; il s’agit de copies et d’attributions (OpenEdition, ref citée).

« Chantre officiel, célèbre ex cathedra les grandes dates de la liturgie et les événements marquants de la Cour…usant du privilège de la tradition, il n’hésite pas à interpeller le Roi, et vitupère directement… [Ses poèmes peuvent être répartis entre :] Célébrations (10 poèmes), Exhortations (17 poèmes), (8 poèmes),Jeux satiriques (18 poèmes),Vitupérations (13 poèmes), Réflexions (18 poèmes). » (OpenEdition, ref citée)[36].


David Lyndsay

Sir David Lyndsay du Mont (1490-1555) « est né vers 1486 en tant que fils de David Lyndsay du Mont, près de Cupar à Fife, et de Garmylton, près de Haddington [ancienne ville royale, au s.e. d’Édimbourg]. Son lieu de naissance et son éducation sont inconnus, mais on pense qu'il a fréquenté l'Université de St Andrews [sur la côte est, fondée en 1413, chronologiquement troisième université après Oxford et Cambridge] pendant au moins la session universitaire de 1508-1509. Cependant, il est probable qu'il n'ait pas terminé les quatre années d'études car il n'est jamais qualifié de «maister».)[37]

Il entre très tôt comme écuyer au service de Jacques V d’Écosse et deviendra le précepteur de son fils. Il sera ensuite Snawdoun Herald of Arms in Ordinary (héraut d'armes écossais à la Cour du Lord Lyon). Puis, le roi l’ennoblira avec le titre de Lord Lyon King of Arms, c’est-à-dire grand officier en charge de superviser tout ce qui concernait les blasons, l’héraldique et le protocole (le cérémonial) de la cour. Il accomplit plusieurs missions auprès de l'empereur Charles-Quint et au Danemark, en France et en Angleterre.

En 1542, à la mort de James V, il continue de siéger au parlement en tant que commissaire de Cupar-Fife ( 2 villes proches dans le Fife, région côtière est). Il meurt aux environs de 1555 à Mont (également ville du Fife).


Sans avoir abjuré la foi catholique, il n’en a pas moins dénoncé les abus du clergé, ce qui lui a attiré les foudres de l’Église mais aussi les faveurs des réformateurs anglicans. Le roi le protégea toujours[38].

« Lindsay était un vrai poète, doué de fantaisie, d'humour, d'une puissante touche satirique et d'un amour de la vérité et de la justice. Il a eu une forte influence en tournant les esprits des gens ordinaires en faveur de la Réforme. »(Michel Duchein ref.cit.)

Dans son œuvre, il se révèle très caustique et satirique. Il n’épargnait ni les grand ni les humbles.

Ces principales œuvres sont : The Dreme (ou The Dreine 1528) ; The Testament and Complaynt of our Soverane Lord's Papyngo (1530 Le Testament du Perroquet) ; The Supplicatioun in Contemptioun of Syde Taillis ; The Complaynt and Publict Confessions of the Kingis Auld Hound, (La Complainte et les Confessions Publiques du Chien Courant Kingis Auld) ; The "Deploratioun of the Deith of Queen Magdalene ; The Complaynt to the King (1529) ; The Testament of Squyer Meldrurn (1552) ; Ane Dialog betwix Experience and ane Courteour of the Miserabyll Estait of the World ; Ane Pleasant Satyre of the Thrie Estaitis  (1552) ; La monarchie (1554)

Lindsay semble avoir été indifférent au courant humaniste.


La Poésie Élisabéthaine 

Sir Thomas Wyatt et Henry Howard, Comte de Surrey, sont les deux poètes humanistes qui ouvrent la période élisabéthaine.

Sir Thomas Wyatt

Sir Thomas Wyatt (ou Wyat, 1502-1542), homme bien né, protestant, était d’un tempérament plutôt austère. Il  connut alternativement aussi bien l’emprisonnement que les faveurs d’Henri VIII qui dès 1524 lui confiera plusieurs missions en Angleterre et à l’étranger dont entre autres celle d’ambassadeur auprès de Charles-Quint de 1537 à 1538.Très impressionné par la poésie italienne lors d’une de ses missions –il traduisit six sonnets de Pétrarque- il veut donner à la langue anglaise la délicatesse, le raffinement, l’élégance de la poésie de cour. Il introduit la forme du sonnet dans son pays et influence sur plusieurs générations les poètes lyriques qui le suivront dont son disciple Henry Howard. Il composa rondeaux, chansons et des satires très appréciées. Ses poèmes furent réunis et publiés en 1557. On a pu lui reprocher une métrique bancale mais l’on retient de ses vers leur force expressive.


Henry Howard

Fils du 3ème Duc de Norfolk et Comte de Surrey, Henry Howard (1516/17-1547) était un brillant chevalier. Il séjourna plus d’un an dans la suite d’Ann Boleyn à la cour de François 1er. Il fut décapité à l’âge de trente ans le 13 janvier 1547 à cause de la paranoïa d’Henri VIII qui l’accusa faussement de fomenter pour lui succéder au trône. Décision fatidique ? Le roi mourut quinze jours plus tard, le 28 du mois. Henry ne put succéder à son père, Grand Serviteur et Grand Trésorier du roi comme 4ème Duc de Norfolk. En 1540, le roi avait épousé Katryn Howard[39], la petite-fille de Thomas Howard, 2ème Duc de Norfolk, nièce d’Henri Il la fit décapiter deux ans plus tard

pour adultère comme il avait fait exécuter la cousine de Katryn, Ann Boleyn[40] et le frère de celle-ci pour adultère et inceste.

Le Comte de Surrey était chevalier de la Jarretière[41].Il eut cinq enfants de son mariage avec France de Vere, fille du Comte d’Oxford.

Pétri des poètes antiques, particulièrement latins, il apporta plus de souplesse au vers de Wyatt. Par sa traduction de l’Énéide de Virgile, il introduit le pentamètre (cinq pieds) iambique (une iambe = un syllabe courte suivie d’une longue) blanc (non rimé) qui deviendra la forme métrique par excellence de la poésie anglaise et de la tragédie élisabéthaine. Un des maîtres du pentamètre iambique blanc sera le poète et dramaturge, Christopher Marlowe (1564-1593)

Avec Wyatt et Surrey s’établit une mode qui voulait que tout jeune noble tourne des poèmes dans le style italien et français. Ces poèmes n’étaient pas considérés comme leur appartenant mais appartenant à la noblesse et de ce fait étaient distribués à leur entourage. Ce n’est qu’en 1557 que l’éditeur Richard Tottel rassembla et publia des poèmes de Wyatt et Surrey et de quelques autres jeunes nobles sous le titre Tottel’s Miscellany (Recueil de Tottel), ouvrage considéré comme marquant le début de la période élisabéthaine en littérature. La reine Élisabeth 1er (1533-1603) montera sur le trône à la fin de l’année suivante en 1558.


Edmond Spenser

Edmond Spenser (1552–1599), né dans une modeste famille londonienne de tailleurs, poursuit ses études à Cambridge. Il entre ensuite au service d’un gouverneur d’Irlande. Enrôlé, il combat les Irlandais en rébellion et conquiert des terres sur lesquelles il s’installera et d’où il sera par la suite chassé. On pense que son épouse est morte dans l’incendie de son château avec un enfant en bas-âge. Il poursuivra dans des écrits, que l’on considère aujourd’hui de tendance génocidaires, sa farouche opposition aux Irlandais indomptables.

En 1579, par l’intermédiaire de Philip Sidney, il entre dans le milieu littéraire. En 1580, il est secrétaire du nouveau Lord Député d’Irlande et s’installe à Dublin avec une nouvelle femme, épousée l’année précédente et dont il aura deux enfants. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie, occupant des postes importants dans l’administration et acquérant un nombre très important de propriétés. Il se remariera avec Élisabeth Boyle, seconde femme du poète et voyageur sir Walter Ralegh (1554-1618)[42].

Spenser s’est très tôt adonné à la poésie. Ses œuvres de jeunesse comme des comédies latines seront perdues.

Il est l’auteur de Le Calendrier des Bergers (1579), de Complaints (1571) et Amoretti, rédigé bien avant sa publication en 1594. Ce recueil est avec La Reine des fées, le plus connu de ses ouvrages. Voulant immortaliser le prénom de sa bien-aimée, Élisabeth Boyle, comme Dante le fit pour Béatrice et Pétrarque pour Laure, il lui dédie 89 sonnets inspirés de ce dernier, dans le genre anacréontique[43] et un épithalame (poème dédié à la mariée se rendant à la chambre nuptiale).


The Fairy Queen

Son œuvre maitresse, The Fairy Queen (Faerie Queene, La Reine des Fées) est restée célèbre[44]. Il ne publiera sur les douze livres qu’il envisageait que trois livres en 1590 et trois autres en 1596. Il s’agit d’un poème dans la tradition épique avec chevaliers aventureux, dames en détresse, dragons, etc., le prétexte étant celui d’une défense de la vertu. Pour ce poème, Spencer inventa une nouvelle forme de strophe appelée strophe spensérienne : la strophe à pentamètre iambique (cinq iambes= cinq pieds à syllabes courtes et longues) dont le dernier vers est en hexamètre iambique. Les rimes suivent le schéma aba bbc bcc.

« Ce poème épique suit les aventures de plusieurs chevaliers médiévaux. Chacun représentant une vertu particulière (sainteté, tempérance, chasteté, amitié, justice et courtoisie). Il est écrit à la gloire d’Élisabeth incarnée dans Gloriana - la Faerie Queene elle-même et la vierge Belphoebe ». (British Library)

Le poème est pour cela placé dans un contexte arthurien, ce qui explique le style volontairement archaïque. Arthur, ici, représentant la plus haute des vertu, la Magnificence.

« Parmi les principaux personnages allégoriques on compte Una, qui symbolise la vraie et authentique  rn protestante. La machiavélique Duessa représente quant à elle le catholicisme romain. Britomart et Belphoebe, jeunes guerrières, incarnent la vertu anglaise. Enfin, la Reine des fées, Gloriana, est fortement soupçonnée de cacher Élisabeth 1ère d’Angleterre » (Wikipedia).

L’histoire d’un des personnages, le roi Leyr, racontée par le Chevalier Guyon est une des sources du Roi Lear shakespearien (British Library https://www.bl.uk/collection-items/the-faerie-queene-by-edmund-spenser-1590).


John Lyly & L’ Euphuisme

C’est sous le règne de la Reine Vierge qu’avec ces deux romans Euphues, The Anatomy of Wit (Euphuès, ou l’Anatomie de l’Esprit, 1578 (1580 ?), puis en 1580 (1581 ?) avec Euphues ans His England (Euphues et son Angleterre), le poète John Lely ou Lylly (1554 - 1606) initie un courant qui s’étendra à toute l’Europe, devançant l’Italien Gian Batista Marino et son poème Adone de 1623, l’Espagnol Louis de Gόngora et ses Soledades de 1613 ou encore le poète de La belle Matineuse (1635), le Français Vincent Voiture. Ce courant prendra tout naturellement le nom d’Euphuisme en Angleterre et de précieux en France, de Gongorisme ou de Cultéranisme (selon Sotomayor) en Espagne, de Marinisme ou de Pétrarquisme en Italie. C’est d’ailleurs en Italie que les premiers signes avant coureurs de ce style nouveau s’étaient manifestés chez Boccace dans sa version du roman moyen-âgeux, Filicolo (L'Amoureux de l'Amour), dans L'Arcadia (1504) de Jacopo Sannazzaro ou chez discrètement Le Tasse.

 ευφυής en grec ancien signifie intelligent, ingénieux, doué, en fait brillant, esprit brillant, de là brillant causeur, puis par la suite celui qui cherche à épater par son  parler savant autant que par son érudition, fut-elle un vernis de culture mais…d’aspect brillant. Un langage élégant, un vocabulaire sophistiqué exprimant une pensée subtile, au second degré, spirituelle dans le sens de conceptuelle que l’on retrouvera dans le Conceptisme de l’Espagnol Alonzo Ledesma et les concetti du Marinisme. Concetti:  Pluriel de concetto, de son sens premier de concept, pensées recherchées, le terme a vu son s’élargir à « pensées plus ingénieuses que vraies, des traits d’esprit hors de propos ». « Traits d'esprit trop recherchés » (Larousse)

Un jeune Athénien narre sous formes épistolaires ses aventures mais l’auteur intercale des considérations sur l’amour, la religion avec de fréquentes références à la mythologie grecque.L’euphuiste avec le temps est passé du statut du jeune homme vif d’esprit à celui de pédant raseur.

Il a publié anonymement  un pamphlet au titre étranger, Pap With An Hatchet, alias A Fig For My Godson,orCrack Me This Nut,orA Country Cuff, that is, a sound box of theear for the idiot Martin, to hold his peace, seeing the patch will take no warning.Written by one that dares call a dog a dog,and made to prevent Martin's dog-days.


John Lyly (1553-1606) est issu d’un milieu aisé et cultivé. Son grand-père, latiniste de renom, fut un ami d’Érasme et de Thomas More. Il fait ses études à Oxford puis s’installa à Londres en 1576 et fut un temps secrétaire du Comte d’Oxford. La publication de ses deux ouvrages le rend tout de suite célèbre.  . La carrière d’écrivain de John Lyly se poursuivit par huit comédies de cour jouées devant la reine dont il était un courtisan assidu, et dont le ton bien qu’éloigné des drames populaires ne fut pas ignoré des auteurs élisabéthains. Shakespeare ou Ben Jonson l’utilisent de manière décalée pour certains de leurs personnages secondaires.


Sir Philip Sidney

Sir Philip Sidney (1559-1586), the Markar[45], est de haute noblesse. Sa mère était la fille du Duc de Northumberland, la filleul du roi Philippe II d'Espagne et le frère de celle-ci un très proche conseiller d’Élisabeth 1ère. Après des études à Oxford, il voyage de 1572 à 1575 en Europe. En 1576, il est échanson (celui qui sert à boire) de la reine. En 1577, il est ambassadeur auprès de l’empereur germanique Rodolphe II. Entre 1581 et 85, il est député. En 1585, Élisabeth ayant décidé de soutenir les Hollandais contre l’occupation espagnole, Sidney est envoyé à la ville de Flushing (Vlissingen, port de la Zélande) dont il est gouverneur et combat les Espagnols. En 1586, lors d’une charge téméraire à la bataille de Zutphen, il est blessé à la jambe. Sa blessure s’infecte. Il en meurt. Il est inhumé en grandes pompes en1587 à l’ancienne Cathédrale St Paul. Poète, soldat, homme d’état, Sir Sidney laisse l’image du parfait gentleman.

Il est l’auteur d’une Défense de la Poésie publiée en 1595 dans laquelle il introduit les nouvelles idées littéraires de la Renaissance. Il a écrit une œuvre mémorable dans le genre pastoral, une Arcadia parue en 1590, directement inspirée de sa sœur aînée l’Arcadie (1501) de Jacopo Sannazaro, première du genre (voir Poésie/Italie). Ses sonnets Astrophel et Stella (Celui qui aime l’étoile (astrophil) et L’Étoile) sont les plus réputés dans la littérature anglaise après ceux de W. Shakespeare. Ce recueil compte 108 sonnets et 11 chansons. D’inspirations pétrarquistes. 


« La plupart des sonnets d'Astrophel et de Stella sont influencés par les conventions de Pétrarque, incorporant des méthodes traditionnelles telles que la lune et le monde du sommeil et des rêves, pleurant l'absence de la dame, louant sa beauté unique, déplorant sa froideur et soulignant ses désirs frustrés… Sidney [utilise un] schéma de la rime profondément important pour la poésie de la Renaissance anglaise, essentiellement en libérant le sonnet anglais des exigences de rimes inflexibles de la forme du sonnet italien. » (https://fr.scribd.com/document/92514254/Astrophel-and-Stella).

 Ces sonnets s’inscrivent dans ce que l’on appelle « les cycles de sonnets » qui sont des sonnets reliés entre eux par le récit d’un amour naissant, croissant et généralement finissant douloureusement. Chose impensable pour son époque, Sydney dépeint un personnage débordé par sa passion. Stella - qui représenterait l’impossible amour de jeunesse de Sydney (réel ou littéraire) pour Pénélope Devereux qui devint Lady Rich- ne peut se résoudre à sacrifier son honneur et à quitter son mari, et défend Astrophil de la poursuivre de ses assiduités. Astrophil pleure son absence, son rejet, mais est heureux d’avoir aimé et avoir été aimé, au moins au début.


John Donne

 John Donne (1572-1631), né et mort à Londres, fut un prédicateur renommé et le chef de file de la Poésie Spirituelle. Hormis Satires parues en 1598, toutes ses œuvres ont été éditées après 1600. On lui doit notamment Holy Sonnets publiés en 1635

 Voir Âge Classique/Littérature/ Poètes Métaphysiques Angleterre


La Poésie Néerlandaise

Introduction

« La langue néerlandaise fait partie du groupe des langues germaniques occidentales, dont sont également issus l'anglais, l'allemand et le frison. Le néerlandais moderne possède des traits communs avec le bas-allemand… Le terme « néerlandais » n'apparaît qu'à la fin du XVe siècle. On utilisait le mot « thiois » – langue du peuple– pour désigner l'ensemble des dialectes moyen néerlandais parlés au Moyen Âge. Le néerlandais moderne, dont la dominante est le hollandais, avec d'importants apports brabançons et flamands, se constituera en tant que langue commune à la Renaissance. (Dorian Cumps Maître de conférence à l'université de Paris-Sorbonne (Paris-IV) https://www.clio.fr/bibliotheque/ la_langue_ et _la _litterature_ neerlandaises_des_ origines _a _ nos_jours.asp)

Au fil des siècles, le néerlandais ou plus exactement les dialectes néerlandais qui incluent le flamand occidental et le flamand oriental a été repoussé avec la romanisation de la France au-delà d’une frontière linguistique qui, approximativement, part de la frontière française, se prolonge

d’ouest en est le long du sud des Pays-Bas (frontière avec l’Allemagne) en traversant la Belgique au sud de Bruxelles.


On fait généralement commencer la Renaissance en littérature au Pays-Bas quand la distinction s’est faite entre le vieux-néerlandais (ou néerlandais moyen) parlé depuis le XIIème siècle et un néerlandais moderne dont la dominante est le Hollandais bien qu’incorporant pour une part les dialectes du Brabançon et des Flandres.

Le premier incunable en langue néerlandaise avec une page de titre illustrée fut publié en 1484 dans l’atelier de l’imprimeur Gerard Leeu (actif de 1477 à 1492) à Gouda: Van Marien rosencransken een suuerlic boexken. Il s’agit d’une traduction en néerlandais moderne à partir du néerlandais moyen d’une dispute académique pour la défense de la Fraternité du Rosaire (voir Anna Dablacova, Université de Leyde. https://histoirelivre.hypotheses.org/6627# footnote _7_6627).

Une telle évolution du néerlandais n’implique pas un grand changement dans les formes et le contenu de la production littéraire. Les idées humanistes commenceront à se manifester ‘seulement’ au XVIème siècle, notamment avec la figure emblématique de la Renaissance en Europe, Didier Érasme et son Éloge de La Folie, mais écrit en latin, en 1509. (Vol.1/Humanisme).

La Littérature sera bien évidemment un champ d’expression de l’affrontement entre catholiques et réformés majoritairement anabaptistes . Outre les textes polémiques, la traduction des psaumes en langue vernaculaire jouera un rôle important dans l’affirmation de la Réforme Hollandaise (voir Vol.1/Réforme Hollandaise).

 

Les Chansons des Gueux

Les Chansons des Gueux, au contraire sont, elles, une expression populaire, réunissant catholiques et réformés dans une même volonté d’indépendance, d’une libération de la tutelle de l’Espagne. Elles apparaissent en même temps que la Révolte des Gueux qui, elle même, aura lieu au cours de La Guerre de Quatre-Vingt Ans qui mènera de 1568 sous la houlette de Guillaume d’Orange dit La Taciturne d’abord à l’autonomie de fait des Sept Provinces-Unies en 1581, et ensuite à leur reconnaissance officielle au Traité de Westphalie en 1648 (voir Vol.1/Événements Majeurs).

Ces chansons furent toutes créées selon le principe du contrafactum[46]. Inspirées de mélodies anciennes et populaires, elles furent d'abord imprimées secrètement sur des feuilles séparées, vendues bon marché et provenant surtout des villes du Nord, comme Amsterdam, La Haye, Utrecht, Haarlem. Le premier recueil en est le recueil, intitulé Een (nieu) Geusen Lieden Boecsken (Un [nouveau] recueil de chansons de gueux). La plus ancienne édition que l'on en connaisse date sans doute de 1577/78. (Ref. Wikipédia).


Les Rhétoriciens

La Littérature de la Belgique néerlandaise

Les territoires belges et les Pays-Bas ont été unis politiquement, économiquement et culturellement jusqu’à l’avènement des Provinces-Unies en 1581. Autant la littérature flamande a brillé avec ses romans courtois du XIIème siècle, avec ses grands mystiques, Hadewijch d’Anvers (XIIème siècle), Ruysbroeck l’Admirable (XIVème siècle), autant, subissant le contrecoup de la prise d’autonomie des Sept Provinces du Nord, elle va connaître un certain déclin quand la Contre-Réforme va éliminer lentement la conscience et même la langue littéraire dans ce qu’il reste des Flandres. (voir Encyclopédie Larousse/Littérature néerlandaise). Cette scission entre Flandre catholique et Pays-Bas anabaptistes se  révèle dans la confrontation de deux polémistes : l’une, la plus ardente défenseuse de la Contre-Réforme, l’anversoise, Anna Bijn, l’autre sans doute la plus grande figures de la Renaissance littéraire des Pays-Bas, Philippe de Marnix, proche conseiller de Guillaume 1er Nassau.

« La littérature flamande et hollandaise doit être considérée comme un tout. C'est en Flandre que la littérature des Pays-Bas médiévaux a fleuri le plus abondamment. C'est d'ailleurs en Flandre et en Brabant que l'apprentissage a montré une nouvelle vigueur sous l'influence de la Renaissance et de la Réforme. Dans la littérature inspirée par la Réforme, le ton était donné par les vers satiriques lumineux de la catholique Anna Bijns et la satire polémique du calviniste Philips van Marnix. La Renaissance aux Pays-Bas a commencé avec Lucas de Heere, Carel van Mander [voir Vol.1/ Arts XVIème siècle/ Pays-Bas) et Jan Baptista van der Noot » (Encyclopedia Britannica/ Flemish-literature).

Subissant la persécution des réformés, de Heere et van Mander comme nombre de poètes flamands se sont réfugiés aux Pays-Bas Ce qui se traduira par un déclin littéraire du Sud au profit du Nord. Il faudra attendre le XVIIème siècle pour que la Flandre avec des poètes comme Adriaen Poirters (1605-1674), auteurs de poésies morales et religieuses et Justus de Harduyn (ou Harduijn, ou Harduwijn, 1582-1636) qui, issu de l’aristocratie gantoise (Flandre néerlandophone) fut un poète pétrarquisant qui adopta les sonnet à la française de La Pléiade et fut le premier à réunir ses sonnets sous forme de cycles.


Les Chambres de Rhétoriques

Au XIVème siècles les Chambres de Rhétoriques avaient pour vocation de préparer les représentations des Mystères et des Miracles (voir TI/Théâtre), mais au XVIème elles évoluèrent plus vers l’organisation des festivités municipales et des cérémonies. La plus connue est sans doute celle d’Anvers la Violieren (La Giroflée). Anvers, ville très importante par son rayonnement culturel et sa richesse économique pouvait compter plusieurs chambres.

Ces chambres de rhétorique réunissaient sous la forme de patronages religieux les membres d’une corporation ou les habitants d’un même quartiers. Les veillées étaient animées par des causeries qui traduisaient chez ces bourgeois une curiosité sur les lettres, la musique, la science, les arts. Elles finirent par devenir de véritables sociétés littéraires avec anciens et nouveaux, initiation et savoir-faire.

 Au XVIème siècle dans la Flandres néerlandophone, elles portaient les noms de De Roose (La Rose) à Louvain, Het Kersouwken (La Marguerite) à Nieuport, De Leliebloeme (La Fleur de Lys) à Diest (Brabant flamand), De Jenettebloem (La Jonquille) à Lierre (province d’anvers), De Olijftak (Le Rameau d'Olivier) et De Violieren (La Giroflée) à Anvers Anvers…


Au début du XVIIème siècle, dans le contexte d’une forte migration vers les Pays-Bas, flamands et brabants firent leur entrée dans les rederijkerskamers ou formèrent leurs propres  sociétés littéraires en gardant leur nom d’origine souvent le nom de plantes ou de fleurs : La Lavande et Le Figuier à Amsterdam, le Lys orangé Leyde, l'Œillet blanc à Harlem.

Le qualificatif de rhétoriqueurs appliqués aux poètes néerlandophones n’a pas le même sens que l’on donne aux poètes français du XVème siècle. Les poètes néerlandais du XVIème siècle étaient portés vers une retour à la poésie antique comme leurs contemporains français, mais les rhétoriqueurs du temps Jean Marot (1450-1526) père de Clément, étaient soucieux, eux, d’une versification savante (voir Poésie France)

« Stimulées par l'invention de l'imprimerie et par l'influence croissante d'une bourgeoisie instruite naissent, vers le milieu du xvème siècle en Flandre et aux Pays-Bas, les Rederijkerskamers (« chambres de rhétorique »). C'est ainsi qu'on appelle les guildes littéraires qui organisent, entre autres festivités culturelles, des concours de rhétoriqueurs, de nombreuses représentations théâtrales». (https://www.universalis .fr/ encyclopedie/anna-bijns/


« Les chambres de rhétorique étaient à l'origine des lieux de réunions, chambres ou camerae où se retrouvaient des professionnels d'un même métier ou des habitants d'un même quartier urbain au XVe siècle pour échanger des informations et causer sous un patronage religieux[1]. Comme ces « compagnies de quartier » prennent goût aux réunions ou veillées où se développent une certaine curiosité savante, littéraire, musicale et théâtrale et même un art de la représentation et de la formation des initiés vis-à-vis des novices entrants, elles se muent au-delà des groupes de parole ou d'expression, en associations d'affidés ou de membres adhérents promouvant une ou plusieurs disciplines à maîtriser, une ou plusieurs activités artistiques ou en véritables sociétés littéraires, artistiques, musicales et poétiques. L'essor ne concerne plus seulement les contrées urbanisées des Pays-Bas, comme Anvers, Audenarde, Bruges, Bruxelles, Liège, Lille Tournai, Gand... mais aussi les moindres villages des bons pays. La plupart des chambres de rhétorique s'affublent au XVIe siècle de dénominations poétiques et de blasons de reconnaissance, en langue héraldique. (Wikipédia)

Outre les fêtes liées au calendrier ecclésiastique, des concours d’archers, des célébrations au sein de la chambre, des occasions plus privées comme un dîner entre notables ou l’ordination d’un prêtre, ce sont surtout des grandes occasions  dans la vie du prince régnant qui incitaient le rhétoriqueur à prendre sa plume » (Samuel Mareel, Entre Ciel et terre, le Théâtre Socio-politique de Cornelis Everaert , Université de Gand».


De Quelques Rhétoriqueurs

Jan Smeken (Jan de Baertmaker de son état civil, 1450-1517) selon les sources est soit né et mort à Bruxelles dont il est à partir de 1485 le facteur, c’est-à-dire, le poète attitré (Wikipédia), soit né à Bar-le-Duc (BNF https://data.bnf.fr/fr /12200529/jan_smeken/). Ses œuvres, écrites en moyen néerlandais, sont essentiellement consacrées aux activités et festivités de sa ville.


 Jan van den Dale (1460-1522), originaire de Diest (Brabant néerlandais) passe sa vie à Bruxelles où il est inscritcomme bourgeois en 1494. Il sera membre de la Violieren (La Giroflée)[47]. La ville comptait alors quatre chambres de Rhétoriques. Ses deux œuvres qui comptent parmi celles qui restent sont deux œuvres qui jouissent d'une certaine renommée: De Stove (Le Poêle) qui parle de la famille et de qui devrait en être responsable, et De ure van der Doot (L’heure de la Mort) dans laquelle, dans une vision, il décrit l'irrévocabilité de la mort.


Matthijs de Castelein (1485-1550), né près de Audenarde en Flandre Orientale, exerça sa charge ecclésiastique dans sa ville natale de Pamele. Connu de son temps dans tous les Pays-Bas, il le resta encore longtemps après sa mort. Auteur de chansons amoureuses, son œuvre la plus connue est De const van Rhetoriken de 1548 dans lequel il traite de l’art de la rhétorique poétique.


Cornelis van Ghistele (1510-1573), né et mort à Anvers, connu sous le nom de La Taupe, exerça diverse professions de tonneliers à marchand de sucre, épicier, etc. Inscrit à la faculté de Louvain en 1525, de profession catholique, facteur à la Chambre de Rhétorique d’Anvers, la Violieren (La Giroflée), son œuvre, qui se porte plus vers la rhétorique de Cicéron que vers la rhétorique traditionnelle, marquant en cela le passage à la Renaissance, comprend des œuvres dramatiques comme Van Eneas ende Dido (1552), et des œuvres poétiques comme les élégies de Iphigeniae Immolationis libri duo, distiques de 1554, qui révèlent sa formation humaniste.


Willem van Haecht (1530- 1585), anversois, est issu d’une famille de peintres-graveurs. Il fut lui-même dessinateur et son œuvres est essentiellement consacrée à l’écriture de psaumes[48].


Johan Baptista Houwaert

Iehan ou Johan Baptista Houwaert (1533-1599), né et mort dans la capitale du Duché du Brabant, Bruxelles, fut un poète et dramaturge qui assuma des fonctions administratives et politiques importantes. Il fut conseiller et Maître Ordinaire

 de la Chambre des Comptes du Duché du Brabant.

De famille bourgeoise, il fit un riche mariage qui lui permit de faire construire dans la région bruxelloise sa maison restée connue, ‘La Petite Venise’. Condamné pour hérésie, autrement dit pour avoir fréquenté les milieux réformateurs, il fut mis en prison pour un an et n’échappa à la peine capital qu’en proclamant sa foi catholique. En tant que membre de la Chambre de Rhétorique, il organisa l’entrée du Stathouder Guillaume Nassau quand celui-ci devint gouverneur du Brabant pour le compte de Charles-Quint. Houwaert écrira de nombreux discours pour l’empereur et d’autres pièces de circonstance comme son poème dédié quand Alexandre Farnèse[49] fit son entrée en 1556 à Bruxelles, siège de la cour espagnole.  De 1577 à 1581, le prince occupera la charge de gouverneur général des Flandres et de la Bourgogne pour reprendre en main la région alors que le mouvement indépendantiste a commencé mené par le futur Guillaume 1er d’Orange Nassau aux côtés duquel Houwaert finit par se ranger.

Très estimé de son temps, Houwaert fut inhumé en grande pompe. Son poème Pegadyses pleyn fut admiré de tous les rhétoriqueurs. Son œuvre est abondante: tragédies, réflexions politiques, considérations morales, poèmes. Son influence sur les générations futures mais il finit par tomber dans l’oubli.


Anna Bijns

Anna Bijns (1493-1475), d’origine brabançonne mais née à Anvers (Flandre néerlandaise) est la fille d’un tailleur qui tient boutique sur la Grand-Place d’Anvers tout en fréquentant une Chambre de Rhétorique. Anna va ouvrir avec son frère une ‘petite’ école dans cette même ville et y enseigner jusqu’à l’âge de quatre-vingt ans. Elle resta célibataire toute sa vie.

Son œuvre est faite de poèmes religieux, mais fer-de-lance de la Contre-Réforme au Pays-Bas, elle aura aussi dans la polémique contre les luthériens.

En 1528 paraît Dit is een schoon ende suuerlick boecxken inhoudende veel scoone constige refereinen (…) vander eersame ende ingeniose maecht, qui connut un succès certain pour connaître une traduction en latin qui lui donna un renom en Europe, pour être réédité par cinq fois et pour être apprécié autant des humanistes que des rhétoriqueurs de sa ville, bien qu’en tant que femme, elle ne put jamais entrer dans leur chambre de rhétorique. Anna Bijns est la première dans la littérature néerlandaise à devoir son succès surtout à l’imprimerie. La forme en est celle du refrain, forme qu’Anna utilisa presque exclusivement, comptant pour la plupart 52 vers, parfois plus. Elle publiera d’autres refrains en 1529 dont certains traitent du mariage, de l’amour charnel, de la famille.

L’auteur flamand Jozef van Mierlo (1878-1958) qui a particulièrement écrit sur la littérature néerlandais, entre autres sur le mystique Ruysbroeck (voir Tome I/Mystique 14ème s.) lui attribue la paternité d’un roman écrit entre 1516 et 1524.

Elle avait une grande maitrise de la rhétorique, de l’art de la rime et de la versification .


Dirck Volkertszoon Coornhert

Dirck Volkertszoon Coornhert (1522-1590), fils d’un marchand de vêtements d’Amsterdam, fera profession de graveur à Haarlem de 1547 à 1561, date à laquelle ses compétences en matière de droit lui permettront de s’installer comme notaire. Il assumera des fonctions importantes dans l’administration de la ville. Ce contemporain de Philippe de Marnix, fut comme lui un homme d’état, secrétaire de Guillaume d’Orange. Engagé dans la Guerre de Quatre-Vingt Ans (guerre d’indépendance entre 1568 et 1581), il est contraint à l’exil à Xanten (Rhénanie) où exerçant son premier métier de graveur, il aura pour élève le peintre et graveur Hendrik Goltz (voir Vol.2/ Peintures 16ème Pays-Bas/Les Golrzius). De retour en Hollande en 1577, il sera notaire jusqu’à sa mort.  


Catholique, mais ardent défenseur de la liberté de conscience, cet esprit ouvert s’opposa à tout extrémisme, celui des catholiques aussi bien que celui des protestants. Son esprit de tolérance imprégna la mentalité néerlandaise. Il est un des précurseurs de la laïcité.

Il est considéré comme l’un des premiers humanistes, des Pays-Bas après Didier Érasme (1466/69-1536).

Avec son Zedekunst, traité sur l’éthique dans lequel il veut réunir en un système unique la Bible, Plutarque, et Marc (1586), ses principaux ouvrages sont le Traité contre la Peine Capitale des Hérétiques (1585); De l'Origine des Troubles des Pays-Bas (1590) et  Du Bon et du Mauvais Usage de la Fortune (1610) sont

Il est également l’auteur de la comédie van de Rijcke Man. Il a traduit Boèce (480-524), celui-ci entre autres traducteur de Platon, et le cordouan stoïcien Sénèque (1er siècle ap. J.C.). On lui doit des traductions de Cicéron et de L’Odyssée (Dolinghe van Ulysse,1561).


Philippe de Marnix

Philippe de Marnix, baron de Sainte-Aldegonde (1538/40-1598), bien que né à Bruxelles, est issu de la noblesse savoyarde. Homme d’État et Chef de Guerre, il sera aussi poète et polémiste. Il fait des études de droit dans les universités réputées de Louvain, Paris, Padoue, avant d’apprendre la théologie à Genève aux côtés de Théodore de Bèze (voir Vol.1 /réforme suisse). Il s’engage ensuite dans une carrière politique. Il participe au Compromis des Nobles qui présenta une pétition en faveur des Réformés et leur liberté de conscience à la régente Marguerite de Parme, demi-sœur de Philippe II d’Espagne. Il prit position dans la Révolte des Gueux auprès de Guillaume d’Orange[50]. Il fut contraint en 1567 à l’exil et dut vivre pauvrement.

De retour aux Pays-Bas en 1571, Marnix devient un proche conseiller de Guillaume 1er d’Orange-Nassau, qui depuis trois ans s’est mis en rébellion contre les Espagnols au service desquels il était en tant que Stadhouder des provinces de Zélande, Hollande et Utrecht. Il s’est allié avec les huguenots de France (voir Événements Majeurs/1ère Guerre des Religions). Sa victoire à la Bataille de Heiligerlee marque le début de la Guerre de Quatre-Vingt Ans (guerre d’indépendance entre 1568 et 1581).

Marnix va assumer d’importantes missions diplomatiques à Paris et Londres. En 1584, année de la mort de Guillaume d’Orange, il mène son dernier combat en défendant en tant que maire la ville d’Anvers contre les troupes catholiques d’Alexandre de Farnèse. La ville perdue, il se retire de la vie publique. A part une courte période comme ambassadeur à Paris, il consacre la fin de sa vie à traduire la Bible en néerlandais dont il ne finit que le premier livre du Pentateuque.


Il écrivait couramment en trois langues : le néerlandais, le latin et le français. Véritable polyglotte, il parlait aussi l’allemand, l’anglais, le grec et l’espagnol.

Philippe de Marnix reste dans les Lettres Hollandaises pour trois écrits : Tout d’abord pour son célèbre pamphlet dans lequel il prend la défense des Réformés, Vraye Narration et Apologie des Choses Passées aux Pays-Bas Touchant le Fait de la Religion en l'An 1566 Par cevs qvi Font Profession de la Religion Reformée audit Pays; puis pour sa satire contre l’Église de Rome, Biyenkorf der Heilige Roomsche Kercke (La Ruche de la Sainte Église Romaine,1569) écrite sous le pseudonyme d’Isaac Rabbotenu (Celui qui utilise le rabot), écrite en néerlandais qui n’est pas sa langue maternelle et dans laquelle, à la charge contre le catholicisme, se joint un rappel des fondements de la Réforme, l’importance de la Bible et du Christ-Sauveur; et enfin, pout son œuvre majeure Tableau des différends de la religion, écrite en français, publiée après sa mort en 1599, qui est en fait un développement, un enrichissement et un remaniement de l’œuvre précédente, et dans laquelle au prétexte de faire le (faux) éloge de l’Église Catholique, un clerc maladroit n’a de cesse malgré lui d’en dénoncer ses pratiques, ses docteurs de la foi, son clergé, ses rites.

La prodigieuse érudition de l’ancien élève de Calvin, que révèle cette œuvre, ne prive pas son auteur d’une irrésistible faconde digne de Rabelais. Ce genre du faux-éloge est en vogue à son époque dont le plus célèbre exemple est L’Éloge de la Folie (1509) d’Érasme (1469-1536).

Rien ne confirme qu’il serait l’auteur de l’hymne néerlandais : "Wilhelmus van Nassouwe", poème devenu l'hymne national néerlandais.


Jonker Van der Noot

Jan Baptista Van der Noot (ca1535-ca1600) nait à Brecht (Province d’Anvers) dans la ferme seigneurial de son père Adriaan van der Noot, qui était shérif de Brecht et ancien échevin (prud’homme) d'Anvers. La famille  originaire du Brabant s’était installée de longue date dans la région d’ Anvers.

Van der Noot s'installe à Anvers où il devient échevin en 1562. En 1565, il redevint échevin de la ville.

Il commence à écrire des poèmes en français et néerlandais dans lesquels on sent la forte influence des poètes de La Pléiade. En mars 1567, il participe au soulèvement révolutionnaire calviniste dans l'espoir de devenir margrave[51] d'Anvers. La révolte échoue.


En 1568, paraît en Angleterre son œuvre majeure Het Theatre Oft Tonn-Nee  (Le Théâtre des Mondanités, 1568) dans laquelle il défend les thèses calvinistes et dénonce la mondanité de la société néerlandaise. On y trouve des épigrammes sur la mort de Laure dans le style et la forme du poète italien dont il donne la traduction de certains poèmes, des poèmes directement inspirés de la poésie de Ronsard, ainsi que des traductions de poèmes de du Bellay. L’œuvre sera traduite par E. Spencer l’année suivante. Traduite en allemand, elle fera connaître dans ce pays le sonnet et l’alexandrin, servant de passerelle entre la Renaissance française et la Renaissance allemande. En 1570/71, il publie le premier recueil de poésie en néerlandais, aussi premier recueil de la Renaissance aux Pays-Bas. Le titre est inspiré du Boccage de Ronsard (1554), Het bosken (Le petit bois). Ce recueil contenient des poèmes de jeunesse et une traduction des psaumes de Clément Marot (1496-1544, voir Réforme/Réforme Suisse).


Banni à vie des Pays-Bas Espagnols en 1569(/70), il se rend alors  en Allemagne où il publie une traduction de Het Theater oft Toon-neel sous le titre Theatrum das ist Schawplatz. Selon certaines sources, il serait allé en Provence pour visiter les lieux où vécut Pétrarque, puis à Paris où il aurait rencontrer P. de Ronsard et Jean Dorat.

Sa devise était « Il faut s'accommoder au temps ». C’est ce qu’il fit. Ruiné, il revient à Anvers en 1579 après être redevenu catholique. Un an plus tard est édité son Éloge du Brabant, à l’époque province espagnole. Il est alors reconnu comme poète officiel du duché. Jusqu’en 1595, date à laquelle on perd sa trace, il va publier des œuvres en éloge à des personnage publics et l’ensemble de ses Œuvres Poétiques. On le suppose mort vers 1600.

Il a aussi écrit un long poème épique, Olympios, calqué sur la Franciade de Ronsard et dans lequel le poète part en quête de sa Dame, idéalisée en Olympia, la retrouve sur l’Olympe où il s’unit à elle. L’ouvrage sera publié en premier en Allemagne, à Cologne, en 1576, sous le titre le Livre de L’Extase.

Van der Noot aura été celui qui introduisit le sonnet, en alexandrin dans las pays néerlandais et en Allemagne et y aura été leur premier représentant de la Renaissance en littérature. Sa culture, sa possession des langues,  ses amitiés avec le poète Edmund Spencer (15552-1599) et avec les poètes de la Pléiade, ses voyages et bien sûr ses écrits et ses traductions d’Homère, Sénèque, Cicéron et Boèce, ont fait de Van der Noot une figure importante de la Renaissance Humaniste. Il fut reconnu de son vivant comme le Prince des Poètes néerlandais et reçu le titre honorifique de Jonker, chevalier.


Roemer Pieterszoon Visscher

Roemer Pieterszoon Visscher (1547-1620) fut un marchant opulent de la prospère Amsterdam, mais aussi un humaniste. Figure morale de son temps, il organisa jusqu’à sa mort des soirées dans sa maison du Quai de Gueldre où se retrouvaient poètes, écrivains, artistes, savants, hommes politiques importants. Ces soirées, les Muiderkring (les cercles de Muider) furent reprisent par l’historien et poète Pieter Hooft (1581-1647) en 1630 au château de Muiderslot dans le village de Muider (Hollande du Nord) (voir Âge Classique/ Littérature/ Pays-Bas/Poésie/Pieter Hooft). Il est également connu pour ses emblèmes[52], les Sinnepoppen publiés en 1614.

Il eut deux filles : Anna Visscher (1583-1651), artiste et traductrice et Maria Tesselschade Roemersdochter Visscher (1594 - 1649) qui, plus connue sous le simple nom de Tesselschade, fut une poétesse réputée à l’ Âge d’Or Hollandais (voir Littérature Baroque/ Pays-bas).

         Il peut être intégré au mouvement poétique des Grands Réthoriqueurs (rederijkers). Il fut populaire en son temps pour ses épigrammes tels ses In Liefde Bloeiende (Fleurs d'Amour).


La Péninsule Ibérique

Le XVème Siècle , Un Siècle de Transition

Le Romancero 1440-1550

La matière de la chanson de geste, au Moyen-âge, en Espagne, avait été tirée essentiellement du Cycle de Bretagne .« La matière de Bretagne était plus répandue en Espagne que la matière carolingienne » (Charles-V.- Aubrun, Bulletin Hispahnique 1984/ Persée/, Le « Cancionero General, https://www.persee.fr/ doc/hispa_0007). La geste chevaleresque pouvant être pouvant être aussi bien historique (Le Cid) que lyrique (Chimène et le Cid, voir T1/Chanson de Geste/Espagne). La jeunesse, les exploits de la figure historique et légendaire de Rodrigo Diaz de Vivar (1043-1099), surnommé le Cid ou le Campéador [53], sont un des thèmes privilégiés du romancero. Elle donnera lieu à de nombreux récits très populaires, réunis sous le titre de  Romancero du Roi Rodrigue.


Le  'Cantar de Rodrigo' 'ou 'El Cantar de Mio' est le premier chant sur le Cid. Il a été mis par écrit, selon, les sources, soit en 1128 soit en 1207 par un dénommé Per Aba. Vers 1344-1360, un dernier chant,  Les Mocedades de Rodrigo' (Les exploits de Jeunesse de Rodrig) est un  chant épique qui narre ses exploits de jeunesse (mocedades).

Le Cid nous est mieux connu depuis la pièce de théâtre Les Mocedades del Cid, écrite entre 1605 et 1615 par Guilhem de Castro en 1618 et par la tragi-comédie de Corneille, Le Cid, qui, écrite en 1636,s'en inspire.

« Fréquemment employé dès le xiiie siècle, il faut attendre la seconde moitié du xve siècle pour que le terme romance recouvre son sens actuel. C'est précisément à cette époque que remontent les romances les plus anciens que l'on possède » (https://www.universalis. fr/encyclopedie/romancero/2-essai-de-classification/)

Au XVème siècle vont commencer à être recueillis et publiés d’anciens romans anonymes, issus de la tradition populaire orale, que les troubadours espagnols perpétuaient encore au XIVème siècle. Ceux qui ont été publiés sont ceux qui au fil des interprétations des troubadours ont conservés une même trame et qui pouvaient constituer une unité de genre, le Romancero (Romance).On divise le Romancero en deux groupes qui, s’ils sont distingués par la date de leur publication, il n’en constituent pas moins un même genre par leurs motifs, leurs styles et les répétitions que l’on y trouve : Le Romancero Viejo et le  Romancero (nuovo) plus tardif et qui poursuit la tradition.


Le Romancero est œuvre à la fois littéraire et musicale, toujours d’origine populaire à la différence du Cancionero. Du point de vue de la poétique, la Romance est courte, en octosyllabes à rimes assonantes intercalées. La partie musicale est sous forme de la Ballade.

 « On a adopté, en français, la forme masculine afin de distinguer un romance d'une romance…En Espagne, le mot romance s'appliqua assez tôt à une combinaison métrique dont les vers impairs restent libres et dont les pairs constituent des assonances, surtout si le mètre de cette composition compte huit syllabes (à la manière espagnole, ce qui en fait l'équivalent de l'heptasyllabe français). Si le vers possède une ou quelques syllabes en moins, on l'appellera romancillo (petit romance) » (https://www.universalis.fr/ encyclopedie/romancero)


Le Romancero viejo

Le Romancero viejo provient de deux sources.

Première source : Les Feuilles Volantes appelées pliegos de ciego car feuille volantes vendues par les aveugles dans les rues, mais aussi appelées literatura de cordel car épinglées dans les boutiques des marchands de cordes. La plus ancienne feuille volante a été publiée entre 1506 et dans la ville de Saragosse.

« La romance courtoise en grande faveur jusqu’au XVIIème siècle a contribué a forgé l’image du ‘caballero’ : sa ferveur amoureuse, la subtilité de ses sentiments vont de pair avec sa force d’âme et sa science du combat. » (C.V-.Aubrun op.cit.)

Le Cancionero General (1511), considéré comme le plus ancien des romenceros viejo est une anthologie de la poésie musicale castillane médiévale. Les roman(ce)s insérés, révèle une influence populaire. Ce recueil connut un très vif succès sous les Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle. De nouvelles figures du chevalier apparaissent comme les Romance du Comte Dirlos (1512), celle du Comte Alarcos et de l’Infante Solila (1513), et celle du Marquis de Mantoue (1516).

« Les Hallelujahs, Pliegos de Cordel ou Romances de Ciego ont maintenu pendant des siècles la coutume de raconter des histoires en vers et de les illustrer par des images. Il semble que la première modalité de ces bandes dessinées ait été les Hallelujahs, des feuilles avec des dessins et des vers faisant allusion à Jésus-Christ qui ont été livrées aux églises le dimanche de Pâques. En fait, la plupart des alléluias ou feuilles de ficelle avaient une fonction religieuse ou moralisatrice.

Les feuilles de ficelle apparaissent au XVe siècle après la création de l'imprimerie. On les appelait cordel car pour les exposer et les vendre on les suspendait à une corde.

C'était une des manières de gagner sa vie pour les aveugles, c'est pourquoi on les appelle aussi Cantares ou Romances de Ciego ». (Carmos Osorio, Histoires de Madrid 2021 https://caminandopormadrid.com/aleluyas-y-pliegos-de-corde).

 Seconde source : les recueils des chansons castillanes.


« Les recueils de chansons[54] sont de courts recueils de chansons et de poésies de divers auteurs qui étaient normalement récitées à la cour à la fin du XVe et au début du XVIe siècle en Espagne. Certains romans anciens ont été trouvés dans différentes collections, comme le Cancionero de Estúñiga  (env. 1460-1463), le Cancionero de Londres (fin du XVe siècle) ».

I Cancionero de Romances publié vers 1547 par Martin Nucio contient la plupart des romans castillans qui circulaient oralement à cette époque.


Le Romancero nuovo

Le Romencero nuovo apparaît dans le dernier quart du XVIème siècle et restera vivant dans une bonne partie du siècle suivant.

« Il est composé de tous les romans nouveaux ou artistiques écrits par des auteurs connus et cultivés de la seconde moitié du XVIe siècle. C'est le nom donné à l'ensemble des romans composés par des poètes savants. Des auteurs tels que Cervantes, Lope de Vega, Góngora et Quevedo se sont démarqués, qui ont considérablement renouvelé leur contenu thématique et leurs ressources formelles. Dans ce nouveau Romancero, les romans apparaissent sur des sujets en vogue dans la littérature de l'époque et reflètent les événements historiques de leur temps. Logiquement, en se présentant comme `` nouveaux '', les textes romanesques de ce moment révèlent leurs racines traditionnelles, qui les intègrent à un genre enraciné dans le goût et la culture, mais le style sera différent, derrière le style traditionnel, un style artistique cultivé, plein de réminiscences classiques, [annonçant] les nouveautés et de la mentalité et de la culture naissantes du baroque. » (https://literaturabits. wordpress.com/2014/04/28/el-romancero-nuevo/)

Lope de Vega et Luis de Góngora  participeront à cette nouvelle vogue du Romencero Nuovo. Et Cervantès fait la satire de la chevalerie avec son Don Quichotte (1605). Eux-mêmes et des poètes de leur temps écriront aussi des romances que l’on désigne sous le terme de Romancero nuevo[55].


Diego de San Pedro

Diego de San Pedro (1437-1498) n’a laissé aucune trace de sa vie si ce n’et à travers ses œuvres par lesquelles on peut déduire certaines faits. Il a été pendant 29 au service du roi Henri IV de Castille (1525-1574) et à la mort du roi ils est entrée au service de Don Juan Téllez-Girón, comte d'Urueña et demi-frère de la reine Isabelle 1ère de Castille.

Il n’aurait pas écrit avant 147à et dans les années 1480, il aurait écrit pour la reine Isabelle et pour son entourage. On a pu supposer qu’il était un converso (un juif converti au christianisme).

Il a écrit par ailleurs La pasión trobada (vers 1480), Las Siete Angustias de Nuestra Señora (Les Sept Douleurs de Notre-Dame , vers 1480) composé à partir de sa Passion ; Sermón (vers 1485) « une parodie qui enseigne aux hommes et aux femmes comment agir dans le contexte de l'amour, soulignant l'infériorité des hommes amoureux, mais soulignant également l'importance des femmes pour consoler leurs amants » ; Arnalte y Lucenda et surtout La Cárcel de Amor (La Prison d’Amour, 1493). « Tous deux sont considérés comme des romans sentimentaux, mais aussi comme repères littéraires l'un de l'autre et reflet de l'effervescence politique, sociale et culturelle de la Renaissance[56] ».

Avec la romance, Tractado de Amores de Arnalte y Lucenda (L'Histoire des Amours d'Arnalte et de Lucenda, 1491), son œuvre la plus connue reste l’autre romencero, (novela sentimentale) La Cárcel de Amor (La Prison d’Amour, 1493). Là aussi, un narrateur raconte l’histoire sentimentale sur laquelle viennent se greffer des lettres, des monologues et des discours qui étoffent l'intrigue. L’œuvre, dédiée à son protecteur le Comte d'Urueña, connu un grand retentissement et plus encore hors des terres castillanes.


« La mise en récit des troubles amoureux de jeunes gens se reconnaît de façon générale à sa brièveté- entre la captivité initiale et la mort finale de Lériano, peu d’événements se produise-, à l’échange épistolaire- un cercle assez large de protagonistes prend la plume – et à la tonalité lyrique des prises de paroles… Mais ce qui fait la spécificité du livre par rapport aux fictions de même nature, ce sont les nombreux débats de casuistique amoureuse empruntés à la tradition scolastique, les épisodes guerriers à la manière chevaleresque et la figuration allégorique de la passion (désir, espérance, Douleur » (Pascale Mounier, Diego de San Pedro, La Prison d’Amour, Persée : Réforme, Humanisme, Renaissance Année 2008 66 pp. 141-143).

« Roman ou novela sentimental, l’étiquette générique traditionnellement assignée à la Cárcel de amor de l’humaniste castillan Diego de San Pedro, ne rend pas compte pleinement de la spécificité de cet ouvrage ni de son recours massif à l’échange épistolaire. L’analyse des structures narratives, des types épistolaires employés, des jeux de polyphonie qu’ils produisent, permet de souligner la dimension théâtrale dans la conduite narrative et ses points de contact avec le roman épistolaire ».( Ghislaine Fournès, Statut et fonctions de la lettre dans la Cárcel de amor de Diego de San Pedro).


La Poésie Castillane

Le règne de Jean II[57], roi de Castille et de León couvre la première partie du XVème siècle. Ce fut un roi qui sans être un grand homme politique, fut un amateur des arts et des lettres et réunit à sa cour un florilège de grands poètes. C’est sous son règne que brillera l’École Valenciennoise.

Il est à noter qu’Alain Chartier[58] (1385/90-1430), poète et homme politique aura une influence manifeste sur la poésie espagnole du XVème siècle en faisant « figure de novateur ». Le Marquis de Santillane en fera l’éloge ; l’écrivain castillan Diego de San Pedro trouvera chez l’auteur de La Dame Sans Mercy « le secret de sa mélancolie et de l’atmosphère langoureuse dans laquelle se complaisent ses personnages » ; et Diego de La Vera trouvera dans le Quadrilogue  et dans  les Épîtres « la technique de la propagande politique » (Charles V. Aubrun, Bulletin hispanique Année, persee.fr/ collection/hispa).


Le Marquis de Santillane

Íñigo López de Mendoza y de la Vega, premier marquis de Santillane (1398- 1458) nait à Carrion de los Condes dans le Royaume du León (n.e. Espagne), royaume que n’ont jamais pu conquérir les musulmans et qui sera le camp de base de départ de la Reconquista. Son père, Grand d’Espagne, avait en un premier mariage épousé Marie de Castille, fille du roi Henri ii, et sœur de Jean 1ère. A l’âge de seize ans, alors orphelin de mère et de père, Íñigo López a terminé son éducation. Il a appris, la rhétorique, le latin, les belles-lettres, la philosophie et l’art de la poésie.

Jean ii le fait marquis de Santillane pour son engagement dans la bataille d’Olmédo, qui a permis la victoire sur la Navarre et pour son autre brillant engagement dans la Reconquête qui va voir son aboutissement en 1492 par l’abdication du dernier émir nasride de Grenade.


Reconnu pour son courage, figure du preux chevalier chrétien, il est entouré d’une grande renommée. Sa forte érudition lui vaut le surnom d’el Sabio (Le Savant). A sa mort, Gomez Manrique, son neveu, lui dédiera une élégie et le poète castillan Jean de Mena fera son éloge dans son poème, la Coronacion (Le Couronnement).     

Son œuvre la plus connue est La Lettre au Connétable de Portugal avec Les Proverbes des vieilles femmes, de Portugal. La Mort de don Henri de Villena est un petit poème de vingt-deux octosyllabes de arte mayor ou grands vers, dans lequel l’auteur pleure la mort du savant et célèbre marquis de Villena, dont il était en quelque sorte le disciple, et qui lui avait adressé sa poétique intitulée Gaya Sciencia (gaie science).

Seulement un tiers de son Cancionero (recueil) de ses œuvres a été publié à ce jour. Il contient entre autres « quarante-deux sonnets, chacun de quatorze vers, distribués en deux quatrains et deux tercets, conforme enfin au sonetto des Italiens » (Édouard d'Ault-Dumesnil, revue des Deux mondes, TI, 1834). Ces citations fréquentes des poètes italiens laissent clairement entendre qu’il en possédait la langue et sans doute possédait-il aussi le français.


S’il opte pour une poésie courtoise et en cela fidèle à la figure de la Dame chantée dans les Chansons provençales et les romans bretons

« une pointe d’ironie se glisse dans ses stances amoureuses, un soupçon d’impiété dans ses serranillas. Figure conventionnelle, la Dame n’est plus qu’un thème poétique où s’exercent à l’envie le goût pour la subtilité, et le culte des sentiments excessifs. La casuistique amoureuse s’écarte chez Santillane et chez les Espagnols en général de l’observation et de l’analyse psychologique » (Persée ref. citée)

Le marquis de Santillane aura laissé une œuvre littéraire importante à double titre : par son volume et par l’influence qu’elle exerça. En prose, une œuvre de réflexion, sur la politique ou sur la poétique ; en vers, des poèmes d’amour, religieux et surtout bucoliques, appelés des Serranillas : Querella de Amor, la Comedieta de Ponza, la Vaquera de la Finojosa ,la Mozuela de Bores, El Aguilando. Ses sonnets sont connus pour être les plus anciens de la poésie espagnole.


Jorge Manrique

 Jorge Manrique (1440-1479) est issu de la noble famille des Manrique de Lara qui, proche du pouvoir, jouait un rôle politique important en castille depuis le commencement du Bas Moyen-âge, et qui connu nombre de poètes et d’auteur dramatique en son sein comme le poète reconnu de son temps, Gómez Manrique (1412-1490),oncle Jorge et neveu du Marquis de Santillane.

Il embrasse la carrière militaire dévolue à son rang. Il participe activement à la montée sur le trône d’Isabelle 1ère de Castille qui aura dû attendre la mort de son demi-frère aîné, Henri IV en 1474 alors que leur père Jean II avait désigné Isabelle pour lui succéder en 1454. Il soutiendra la reine contre les partisans de la montée sur le trône de la fille de Henri IV, Jeanne de Castille, dite la Beltraneja[59] qui a épousé l’année suivante son cousin Alphonse V du Portugal. Il meurt en 1479 devant le château de Garci-Muñoz (Cuenca) pendant la guerre contre les troupes d’Alphonse V d’Aragon (†1458) qui, soutenu par Louis XI qui a fait envahir le nord de la Castille, est entré en Castille avec l’intention de faire monter sur le trône son épouse Marie de Castille, Henri III de Castille et de Catherine de Lancastre. De cette guerre sortiront vainqueur les Rois Catholiques, Ferdinand II et Isabelle 1ère .


Jorge est resté célèbre pour ses stances écrites à la mort de son père en 1476, Coplas por la muerte de su padre Don Rodrigo parues en 1496 à Séville. Commentées par des poètes comme Antonio Machado (1875-1939), traduites en plusieurs langues, ses élégies sont emblématiques de la poésie espagnole.

« Ce long lamento de plus de quarante strophes (octosyllabiques de douze vers) sur la toute-puissance de la mort, la vanité du monde, la fragilité de toutes choses, le destin éphémère des hommes, l'exaltation des valeurs spirituelles reprend des thèmes communs à l'époque. Le discours parfois n'est pas dépourvu d'emphase. Mais le poète obtient le plus souvent des effets bouleversants »   (Encyclopédie Universalis).


« Cette élégie appartient à la tradition médiévale de l'ascèse chrétienne: contre la mondanité de la vie, elle postule une acceptation sereine de la mort, qui est le passage à la vie éternelle. Cependant, il pointe déjà une idée originale qui prélude à la conception Renaissance du siècle suivant: en dehors de la vie terrestre et de la vie éternelle, Manrique fait allusion à la vie de renommée, c'est-à-dire à la permanence dans ce monde en vertu d'une vie spécimen qui reste dans la mémoire des vivants… Coplas s'est éloigné des clichés macabres si abondants dans la littérature morale de l'époque et a réussi à atteindre une profondeur émotionnelle extraordinaire ». (https://www.biografiasyvidas.com/biografia/m/ manrique.htm: Ruiza, M., Fernández, T. y Tamaro, E. (2004). Biografia de Jorge Manrique. En Biografías y Vidas. La enciclopedia biográfica en línea. Barcelona (España)

Jorge est aussi le poète de stances amoureuses, burlesques, allégoriques.


Le 15ème Siècle, Siècle d’Or Valencien

Le XVième siècle[60] espagnol est aussi marqué par le règne d’un roi, renaissant avant l’heure pour son amour des arts et des lettres,  Alphonse V dit le Magnanime (1394-1458), roi d'Aragon et de Valence, la ville ayant été rattachée à la couronne d’Aragon par le Traité de Cazola qui en 1179 répartissait entre l’Aragonais et la Castille, les terres (re)conquises aux musulmans.

Alphonse  sera également roi des Deux-Siciles (Sicile et Naples) de 1442 à 1458. Son fils bâtard Ferrante 1er d’Aragon prendra sa succession de 1458 à 1494. Ce qui favorisera grandement les échanges culturels entre les deux péninsules. Le royaume de Valence bénéficie alors d’une relative tranquillité en échappant aux conflits de succession que connaissent les autres royaumes de la péninsule. De grands talents littéraires vont émerger tout au long du siècle au point que cette riche période littéraire sera appelée le Siècle d’Or Valencien. Poètes et écrivains ont abandonné la langue provençale des troubadours qui étaient encore jusqu’à la fin du siècle précédent reçus à la Cour de Castille et d’Aragon. Ils se détachent petit à petit de l’influence italienne. A l’instar du poète Ausiàs March, ils emploieront dorénavant pour la prose comme pour le vers la langue castillane.


Jordi de Sant Jordi

Jordi de Sant Jordi[61] (†1424) est chronologiquement parlant le premier représentant de l’École Valenciennoise. Il a participé aux côtés du poète Ausiàs March à la tentative de conquête de la Corse et la prise de possession de la Sardaigne et entreprise par le roi Alphonse V Le Magnanime en 1419[62]. Mais à la différence de March qui retourne dans sa Valence natale, il suit le roi à Naples, alors royaume des descendants de Charles d’Anjou (†1285), fils du roi de France Louis VIII dit le Lion (1187-1223-1226), et frère de Saint Louis qui lui confère l’apanage d’Anjou, roi de Naples et de Sicile de 1266 à 1282[63].

Emprisonné avec son roi fait prisonnier par le condottiere Franscesco Sforza, premier Duc de Milan, qui a envahi la ville en 1423, Jordi écrit son œuvre maitresse, Le Prisonnier, un poème courtois adressé à Marguerite de Prades, épouse du roi d’Aragon Martin 1er († 1410)

Son œuvre est courte. Né à la toute fin du 14ième siècle, il meurt jeune, vers les 25 ans. Sa poétique reste dans la droite ligne de la poésie courtoise, héritée des troubadours provençaux dont il pratique la langue et la métrique. Elle est aussi influencée par Pétrarque. Il n’empêche qu’au-delà de l’aspect formel, Jordi puise en lui-même son propre univers poétique, tendre et inquiet, fait de nostalgie, de mélancolie. Il ferme en quelque sorte la porte de la littérature du moyen-âge espagnol alors que  March, Martorell et autres Joan Roís de Corella ouvrent celle des Temps Modernes.


Ausiàs March

Ausiàs March (1397-1459), né à Norgia (Borja) ou à Beniarjó ou encore à Alicante, trois villes de la province valenciennoise est d’une famille de riches bourgeois anoblie en 1360. Il passe sa jeunesse à la ville ducale de Gandia que l’on donne aussi pour sa ville natale. Son père était le chevalier Pere March, lui-même poète comme son oncle Jaume.

Après avoir reçu une formation de chevalier autrement ditd’une formation militaire, comme l'exige sa condition sociale, il commence sa carrière militaire en 1420. Il a à ses côtés d'autres poètes tels que le catalan Andreu Febrer et le valenciennois Jordi de Sant Jordi, qui comme lui combattent en Corse et en Sardaigne au cours des expéditions maritimes d’Alfons el Magnànim qu’il veut prendre les iles aux Génois[64].

Il est fait chevalier en 1421 et revient à Valence. Il repart en 1424 pour défendre la Sicile contre les pirates musulmans d’Afrique du Nord. Pour services rendus, le roi lui accorde des privilèges et lui donne la chargede la fauconnerie royale. Un document énigmatique de la reine Maria datée de 1425 dans lequel elle ordonne qu'un jeune homme, qui était parti avec le poète, soit recherché et renvoyé au domicile familial, laisse entendre que March a pu être homosexuel.


Il ne tardera pas à se retirer à Gandia, un des centres du parler valencien (catalan méridional) où est né son beau-frère, Joanot Martorell (1413-1468), un des pères du roman moderne par son célèbre roman Tirant le Blanc publié bien après sa mort en 1490. Ausiàs va s’occuper à rentabiliser ses terres, notamment en y introduisant la culture de la canne à sucre. De 1437 à 1443, il est marié à Isabel Martorell. Puis il se remarie avec la poétesse Joana Escorna, de petite noblesse qui décèdera en 1454. Veuf, père de cinq fils nés tous hors mariage, March poursuit jusqu’à sa mort sa vie de gentleman farmer avec des privilèges juridiques que ses bons rapports avec le nouveau duc de Gandia, Charles de Viane (†1461), fils du frère et successeur d’Alphonse V, Jean II d’Aragon, homme de lettres, et lui ont permis d’obtenir. Il meurt à Valence à 62 ans (Socle de biographie :http://www.cervantesvirtual.com/portales/ausias_march/ autor/).


March est l’un des plus imminents représentants de cet apogée valenciennois. D’aucuns le considèrent comme le plus grand poète espagnol du XVème siècle. Son œuvre poétique, commencée relativement tardivement à l’âge de 33 ans, révèle tout son art de l’analyse et de l’exposition du sentiment. Elle doit beaucoup à la poésie courtoise. Elle comprend des poèmes lyriques : poèmes d’amour dans lesquels le sentiments amoureux rivalise et tente de supplanter le désir charnel; des poèmes sur la mort dans lesquels il pleure la perte de son épouse; et des poèmes spirituels avec Le Cantique Spirituel qui révèle son angoisse devant la mort et son recours à la foi.

On a pu dire que la poétique de Match est une poétique de la négativité de par un appel fréquent à la négation, à la construction négative de ses vers et à son lexique (voir Persée : C. Orobitg Une poétique de la négation, Cahiers d'Études Hispaniques Médiévales, année 2000, Ann 16).

Il fut le premier à renoncer au provençal et à vouloir devenir un grand poète catalan.


Juan de Mena

Juan de Mena (1411-1456), né à Cordoue, aurait été d’origine noble. Ses ascendants paternels ont pu être des conversos, (juifs convertis au catholicisme, cf./Réforme/Espagne).Son père, juriste de Cordoue, nommé Pedrarias, meurt jeune. Avec sa mère et son frère, il va vivre chez son grand-père Ruy Fernández de Peñalosa y Mena, Señor de Almenara

Après de premières études, il entre à l’université réputée de Salamanque. Il obtient une maitrise es arts à 23 ans. Il entre au service du Cardinal Torquemada de sinistre mémoire et le suit en 1441 à Rome et à Florence. A son retour, deux ans plus tard, il est échevin de la ville de Cordoue. Il se mariera par deux fois avec deux épouses de la noblesse cordouane. En 1443, il est nommé secrétaire des lettres latines et chroniqueur du roi Juan II de Castille (petit-fils d’Édouard III et père de la future reine Isabelle de Castille La Catholique).

Il est l’ami de l’un des puissants du royaume, aussi poète, Le Marquis de Santillane. «Alonso de Cartagena[65] le décrit comme pâle et maladif, dévoué aux études et travailleur acharné, obsédé par la poésie[66]. »

  Son œuvre la plus connu est le Laberinto de Fortuna (Le Labyrinthe de la Fortune), un poème allégorie de 300 stances, nettement inspiré de Dante et à travers lui de Virgile. Le thème est « le rôle de la Providence dans l’existence et dans l’histoire de la Castille ». Dans son recueil Claroscuro, son style dit cultiste (en espagnol, savant, raffiné), chargé d’érudition, prend le dessus sur un style gracieux et lyrique qui était le sien et annonce celui de son compatriote, le poète cordouan baroque, Luis de Góngora (1561-1627) père du gongorisme. Le Laberinto de Fortuna, est une œuvre majeure de la poésie espagnole dite encore médiévale[67].


Joan Roís de Corella

Joan Roís de Corella (1433/43-1497), né et mort à Valence, est issu d’une famille de petite noblesse. Son père

était chevalier. Mais contrairement à lui, il va embrasser la carrière ecclésiastique et sera maitre en théologie, ce qui l’empêchera de se marier avec la mère de ses deux enfants. Il fréquente les poètes de l’École Valenciennoise comme Martorell, March et Charles de Viane, Duc de Gandia, Prince de Viane (Navarre) qui proposa au poète, alors que celui-ci n’avait que 25 ans, un jeu littéraire sur le choix de la Dame, en laissant entendre par cet échange épistolaire que le jeune homme avait déjà acquis une certaine renommée littéraire.

« En 1496, le roi Ferdinand le Catholique écrivit au maire général du royaume de Valence pour obtenir une copie de la traduction, faite par Corella lui-même, de la Vita Christi au monastère des Chartreux. Peu de temps après, le roi a promu la traduction et la publication (1502-1503) du même ouvrage en espagnol. (https://lletra.uoc. edu/ca/autor/joan-rois-de-corella/detall)

Poète, on lui doit la Balada de la Garsa y l’Esmerla, (Ballade du Héron et du Merle Noir) et auteur dramatique, la Tagèdia de Caldesa, Triumfo de les Dones, une œuvre de jeunesse de 1438. Il est aussi l’auteur des vies de St Anne et de Ste Madeleine. Il a aussi traduit le Livre des Psaumes (psautier, Venise 1490) et la très répandue à l’époque Vita di Christi de Ludolf de Saxe ou Ludolf le Chartreux, moine dominicain mort en 1378. La traduction de cette œuvre monumentale représente 18 poèmes, trois religieux, les autres profanes.

Son style se caractérise par l’application à la prose de la technique réservée jusque là à la poésie, mais non pas à la poésie traditionnelle, mais à une toute nouvelle poésie qu’il innova. Ainsi, il lui est facile d’incérer des vers dans sa prose. Et une autre des nouvelles caractéristiques de sont art aura été l’intégration d’éléments autobiographiques et sentimentaux dont l’écriture soulage le poète de ses souffrances, une sorte de thérapie sentimentale qui permet facilement l’imbrication de l’expression poétique et de la prose[68].

 Il eut une grande influence sur les auteurs de son temps. Son œuvre, solide, dénote une personnalité forte et complexe. Il n’occupe sans doute pas dans l’histoire de la littérature espagnole la place qu’il mériterait s’il n’avait été longtemps ignoré des critiques et universitaires.


La Renaissance Espagnole

Introduction

Le grand et déterminant événement politique de l’Espagne du XVIème siècle est l’arrivée au pouvoir d’une très ancienne famille autrichienne, les Habsbourg. En 1516, en tant qu’héritier de sa mère, Jeanne 1er de Castille dit Jeanne La Folle, Charles de Habsbourg (1500-1558), qui est né à Gand et a été élevé par sa tante Marguerite d’Autriche (†1530), monte sur le trône sous le nom de Charles 1er. Il est le petit-fils de Maximilien 1er, empereur germanique qui s’est marié avec Marie de Bourgogne, fille de Charles Le Téméraire (†1477) et a ainsi pris possession après la scission des États Bourguignons des Dix-Sept Provinces du Nord.

« En 1519, Charles de Habsbourg est élu empereur, en partie grâce à l'argent des Fugger, riches banquiers d'Ulm, contre François 1er.Il sera couronné onze ans plus tard par le pape sous le nom de Charles Quint » (J.L. Bander, Histoire de la Littérature Allemande, PUF 1997)

Son fils Philippe II, que son père a laissé gouverner à partir des années 1540 avant d’abdiquer, prend sa succession en 1555 et gouverne jusqu’à sa mort en 1598. Le père et le fils auront à eux seuls auront régné pendant un siècle sur l’Espagne et le Royaume de Naples. Le frère de l’empereur, Ferdinand 1er (1503-1564) aura été empereur d’Autriche de 1556 jusqu’à sa mort en 1564. Son fils Maximilien II (†1576) prendra sa succession.

 Les grands poètes du XVIème siècles vont suivre l’empereur dans ses déplacements ou/et combattre dans les troupes impériales pour participer à ses conquêtes ou tentatives de conquêtes.


Garsilaso de La Vega

Garcilaso de la Vega (1494/1503-1536) nait dans une famille apparentée à celle du Marquis de Santillane par son père et par sa mère, une Guzmán apparentée au poète Fernán Pérez de Guzmán (†1460), qui n’est autre que l’oncle du marquis. Garcilaso reçoit une éducation humaniste, c’est-à-dire qu’il apprend le grec, le latin, l'italien, le français, la musique. De par son rang, il reçoit bien évidemment une formation militaire.

En 1523, il est adoubé chevalier de l’ordre de Saint-Jacques pour service rendu car en 1520 ; il faisait partie de la garde royale de Charles-Quint. Durant ce que l’on appelle la Guerre des Communautés [69], il s’était engagé contre l’insurrection des grandes

villes d’Espagne.

En 1525, il épouse Elena de Zúñiga, dame de compagnie de doña Leonor, sœur de Charles Quint. La même année, il participe à la bataille de Pavie qui se termine par la capture de François 1er.

En 1529, il combat aux côtés de son ami Juan Boscán (1485/92-1542) pour la défense de Vienne assiégée par le Turcs. Soliman Le Magnifique qui veut étendre son empire a fait avancer ses troupes jusqu’aux portes de la ville, mais Charles-Quint choisit de s’allier aux princes et grands électeurs luthériens et peut ainsi repousser les ottomans jusque hors de Hongrie. Mais les Ottomans arriveront à garder une souveraineté sur l’est du pays qui ne sera repris par les Habsbourg qu’à la fin du XVIIème siècle. En 1530, il accompagne Charles Quint à Bologne. Puis il s’exile sur l’île de Schütt (1532), sur le Danube, avant de s’installer à Naples[70]. Garcilaso et blessé mortellement au combat, à la prise de la forteresse de Muy, près de Fréjus, alors que les troupes de Charles-Quint tente d’envahir pour la seconde fois la Provence. Il meurt quelques jours plus tard à Nice.


La Renaissance Littéraire Espagnole commence avec lui. Il a découvert à Naples la métrique de la poésie de la Renaissance Italienne et l’introduisit dans ses poèmes, et ainsi en son pays[71]. Il laisse quarante sonnets, deux élégies, une épître et trois églogues. Il reste le maître de l’églogue (poème champêtre dans lequel conversent des pâtres). Son œuvre fera l’objet d’une même publication avec celle de son ami Juan Boscán par les soins de l’épouse de celui-ci, sous le titre de  Las Obras de Boscan y Algunas de Garcilaso de La Vega (Venise 1543) en trois volumes. L’on y voit l'évolution de la versification castillane du premier livre de poèmes vers l'adoption déjà définitive du mètre italien dans la poésie du deuxième livre. Les poèmes sont précédés de la lettre à la duchesse par Somma, dans lequel ils exposent et justifient leur choix, lettre qui constitue un authentique traité de poétique de la Renaissance. 

A ne pas le confondre le poète Garcilaso de la Vega avec le chroniqueur Inca qui porte le même nom que lui ou presque Inca Garcilaso de la Vega, ou El Inca Garcilaso, de son vrai nom Gómez Suárez de Figueroa, (voir Chroniques).


Juan Boscán

Juan Boscán Almogaver (1487/92-1553) né à Barcelone dans une famille aristocratique[72] proche du roi. Il entre à la cour sous le règne Ferdinand II d’Aragon (†1516) grâce à son grand père et y restera sous celui de Charles 1er (Charles-Quint). En 1514, il est précepteur du futur 3ème Duc d’Albe, futur Vice Roi de Naples. Il suit l’empereur comme son ami Garcilaso de la Vega aux côtés duquel il combat à Vienne et à Pavie.

En 1532, il est envoyé à Naples comme confident du Vice-Roi[73]. En 1539, il quitte la cour de Grenade pour s’installer à Barcelone et se marie à Ana Girón de Rebolledo. Il fait de sa demeure un foyer culturel de la nouvelle poésie. C’est son épouse qui réunira ses poèmes et ceux de son ami Garcilaso pour les publier en 1543 en trois livres sous le titre

Las Obras de Boscan y Algunas De Garcilaso De La Vega[74].

Comme il le raconte dans une lettre datée de 1526, Juan Boscan découvre la métrique et de la versification italiennes sur la suggestion l'ambassadeur vénitien à Grenade, Andrés Navaggiero. Son ami Garcilaso de la Vega l’encourage aussi.

Sa poésie est fortement aussi influencée par la poétique italienne et particulièrement par Pétrarque mais à l’influence duquel vient se mêler « des images plus brutes » du poète valencien Ausiàs March  qui ne fut pas ignoré des poètes castillans. Il apporte à la poésie espagnole une douceur jusque là inconnue. Il fut le premier à employer le vers hendécasyllabe (onze syllabes). Bien que né Catalan, Boscán écrit en un castillan « parfaitement formé » qui suit les règles du bien dire selon les règles prescrites par le grammairien Antonio de Nebrija (1441-1522) qui écrivit la première grammaire vernaculaire en Europe Grammaire Castillane parue en1492,ainsi que et les Règles de l’Orthographe Espagnole en 1517[75]

Sa traduction du Courtisan de Balthazar Castiglione parue en 1534, sera un événements important pour l’introduction de l’esprit de la Renaissance Italienne en Espagne.


Luis de León

Fray Luis de León (1528-1591), né à Belmonte (Aragon- La Mancha), appartient par sa mère à une famille juive convertie au catholicisme (conversos). Son père était avocat,auditeur à la Chancellerie de Grenade, son frère Gouverneur de l’Alhambra. En 1541, il entreprend de fortes études en droit canon, philosophie et théologie à l’université de Salamanque pendant lesquelles il entre en 1544 dans Ordre de St augustin.

En 1561, ses études terminées, il obtient une chaire de théologie. En 1578, il obtiendra une chaire de philosophie morale. Il sera souvent l’objet des persécutions de l’Inquisition et passera cinq ans en prison (préférence de la Bible hébraïque à la Vulgate, soupçon de sympathies avec les juifs etc.) pour en sortir finalement acquitté.

Professeur de théologie, il fut l’instigateur de la publication des œuvres de Sainte Thérèse. De sa douzaine de traités, écrits tous en latin, les deux principaux sont De los nombres de Christo (1574-75), commentaires savants sur les différents désignations du Christ dans les Évangiles, et la Perfecta Casada (La Parfaite Épouse, 1583) sur les vertus de la femme chrétienne, son œuvre la plus accomplie au plan stylistique. La Perfecta Casada (La Mariée Parfaite traduit généralement par La Parfaite Épouse) connut un succès populaire, mais sa renommée est due surtout à ses vingt-trois poèmes écrits en castillan et publiés pour la première fois par Quevedo en 1637 pour s’opposer au courant culterana mené par  Góngora , le Culturanisme qui prône le Style Cultureno, « style littéraire de la période baroque espagnole, caractérisé par un vocabulaire très ornemental et ostentatoire et un message compliqué par une mer de métaphores et un ordre syntaxique complexe » (voir note 52).  Outre sa Traduction et Commentaire du Cantique des Cantique, qui lui vaudra d’être emprisonné pour non respect de la doxa traditionaliste, on retient également de lui son Expoción del Libro de Job et In Canticum Canticorum.


Tout son art fut de savoir allier une expression lyrique à une pensée philosophique. Il fut un fervent chrétien, stoïcien dans l’âme, homme des conciliations (scolastique et humanisme, métrique grecque et foi chrétienne).

Poète religieux, reconnu comme un grand poète de l’Âge d’Or Espagnol. Dans tous ses poèmes circule la présence du Christ comme parole incarnée. Dans Les Noms du Christ écrit entre 1574 et 75 (parfois donné en 1581 ou 1583) en prison, ainsi que Cancion a Nuestra Señora, il fait de la parole poétique une parole qui transfigure ce qu’elle nomme et le rapproche de Dieu. L’acte poétique devient vraiment poïétique.

Si selon certains, Fray Luis de León serait « en réalité un contemplatif lyrique aux accents mystiques et non un véritable poète mystique », son intérêt pour l’expérience mystique et le processus de l’union à Dieu furent une de ses préoccupations majeures.

Il a été surnommé le Cygne de Torres, et parfois a été comparé à Fénelon, surnommé, lui, le Cygne de Cambrai. Il a bien évidemment été reconnu par ses ainés Francisco de Vitoria (1483/86-1546) et Domingo de Soto (1494-1560), juristes universitaires salmantins qui ont créé au XVIème siècle, L’École de Salamanque  réunissant théologiens et juristes autour d’une réflexion sur la pensée de St Thomas d’Aquin, axée sur le droit naturel, la morale et la justice humaine (la raison prévalant sur la volonté divine), « un corps de doctrine sur le droit naturel, le droit international et la théorie monétaire. » (Histoire du Libéralisme, 2010, Contrepoint.org). (voir Vol.1/Humanisme Espagne) Le mouvement Libertarien, au XXème siècle y trouvera l’origine du libéralisme (liberté individuelle-absence de l’état).


Saint Jean de La Croix

Juan de Yepes Álvarez (1542-1591) adoptera le nom de Saint Jean de la Croix en 1568, lorsqu’il prendra à la demande de Sainte Thérèse d’Avila la direction de la branche masculine de l’Ordre des Carmes Déchaussés (ordre du Carmel réformé). Il sera béatifié en 1675 et canonisé en 1726. Poète religieux, il a transcrit ses expériences mystiques dans des poèmes et des traités : La Montée du Carmel, La Nuit Obscure, La Vive Flamme d’Amour.

Important représentant de la poésie espagnole, ses expériences spirituelles comme celles de Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) ont connu un fort rayonnement. Il n’en fut pas moins écarté de toutes responsabilités par les supérieurs de son ordre comme Saint François d’Assise l’avait été aussi de l’ordre dont il était, lui, le fondateur.

Voir Religion/Mystique/ Espagne/Saint Jean de La Croix : vie et œuvres).


Fernando de Herrera

Peu de choses nous sont parvenus de la vie du poète Fernando de Herrera (1534-1597), né et mort à Séville, si non qu’il était d’origine modeste. Bien que « doté de connaissances encyclopédiques dans divers sujets, habile à utiliser les langues classiques et se vantant d'une solide culture », il resta dégagé de toute ambition de carrière. N’ayant reçu que les ordres mineurs, il put néanmoins vivre des bénéfices de l’église San Andrés.

Il mena une vie tranquille consacrée à son œuvre jusqu’en 1559, date à laquelle arriva dans la ville le petit-fils de Christophe Colomb, le Comte M. Álvaro Colón du Portugal accompagné de Dona Leonor de Milán,  jeune femme ravissante et cultivée. Fernando s’éprit d’un intense amour qui resta platonique et dont la belle se contenta d’en recevoir les hommages. Celle qu’il appelait ‘Flamme’, ‘Étoile’, ‘Feu’, ‘Lumière’ suscita en lui une inspiration dans la veine du pétrarquisme à la suite de de La Vega et de Boscán, mais en annonçant déjà le cultoranisme de Góngora  par son style maniéré, ses complexications syntaxiques. A la mort en 1581 de la Dame, il abandonna son œuvre littéraire et se consacra à la critique littéraire.


Une première édition de ses sonnets, églogues et canziones parut en 1582 sous le titre Algunas obras de Fernando de Herrera, seule édition qui nous en soit parvenue bien que Herrera ait continué à y travailler toute sa vie dans une très grand souci de perfection qui tournait quasiment à l’obsession.  Ce qu’il restait de ses œuvres, une partie ayant disparu à sa mort, fut publié en 1619 par le peintre Francesco Pachecco sous le titre Versos de Fernando Herrera. Disparus une Histoire générale du monde, un Art poétique et des poèmes mythologiques.

Le Comte Alvaro du Portugal qui s’était entouré de poètes était d’humaniste comme Juan de Mal Lara (1524-1571). Le personnage quelque peu hautain, distant, pédant, fut surnommé « le Divin ».


« En 1565, le comte de Gelves à Séville, a établi son "Jardin de Merlin" dans les champs près de Tablada, et cela est devenu un rassemblement régulier d'un cercle universitaire qui comprenait également Baltasar del Alcázar, Francisco Pacheco, Juan de la Cueva Christopher Mosquera de Figueroa , Cristóbal de Mesa, Francisco Medina et Fernando de Herrera, qui plus tard étaient connus sous le nom d'École de poésie sévillane ». (https://en.wikipedia.org/wiki/Juan_de _Mal_Lara)

Fernando de Herrera, de nature austère, vivant son œuvre comme une ascèse, il n’en fut pas moins la figure de proue de l'École de Séville. Séville était une métropole importante et cosmopolite où affluaient des gens du monde entier encouragés par le commerce américain. À partir du milieu du XVIe siècle, Séville deviendra l'un des principaux foyers de l'humanisme espagnol

« Le sentiment patriotique caractérise l'école andalouse, tandis que le sentiment religieux imprègne le groupe castillan. » (https://www.universalis.fr/encyclopedie/fernando-de-herrera/).


Juan de la Cueva

Juan de la Cueva ( ou de las Cievas, 1543- 1612), poète et dramaturge sévillan a laissé une œuvre poétique abondante. Ses poèmes d’abord dans la veine de Pétrarque, puis dans un sens plus allégorique sont recueillis sous les titres Viaje de Sannio (1585) et Conquista de la Bética (1603). Los Amores de Marte et Llanto de Venus en la muerte de Adonis aux thèmes mythologiques. Il reste néanmoins surtout connu pour son œuvre théâtrale

Voir Théâtre/Espagne


Portugal

Luis Vaz de Camões 

Luis Vaz de Camões (1524/25-1580) serait né au bord du Tage, à Constância (Galicie portugaise). Les faits marquants de sa vie ne sont pas toujours certains. A dix huit ans, déjà auréolé de quelques conquêtes amoureuses, il arrive à la cour du roi Jean III le Pieu (1502-1557). Il se fait rapidement une renommée de poète. Il a peut-être étudié à l’université de Coimbra, la seule à l’époque au Portugal. En 1552, suite à une rixe, la clémence royale l’autorise à s’embarquer pour les Indes. 

A Goa[76], territoire portugais, il participe à des expéditions militaires sur les bord de la Mer Rouge. Pour avoir critiqué le Vice-Roi dans un pamphlet, il devra partir pour Macao (selon des sources, envoyé en mission) où il commence à écrire Les Lusiades. De la côte de la Chine, il explore Sumatra, Java et Bornéo. Il revient à Goa en 1561.

En 1568, embarqué pour l’Espagne, il fait une escale de deux ans à l’Ile du Mozambique. Et deux ans après avoir remis le pied sur la terre natale, en 1572 Les Lusiades sont publiées. Elles lui valent une maigre pension du roi Sebastian à qui l’œuvre est dédiée. Il vivra dans l’indigence jusqu’à sa mort en 1580.

Avec Camões s’éteint l’Âge d’Or du Portugal. Parti en une hasardeuse expédition de conquête au Maroc, le roi Sébastien subira une tragique défaite à la Bataille-des-Trois-Rois.


« La bataille d'Alcácer-Quibir [1578] tourne au carnage, avec des milliers de morts et de nombreux prisonniers. Une centaine de rescapés rentrent à Lisbonne. Le roi est mort et son corps n'est pas retrouvé. C'est un désastre militaire, économique et politique : la défaite marque la fin de la dynastie d’Aviz [77]». (Wikipedia/Portugal).

Philippe II n’aura aucune difficulté à mettre le Portugal sous domination espagnole après sa victoire à la Bataille Alcàntara en 1580. Après plusieurs années de guerre contre l’Espagne, le Portugal ne recouvrera son indépendance qu’en 1668 par le Traité de Lisbonne.


A l’entrée de l’église du monastère de Belem, on peut voir deux tombeaux, celui de Vasco de Gama et celui du poète dont la famille serait apparentée au grand navigateur. Camões est une gloire nationale comme Dante en Italie, V. Hugo en France, Shakespeare en Grande-Bretagne, Goethe en Allemagne, Cervantès en Espagne.

« L'impression que donne sa destinée, c'est celle d'une dérive constante. Ce jeune noble à qui est promis un bel avenir devient, par une suite d'événements malheureux, un aventurier, déclassé, pauvre, exilé, errant. Il connaîtra la prison, participera à des combats, se battra en duel. Il ira au bout du monde alors connu. Il aura toutes sortes d'échecs, sans compter les blessures, dont une grave… Les mauvais garçons qu'il fréquentait l'appelaient « fier-à-bras ». Il était de taille moyenne, la barbe et les cheveux d'un blond presque roux. Défiguré, avant l'âge de vingt-cinq ans, par la perte de l'œil droit. Les portraits qu'on a de lui le représentent ainsi, borgne. Cela ne l'empêche pas d'être un Don Juan[78].» (Robert Bréchon, Les Lusiades de Camões, le mythe fondateur duPortugal (https://www.clio.fr/bibliotheque/les_lusiades_de_camoes_le_mythe _ fondateur_du_portugal.asp)


Les Lusiades

 Os Lusiadas, du nom des Lusitaniens, descendants de Lusus, fils de Bacchus, père légendaire et fondateur du Portugal est le grand poème épique national portugais. Dix chants en strophes de huit octosyllabes glorifient l’aventure maritime du grand navigateur Vasco de Gama (1469-1524) qui a ouvert la route maritime de l’Inde en passant le Cap Bonne Espérance (Corne de l’Afrique). Au-delà du récit d’exploration de Vasco de Gama, Camões retrace la naissance de l’Empire Portugais avec des retours sur la valeureuse histoire du pays.

L’œuvre s’inspire des œuvres épiques de l’Antiquité, l’Illiade et l’Odissée, l’Enéide.

Vaz de Camões a écrit aussi des poèmes d’inspiration courtoise aussi bien que des poèmes (élégies, sonnets) sur lesquels l’influence des poètes italiens de la Renaissance est certaine ; ainsi que des tragédies.


Outre-Rhin

Introduction

En 1568, paraît en Angleterre Theatre Oft Tonn-Nee  (Le Théâtre des Mondanités, 1568) du poète anversois Van der Noot (ca1535-ca1600) dans laquelle il défend les thèses calvinistes. et dénonce la mondanité de la société néerlandaise. On y trouve des épigrammes sur la mort de Laure dans le style et la forme du poète italien dont il donne la traduction de certains poèmes, des poèmes directement inspirés de la poésie de Ronsard, ainsi que des traductions de poèmes de du Bellay. Traduite en allemand, elle fera connaître dans ce pays le sonnet et l’alexandrin, servant de passerelle entre la Renaissance française et la Renaissance allemande. 1576, son poème épique paraît pour sa première édition à Cologne sous le titre le Livre de L’Extase. Van der Noot aura été celui qui introduisit le sonnet, en alexandrin en Allemagne et y aura été leur premier représentant de la Renaissance en littérature.

Bien évidemment, la réforme va jouer un rôle déterminant dans la littérature germanique soit que les auteurs prendront fait et cause pour elle soit qu’ils s’y opposeront. Martin Luther (1483-1546) tiendra une place centrale non seulement comme l’instigateur de cette réforme mais aussi de par sa traduction de la bible en langue vernaculaire et par là sa défense et illustration de la langue germanique comme devant prévaloir sur tout autre en Allemagne et aussi comme auteurs comme ses disciples d’hymnes pour le culte. L’hymne luthérien donnera naissance à un genre le Kirchenlied (la Cantate) au siècle suivant dont un des meilleurs représentant sera au XVIIIème siècle Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803). La Reforme sera aussi à l’origine des pamphlets polémiques (Flugschriften), rédigés en un style volontairement proche de la langue parlée (Jean-Louis Bandet, Histoire de la Littérature Allemande, PUF 1997).


Sébastien Brandt 

Sébastien Brant (1458-1521) ou Sebastianus Titio (forme latinisée du prénom et du patronyme), né et mort à Strasbourg, est issu d’une famille d’aubergistes. Il commence ses études à Sélestat (Bas-rhin)[79]. En 1474/75, il les poursuit par l’étude du droit à Bâle[80] qui deviendra quelques décennies plus tard un important foyer de la Réforme Suisse. Son doctorat in utroque jure, c’est-à-dire ‘des deux côtés’, docteur en droit canon et en droit civil, obtenu, il enseigne et occupe par intermittence la charge de doyen de l’université.

En 1485, il se marie. Sa femme lui donnera sept enfants qu’il élèvera dans l’esprit humaniste. Déçu par la position de l’empereur Frédéric III (†1493) vis-à-vis des Ottomans, il fait a contrario en 1492, l’Éloge des Rois Catholiques qui ont poursuivi jusqu’à son terme la Reconquista. Ce qui laisse entendre lui qui était très attaché à la personne de l’empereur que ses années passées à Bâle non pas entamé sa foi catholique.


En 1500, il revient à Strasbourg où il est nommé conseiller juridique de la ville puis conseiller impérial jusqu’à sa mort en 1521. Brandt fait éditer les œuvres complètes de Pétrarque, des poèmes d poète latin Virgile (70-19).

Brandt a laissé à la littérature européenne sa Nef des Fous (Das Narren Schyff, plus généralement écrit en allemand Narrenschifft), éditée en 1494 en moyen-haut-allemand, chose fort rare. Ce n’est pas une ironie du sort si le livre sort le 1er mars, premier jour du ‘Carnaval-la saison des fous’ puisque le carnaval est une de ses deux sources d’inspiration. Publié simultanément à Bâle, Nuremberg, Reutlingen et Augsbourg en différentes langues et traduit aussitôt en latin par J. Locher sous le titre: "Stultifera Navis, le succès sera immense avec 26 éditions en incunables (livres publiés avant 1501). Les gravures illustrant le poème participèrent grandement à son succès permettant aux illettrés dans comprendre le sens. Le jeune Dürer (1471-1528, né et mort à Nuremberg, y collabora avec cinquante parmi de ses plus belles gravures. En 1574 plus de 40 éditions en différentes langues étaient parues. Mais au début du XVIIème siècle, l’ouvrage tombera dans l’oubli de manière inexplicable.


La Nef des Fous

Le poème compte 7000 vers octosyllabiques répartis en 112 chapitres (plus une préface et un épilogue)[81]. Il narre le voyage en mer réalisé par 112 fous, représentant chacun un certain type de faute commise par les hommes. Ils voguent vers la terre promise appelé “Narragania” ou “Locagonia”.

Les différentes lectures que l’on peut donner à la Nef montrent sa richesse.

« Il traite du thème des vanités du monde et de l'esprit et se fonde sur deux coutumes médiévales : l'habitude de se débarrasser des aliénés en les confiant à des bateliers ; les fêtes carnavalesques rhénanes caricaturant les métiers. Il propose une méditation sur les difficultés de l'Europe à la veille de la Réforme. » (Encyclopédie Larousse)

« Le Narrenschiff est un texte pessimiste qui décrit au fil des quelques 7000 vers, le voyage des fous, embarqués dans leur nef, pour gagner le pays de Narragonia. C’est en fait un catalogue des folies humaines et des travers de l’humanité. Comme dans les danses macabres, toutes les classes sociales sont concernées : le clergé, la noblesse, la roture, la magistrature, les universitaires, les négociants, les paysans... Brant pense que les efforts des hommes sont vains et que tous courent également à leur perte, le naufrage de la Nef. [Il nous présente] le savant (qui ne sait rien), le riche (qui ne possède rien d’une réelle valeur), le médecin (qui ne sait pas se soigner lui-même), le bibliomane (qui ne lit pas ses livres». (https://bibliophilie.blogspot.fr/2008/09/la-nef-des-fous-de-sebastien-brant-et.html).


« Ce chapelet de fous est dirigé par le lecteur idiot : convaincu de son érudition, il se livre à la chasse aux mouches qui bourdonnent autour de son bureau sur lequel se trouvent des piles de livres, mais ne les ouvre jamais pour acquérir des connaissances. Brant ne critique pas tant la bêtise que le fait de rester bête en refusant de reconnaître ses propres défauts ». (Bibliothèque Monsiale Numérique https://www.wdl.org/fr/item /8973/).


« Dans son grand poème ‘La Nef des fous ‘, Brant, le vieil écrivain du Moyen-âge allemand, nommait fous tous ceux qui ne pensaient qu’à leur vie terrestre et n’avaient souci du salut céleste ». 


« La Nef des fous représente la folie du peuple qui, uni et servile aux tracasseries et joies qu’on veux bien lui mettre en avant, n’a pas conscience du précipice sans retour vers lequel il se dirige ».


« Poème dans lequel le thème des fous alimente une satire de la société »

« C'est en quelque sorte une encyclopédie des connaissances, des disciplines morales, de l'ensemble des classes sociales. »


Vers 1500-1510, Jérôme Bosch (v.1450-1516) peignit un retable intitulé le Triptyque du Vagabond. Démembré, la plus grande partie, appelée la Nef des Fous (58,1x32,8 cm) est exposée au Louvre, seule peinture de Bosch que possède le musée. Le fragment ‘La Gloutonnerie et la Luxure’ qui vient en-dessous du panneau du Louvre a été offert en 1959 par deux collectionneurs privés à l’Université de Yale. Les deux fragments ont été rassemblés pour la première fois pour l’exposition Jérôme Bosch de 2016 aux Pays-Bas.

« Le retable présentait les sept péchés capitaux tandis qu’un vagabond symbolisait le chemin périlleux de la vie sur le volet extérieur. Loin d’être – selon d’anciennes lectures – une interprétation picturale de La Nef des fous, le poème satirique de Sébastien Brant (1494), le panneau s’apparente plus simplement à une allégorie de la gourmandise ». (François Legrand https://www.connaissance desarts.com/arts-expositions/la-nef-des-fous-de-jerome-bosch-focus-sur-un-chef-doeuvre-11136492)
Voir aussi : https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/la-nef-des-fous

Parue en 1509, l’Éloge de la Folie (voir Humanisme/ Érasame) pourrait avoir été un contre-pied pris par Érasme pour qui la folie "conserve la jeunesse et met en fuite la vieillesse fâcheuse".


Ulrich von Hutten

Ulrich von Hutten (1488-1523) est né château de Steckelberg dans le Landgrave de Hesse (centre-sud, annexée à la Bavière) dans une famille de hobereaux. Il commence des études non loin, à l’Abbaye de Fulda (Land du Hesse[82] ) qui fut le plus important centre culturel de la période carolingienne. Mais il y met rapidement un terme sans l’accord de ses parents et par mener une vie errante. En 1512, il se trouve à Rome qui lui inspira un définitif mépris pour l’Église et la noblesse, mépris qui alimenta plusieurs de ses ouvrages : Contre le clergé, Phalarismus (1516), Vadiscus ou Les Trois Visages de Rome, (1520) ; contre les nobles : Nemo (1512-1518) et Aula (1518). Dans la bulle d’excommunication de 1521, le pape Léon X associera son nom à celui de son héros Luther. En cette même année, il écrit De guaiaci medicina et morbo gallico liber unus, un traité sur le « mal français » (la syphilis) et son traitement à l'aide du bois de gaïac aux effets entre autres sudatifs. Malgré les bienfaits du traitement supposé, son auteur n’en mourut pas moins.


Humaniste, il défend, lui admirateur de Luther, l’hébraïsant Johannes Reuchlin (1455-1522), pourtant anti-luthérien, contre les dominicains : Épîtres des Hommes Obscurs (Epistolae virorum obscurorum, 1515).

Poète, il est l’auteur d’un Art de la Versification (Ars versificandi, 1511). A partir de 1520, il écrit en allemand. Son Petit Livre de Conversation écrit en latin et publié en allemand en 1522 reprend avec succès sa défense de Luther.


Dans son Arminius, paru en 1524, fervent défenseur de l’Empire Germanique, menant le rêve d’une restauration de l’idéal chevaleresque, il se fait le propagateur du sentiment national en s’opposant à la domination de Rome et de l’empire espagnol de Charles Quint, élu empereur en 1519. Il soutient Franz von Sickingen (1481-1523), ce chevalier de petite noblesse qui mène des razzias dans le sud de l’Allemagne à la tête de mercenaires contre les troupes impériales, au début de la période trouble de la Réforme. Pour des raison religieuses mais aussi économico-politiques, les Réformés Radicaux, qui gravitent autour de Thomas Münzer, se révoltent avec les paysans en 1524-25 lors de La Guerre des Paysans qui met toute l’Allemagne en effervescence (voir Vol.1/Réforme Radicale) et  au cours de laquelle il jouer un rôle de médiateur.


Pour s’être engagé aux côtés de von Sickingen, il doit fuir. Il se réfugie en Suisse, à Bâle où son ami (?) Érasme refuse de lui ouvrir sa porte invoquant ses ‘maladies honteuses’ mais aussi le sachant ruiné craignant qu’il ne lui demande de l’argent. von Hutten trouve alors protection au prés du leader de la Réforme suisse Huldrych Zwingli (Encyclopedia Britannica). Il meurt peu de temps après de la syphilis.

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, une division de la Wehrmacht portait son nom.


« Car, malgré sa vanité irritable, sa vie et ses habitudes immorales, ses maladies odieuses, sa douloureuse agitation, Hutten avait en lui beaucoup de choses que les hommes forts pouvaient aimer… il était le Cicéron et Ovide de l'Allemagne avant d'en devenir le Lucien[83]». (https://nndb.com/people/ 647/000094365/)

« Ses œuvres purement politiques, critiques, polémiques et satiriques, sa rhétorique médico-légale et ses dialogues dramatiques exprimaient librement et ouvertement le désir d'individualisme et, pour la première fois en Allemagne, recherchaient une synthèse entre l'humanisme et le nationalisme » (Citation et plus sur von Hutten : Neue Deutsche Biographie1974, https://www.deutsche-biographie.de/gnd118555049.html).


Hans Sachs

Hans Sachs (1494-1576) est né et mort à Nuremberg comme A. Dürer (1471-1528). Cordonnier de son métier, il est un des derniers mais non des moindre représentant d’un genre qui va s’éteindre, celui du Meistersinger, ces maîtres-chanteurs qu’à particulièrement célébré Wagner avec son opéra Die Meistersinger von Nürnberg (les Maitres-Chanteurs de Nuremberg).

Sachs a composé aussi bien des farces pour animer les fêtes (carnavals) que des drames et des pièces lyriques tel son Rossignol de Wittenberg (1523). On lui attribue plus de 6000 compositions qui s’adressaient à un public populaire (voir Théâtre Outre-rhin/ Hans Sachs). On lui doit des poèmes et quelque 4200 Meistersang,

Meistersinger

Les Meistersinger ou Meistersänger doivent leur nom au fait que sont des maîtres-artisans constitués en guilde (confrérie). Parmi ces artisans de tout corps de métiers certains sont aussi chanteurs et compositeurs. Ils animent les réunions de la guilde qui ont lieu à l’église, à la mairie et plus dans tard dans les tavernes. Pouvaient être aussi Meistersänger, des personnes cultivées (avocats, professeur) venus de l’extérieur.

Ces Meistersänger des XVème et XVIème siècles reprennent la tradition des Minnesänger, l’équivalent des troubadours. Sont surtout connus ceux bien sûr Nuremberg mais aussi d’Augsbourg, Strasbourg ou encore Frankfort/Main.


NOTES
 [1] Jean d’Anjou, Duc de Calabre, fils du Roi de Naples, René 1er d’Anjou (le Bon roi René) prétendit à la mort d’Alphonse V d’Aragon, en 1558, à la Couronne de Naples. Soutenu un temps par l’aristocratie napolitaine ( ce que certaines sources appellent à tort la Guerre des Barons qui eut lui en fait au 13ème siècle), il devra avaler ses ambitions face à la défection de Louis XI. Par contre, la famille d’Anjou ayant céder au royaume de France, un royaume qu’elle ne possédait plus depuis qu’Alphonse V s’en était emparé en 1452, Charles VIII, à la mort de Ferrante, fit valoir ses droits sur Naples.

[2] L’influence sur sa pensée d’auteurs latins comme Sénèque et Cicéron et de scolastiques avec une référence permanente à Aristote place Pontano dans cette phase transitoire entre Moyen-âge et Renaissance. Les premiers ‘vrais’ humanistes comme Ficin et de La Mirandola tourneront leur regard vers Platon. Sur Valla voir Vol.1/Humanisme. Son apport de la Renaissance dans l’Italie du Sud n’en reste pas moins grand. Pour en savoir plus sur la pensée de Pontano : Matthieu Royck, Matthias Roick Theologische Fakultät, University of Göttingen,Germa, opus cité

[3] Laisse monorime voir Marius Sepet, De la laisse monorime des chansons de geste, Bibliothèque de l'École des chartes Année 1879 40 pp. 563-569 , Persée.

Encyclopédie Universalis/ Chanson de Roland : « la laisse, suite de décasyllabes en nombre variable unis par une même assonance. »

Dictionnaire.exionnaire.com : « La Laisse  se compose de 4 à 30 vers de même longueur (souvent en décasyllabes) qui sont unis par une même assonance en fin de vers ; cela signifie que le dernier son vocalique est le même mais pas les consonnes qui sont autour. »

Larousse : « Monorime :Se dit d'un poème dont les vers n'ont qu'une rime. »

CNRTL : Tirade monorime, suite de vers assonantiques [répétition d’un phonème : nuit,nuire], de longueur variable, d'un poème du Moyen Âge et spécialement d'une chanson de geste.  

[4] Depuis le XIIème siège, Florence s'est instituée en 'simple' commune. En 1434, avec Cosme l'Ancien, les Médicis  détenant un pouvoir financier considérable prennent l’aval sur les riches familles florentines toujours en rivalité et deviennent maître de la ville. A la mort de Laurent, en 1492, sous l'impulsion de Savonarole (†1498), la population chasse Pierre II de Médicis. Florence s'érige en république. Entre 1512 et 1527, elle revient sous la coupe des Médicis. La population chasse à nouveau les Médicis, mais en 1529, pour avoir pris parti pour François 1er, la ville sera  assiégée par Charles Quint soutenu par le pape Clément VII qui n’est autre que le neveu de Laurent de Médicis. En 1532, ils feront d'Alexandre de Médicis le premier duc de Florence. En 1568, Cosme 1er, descendant de Cosme l’Ancien, sera la le premier du duc du Grand Duché de Toscane. Un autre Alexandre de Médicis  sera élu pape en 1605 sous le nom de Léon XI.

[5] «Chez Boccace, la beffa est l'expression condensée d'une mentalité. Le beffatore est celui qu’on piétine, agresse pour s’affirmer, qui avec plus d’intelligence, pourra devenit la fois suivante à son tour beffatore ; Dans la Beffa [La Beffa (moquerie) del pietra che rende invisibili in Décaméron] mot difficilement traduisible (bourle, farce, tour), un personnage victime est amené par la ruse dans une situation où il se trouve coincé par un ou plusieurs beffatori, qui tirent de l’opération plaisir et/ou profit » (AZZINI chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/28/ Plaisance.pdf)

[6] Certaines sources font mention de sa passion restée célèbre pour la très belle florentine Simonetta Vespucci dont Botticelli fit un portrait très ‘botticellien’. Mais cette noble de la cour de Laurent meurt en 1476 alors que Bembo n’a que 6 ans… ? Elle et lui seraient représentés sous les trait de Vénus et Mars dans le tableau éponyme de Botticelli…?)

[7] Les grandes ville de l’Émilie-Romagne sont Bologne, la capitale actuelle, Modène, Reggio, Parme, Ferrare, Plaisance, Ravenne

[8] Sur le mécénat d’Isabelle  et de François et la vie artistique à la cour de Mantoue voir Vol.2/ les Arts/Mantegna à Mantoue.

[9] L’Ombrien Plaute (254-184) est considéré comme le plus grand auteur comique latin avec le Berbère Térence (190-159) ; Horace (65-8), poète originaire du sud de la péninsule, est surtout connu pour ses odes.

[10] Le personnage est à l’origine de l’expression apparue au XIXème siècle : « La discorde est au camp d’Agramant ».

[11] Anne de Bretagne a été reine de France comme épouse de Charles VIII de 1491 à 1498 , comme épouse de Louis XII de 1499 à 1514, et reine de Naples de 1494 à 1498 et de 1501 à 1504.

[12] Sur l’Adolescence et la poésie de Marot voir http://philo-lettres.fr/old/litterature_francaise/marot_adolescence.htm

[13] En 1555, alors que la dette royale atteint presque les ressources du royaume, Henri II, en personne, lance entre autres auprès des grands banquiers étrangers installés à Lyon, le Grand Parti de Lyon, un emprunt au taux annuel d’intérêts de 16% (!). Le roi n’arrivera à cause du gouffre financiers que représentent les guerres menées par la France à rembourser que guère plus de10% de la dette, ce qui entrainera la ruine de la place financière de Lyon. Le pouvoir royal aura perdu toute crédibilité et Henri III, roi de 1574 à 1589, qui voudra lancer à son tour un emprunt, ne trouvera aucun créancier pour y répondre.

[14] Ferdinand Brunetière, Un précurseur de la Pléiade, Maurice Scève, séance publique annuelle des cinq Académies, octobre1894 http://www.academie-francaise.fr/un-precurseur-de-la-pleiade-maurice-sceve

[15] Dictionnaire Larousse : Momerie (sans accent circonflexe) : « Affectation ridicule d'un sentiment qu'on n'a pas,  en particulier de sentiments religieux, bigoterie. »

Encyclopédie Universalis : « Espèce de divertissement dansé qui fut en vogue à la fin du xvie et au commencement du xviie siècle, et qui tenait et de la boutade, par son caractère d'improvisation, et de la mascarade, en raison du côté satirique et burlesque des personnages masqués. La momerie disparut devant le ballet de cour. »

[16] Fondé en 1304 par l’épouse de Philippe Le Bel, Jeanne1ère de Navarre sur l’emplacement actuel de l’École Polytechnique sur la Montagne Sainte Geneviève, ce collège fut un centre important au Bas-Moyen-âge du nominalisme avec pour maître le nominaliste Pierre d'Ailly (1351-1420), Jean de Gerson fut parmi les élèves restés célèbres (Voir Bas-Moyen-âge/Les derniers Scolastiques/ Jean de Gerson).

[17] Théodore de Bèze (1519-1605), successeur de Calvin à Genève sera partie prenante dans la réforme huguenote. En 1561, bien que toujours sous le coup de sa condamnation, il participe au Colloque de Poissy, tentative de conciliation entre catholiques et calvinistes français. Il y représente Calvin devant la cour du nouveau roi, Charles IX, et face au chef des jésuites, le Cardinal de Tournon.

[18] Henri VIII, qui meurt en janvier 1547 tandis que François 1er meurt en mars, pesait le même poids à sa mort. (Andrew A. Chibi, « Richard Sampson, His Oratio, and Henry VIII's Royal Supremacy », Journal of Church and State, vol. 39, no 3,‎ 1997, p. 543-560, référence de Wikipédia)

[19] En 1550, devant le succès des troupes protestantes commandées par le Duc de Saxe qui obligèrent les troupes de Charles Quint à se replier, Jules III avait suspendu le Concile de Trente d’où sortit en 1563 la Contre-Réforme. Le pape allia ses troupes à celles de l’empereur face aux armées d’Henri II stationnées dans le Piémont. Le roi de France soutenait les Farnèse pour la succession du Duché de Parme. C’est dans le cadre de cette succession qu’éclate en 1551 la Crise Gallicane : Le pape a jeté l’anathème sur le roi et le roi plutôt que le schisme réplique par diverses mesures comme le retrait des bénéfices revenant au pape, l’interdiction faites aux évêques français de participer au Concile et envisage la guerre.

[20] Parmi les écrivains et poètes qui ont fréquenté les salons sans forcément prendre place dans l’histoire des lettres françaises, le plus représentatif des poètes précieux est sans doute le poète roturier Vincent Voiture (1597-1648) qui autant par le raffinement de son style que par son esprit brillant et son amour du jeu était celui qui pouvait le mieux animer ces salons en suscitant des querelles entre poètes par poèmes interposés comme la querelle des jobelins (Job poème de Benserade) et des uranistes (Uranie, poème de Voiture).Voir Tomme III, l’Âge Classique/Littérature

[21] Jean Dorat, en latin Auratus, dit d'Aurat, de son vrai nom Jean Dinemandi, enseignera aussi Joachim du Bellay. Voir J.A. du Baïf

[22] Dans son Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, François 1er fait du français la langue administrative en place du latin. Cette ordonnance obligeait les curés à enregistrer les naissances dans leur paroisse. C’est le début de l’état civil.

[23] Margot, comme l’avait surnommée son frère Charles, dont la séparation d’avec son époux, Henri IV, qu’elle avait épousé en 1572 fut facilitée par la mort en 1599 de Gabrielle d’Estrée, n’est pas à négliger en tant que femme de lettres avec ses Mémoires et sa correspondance. La belle Margot à la ‘légende noire’ et dont la réputation de nymphomane (soupçon d’inceste avec ses frères, amants à la cour de Navarre, etc.) prendra quelqu’ embonpoint au fil des années.

[24] Lagarde et Michard, XVIème Siècle , Édit Bordas ; base de cette biographie.

[25]http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Horace/111564: Poète latin, (65-8), contemporain et ami de Virgile, Horace est l’auteur d’odes, de satires et d’un art poétique. Il a réinventé le lyrisme des temps grecs, celui méditatif et solennel d’un Pindare, et celui éolien des chansons à boire et du plaisir de l’instant. Il combine les deux, restreignant les excès de l’un et donnant au ton grave de l’autre la forme du quatrain. « Horace a trouvé un ton…on dirait plutôt une luminosité amicale, un silence sûr et non intimidant, comme si de fait, l’éternité, ce paroxysme de présence, était toute proche… attitude émerveillée, contemplative en somme ».

[26] Anacréon (550-464), est un poète grec au style lyrique, porté aux thèmes dionysiaques. L’esprit anacréontique est gracieux, légers, goûtant les choses éphémères, les bonnes choses de la vie mais sans excès. Anacréon laisse aussi son nom à sa métrique particulière, le dimètre iambique qui est un doublement du iambe. Le iambe est un pied composé d’une syllabe longue et d’une courte. Il est le plus courant dans l’antiquité grecque, utilisé aussi bien pour la poésie que pour le théâtre. Il peut se composer sous différentes formes. Le poète et philologue Henri Estienne (1528-1598) sera le plus brillant représentant de la poésie anacréontique sous la Renaissance. 

[27] Après Pétrarque (1304-1374), nombreux seront les poètes italiens du XVème siècle qui voudront s’inspirer quand ils ne se contenteront pas de l’imiter, du Canzionere dédié à Laure de Nove. Cela donne lieu à l’époque à un mouvement, le ‘pétrarquisme’ qui ne tend de manière superficielle qu’à rendre de la poétique de Pétrarque que des formules convenues et d’en éculer les métaphores. Ronsard avait étudié Pétrarque.

[28] « Figure par laquelle un mot prend une signification autre que son sens propre… Figure entraînant, pour un mot ou une expression, un changement ou un détournement de sens… Ornement du plain-chant grégorien au moyen d'additions, de substitutions ou d'interpolations de textes musicaux ou poétiques. » (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales)

[29] Selon et sur la publication de ses œuvres de son vivant avec extraits: L’abbé GOUJET, Bibliothèque française, ou Histoire de la Littérature française, tome 13, 1752, pp. 340-359 [Gallica, NUMM-50656, PDF_366_385] (http://preambule.net/auteurs/baif/baif.html),

[30]« Lascaris (André Jean), surnommé Rhyndacenos parce qu'il était né sur les bords du Rhyndacos, en Asie Mineure, de la même famille que le précédent, trouva un protecteur dans le cardinal Bessarion, lorsqu'il vint jeune en Italie. Il fut envoyé en Grèce par Laurent de Médicis pour y recueillir des manuscrits. Il suivit ensuite en France  Charles VIII retour d’Italie et fut, chargé de deux ambassades à Venise par Louis XII. De là il se rendit à Rome, où Léon X le mit à la tête d'un collège qu'il fonda pour l'éducation des jeunes Grecs. Il retourna deux fois en France sous François Ier, qui lui confia une mission à Venise. Il se fixa définitivement à Rome, sous Paul III, et y mourut, à ce qu'il paraît, en 1535. Il a laissé un traité sur les formes des lettres grecques, et un grand nombre d'Épigrammes grecques et latines. Il a surveillé la première édition de l'Anthologie, qui n'a pas été surpassée. » (Cosmovisions.com). Il sera un des tout premiers grecs venus enseigner le grec à Florence, après Léonce Pilate (†1366) et Manuel Chrysoloras (1355-1415) (Voir Humanisme/Italie). Sur le Cardinal Bessarion (†1472) voir Vol.1/Crise de la Conscience Chrétienne/ Concile de Bâle, et, Humanisme du Nord/N. de Cues

[31] Sans doute première fois comme directement traduite du latin, mais en 1554, devant la Cour, à Blois, fut donnée une représentation dans la traduction en prose de Mellin de Saint Gelais, la Sofonisba du Trissin, imitée de la tragédie antique ; représentation qui serait elle-même la deuxième d’une tragédie représentait en France (Encyclopédie Universalis. Mellin de Saint Gelais). En 1548, avait déjà été donnée à Lyon, à l’initiative de Maurice Scève la première comédie dite comédie régulière (à l’imitation de l’antique) à Lyon devant Henri II, La Calandria de Bernardo Dovizi da Bibbiena écrite vers 1513.

[32]

[33] « La conjuration d’Amboise, également appelée tumulte d'Amboise, de mars 1560 est la tentative d'enlèvement manquée, organisée par des gentilshommes et des protestants pour s'emparer de la personne du roi François II [† décembre 1560, vu la brièveté de son règne, un peu plus d’un an, eusse été bien utile ?] pour le soustraire à la tutelle des Guise [ chefs de la Ligue Catholique] jugés trop proches de lui.

[34] https://www.universalis.fr/encyclopedie/organon/ :« L’étude formelle du raisonnement peut être considérée comme un préalable à toute connaissance : c'est le sens du titre d'Organon, qui signifie ”instrument”. La Tradition rassemble ainsi des textes en réalité très divers, écrits à des époques différentes et qui ne sont probablement pas tous de la main du Stagirite ; tels quels, ils n'en constituent pas moins l'acte de naissance de la logique – autre titre sous lequel on les a réunis ». (Voir aussi Tome 1/ Philosophie et Spiritualité/Introduction; et Annexes/ Traductions)

[35] https://www.poetryfoundation.org/ poets/william-dunbar pour la citation et la biographie de Dunbar.

[36] Citation et sur son œuvre et traductions : UGA Éditions, 2003, https://books.openedition.org/ugaeditions/7796

[37] Citation et base de la documentation : Universty of Highlands and Islands Oilthigh na Gàidhealthtachd agus nan Eilean (https://pure.uhi.ac.uk/ en/publications/sir-david-lindsay) avec : https://pennyspoetry.fandom.com /wiki/David_Lindsay

  [38] ]En Écosse, s'affrontaient les catholiques soutenus par la France et les nobles protestants soutenus par l'Angleterre. Alors que la réforme luthérienne s’y était implantée dès 1525, John Knox (1505-1572), de retour en Écosse en 1559, introduisit le calvinisme. L’Église presbytérienne est « aujourd'hui encore, l'Église officielle de l'Écosse, par contraste avec l'Angleterre anglicane…Le calvinisme, appelé ici puritanisme, a de nombreux partisans, auxquels Guillaume III, en 1689, accordera la liberté de conscience et de culte. (Michel Duchein : https://www.clio.fr/Bibliotheque/ calvinetlecalvinisme.asp)  Voir Vol1. Réforme en Écosse

[39] Thomas Howard, 2ème duc, eut parmi sa descendance deux fils qui furent ducs, Thomas, 3ème duc et Henri qui ne put être le 4ème. Il eut un autre fils, Edmund qui fut le père de Kathryn. Katryn, nièce et non pas cousine de Henri.

[40] Faussement accusée par son royal époux d’adultère et de trahison, Ann Boleyn avait été décapitée à la française (sans billot) en 1536… trois ans après son mariage.

[41] Le très noble ordre de la Jarretière (Most Noble Order of the Garter) est le plus élevé des ordres de chevalerie britanniques, fondé le 23 avril 1348 le jour de la Saint Georges, en pleine guerre de Cent Ans, par le roi Édouard III.. Selon la légende, la création de cet ordre aurait été décidée par le roi Édouard III lors d'un bal à Calais où il dansait avec sa maîtresse, la comtesse de Salisbury. Celle-ci ayant, en dansant, fait tomber sa jarretière, le roi, galamment, la ramassa sous les quolibets des danseurs, la mit à son genou et coupa court aux railleries par ces mots : « Messieurs, honni soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d'en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement. » (Wikipédia)

[42] Accusé de conspiration contre Jacques 1er Stuart (1566-1625, Jacques VI d’Écosse et successeur en 1603 d’Élisabeth 1ère  Tudor), Sir Walter Raleigh fut emprisonné pendant douze ans. Libéré, il partit en Guyane conquérir des terres. Accusé d’avoir détruit des comptoirs espagnols, il fut arrêté par les Anglais et décapité. Il joua un rôle politique important comme député. Il est à l’origine de la découverte de la Virginie du nom de la Reine Vierge.

[43] Anacréontique : dans le goût du poète Anacréon, poème « qui chante avec grâce et légèreté toutes sortes de voluptés. » Vers anacréontique : « Vers de trois pieds et demi. Les 2eet 3epieds sont des iambes (pied de deux syllabes, une brève suivie d’une longue). Le 1erpeut être un iambe, un spondée (deux longues), un dactyle (une longue et deux brèves) ou un anapeste (deux brèves et une longue .»

[44] A ne pas confondre avec The Fairy Queen de Shakespeare mit en musique par Henry Purcell en 1692

[45] A markar était un poète et barde, un poète qui écrivait des vers sur sa musique et conteur d’histoire.

[46] Contrafactum : « En musique vocale désigne le procédé de composition qui substitue le texte original par un autre, sans changer notablement la musique. Par exemple un texte profane à la place d'un texte sacré ou vice versa. » (Wikipédia). A rappeler qu’au Bas-Moyen-âge, le Contrechant participait de ce même désir d’indépendance par rapport aux textes ‘officiels par la création de textes originaux non pas tirés du traditionnel répertoire du plain-chant’, ce qui le distinguait du déchant et de l’organum.

[47]Donnée aussi comme chambre à Bruxelles par https://nl.m.wikipedia.org/ wiki/Jan_van_den_Dale

[48] La documentation sur ces rhétoriqueurs est essentiellement fournie par Wikipédia.

[49] Alexandre Farnèse, né à Rome en 1545 et mort à Arras en 1595 fut le troisième duc de Plaisance et de Parme et le quatrième duc de Castro (centre de la péninsule). Il est le neveu d’Alexandre Farnèse le Jeune dit Le Gran Cardinale. Le Duché de Parme conquis par les troupes impériales avait été donné à son père Ottavio, petit-fils de l’empereur par sa mère. Alexandre participera brillamment en 1571 à la Bataille de Lépante entre la flotte de La Saint Ligue et la flotte Ottomane. Bataille au cours de laquelle Cervantès perdit son bras gauche. Par le Traité d’Arras de 1579, la scission de fait du Nord et du Sud est reconnue et Alexandre grâce à son esprit de modération et de conciliation est reconnue comme gouverneur des provinces du sud qui restent fidèles à la foi catholique. Les sept provinces du Nord répondirent la même année par l’Union d’Utrecht, premières acte d’indépendance des Provinces-Unies. Le Duché de Brabant sera alors coupé en deux parties, Sud et Nord.

En 1558, à la mort de Charles-Quint, son fils Philippe II, qui gouvernait officieusement le royaume depuis que son père s’était retiré des affaires dans les années 1530, retourne à Madrid.

[50] En Belgique (Belgique et Pays-Bas actuels, encore réunis), l’opposition à l’Église romaine est aussi voire surtout une opposition au roi d’Espagne, Philippe II, fils de Charles Quint, et à la domination espagnole. Cette contestation se manifeste par le soulèvement des Gueux au milieu du XVIème siècle et par la révolte menée par Guillaume d’Orange dit le Taciturne[50], qui, Stathouder représentant de l’Espagne, prend pourtant la tête des calvinistes et catholiques unis contre le pouvoir royal. En 1579, il proclame par l’Union d’Utrecht,  l’autonomie des sept provinces du Nord sur les dix sept provinces qui constituaient la Belgique (Belgique-Pays-Bas-Luxembourg-Flandres) ou Pays-Bas Espagnols, sous domination espagnole. Sont ainsi constituées les Provinces-Unies dont l’indépendance sera entérinée en 1648 au Traité de Westphalie.

[51] Margrave est un titre de noblesse donné à titre honorifique aux chefs militaires qui se sont particulièrement illustrés. Le titre remonte aux temps carolingiens.

[52] Épigramme: A l’origine, selon son étymologie, courte inscription sur une tombe, un fronton etc., l’épigramme gardera sa brièveté pour devenir une forme poétique, une pique spirituelle, moqueuse ou franchement cruelle.

Emblème ou Blason:Genre littéraire apparu sous la Renaissance, le Livre d’Emblème ou l’Emblème (Emblemata) associe iconographie et texte. La vogue en est venue du roman illustré attribué au Seigneur de Palestrina (latium) Francesco Colonna (1543-1538) Hypnerotomachia Poliphili (Songe de Poliphile, imprimé en 1499). « Divisée en deux livres, l’oeuvre met en scène la quête de Poliphile qui cherche sa bien-aimée Polia dans un paysage de ruines, de palais et de temples antiques. Ce parcours allégorique, qui aboutit à la contemplation de Vénus dans les jardins d’une Cythère idéale, reste à interpréter. On peut y voir une libre reconstitution des « mystères d’amour » dont parlait Diotime dans Le Banquet. Quant au livre II, il évoque l’idylle contrariée des protagonistes dans la Trévise du Quattrocento » (Gilles Polizzi, Présentation de Le Songe de Poliphile, Éditions Acte Sud). Ce livre eut une grande influence sur les lettres de la Renaissance et l’art des jardins.  Clément Marot mit ce genre à l'honneur, « associant texte et image, l’emblème est un genre littéraire nouveau qui se développe à la Renaissance et connaît une grande fortune dans l’Europe humaniste. À la fois jeu intellectuel et véhicule d’un contenu moral, l’emblème séduit les artistes par sa faculté de «peindre la parole et de parler aux yeux » (Sophie Raux-Carpentier, conférence Peinture et emblème en Italie et dans les anciens Pays-Bas aux XVIe et XVIIe siècles. http://www.convivialiteenflandre.org/index2.php?option=com_content&do_pdf=1&id=184).

[53] Cid, de l'arabe sid, seigneur. campeador, valeureux guerrier.

[54] Citation et socle de la présentation : https://es.wikipedia.org/wiki/ Romancero_viejo_poesias_(poesia) #Fuentes  

[55] Sur le Romencero nuovo voir Paola Pintacuda Studi Sul Romencero Nuovo, Éditions pensa Multimedia, 2011)

[56] Citation est base de la biographie https://en.wikipedia.org/ wiki/Diego_de_San_Pedro

[57] Jean II (1395-1454) était par sa mère le petit-fils de Jean de Gand, Duc de Lancastre et d’Aquitaine, qui joua un rôle important dans la Guerre de Cent Ans et dans la politique intérieur du royaume d’Angleterre (règnes de Édouard II et Richard II). Les rouges Lancastre s’opposèrent au blancs d’York dans la Guerre des deux Roses (1455>1485).

Jean II est le père d’Isabelle 1ère de Castille (1451-1504) qui avec son époux Ferdinand II d’Aragon (1452-1516) unifieront la Castille et l’Argon. Ces Rois Catholique comme on les a appelés étaient les parents de Jeanne 1ère La folle (1479-1559), mère de Charles Quint (1500-1558).

[58] Alain Chartier (1385-140/35/49), homme politique de premier plan auprès de Charles VI et Charles VII écrit en 1422, après la défaite d’Azincourt (1415), Le Quadrilogue invectif, un fervent plaidoyer pour l’unité du pays. Le Livre des Quatre Dames (1416) et La Dame Sans Mercy (1422), poèmes allégoriques, très célèbres de son temps furent grandement admiré pour leur éloquence. Seul Ronsard arrivera à le détrôner au panthéon des poètes français. (Voir Poésie Frnce/ Les Grands Rhéoriqueurs et Tome 1/ Poésie Lyrique France)

[59]https://es.thefreedictionary.com/la+Beltraneja:« Apodo con que aludían a la princesa Juana, hija del rey Enrique IV de Castilla, sus enemigos, por suponerla hija del noble Beltrán de la Cueva. ( Surnom avec lequel ils ont fait allusion à la princesse Juana, fille du roi Enrique IV de Castille, ses ennemis, la supposant être la fille du noble Beltrán de la Cueva [puissant noble fidèle à Henri IV]).

[60] Cette partie de la poésie du XVème siècle espagnol reprend la partie du Tome I/ Poésie Lyrique/Espagne.

[61] Sant Jordi en catalan, St Georges en français est le patron de l’aragonais et du royaume de Valencia.

[62] Le Vicomte de Narbonne, Guillaume II de Narbonne vend son judicat (un des quatre royaume de Sardaigne) à Alphonse V d'Aragon pour 100 000 florins d'or soit environ 35 000 000 €

[63] Précédemment, la Sicile et Naples ne faisaient qu’un seul royaume, le royaume des Deux Sicile. La révolte des Vêpres Siciliennes en 1282 (Vol 2) a entrainé la scission du royaume : Tandis que Pierre III d’Aragon s’arrogeait le trône de Sicile, les Capétiens conservaient le royaume de Naples qui, au centre de la péninsule, s’emboitait plus haut que Rome aux États Pontificaux et descendait bordé sur ses trois côtés par la méditerranée jusqu’à la Calabre. En 1442, Alphonse le Magnifique réunira un temps les deux royaumes.

[64] Alphonse V d’Aragon, très impliqué dans les affaires de la péninsule italique était roi héréditaire de Sicile. En 1442, il conquiert le Royaume de Naples et devient roi du Royaume des Deux Sicile (Sicile et Naples). A sa mort en 1458, son fils Jean II est roi de Sicile et son fils bâtard Ferrante devient roi de Naples. Sur la possession de la Sardaigne voir note 70

[65] Fils du rabbin de Burgos, converti, évêque de Carthagène, Alonso de Santa María de Cartagena (†1456) fut envoyé par Juan II au concile de Bâle (voir La Vol.1/Crise de la Conscience Européenne). Humaniste, il traduisit Cicéron et Sénèque (voir Vol.1/Humanisme Espagnol).

[66] https://es.m.wikipedia.org/wiki/Juan_de_Mena

[67]Base biographique et pour les études sur de Mena :
https://bajolamiradadecordoba.blogspot.com/2018/03/el-cord Alonso de Santa María de Cartagena obes-d-juan-de-mena.html

[68] Et pour en savoir plus sur son œuvre : (https://lletra.uoc.edu/ ca/autor/joan-rois-de-corella/detall)

[69] Voir Vol.1/Événement Majeurs. La Guerre des Commautés de Castilles. Les Comunidades de Castille sont la révolte de la bourgeoisie de villes importantes comme Tolède, Burgos, Salamanque, Ségovie contre le pouvoir royal et s’insurgeant contre une fiscalité trop forte. Elle survient en 1520, alors que Charles-Quint parti en Germanie a laissé le pouvoir à son précepteur, le Vice-Roi Adrien d'Utrecht, qui est détesté par la population autant que son entourage flamand. Charles-Quint (de Habsbourg) est né à Gand et arrivera en Espagne en 1516 sans connaître un mot d’espagnol.

[70]http://www.spainisculture.com/fr/artistas_creadores/garcilaso_de_la_vega.html

[71] Pour autant, les sonnet du Marquis de Santillane, qui possédait la langue italienne, sont réputés être les plus anciens de la poésie espagnole. (Voir Marquis de Santillane)

[72] https://www.biografiasyvidas.com/biografia/b/boscan.htm le donne né dans une famille d’avocats et de marchands. Pour en savoir plus sur la poétique de Boscán voir https://www.candelavizcaino.es/literatura/juan-boscan.html qui le donne né dans une famille aristocratique.

[73] Selon https://www.biografias.info/biografia-de-juan-boscan/. Mais selon aussi https://www.biografiasyvidas.com/biografia/b/boscan.htm, il aurait découvert la poésie italienne en même temps que son ami à Naples. Fort probablement, les deux poètes ont découvert en un premier temps la poésie de Pétrarque en Espagne avant d’en approfondir leur connaissance à Naples et de façon plus générale celle de la poésie de la Renaissance Italienne.

[74] Selon https://www.biografias.info/biografia-de-juan-boscan/, à la mort de Garcilaso, c’est Boscán qui réunit les poèmes de son ami et les publia.

[75] « En sa qualité d'humaniste, il est parfois considéré comme un précurseur des idées d’Érasme. Menéndez Pelayo le classe comme instigateur de la « méthode philosophique et rationnelle de Lorenzo Valla » en Espagne. Lorenzo Valla (1407-1457), philologue. Voir Vol./ Première Renaissance/ Humanisme/Florence.

[76] Selon l’Encyclopedia Britannica aucun document n’atteste cette pérégrination de 17 ans, seule la connaissance qu’il donne dans son œuvre de cette partie de l’Asie laisse entendre qu’il s’y est rendu. « Les biographes successifs ont tissé les quelques faits concrets connus sur la vie de Camões en une complexité déconcertante de fantaisie et de théorie qui n’est pas étayée par des preuves documentaires concrètes ».

[77] En 1093, Thérèse de León, fille illégitime du roi Alphonse VI de León et Castille est marié à Henri de Bourgogne, petit-fils de Robert 1er, Duc de Bourgogne et arrière-petit-fils de Robert II Le Pieux de la dynastie des Robertien, rois de France. Les descendant de Hugues Capet, fils du robertien Duc des Francs, Hugues Le Grand, et qui fut élu roi de France en 987, seront appelés les Capétiens. A la mort du roi Ferdinand 1er en 1383 s’éteint la branche ainé des Bourgogne. Son frère bâtard, Jean 1er du Portugal(1357-1433) prend le pouvoir deux ans plus tard sous le nom de Jean 1er et ouvre la dynastie des Aviz.

[78] Robert Bréchon, écrivain, spécialiste de la littérature portugaise, Les Lusiades de Camões, le mythe fondateur du Portugal, https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_lusiades_de_camoes_le_mythe_fondateur_du_portugal.asp

[79] « Entre 1441 et 1525, Sélestat est le siège de la première école humaniste d'Allemagne du Sud : le recteur Dringenberg réorganise l'école latine ; Jérôme Gebwiller, Jacques Wimpheling, Martin Bucer étudient ou enseignent à Sélestat. La ville est touchée par le protestantisme, mais s'en détourne assez vite, après la Guerre des Paysans [1525] ». (Encyclopédie Universalis)

[80] En 1499, après la révolte dite de La Guerre de Souabes qui a vu les confédérés battre les troupes impériales, la confédération suisse est reconnue de fait et Bâle entre dans la confédération en 1501 et ne sera plus sous juridiction de l’empire germanique.

[81] Traduction allemande -française : Langue et Culture Régionales du Centre Régional  Documentation Pédagogique de l’académie de Strasbourg Cahier N°6 : www.crdp-strasbourg.fr/je_lis_libre/ livres/ DasNarren.

[82] Le Landgraviat de Hesse (Château de Magdebourg, Erfiry, Cassel, Göttingen) a été gouverné par la Maison de Hesse depuis le Bas-Moyen-Âge. Philippe 1er de Hesse, dit Le Magnifique (1504-1567), luthérien, fut un des chef de file de la Ligue de Smalkalde et un des grands chefs de guerre qui mena ses troupes qui furent défaites à la bataille de Mühlberg en 1547(voir Vol.1/ Réforme Allemagne)

[83] Lucien de Samosate (120-180), connu pour son esprit critique, entre autres satiriste dénonçant les impostures. Mais on pourrait rapprocher von Hutten aussi du cordouan stoïcien Lucain 39-65) dont la seule œuvre de lui conservée, La Pharsale (ou La Guerre Civile) relate en dix livres, la guerre entre César et Pompée (49 av.J.C.) qui se termina par la victoire de César à Pharsale en Thessalie (Macédoine du Sud).



LES GENRES NOUVEAUX

Le Genre Pastoral - L'Essai

 

Le Genre Pastoral

Apparu au XVIème siècle avec sa ribambelle de bergers et bergères « bucolisant », pour la première fois sous la plume de Jacopo Sannazaro (voir/Italie/Roman)  dans son Arcadie (1504), une œuvre qui est une sorte de voyage dans la mémoire au cours duquel chaque halte des bergers est une prétexte à la narration d’un récits. Ainsi douze récits qui se terminent c par une églogue. Arcadia sera suivi de Eglogæ Piscatoræ en 1526 dans lequel les bergers du Péloponnèse ont été remplacés par les pêcheurs de la baie de Naples et les dieux invoqués ne sont plus ceux de la terre mais de la mer. Mais le ton reste virgilien des Bucoliques.

Le genre pastoral regroupe aussi bien des romans, des pièces de théâtre que des poèmes. Il se propage rapidement en Europe, se poursuit en littérature au XVIIème  siècle. Le thème de l'Arcadie sera un des thèmes majeurs de la poésie et aussi du roman pastoral dans la littérature baroque du XVIIème siècle. Des académies d'Arcadie comme l’Accademia dell'Arcadia, et autres assimilées comme la Société Fructifère tiendront une place importante dans la vie littéraire notamment en Italie et en Allemagne.(Voir Âge Classique/Poésie baroque)

L’arcadia-mania se prolonge en des œuvres picturales telles que celles de Nicolas Poussin, les Bergers d’Arcadie et In Arcadia Ego (Moi, la Mort, deux versions, 1630 et 1638), et dans celles d’autres peintres du XVIIIème français. Marie-Antoinette et ses amies prendront plaisir à jouer à cette vie agreste dans la Bergerie du Parc de Versailles.

Au siècle de la Renaissance, les représentants du roman pastoral furent 

  •   Le Portugais Bernadim Ribeiro (1482-1536) avec Menina e Moça ou Saudades (Mémoires d'une jeune fille triste, ou Le Livre des Solitudes) édité pour la première
            à titre posthume en 1554, à Ferrare, en Italie.
  • L’Italien Jacopo Sannazaro avec L’Arcadie de 1504 et Eclogae piscatoriae de 1526.
  • L’Espagnol Jorge de Montemayor : Les 7 livres de Diane de 1559
  • L’Italien Le Tasse avec Aminta de 1585
  • L’Espagnol Miguel de Cervantes avec La Galatea  de 1585)
  • L’Italien  Giovanni Battista Guarini  avec Il Pastor fido (Le Berger fidèle) de 1590 pour le théâtre
  • L’Anglais Edmund Spencer avec The Shepheardes Calendar de 1579.
     

Au XVIIème siècle, ce furent:

  • L’Anglais Sir Philip Sydney avec l’Astrée de 1606(en) The Arcadia (1590)
  • Le Français Honoré d’Urfé avec L’Astrée de 1607 et Sylvanire de 1625 pour le théâtre
  • Le Français Charles Sorel avec Le Berger extravagant de 1627 Au siècle de la Renaissance, les représentants du roman pastoral furent 
  • Le Portugais Bernadim Ribeiro (1482-1536) avec Menina e Moça ou Saudades (Mémoires d'une jeune fille triste, ou Le Livre des Solitudes) édité pour la première à titre posthume en 1554, à Ferrare, en Italie.
  • L’Italien Jacopo Sannazaro avec L’Arcadie de 1504 et Eclogae piscatoriae de 1526 , les pêcheurs de la baie de Naples ayant remplacé les bergers du Péloponèse.
  • L’Espagnol Jorge de Montemayor :Les 7 livres de Diane de 1559
  • L’Italien Le Tasse avec Aminta de 1585
  • L’Espagnol Miguel de Cervantes avec La Galatea  de 1585)
  • L’Italien  Giovanni Battista Guarini  avec Il Pastor fido (Le Berger fidèle) de 1590 pour le théâtre
  • L’Anglais Edmund Spencer avec The Shepheardes Calendar de 1579.

Au XVIIème siècle, ce furent

  • L’Anglais Sir Philip Sydney avec l’Astrée de 1606(en) The Arcadia (1590)
  • Le Français Honoré d’Urfé avec L’Astrée de 1607 et Sylvanire de 1625 pour le théâtre
  • Le Français Charles Sorel avec Le Berger extravagant  de 1627
  • ·L’Écossais John Leech (1590 – 1630) avec vingt bucoliques en quatre parties : "bucolicae" – "piscatoriae" – "nauticae" et "vinitoriae.


Jacopo Sannazaro et L’Arcadie

Jacopo Sannazaro (1457-1530), est né à Naples, mais sa famille est originaire d’Espagne. Elle vint s’installer à San-Nazaro, un château non loin de Pavie (Sud de Milan). L’un de ses membres avait suivi Charles de Durazzo qui, après sa conquête du Royaume de Naples régna sous le nom de Charles III de 1381 à 1386. Les Sannazao obtinrent des concessions et des privilèges. Mais sa successeur Jeanne II, reine de Naples de 1414 à 1435, mit fin à leur statut. Et c’est dans une famille noble mais ruinée que naquit Jacopo.

 Son mentor et ami ne fut autre que Giovnani Pontano (1426-1503), un des plus grands écrivains italiens de la Renaissance que d’aucuns mettent au même plan que Le Politien et qui dirigea l’académie de Naples à laquelle le jeune Jacopo fut très tôt admis.

« Sous le pseudonyme de Aetius Syncerus (l’écrivain probre) il écrira, en latin, trois livres d’Elegiae, trois livres d’Epigrammata, cinq Eclogae piscatoriae, célébrant les beautés du golfe de Naples, dont les pêcheurs remplacent les bergers de la tradition bucolique ; ces poèmes, ainsi que le De Partu Virginis, écrit à la fin de sa vie, lui vaudront le surnom du    « Virgile chrétien ».

Éminent philologue et toujours à la recherche de texte anciens, il découvrit lors de son séjour en France de 1501 à 1504, d’Ovide le dernier de ses poèmes d’exil consacré à l’art de la pêche, Les Halieutiques et du poète latin Némésiens (IIIème siècle) un poème consacré à l’art de la chasse, les Cynégétiques. Il avait décidé de suivre à la cour de Louis XII. toujours fidèle qu’il fut aux Aragon, le roi de Naples, Frédéric 1er en exil à la suite de la conquête de son royaume de Naples par « le Père du Peuple » qui comme son prédécesseur, Charles VIII, considéré que ce royaume devait revenir à la Maison d’Anjou.. C’est à son retour en Italie qu’il publiera son célèbre poème Arcadie, fondateur du genre pastoral.


Si ce n’était le préjugé minoratif bien souvent porté sur le genre pastoral, son œuvre majeure l’Arcadie (1483-1504), écrite elle, en italien (le florentin à l’époque), serait certainement reconnue pour ce qu’elle est, une œuvre toute de subtilité, de délicatesse et d’élévation de l’esprit. Ce poème fit entrer le genre pastoral au royaume des lettres. Il connut un immense succès dans toute l’Europe. Le genre fut repris en France par Pierre de  Ronsard (1524?-1585) et par Honoré d’Urfé (1568-1625), en Espagne par Garsilaso de la Vega (1494/1503-1536) et Jorge Montemaoyr (1520-1561) et en Angleterre par  Sir Philip Sidney (1559-1586) (Voir Le Genre Pastoral).

En 1492, Il trionfo della fama (Le Triomphe de La Renommée) est récitée à Castel Capuano[1] devant Alphonse d’Anjou, duc de Calabre (Voir Giovanni Pontano). « Bien qu'elle n'ait que des affinités métriques avec les farces populaires napolitaines, cette œuvre est avant tout une riche représentation théâtrale, dont le but n'était pas seulement d'amuser la cour, mais d'exalter la dynastie des rois aragonais, seigneurs de Naples » (https://www.criticadelibros.com /drama-y-elemento-humano/ triunfo-de-la-fama-jacopo-sannazaro/)


Jacopo Sannazaro était un fin lettré qui s’était imprégné très tôt de la pensée humaniste. Il travailla sa vie durant à l’Académie de Naples, publiant les œuvres de Giovanni Pontano et des textes latins qu’il avait ramené de France. Son œuvre poétique en latin et en italien est importante. On lui doit des épigrammes, des églogues et autres élégies. En 1530, après sa mort, on imprima à Rome, ses Sonetti e canzoni ( Sonnets et Chansons).


L’Arcadie

Arcadia, poème ou/et roman pastoral, bien structurée en douze chapitres, chacun comportant une partie en prose et une églogue (poème bucolique), est un voyage intérieur au fil de la mémoire, un retour à la paix de l’enfance face au tourment du présent, aux tourments d’un amour perdu, d’une Italie en effervescence. L’Arcadie est géographiquement la région montagneuse du centre du Péloponnèse, aride et venteuse, descendant son versant jusqu’aux rives de la mer Égée. Pays retiré, patrie de Mantinée, l’inspiratrice, l’égérie de Socrate. L’Arcadie où sillonnent les seuls bergers et bergères, représente pour le(s) poète(s) un lieu idyllique où règnent calme et sérénité, que ne troublent jamais les bouleversements du monde plus bas; lieu enchanteur d’un âge d’or toujours rêvé, celui justement, peut-être de l’enfance.

« Située dans une Arcadie primitive qui ignore les conflits, la pastorale inclut également des épisodes appartenant au monde des rivalités sociales. Elle ne se contente pas d’une seule histoire, mais incorpore une gamme de situations où l’amour est confronté à la Fortune, à la duplicité du cœur humain et, enfin, à l’énigme de l’union entre corps et âme. Concernant la psychologie, la pastorale ne s’attarde pas aux replis du cœur humain mais peint des âmes que l’élan amoureux emporte au-delà des circonstances amères et boueuses de leur vie. Enfin, l’alternance de la prose et des passages en vers participe elle aussi à cette mesure sans doute fragile, à cet équilibre souvent instable, en soulignant à sa manière l’incommensurabilité de la faiblesse humaine avec le Beau et le Bien qui l’attirent…Dans l’Arcadie de Sannazaro, la poésie règne sans conteste, au point que les récits des bergers amoureux, ceux d’un Sincère, d’un Clonique[2], semblent n’être là que pour lier entre elles les églogues qui parsèment l’œuvre » (Thomas Pavel La Mesure de la Pastorale, Revue Érudit 2009, https://id.erudit.org/ iderudit/037842ar).


Giovanni Guarini, Le Fidèle Pasteur

Giovanni Battista Guarini (1537-1612), né à Ferrare, est un descendant des Guarini, famille d’humanistes de Ferrare : Guarino de Vérone (1370-1460) qui après avoir appris le grec de Manuel Chrysoloras (1355-1415) à Constantinople, l’enseigna à Vérone, Venise, Florence puis en 1436 à Ferrera, et son fils Battista Guarini qui remplaça son père à la tête de l’université de Ferrare et qui reste connu pour son traité sur une nouvelle méthode éducative qui rompt avec la tradition médiévale (voir Vol 1/ Humanisme/Naissance de l’Humanisme).


Giovanni fait des études Pise et à la réputée université de Padoue. Il est un temps professeur de rhétorique dans sa ville natale. A trente ans, il est à la tête d’une grande fortune dont il a hérité. Il se marie à un femme de la haute noblesse. En 1567, il entre au service du cinquième et dernier duc de Ferrare, Alphonse II d’Este (†1597)[3], fils de Renée de France[4]. La cour est brillante. Quand le duc fera enfermé Le Tasse pour folie, il le remplacera comme poète officiel de la cour.

Il obtient plusieurs missions diplomatiques. Mais en 1582, déçu de la vie de cour, veuf, en bisbilles avec ses fils sur l’héritage, plongé dans des procès sans fin, mais surtout marqué par le meurtre de sa fille Anna, une des plus fameuses chanteuses de la Cour de Ferrare, assassinée par son mari, Ercole Trotti, avec la complicité du frère de celle-ci, Girolamo, il se retire sur ses terres natales de l’Adige, entre Alpes et Mer Adriatique, et se consacre à ce qui n’avait jamais été alors qu’un passe-temps la poésie.


Il écrit le Pastor Fido dont la première représentation à lieu à Turin en 1585. Le Duc Alphonse II (†1597) qui y assiste le convainc de revenir à la cour et lui confie la charge de Secrétaire d’État. Mais il quitte à nouveau Ferrare peu satisfait de la vie qu’il y mène et s’établit à Florence en entrant au service du grand duc de Toscane, Ferdinand 1er de Médicis dont la fille Catherine épousera Henri IV en 1600. Le duc l’obligea à un mariage qui n’était pas digne de son rang. Il trouva refuge à Urbino chez les derniers descendants de duc de Montefeltro dont il écrira que ‘la vielle cour est une institution morte ». Il revient une fois encore à sa ville natale où les ennuis juridiques qui ont occupés toute sa vie se poursuivront jusqu’à sa mort à Venise à l’âge de 76 ans.

« Il était à l’origine un homme doté d’un intellect robuste et viril, ambitieux, confiant en ses propres pouvoirs et bien qualifié pour les affaires sérieuses, dont l’énergie n’a pas pu leur exercice. Le travail littéraire n’offrait qu’un domaine pauvre pour un tel personnage, tandis que l’inactivité forcée de la vie de cour accentuait un tempérament naturellement capricieux et colérique »[5].

On lui doit également des poèmes (Rime, 1598), une comédie, L'Idropica (L'Hydropique, 1613), un traité de politique posthume sur la liberté et un dialogue didactique sur l'art épistolaire, Il Segretario (Le Secrétaire, 1593).


Il Pastor Fido

« Guarini est l'auteur d'élégants madrigaux et de la «pastorale tragicomique» Le berger fidèle (1580-1583, mise en scène en 1590), qui dépeint des bergers conventionnels dotés des mœurs et de la psychologie des aristocrates italiens du XVIe siècle. L’apparition de la pastorale de Guarini a marqué une rupture avec les idées humanistes de la Renaissance et la répudiation de la simplicité de la Renaissance. La pièce a été traduite dans presque toutes les langues européennes de son vivant. Guarini a défendu la poésie divertissante éloignée des problèmes sociaux dans son Manuel de poésie tragicomique (1601-02). » (The Great Soviet Encyclopedia, 1979).

Le Pasteur Fidèle est un drame en cinq actes dont les ressorts sont ceux de la tragédie. Il se déroule en Arcadie (Voir Sannazaro) où une vierge doit être comme chaque année sacrifiée à Diane. Le fidèle berger, Mirtil, aime Amaryllis et veut se sacrifier à sa place même s’il doute que son amour soit partagé. La prophétie n’aura pas lieu. Le sacrifié se révélera être le fils du sacrificateur. Malgré une série d’invraisemblances, les personnages détiennent beaucoup de vérité. Leur psychologie est subtile mais avec une certaine complexification dans les sentiments. Le genre pastoral ne tient qu’au lieu et aux personnages qui sont des bergers et bergères, néanmoins descendants de lignée divine. Le chœur accompagné de chant est là aussi pour la connotation à la tragédie antique. La forme, l’esprit aussi bien que les exigences de la musique relèvent du lyrisme.

« Pendant près de deux siècles, le Pasteur Fido fut considéré comme un code de galanterie et un guide des mœurs ». (Ency Britannica/ Battista Guarini)

Si la Pastorale, Amyntas, du Tasse a devancé de près de dix ans le plus célèbre des drames pastoraux, Il Pastor fido, qui s’en inspire largement, achevé en 1583, édité en 90, devance, lui, par son style affecté, de quelque quarante ans une œuvre emblématique de la littérature baroque italienne l’Adone (1623) du père du marinisme, Marino Marini, et influencera au siècle suivant les œuvres poétiques sorties des académies et sociétés d’Arcadie. L’œuvre continua d’avoir particulièrement du succès en Angleterre au siècle suivant. Le poète et diplomate anglais, Richard Fanshawe en donna une traduction en 1647.

Georg Friedrich Haendel en fit le sujet de son deuxième opéra en Angleterre. La première représentation eut lieu en 1712 sur un livret du poète italien vivant à Londres, Giacomo Rossini.


L’ Essai

Michel de Montaigne

Michel Eyquem (1533-1592), né au château de Montaigne en Dordogne (Périgord), est le fils d’Antoinette de Louppes d’une lignée de petite noblesse d’origine séfarade d’Espagne, les Lopez, et de Pierre Eyquem, riche négociant anobli par François 1er, nommé prévôt et jurat (agent municipal en charge de la magistrature), puis maire de Bordeaux. Le père formera très tôt son fils selon les nouvelles méthodes dont parlera l’auteur des Essais dans un de ses plus fameux chapitres. « Son village tout entier s’était mis au latin pour le lui rendre plus maternel que le français ou le gascon » (M. Gandillac Histoire de la Philosophie II Édit. Gallimard 1973)

Après des études secondaires peu concluantes au Collège de Guyenne fondé à Bordeaux en 1533, le jeune Eyquem suit des études de philosophie à Bordeaux puis de droit à Toulouse.


En 1554, il est conseiller à la Cour des Aides de Périgueux. En 1556 (57?), il est nommé au Parlement de Bordeaux. En 1558, à 25 ans, il fait la connaissance du Conseiller Étienne de La Boétie (†1563) qu’il admire et avec qui l’entente intellectuelle est parfaite. Une amitié plus forte que l’amour, s’il faut en croire Montaigne lorsqu’il écrit qu’« après tout l’amour n’est pas autre chose que la soif de la jouissance sur un objet désiré et que Vénus n’est pas autre chose non plus que le plaisir de décharger ses vases, qui devient vicieux ou s’il est immodéré ou s’il manque de discernement. » Durant la courte période d’une amitié qui les lie indéfectiblement, La Boétie, de trois ans son aîné, l’initie au stoïcisme. De 1559 à 1561, il séjourne à Paris.

Il se marie en 1565 à l’âge de 32 ans. En 1568, son père mort, il hérite du titre et des terres. Il abandonne sa charge en 1570. Après un court séjour de nouveau à Paris, il se retire avec des intermittences dans son château jusqu’en 1581 pour se consacrer à l’étude, à la lecture du stoïcien Sénèque († 65) et du moraliste Plutarque (†125), et à la rédaction des Essais.


En 1572, lors de la quatrième guerre de religion (1572>73), il rejoint l’armée royale. Quatrième guerre au cours de laquelle, après le mariage de la Reine Margot, fille de Catherine de Médicis et d’Henri II avec Henri de Bourdon, futur Henri IV, et après la tentative d’assassinat de l’amiral Coligny, survient le massacre de la Saint Barthélémy (nuit du 23 août 1572). Pour sa fidélité au roi durant les troubles religieux, Henri III le fait Chevalier de l’Ordre de St Michel.

En 1574, il est à nouveau temporairement tiré de sa retraite pour effectuer une mission auprès du Parlement de Bordeaux.


En 1578, Montaigne commence à être sérieusement atteint de la gravelle (calculs urinaires) dont est mort son père, et dont lui-même souffrira jusqu’à sa mort quatorze ans plus tard. Pour chercher à se guérir ou du moins être soulagé, il entreprend de voyager en Europe pour « essayer les eaux », en France (Plombières, Vosges), Allemagne (Baden, Munich), Italie (Rome, Lucques). Voyage duquel il tirera un Journal de Voyage, riche d’observations. Parlant des voyages dans les Essais, Montaigne écrira que « certains ne partent en voyage que pour revenir ». Apprenant, qu’il vient d’être élu maire, il rentre en 1581 à Bordeaux où il assumera sa charge jusqu’en 1585. Cette année-là, alors qu’il transmet sa charge, la ville est touchée par la peste. Il regagne ses terres qu’il devra quitter, la peste s’étant étendue jusqu’à Montaigne. De retour l’année suivante, il entreprend de publier le troisième et dernier livre de ses Essais qui comprendront en tout 109 chapitres.

En mai 1588, c’est la Journée des Barricades qui voit le soulèvement des parisiens menés par le Duc Henri de Guise dont on sait la triste fin dans le cabinet royal de Henri III à Bois cette même. Il sera transpercé de pas moins de 40 coups d’épées et de dague. Montaigne qui vient d’arriver à Paris est embastillé quelques heures. Cette même année, il rencontre Mlle de Gournay qui admire son œuvre. Elle deviendra « sa fille d’alliance ». Elle se chargera de l’édition complète des Essais trois ans après la mort de leur auteur qui meurt en 1592 alors qu’il travaillait encore à cette unique œuvre d’une grande nouveauté. Montaigne parle en son nom propre. Il emploie le « je « et ouvre ainsi à la voie à des philosophes comme Pascal, Descartes et Rousseau.


Le sceptique

Montaigne est plus un penseur qu’un philosophe en ce qu’il ne construit pas un système philosophique, en ce qu’il n’élève pas une architecture conceptuelle mais en ce que sa réflexion aborde des sujets divers, la politique, l’éducation, la religion…

La majorité de ses commentateurs font de Montaigne un sceptique. Les Essais seraient traversés par cette pensée antique, née au 3ème siècle av. J.C. du fondateur du scepticisme, Pyrrhon, qui rapporta de son séjour en Inde à la suite d’Alexandre, une philosophie nettement teintée de sagesse hindoue. Une philosophie qui veut que l’homme ne peut rien savoir sûr rien, ne peut affirmer ce qui est bon ou mauvais, beau ou laid et ainsi vit dans un doute qui le préserve des fausses opinions et le laisse ouvert à toutes les hypothèses, le laisse en quelque sorte dans une ignorance bien heureuse qui ne nie pas la réalité des faits, qu’il reconnaît tels qu’ils lui apparaissent, mais qui rejette tout jugement sur sa nature. Ce doute posé non sur les faits mais sur la certitude de leur valeur, laisse l’esprit en éveil lui évitant de s’enfermer dans les croyances et passions. Cet état de doute qui n’est pas indécision mène à l’ataraxie, notion commune aux sceptiques, aux épicuriens et aux stoïciens, qui peut se traduire par «absence de troubles», autrement dit qui mène à la quiétude.

«Montaigne a été un de ceux qui ont su placer le scepticisme à sa juste place: en amont de toute investigation intellectuelle, méthodologie d’un sain exercice du jugement ne se refusant à aucune enquête, place où rien ne peut a priori le dévoyer» (Emmanuel Naya, Université Lumière Lyon-2/ Hubert de Phalèse, Littérature et Informatique)

Sa rhétorique s’inscrit dans sa conception sceptique sur le savoir. 

«Il y a lieu, en effet, de comprendre l’écriture de Montaigne comme un art de la neutralisation de toute normativité sémantique, une altération du système de pensée prévalant: de nombreux essais insistent sur l’instabilité de ce qui est déclaré critère. Penser que l’on comprend un mot parce qu’il possède un contenu sémantique stable et donné une fois pour toutes s’ancre dans une fausse image des notions de «comprendre», «signifier», «penser»… L’anacoluthe, qui disloque la syntaxe, est fréquemment employée dans les Essais[6]. » (Danièle Rodamar “La Rhétorique de Montaigne.” Études françaises 272 (1991): 25–33. Variété Volume 27, numéro 2, automne 1991)

 Son éthique, se reportant à la philosophie naturaliste de la Grèce Antique, est de «suivre la nature»: «Laissons faire un peu à nature : elle entend mieux ses affaires que nous».


Les Essais

Montaigne est l’initiateur d’un nouveau genre littéraire : l’essai. L’essai n’est pas une étude philosophique, morale, sociologique ni un texte pédagogique, et pourtant il est tout cela à la fois parce qu’il est une réflexion libre sur un ou des sujets qui touche(nt) à la mentalité d’une époque, la façon dont une époque – en l’occurrence celle de l’auteur - aborde telle expérience de l’existence : la maladie, la mort, l’éducation, selon ses concepts, ses aspirations et sûrement avec tel ou tel préjugé. L’essai s’autorise sa propre forme de développement, son propre style, son ton. Il exprime un point de vue, celui qui s’élabore à l’écriture de l’essai. Ce qui n’empêche pas son auteur d’évoquer telles autres approches autres du sujet, tels auteurs contradicteurs. Le but de l’essai n’est pas tant qu’il veut faire le tour de la question mais qu’il veut répondre à la question qui, propre à son auteur, était à l’origine de l’essai. A la fin de l’essai, il veut, l’auteur, pouvoir dire : maintenant je sais ou du moins je sais mieux. La finalité de l’essai est un enseignement, au moins à soi-même.


Ainsi Montaigne, le sceptique, celui non qui doute mais qui examine (selon l’étymologie du terme), examine sa vie, ses phases : son enfance, ses voyages, ses amitiés, sa maladie, la mort (de son père)… tout ce qui se rapportant à son existence se rapporte à celles de ses semblables. Ne serait-ce qu’en cela, Montaigne est humaniste.

Le premier volume des Essais, commencés bien des années auparavant, paraît en 1580, le troisième et dernier de son vivant, en 1588. Il laisse une œuvre par laquelle il nous dit avoir cherché la ‘tranquillité de l’âme’ (selon le mot de Sénèque), l’ataraxie (l’équanimité) de la philosophie hellénistique, dans et par l’équilibre de ses passions, de ses instincts et de sa raison. Il aura cherché une sagesse qui ne tiendrait qu’à la connaissance que l’homme a, peut avoir, de lui-même.

Montaigne est un grand styliste. Il sera de ceux qui en son siècle auront jeté les bases de notre langue française actuelle. Il aura aussi été des premiers à lui donner un éclat, un rythme, une sensibilité, un génie propre. Chose quand même rare à son époque, il écrivait en prose.

Deux citations de l’auteur des Essais : « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine. » « Instruire, c’est former le jugement ».


NOTES
  [1] Selon Wikipedia l’œuvre serait de Juan En Encina (voir Théâtre/ Péninsule Ibérique) et aurait été représentée en 1492, pour commémore la chute de Grenade. Année où les Rois Catholiques achève la Reconquête par l’abdication du dernier émir nasride de Grenade qui était déjà sous protectorat.

Le Triomphe de La Renommée est aussi une miniature du manuscrit de Rimas y Triunfos de Petrarca (BNE Vitr. 22/1). Manuscrit de l'école florentine (manu Matthaei domini Herculani de Vulterris), réalisée pour le premier duc d'Urbino Federico III de Montefeltro (1444-1482).

Le titre complet pour être Triunfo de la Fama sobre la Muerte comme le nom donnée à la série des six tapisseries dont quatre d'entre elles ont été acquises en 1557 pour décorer le Palais de la Generalitat à Barcelone. Elles représentent allégoriquement le poème Les Triomphes de Petrarca

[2] Sincère et Clonique sont ici deux types de comportement. L’état clonique en médecine est « caractérisé par des convulsions nombreuses et violentes »

[3] Dernier duc d’Este. A sa mort, le duché tombera dans la dévolution du Saint Siège. La famille d’Este se retirera définitivement sur ses terres de Modène et Reggio dont elle obtiendra de l’empereur, Mathias 1er de Habsbourg, la garantie de la possession (investiture impériale)

[4] Renée de France est la fille de Louis XII, et la belle-sœur de François 1er par sa sœur Claude de France. Elle accueillit à sa cour de nombreux réformés qui vinrent s’y réfugiés dont Clément Marot. Elle y reçut Calvin. Son engagement pour la cause de la Réforme alla si loin qu’elle fut mise à l’isolement, interrogée par l’inquisiteur Matthieu Ory, venu spécialement de France et fut obligée d’assister à la messe et donc de communier. En 1560 au décès de son époux, décédé, le duc Hercule II (fils de Lucrèce Borgia), elle revint sur ses terres de Montargis où elle poursuivit malgré les récriminations de la Ligue Catholique sont action en faveur de la Réforme.

[5] Citation et base de la biographie 1902 Encyclopedia Universalis

[6] L'anacoluthe est une rupture syntaxique de la phrase, volontaire ou involontaire. Involontaire quand le sujet supposé n'est pas le sujet indiqué:« «En courant, son cœur se mit à battre fort.» au lieu de «En courant, Jean sentit son cœur battre fort.». Quand elle est volontaire l'anacoluthe est une figure de style créant un effet de surprise et prend des formes variées comme l'inversion, le zeugma, le solécisme" etc. (voir art. Wikipédia).

« L’anacoluthe (une) est une figure par laquelle on opère volontairement (on le suppose…) une rupture dans la syntaxe. La construction grammaticale de la phrase est transformée pour lui donner un effet rhétorique. C’est une faute maîtrisée. Exp. : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée ». (Pascal, Pensées, 392) Ici, le verbe aurait dû avoir « le nez » pour sujet. Le sujet « La face du monde » apparaît sans qu’on l’attende.   

 


MÉMOIRES - ALMANACHS ET PROPHÉTIES


Mémoires

Brantôme

Pierre de Bourdeilles dit Brantôme (ca. 1537 - 1614) est issu d’une famille de la noblesse d’épée qui s’est illustrée pendant la Guerre de Cent Ans. Son père a combattu aux côtés de Bayard (1494-1516) pendant les Guerres d’Italie. Brantôme passe son enfance à Nérac à la cour de Marguerite de Navarre (et de Valois-Angoulême †1549, voir Récits/France et Réforme/France). Sa grand-mère Louise de Doillon de Lude, dame d’honneur et sa tante apparaitront comme ‘devisants’. dans l’Heptaméron que la sœur de François 1er publie en 1533.

A la mort de Marguerite en 1549, il part faire des études à Paris qu’il poursuivra à Poitiers. Henri II le nomme en 1555 Seigneur de Brantôme (Dordogne) et abbé commendataire[1] de l’Abbaye de Brantôme (d’où son surnom). Lui qui a passé son enfance dans l’atmosphère de la Réforme en Navarre où sont passés Calvin, Guillaume Farel, Clément Marot et où est mort Guillaume Budé (Voir Humanisme), il entre par ses fréquentations à la cour d’Henri II puis à celle de son frère François II et de son épouse Marie Stuart ; et se lie aux Guise, chefs de file des la Ligue (catholique). Il participe à la première des Guerres de Religions en 1562 et fait partie alors de l’entourage de Catherine de Médicis et de Charles IX. Après l’Italie, toujours enquête de gloire militaire et d’aventures, il voyage en Espagne, au Portugal, au Maroc où il réalise son plus beau fait d’arme, la prise de Belys.

 En 1559, à la mort de François II, il accompagne en Écosse la triste Marie Stuart sur laquelle il écrira des pages touchantes. En 1539, il est à Malte où l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, installé en 1530, prendra le nom courant d’Ordre de Malte.

Il participe aux deuxième et troisième Guerres des Religions. Son dernier engagement militaire sera en 1573 le siège de la place forte huguenote de La Rochelle (voir Réforme/France) ; siège que le tableau de Henri-Paul Motte en 1881montrant Richelieu au milieu des défenses portuaires contre le débarquement des anglais a rendu célèbre. L’année suivante, pensionné comme gentilhomme de la garde du roi Charles IX, il met fin à sa carrière militaire. En 1581, Henri III lui refusant la charge de Sénéchal (= Bailli, représentant de l’autorité royale) du Périgord, il envisage de gagner l’Espagne, mais en 1584, une chute de cheval qui verra l’animal retomber sur lui, va changer le cours de son destin. Il va devoir rester immobilisé pendant deux ans. Et c’est à demi-estropié qu’il se retire alors sur ses terres tout en suivant parfois la cour, curieux de ses intrigues politiques et amoureuses.


La peur de mourir après cette chute de cheval poussera Brantôme à écrire ses mémoires sous la forme de vies. Il va passer ses 30 dernières années entre ses terres de Bourdeille, l’Abbaye de Brantôme et le Château de Richmond qu’il avait fait construire et où il mourra en 1614.

Cet épris des femmes[2] qui le lui rendait bien, ce confident de la disgracieuse Catherine de Médicis à qui il vouait une réelle admiration, ce (très?) proche de la Reine Margot, sœur d’Henri II, mariée au futur Henri IV (la même année 1572 que la Saint Barthélemy), cet amoureux de la femme de son frère ainé, Jacquette de Montbron[3], va se consacrer à écrire ce qu’a été sa vie et celle des cours des rois qu’il a servi : Vie des hommes illustres et grands capitaines français, Vie des grands capitaines étrangers, Vie des dames illustres, Vie des dames galantes. Vies qui rassemblent tout à la fois des histoires galantes qui le feront passer pour un écrivain ‘léger’, des récits militaires, des chroniques politiques et bien sûr des biographies .


 Écrivain courtisan, volontiers intrigant, passionné de cette Cour qu’il nomme ‘’le paradis du monde’, Brantôme fut aussi un soldat qui, obsédé par la geste militaire et les valeurs aristocratiques , ne pu pourtant réaliser l’idéal chevaleresque qui l’animait parce que né trop tard pour les Guerres d’Italie et parce que trop soucieux de gloire pour se satisfaire de guerres civiles (religieuses). Amoureux fervent, il ne rencontra non plus l’âme sœur. Et enfin, mal avisé dans le choix de ses protecteurs qui avaient la mauvaise manie de mourir prématurément, il n’aura au final pleinement accompli que son œuvre.

« La vraie réussite de Brantôme est son œuvre littéraire. Publiée après sa mort à partir de 1665, c’est un témoignage de son temps, sur son temps. Parfois mal compris et très longtemps réduits à leur caractère « léger», ses écrits sont aussi une exploration de la mentalité aristocratique, offrant au lecteur les clefs pour comprendre comment la noblesse du XVIe siècle vivait et pensait l’amour, le mariage, l’infidélité, la galanterie, la chasteté, la vertu et la gloire militaire. Vue par le prisme parfois déformant de la vie des hommes et des femmes ses contemporains, l’œuvre de Brantôme est prolixe et hétéroclite, mais parfois fâchée avec l’exactitude historique. » (Grégory Champeau, docteur en Histoire Moderne de l’université de Bordeaux III : https://francearchives.fr/fr/ commemo/ recueil-2014/39815).

Il faudra attendre la publication en 1722 de la Vie des Hommes Illustres pour le faire reconnaître comme écrivain.


Guillaume Du Bellay

Guillaume Du Bellay (1491-1543) seigneur de Langey est né au Château de Glatigny à Souday dans le Val de Loire. Il est le frère ainé du Cardinal Jean Du bellay et l’oncle du poète de La Pléiade (voir Du Joachim Bellay). Présent à la Bataille de Marignan, il restera cinq ans en Italie. En 1524  il devient Gentilhomme de la Chambre du Roi et donc proche de François 1er  par l’entre-gens de Marguerite de Valois-Angoulême, sœur du roi, future reine consort de Navarre avec qui il aura entretenu des liens étroits et durables. C’est elle qui l’envoie auprès de son royal frère alors que celui-ci est retenu prisonnier en Espagne après la défaite de Pavie en 1526. Il sera gouverneur de Turin après avoir était celui de Picardie en 1521. En 1540, alors qu’il a (re)conquis des places fortes aux troupes de Charles-Quint, il sera fait Lieutenant-Général du Piedmont (Vice-roi pour les Espagnols) ; charge au cours de laquelle il mourra après avoir en seulement trois ans accompli une immense tache dans le redressement économique et culturel du Piedmont, dont la réouverture de l’université de Turin[4].

Vaillant capitaine autant que fin diplomate, il joua un rôle crucial dans les relations avec l’Empire Ottoman[5]. A la tête d’un réseau d’espions, « plume » du roi pour les textes officiels (aujourd’hui, il aurait écrit ses discours) mais aussi de propagandes[6], il fut un véritable homme de lettres. Si son œuvre majeure sont ses Mémoires, il écrivit aussi deux ouvrages publiés après sa mort : sans se priver de plagier l’Art de la Guerre de Machiavel paru 1521 (voir Vol.1/Humanisme), il publie les Instructions sur le Fait de Guerre en 1548, et un abrégé historique de l’histoire de la Gaule, Épitomé de l'Antiquité des Gaules et de France en 1548.

En 1534, Rabelais avait accompagné à Rome Jean du Bellay alors évêque de Paris en tant que secrétaire et médecin (voir Rabelais). En 1540, il se rendra à Turin pour entrer au cabinet de son frère ainé Guillaume.


du Bellay  a commencé ses Mémoires dès 1524 encouragé en cela par le roi qui voit en lui un « historiographe officiel ».

« Dès le début de sa carrière, désireux d’assouvir son goût des Lettres, il se lance dans la rédaction d’un ouvrage d’histoire, en latin, à la manière de Tite-Live, qu’il intitule Ogdoades. Encouragé par François Ier, qui l’invite à reprendre son œuvre en français, il s’attèle avec ténacité à cette tâche, qui l’occupera toute sa vie ».
(Nathalie Guillod, Jean Du Bellay, La Tentation de l’Histoire, PUF François Rabelais 2013)

Son œuvre sera poursuivie à sa mort par son jeune frère Jean devenu cardinal (1498-1560) et surtout par le cadet des trois frères, Martin (1495-1559) qui fut comme son aîné grand capitaine. Ce dernier « augmenta » les mémoires de son frère par les siennes, Mémoires de Messire Martin Du Bellay, Seigneur De Langey parues en 1585 ; mémoires qui s’arrêtent à la mort du roi en 1547 et dan lesquelles une place de choix est faite à ses propres batailles. Comme Guillaume, valeureux au combat, il brilla aussi en politique et dans la diplomatie.


Almanachs et Prophéties

Les Almanachs

A l’origine, l’almanach[7], de l’arabe al-manakh, (le calendrier) était chez les romains un registre des jours fixés où devaient être payés les dettes et un calendrier  qui indiquait les fêtes, les lunaisons et la date des changements de saison. Avec l’apparition de l’imprimerie au milieu du XVème siècle, les almanachs vont être largement diffusés jusque dans les campagnes par les colporteurs et vont très vite être agrémentés de renseignements pratiques : lieux et heures de départ des courriers ou des diligences, prédictions météorologiques, astrologiques etc. .

L'Almanach royal, puis impérial, puis national va fournir à partir de 1698, l’organigramme des administrations et devenir jusqu’en 1913, l’annuaire administratif.


Nostradamus

Michel de Nostredame dit Nostradamus (1503-1566) est né rue du Viguier à Saint-Rémy-de-Provence. Il est issu d’une famille de la bonne bourgeoisie[8]. Son père, devenu notaire après son mariage avec la fille du médecin trésorier du roi de St Rémy de Provence, était fils d’un juif qui, converti au milieu du XVème siècle au christianisme, prit le nom de Nostredame. Il appartenait à la tribu d’Issacar, tribu fondée par Issachar, un des douze fils de Jacob et dont les membres sont particulièrement voués à l’étude de la Thora (Pentateuque).

Après une enfance passée à St Rémy de Provence chez ses grands-parents maternels, il part en Avignon, mais la peste arrivée d’Italie s’y déclare en 1525. Selon les sources, elle l’empêche de poursuivre les études qu’il a entamées en vue de l’obtention d’un baccalauréat es arts[9], ou bien il peut les poursuivre jusqu’à l’obtention de son diplôme.

« En 1528, tout le Midi est la proie d’une épidémie encore plus sévère que les précédentes, la famine et la guerre ajoutant à la désolation. Il décide à cette occasion d'approfondir l'étude des plantes et de la "pharmacaitrie". Ce qui lui permet de se faire connaître grâce aux remèdes qu’il a mis au point, dont les fameuses boules de senteur. Plus tard, Michel de Nostredame écrira un Traité sur la peste, lequel aura énormément de succès tant en France qu’en Angleterre» (http://www.medarus.org /Medecins/ Medecins Textes/nostradamus. html).


Il se fait apothicaire. Il n’y avait pas de reconnaissance officielle de la profession. Selon les sources, le métier d’apothicaire, métier manuel, étant considéré comme dévalorisant l’exercice de la médecine[10]. Il ne peut poursuivre des études de médecine à la célèbre université de Montpelier. Selon les sources, il en est soit exclu en 1529, soit, en cette même année, il peut y reprendre ses études et obtenir son doctorat. Il semblerait qu’inscrit une première fois, il se soit réinscrit :

« Sa seconde inscription est retrouvée dans le "livre du procurateur" de l'époque, Guillaume Rondelet, et Antoine Romier où son passage est mentionné en latin (sous le nom de Micheletus de Nodta Domina) ». (idem)Rabelais y entre,lui, de façon sûre cette même année pour commencer les siennes.

De cette période date sa traduction d’un texte de Galien qui paraitra en 1557. Il s’installe comme médecin en 1533 à Agen où il s’est marié deux ans plus tôt. La peste touche la ville en 34 et avec son confrère Jules-César Scaliger qui fabrique pommades et onguents, ils obtiennent un certain succès contre l’épidémie. Pourtant, en 1537 (38 ?) sa femme et ses deux enfants en meurent. Inquiété pour sa connivence avec le ‘sulfureux’ Scaliger par le tribunal de Toulouse, mais aussi pour ses regards tournés vers la Réforme, il quitte la ville d’Agen.


 La suite de son existence s’ouvre aux suppositions. Combien de temps est-il resté à Agen ? Après la mort de sa femme et de ses deux enfants où est-il allé ? Un tour de France ente 1540 et 45 l’aurait amené dans différentes villes où il aurait guéri. Selon ses écrits, il aurait été en Italie.

Il est à Lyon en 1547 après être descendu sur Vienne, Valence et Aix[11] et Marseille où la peste ayant sévi de 1544 à 47, il aurait utilisé avec succès « une poudre de senteur souveraine pour chasser les odeurs pestilentielles » ; poudre « qui ne peut se fabriquer qu’une fois par an, au temps des roses et qui semble efficace…» (Ref. citée). Il s’installe quelque temps en Arles où il commence à faire des préparations qui lui donnent une certaine notoriété pour lutter contre les épidémies.

Débute à cette période la rédaction de ses Almanachs dans lesquels les bienfaits des plantes (phytothérapie) tiennent une place importante. A la fin de cette année 1547, il s’installe à Salon de Crau (de Provence) d’où sa nouvelle femme est native et qui lui donnera six enfants. Mais il part aussitôt pour l’Italie. A Venise en 1548, il est l’année suivante à Milan où il rencontre un « spécialiste de l’alchimie végétale » qui lui fait découvrir les pouvoirs de guérison des confitures. Il est de retour chez lui en 1549 et publie en 1552 son Traité des confitures et fardements.


En 1550, paraît son premier almanach dans lequel les prédictions astrologiques sont en bonne place. Il le signe Nostradamus (« Nous donnons » et non Nostre Dame). La publication de ses almanachs sera régulière. C’est à cette époque qu’il aurait commencé à manifester des dons de prophétie. A partir de 1555, les almanachs comprennent pour chaque mois un quatrain prophétique. Ils seront rassemblés sous le titre de Présages. Son Almanach de 1556 est dédiée à Catherine de Médicis, celui de 1557 au roi de Navarre, Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, père du futur Henri IV, celui de 1558 au roi Henri II.

Cette même année 1555 paraît la première édition des Centuries qui compte 333 quatrains écrits sous forme sibylline. La dernière en comptera 942. Leur groupement par centaine donne le titre à l’ouvrage et devront leur renommée pour bonne part à leur style énigmatique en ne suscitant au fil du temps pas moins de quelque dix mille études. Le succès est immédiat.


Ces préférences pour la religion réformée qui s’étaient déjà manifestée à Agen et avaient été une des causes de son départ de la ville attireront sur lui les foudres des fervents catholiques salonais. Il ne sera pourtant pas vraiment inquiété.

Lors d’un passage à Béziers, il soigne de la goutte le cardinal Strozzi qui le présente à sa cousine la reine. Catherine, fervente d’occultisme, a apprécié ses Centuries et lui demande les horoscopes de ses deux fils François et Charles. Mais il craint que ses prédictions ne lui portent tort. De plus, suite à une ordonnance à l’origine de laquelle se trouve le proche conseiller de la reine et à l’époque Conseiller au parlement de Paris, Michel de l’Hospital (†1573), il encourt des peines pour avoir publié ses almanachs sans autorisation. Dans les années qui suivirent, il sera l’objet de nombreuse cabales.

Ce n’est qu’en 1564, qu’il retrouvera les bonnes grâces de la reine qui le nomme médecin du roi lors de son passage à Salon de Provence à l’occasion du Grande Tour de France qu’elle fit faire à son fils François II, en compagnie du futur Henri IV, chef des protestants, en vue de réconcilier les catholiques et les huguenots après la première Guerre des Religions.

Nostradamus meurt dans sa ville de Salon-de-Provence en 1566 vraisemblablement d’une insuffisance cardiaque…ou bien de la goutte. Deux ans plus tard sont publiés ses Présages. Les prédictions de Nostradamus sont depuis leur parution l’objet d’interprétations, de déchiffrements qui tiennent en haleine tous lecteurs à l’affût soit d’une révélation soit d’une interprétation qui, pour s’avérer erronée, ne ferait que confirmer que la sienne est la bonne.


NOTES

 [1] Un abbé en commendite est un abbé séculier qui perçoit à titre personnel les revenus d’une abbaye. Il exerce en contrepartie quelques charges.

[2] Il lèguera son château de Richmond (1564 -1610) à sa nièce avec interdiction de le vendre ; s’ouvre ainsi la succession aux femmes qui à ce jour sont restées propriétaires du Château.

[3] Jacquette de Montbron († 1598) fut l’épouse de André, frère aîné de Brantôme et dame d’honneur de Catherine de Médicis. Pour faire construire son Château de Marta (Charente-Maritime), elle suivit les directives de l’architecte et théoricien Serlio (voir Arts/Italie/Renaissance) qui construisit le Château d'Ancy-le-Franc (1538-46). Grâce à  un don de la reine, elle entreprit de faire construire un autre château dans le style classique à Bourdeilles, dont elle fut à la fois la maitresse d’ouvrage et la maîtresse d’œuvre. Elle est la seule femme architecte de la Renaissance Française quoique l’on puisse la rapprocher d’Anne de Beaujeu (†1522), fille de Louis XI, qui montra avec son époux Pierre 1er, Duc de Bourbon, tout son intérêt pour l’architecture en faisant construire en 1497 la première manifestation architecturale de la Renaissance Française, le Pavillon dit d’Anne de Beaujeu par l’architecte bourbonnais Marceau Rodier ( Sur de J. de Montbron et le Pavillon de Beaujeu, Voir Vol 1/Arts/ Renaissance en France/ Architecture)

[4] Plusieurs sources disent que  « La légende veut que Joachim du Bellay, Ronsard et Peletier du Mans se soient croisés dans la cathédrale où étaient célébrées, par René du Bellay, évêque du Mans », donc en 1543, à ses funérailles et où il fut enterré. Or Wikipedia/René Du Bellay, nous dit de ce dernier qu’ « Il résigna son abbaye en 1539 et son évêché vers 1542 »…

[5] A rappeler que lors de la Huitième Guerre d’Italie (1535-38), François 1er n’hésita pas à passer des accords avec les Ottomans qui étaient montés jusqu’aux portes de la Pologne.

[6] Dans une joute épistolaire avec Charles-Quint, l’empereur déclarera : « sa plume à elle seule m’a fait plus de mal que toutes les lances bardées de France ». Citations et pour en savoir plus sur Langley, voir Benoit Lannoye in Présentation de l’ouvrage de l’historienne Édith Garnier, Guillaume du Bellay : l’ange gardien de François Ier , https://clio-cr.clionautes.org/ guillaume-du-bellay-lange-gardien-de-francois-ier.html

[7] Source Encyclopedia Universalis/Almanach

[8] Biographie et origines familiales voir http://www.science-et-magie.com/ ORACLES/nostra.htm

[9] Le niveau bac au Moyen-Âge/Renaissance correspondrait de nos jours à l’enseignement secondaire. Les arts dits libéraux comprenaient le trivium : grammaire, rhétorique et dialectique et le quadrivium : arithmétique, géométrie, musique (liée aux mathématiques) et astronomie.

[10] Pour l’exercice de la médecine et des différents statuts de médecin et de chirurgien voir T2/Vol.1/Introduction/ Médecine/ Ambroise Parée.

[11] Selon les sources, il aurait été de passage à Salon en 1544, se serait trouvé à Aix dès 1546 et ne serait arrivé à Lyon qu’après, en 47.


LE THÉÂTRE

France - Outre- Manche- Italie - Péninsule Ibérique - Outre-Rhin - Flandres

 

Introduction

« La première grande fracture qui marque l’histoire de notre théâtre ancien ne se situe pas à la fin du 15ème siècle, au passage du Moyen-âge à la Renaissance comme le veut la présentation admise en histoire littéraire, mais plutôt au milieu du 16ème siècle … on passe d’un théâtre européen, le théâtre de la chrétienté à un théâtre national qui illustre la langue et la littérature (française) ; d’un théâtre destiné avant tout à la représentation populaire à un théâtre littéraire soucieux de théorie… d’un théâtre essentiellement religieux qui illustre une vision chrétienne (les mystères) ou à qui le christianisme sert de référence à un nouveau théâtre qui va chercher ses sujets de tragédie dans l’Antiquité païenne, n’oppose plus le sacré et le profane,… en revient aux catégories du tragique et du comique ». (Charles Mazouer, La tragédie religieuse de la Renaissance et le mystère médiéval : l’attirance d’un contre-modèle, article Persée /2010/6/ PP 95-105)


Le théâtre de la Renaissance a apporté des nouveautés au monde théâtral :

  • Des formes nouvelles avec un retour aux modèles antiques de la tragédie et de la comédie;
  • Des sujets qui quittent le domaine religieux pour s’orienter vers la mythologie et les mœurs
  • Des troupes, composées d’hommes et de femmes, qui se professionnalisent ;
  • Des représentations en des lieux fixes et payant ;
  • Des auteurs dramatiques qui signent leurs œuvres, contrairement à l’époque médiévale dont on a retenue peu de noms.

Mais, en fait, il n’y a pas de rupture abrupte, les Jeux, les Mystères, les Farces resteront populaires et auront encore de beaux jours même au-delà de la première moitié du XVIème siècle. La Commedia delle’Arte, elle, va chercher ses racines dans la tradition populaire des fêtes et des carnavals. Mais c’est quand même  au XVIème siècle qu’apparaît le théâtre tel que nous le concevons et pratiquons de nos jours avec des nouveautés qui sont devenues au fil du temps des traditions.

   -En Angleterre, sous Élisabeth 1ère, la seconde moitié du XVIème siècle verra éclore une incomparable production théâtrale sous la plume des plus grands dramaturges de l’histoire du Théâtre Européen.

   -L’Italie apportera à cette histoire une de ses plus fortes singularité, la vivante Commedia dell’Arte et…Les Marionnettes.

   -L’Espagne verra naître le fondateur de son théâtre, le poète et musicien Juan del Encina.

   -Outre-rhin, la création théâtrale restera plus en retrait, et ce seront jusqu’à la fin de la Renaissance les troupes professionnelles venues d’Angleterre, d’Italie et de France qui assureront le spectacle.

   -En France, les premières représentations de tragédies et de comédies dites régulières (à l’imitation de l’Antique) ne seront pas données avant le milieu du XVIème siècle.


France

Introduction

Les Salles

Avant la fin du XVIème siècle, Paris possédait deux salles de théâtre auxquelles vient s’ajouter à la fin du siècle une troisième, l’Hôtel d’Argent.

L’Hôtel du Petit Bourbon

 L’Hôtel du Petit Bourbon était l’aile restante du Palais Bourbon qui était situé en avant de la façade ouest du Louvre (église St Germain l’Auxerrois) avant d’être détruit par ordre royal en 1525. Molière y représentera Les Précieuses Ridicules en 1659. Mais le théâtre étant fermé l’année suivante, en 1660, il ne pourra y avoir donné ses grandes pièces comme Tartuffe, l’École des Femmes, Le Bourgeois Gentilhomme Les Fourberies de Scapin etc.

 

L’Hôtel de Bourgogne

L’autre salle, plus grande, située entre la Seine et les actuels ‘Grand Boulevards’ (2ème arr.) était l’Hôtel de Bourgogne avec la célèbre Tour Jean Sans Peur. Comme son nom l’indique, c’était la résidence de Ducs de Bourgogne du XVème au XVIème siècles à commencer par Philippe le Hardi (†1404), frère du roi Charles V (†1380).

En 1548, François 1er vend les hôtels de Bourgogne, Artois, Flandres et Étampes. L’Hôtel de Bourgogne est transformée en salle de spectacle et la Confrérie de la Passion, créée par des commerçants, et des artisans de Paris au tout début du XVème siècle, avec aval du roi Charles VI (1380-1422) s’y installe. Elle s’est spécialisée dans la représentation du Mystère de la Passion (voir Tome 1-Moyen-âge/Théâtre). Elle sera dissoute en 1676.

Le lieu n’est pas assez grand pour donner à voir des Mystères. De plus, le Parlement, estimant que cette confrérie n’a pas la compétence pour jouer de tel spectacle sacré en interdit la manifestation. Elle va donc s’associer à une autre confrérie, les Enfants-Sans-Soucis qui, elle, jouait des farces (à cette époque la farce est intégrée aux Mystères), des Soties (plus irrévérencieuses que les farces) et autres Moralités. Les Enfants-Sans-Soucis et La Basoche (corporation d'étudiants et d’hommes de lois résidant au Palais royal de l'île de la Cité, actuel Palais de justice) continueront à représenter des farces et des soties et  la salle restera ainsi active en accueillant des troupes venues de l’extérieur et ne fermera ses portes que peu de temps avant la Révolution.


L’Hôtel d’Argent

 « Le 28 avril 1599, le Châtelet de Paris réaffirme la défense de jouer ailleurs qu’au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. Défense également aux bourgeois de louer leur maison à des comédiens. C’est alors qu’une troupe venue à Paris pour la foire Saint Germain voulut s’installer en ville. Menée par les frères Parfait, elle se serait installée dans un théâtre qu’elle aurait fait construire dans le Marais, dans une maison appelée « Hôtel d’Argent ». Pour pouvoir jouer, la troupe s’acquittait d’un écu tournois (environ 211€) pour chaque spectacle auprès des Confrères de la Passion, régisseurs de l’Hôtel de Bourgogne. Toutefois, difficile de vérifier la véracité de cette première histoire. En effet, peu d’écrits l’attestent. En outre, difficile d’imaginer que les Confrères de la Passion se seraient laissés faire comme cela et laisser développer une concurrence… Où se situait l’Hôtel d’Argent ? Là aussi, les sources divergent. En effet, certains expliquaient qu’il se situait rue de la Poterie près de la Grève, ancêtre du parvis de l’Hôtel de Ville actuel. D’autres le voyaient plutôt vers les rues de la Verrerie et de la Poterie ». (https://www.histoires-de-paris.fr/theatre-marais/. Sources : Rigal, Eugène (1856-1920). Esquisse d’une histoire des théâtres de Paris, de 1548 à 1635. 1887.)


Les Représentations

Un apport de la Renaissance au théâtre, mais l’on peut dire l’inverse, est le théâtre de cour, un théâtre savant. Si les Mystères ont disparu ou sont en voie de l’être et que farces et soties ont encore de beaux jours devant elles, la redécouverte et l’étude des dramaturges grecs et latins qui impliquent la connaissance de la langue et leurs traductions, d’abord en latin, ne pouvaient concerner en un premier temps que l’élite intellectuelle et leur représentations ne pouvaient avoir lieu qu’à la cour. Les premières tragédies représentées, qui sont des adaptations des œuvres grecques et latines, ne demandent pas un grand jeu scénique à l’acteur. Il tient de longs monologues statiques. Il devise sur de grandes questions philosophiques. Il déploie une belle et longue rhétorique sans besoin d’une dramaturgie savante.


A Lyon, en 1548, à l’initiative du poète humaniste Maurice Scène (1500-1564), est donnée devant le roi, à l’occasion de son entrée dans la Capitale des Gaules, la première représentation d’une comédie selon le modèle classique, dite pour cela comédie régulière, La Calandria. La pièce reçoit l’enthousiasme d’Henri II et de Catherine de Médicis. Elle avait été écrite en toscan par le cardinal toscan Bernardo Dovizi da Bibbiena (†1520) vers 1513. Elle présentait la particularité d’être la première pièce théâtrale prose et dite en la préface de l’auteur « moderna non antiqua ». Oui, si l’on considère son expression, non si l’on considère le thème, celui de l’androgynie et du travestissement, chers à Plaute (254-184), l’un des deux auteurs latins de comédies avec Terence (190-159) qui ont servi de modèle les auteur comiques du XVIème siècle. Un des personnages principaux de la pièce est Calendaro, Fulvia qui est la Calandaria est l’épouse de Calendaro.

Dans le dernier quart du siècle, des troupes itinérantes de comédiens professionnels commencent à donner des spectacles en province.


Parmi les auteurs qui marquent leur temps, il y a essentiellement Étienne Jodelle (1532-1573) qui avec sa pièce Cléopâtre Captive, donnée en 1552, remet au goût du jour la tragédie antique. D’autres auteurs mineurs produisent des tragédies dans la même veine historico-mythologique. Lazare de Baïf, diplomate humaniste, protecteur de Ronsard, de du Bellay et de son fils Antoine, traduit en 1540, Sophocle et Euripide (voir Poésie/Antoine de Baïf).


Les Genres

Farce, Sotie et Moralité

Dès le Xème siècle, afin de fidéliser les ouailles et maintenir leur attention, le clergé avait décidé d’introduire au sein de la messe, des chants dialogués dont les paroles ne seraient pas religieuses. Ces ajouts sont appelés des tropes[1]. Cyril Mérique les définit dans sa thèse sur L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du XVIème siècle comme « des textes brefs accompagnés de musique que l’on récitait lors des offices liturgiques et qui constituaient la base du drame liturgique médiéval». La Passion et La Nativité resteront les deux thèmes principaux qui donneront l’occasion d’introduire des tropes au sein des cérémonies religieuses. Les tropes les plus anciens liés au thème de la Nativité remontent au XIème siècle. (Voir Tome 1 Théâtre).

Quant au terme de farce (de farcir), il était « utilisé pour parler de gloses extra-canoniques[2], de paraphrases de textes  religieux, bref, de tout ‘’supplément au texte biblique qu'on mêlait dans certaines fêtes à la liturgie officielle’’[3] ».


Les origines de la farce en tant que genre dramatique sont donc difficiles à trouver. Elles peuvent relever d’un fonds oral populaire. Elle apparaît sous la forme de pièce ou jeu comique au XIIème siècle. La plus ancienne conservée est Le Garçon et l’Aveugle (vers 1270). La Farce du Cuvier ou Le Cuvier, anonyme, daterait du XVème siècle. Le ‘genre’ (le terme en tant que catégorie littéraire tel La Farce du Cuvier est inconnu à l’époque) se développe aux XVème et XVIème siècles sous une forme plus élaborée, écrit en vers et en un acte. La farce prend la dernière et meilleure place, comme clou du spectacle, sur les tréteaux des places et des rues, après la moralité ou la sotie.


Le sens qu’a pris pour nous aujourd’hui le terme de farce dit bien ce qu’en était le genre. C’est un mauvais tour jouer aux dépens de quelqu’un. Il ne demande aucune subtilité d’écriture ni de finesse d’intrigue. Il est très populaire. Il est moins irrévérencieux et plus formel, que la sotie qui est une bouffonnerie caustique qui se mêle de politique ; François 1er en fera d’ailleurs interdire les représentations. (https://www.larousse.fr/ encyclopedie / divers/histoire_du_théâtre/96 913)

La farce, nommée aussi esbatement, aura encore de beaux jours jusqu’à la fin du XVIIème siècle. Molière l’intégrera à ses comédies comme il s’inspirera de la Commedia Dell’arte. 


Pierre Gringore

Pierre Gringore (1475-1539), né en Normandie, mort en Lorraine, peut être considéré comme le dernier grand dramaturge médiéval. Il fit partie de la Confrérie des Enfants-Sans-Souci et par le second rang qu’il tenait dans sa hiérarchie avec le titre de Mère Sotte, il dirigeait les Mystères. Le premier rang, la première dignité, Prince des Sots, était acquise à Jean Delespine, un auteur de farce dont on ne sait quasiment rien de sa vie sinon à cause de ses satires jugées par trop caustiques.

Poète dans la mouvance des Grands Rhétoriqueurs (voir Poésie/ France), on doit à Gringore nombres poèmes moraux. Dans son poème Le Château Labour (1499), il évoque l’effondrement du pont de Notre-Dame survenu en 1499 : « Le vendredi de devant la Toussainctz | Vingt et cinquiesme octobre du matin | Mil CCCC nonante neuf rien moins | Le noble pont Nostre Dame print fin ».

Dramaturge, on lui doit farces, soties et moralités dont le Jeu du Prince des sots et de Mère Sotte de 1512, « un jeu théâtral comprenant cri, sottie, moralité et farce et en vers [4]» dans lequel il soutient Louis XII contre le pape Jules II.

On lui doit aussi des écrits pieux comme le Blason des Hérétiques (1524), les Heures de Nostre-Dame (1525), Les Chants Royaux, (1527], la Paraphrase des Sept Très-Précieux et Notables Psaumes (1541).


La Farce de Maître Pathelin

La Farce de Maître Pathelin est certainement la farce la plus connue de toutes celles du Moyen âge. Elle est datée des environs de 1460. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. Maître Pathelin, avocat, feint d’être malade quand le drapier vient en vain chez lui réclamer son dû pour la pièce de drap qu’il lui a acheté sur le marché. Dépité, le drapier s’en prend à son berger qu’il rencontre sur le chemin du retour. Et le berger d’aller aussitôt solliciter Maître Pathelin pour sa défense car le drapier l’accuse de voler ses moutons. Pendant le procès, le drapier en revient toujours à son affaire de drap avec l’avocat, et le juge sans cesse de répéter le fameux « revenons à nos moutons ». Le berger gagne le procès car sur les conseils de son avocat, il ne répond à toutes les questions que par ‘’bée, bée’’, ce qui le fait passer pour irresponsable. Mais pas fou pour autant car lorsque Maître Pathelin lui réclame ses honoraires, le berger ne trouve rien de mieux à lui répondre que… “bée, bée“.


Le Franc Archer de Bagnolet 

On ne connaît pas l’auteur de ce monologue comique qui comprend de nombreux jeux de scènes. Il a pu être écrit dans la même période que La Farce de Maître Pathelin, vers 1468. C’est une charge contre les francs-archers réputés lâches et indisciplinés et que le ‘bon peuple’ devait entretenir. Le franc-archer est un homme dispensé de payer la taille (impôt annuel créé en 1439 par Charles VII) en contrepartie d’un engagement temporaire dans l’armée royale selon les besoins militaires du moment, en quelque sorte un militaire de réserve. Crée en 1448 par Charles VII, ce corps sera supprimé par Louis XI en 1480 et rétabli par François 1er en 1521.

Le franc-archer Pernet, habite le petit village proche de Paris, Bagnolet, village toujours prétexte à des risées. Il se vante par mille faux exemples d’être un fier guerrier. Mais il est tourné en ridicule par le narrateur qui rétablit les faits dont il se vante comme par exemple quand il se met à genoux pour demander grâce à l’ennemi avant de s’apercevoir qu’il ne s’agit que d’un épouvantail tournant au vent.

Dans la même veine, Le Franc Archer de Cherré (Anjou), attribué à Maître Mitou, a été composé après 1521, date de la recréation de ce corps par François 1er.


La Satire Ménippée

 C’est une œuvre de circonstance, écrite en commun par plusieurs auteurs à l’occasion des états généraux réunis d’octobre 1588 à janvier 1589, à l’instigation du chef de la Ligue (catholique), le Duc de Guise, dans le but de faire élire un roi catholique à la place de Henri de Navarre et au cours desquels le duc fut assassiné[5]. Elle doit son nom à ce qu’elle fait référence à la satire du même nom écrite par un philosophe humaniste, stoïcien et chrétien contemporain, le néerlandais Juste Lispe dans laquelle il est question de Menippus, philosophe cynique phénicien du IIIème siècle. Cette Satire Ménippée était une charge contre ces états généraux et certains avancent que le grand retentissement qu’elle connut aida le roi de Navarre a devenir roi de France, quoiqu’il ne s’en convertit pas moins pour se rendre à la foi de ses adversaires.


Le titre complet en est La Vertu du Catholicon d'Espaigne et de la tenuë des estats de Paris ou La Satire Ménippée, le catholicon étant un breuvage censé absoudre de toutes les fautes à l’instar d’une panacée universelle guérisseuse de tous les maux. Cet élixir est vendu par deux aigrefins qui dressent sur une pancarte dans la cour du Louvre la liste de tous ses bienfaits, allusions directes aux membres de la Ligue qui sont dispensés de tous châtiments pour leurs méfaits par le seul fait d’être catholiques. Et les membres de la Ligue d’être ridiculisés par une parodie les montrant entrer en procession dans la salle où vont se tenir les états et ensuite moqués dans le discours loufoque que chacun d’eux sera prétendument tenir. Des descriptions aussi sont faites de la salle (tentures, tableaux), prétextes à nouveau à des moqueries.

Cette œuvre caustique est œuvre d’érudits. Elle fait référence à des auteurs antiques comme Pétrone, Apulée, Sénèque. Elle relève d’une démarche gallicane qui tend à détacher l’Église de l’autorité papale et à faire nommer cardinaux et évêques français par le roi. La démarche gallicane remonte au XIVème siècle et aux démêlés de Philippe le Bel et du pape Boniface VIII (attentat d’Anagni, 1303)


Le Théâtre Savant

Le théâtre dit savant des tragédies et comédies va bénéficier pour s’implanter des traductions par Érasme des tragédies en latin du Français Marc Antoine de Muret (1526-1585) et de l’Écossais George Buchanan (1506-1582)[6]. Les de Baïf (voir Poésie/France) participent à ce renouveau du théâtre antique, Lazare traduit en 1537 l’Électre de Sophocle et son fils Jean Antoine traduit, lui, L’Eunuque de Terence (Carthage1590-Rome 159) jouée en 1565 et Le Brave, adaptation du Soldat Fanfaron (Miles Gloriosus) de Plaute (Rome 255-184) qui est joué en 1567 devant la cour . Cette adaptation est parfois donnée comme la première représentation devant la cour d’un pièce de théâtre adaptée d’une pièce de l’Antiquité, mais sans doute en tant que directement traduite du latin (? Voir ci-après Tragédies et Comédies).


Aristote et les Trois Unités

« La Poétique d’Aristote, traduite pour la première fois

en 1571 n’est apparemment que très peu lue par les dramaturges du XVIe siècle, et aucun de ses concepts n’est utilisé par les théoriciens (notamment la catharsis et la mimesis[7], qui seront centraux à l’âge classique)… Seuls Jacques Grévin et Jean de La Taille y font vraiment référence, le premier très allusivement dans son Brief Discours pour l’intelligence de ce Théâtre ». (https://pawel-hladki.com/fr/le-theatre-de-la-renaissance)

« Pourtant, au fils des années, l’autorité d’Aristote devient de plus en plus importante… » (Voir ci-après Tragédies et Comédies),

 « Il est bien clair que, comme dans la tragédie, les histoires (muthoi) doivent être construites en forme de drame, et être centrées sur une action (praxis) qui forme un tout et va jusqu’à son terme, avec un commencement, un milieu et une fin pour que, semblables à un être vivant un et qui forme un tout, elles produisent le plaisir qui leur est propre. » (Poétique Aristote)

Aristote a fondé dans sa Poétique les règles de la tragédie à partir des grandes tragédies grecques de Sophocle, Euripide, et d’Eschyle. Il n’y est nullement question de l’unité de lieu. Il n’y ait pas question non plus d’unité de temps. Aristote est soucieux en fait d’une action qui se déroule ‘raisonnablement’ dans le temps, ni trop longue ni trop courte, « d’une certaine étendue, mais que le regard puisse embrasser aisémen…les histoires doivent avoir une certaine longueur, mais que la mémoire puisse retenir aisément ». (La Poétique chapitres 7,8 et 23).


Les Formes

Malgré les modèles des héros et les thèmes empruntés aux Anciens, les tragédies et les comédies n’ont pas à leur début vraiment de forme définie,

« pourtant, au fils des années, l’autorité d’Aristote devient de plus en plus importante. La structure de base d [de la tragédie] est la même que celle de la comédie : cinq actes, précédés ou non d’un prologue et séparés par des interventions (qui peuvent être chantées) du chœur à l’antique ; respect des unités de lieux et de temps[8], décor fixe construit selon les principes de [l’architecte] Serlio [voir Vol.1), (dans certains cas , les ‘machines’ du théâtre de cour vont permettre les métamorphoses appréciées par la dramaturgie baroque). Les personnages historiques doivent être de condition élevée et s’expriment en style ‘sublime. Il est souhaitable que le dénouement (la catastrophe) soit malheureux ; sinon la tragédie prend cette forme impure qu’est la tragi-comédie[9] ».


En 1561, paraît en latin Poetices libri septem de Jules-César Scaliger (1484-1558), d’origine italienne, « condottiere de l'épée avant de devenir « gladiateur des lettres » (Désiré Nisard, professeur au Collège de France †1888), immense érudit, essayiste et critique, adversaire résolu d’Érasme et défenseur des cicéroniens. Cet ouvrage qui aura un retentissement considérable tout au long du siècle classique « comprend deux parties, l'une descriptive sinon dogmatique, placée sous l'invocation d'Aristote, l'autre critique, placée sous le patronage de Virgile. Il s'en dégage tout un corps de doctrine qui rassemble beaucoup des points essentiels de ce qui sera l'esthétique classique » (Encyclopédie Universalis). Y sont reprises les règles d’unité de temps, de lieu et d’action que l’on considère être du Stagirite qui pourtant dans sa Poétique n’évoque que l’unité d’action.


Vauquelin de La Fresnay  reviendra sur ces règles et Jean de La Taille transposera ces unités à la représentation elle-même. Au XVIIème siècle, viendront s’ajouter la règle du sérieux et celle de la vraisemblance. L’alexandrin introduit par Jodelle dans sa Cléopâtre deviendra de rigueur. Quant à l’action, elle sera sujet à controverse. Corneille, par exemple, fera commencer l’action au début de ses tragédies, avec Racine la pièce commence en cours de l’action. Autre différence à noter au passage entre Corneille et Racine leur approche de l’humain. On a dit que Corneille peignait les hommes comme ils étaient, tandis que Racine les peignait tels qu’ils devraient être.


La Tragédie

Dans un mouvement qui définit la Renaissance comme un retour aux modèles antiques, le théâtre va lentement abandonner ses formes médiévales au profit des formes héritées de l’Antiquité, la tragédie et la comédie. En France, il faudra quand même attendre pour cela que vers le milieu du XVIème siècle pour apparaissent le théâtre dit savant avec d’abord des traductions des dramaturges antiques. Chez les Grecs pour la tragédie : Sophocle, Euripide ; chez les Latins pour la comédie: Terence et Plaute, mais aussi Sénèque pour la tragédie. Puis, viendront les représentations de tragédies et de comédies dites régulières ou encore humanistes (imitées de l’Antiquité) qui reprendront les thèmes de leurs aînées en leur donnant un accent de modernité dans l’expression en langue vernaculaire. Des auteurs comme le Français A. Muret et l’Écossais G. Buchanan écrivent en latin mais sont traduits. Les tragédies, qui empruntent ses héros à l’Antiquité, nous paraitraient fastidieuses de nos jours avec leur longues monologues, de longues méditations philosophiques, rhétoriques mais non lyrique, à l’action inexistante. Elles ne concernent qu’une élite (d’intellectuels) menées par du Bellay et La Pléiade. Par ailleurs, la cour préfère la pastorale ou la tragi-comédie à fin heureuse, tandis que farces, soties et autres moralités continuent de ravir un public populaire.


L’année 1548 marque un tournant dans l’histoire du théâtre français. D’abord parce que le Mystère, outre la difficulté qu’il y a à le contenir dans une salle, fut-elle grande, est interdit de représentation par le Parlement de Paris au motif que les confréries n’ont pas vocation à jouer du théâtre sacré[10]. Ensuite parce que cette même année est donné devant Henri II et Catherine de Médicis à Lyon, à l’initiative de Maurice Scève, la première comédie dite comédie régulière , La Calandria de Bernardo Dovizi da Bibbiena écrite vers 1513. La Cléopâtre Captive d’Étienne Jodelle est datée, elle, de 1553. En1554, toujours dans la continuité d’un attrait pour les formes classiques, aura lieu, devant la Cour, à Blois, la représentation de la Sofonisba du Trissin, imitée de la tragédie antique, à partir de la traduction en prose de Mellin de Saint Gelais, ; tragédie qui est la deuxième tragédie représentée en France (Encyclopédie Universalis. Mellin de Saint Gelais). Ronsard aura traduit, lui, le Plutus d’Aristophane.

Le Brave, du Soldat Fanfaron (Miles Gloriosus) de Plaute (Rome 255-184), jouée en 1567 devant la cour, est la première pièce classique de l’Antiquité directement traduite, adaptée (par Antoine de Baïf) et représentée.

Outre les tragédies notamment d’Étienne de Jodelle seront représentées des comédies comme Eugène du même et donnée la même année 1553 que sa Cléopâtre,  ou encore Les Esprits, comédie de Pierre de Larivey. La Suisse avec le réformateur Théodore de Bèze (voir Vol.1/Réforme/Suisse) les ayant quelque peu devancé. En effet, représentée en 1550 à Lausanne, Abhraham Sacrifiant est la première tragédie à ne pas s’inspirer d’un sujet antique mais d’un sujet biblique.


La Comédie

La comédie est issue des farces et spectacles populaires donnés à l’occasion des fêtes bien sûr religieuses à l’instar de la confrérie d’étudiants et juristes, La Basoche, qui amusait les foules au Mardi-Gras de potins et autres cancans plus ou moins salaces. Leurs improvisations n’allaient pas sans une critique parfois acerbe du clergé, du pouvoir royal et de tout ce qui était à l’avenant.

De la fin du Moyen-âge et jusqu’en partie du XVIème siècle, la comédie écrite l’était en vers, mais rapidement de par (la nécessité de) l’improvisation, elle sera écrite en prose. Les comédies venues d’Italie servent alors de modèles comme canevas des intrigues mais aussi pour ses personnages dont plus d’un venaient de la Commedia dell’arte.


La Commedia en France

En 1577, Catherine de Médicis, sous le règne de son fils Henri III, fait venir d’Italie, la troupe des Gelosi, Les Jaloux, (jaloux  « d’atteindre la vertu, la gloire, et l’honneur » selon leur devise). Troupe qui rencontre un très grand succès. Le Parlement estimant que leur spectacle de Commedia dell’arte donnent à voir et à entendre trop de choses obscènes et paillardes en interdit aussi la représentation. Pour bref que fut leur passage, il n’en a pas moins pour autant marqué de manière irréversible le théâtre français. Cette troupe dans laquelle les femmes sont admises comme comédiennes au même titre que les hommes (Isabella, Colombine) fut active de 1569 à 1604. Elle a également marqué de son empreinte tous les pays d’Europe où elle a donné des spectacles de la Commedia dell’arte (voir plus amplement Tome 1/ Théâtre). 


Les Dramaturges

Les Auteurs et leurs Représentations 

Collectif, Langues et Littérature/ Anthologie/XVIème siècle/Théâtre, Éditions Nathan 1992 :

  • Marg. de Navarre : La Comédie de Mont-de-Marsan 1548
  • Théo. de Bèze :    Abraham Sacrifiant Tragédie/Mystère 1550
  • Étienne Jodelle : Cléopâtre Captive tragédie  et Eugène  1553
  • Jean de La Taille : Saül le Furieux tragédie 1572,  La Famine ou les Cabéonites tragédie 1574
  • Robert Garnier :  Tragédies : Porcie tragédie 1569, Hyppolite 1573,   Cornélie tragédie 1574

                                           Marc-Antoine 1587, Les Juives 1583, Antigone1580, Les Juives 1583,  Bradamante tragi-comédie 1582

  • Pierre Larivey : Recueil de comédies :  Le Laquais, La Veuve, Les Jaloux, Le Morfondu, Les Écoliers. La Constance, Le Fidèle, Les Tromperies
  • Odet de Turnèbe : Les Contents comédie 1596
  •   Antoine de Montchrétien : Quatre tragédies : 1601 : David,  Aman, Les Lacènes, L’Écossais ; 1604 : Hector.


Étienne Jodelle

Étienne Jodelle (1532-1573), né et mort à Paris, est issu de la bourgeoisie aisée. Il tient néanmoins à se savoir noble et se donne le titre de Sieur du Lymodin[11]. Orphelin très tôt de père, son oncle sera la figure paternelle et possédant une bibliothèque volumineuse, lui permettra de s’ouvrir aux lettres. Jeune homme, il se lie d’amitié avec deux poètes de La Pléiade Rémy Belleau (†1577) et Antoine de Baïf (†1589) Il fréquente quelque temps le cénacle du richissime mécène, conseiller au Parement de Paris, Jean II Brion qui meurt en 1555.


En 1553, sont jouées Cléopâtre Captive - pour certains à l'Hôtel de Reims (vers la fin de 1552 ou au début de 1553), pour d’autres au Collège de Boncourt- et Eugène, deux pièces considérées comme respectivement les premières tragédie et comédie françaises. Tragédie et comédie humanistes (régulières, imitées de l‘Antique), présentées devant Henri II, elles font un triomphe. Ces deux événements qui marquent le retour en France du théâtre à l’antique sont célébrés avec ses amis de La Pléiade à Arcueil ( pour ses célèbres aqueducs antiques ?) par une cérémonie bien évidemment sur le modèle des cérémonies antiques avec toges, lierre et déclamations ; célébration à laquelle ils donnent le nom de ‘Pompe du Bouc’ ; le terme ‘bouc’ serait à l’origine de celui de ‘tragédie’ et un bouc aurait été sacrifié. Et si la rumeur courut qu’ils avaient égorgé un bouc, devant les fulminations des protestants qui trouvèrent l’occasion de s’en prendre aux humanistes en les traitant d’impies, ceux-ci s’en pressèrent de démentir la rumeur.


Protégé désormais de Marguerite de France, fille de François 1er [12] .  Mais  « en 1555, son ami Jean Antoine de Baïf déplore que Jodelle « n’ait pas – n’ait plus – de protecteur». De fait, ne possédant pas la fortune de ses amis, il tire les jours au mieux des circonstances en écrivant des poèmes « Les Muses , Le Tombeau…», une longue ode «Etienne Jodelle Parisien au peuple françois », une épître « A La très illustre Princesse Marguerite de France », une chanson « Chanson pour répondre à celle de Ronsard : Quand j’étois libre ». (S. Randon réf. citée)


Après un échec retentissant de son organisation de la mascarade (défilé de personnes déguisées et masquées) en l’honneur d’Henri II, vainqueur à Calais, , et bien qu’il a écrit contre les protestants, notamment des sonnets Contre les Ministres de la Nouvelle Opinion, malgré des pièces de circonstances, après sa disgrâce il ne retrouvera pas les grâces de la cour. Abandonné par ses anciens amis, sans doute par trop de prétention, ne dédaignant pas publier ses œuvres, il meurt à 44 ans, oublié de tous, dans la misère, grevé de dettes, harcelé par les créanciers. C’est Charles de La Mothe qui les éditera en 1574 sous le titre Les Œuvres et meslanges poétiques d'Estienne Jodelle, sieur du Lymodin.. Le poète huguenot Agrippa d’Aubigné ((152-1630) lui écrira un éloge funèbre. Mais c’est Ronsard qui lui assurera la postérité : « En août 1553, en publiant une édition de ses odes, Ronsard reconnaît officiellement la « priorité » de Jodelle dans l’œuvre de restauration du théâtre classique en France ». (S. Randon, réf. citée).


Robert Garnier

Robert Garnier (1545-1590), né dans la Sarthe (Pays de Loire), est issu de la bourgeoisie aisée du Mans. Il commence des études de droit à Toulouse à 18 ans. Il obtient deux prix du Consistori del Gay Saber, académie poétique la plus ancienne de France et sans doute au monde. La Sobregaya Companhia Dels VII Trobadors de Tolosa (la Compagnie très gaie des sept troubadours de Toulouse) crée en 1323 par sept troubadours Toulousains deviendra sous Louis XIV, l’Acadèmia dels Jòcs Florals (l’Académie des Jeux Floraux).

Catholique, proche de la ligue, homme de loi, il est avocat au Parlement de Paris en 1567 pour deux ans. Il rencontre les poètes de La Pléiade. Mais il s’est déjà orienté vers le théâtre (Porcie 1568). Il est conseiller au Présidial (à peu près Tribunal d’Instance) du Mans  et lieutenant criminel du Maine (Lagarde et Michard/ XVIème siècle). « En 1586, il regagne Paris où il est nommé membre du Grand Conseil du Royaume (le 12 octobre 1587), chambre réunissant les plus grands fonctionnaires de l'État[13].» Désappointé par l’intolérance de La Ligue Catholique et par la faiblesse d’Henri III, lui si favorable a un pouvoir royal fort, affligé par la mort de sa femme en 1588, il meurt deux ans plus tard à 45 ans.


Pour ses premières tragédies : Porcie (1568), Hippolyte (1573), Cornélie (1574) et Marc-Antoine (1578), il s’inspire du dramaturge et moraliste Sénèque (4-65). Pour La Troade (1579)  et Antigone (1580), il prendra exemple sur le théâtre grec. Pour sa dernière tragédie, Les Juive (1583), son œuvre maitresse, il s’inspire de l’histoire du peuple hébreux et annonce les tragédies bibliques de Racine, Esther et Athalie.

« Robert Garnier reste attaché à une conception rhétorique de la tragédie. A la différence de Jean de La Taille, par exemple, il conserve le monologue initial du personnage principal et préfère à l’action de long discours ou les récits. » (Collec. Langues et Littérature Op. Cit.)

Mais,  « [Son] lyrisme, s’il est parfois un peu monotone, ne manque ni de charme ni de spontanéité. L’auteur fait effort de varier le rythme et le mouvements des chœurs, il sait évoquer une atmosphère ». (Lagarde et Michard XVIème siècle, Édit.Bordas)


C’est chez Sénèque qu’il appris son sens de l’éloquence mais c’est grâce à son métier d’avocat qu’il a pu le parfaire. Il a le sens de la maxime, souvent morale, et ses personnages se plaisent aux joutes oratoires. Au fils de ses pièces à l’antique, grecques ou latines, son écriture va tant soit peu suivre l’évolution d’un théâtre plus moderne dans lequel l’action tend à prévaloir sur le discours.

Garnier aura aussi apporter au théâtre le genre de la tragi-comédie, la tragédie à fin heureuse qui connaitra auprès du public un véritable engouement à partir de son Bramante (1582), inspirée du Orlando Furioso de l’Arioste (voir Poésie/ Italie). Il est aussi l’auteur de sonnets (perdus) et d’un Hymne à la Monarchie.

Malgré le succès qu’a pu connaître les représentations d' Étienne Jodelle, c’est Robert Garnier le dramaturge du théâtre français de la Renaissance. Il aura eu une influence certaine sur le Théâtre Élisabéthain. Antonius de Mary Sidney Herbert et Cornelia de Thomas Kyd seront des adaptations des tragédies du dramaturge français[14].

« Les tragédies de Garnier sont hantées par des questions majeures, politiques : la meilleure forme de gouvernement : Porcie, Cornélie ; la conciliation de l'ordre et de la justice : Antigone ; les droits des rois et la valeur de la raison d'État : Marc-Antoine ; métaphysiques : l'existence du mal, le règne de l'injustice, la croyance en un Dieu juste : la Troade, les Juives. » (Encyclopédie Larousse)

Exemple de thème de ses tragédies :

« La Troade de Robert Garnier (1579) met en scène les malheurs du peuple troyen, après la prise de Troie. L'auteur emprunte à Euripide et à Sénèque, mais amplifie le pathétique et le tragique, pose la question de la Providence et lance un appel voilé à la reconstruction de la France à travers le destin ambigu d'Astyanax, qui renvoie aux origines troyennes légendaires de la Gaule. L'intérêt dramatique réside dans l'accumulation des infortunes ». (R. Garnier, Théâtre Complet, Classique Garnier 2018).


Jean de La Taille

Jean de la Taille de Bondaroy (ca. 1535-1611/16) est natif du Loiret (Val de Loire). Gentilhomme de formation militaire, mais aussi humaniste –il eut pour professeur Marc-Antoine Muret [15]- il participe aux Guerres de Religions dans le camp d’Henri de Navarre. Retiré sur ses terres, il se marie en 1575. Il a trois enfants. Détracteur des abus des puissances, royale et catholique, contre lesquels il écrit entre autres Remontrance pour le roi à tous ses sujets qui ont pris les armes contre Sa Majesté dans laquelle il dénonce l’absurdité de la guerre civile et fait appel à la réconciliation des parties. Ce poème le fait connaître . Dans une œuvre poétique abondante viendra s’ajouter le poème, Le Prince Nécessaire, dédié à Henri de Navarre (futur Henri IV) et des élégies, des chansons, des sonnets d’amour et des épitaphes qui seront réunis en 1878.

Dramaturge, sa comédie, Le Corrivaus, représentée en 1560, est la première pièce régulière française écrite en prose. Dans son Brief Discours pour l’Intelligence de ce Théâtre, il écrit au sujet de la comédie : « J’estime avec Aristote avoir inventé [comédie] du même temps que la tragédie voulant par là hisser le genre à la hauteur du tragique ».

« On a souvent prêté à Jean de la Taille l'établissement des règles des "3 unités" du théâtre classique français, à cause de la mésinterprétation d'une phrase de L'Art de la Tragédie : « il faut tousjours representer l'histoire ou le jeu en un mesme jour, en un mesme temps, et en un mesme lieu ». Cette indication porte en fait sur la représentation de la pièce et non sur son contenu, et vise à distinguer la tragédie du Mystère représenté en plusieurs séquences dans des lieux différents, et à grand renfort de dispositifs spectaculaires. »(Wikipédia/J.La Taille).


Jacques Grévin

Jacques Grévin (1538-1570), poète et médecin –il fut le médecin de la fille de François 1er, Marguerite de France-Valois (†1574) – s’adonna d’abord aux formes traditionnelles médiévales, la sotie et la farce qui lui étaient naturelles pour se tourner ensuite vers la tragédie dans les pas de Jodelle. En 1561, est représentée César imitée de la pièce du même nom mais en latin Ulius Cæsar du professeur de latin et humaniste Marc Antoine (de) Muret (1526-1585) qui eut pour élèves outre Montaigne (voir Essais), comme poètes, le poète normand campagnard et pastoral Jean Vauquelin de La Fresnaye (1607), Rémy Belleau (†1577) et Jean de La Taille (†1611/16) , tous deux membres de la Pléiade et comme dramaturges le même Jean de La Taille et Étienne Jodelle.


Pierre Larivey

 Pierre Larivey (1541?-1619 ?), né à Troyes, est d’origine florentine par son père Pietro Giunti, fils, petit-fils, arrière-petits fils d’imprimeurs qui, au XVIème, tint à Venise, une des plus importantes imprimeries et dont certains membres s’installèrent à Lyon- ville connue à l’époque pour la qualité de travail de ses imprimeurs qui rivalisent alors avec Venise, Amsterdam, Bâle ou en d’autres villes de France et d’Espagne.[16]

Il fait son droit à Paris où il fréquente les cercles littéraires que fréquentent également les latinistes avocats ou membre du Parlement. Il commence sa carrière comme traducteur avec Les Nuits facétieuses, Le piacevoli notti, un recueil d'histoires publié à Venise en deux tomes en 1550 et 1553 par un mystérieux Giovanni Francesco Strapola, autrement dit Jean-François le Jacteur. On peut supposer que Larivey a pris connaissance des ces publications par ses relations avec sa famille de Venise…Sa traduction paraît à Paris en 1576.


Après une première mission en Pologne, il y retourne dans la suite du futur Henri III, roi de Pologne de 1573 à 1575. En 1585, il reçoit le bénéfice de la chapelle Saint Léonard ( ?) ; puis il retourne dans sa ville natale où il est chanoine de l’église Saint Étienne.

Sa source d’inspiration n’est plus le théâtre antique mais le théâtre italien dont il adapte les comédies. « Il s'inspire de très près des Italiens, transposant en français les situations et les personnages (le valet malin, le vieillard avare et amoureux, l'entremetteuse, le fanfaron, le pédant [dont certaines sources le disent rajouté par lui dans Le Laquais de Ludovico Dolce],...) que la comédie italienne avait empruntés à Plaute et à Térence ». (Encyclopédie Universalis)

Si certaines source le donnent sans grande originalité,

« pourtant, il se trouve, par le biais de ses modèles un peu de la verve de Plaute, de la finesse de Terence, et son style est personnel, agréable et vivant. Sa comédie la plus connue, Les Esprits dont Albert Camus a fait une adaptation, semble bien avoir fourni à Molière certains traits de l’Écoles des maris et surtout dans l’Avare, Harpagon se lamentant sur sa cassette .


Il aura publié six comédies à Paris en 1579 et trois autres à Troyes en 1611, toutes inspirées d’auteurs italiens, Ludovico Dolce  pour Le Laquais, Lorenzino des Médicis pour Les Esprits, Luigi Pasqualigo…Larivey aurait aussi emprunté à la commedia dell'arte d'authentiques figures d'arlequins et de ruffians qu’il se serait contenté de débaptiser. En 1604 paraît sa traduction Les trois livres de l'Humanité de Jésus-Christ de L’Arétin. Jean de Vauzelles (ca. 1495-1563), humaniste catholique, prieur de Monttrottier à Lyon, maître des requêtes de Marguerite de Navarre et d'aumônier de François Ier, en avait fait une première traduction en 1539[17] dédiée à la sœur du roi.

S’il est reconnu que la première comédie française est L’Eugène d’Étienne Jodelle représentée en 1553, l’on considère Larivey comme le créateur de la comédie française.


Farceurs et Bateleurs

A côté des tragédies et des comédies du théâtre savant qui a pour public une élite intellectuelle, à côté des pastorales et tragi-comédies représentées à la cour, Paris avec ses ponts offre sa grande scène aux tréteaux des farceurs et des bateleurs « qui divertissent sur la place publique par leurs tours d’adresse et leurs bouffonneries et invitent la foule à assister aux farces et soties jouées dans les théâtres, et particulièrement à Paris dans les Théâtres de La Foire qui se tenaient lors des très anciennes foires de St Germain et Saint Laurent ». Foires qui trouvent leurs origines au XIIIème siècle et XIVème siècles, et dont au XVIIIème, Rameau, qui n’a jamais été joué par l’Opéra de Paris[18], en sera un des plus fidèles participants (voir Âge Classique/ Musique/Rameau). Ses bateleurs interprètent des personnages truculents dans les ‘Parades’, ces spectacles joués sur des tréteaux devant le théâtre forain pour attirer la foule.


Gros-Guillaume

Robert Guérin, (dit La Fleur 1554-1634) joua le rôle de Paillasse, le Pagliaccio de la Commedia dell’arte, reconnaissable à ses gros boutons sur sa tunique, « benêt ridicule et grotesque dont la maladresse excessive excite toujours les rires de l’auditoire, et qui reçoit sans cesse de ses compères force horions et coups de pied indiscret » (Wikipédia). Il était souvent invité par Henri IV à venir jouer au Louvre.

En 1598, il faisait partie de la troupe des Enfants-sans-Soucis Puis il alla jouer à l’Hôtel d’Argent avant de rentrer à l’Hôtel de Bourgogne en 1610. (voir Théâtre/Introduction).


Turlupin

Après s’être formé en province, Henry Legrand (1587 ?-1637) joue vers 1615 le personnage d’un turlupin dont il a tiré son surnom. D’abord sur les tréteaux des Halles et du Pont-Neuf, puis à l’Hôtel de Bourgogne où son nom reste associé à ceux de ses camarades Gaultier Garguille et Gros-Guillaume pour les comédies et à celui de Belleville pour les pièces sérieuses.   

« Le nom de Turlupin était déjà courant à cette époque : il désignait à l'origine un personnage souffreteux, que Henri Legrand a transformé en lui ajoutant un caractère fourbe, qui dénote des influences de la comédie italienne. D'autre part, une gravure de Mariette, représentant les trois farceurs de l'hôtel de Bourgogne, nous montre que Turlupin portait un masque voisin de celui de Brighella et un costume hérité du second Zani (le Zani fourbe) [*]. Le personnage créé par Henri Legrand est le plus « italien » des personnages du trio : stupide en apparence, il est fourbe, galant, il aime la bonne chère. C'est l'ancêtre direct du Mascarille [L’Étourdi, Lyon 1655] et du Scapin [Les Fourberies, 1671 Palais royal)] de Molière. » (Encyclopedia Universalis) [* Il portait un chapeau à larges bords, un mantelet, un pantalon rayé, un masque avec moustache et barbe hirsutes et au flanc un sabre de bois.]

Le turlupin désigne aussi un mauvais plaisant, quelqu’un qui fait des blagues de mauvais goût, des turlupinades. Turlupin eut avoir aussi le sens de mauvais comédien et turlupinades de saynètes où se succèdent coq-à-l'âne, calembours et plaisanteries. 

Les turlupins étaient « les membres d'une secte qui se répandit au XIVes. en France, en Allemagne et dans les Pays-Bas et qui soutenait qu'on ne doit avoir honte de rien de ce qui est naturel. » (d'apr. Littré)

Legrand avait la réputation d’être gentil, d’agréable conversation.


Gaultier-Garguille

Hugues Guéru (1582-1633), né en Normandie fut surnommé « Fléchelles » (dans les pièces sérieuses), « Gaultier-Garguillo » à Rouen et « Gaultier-Garguille » ou « Gaultier-Garguif » Paris dans les farces. A la fois comédien, poète et chansonnier grivois, il est l’auteur de farces, de facéties (plaisanteries plutôt lourdes accompagnées de beaucoup de gestes et autant de paroles) et de chansons. Il a épousé la belle-fille de Tabarin.

Après avoir joué dans les foires (St Germain, St Laurent), il se spécialisa dans le rôle d’un vieillard qu’il jouait à l’Hôtel d’Argent dès 1598 (et non au Théâtre du Marais ouvert en 1634). Il chantait à la fin de son spectacle des chansons grivoises qui firent sa renommée. En 1619, il entre à l’Hôtel de Bourgogne, mais lui et son ami Turlupin en seront chassés par un autre spectacle quelques années plus tard. Ils iront jouer à l’Hôtel d’Argent dans le Marais.

« Maigre, avec de longues jambes fines et un gros visage, il jouait avec un masque à longue barbe pointue. Il portait une calotte noire et plate, des escarpins noirs et des manches de frise rouges, un pourpoint et des chausses de frise noire. Comédien de prédilection de Richelieu et Louis XIII, il fut surnommé ‘la merveille des comédiens de France’ ». (https://tombes-sepultures.com/crbst_312.html

« Associé à Gros-Guillaume et à Turlupin, il interpréta à l'Hôtel de Bourgogne des farces de son invention. Il a joué également la comédie et la tragédie sous le nom de Fléchelle.» (Encyclopédie Larousse)

« Attaché à l’Hôtel de Bourgogne, il excellait à contrefaire les Gascons et les vieillards dupés : son jeu était d'une bouffonnerie et d'un naturel achevés ». (Cosmosvision) 


Tabarin

Antoine Girard (1584-1626 dit Tabarin) doit son nom au manteau noué à hauteur des coudes qu’il portait, le ‘tabar’ l’ancien surcot (sur côtes de mailles) avec armoiries que les chevaliers enfilaient sur l’armure. Il haranguait les passants sur le Pont-Neuf ou Place Dauphine à Paris pour leur vendre potions et élixirs. Avec son frère Mondor qui jouait le rôle du maître, ils discutaillaient sur tous les sujets du moment ou sur de grands sujets philosophiques du genre … Pourquoi les chiens lèvent la jambe en pissant ?

L’inventaire universel des œuvres de Tabarin, contenant ses fantaisies, dialogues, paradoxes, farces paraît en 1622.


Outre – Manche

Les Genres

Les Mystères

« La Réforme anglaise acheva le déclin du théâtre religieux. Le manuscrit de Towneley porte des traces de la censure protestante. En 1542, Edmund Bonner, évêque de Londres, mit un terme à la représentation des Mystères dans la ville. Mais l'influence de ce théâtre se fait encore sentir dans le théâtre anglais jusqu'à l'époque élisabéthaine » (https://fr.wikipedia.org/ wiki/Mystère _(théâtre)# En_Angleterre) 

« The Wakefield ou Towneley Mystery Plays sont une série de trente-deux pièces mystères basées sur la Bible, très probablement jouées autour de la fête de Corpus Christi, probablement dans la ville de Wakefield, en Angleterre, à la fin du Moyen Âge jusqu'en 1576. C'est l'une des quatre seules survivance des cycles des mystères anglais. Certains chercheurs affirment que le cycle de Wakefield n'est pas du tout un cycle, mais une compilation du milieu du XVIe siècle, formée par un scribe réunissant trois groupes distincts de pièces de théâtre. Le manuscrit unique, maintenant conservé à la Huntington Library, à Saint-Marin, en Californie, date du milieu du XVe siècle [?]. La famille Towneley, qui a prêté son nom au manuscrit, l'a vendu aux enchères en 18143 » (https://fr.qaz.wiki/wiki/Wakefield_Mystery_Plays)


Le Mummers

« La coutume du déguisement de Noël en Grande-Bretagne qu’on appelle « mumming, » ou « disguising » [déguisement] remonte à des pratiques de la cour anglaise du temps du règne d’Édouard III [†1377]. Elle dérive de toute évidence de coutumes folkloriques plus anciennes où l’on voyait des groupes de personnages vêtus de têtes et de peaux de bêtes se rendant de maison en maison pour porter chance. En Angleterre, un vestige de cette coutume subsiste dans les groupes de ‘’guisers ‘’ [A person in disguise; a masker; a mummer.] ou ‘’geese-dancers’’ [en Cornouialles] qui s’arroge le droit à certaines périodes de l’année d’entrer dans les maisons.
  C’est aux XVIe et au début du XVIIe siècles que les fêtes masquées anglaises atteignent leur plus grands développement. Les costumes animaliers initiaux ont alors été remplacés par des vêtements splendides et compliqués et la fête a intégré dans son déroulement des représentations théâtrales   l’idée fondamentale a été ensuite généralement recouverte d’attributs splendides, les robes et les arrangements étaient souvent extrêmement complexe, et l’introduction de la parole a fait de ces « déguisements » dialogués des représentations théâtrales régulières ». (Origines historiques et folkloriques des Mummers’ plays, https://enkidoublog.com/tag/ mummers-plays/)

« Les origines exactes du mot “mummer’ [un terme sans équivalent en français, désignant des mimes dans le théâtre anglais] se sont perdues, mais elles avaient probablement trait aux masques et au fait de se déguiser. En Angleterre, durant des siècles, les mummers se grimaient pour jouer des pièces au moment de Noël… Leurs troupes se rendaient parfois de maison en maison afin de récolter des fonds pour leurs célébrations…Dans sa forme traditionnelle, le “mummering” (aussi appelé “jennying” ou “janneying”) consiste à se rendre déguisé chez ses voisins, sans y avoir été invité » ? (Cité par https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/folklore-letrange-carnaval-des-mummers-de-terre-neuve)


Le Mask

« À la fin du Moyen Âge tardif, des comédiens professionnels ont commencé à apparaître en Angleterre et en Europe. Richard III [†1485] et Henry VII [†1509] entretenaient tous deux de petites compagnies d'acteurs professionnels. Leurs pièces étaient jouées dans la grande salle d'une résidence noble, souvent avec une plate-forme surélevée à une extrémité pour le public et un «écran» à l'autre pour les acteurs. Les pièces de théâtre de Mummers  jouées pendant la saison de Noël, et les masques de cour étaient également importants. Ces masques étaient particulièrement populaires sous le règne d' Henri VIII qui fit construire une Maison des Fêtes et un Office des Fêtes établi en 1545. (Histoire du théâtre - https://fr.qaz.wiki/wiki/History_of_theatre#High_and_late_Medieval_theatre,_1050-1500).


Le mask tint effectivement une place importante dans le divertissement de la cour des Tudor. Il avait pris d’autre forme comme en Italie, l’Intermezzo, en France, le Ballet de Cour (voir Musique/Formes Musicales). C’est un spectacle total qui tient plus de la danse et de la parade que du jeu d’acteurs. Le public qui y assiste y participe. « Très probablement originaires de rites religieux primitifs et de cérémonies folkloriques connues sous le nom de masques, de déguisement ou de momie, [les maks] ont évolué en spectacles de cour élaborés… Dans l'Italie de la Renaissance, l'intermezzo est devenu connu pour son accent mis sur le chant, la danse, les paysages et la machinerie de la scène…les intermezzi comprenaient invariablement une danse ou un bal masqué. Au cours du XVIe siècle, le masque continental européen arriva dans l’Angleterre des Tudor… Des costumes magnifiques, des paysages spectaculaires avec des machines sophistiquées pour le déplacer sur et en dehors de la scène, et un vers riche en allégorique marquaient le masque anglais… Sous les Stuarts, le masque atteignit son zénith lorsque Ben Jonson devint poète de la cour. (Encyclopedia Britannica) (Voir Musique/ Angleterre/Mask).


« En Angleterre, dès le XIVe siècle, la faveur du public va au théâtre profane. Le théâtre religieux s’efface : le public aime les histoires de la vieille Angleterre et les moralités. Les textes, décors et costumes ne sont plus alors la propriété des ecclésiastiques, mais des Guildes, les corporations. On construit des ‘mansions’ [petites scènes] roulantes’, appelées pageants [non car pageant est un spectacle historique joué sur les mansions] pour faciliter les déplacements des troupes (un monopole comme celui des Confrères de la Passion à Paris est inimaginable en Angleterre. » (https://www.dramaction.qc.ca/ fr/ressources/histoire-du-theatre/angleterre-le-theatre-elisabethain/)


C’est petites scènes roulantes, tirées par des bœufs, allaient de villages en villages comme le font encore aujourd’hui les petits cirques des campagne et les forains.

« En Angleterre, les tableaux vivants ou pageants [reconstitutions historiques !] peuvent être représentés sur des estrades, portées ou véhiculées à travers la ville, mais il est possible qu'une partie de l'action ait été jouée aussi dans la rue devant les tréteaux qui servaient alors de déco » (Wikipédia/ Mystères).

Ce n’est qu’au XVIème siècle que vont apparaître les salles de théâtre, des théâtres fixes et payantes que fréquente un public hétérogène venu de toutes les classes sociales et qui tout en mangeant et buvant réagit bruyamment aux trappes qui s'ouvrent, aux duels violents qui s’y déroulent et même à l'arrivée de chevaux sur la scène.


George Buchanan et la Tragédie

George Buchanan (1506-1582), issu d’une vieille famille écossaise, est né à Killearn, un village à 24 km au nord de Glasgow. Très jeune, il est orphelin de père. On ne sait rien de sa prime jeunesse. En 1520, à 14 ans, son oncle maternel l’envoie faire des études à Paris. Selon ce qu’il dit de lui, il écrit déjà des poèmes. Deux ans plus tard, gravement malade et son oncle décès, il revient en Écosse.

En 1523, il participe à des combats contre l’Angleterre et l’année suivante, il entre à l'Université de St Andrews où il suit les cours de John Mair (1550), philosophe logicien écossais, connu dans toute l’Europe pour ses travaux sur Aristote et la Bible, plutôt en retrait de l’Humanisme. Buchanan obtient son diplôme de Bachelor of Arts en 1525. En 1526, il suit Mair à Paris. En 1528, il obtient sa maîtrise au Scot Collège et enseigne pendant trois ans au très réputé Collège Sainte Barbe, le plus ancien Collège de Paris.


« En 1529, il est élu "Procureur de la Nation allemande" à l'Université de Paris. Il démissionne de son statut de régentier en 1531 et devint en 1532 le tuteur de Gilbert Kennedy, 3e comte de Cassilis, avec qui il retourna en Écosse au début de 1537 [19]». 

En 1539, il est pourchassé avec les Luthériens. Il se réfugie en Angleterre puis à Paris, puis à Bordeaux où professeur au nouveau Collège de Guyenne, il écrit plusieurs de ses œuvres maitresses et les deux drames, Jephthes (Sive Votum, Ou Le Vœu, 1554) et Baptistes (Sive Calumnia, Ou La Calomnie, 1578) y sont furent achevés.

De 1542 à 1547, il enseigne pendant cinq ans au Collège du Cardinal Lemoine. Il est invité avec un groupe d’humanistes par l’Université de Coimbra au Portugal. En 1551, après plusieurs d’emprisonnement pour avoir été suspecté de luthéranisme et après avoir reconnu ses ‘erreurs’, il est libéré. Il revient à Paris où en 1553, il est nommé régent du Collège de Boncourt.


En 1553, sous la répression des calvinistes par Henri II, il adopte ouvertement les thèses des réformateurs et écrit un poème contre les Frères Mineurs.. En 1562, Buchanan revient en Écosse et devient le précepteur de Marie Stuart, fille d roi d’Écosse Jacques V dont le petit-fils, Jacques VI sera d’Écosse en 1567 et le premier Stuart roi d’Angleterre sous le nom Jacques 1er en succédant en 1603 à Élisabeth 1ère . Marie, alors âgée de 20 ans, est revenue de France deux ans plus tôt à la mort de son mari, le roi de France François II. On sait l’alliance qui à cette époque unit la France et l’Écosse contre les Anglais. Marie 1ère, reine d’Écosse dès sa naissance en 1542 et reine de France par son mariage en 1558 a François II, a passée son enfance en France. Et l’armée française a soutenu en Écosse les partisans de la Réforme et Marie Stuart à la succession au trône d’Angleterre auquel elle peut prétendre par sa mère Marguerite Tudor, sœur d’Henri VIII. Finalement, en 1560, la France reconnaitra Élisabeth 1ère reine d’Angleterre et retira ses troupes.

 En 1567, Marie, qui doit abdiquer en faveur de son fils Jacques VI, se réfugie à Londres où accusée de comploter contre sa cousine la Reine Vierge, restera emprisonnée pendant 20 ans. En 1587, la jugeant une menace permanente pour sa couronne, Élisabeth ordonnera finalement qu’elle soit exécutée. Le bourreau si prendra à trois fois pour lui trancher la tête. En Angleterre, contrairement à la France, la tête ne reposait pas sur un billot..

En 1566, Buchanan est nommé directeur du St Leonard's Postgraduate College, troisième cycle d’études à St Andrews, et reçoit d’autres charges et hauts postes. En 1570, il est le précepteur du jeune Jacques VI.


Il consacre les dernières années de sa vie à parfaire et à éditer son œuvre dont deux de ses écrits majeurs, De Jure Regni apud Scotos (1579) et Rerum Scoticarum Historia (1582). Il meurt de sa belle mort à Édimbourg à l’âge de 76 ans.

Buchanan appartenait au mouvement Monarcho-maque : 

« Monarchomach, (du grec monarchos «celui qui se bat contre le monarque»), tout membre d'un groupe de théoriciens calvinistes français du XVIe siècle qui ont critiqué la monarchie absolue et la persécution religieuse … Bien que les calvinistes français aient longtemps offert des justifications intellectuelles pour la résistance à la persécution, le terme monarchomach est généralement réservé à ceux qui ont écrit après le massacre de la Saint-Barthélemy de 1572 à Paris… Le mot a été inventé par l'absolutiste écossais William Barclay, qui l'a conçu comme un terme d'abus. Les trois personnages les plus importants du mouvement sont François Hotman, l'auteur de Franco-Gallia (1573); Theodore Beza, successeur de Calvin à la tête de Genève et auteur de De jure magistratuum (1574); et le pseudonyme Stephanus Junius Brutus, l'auteur ou les auteurs de Vindiciae contra tyrannos (1579); souvent considéré comme [étant] Philippe de Mornay, seigneur du Plessis-Marly. (Encyclopedia Britannica/Monarchomach)


Le Traducteur

Traducteur de psaumes, Buchanan a traduit deux tragédies d’Euripide († -406) Alceste et Médée.

« Buchanan n’agit pas seulement en traducteur mais aussi en dramaturge qui pose des jalons décisifs pour la constitution d’un modèle tragique moderne, en mettant l’accent sur la théâtralité. Alceste et Médée semblent ainsi supporter des enjeux théoriques qu’il serait difficile de formuler discursivement à cette époque. » (Zoé Schweitzer, Études Épistémè, https://doi.org/10. 4000/ episteme.258)

« L’infanticide connaît un certain succès dans la tragédie française des années 1550-1570. Au moment où l’on redécouvre la tragédie antique, corpus au sein duquel le sujet de Médée détient le statut de parangon de l’irresponsabilité en raison de l’interdit d’Horace, plusieurs dramaturges choisissent pour sujet de tragédie la mort d’enfants. Buchanan publie la première traduction latine de Médée d’Euripide en 1544 et s’intéresse à l’infanticide dans sa tragédie biblique Jephté ». ( Zoé Schweitzer, Variations sur la mort des enfants : Médée, Jephté et La Famine, Cahiers d'Aubigné, 2008/20)


Son œuvre

Bien que son style ne se conforme pas aux modèles antiques, il a pu être qualifié du « plus grand écrivain latin, en prose ou en vers, dans l'Europe du 16ème siècle ».

Sa tragédie écrite en latin Jephté écrite en 1543 sera édité en France en 1554 publiée et traduite en français par le poète réformé Florent Chrestien en 1567.

Il est l’auteur de poèmes, Poemata quae extant parus en 1628, d’une satire et de nombreux livres d’histoires sur les événements contemporains ou anciens d’Écosse.

Buchanan aura été le maître de Jean de La Taille (voir Théâtre France) qui traitera de l’infanticide (exécution des enfants de Saül) et comme lui adhéra à la Réforme.


Le Théâtre Élisabéthain

Les Périodes

Le XVIème siècle voit s’ouvrir une des plus prestigieuses périodes de l’écriture dramatique de l’histoire littéraire européenne. Ce qu’il est convenu d’appeler Le Théâtre Élisabéthain parce qu’apparut à la fin du XVIème siècle sous le règne d’Élisabeth 1ère, s’étend en fait sur trois règnes et donc trois époques, la période élisabéthaine jusqu’en 1603, la période jacobéenne sous le règne de Jacques 1er, , roi de 1603 à sa mort en 1625, et la période caroline, période de la Renaissance Tardive (Late Renaissance) sous le règne de son fils Charles 1er, roi en 1625 et mort exécuté en 1649, auquel succédera la République de Cromwell.

Thomas Kyd (1558-1594) et Christopher (1564-1593) peuvent être rattachés à la période élisabéthaine, William Shakespeare (1564-1616), mais toutes ses pièces ainsi que celles de Ben Jonson (1572-1637), écrites après 1603, sont à proprement parler de la période jacobéenne et non plus élisabéthaine. De cette deuxième période, on peut mentionner le dramaturge John Fletcher (1579–1625) qui, très connu de son temps, fut un rival de Shakespeare. Ses pièces retrouvèrent un nouveau succès à la Restauration (1660-1688, règnes des Stuart Charles II et Jacques II. Ainsi que  Francis Beaumont (1558-1516) surtout connu pour sa collaboration avec Fletcher. La période caroline est plus connue pour ses poètes : John Donne (1572–1631), Thomas Traherne (1636/37–1674) et l’école des Cavalier Poets, (Cavaliers poètes) avec entre autres Robert Herrick, Richard Lovelace (voir T3/Age Classique/Poésie).


Les Salles

L’on fait généralement débuter la première période avec l’arrivée au pouvoir en 1558 de la Reine Élisabeth 1ère, bien que les représentations théâtrales en Angleterre ne commencèrent à attirer le public que dans le dernier quart du siècle, lorsque s’ouvrirent des salles pour le recevoir. Avec évidemment, entrées payantes.

Jusqu’alors, le théâtre se jouait dans la rue, sur les places des marchés ou dans les cours d’auberges et n’était considéré que comme un spectacle de divertissement. James Burbage, (1531-1597) fonde le premier des  théâtres publics londoniens en 1576.

« Les troupes ambulantes utilisent des cours d’auberge pour jouer dans un lieu fermé et faire payer les entrées ; elles construisent ensuite des théâtres fixes, à Londres, sur la rive sud de la Tamise, de l’autre côté de la City. La rive sud est réputée pour être le repaire de tout ce qui n’est pas ‘légal’ à Londres, des marginaux, des trafiquants et commerçants illicites, des filles de joie, et des gens de théâtre. Les Puritains appellent le théâtre, la maison du diable. C’est là que sera construit, en 1594, le Globe, théâtre à ciel ouvert de William Shakespeare. La peste de Londres en 1593 obligera tous les théâtres à fermer et poussera les comédiens en tournée sur les routes. (https://www.dramaction.qc.ca/ fr/ressources/histoire-du-theatre/angleterre-le-theatre-elisabethain/)


« James Burbage  (1531-1597), charpentier devenu ensuite acteur, construit en 1576 le premier théâtre important, "The Theatre", sur le modèle d’un premier édifice londonien, le "Red Lion". Ces deux théâtres publics sont à ciel ouvert. Burbage fait transformer une salle du prieuré des "Blackfriars" [ en 1596, du nom des dominicains au capuchon noir, et devenu un quartier de Londres où était situé leur prieuré. En 1538, Henri VIII avait fait fermer tous les monastères et avait confisqué leur biens], à Londres, en salle de spectacle privée, réservée d’abord à un cercle d’initiés, puis à une élite assez aisée pour payer l’entrée. Dès 1600, il y aura cinq théâtres publics à Londres; d’autres suivront : le Curtain, la Rose, le Swan, le Globe (situé au bord de la Tamise, il pouvait contenir jusqu’à 2 000 personnes), la Fortune et le Hope. » (https://www.atatheatre. com /Historique.html #Burbag)


« C’est à la fin du XVIe siècle (1576) que le premier théâtre commercial, le théâtre de Burbage (construit par James Burbage, père de Richard), est créé à Londres. Quelques années plus tard, il est démonté et reconstruit par l’un de ses fils, Cuthbert, sur l’autre rive de la Tamise: c’est le célèbre Globe Theatre, qui accueille les grands dramaturges élisabéthains, tel William Shakespeare ou ChristopherMarlowe. (http://philo-francais. emonsite.com/pages/francais/cours/1-std2a/poesie-1/histoire-du-theatre/histoire-du-theatre.html)

The Theatre était aussi appelé le Burbarges’s  Shoreditch Playhouse parce que situé dan le quartier de Shoreditch au-delà du nord de Londres. Le Théâtre du Cygne, celui de La Rose et celui de L'Espoir avec le second Théâtre des Blackfriars seront les quatre autres principaux théâtres de Londres avant la construction du Globe Theatre en 1599.


James Burbarge avait aménagé en 1596 une aile du cloîtres du couvent des Blackfriars, situé de l’autre côté de la Tamise pour que la troupe des Lord Chamberlain’s Men puisse répéter avant de jouer devant la cour (Encyclopédie Universalis). Mais il dut concéder son théâtre à d’autres confréries. En 1597, James décède. Son fils Richard un des principaux acteurs des Lord Chamberlain’ Men, en hérite mais le voisinage huppé obtient qu’aucune représentation puisse être donnée. Le capital bloqué, Richard devra attendre 1608, pour créer « une société de « propriétaires » (on les appelait des maîtres de maison) où furent représentées les dernières pièces de Shakespeare[20]. « Le théâtre dut fermer lorsque se déclenchèrent en 1642 les troubles appelés guerres civiles par les historiens anglais.

Il sera démoli en 1655 ».


Les Lord Chamberlain’ Men, ne pouvant plus disposer du Blackfair Theatre et qui avaient dû alors louer une salle, décidèrent de le démonter . Ce qu’ils firent la nuit de noël 1599 et le transportèrent dans le quartier de Soutwark au sud du London Bridge et l’appelèrent le Globe. La construction fut financée par certains acteurs qui prirent des part dans l’affaire. Shakespeare en fut le principal actionnaire, l’acteur principal et l’auteur attitré. Financé. Après avoir été entièrement dévasté par un incendie en 1613, le théâtre fut aussitôt reconstruit. Les puritains le firent fermer en 1642 (Wikipedia) et/ou démoli en 1644 pour construire à sa place des logements (https://www. escapadesalondres.com/pages/les-musees-de-londres/shakespeare-globe-theatre-un-voyage-dans-le-temps-1.html) . Reconstruit en 1996, dans les matériaux d’époque à 200m de son emplacement d’origine, non loin de la Tour de Londres et de la Tate Modern, sur la rive gauche dans le Bankerside, un ancien quartier de pêcheurs jusqu’au XIXème siècle devenu de nos jours très branché, il est actuellement appelé le Shakespear’s Theater.

En 1629, dix-neuf théâtres se trouveront ouverts tous les jours dans la capitale alors qu’il n’y en avait que trois à Paris, L’Hôtel de Bourgogne, Le Petit Bourbon et L’Hôtel d’Argent. Cette page glorieuse du théâtre anglais se refermera, après le règne intermédiaire de Jacques 1er (1566-1603-1625), environ un siècle plus tard à la mort du roi Charles 1er en 1649, c’est-à-dire à la prise du pouvoir par Cromwell en 1548 qui instaura la république pour dix ans. Ce siècle, au cours duquel les plus grands auteurs du théâtre anglais auront donné leurs chefs-d’œuvre correspond à un genre, à un style, Le Théâtre Élisabéthain.


Le Genre

Avant la période élisabéthaine, le théâtre anglais était encore occupé par les moralités et les masks. Le nouveau genre élisabéthain ne prendra que progressivement leur place avant qu’elles ne soient définitivement supplantées à la fin du XVIème siècle.

 Le Théâtre Élisabéthain est un théâtre sombre qui reflète la vie, le climat d’une Angleterre qui depuis des siècles était en butte avec l’ennemi extérieur, aux guerres civiles, à la vie pauvre et dure, qui a vu sa population réduite de moitié pendant la Peste Noire de 1350 et dont l’histoire des rois et seigneurs n’est que complots et exécutions.


Les pièces historiques retracent l’histoire de ces rois tandis que les comédies ont pour personnages principaux les gens du peuple, pauvres et riches. On y voit intrigues, assassinats, folie, vengeance. La cupidité rivalise avec l’ambition qui rivalise avec la fourberie. La réalité la plus nue croise le merveilleux, et les sorcières, les princes, les amants, la mort.

« Dans le théâtre élisabéthain, le rôle du bouffon tient la place du chœur antique. Les acteurs sont exclusivement masculins et se pavanent devant un public bruyant qui suit l'action à la manière d'un match de boxe. Les rôles féminins sont tenus par des hommes travestis et le comble du raffinement est d'utiliser le double travesti : une femme déguisée en homme, c'est-à-dire un homme habillé en homme. Le public du théâtre élisabéthain attend diverses péripéties : duels, duos, scènes violentes, et leur apparition est saluée par des ovations. Les thèmes sont, d'une part le paganisme renaissant, le scepticisme et l'individualisme, d'autre part, la frénésie panique, la folie, la destruction, le crime et le sang. La tragédie élisabéthaine célèbre la puissance de vivre qui, paradoxalement, s'affirme à travers une souffrance démesurée et violente » (https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/histoire_du_théâtre /96913).


Gordobuc

Gordobuc (roi légendaire de Grande-Bretagne), pièce écrite par  deux étudiants, Thomas Sackville et Thomas Norton et jouée en décembre 1561 à Inner Temple (école de droit), à l'occasion des fêtes de Noël  à la demande de la Reine, est considérée comme la première tragédie anglaise. Outre ses références au modèle antique, c'est la première pièce historique anglaise. Elle a l’originalité d’être écrite en vers rimés et vers blancs anglais. Le blank verse est un pentamètre (cinq pied) iambique (une syllabe brève, une syllabe longue) non rimé, c'est-à-dire un vers à cinq accents toniques  sans rime[21]. Christopher Marlowe est toujours donné comme le créateur de cette de métrique. Henry Howard, Comte de Surrey (1516-1547) l’avait déjà employé dans sa traduction du deuxième et du quatrième livre de  l’Énéide de Virgile.


Gammer Gurton’s Needle

Gammer Gurton’s Needle est une comédie courte jouée en 1562/64, au Christies College de Cambridge et éditée en 1575. L’identité de son auteur désignée par Mr.S.Mr.of ART, reste inconnue, sans doute un membre du Christies Collège (John Still ?)[22]. Elle est considérée comme la première comédie anglaise et comme des plus plaisantes du théâtre anglais La présentation des personnages donne une idée du ton de la pièce :

« Gammer est veuve dans un petit village anglais élisabéthain rural. Elle est la fière propriétaire d'une aiguille - mais elle la perd. Hodge est terriblement courageux quand il n'y a pas de danger et terriblement intelligent quand il n'y a pas de problème. Tyb est la servante de Gammer, la seule personne au monde à pouvoir laisser une décharge plus sale rien qu'en la traversant. Dame Chat est la voisine qui aime bien se tirer les cheveux, et le Dr Rat est le curé, dont le crâne se fend… » (https://www.dramaticpublishing.com/ gammer-gurton-s-needle-21994)

L’aiguille de la veuve Gammer se retrouvera dans…le pantalon de Hodge. L’aiguille symbole de la virginité bien avant l’air de Barberine dans Les Noces de Figaro de Mozart : « L'ho perduta, me meschina! (Je l’ai perdue, pauvre de moi !) »


Thomas Kyd

Thomas Kyd (1558-1594) est né à Londres et baptisé en novembre le mois et l’année du couronnement d’Élisabeth 1ère. L’on sait très peu de chose de sa vie. Il est le fils d’un écrivain public Francis Kyd. Comme le poète contemporain, Edmond Spenser (1552-1599), il a fait ses premières études au Merchant Taylors School. Il semble avoir eu des connaissances en français, italien, espagnol et latin. Il pourrait avoir fait passer pour ses écrits ce qui n’étaient que des traductions. En 1591, il cohabite avec John Marlowe, travaillant tout deux pour un noble inconnu. En 1592, au théâtre The Rose, The Spanish Tragedy, pièce qui lui attribuée, est représentée par les Lord Strange's Men, la troupe de Ferdinando Stanley (1559-1594), cinquième Comte de Derby, Baron de Stange, qui connait Shakespeare et fait jouer de ses pièces. En 1593, Kyd est accusé de trahison pour avoir publié, venus de l’étranger, des libelles (« petits livres d’injures », plus violents qu’un pamphlet et sans aspiration littéraire). Torturé, il dénonce Marlowe comme étant l’auteur des écrits athées trouvés chez eux dans ses papiers à lui ; et il est libéré. Il meurt à la fin de l’année suivante à 35 ans .

 De pièce signée de lui, il n’y a que Pompée le Grand et Cornélie (1595) qui est en fait une traduction-adaptation de Cornélie de Robert Garnier (†1590, voir France/Théâtre). Lui sont attribuées The Spanish Tragedy (1589) , Soliman et Perseda (1588) Heronimo is Mad Again (1592). Kyd est un des principaux initiateurs de ce théâtre sombre, aussi sombre sa vie. Il fait entrer la vengeance comme thème central dans une œuvre dramatique. Structurellement, il a donné à la représentation son rythme en succession de moments forts et moins forts, aboutissant au dénouement du final.


The Spanish Tragedy

En fait, on ne sait pas si la pièce représentée en 1592 a été la Spanish Tragedy ou la première partie de Heronimo is Mad Again comme cela est mentionné dans les archives de The Lord Strange’s Men. En fait, « l’attribution de The Spanish Tragedy n'est connue que d'une référence aléatoire dans l'Apology for Actors de Thomas Heywood en 1612. La date assignée à la pièce varie de 1582 à 1589, avec la preuve en faveur de cette dernière date, quand la vogue des tragédies de vengeance - la plupart d'entre elles maintenant perdues - semble avoir commencé. »

La pièce en tout cas eut un énorme succès, connue beaucoup d’imitateurs, même sous la forme de parodies et de satires, et trouva particulièrement un écho chez les dramaturges allemands.

En 1601, Philippe Henslowe, riche propriétaire fonciers, du théâtre The Rose et aussi de plusieurs bordels, laissa un journal fort précieux pour la connaissance du théâtre à cette époque. Il paya Ben Johnson pour apporter à la pièce des ajouts « en concurrence avec le très proche Hamlet, que Shakespeare faisait revivre par les joueurs de Chamberlain en même temps, avec plusieurs nouvelles pièces sur la  revanche » pour lesquelles ses deux auteurs, Jonson et Kyd servaient de modèle. La revanche est un des thèmes centraux du théâtre élisabethain.


Cette tragédie est fortement marquée par « l'influence de la tragédie sénécanedans le refrain, le fantôme, les discours sentencieux et équilibrés, la déclamation, et le traitement mélodramatique du caractère[23]». Une influence qu’il reçoit du « Sénèque Français » Robert Garnier dont Kyd en 1594 ‘adaptera’ en Cornelia sa Cornélie.

L’attribution d’une autre pièce, Arden of Feversham[24], basée sur un fait divers authentique, reste toujours l’objet d’une controverse. Elle est attribué soit à Kyd, soit à Marlowe, soit à Shakespeare. On l’intègre dans les pièces apocryphes de l’auteur d’Othello. Kyd serait l’auteur d’une première version d’Hamlet. Certains éléments dramatique contenus dans The Spanish Tragedy qui se retrouvent dans Hamlet dont la première représentation eut lieu entre 1589 et 1601, font penser que Kyd serait l’auteur de Ur-Hamlet (ur=original) datée de 1587 dont ce serait inspiré Shakespeare. Il faut savoir qu’à l’époque, les auteurs s’empruntaient beaucoup les uns les autres, des intrigues, des phrases, des effets théâtraux. La notion d’auteurs n’était pas établie. C’est d’ailleurs

« en Angleterre que fut promulguée la première grande loi consacrant les droits de l'auteur. La loi du 10 avril 1710, dite loi de la Reine Anne, reconnaît aux auteurs un droit exclusif de reproduction pour une durée déterminée ainsi que la possibilité d'enregistrer leurs œuvres en leur nom personnel et non plus à celui d'un éditeur… [En France], Deux arrêts réglementaires du 30 août 1777 du roi Louis XVI marquent un tournant décisif. Ils consacrent tout à la fois les droits des libraires et ceux des auteurs, mais en prenant bien soin de les distinguer. Ils reconnaissent à l'auteur un privilège perpétuel pour récompenser son travail, et au libraire un privilège temporaire pour lui assurer le remboursement de ses avances et l'indemnité de ses frais[25] ».


Christopher Marlowe

Christofer Marlowe (1564-1593) est le fils d'un cordonnier de Canterbury aux revenus honorables. Il entre à l’âge de quinze ans à la King's School où il reçoit un enseignement sérieux. En 1551, lorsqu’il entre à l'Université de Cambridge, son niveau est suffisant pour qu’il reçoive une bourse et ne pas avoir à accomplir des taches domestiques comme s’était aussi le cas pour les étudiants pauvres sur le continent à cette époque. Ce fut le cas du poète Saint Juan de Yepes de La croix au collège jésuite de Médina del Campo ou de l’humaniste Guillaume Postel lors de ses études à Paris au Collège Sainte Barbe à Paris[26].

Marlowe se met à la traduction des Anciens, Ovide entre autres. Il obtient son baccalauréat en 1584. Soupçonné de catholicisme, il n’obtient sa maîtrise en 1587. que grâce à l’intervention du Conseil privé de la reine déclarant que s’il s’est rendu au collège catholique de Reims, c’est sur ordre de la reine. Il a entrepris entre temps une mission confidentielle pour le gouvernement. Ce qu’il continuera à faire à plusieurs reprises. Il écrit sa première pièce Dido, Reine de Carthage en collaboration avec Thomas Nashe. En 1587/88, il fait profession d'auteur dramatique à Londres. Qualifié du plus « turbulent des ‘esprits universitaires’(University Wits)[27]», et disciple de Machiavel (Encyclopédie Universalis), il mène la vie des comédiens et des dramaturges londoniens de son temps. Il fréquente les tavernes populaires, les bas-quartiers et mène entouré d'amis de l'aristocratie et de comédiens une vie dissolue de sexe, de beuverie et de coups d'épée qui le feront plus d'une fois arrêter. Il traîne de plus avec lui une réputation une réputation d’athéisme (Encyclopedia Britannica).


Avant d’arriver à Londres, il a peut-être déjà écrit Tamberlan le Grand. Cette pièce le fait connaître et ses œuvres vont être jouées par les comédiens de Sir Raleigh (Cf. Note 139), qui a formé autour de lui un cercle d’écrivains et de philosophes. Serait-ce lui le noble inconnu pour qui travaillaient ensemble Marlowe et Kyd ; ce qui les auraient amené à cohabiter ? Marlowe était justement en train d’écrire pour cet inconnu quand il fut mêlé à l’affaire des écrits hérétiques découverts chez eux et dont Kyd, sous la torture, dira que cet extrait d’un traité unitariste (voir Réforme/ Unitarisme), déjà publié mais dont l’auteur n’est pas mentionné, avait été recopié par son ami bien qu’ils furent trouvés parmi ses propres écrits.

Tamerlan est précédé d’un prologue dans lequel Marlowe dit vouloir rompre avec les formes traditionnelles du théâtre populaire, avec ses soties, ses facéties ses danses.

« Le héros [Tamerlan], incarnation de la volonté de puissance et de l’amour de la gloire, s’exprime dans une langue vigoureuse et claire et des vers fortement rythmés avec des images et des sonorités d’une splendeur toute nouvelle sur la scène anglaise ».(Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre, Bordas 1991)

La Maison du Diable accueille ses pièces dont La Tragique Histoire du Dr Faust (1590). Sa carrière d’auteur dramatique n’aura pas duré plus de six ans. Il ‘en est pas moins considéré comme un des fondateurs du théâtre élisabéthain et l’un des fondateurs du théâtre moderne anglais.


Sa mort mystérieuse

Brillant provocateur, Marlowe[28] (parfois orthographié Marly ou Marlin) serait mort à 29 ans d'un coup de poignard dans l'œil donné par un compagnon de beuverie, Ingram Frizer. Mais sa mort est entourée de mystère et pour certains historiens, elle n’est pas certaine à ce moment-là. La version officielle est qu’il aurait été poignardé « par un serviteur paillard, un rival de son amour obscène » ou par un de ses compagnons de tavernes qui aurait également travaillé pour le premier conseiller de la reine, William Cecil (†1598), et qui au cours d’une rixe lui aurait porté avec sa dague un coup mortel dans l’œil. Version rendue crédible par la réputation exécrable qui habillait Marlowe. Selon cette version, il aurait été enterré le 1er juin 1593.

La plupart des historiens s'en tiennent à cette version officielle. Depuis peu, une thèse est apparue remettant en cause cette version au profit d'une autre qui soutient que Marlowe, sachant qu'il allait être arrêté et que ses protections ne pourraient lui éviter la prison, aurait décidé d'organiser sa propre disparition et se serait exilé définitivement en France puis en Italie, à Venise entre autres. Cette thèse non dépourvue de crédibilité s'appuie sur différents éléments comme par exemple le fait que l'ami qui lui aurait porté le coup fatal a été très vite relâché faute de preuve, ou encore sur le propre témoignage de la femme qui tenait l'auberge dont tous les protagonistes du drame étaient des familiers.


Marlowe[29], en exil, aurait continué à écrire pour le théâtre et ce serait Shakespeare qui aurait assumé la paternité de ses pièces. Là aussi, entre autres arguments, l’analyse de certaines pièces comme Roméo et Juliette ou Le Marchand de Venise, tend à fortifier cette théorie. Il est a rappelé que Shakespeare a écrit pour ainsi dire toutes ses grandes pièces après la mort de son ami Marlowe, à partir de 1594. Une importante littérature s’est développée depuis le XIXème siècle et nombres d’historiens de la littérature ont proposé leurs ‘candidats‘ susceptibles d’être les auteurs des chefs-d’œuvre shakespeariens. On retient notamment parmi eux William Stanley (6e comte de Derby) ou encore Édouard de Vere (17e comte d’Oxford)  qui semble tenir la corde. Mais le monde universitaire maintient Shakespeare comme le seul et unique auteur de…ses pièces quoique parfois non sans réserves. (Voir Shakespeare sur l’authenticité de ses pièces).


Son Œuvre

Didon, la Reine de Carthage est sa première pièce écrite seule alors qu’il a vingt ans. Sa deuxième pièce, Le Grand Tamerlan, (en deux parties, toutes deux interprétées à la fin de 1587; publiées en 1590). est publiée en 1590. Elle connaît un énorme succès que l’on fait coïncider avec le début du théâtre élisabéthain. Marlowe n’a pas eu le mérite d’introduire le vers blanc (non rimé, blank verse) dans la poésie anglaise, précédé en cela de quelques décennies par Henry Howard, Comte de Surrey (1516-1547, voir Poésie/Outre-manche) qui l'employa dans sa traduction du deuxième et du quatrième livre de  l’Énéide de Virgile. Mais il sera avec cette pièce, le premier auteur a utiliser dans une œuvre théâtrale le vers iambique blanc[30].

Sa troisième pièce, le Docteur Faust, est actuellement datée de 1592. Philippe Henslowe (voir Thomas Kyd) l’a fait représenter en 1594. En 1602, comme il l’avait demandé un ana plus tôt à Ben Jonson pour La Tragédie Espagnole (Hieronimo) de Kyd, il paya William Bird et Samuel Rowley pour des ajouts comiques, plus au goût du public; et des parties sérieuses furent tronquées, telle qu’éditée en 1616. À cette époque, la propriété intellectuelle n’existe pas (voir Kyd), mais encore, souvent une pièce s’écrit à deux ou même à plusieurs, et les emprunts d’un auteur à un autre ne sont sans doute que des morceaux partagés, que chacun adapte à sa propre pièce.


The Tragical History of Doctor Faustus

S'inspirant de l' Historia von Johann Fausten, publiée anonymement en 1587 à Francfort/Main, conte censément être la biographie du Docteur Faust Marlowe écrit en 1592 sa pièce la plus connue, The Tragical History of Doctor Faustus. Un drame dans lequel Marlowe met en scène la vie du Docteur Johann Georg Faust (1481-1540, voir récits et aventures. Outre-rhin), alchimiste, astrologue à la réputation sulfureuse, qui aurait pratiqué la magie noire, autrement dit pactisé avec le diable en lui vendant son âme en contrepartie d'une vie de vœux réalisés. Le thème est celui d'une tragédie qui met l'homme face à son plus profond désir et face sinon aux dieux antiques, au diable du christianisme. Le thème interpelle tout spectateur qui, se mettant à la place de Faust, se demande quel vœu il voudrait voir se réaliser en échange de son âme, sachant que le pacte diabolique ne lui évitera pas la mort et que toute jouissance des sens ou entière satisfaction intellectuelle s'évanouira au moment de sa mort. Thème et personnage seront maintes fois repris après Marlowe, notamment au théâtre par Goethe en 1808, et à l'opéra par Gounod en 1859 et par le compositeur russe contemporain, Alfred Schnittke en 1895. Le désir de Faust sera selon les auteurs soit la recherche de la vérité, soit l'assouvissement du désir soit l'ensemble des connaissances humaines. (voir Théâtre Outre-rhin/Faust)


William Shakespeare

William Shakespeare (1564-1616),  né et mort à Stratford sur Avon, est le fils d'un artisan-commerçant maroquinier. Il se marie à l’âge de 18 ans et a trois enfants. On ne sait rien de ce qu'il a vécu entre 21 et 28 ans, entre 1585 et 92. On le trouve à Londres en 1592, année où Marlowe, arrivé dans la capitale cinq ans plus tôt, écrit son Faust. Il fréquente une bande de jeunes dramaturges qui mènent à l'instar de Marlowe une vie dissolue dans les bas-quartiers. Embauché dans la troupe de Lord Chamberlain comme acteur, il va jouer des premiers rôles de pièces de ses confrères et des siennes comme Hamlet. De succès en succès, la troupe est adoptée en 1603 par le roi Jacques 1er qui, successeur d’Élisabeth 1ère, vient de monter sur le trône mettant fin à la dynastie des Tudor. On entre dans la période du théâtre non plus élisabéthain mais jacobéen. La troupe se fixe au Théâtre du Globe, en 1599 de l’autre côté de la Tamise. C’est alors le meilleur et plus grand théâtre de la capitale. Les Lord Chamberlain’ Men ont fondé une société dont Shakespeare est le principal actionnaire de même qui il est le premier acteur et l’auteur attitré de la troupe.

En 1611, à 47 ans, empêtré dans des démêles judiciaires sur des achats et exploitations de terrains, Shakespeare retourne à Stratford où il meurt cinq ans plus tard en 1616. Enterré dans l'église de la Sainte Trinité, une gravure le représentant avec un sac de blé sur les genoux est posés au-dessus de son tombeau. Ce n'est qu'en 1747 qu'elle sera remplacée par l'actuelle statue le représentant avec une plume à la main.


L’apport de William Shakespeare au théâtre ne se réduit pas à avoir contribué à écrire avec ses contemporains dramaturges une des pages les plus brillantes du théâtre anglais. Bien au-delà, son apport, tant par ses tragédies que par ses comédies et ses pièces historiques, a ouvert à l’écriture scénique une dimension jusqu’alors inconnue. La force de son langage, la richesse de ses métaphores, la profondeur de ses personnages, la complexité des situations, la puissance quasi envoûtante qui émane de l’ensemble font de lui un exemple qui traverse le temps et les cultures. Il est un de ses rares créateurs dont on peut dire que son œuvre et tout autant universelle par sa forme, ses formes, ses moyens d’expression que par sa profondeur métaphysique.


Si Shakespeare a été un grand poète dramatique, il a également et tout autant été un poète lyrique par ses poèmes, notamment ses Sonnets qui s’adressent pour la plupart et d’abord à un jeune homme inconnu. D’aucuns disent que l’emploi du ‘je’ est fait de manière impersonnelle, d’autres que le poète déclare son amour à cet inconnu et d’autres encore qu’il le déclare à une dame inconnue – la maîtresse du poète ? - Ses 154 sonnets, en trois quatrains et un distique en vers iambiques, traitent de l’amour au travers du désir et de la jalousie, parlent de la mort et célèbre la beauté.


Shakespeare ou Shake-speare

Certains mettent en doute la paternité de Shakespeare sur ses Sonnets. D’abord parce que l’édition de 1609 a pour titre Shakes-peare Sonnets écrit avec un trait d’union et ensuite parce que l’éditeur indique que ce recueil est dédié à un certain M. WH qui en serait le seul auteur ( ?) ; Enfin parce que la dédicace, elle-même, fait référence au poète « ever-living » (toujours vivant) réservée au défunt ; Hors Shakespeare est mort sept ans plus tard. « Pour celui qui engendre seul ces sonnets qui ont suivi, M. WH: « Tout le bonheur et que l’éternité promise par notre poète toujours vivant…… »

 De même, une théorie veut que Shakespeare n’est jamais écrit les pièces qu’il aurait faites jouer après 1593, soit après la mort simulée pour le tenant de cette thèse, de Christopher Marlowe qui, réfugié en Espagne puis en Italie, en serait le véritable auteur.

Thomas J. Looney, professeur à l'université d'Oxford, s'appuyant sur une recherche approfondie des archives shakespeariennes et de son temps, soutient ardemment en 1920 une autre thèse[31] : Les œuvres attribuées à l'énigmatique fils de maroquinier de Stratford upon Avon seraient de la main du Comte d'Oxford, 17ème du nom, Edward de Vere (1550-1604) qui, très jeune orphelin, eut pour tuteur William Cecil, baron de Burleigh, puissant homme d'état, premier conseiller d'Élisabeth 1er et qui possédait la plus importante bibliothèque d'Angleterre avec celle de l'érudit et conseiller Thomas Smith (†1577),  précepteur du jeune de Vere.


Parmi les arguments avancés : De Vere aurait pu puiser en ses bibliothèques toutes ses connaissances topographiques parfaitement exactes des villes de Vérone, Venise, Padoue, Sabbioneta où se déroulent ses drames italiens. À remarquer qu’à part Richard II écrit en 1595, les pièces d’avant 1593 sont ses pièces historiques. Il est quand même à rappeller les pièces écrites et représentées après la mort en 1604 du Comte d’Oxford : 1604 : Mesure pour Mesure, Othello – 1605 : Le Roi Lear, Macbeth (1603-06)– 1606 : Antoine et Cléopâtre – 1607 : Coriolan – 1611 : La Tempête – 1612 : Henri VIII.

L'on sait d'après les registres des sorties du territoire - sorties à cette époque assujetties à la délivrance d'un passe…droit (passeport) - que Shakespeare n'a jamais quitté son île natale. Par ailleurs, le personnage de Polonius dans Hamlet est directement inspiré de W. Cecil dont de Vere épousa la fille. Les préceptes que le personnage donnent à son fils Laerte sont tirés quasiment mot à mot d'une lettre que Lord Burgleigh adressa à son fils.

Les drames shakespeariens révèlent une connaissance encyclopédique de leur auteur qui devait connaître plusieurs langues dont le français, l'italien, le grec ancien, au vu de l'étendue impressionnante de son vocabulaire et des sources livresques qu'il a nécessité. De plus, de la centaine de documents que l'on possède sur Shakespeare et sa vie, tous concernent des actes officiels, administratifs, mais aucun de sa main ou d'une autre ne se rapporte à son activité d'écrivain. Ce serait le seul auteur a n'avoir jamais fait la moindre allusion à ce qu'il écrivait, avait écrit ou avez en préparation, et sans jamais en avoir porté le moindre commentaire ni avoir fait la moindre allusion à l'une de ses 38 pièces et de ses 150 sonnets.


Il n'y a de portrait de Shakespeare que posthume. Le premier est celui paru en 1623 dans le folio de la première édition de ses œuvres.

Parmi les plus célèbres des 38 pièces attribuées à Shakespeare citons : 1590 : La Mégère Apprivoisée, Richard III, Henry VI (en 3 parties 1590-92) – 1594 : Le Songe d’une Nuit d’Été, Roméo et Juliette – 1595 : Richard II – 1597 : Le Marchand de Venise – 1599 : Beaucoup de Bruit pour Rien – 1600 : Les Joyeuses Commères de Windsor – 1601 : Hamlet – 1604 : Mesure pour Mesure, Othello – 1605 : Le Roi Lear, Macbeth (1603-06)– 1606 : Antoine et Cléopâtre – 1607 : Coriolan – 1611 : La Tempête – 1612 : Henri VIII (C’est au cours d’une représentation de cette pièce que le Blackfair Theatre prit feu en 1613 voir ‘Salles’).

 On donne pour année d’écriture à Les Deux Gentilhomme de Vérone 1595-96, mais, cette pièce publiée en 1623, n’est mentionnée pour la première fois qu’en 1598.


Georges Chapman

Georges Chapman (1559 ?-1634), né à Hitchin, au nord-est de Londres, fait ses études à Oxford et acquiert une érudition classique. Pendant seize ans, on ne sait plus rien de lui. Il réapparait en 1594 pour la publication de deux hymnes puis pour sa première comédie, The Blind Beggar of Alexandria, jouée en 1596. Ce que l’on peut alors savoir de lui est en rapport avec ses publications. L’œuvre de cet érudit se répartie entre comédies, tragédies, poèmes et traductions. Sa traduction d’Homère qu’il adapta au goût élisabéthain servit à l’usage de plus d’un poète : L’Iliade (1609) et de l’Odyssée (1615).

Auteur comique sa seconde comédie de 1597, Humorous Day’s Mirth (La Gaité d’Une journée mélancolique)ne révèle pas plus de talent comique que la première. La comédie satirique, The Gentleman Usher (L’Huissier Gentilhomme) « est plein de poésie et de situations ingénieuses ». All Fooles est jouée en 1605, "The Widow’s Tears"(Les Larmes de la Veuve) raconte l’histoire bien connue de la matrone éphésienne[32] ». Monsieur D’Oline contient également un bon travail de comédie. Eastward Ho ! écrite en collaboration avec Ben Jonson lui vaut la prison pour des propos jugés anti-écossais (Jacques 1er est d’origine écossaise). Il est l’auteur d’une douzaine de comédies, autant de masks .


Mais il se révèle un meilleur auteur dramatique par ses tragédies. Il donne au théâtre son chef-œuvre en 1610, Bussy d'Amboise de 1604 : Dans le cadre de l’affaire de l’assassinat du Duc de Guise, Amboise de Clermont veut venger son frère Bussy, également assassiné. Tragédie de la vengeance dans laquelle la vertu, le stoïcisme de Clermont, son ‘retrait’ du monde s’opposent à la grandeur, l’ambition, l’affairisme, la plongée dans le monde de l’opportunisme.

Tragédie à laquelle il donne suite La Revanche de Bussy d’Amboise Sous Henri II Valois , La Conspiration de Charles, duc de Byron et La Tragédie de Charles, duc de Byron. Quatre tragédies, en tout, historiques, basées sur des faits de l’histoire de France du XVIème siècle, ce qui en fait leur originalité. Elle sont influencées par le ‘style’ Marlowe de cinq ans son cadet ; sauf que Chapman se veut dans toutes ses pièces moralistes, avec honneur, honnêteté et sagesse en tête et qu’il n’a pas su ou voulu plier son style épique aux exigences dramatique de la composition scénique.

Chapman a été dit le moins dramatique des dramaturges élisabéthains et plus poète épique. Il aura traversée les trois périodes du théâtre anglais de la Renaissance.


Benjamin Jonson

Benjamin Jonson (1572/73-1637), né et mort à Londres, exerce dans sa jeunesse, pendant quelques temps le métier de son parâtre, maçon. Puis il part croiser le fer en Flandres. Il se mêle ensuite aux comédiens de Londres, tue l’un d’eux en duel, échappe à la prison, « en plaidant ‘pour le bénéfice du clergé’ (la capacité de lirela Bible en latin) » (https://www.britannica.com/biography/Ben-Jonson-English-writer),

Il mène une vie agitée mais ne connaît pas moins une retentissante renommée par la représentation de ses pièces. Il reçoit le titre honorifique de maitre es arts et Jacques 1er le fait poète officiel.


En 1628, il est atteint d’un accident vasculaire cérébral. Il passera les quelques dix années qui lui restera à vive replié chez lui, n’écrivant plus que des masks tout en assumant la charge de chronologiste de la ville de Londres. Cette charge lui valut un traitement qui pourrait lui avoir évité d’être dans le besoin, mais il serait néanmoins mort dans la pauvreté (Encyclopdia Universalis). Il est enterré à l’Abbaye de Wesminster.

Auteur de nombreux Masks (divertissements en musique et décor équivalant des carnavals et mascarades italiens, voir Genres) représentés à la cour de Jacques 1er Stuart (1566-1625), roi d’Écosse en 1567 et d’Angleterre en 1603, Jonson reste surtout à la postérité pour son théâtre, notamment pour sa pièce Volpone (Le Renard) créée en 1606. Dans cette pièce de tromperie où tel est pris qui croyait prendre, Volpone, le Renard, riche marchand vénitien feint, aidé de son valet Mosca (la Mouche), d’être sur le point de mourir pour attirer tous les cupides qui, convoitant ses faveurs testamentaires, lui font de somptueux cadeaux, qu’ils espèrent aussi récupérer. Mais la ruse de Volpone n’est pas aussi grande que la fourberie de son valet qui à la fin rafle la fortune de son maître. Fort heureusement, à la fin des fins, la justice veille et tous deux sont arrêtés.


 Ben Jonson était l’ami et l’émule de Shakespeare. Ses principales pièces connurent un vif succès.

Outre les 41 masks pour lesquels le Palladio anglais, Inigo Jones construisait les décors, Jonson écrivit 28 pièces couvrant tous les genres. Les plus connues sont les comédies Every Man in His Humor (1598), Volpone (1605), l’Alchimiste (1606), Epicoene; ou The Silent Woman et The Masques of Queens (1609), The Alchemist (1606/10) et Bartholomew Fair (La Foire de la Saint-Barthélemy 1614), A Tale of Tub (Histoire d’une Baignoire 1633). Seulement deux tragédies : Sejanus, His Fall (1603) et Catiline his Conspiracy(1611) « qui ne manque ni de force ni de vérité mais que fige une facture néo-classique trop rigide »( (Dictionnaire encyclopédique du Théâtre Bordas 1991).


Ces comédies sont remarquables autant par l’adresse de la construction que par la vie du dialogue, l’esprit et l’art de la caricature…L’édition in-folio de ses œuvres en 1616 est un événement significatif : pour la première fois, un auteur dramatique vivant est publié avec autant de luxe et de soin qu’un classique » (op. cit.) . Juste retour des choses puisque Jonson était grand admirateur des dramaturges classique, ce qui le distinguait de Shakespeare, son grand rival.

Jonson fut également un poète lyrique et un acteur célèbre. Il eut des suiveurs qu’on appela « les fils de Jonson »

En 1929, le cinéaste Maurice Tourneur adopta pour le cinéma Volpone avec pour principaux interprètes les trois grands acteurs du moment : Louis Jouvet, Charles Dullin et Harry Baur.


Italie

Les Genres

Sacra Rappresentazioni

 La Sacra Rappresentazione est la forme italienne du Mystère qui s’origine de la Lauda ombrienne, née chez les franciscains. La Pianto della Madonna (La plainte de la Madone) de Jacopone de Todi (1236-1306) est un bel exemple de la Lauda dont les principaux personnages, la mère et le fils divin, font passer « du lyrique au dramatique, du chant au dialogue » , Dictionnaire et Encyclopédie du Théâtre, Bordas 1991). La Sacra Rappresentazione  va évoluer pour donner plus de plaisir au public. En s’éloignant du sacré, va être mise en place toute une machinerie. Elle deviendra le spectacle populaire par excellence en Toscane.

Le genre va se poursuivre sous la Première Renaissance, dont les auteurs les plus connus sont Luigi Pulci. Beccari et Laurent le Magnifique (Op. cit.) (Pour Pulci et Laurent (voir Poésie/Italie/Poètes humanistes).


La Favola

Ange Politien (1454-1494), poète florentin et ami deLaurent Le magnifique (voir Poésie/Italie) donne en 1480 à l’occasion du mariage de François de Gonzague et d’Isabelle d’Este, mariage de l’ancien condottiere devenu marquis et de la fille du Duc de Ferrare, grande dame de la Renaissance, la représentation en leur cour de Mantoue  (voir Arts/Italie/Mantoue), une pièce en un acte, La Fabula di Orfeo (la Favola di Orfeo, la Fable d’Orphée). Andrea Mantegna (1431-1506), l’un des plus grands peintres de la Renaissance Italienne, peintre attitré du marquis participe à l‘élaboration de la représentation. La pièce offre un genre nouveau, une pastorale avant l’heure, déjà inspirée des modèles antiques. Musique, chants, et chœurs viennent s’entremêler à un texte, une églogue (poème bucolique) largement improvisé, écrite en quelques jours et qui pour la première fois reprend la mythe d’Orfée descendant aux enfers pour sauver Eurydice.

Le genre fera école. Le Tasse en donnera un chef-œuvre l’Aminta en 1573, tandis qu’à la même époque, les compositeurs de Florence et de Rome de la Camera Fiorentina, de la Camera de Rome, Jacopo Corsi, Jacopo Peri, et Monteverdi à Venise défrichent la terre vierge du parler-chanter qui n’entrecoupe pas le chant de texte mais qui les intègre en une forme nouvelle qui deviendra l’opéra. L’Euridice de Peri est donnée en 1600, l’Orfeo de Monteverdi en 1607 (voir Musique/Vers la Monodie/ Italie).

La Commedia dell'Arte

Voir ci-après


Lorenzo de Médicis

Lorenzo de Médicis (dit Lorenzaccio ou Lorenzino 1514-1548) né à Florence  et mort à Venise est l’arrière petit-neveu de Cosme l’Ancien, son grand-père Pierfrancesco di Lorenzo de Médicis dit Popolano ou l’Ancien étant le neveu de Cosme. Orphelin de père à 11 ans, il passe son enfance d’abord à la villa médicéenne de Treblio en compagnie du futur second duc de Florence, puis duc de Toscane, Cosme 1er de Médicis. Mais suite aux troubles qui agitent Florence, l’expulsion des Médicis par la peuple florentin, le sac de Rome en 1527 par les troupes impériales, tous deux sont amenés à Venise. En 1530, il est à Rome, alors sous la papauté d’un autre Médicis, Jules (Clément VII).


Il revient à Florence et se lie d’amitié avec Alexandre de Médicis, fait premier duc de Florence (de 1532 à † 1537) par la volonté du pape et de son beau-père, Charles-Quint qui mettent ainsi définitivement fin aux velléités républicaines des Florentins, qui, aiguisées qu’elles avaient été en 1498 par les harangues ardentes de Savonarole et la ‘libération’ de la cité par Charles VIII leur avaient permis l’instauration au moins jusqu’en 1516 d’une république au gouvernement de laquelle participa Machiavel qui mourra en 1527 au moment où Florence tenter une restauration de la république.

En 1537, Lorenzino, plus connu sous le nom de Lorenzaccio, fait tuer son cousin et inséparable ami, le duc de Florence, Alexandre 1er auquel va succéder Cosme 1er de Médicis avec qui Lorenzino a été élevé. L’assassinat est bien accueilli par la peuple, mais il doit s’enfuir à Paris. Il revient quatre ans plus tard en Italie combattre aux côtés de Philippe Strozzi, condottiere cousin de Catherine de Médicis, qui se bat contre le nouveau duc de Florence.En 1544, il revient à nouveau en France sous la protection de Catherine. En 1548, il se rend à Venise où il trouve la mort sous les coups d’épée de deux hommes de main.


Lorenzino aura plus laissé son nom dans l’histoire comme assassin du duc de Florence que comme écrivain.

Le drame romantique, désenchanté, sur la vanité des actions humaines écrit en 1834 par Alfred de Musset, Lorenzaccio, le met en scène non sous les traits de la figure rayonnante du Prince Italien mais sous les traits d’un jeune homme, qui, vertueux, prend le masque du vice pour obtenir les bonnes grâces de son cousin, le tyran Alexandre de Médicis, qu’il arrivera à faire poignarder. Il sera à son tour assassiné, dans la pièce après l’assassinat du duc, dans la réalité bien après des années de fuite, banni, honni, et sans autre résultat qu’un tyran en remplace un autre.


« Lorenzo est notamment l'auteur d’Apologie, défense publique faisant valoir que, comme un héritier idéal de Marcus Junius Brutus, le dévouement à la liberté humaine l'a forcé à tuer Alexandre. Le ton de cette apologie est éloquent. Il a également écrit une comédie intitulée l’Aridosia adaptée par Pierre de Larivey dans Les Esprits (1579) ». (https://www.babelio.com/auteur/-Lorenzino-de-Medicis/288348) (Pierre Larivey, voir Théâtre/France)

Écrite en 1539, l’Apologie ne sera publiée qu’en 1572 après avoir longtemps circulée sous forme manuscrite.

L’Aridosia est une comédie en cinq actes écrite en langue vernaculaire. Elle est inspirée de l’Ombrien Plaute († - 184) et du carthagenois Terence († -159), les deux auteurs comiques qui font référence dans la comédie de la Renaissance. Représentée en 1536 pour le mariage d’Alexandre avec Marguerite de Habsbourg, fille légitimée de Charles-Quint[33]. C’est une comédie féroce qui met en scène un avare sordide dont Molière s’inspirera pour son Avare au travers de la pièce de Larivey.

« Le « Briga » de l'Aridosia de Lorenzino de Medici annonce par l'ampleur de son astuce l'inquiétant Brighella de la « commedia dell'arte », sans pour autant en partager la filouterie et le cynisme. » (Dominique Gaudin, Les Noms de Serviteurs dans la Comédie Italienne du xvie siècle, La Licorne. https://licorne.edel.univ-poitiers.fr:443/licorne/index.php? id=5913)

« L’essentiel de l’étude [du nouveau manuscrit récemment découvert] porte sur l’interprétation de la comédie dont est analysée la riche complexité et où l’on retrouve, transposée dans le registre comique que Lorenzino dominait parfaitement, la situation personnelle d’un Médicis appartenant à la branche cadette, inscrit dans une tradition antityrannique, de plus en plus dépendant d’un Médicis de la branche aînée. »


La Commedia dell’arte 

La Commedia dell’arte, Comédie de l’Art ou Comédie des Rues,  est un genre théâtral de rue issu des fêtes populaires et des carnavals du XVème siècle. Les ‘pièces’ étaient plus proche ce que nous appellons de nos jours plus des happening que des pièces structurées. L’improvisation et notamment sur les événements de la cité ou du duché, tenait une large place. D’ailleurs, à l’origine, ce genre s’appelait La Commedia dell'arte all'improviso car  les comédiens devaient être aguerris à l’improvisation, à la répartie, et devaient posséder le sens de l’espace, être souples (ils étaient souvent acrobates). Ils improvisaient donc les dialogues et leur gestuelle selon la trame du moment ; trame qui dépendait souvent du lieu où ils jouaient et des événements qui venaient de s’y produire. Le ton était comique et la gesticulation abondante. Ce ton comique, outrancier, donnera par la suite la comédie bouffe (bouffa, bouffon). Les comédiens étant des gens de l’art, autrement dit des professionnels, ces représentations furent désignées plus couramment par Commedia dell’arte.


Les emplois sont toujours les mêmes qui portent pour certains des masques : Pulcinella (Polichinelle) portant masque à bec de corbeau ou Coveillo avec son masque à plume, et le vieux dragueur, avare et fortuné, Pantalone avec son masque noir au long nez. Il y a aussi le gentil valet Arlequin, Scaramouche et Brighella. Il y a la douce Isabella, l’ingénue Colombine, l’amoureux Lelio, le Docteur, ami de Pantalone, le Capitan, soldat comme le Matamore (le Tueur de Maures), le fourbe Mascarille qui contrebalance Arlequin. Ces personnages étaient joués par des comédiens très célèbres à leur époque, qui donnaient à leur personnage habits, mimiques et caractères qui leurs sont restés. Des acteurs français de la même époque comme Gros-Guillaume, Turlupin et Garguille leurs sont tout à faits comparable. Une des originalités de ces troupes était qu’elles faisaient jouer les rôles de femmes par des femmes.


En 1577, sur l’initiative de Catherine de Médicis, la troupe des Gelosi (Les Jaloux, jaloux  « d’atteindre la vertu, la gloire, et l’honneur » selon leur devise), viendra jouer à Paris. Mais malgré un réel succès, elle devra cesser ses représentations sur ordre du Parlement de Paris, qui les juge trop obscènes. La Commedia dell’arte connut son apogée au XVIIème siècle avec des troupes comme celle d’Andreini (rôle du Capitan) qui viendra jouer à Paris et partagera même le Petit Bourbon (grande salle réservée aux représentations et cérémonies dans l’ancien Grand Hôtel de Bourbon) avec Molière qui s’inspira largement, lui le ‘père’ de Sganarelle, de ce genre théâtral. Ses pièces, à lui, serviront par la suite, en retour, de fil conducteur aux représentations de la Commedia.


Ruzzante

Ruzzante (Antonio Beoleco 1496-1542), Un de ses auteurs les plus fameux, parfois considéré comme son créateur, auteur de comédies rurales dans la langue vénitienne de Padoue qui mettent en scène de façon très vivante un paysan appelé Ruzzante.


Les Marionettes

Pulchinella (Bec de Poulet), d’origine napolitaine et dont la particularité est d’avoir une bosse devant et une derrière et d’être versatile, a donné Punch, le bossu, qui avec Judy sont deux marionnettes aussi célèbres en Angleterre que l’est en France Guignol, créé à Lyon en 1808 par Laurent Mourget. Le marionnettiste Ezequiel Vigués i Mauri (1880-1960) qui vécut à Paris de 1918 à 1931 et qui créa un guignol (La Vie Fantastique de Guignol) introduisit ce théâtre de marionnettes lyonnais en sa Catalogne natale en ajoutant à Tot (Guignol) ses propres personnages, el Pispa (le Voleur), Isidro et El Dimoni (le Diable). Il fait de Puchinella Putxinel·li (Polichinelle), sorte de Monsieur Loyal qui présente le spectacle[34]. Au XVIème  et XVIIème siècles les personnages de la Commedia étaient d’ailleurs figurés souvent en marionnettes.


L’Arétin

Pietro Bacci Aretino (dit l’Arétin, 1492-1556) né à Arezzo, est fils de cordonnier. Il est très jeune quand son père quitte le domicile conjugal pour s’enrôler dans la milice, sans que l’on connaisse les vraies causes de son départ. On suppose à cause de la liaison que son épouse entretenait avec un noble, Luigi Bacci (!) chez qui elle avait pu être embauché omme nourrice. L’Arétin, l’ainé de ses trois enfants, se refusera toujours à entretenir une quelconque relation avec son père.

Vers les quinze ans, en 1506, il se rend à à Pérouse où il reçoit une formation théorique en peinture. Il ne sera pas peintre mais, cet acquis fera de lui un critique averti. En 1512, à 20 ans, il publie un premier recueil de poèmes sans grande originalité sur le mode pétrarquisant.

Quelque dix ans plus tard, il s’installe à Sienne où vit un de ses oncles. Et se rend enfin à Rome en 1517où il entre au service du richissime banquier et mécène Agostino Chigi (Voir Vol 2 Arts/ Haute Renaissance/Peinture/Raphaël/Villa Farnèse). Si ’Messire Pierre’ est beau parleur et joyeux compagnon, il a aussi la réputation d’être médisant.

Parce que son protecteur Chigi est mort en 1520, à la mort de Léon X en 1521, il se fait l’ardent défenseur du candidat à la papauté, Jules de Médicis, futur Clément VII en espérant qu’il devienne son protecteur. En 1525, inquiété et blessé dans ses campagnes de pasquinades[35] (satires mordantes) il doit quitter Rome. En 1527 Il s’installe à Venise où il vit richement de sa plume.


L’Arétin a écrit cinq comédies et une tragédie ; sa vaste correspondance traduit aussi sa veine dramatique. Dans ses comédies, on retrouve son esprit pamphlétaire des pasquinades. La Cortegiana (La Courtisane) date de 1525>34.

Ses Sonnetti Lussoriosi ont été publiés vers 1527 dans la deuxième édition des célèbres Modi, les merveilleuses postures érotiques dessinées par le peintre-architecte maniériste Jules Romain et gravées et éditées par le graveur Marcantonio Raimondi, que le pape Clément VII fit emprisonné pour cela mais que l’Arétin arriva à faire libérer. J. Romain dut quitter Rome. Il se rendit à Mantoue et entama deux ans plus tard la construction du premier palais maniériste, le Palais duTe. Les Sonnets Luxurieux sont seize sonnets qui décrivent les poses. Le pape avait fait saisir touts les exemplaires de cette seconde édition.


Selon https://fr.wikipedia.org/wiki/I_Modi: « Aucune copie originale de cette [seconde] édition n'a survécu, à l'exception de quelques fragments au British Museum et de deux copies de la posture 1. Une copie, peut-être contrefaite  composée d'illustrations grossières obtenues par xylographie imprimée à Venise en 1550  et reliée à des textes contemporains, a été découverte dans les années 1920 contenant quinze des seize postures ».

Selon https://www.christies.com/lot/lot-laretin-pietro-aretino-1492-1556-sonnetti-lussuriosi-venise4698928/?Lid=3& sc_lang=zh : Il existe un « unique exemplaire de la seule édition connue du xvie siècle de la première oeuvre érotique des temps modernes, les célèbres sonnets luxurieux de l'arétin accompagnant les "modi", les merveilleuses postures de jules romain, gravées par raimondi » mis aux enchères par Christies’ à 350000€.

C’est dix ans plus tard en 1534/36 qu’il fait paraître les Ragionamenti (ou Dialogues des Courtisanes) qui le classera définitivement comme auteur pornographique. Son œuvre comprend aussi des sonnets pétrarquisant, d’autres dialogues et des écrits religieux.


Richement[36] doté par les princes qui s’honorait de sa correspondance, correspondant avec François 1er mais moins avec Henri II, il vivait dans un palais au bord du Canal Grande , entouré d’amis tels que Le Titien et de ses maitresses appelées les Arétines. Il faillit devenir cardinal, et en compensation il fut inscrit à l’Ordre des Chevaliers de Saint Pierre six ans avant sa mort en 1556. En 1559, La Contre-réforme imposa la mise à l’Index de tous ses ouvrages. La Vita delle Puttane, troisième livre des Courtisanes sera seul traduit en français par contre ses écrits religieux seront largement traduits. Montaigne dans ses essais écrira qu’il ne trouve dans ses écrits « rien au-dessus des communs autheurs de son siècle».


Péninsule Ibérique

L'Auto Sacramental

Préfiguré par les poèmes dramatiques écrits et mis en musique de et par Juan del Fermoselle del Encina (1468-1533), joués lors des fêtes religieuses, l’auto sacramental est une pièce dramatique eucharistique représentée le jour de la Fête-Dieu. Il constitue un genre à part entière au XVIème et surtout au XVIIème siècle. Calderon le fera briller de ses derniers et plus beaux feux. Il sera interdit en 1765.

« L’auto religieux, et plus particulièrement l’auto eucharistique, ne serait (donc) pas une expression de la Contreréforme, qui prêchait davantage le dépouillement, lui-même encouragé avec véhémence par les protestants qui avait supprimé purement et simplement les processions de la Fête-Dieu. La représentation théâtrale de la vie des Saints, de la Vierge, et des mystères du Saint Sacrement, le clinquant de la mise en scène ou encore les représentations par l’image seraient à l’opposé de l’esprit contre-réformiste du milieu du XVIème siècle » (Cyril Mérique, Thèse de doctorat : L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du XVIe siècle-Université de Toulouse II -Décembre 2011)


Espagne

Le Mystère d’Elche

Le Mystère d’Elche est donné à partir du milieu du XVème siècle pour l’Assomption de la Vierge à la basilique Santa Maria d’Elche (près d’Alicante) en deux actes, Dormition et Assomption, le 14 et le 15 août. Mais ses origines remontent à l’époque médiévale. La musique remonte à l’époque mozarabe, c’est-à-dire à la musique liturgique des chrétiens pendant la domination musulmane. Le texte en catalan de 259 vers et quelques psaumes en latin et la musique (les chants) vont évoluer au XVIème siècle. Au XVIIème siècle va apparaître la machinerie cachée dans le ‘ciel’ et faite de différents mécanismes. Elle va permettre la descente du Saint Esprit, des anges et du trône où siège le chanteur représentant le Père Éternel, et la montée de la Vierge. Cette représentation religieuse bien que d’origine très ancienne a été adaptée au fil des époques  son texte, sa musique et sa scénographie.

Ce Mystère a été classé chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO.


Juan del Encina

Les données biographiques sont pauvres sur Juan del Fermoselle (1468-1533), connu sous le nom de Juan del Encina, du nom de sa ville natale supposée dans la Castille-et-León. D’origine modeste, son père était cordonnier. Né vers 1468 sans doute à Encina, il meurt à León vers 1529 ( ou 30 ?). A l’âge de 16 ans, il est choriste à la cathédrale de Salamanque et à 22 à l’université. En 1492, il entre à Tolède au service du Duc d’Albe, Ferdinand Alvare. En charge des divertissements, il écrit églogues, musique et pièces dramatiques.


Musicien (Voir Musique/Péninsule Ibérique/Juan de Encina), il fut maître de chapelle de la Cathédrale de Salamanque. Puis, il séjournera par trois fois à Rome. Tout d’abord durant le pontificat de l’espagnol Alexandre VI auprès duquel il quémande une situation favorable en Espagne, puis sous le pontificat du Pape Léon X, dont il est un des chantres. Après un pèlerinage à Jérusalem, il revient en Espagne en 1519 où il est chantre à la Cathédrale de León puis prieur de 1523 à sa mort.

Poète, Juan del Encina a écrit dans sa jeunesse sur l’art poétique castillan, Arte de Trobar, dans lequel il se réfère à la poésie courtoise. Il est l’auteur d’églogues dont parmi les plus connues Egloga de les tres Pastores (Fileno, Zambardo, Cardonio) publié en 1509, ou encore  la Pládcida y Vitoriano  et l’Auto del Repelón, une farce que des étudiants jouent à de braves paysans dans le style juego escolar (jeu d’école). Il a adapté des Églogues de Virgile en dialecte castillan.


Auteur dramatique, il est considéré comme le père du théâtre espagnol, non seulement pour sa pièce, Triunfo de la Fama, mais surtout pour la manière dont il dramatise ses églogues, poèmes champêtres dans lesquels il fait dialoguer les protagonistes, les bergers qui, comme dans l’Auto de Reyes Magos, une de ses rares pièces religieuses, sont les quatre évangélistes. Ces représentations se terminent toujours par un villancico (poème chanté à la période de noël). 

Cette mise en forme dramatique permet d’en donner une représentation. Joués devant le duc d'Alba à la Noël de 1492, les deux églogues théâtrales[37] dans lesquelles certains bergers annoncent la naissance du Christ marque le début du théâtre espagnol. L’inspiration profane prendra au fur et à mesure de son évolution le pas sur le thème religieux.


Juan del Encina tient donc une place doublement importante dans l’évolution du théâtre et de la musique. Au plan littéraire, ses poèmes dramatiques joués lors des fêtes religieuses annoncent les autos sacramentals (voir aussi Âge Classique). Et, d’un point de vue musical, outre sa recherche sur l’expression dramatique en musique, ses villancicos dans leur évolution donneront naissance ultérieurement à la zarzuela, forme d’opérette apparue dès le XVIIème siècle.

« Les plus célèbres de ses œuvres sont les adaptations des Églogues de Virgile, qu'il métamorphosa en une forme dramatique proprement espagnole, dans laquelle les personnages sont des figures locales qui parlent le populaire savagués, dialecte de la région de Salamanque. L'œuvre d'Encina est de la plus haute importance pour l'évolution du théâtre espagnol : avec lui, l'art dramatique sort de sa perspective purement religieuse et élargit considérablement ses bases ».(Encyclopédies Universalis).


De Torres Naharro

Nous savons peu de choses sur la vie de Bartolomé de Torres Naharro. Ce que nous savons vient d’une lettre en latin de l’humaniste Jean Barbier à l’imprimeur belge Josse Bade (dit Ascensius) et du privilège signé par le pape Léon X en tête de l’édition de son œuvre. Né en Espagne à Torres (province de Jaen), il passe une partie de sa vie en Italie. Après avoir été naufragé devant les côtes africaines, et resté quelque temps en captivité, il arrive à Rome où il fera jouer ses pièces dans les palais cardinalices et devant Léon X. Selon les sources, il sera  banni pour avoir écrit une satire contre la justice, pour d’autres, c’est désabusé, en attente vaine de bénéfices ecclésiastiques, qu’il quitte la Ville Éternelle. Il se rend à Naples où après avoir publié son œuvre majeure, Propaladia, en 1517, nous perdons sa trace. On sait qu’il écrivit encore Comedia d’Aquilino [Aquilana]. Il a du mourir vers 1520.


Propaladia rassemble des poèmes (ballades et romances), épîtres (mini-traité sous forme épistolaire) et surtout six pièces dramatiques auxquelles viendront s’ajouter deux autres pièces Himenea et Aquinala. Avec elles, il pose les bases d’un théâtre nouveau. Il y a les comédies d’actualités qui traitent d’évènements réels, ce sont les Comedias Noticia, (les Comédies d’Actualités) et les comédies de fiction, les Comedias de Fantasia, (les Comédies de Fantaisie). Il y respecte la règle des cinq actes posée par Horace mais les appelle des Jordanas (Journées). Il respecte aussi l’unité d’action et de lieu. Parmi ses huit pièces, les plus connues sont Serafina et Tinelaria. Sa préface est considérée comme le premier traité d’art dramatique espagnol.

« Naharro réunit ses œuvres dans un volume qu’il publia sous le titre de Propalladia, autrement dit « exercice préliminaire ou prémices de Pallas », et qui contenait six pièces (Seraphina, Trophea, Soldadesca, Tinellaria, Ymenea et Jacinta), encadrées – en guise de « hors-d’œuvre » et de « dessert », comme les appelle l’auteur – de diverses pièces poétiques : chapitres, épîtres, romances, chansons et même trois sonnets en italien[38]».


Lope de Rueda 

Lope de Rueda (1510-1565) est né à Séville et mort à Cordoue. On sait peu de choses de lui sinon qu’après avoir été un temps ‘batteur d'or’ (batihoja de oro, artsan qui met l’or en feuille), vers 1540, il abandonne ce métier et devient acteur, auteur et directeur de troupes. Il est d’ailleurs à l’origine des troupes de comédiens professionnels. Les troupes venaient jusqu’alors d’Italie. Avec lui, le théâtre fut subventionné et devint rentable. Il parcours avec sa troupe l’Espagne jouant au gré des demandes princières ou sur les chars des fêtes de La Chaise-Dieu ou encore dans les théâtre public qui s’ouvrent à Séville, Madrid, Valladolid,, Ségovie, Valence. Il sera célèbre en interprétant des personnages comiques très typés.

Il passera néanmoins une bonne partie de sa vie à Valence où il sera à l’origine d’une brillante école de dramaturges valenciennois.

« Cervantes évoque avec nostalgie, en 1612, le jeu irrésistible de Rueda, interprète de ses pasos sur un plateau étroit sans décor » (Dictionnaire Théâtre op.cit.)

Écrivant ‘en direct’, en vu et en fonction du public qu’il côtoie comme acteur et meneur de troupe, il publie une première fois en 1567, trois colloques rustiques et cinq comédies sans intérêt notable, mais par contre « ses quatre intermèdes (pasos) constituent une création riche et originale et un jalon important de l’histoire du théâtre espagnol … Vocabulaire du quotidien, tournures et inflexions plébéiennes, reparties vives et spirituelles, compose un dialogue habile qui feint de refléter la langue populaire pour mieux la transcender dans une création artistique supérieure. L. Rueda restera dans l’histoire comme le promoteur génial de ce petit genre comique qui sous les noms successifs de paso, entremé et sainete constitue une des créations des plus vivantes et originales du théâtre espagnol » (Dictionnaire Théâtre op.cit.).

Il est l’auteur notamment de cinq comedias (en prose : Eufemia, Armelina, Los engañados, Medora ; en vers : Discordia y Cuestión de amor) ; de trois colloques pastoraux (en prose : Camila, Tymbria ; en vers : Prendas de amor) ; de dix pasos en prose : Los Criados, La Carátula, Cornudo y contento, El Convidado, La Tierra de Jauja, Pagar y no pagar, Las Aceitunas, El Rufián cobarde, La Generosa Paliza, Los Lacayos ladrones) ; d'un dialogue en vers : Diálogo sobre la invención de las calzas ; et d'un auto, courte pièce allégorique : Auto de Naval y Abigail.

Ces comédies sont directement inspirées du théâtre italien.


« Plus que de l'intrigue, l'intérêt de ces pièces vient des petites scènes, souvent mal reliées entre elles, qui les composent ; Rueda y montre son génie de l'anecdote qui apparaît aussi dans ce qui constitue le meilleur de son œuvre : les pasos. Ce sont — comme les entremeses [hors d’œuvre] — de courtes scénettes, comiques ou satiriques, d'une grande richesse folklorique. On avait coutume de les représenter au début des grandes comedias [comme Medora, Armelina, Eufemia et Los engañados] ou bien de les y intégrées ».   (https://www.universalis.fr /encyclopedie/lope-de-rueda).


Juan Timoneda

Juan Timoneda (1518/20-1583), né et mort à Valence, fut d’abord maroquinier et s’étant pécialisé dans la reliure, devint éditeur. Il compila et édita poèmes et romances ainsi que les œuvres de L.Rueda qui sans cela auraient été perdues.

Timoneda est connu pour ses nouvelles. Paru en 1567 « El patrañuelo [Le Foulard] ou Première partie des canulars de Joan Timoneda dans laquelle des histoires admirables, des enchevêtrements drôles et des inventions délicates sont traités » recueille  22 nouvelles.

Il est aussi connu comme dramaturge : « Son travail est en partie original, puisqu'il se limite parfois à adapter ou traduire ses modèles, mais avec un grand talent lyrique et une efficacité dramatique ».


Il est également l’auteur d’œuvres scéniques religieuses. Son Ternario Espiritual (1558) rassemble six auto-sacramentale dont La Ovaja Perdida(La Brebis égarée),la plus réussie, El Nacimiento (La Nativité), La Quinta Angustia (La Cinquième Angoisse) auquel s’ajoutent en 1575 deux Ternarios Sacramentales : L'esglishia militant (L'église militante ) et le Castell d'Emaús (Château Emmaüs) qui défendent la Contre-Réforme. (https://es.wikipedia. org/ wiki/Lope_de_Rueda, base de la biographie).

« Par ses thèmes, par ses sujets allégoriques et eucharistiques et par sa grâce poétique, Timoneda est le précurseur des grands dramaturges religieux du Siècle d’Or ». (Dictionnaire Théâtre op.cit.)


Juan de la Cueva

Juan de la Cueva[39] ( ou de las Cievas, 1543- 1612), né à Séville, avait pour père un avocat de l’Inquisition. Ce que l’on sait de lui tient pour bonne partie de l’histoire qu’il a écrite de sa famille, Historia y Sucesión de la Cueva et des parties autobiographiques de ses écrits.

Il fait d’approfondies études humanistes à l’université de sa ville natale où il a pour maitre Juan de la Mara (1524-1571), poète et parémiologue (qui étudie et collectionne les proverbes). Il fréquente le cénacle du peintre et théoricien de l’art, et maître et beau-père de Vélasquez, Francisco Pacheco (1564-1644) et du poète, musicien, joueur de vihuela et mécène, Juan de Arguijo (1567-1622)[40].

Dans la période 1564-74, il est amoureux de Felipa de laPaz, qu'il rencontre en 1567 et qu'il chante sous le nom de Felicia, et compose des vers amoureux selon les conventions néoplatoniciennes et pétrarquisantes.


À l'âge de 31 ans, en septembre 1574, Juan de la Cueva s'installe en Nouvelle-Espagne (Empire Colonial/Amériques Nord et Centre/capitale Mexico). Il accompagne son frère Claudio (1551-1611) qui avait obtenu une charge dans la cathédrale de Mexico et avait été nommé Inquisiteur apostolique et archidiacre de Guadalajara. Comme on en trouve la trace dans les 32 poèmes du Mexique, contenus dans le recueil collectif Flores de baria poesía (1577), la nostalgie de son pays le fait y retourner en 1577 ; son frère quittera le Nouveau Monde 5 ans plus tard.

De retour à Séville, il se consacre de 1579 à 1582 à l’écriture dramatique. Il écrit (ou finalise) quatorze pièces qui  seront jouées à Séville et dont six comédies et quatre tragédies seront publiées l’année suivante. En cette année 1582, est publié le recueil de ses poèmes sous le simple titre Œuvres de Juan de la Cueva, qui comprend en trois parties, des sonnets, des élégies et des canciones, deux madrigaux et des sextinas ( ou sestine : poèmes de six strophes de six lignes) , trois églogues, et un poème mythologique, el Llanto de Venus en la muerte de Adonis. (Le Cri de Vénus sur la mort d'Adonis).

De la Cueva continue de se consacrer à l’écriture de poème. Paraît en 1585, Viaje de Sannio (Le Voyageur de Sannio [Italie], un long poème de 492 hexamètres de type allégorique qui traduit ses ennuis littéraires En 1587, paraît le Febeo Choir of Historical Romances. Dans les années 159O, il écrit des élégies dédiées à des personnage importants et deux sonnets pour la mort de Philippe II (†1598).


En 1591, il séjourne aux Canaries avec son frère et continue à écrire des poèmes. Il est de retour en 1595 pour un projet de publication de la seconde parties de ses comédies et tragédies qui n’aboutira pas. En 1603, il publie La Conquête de Betica, poème héroïque en 24 chants de 2573 en octosyllabes qui pour la première fois parle de la Reconquista et particulièrement de celle de Séville en 1248 par Ferdinand III. Thème qui fera par la suite florès dans les romenceros, cancioneros et au théâtre. Poème dans lequel on sent l’influence du Torquato Tasso de la Jérusalem Délivrée (1581, voir Poésie/Italie/3ème Génération).

 En 1607, il a pu rejoindre son frère, inquisiteur, à la ville historique de Cuenca (province de La Mancha). En 1606 paraît El Ejemplar poético (1606), une défense et d'illustration de la nueva comedia dont il est juste titre, un des fondateurs.

Il séjourne ensuite dans la ville de La Mancha où il termine Los Cuatro libros de los inventores de las cosas (Les Quatre Livres des Inventeurs des Choses). Entre 1606 et 1609   paraît sa dernière œuvre, L' Ejemplar poético (Poétique exemplaire) véritable traité de poétique.

« L'écrivain avisé avertit le verset qu’il doit être clair, facile, nombreux en son et excellent en esprit. Il doit être figuratif, copieux de phrases et exempt de dictions qui le rendent humble ou rugueux. L'élévation des voix et les prières sublimes sont souvent vicieuses et affaiblissent la force des raisons…. »

En 1611, son frère meurt et il se rend à Grenade où vit sa sœur. Il y meurt l’année suivante en 1612, pauvre, sans même avoir les moyens de payer son inhumation qui sera payée par sa famille.


Pour le théâtre, de la Cueva aura écrit dix comédies et quatre tragédies. 

« La mise en scène de certaines de ces œuvres était déjà favorisée à l'aide de certains moyens scénographiques évolués, comme l'utilisation d'une scène intérieure qui servait de partie avant du corral avec ses balcons et galeries supérieures, ou l'utilisation de sources , des pièges et des machines rudimentaires. L'un des aspects les plus remarquables de cette production théâtrale est la grande variété de sujets qu'elle traite ». (Real Academia de la Historia http://dbe.rah.es/ biografias/5637/juan-de-la-cueva)

De même que son œuvre poétique qui va du poème pétrarquisant au poème allégorique en passant par le poème burlesque, l’églogue et romencero, mais sur laquelle il jetait un regard sceptique, son écriture théâtrale est remarquable par la variété de ses thèmes. Il s’inspire soit de l’histoire de l’Espagne même récente, soit de l’antiquité gréco-romaine, soit de lyrique :

     - Comédies : La muerte del rey don Sancho y reto de Zamora, La libertad de Roma por Mucio Cévola, La libertad de España por Bernardo del Carpio, El saco de  Roma, El degollado, El tutor, El viejo enamorado, El infamador, La constancia de Arcelina,El príncipe tirano

      - Tragédies : Los siete Infantes de Lara, Ayax Telamón sobre las armas de Aquiles, La muerte de Virginia y Apio Claudio, El príncipe tirano.


L’apport au théâtre de de la Cueva est d’avoir choisi pour la première fois des thèmes de l’histoire espagnole mais aussi d’avoir écrit des comédies de mœurs comme El Viejo enamorado ou La Constancia de Arcelina. La plus célèbre El Infamador (Le Diffamateur) dans la veine de La Célestine fait apparaître un personnage dont on dit qu’il préfigurait le Don Juan d’un des trois grands dramaturge du théâtre baroque de l’âge d’Or espagnol Tirso de Molina († 1648 voir âge Classique/Théâtre Espagne ; Don juan qui inspira tous les autres Don Juan, de Molière à Mozart.


Portugal

Gil Vicente

Gil Vicente (1465/70-1537), sans doute né à Lisbonne, est identifié par certains comme orfèvre et par d’autres comme professeur de rhétorique du roi Dom Manuel 1er dit le Grand (1469-1521,voir Arts/Style Manuelin). Ses données biographiques sont pauvres. L’on ait qu’il a été poète de sa cour, qu’il fut aussi musicien, acteur et qu’il mena une troupe. Il se maria deux fois et eut trois, puis deux enfants. Du roi Dom João III, qui régna après son père de 1521 à 1557, il recevra une généreuse pension.

« Beau parleur, le dramaturge se moque allègrement de tous : la noblesse, le clergé, les professions libérales. Sous la raillerie apparente se cache une véritable volonté humaniste d’améliorer la société. Ses satires sociales se présentent sous la forme nouvelle d’ « autos », sortes de drames religieux à l’intrigue moralisatrice et aux personnages caricaturaux. Prolifique, Gil Vicente rédige près de 44 pièces de théâtre. » (https://editionschandeigne. fr/auteur/gil-vicente).

Le « Plaute[41] Portugais » doit être considéré comme le premier auteur dramatique portugais. Del Encina doit partager cette primauté en Espagne, puisque Vicente écrivait aussi bien en portugais qu’en castillan.


Dramaturge officiel de la cour, il écrira tout au long de sa vie pour les fêtes religieuses et les grands événements comme en 1502 un court poème en castillan, le Monológo del Vaquero (Le Monologue du Bouvier) pour la naissance de l’héritier à la couronne, le futur Dom João III ; et en 1524, Le Frágua de Amor (La Forge de l'Amour) pour le fiançailles de la sœur du roi João avec Charles-Quint. À la noël de la même année, 1502, il donne un « Auto Pastoril Castelhano (Jeu Pastoral Castillan). En 1513, il écrit l’autosacramental, l’Auto de la Sebila Casandra, un drame religieux qui demeure le plus connu des drames liturgiques s’inscrivant dans le thème de la Nativité. Il y mêle la mythologie grecque à la mythologie chrétienne : Cassandre refusant de se marier au Roi Salomon et de porter en elle le Christ.

L’année 1527 est une année de grande production. Sont notamment jouées La Tragi-comédia pastoril da Serra da Estrela (La Tragicomédie Pastorale de Serra da Estrela) et La Farsa dos almocreves (La Farce des Muletiers). Date de 1529, la satire Clérigo da Beira (Le Prêtre de Beira), de 1533 les tragi-comédies Romagem de Agravados (Les Aggravés) et de 1536, Floresta de Eenganos (La forêt des mensonges), … au total « quarante-quatre pièces [dont] onze sont écrites en castillan, quinze en portugais, et les autres dans un mélange de portugais et d'espagnol.» (Encyclopedia Britannica).


Aux pièces religieuses qui détermineront le genre de Auto-Sacramental comme celles de El Encina, aux tragi-comédies, aux pastorales et aux faces satiriques, il faut ajouter les pièces lyriques comme son Triomphe de l'Hiver de 1529. Toutes développaient une grande mise en scène faisant appel à des machineries.

Une de ces œuvres est particulièrement remarquable autant pour sa profondeur psychologique que pour la fluidité d’une langue empruntée au portugais et au castillan, langues à l’époque sinon sœur du moins cousine : Don Duardos, tragi-comédie jouée en 1521, d’inspiration courtoise. Un prince anglais venu à la cour de l’empereur de Constantinople, Palmerin, tombe amoureux de sa fille et se fait jardinier du jardin où Flerida se promène. Elle finira par percer le secret de Don Duaros et laissera parler son cœur. Don Duardos est inspiré d’un roman espagnol anonyme publié en 1512. Ce roman qui connaissait alors un grand succès, contient dans le premier livre les exploits chevaleresques de Parmelin[42] d’Olive, empereur de Constantinople, et dans le second ceux de son fils Parmélion de Grèce.


Les avis sont très partagés sur un Gil Vicente orfèvre qui aurait réalisé le chef-d’œuvre de l’orfèvrerie portugaise, la monstrance (ostensoire de forme allongée) Custódia de Belém (L’Ostensoire de Belém). Il s’agirait d’un autre Gil Vicente, orfèvre. Un œuvre « de style gothique tardif. Pour sa fabrication ont été utilisés «1500 miticais[43] d'or » amenés par Vasco da Gama à son retour de son deuxième voyage en Inde en 1502, envoyés en hommage par Régulode Kilwa (aujourd'hui Kilwa Kisiwani, Tanzanie), qui a ainsi

reconnu la vassalité au roi du Portugal[44] ». (https://pt.wikipedia.org/wiki/  Custódia de Belém). Le roi le destina au monastère hiéronymite Santa Maria de Belém.


Outre-Rhin 

Hans Sachs

Hans Sachs (1494-1516, voir  Poésie Outre-rhin/ Hans Sachs) « s'est fait l'un des propagandistes les plus actifs de la Réforme luthérienne, en traduisant ou en transposant en allemand des psaumes bibliques et des passages de l'Ancien et du Nouveau Testament. Auteur de théâtre, il a écrit une immense production dramatique inspirée de thèmes antiques ou bibliques, et il a surtout été l'un des représentants les plus féconds et les plus authentiques d'un genre dramatique particulier, le jeu de carnaval(Fastnachtspiel). Ces courtes saynètes (elles font en moyenne environ 200 à 250 vers) étaient jouées, au moment du Carnaval, par des groupes d'amateurs ambulants, qui allaient d'une taverne à l'autre et présentaient des farces, mettant en scène des personnages typés : le paysan naïf, le paysan rusé, le mari balourd et sa femme acariâtre ou infidèle, le prêtre paillard ; le vocabulaire est en règle générale extrêmement truculent, les allusions obscènes ou scatologi- ques se retrouvent à chaque instant, manifestant le dernier défoule- ment avant la période du carême. Le jeu de carnaval exprime ce que l'on a appelé la « culture du rire » (Lachkultur), et on le rattache parfois à une très ancienne tradition de libération des forces vitales. Cette tradition du théâtre de grosse farce, occultée aux XVI et XVII siècles, réapparaîtra vers la fin du XVIII notamment chez Goethe, qui n'hésite pas, dans une œuvre aussi profondément et insolublement tragique que Faust, à introduire des scènes directement inspirées du théâtre populaire traditionnel. (Jean Louis Bandet, Histoire de la Litterature allemande, http://excerpts.numilog.com/books/ 9782130481942.pdf).


Le Théâtre Anglais

Au XVIème siècle, le théâtre Outre-rhin suivra comme l’on dit le mouvement avec la constitution de troupes itinérantes qui, en Europe, ont marqué le début des comédiens professionnels. Ce sont d’ailleurs les comédiens anglais qui seront à l’origine des ‘Wanderbühnen’ (tournées itinérantes) en Allemagne. Mais il faudra attendre le siècle suivant pour que ces troupes soient allemandes bien que les acteurs se feront toujours appelées « comédiens anglais » (Michel Corvin, Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre, Bordas 1991).

Les pièces sont des adaptations des pièces anglaises, françaises ou encore espagnoles, à sujets essentiellement politico-historiques. Comme dans les autres théâtres européens, les représentations sont interrompues par des farces pour lesquelles se fera connaître un personnage resté célèbre Hanswurst, Jean Saucisse, qui « rappelle à la cour la pesanteur de la matière et les jouissances élémentaires de l’existence. « ‘Lard et fromage’ répond-il au chevalier qui ne parle que mort et carnage » (M. Corvin op./cit.).


Le Théâtre Jésuite

Le théâtre sera un tremplin pour les Réformés. Au cours des Passions, des cantiques luthériens seront chantés. Mais les jésuites dont l’ordre a été fondé en 1565 dans leur contre-offensive à la Réforme vont développer dans leurs collèges dans la seconde moitié du XVIème siècle, après le Concile de Trente (1542-1563), un théâtre pédagogique.

Les jésuites ont fait de l’enseignement leur spécialité, le meilleur moyen pour eux de développer et entretenir la foi catholique. Leurs collèges se sont multipliés à grand échelle dans toutes l’Europe. C’est en Allemagne du Sud que va commencé à se développer des « drames de martyr » qui se veulent édifiant pour le public et formateur du comportement social pour les acteurs. On ne va pas enseigner aux élèves un quelconque art du comédien mais une art oratoire qui prend modèle sur les rhéteurs latins comme Quintilien (35-96), et qui allie la déclamation à une gestuelle « qui souligne par des procédés de construction corporelle les effets de sens de la phrase oratoire » (M. Corvin op.ct. pg 453). Cela ne va pas sans rappeler les représentations des premières tragédies françaises où le discours prédominait sur un jeu de scène quasi inexistant.


Jakob Bidermann

Jakob Bidermann (1577-1639), né dans le Bade-Wurtemberg, était un prêtre jésuite, professeur de théologie autant que dramaturge. C’est écrits théologiques sont d’ailleurs plus nombreux que ses œuvres pour le théâtre qui comptent trois pièces : Cenodoxus (1602), De Belisario Duce Christiano (1607) et Philemon Martyr. Un théâtre pessimiste et sombre dont le thème central est celui de la vanité de toute aspirations terrestes. Les représentations donnent lieu à « des scènes de faste et de foule pour l'œil, des intermèdes musicaux pour l'oreille. » (https://www.deutsche-biographie.de/sfz4388.html)

On lui doit également une épopée Herodias (1622) et un roman Utopia, publié en 1644, dont le genre avait été initié par l’humaniste Thomas More en 1516 avec son De optimo reipublicae statu, deque nova insula Utopia (La meilleure forme de communauté politique et la nouvelle Île d'Utopie). Bidermann est le meilleur représentant du théâtre jésuite. Il est à l’origine du théâtre baroque en Outre-rhin et particulièrement de l’École Silésienne d’Andreas Gryphus qui lui doit sa conception du Trauerspeil, un théâtre du deuil, profondément pessimiste. (voir Âge Classique/Littérature XViième S./Théâtre Outre-rhin).


Flandres

Cornelis Everaert

Cornelis Everaert (1480-1556), né et mort à Bruges, exerça comme son père la profession de teinturier et de foulonnier (foulage des draps) mais aussi celle de scribe. Il appartint aux deux Chambres de Rhéthorique (voir Poésie/Pays-Bas) de la ville, celle du ‘Saint-Esprit et celle des ‘Trois Saintes’, mais rien n’indique qu’il fut un des auteurs principaux ni un metteur en scène ; son rang devait être donc assez modeste.


Il écrivit aussi bien, selon les circonstances, des jeux religieux que des soties à caractère social et politique et par lesquelles il critique les mœurs du clergé. D’esprit plutôt frondeur, certains de ses jeux seront interdits à la représentation. D’autres jeux, Stout ende Onbescaemt (Du méchant et de l'Impertinent) ou Esbatement van den Vissche (Esbatement du Pêcheur), dénotent une certaine misogynie. Sa pièce la plus connue est Esbatement van Scamel Gemeente ende Tribulasie (Esbatement de la Bourgeoisie et Tribulations) dans laquelle il dénonce les vices et défauts qu’entrainent l’embourgeoisement, l’enrichissement, auxquels heureusement les pauvres peuvent échapper par tous les malheurs qu’ils doivent subir. La morale pourrait être celle de la fable du Savetier de La Fontaine: « Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme, Et reprenez vos cent écus ».


Dans Van Groot Labuer en Sober Wasdom , il rappelle aux bourgeois de prendre patience devant les difficultés économiques et de partiquer ‘les vertus’. Si ses sujets sont graves, le ton demeure léger. Everaert a sans doute été des dramaturges de son époque un de ceux qui avait le plus grand sens du comique. En cela, il reste par trop méconnu.

Six de ses pièces, de circonstances, dont Tspel van den Hooghen Wynt ende Zoeten Reyn ( Pièce du Haut Vent et de la Douce Pluie) sur la victoire de Charles-Quint à Pavie (1525), Tspel van Ghewillich Labuer ende Volc van Neerrynghe (Pièce du Travail Volontaire et du Peuple de Commerce) sont des ‘spele van zinne’[45],

« genre dramatique typique des Rhétoriqueurs et comparable à la moralité française. Le but des spelen van zinne était de transmettre au public un ‘zin’, une idée, une notion qui était généralement d’ordre moral. Il s’agissait donc d’une sorte de morale dramatisée ».

« Par son orthodoxie assagie, où l'élément éthique est prédominant, par l'intérêt porté à la vie sociale et domestique, qui relègue les questions religieuses à l'arrière-plan, et par la volonté de versifier des morceaux légers et joyeux à une époque turbulente, Everaert représente une attitude caractéristique de nombreux catholiques romains de son temps ». (Wikipédia/ Cornelis Evaert/Kalff, p.69[archive].)

C. Everaert a rassemblé dans un seul cahier ses 35 pièces qui représentent l’ensemble de son œuvre théâtrale. La documentation sur ses textes s’arrête à l’année 1537, ce qui laisse supposer qu’il a cessé d’écrire pendant ses vingt dernières années, désabusé qu’il a pu être par la politique impériale et les tribulations qu’il a pu rencontré en écrivant ce qu’il pensait être juste (voir Samuel Marcel).


NOTES
[1] Ces tropes agrémentés de musiques seront le point de départ de la polyphonie dès le Xème siècle. Tropes a aussi un sens métaphorique. Le Larousse donne en exemple l'emploi de 'voiles' pour 'vaisseaux'.

[2] La glose, commentaire et explication en marge d’un texte, est apparue avec le scolastique Anselme de Laon (1050-1117) dont la glose sur l’Écriture Sainte fondera une nouvelle didactique en usage tout au long du Moyen-âge. Mais la farce qui alors était une glose ne pouvait être que le fait de l’officiant.

[3] Citation et pour en savoir plus sur son histoire et ses thèmes, cf. Norman Leroux, La Farce du Moyen-âge, https://www.erudit.org/fr/revues/ etudfr/1979-v15-n1-2-etudfr1689/036682ar.pdf

[4] Sur Le Jeu du Prince et de la Mère Sotte voir Robert Paul https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/le-jeu-du-prince-des-sots-et-de-mere-sotte.

[5] L’assassinat le 23 décembre 1588 d’Henri de Lorraine, 3ème duc de Guise, reste dans les mémoires comme un des plus célèbres épisodes de l’histoire politique de la Renaissance. Croyant que le roi Henri III l’a convoqué en son château de Blois pour enfin le nommer connétable (Grand Chef des Armées) comme il l’espère depuis longtemps, le duc qui, confiant, n’est pas suivi de sa garde personnelle, traverse l’antichambre royale pour rejoindre le roi en son cabinet (bureau). Il est alors transpercé de quelque trente coups d’épée par une partie de la garde personnelle du roi. Son frère venu à son secours sera arrêté et brulé. Le roi voyait en le Duc non pas le défenseur de la France catholique et donc de la royauté mais un rival en accointance avec les huguenots pour s’emparer du trône.

[6] « En 1567, le poète français réformé Florent Chrestien publie pour la première fois chez Louis Rabier une pièce de théâtre qui se présente d’emblée comme la traduction de la tragédie latine originale de George Buchanan, éditée en 1554 par Guillaume Morel, non sans succès : Jephté ou le Vœu. » (Carine Ferradou, Études Épistémé 23/2013, https://doi.org/ 10.4000/episteme.265)

[7] Catharsis : « Pour Aristote, effet de « purification » produit sur les spectateurs par une représentation dramatique. » (Larousse). Signifiant étymologiquement ’séparation’, la catharsis s’applique aussi bien au domaine des émotions, qu’à la séparation de l’âme et du corps et à toutes séparation(évacuation) corporelle. Mimesis : notion platonicienne signifiant imitation et se rapportant initialement au domaine pédagogique et que Aristote placera au centre de sa Poétique et dans laquelle il introduit une distinction qui sera elle-même au centre des préoccupations des artistes de la renaissance, la distinction entre la simple imitation, à la limite la simple reproduction (de la nature) et une idéalisation, un l’embellissement (de la nature).

[8] Voir Jean de La Taille, citation de Wikipédia.

[9] Collectif, Langues et Littérature/ Anthologie/XVIème siècle/Théâtre , Éditions Nathan 1992

[10] Si effectivement les Mystères qui s’étalent sur plusieurs jours avec des centaines de personnages (non professionnels), la raison de leur interdiction est d’ordre politique,. En cette période troublée qui verra comme un aboutissement inéluctables les guerres de religion le pouvoir royal ne voit pas d’un bon œil de tels rassemblements pour un motif religieux.

[11] « J’ai pu lire dans  tous les ouvrages consultés, que le manoir du Petit Limodin, situé rue du Limodin, sur la commune de La Houssaye, avait été la demeure du poète Etienne Jodelle. En consultant bon nombre d’archives, dont celles du château de La Houssaye, je me suis rendu compte que cette hypothèse était fausse. En réalité, celui-ci vivait au « Grand Limodin », Terre de « La Grande Jodelle », « Terroir des Chapelles Bourbon ». Après la mort d’Etienne Jodelle, sa propriété du Grand Limodin est vendue aux enchères le 5 mai 1574 avec une mise à prix de 500 livres ». Citations et pour sa biographie : Serge Randon, Étienne Jodelle, La Grande et Petite Histoire de La Houssaye, 2013, https://assoamis.pagesperso-orange.fr/etienne_jodelle/limodin.htm

[12] Certaines sources indiquent qu’il fut aussi le protégé du Cardinal de Lorraine. S’il s’agit de Jean qui avec Anne de Montmorency, fut le plus proche conseiller de François 1er, et l’un des hommes des plus puissants du royaume, il est mort en 1550, et s’il s’agit de Charles, il est né en 1561… ? Mais c’est Jean qui le fit connaître le premier à Henri II.

[13] Marie-Madeleine Mouflard In Robert Garnier 1545-1590. La Vie 

[14] Sur Robert Garnier et son influence sur le théâtre anglais sous Élisabeth1ère voir Belle, Marie-Alice, and Line Cottegnies, eds. Robert Garnier in Elizabethan England: Mary Sidney Herbert’s Antonius and Thomas Kyd’s Cornelia, Études canadienne de la Renaissance 2019© Canadian Society for Renaissance ; Pdf : https://www.erudit.org/ fr/revues/renref/2018-v41-n4-renref04746/1061929ar/

[15] Marc-Antoine Muret (1526-1585) fut un éminent professeur de rhétorique dont les ouvrages lui conférèrent une renommée européenne. Il fut l’ami de Jean Dorat et de Ronsard. Il fut chargé de nombreux discours officiels. Il passa les 20 dernières années de sa vie à Rome où il fut pendant toutes ces années professeur à l’Université de la Sapienza.

[16] Selon l’Encyclopédie Universalis, il aurait pris ce nom de Pierre Larivey à son ‘arrivée’ à Paris « où l’on trouve sa trace en 1586 dans le milieu des avocats et des membres du Parlement.».

[17] Sur le thème de l’humanité du Christ à la Renaissance, voir Bruno Méniel, « Pietro Aretino, Les trois livres de l’humanité de Jésus-Christ traduits par Pierre de Larivey, éd. Bruna Conconi », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 19 mars 2010,URL : http:// journals.openedition.org/crm/11810 ;DOI:https://doi.org/10.4000/crm.1181

[18] Sur l’Opéra de Paris (Académie Royale de Musique), la Comédie Française et la Comédie à l’Italienne sous l’Ancien Régime voir Solveig Serre Monopole de l’art, art du monopole ? L’Opéra de Paris sous l’Ancien Régime Entreprise et Histoire, Eska, 2008, pp 80-90, halshs -00397296.

[19] Citation et base de la biographie https://en.wikipedia.org/wiki/ George_Buchanan

[20] Selon l’Encyclopédie Universalis. Il est surprenant qu’aient pu être jouées là les dernières pièces de Shakespeare et non à son théâtre du Globe. Mais, il est vrai ue Shakespeare avait quité Londres et donc la troupe dès 1611.

[21] Le vers par excellence de la poésie grecque et latine était l’hexamètre dactyle, c’est-à-dire que le pied était composé d’une syllabe longue suivie de deux brèves (dactyle comme le doigt qui a trois phalanges).

[22] Voir Gammer Gurton’s Needle, Annotations and Notes, Elizabethan Drama.org, Copyright 2008

[23] Citations et pour en savoir plus sur T.Kyd : Elizabethan and Stuart Plays. Ed. Charles Read Baskerville. New York, Henry Holt and Company, 1934. pp. 421-422. http://www.theatrehistory.com /british/kyd001.html)

Sénèque (4/1-65), né à Cordoue, philosophe stoïcien, dramaturge et homme d’état romain, auteur entre autres d’ Agamemnon, Œdipe, Phèdre. Sénèque et Garnier venaient d’être édités à Londres.

[24] Thomas Arden était un riche marchand qui avait fait fortune sur les biens monastiques confisqués en 1538 par Henri VIII. Il fut assassiné par sa femme et son amant en 1551 à l’âge de 43 ans. Alice, sa femme, a été brûlée, son amant Mosby pendu. Les traces dans la neige qui s’était arrêtée de tomber, menaient du cadavre à la maison des Arden (Raphael Holished, Chronicles of England, Scotland and Ireland, https://en.wikipedia. org/wiki/ Arden_of_Faversham)

[25] Citation : Renaissance et Âge Classique : Émergence De La Propriété Intellectuelle : https://www.senat.fr/rap/l05-308/l05-3083.html)

À noter qu’à l’apparition de l’imprimerie au milieu du XVème siècle, pour imprimer leurs livres, les éditeurs devaient obtenir un privilège du roi, sans accorder à l’auteur une quelconque reconnaissance. Autant les écrits étaient par l’invention du Gutenberg plus largement diffusés, autant ils tombaient sous le contrôle de la censure royale. À noter, également, que l’Église n’a jamais eu le droit d’interdire la publication de livres. La mise à l’Index est la consignation sur un registre, l’Index librorum prohibitorum, créé au cours du concile de la Contre-Réforme (Trente 1545-1563), des livres que l’autorité ecclésiale interdisait aux fidèles de lire. Toujours en vigueur, l’Index, depuis Vatican II, ne relève plus d’une interdiction faite aux fidèles mais d’une recommandation. 

[26] Fondé en 1460, ce plus ancien collège de Paris qui était situé dans le 5ème arrondissement près du panthéon, ferma ses portes en 1998 et ses bâtiments servirent à loger une bibliothèque. Le Collège de Navarre fondé en 1304 par Jeanne 1ère de Navarre à l’emplacement des anciens bâtiments de l’École polytechnique (Montagne Ste Geneviève) sera fermé sous la Révolution.

[27] « The University Wits est une expression utilisée pour nommer un groupe de dramaturges et de pamphlétaires anglais de la fin du XVIe siècle qui ont fait leurs études dans les universités (Oxford et Cambridge) et qui sont devenus des écrivains laïques populaires. Les membres éminents de ce groupe étaient Christoppher Marlowe,Robert Greene, Thomas Nash de Cambridrige, John Lyly, Thomas Lodge,et George Peele d’Oxford. Thomas Kyd est également parfois inclus dans le groupe, bien qu'il ne soit issu d'aucune des universités mentionnées ci-dessus. (https://en.m.wikipedia.org /wiki/University_Wits. »

[28] Base de la biographie Elizabethan and Stuart Plays. Ed. Charles Read Baskerville. New York, Henry Holt and Company, 1934. pp. 421-422. http://www.theatrehistory.com/british/marlowe001.html

[29] Cf. le long article documenté sur https://fr.wikipedia.org/wiki/ Paternité_de_œuvres_de_Shakespeare

[30] L’iambe est un pied composé d’une syllabe courte et d’une syllabe longue. A proprement parlé, il ne peut y avoir de vers blanc en soi, c’est-à-dire sans rime puisque la rime ne commence qu’au second ou deuxième vers. Un vers ne peut être dit est blanc qu’en rapport avec un autre vers.

[31] Pour en savoir plus et source : "Shakespeare mis à nu", film documentaire de Claus Bredenbrock-Production Florian- coproduction Arte. © wdr 2012

[32] Citation et pour sans savoir plus sur Chapman : https://www.bartleby.com /library/prose/1292.html, ainsi que Jean Jacquot, George Chapman, 1559-1634 - Sa vie, sa poésie, son théâtre, sa pensée. Thèse présentée en vue du Doctorat ès lettres devant la Faculté des lettres de Lyon, Éditions des Belles Lettres Paris 2007.

La Matrone d’Éphèse, un des récits licencieux du Satiricon de Pétrone (peut-être un favori de Néron) : une veuve éplorée se rend dans le caveau de son défunt mari et veut selon la tradition mourir à ses côtés. Un gardien des tombes survient et la séduit. Voir Camille Fort, De Pétrone à Fry, la matrone d’Éphèse: Tribulations d’un cadavre conjugal, Polysèmes, Revue d’études intertextuelles et intermédiales 8 | 2007.

[33] Michel Plaisance, https://jps.library.utoronto.ca /index.php/qua/article/ view/26274. Selon lui, la représentation est donnée à l’occasion de la fête des saints Côme et Damien en septembre 1536.

[34] Cf. https://wepa.unima.org/fr/ezequiel-vigues-i-mauri/

[35] « Enregistré pour la première fois en 1650–60, de l'italien pasquinata «pamphlet, satire», dérivé du pasquino italien, supposément le nom d'un instituteur romain local (ou tailleur, ou cordonnier, ou barbier) et le surnom donné au 3ème siècle av. à la statue romaine qui a été déterrée en 1501 et qui était annuellement décorée et affichée avec des versets » (https://www.dictionary.com/browse/pasquinade). Certaines sources disent la statue représentait Pasquin, un célèbre gladiateur.

[36] Citation et pour ce passage voir Caroline Fischer, L’arétin en France, L’Orient : Dix-Huitième Siècle Année 1996 28 pp. 367-384 , https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1996 _num_28_1_2124.

[37] https://www.criticadelibros.com/drama-y-elemento-humano/triunfo-de-la-fama-jacopo-sannazaro/ Et non comme l’indiquent certaine sources Il Triunofo della Fama de Sannazaro représenté la même année1492 à Castel Capuano, devant Alphonse duc de Calabre.( Voir Poésie/Italie/Sannazaro)

[38] Voir Torres Naharro, Bartolomé de « Prohemio » in Torres Naharro, Bartolomé de Propalladia de Bartolomé de Torres Naharro. Nápoles, Ioan Pasqueto de Sallo, 1517, 16 de marzo, In-fol. (2 p.) Éditeur scientifique : Pérez Priego, Miguel Ángel. http://www.cervantesvirtual. com/obra-visor/propaladia--1/html/

[39] Base de la biographie http://www.cervantesvirtual.com/portales/juan_ de_la_cueva/autor_biografia/

[40] Un des grand poètes du Siècle d’Or espagnol : « Il a réagi contre le culteranisme* qui a séduit la majorité de ses contemporains, appartenant également à l'école sévillane, opposant le classicisme et l'érudition archéologique à ladite esthétique, de sorte que sa poésie apparaît aux critères actuels trop cultivée et froide, bien qu'elle jouisse une grande perfection formelle et un équilibre, qui montrent leur vertu dans des sonnets parfaits comme La Constancia ».( https://es.wikipedia.org/wiki/ Juan_de_Arguijo) voir Tome 3/Âge Classique/XVIIès./ Poésie Espagne

* Culturanismo, style cultureno : « Un style littéraire de la période baroque espagnole, caractérisé par un vocabulaire très ornemental et ostentatoire et un message compliqué par une mer de métaphores et un ordre syntaxique complexe ». Luis de León s’opposa aussi au gongorisme (voir Poésie/Espagne).

« Le culteranismo (…cette orientation poétique est aussi généralement appelée ‘’gongorismo’’) se définissait initialement comme une voix péjorative contre la poésie de Góngora et de ses adeptes, entendait faire des créations poétiques minoritaires et sélectives, en utilisant des ressources linguistiques variées …La syntaxe : rapprochement de la syntaxe castillane à l'ordre de la locution latine…La métaphore : relations cachées entre les objets comparés (la comparaison des objets est à la base de la métaphore) ; de type mythologique » (La Poesía del Siglo de Oro Siglo XVII: Literatura española del Barroco y Siglo de Oro, http://www.rinconcastellano.com/barroco/barroco_poesia.html).

« Péjoratif, le terme de cultéranisme, forgé d’après « luthéranisme » pour comparer ses adeptes à des hérétiques de l’authentique poésie, semble avoir été utilisé pour la première fois par l’humaniste espagnol Bartolomé Jiménez Patón (1569-1640), désigne en réalité un type de rhétorique déjà en cours dans le maniérisme. »

[41] Plaute (254-184) est le premier grand dramaturge latin, auteurs de comédies au comique de situation comprenant neanmoins de nombreux personnages dont certains sont des personnages types qui réutilise. Son « esclave astucieux » ne va pas sans faire penser aux valets de comédie notamment de Molière, qui tisse et détisse les fils de l’intrigue.

[42] Sur la découverte par Magellan de la Patagonie et l’origine du nom tiré du Grand Patagon que l’on trouve dans Parmaléon Cf. Bataillon, Marcel, http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1955_num_99_2_10423

[42] Traduit par mythe (?), ancienne monnaie africaine, le metical (pluriel

[43] Traduit par mythe (?), ancienne monnaie africaine, le metical (pluriel méticais) valait 880 reis.

[44] Un peu surprenant qu’un ‘regulo’, hiérarchiquement juste au-dessus du chef de village dans l’administration des colonies portugaise, ait pu fournir une telle somme et surtout d’avoir à reconnaître sa vassalité : « Le plus bas niveau d'administration était la regedoria , des colonies habitées par des Africains vivant selon le droit coutumier. Chaque regedoria était dirigée par un régulateur, un responsable africain ou portugais choisi sur recommandation des résidents locaux. Sous les régulos, chaque village avait son propre chef africain » (https://en.wikipedia.org/wiki/ Portuguese_Mozambique).

[45] Citation et pour en savoir plus sur l’l’œuvre de Everaert : Samuel Mareel, Entre Ciel et terre, le Théâtre Socio-politique de Cornelis Everaert, Université de Gand.

 



RÉCITS ET AVENTURES

France - Espagne - Italie - Outre-Rhin - Outre- Manche

France

Marguerite de Navarre

Marguerite, reine de Navarre (aussi Duchesse d’Alençon et d’Angoulême, 1492-1549), est la sœur aînée de François1er [1] et par son mariage avec Henri II d’Albret la grand-mère maternelle d’Henri IV par leur fille Jeanne d’Albret. Très tôt, son engagement religieux se manifeste comme en témoigne sa première œuvre Dialogue en forme de vision nocturne (1524). Elle est proche des idées religieuses réformatrices et particulièrement de la Devotio Moderna (voir Tome 1/Bas Moyen-âge/ Spiritualité), courant spirituel réformiste apparue aux Pays-Bas (Belgica), prônant l’exemple christique dans la vie séculière, rejetant la démarche intellectuelle (mentale) pour une approche plus sensible que cérébrale, et dans laquelle la prière joue un rôle prépondérant comme approche de la contemplation. L’ouvrage anonyme écrit au siècle précédant L’imitation de Jésus-Christ est la référence de ce courant spirituel sinon le point de départ. Elle recevra à sa cour de Navarre à partir de 1527 les protestants Jean Calvin, Guillaume Farel et Clément Marot et l’humaniste Guillaume Budé qui y mourra (Voir T2/Vol.1/Réforme/France)

Sœur du roi, Marguerite tentera de jouer un rôle politique en intercédant auprès de son frère en faveur des réformés. Reine, en fait de la Basse-Navarre, elle essaiera en vain de récupérer les terres de Navarre situées au-delà des Pyrénées et qui constituaient la plus grande partie du Royaume de Navarre déjà sous la gouvernance des Aragon et qu’à partir de 1512 (>1525) Ferdinand d’Aragon intégra au Royaume d’Espagne. 

Marguerite aura plus de succès en protectrice des arts et des lettres. Son œuvre est d’inspiration religieuse. Elle a écrit quelques comédies et farces dont le personnage du médecin de l’une d’entre elles, Le Malade, ne va pas sans annoncer les médecins de Molière. Son œuvre majeure reste l’Heptaméron.


L’Heptaméron

L’Heptaméron se déroule en sept journées comme le Décameron de Boccace se déroulait en dix journées. Composé en 72 récits, religieux et mondains, sur le thème central de l’amour, amour profane et amour sacré, l’ouvrage restera inachevé à sa mort en 1549. Ses dix-neuf manuscrits n’auront été publiés qu’en deux fois au cours du siècle en 1558 et 59.

L’action qui se situe à l’automne 1546 « se passe dans les Pyrénées; les dix personnages qui y jouent un rôle sont réunis dans une abbaye où des pluies torrentielles les ont contraints de se réfugier : il leur faut attendre qu'on répare les chemins effondrés et que l'on construise un pont sur le Gave; pour passer ce temps sans ennui, ils conviennent de se rendre chaque jour dans une prairie voisine, où chacun racontera une histoire. (http://www.cosmovisions.com/text Heptameron.htm)

Certaines nouvelles relatent en partie des histoires vraies arrivées à l’auteur, à sa fille et à son entourage, les Rohan, les Médicis, mais bien d’autres sont empruntées

soit à une transmission orale comme l’anecdote rapportée, survenue à un couple au cours de l’expédition de Cartier-Roberval au Canada,

soit, non ouvertement, à des ouvrages antérieurs comme celui du Chevalier Geoffroy de Latour-Landry (1330-1402), le Livre pour l'enseignement de ses filles (1373), manuel d’éducation morale à l’usage des jeunes filles de la noblesse soit ouvertement comme La Châtelaine du Vergy, roman anonyme du XIIIème siècle qui reprend les thèmes traditionnel de la poésie courtoise.


Dans cette œuvre qui  a été a été qualifiée de « grand livre religieux »[2], Marguerite considère la vie conventuelle comme le meilleur remèdes aux amours malheureuses, mais fidèle à son temps, elle n’en vilipende pas moins les moines. Si elle présente de la femme une image valorisée par rapport aux hommes séducteurs, elle n’hésite pas non plus à évoquer ces «femmes infidèles et rusées».

S’agissant de récits contés par les « devisants » qui sont nobles -l’auditoire est constitué de gens de condition modeste- le style en est parlé, libre et enjoué ; mais il n’évite pas une certaine préciosité lorsqu’il s’agit de deviser sur l’amour. Parmi les devisants et devisantes se trouvent la grand-mère, dame d’honneur, et la tante de Brantôme quia été élevé à al cour de Navarre (voir Mémoires/Brantôme). L’auteure a souvent recours à l’antithèse et à la métaphore et parfois aux citations.

Marguerite de Navarre, mère de Jeanne d’Albret et grand-mère d’Henri IV dédie son ouvrage à la Princesse Marguerite de Bourbon-Vendôme (†1559) qui, épouse de François 1er de Clèves, Duc de Nevers († 1561) est la sœur de son gendre Antoine de Bourbon marié à Jeanne d’Albret, nièce par sa mère de François 1er.. Antoine et Jeanne auront pour fils Henri IV qui aura pour arrière-grand-père François 1er.


Rabelais

François Rabelais (1494-1553), de famille bourgeoise, est né à la métairie de La Devinière située près  de Chinon (Touraine) - où son père exerçait la profession d’avocat- et à mi-chemin de Liré et de Couture–sur-Loir où quelque trente ans plus tard naitront respectivement du Bellay et Ronsard. Après de toutes premières études à l’Abbaye toute proche de Seuilly, il entre comme novice non pas dans un monastère de Tours mais à 90km de là, près d’Angers, à l’abbaye de la Baumette où il suit une formation scolastique traditionnelle. En 1521, à déjà 27 ans, il est fait moine cordelier (franciscains français[3]) à l’abbaye du Puy-St Martin à Fontenay-le-Comte en Vendée.

Il étudie le grec de manière assidue et le droit. Il correspond avec Guillaume Budé (1467-1540) et traduit le second livre des Histoires d’Hérodote (480-425). La Sorbonne interdisant la lecture de la Bible en grec, ses livres grecs lui sont confisqués. Il poursuit ses études de droit à la faculté de Poitiers où il est le disciple de l’imminent juriste et humaniste André Tiraqueau (1488-1558) qui marqua de ses ouvrages l’histoire juridique française.

En 1528, il est étudiant itinérant, à Bordeaux, Toulouse, Paris, puis en 1530 à Montpellier où il étudie la médecine à la célèbre faculté où il aurait croisé Nostradamus. Sa licence obtenue, il commentera Galien et Hippocrate dans les textes originaux, ce qui est une véritable nouveauté.

En 1532, il professe la médecine à l’Hôtel-Dieu de Lyon.


Au XVIème siècle, opulente par ses filatures, Lyon est un des trois grands foyers culturels de la Renaissance française avec Paris et Nérac. C’est une place d’édition et d’imprimerie renommée. Des ateliers d'imprimerie comme celui de Jean de Tournes ou de Sébastien Gryphe, d'une grande production, y ont atteint une qualité qui n'a rien à envier à ceux de Venise ou de Paris. Une vie culturelle intense est animée par les amis médecins, musicologues, lettrés de Symphorien Champier (c.1472- ca.1531), médecin de renom, doyen du Collège des Médecins de Lyon, qui participa activement à la fondation du Collège de la Trinité dont il fut le premier Principal. Ce sont Maurice Scève, Clément Marot, (voir Poésie/France) Bonaventure des Périers, Corneille Agrippa et les traducteurs Claude Seyssel et Jean Lascarys (voir Humanisme)

Il publie un commentaire d’Hippocrate. Il découvre et fait publier les Lettres Médicinales du médecin ferrarais Giovanni Manardi (1462-1536), ami de Pic de La Mirandole, qui réfuta l’autorité médicale accordée aux textes musulmans et qui prôna un retour à la source grecque de la médecine. Symphorien Champier eut la même défiance et prôna une médecine plus locale. Il acquiert une réputation certaine auprès de ses confrères et sans apporter de découvertes particulières, son nom restera dans les annales médicales.


Cette même année 1532, il publie Les horribles et espouventables faictz et prouesses du très renommé Pantagruel Roy des dipsodes, filz du Grand Géant Gargantua, composez nouvellement par d’Alcofribas Nasier,  anagramme de son nom. Ce premier ouvrage, rabelaisien, est largement inspiré d’un ouvrage anonyme dont il pourrait être un des participants, les Grandes et inestimables chroniques du grant et enorme geant Gargantua au ton épique dans la veine arthurienne. Devant le succès, l’année suivante paraît La Pantagrueline Prognostication, pamphlet contre les pronostics astrologiques particulièrement en vogue à l’époque et que diffusaient les colporteurs (voir Almanachs).

En 1534, paraît La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme.

 Protégé du Cardinal Jean Du Bellay, oncle Joachim, il  le suit comme son médecin à Rome en 1534, et y reviendra avec lui en 1535-36, et en 1548-50. Il aura entre temps séjourné à Turin en 1540-43 auprès du frère du cardinal, Guillaume du Bellay, gouverneur du Piémont ( voir Almanachs et Mémoires/G. du Bellay).

Pour étudier à l’université de Paris, Rabelais avait dû se défroquer, quitter le froc monacal ou adopter la robe de prêtre. Lors de son second séjour à Rome, le pape lui accorda l’absolution. Il put ainsi retour en France en 1536 entrer à l’Abbaye de Saint-Maur des Fossés dont le dernier abbé n’était autre que Jean du Baillay qui avait sécularisé trois ans plus tôt l’abbaye qui était déjà sous commende[4]. Rabelais, ainsi libéré de ses vœux monastiques, est nommé Maître des Requêtes de l’Hôtel du Roi, charge juridique prestigieuse. Cette même année 36, il obtient la licence et son doctorat de médecin à Montpellier.

Il va exercer de nouveau à Lyon, puis dans le Poitou de sa jeunesse, dans le Midi et à Metz en 1546 où il s’est réfugié un temps dans la crainte des troubles religieux suite à l’affaire Étienne Dolet[5]. Metz, bien que ‘ville libre’, appartient encore à l’Empire Germanique et ne sera annexée au royaume de France qu’en 1552; ville protestante, elle est depuis un siècle un important centre d’imprimerie. Retour en France, il séjourne volontiers à St Maur tout en percevant les bénéfices de la cure de St Martin de Meudon que lui a octroyée son protecteur.

En1546, parait le Tiers Livre et en 1552, le Quart Livre qui est condamné par le Parlement. On perd alors sa trace. Rabelais meurt sans doute entre 1553 et 54. Le Cinquième Livre paraît en 1564 mais son attribution reste incertaine.


Les Œuvres

 « Dans ses deux œuvres majeures, Gargantua et Pantagruel [Rabelais] fait preuve d'un style hors du commun, d'une richesse du vocabulaire exceptionnelle et associe des opinions éclairées sur l'éducation, l'extension des savoirs ou la guerre, à une technique littéraire où le récit historique se mêle aux inventions fantastiques. Virtuose du langage et grand créateur de mots, polémiste, savant, précurseur dans de nombreux domaines, François Rabelais réalise la synthèse entre la tradition comique carnavalesque du Moyen-âge et les nouveaux savoirs de la Renaissance. Sa vie et son œuvre polymorphe, qui donne à rire et à penser, qui échappe à tout classement, sont le triomphe de la liberté d'esprit. » (http://www.evene.fr/ celebre/biographie/francois-rabelais-57.php)

Partout où Rabelais est allé, il a exercé son excellent don de l’observation. Qu’il s’agisse de « ses » paysans tourangeaux dont il connaissait très bien le patois, de la vie monastique de sa jeunesse, des milieux judicaires de ses années de formations, de la vie intellectuelle de Lyon, de la cour papale, toujours il a su l’intégrer à son œuvre et la rendre ainsi vivante.


Rabelais place Gargantua en premier livre bien qu’écrit après Pantagruel en 1534 au retour de son premier séjour à Rome. Bon roi et bon vivant, le géant Grangousier et la reine Gargamelle ont mis au monde un enfant qui est capable de boire par jour la traite de plus de 1700 vaches ; et son père de le nommer Gargantua pour avoir un gosier aussi grand que le sien. Le livre est en deux parties : l’enfance et l’éducation à Paris ; le retour auprès de son père pour combattre le mauvais et avide roi Picrochole qui a envahi leur terre natale. Aidé du vaillant Frère Jean des Entommeurs de l’Abbaye de Thélème dont la devise est « Fais ce que voudras », il met en fuite l’envahisseur.

Rabelais donne tous les bons conseils d’une éducation saine. Mais très jeune, Gargantua doit subir un précepteur de la vielle école scolastique, Thubal Holopherne. Puis, son père l’envoie à Paris. Là, il reçoit l’enseignement d’un humaniste répondant au nom grec, Pronocrates qui signifie « bourreau de travail ». Enseignement humaniste loin de l’apprentissage par cœur du Moyen-âge, qui laisse le temps aux activités physiques et à l’apprentissage des belles-lettres, mais sans perdre une minute de la journée.


Gargantua doit pourtant rejoindre sa famille. Les bergers du roi Grandgousier ont partie mêlée avec les fouaciers (marchands de galettes), sujets du roi Picrochole. Grandgousier offre une belle somme à Picrochole en compensation des pertes des fouaciers Mais Picrochole refuse car il trouve là un bon prétexte pour envahir les terres de Grandgousier, qui ne sont autres que les terres de l’abbaye de Seuilly où Rabelais passa son enfance. Abbaye dans laquelle, le frère Jean des Entommeurs décide de ne pas se laisser faire et entre dans la bataille. A la suite d’une série de combats burlesques, picrocholins, le moine et Gargantua triomphent. La victoire est célébrée à l’Abbaye de Thélème, occasion pour faire tenir à Gargantua un vaste discours de politique et de morale.


Rabelais avec une verve truculente ravage la vie paresseuse des moines, les pontifes de la Sorbonne, sorbonagres ou sorbonicoles, prend position pour le Collège Royal contre l’université, exhorte au retour d’une lecture directe des évangiles (évangélisme) et à un gallicanisme qui, plus est, débarrassé des superstitions médiévales.

Parti de la chronique bouffon anonyme qui l’inspira - s’il ne prit pas part à sa rédaction, il en publiera une première version qu’il remaniera par la suite- Rabelais  donna dans son Pantagruel tout à la fois une juste observation réaliste de la vie de son temps et une réflexion sur des thèmes sérieux comme les sciences, la justice, l’humanisme, tout en accomplissant le tour de force de laisser au texte sa démesure comique au long d’un voyage à travers le monde qui fait rencontrer au bon géant Pantagruel toutes sortes de gens, ridicules comme le juge Bridoye qui tire au sort ses jugements, ou malheureux comme Panurge passé à la broche par les Turcs et que Pantagruel veut marier et pour cela traite de la question du mariage.


Le Tiers Livre montre un Rabelais assagi. Quand le livre paraît, Rabelais s’est prudemment retiré à Metz suite à l’affaire Dolet. Après l’Affaire des Placards de 1534, François 1er, jusqu’alors tolérant entreprit une vague de répressions contre les hérétiques, les Évangélistes. Les récalcitrants, les réfractaires, les calvinistes seront appelés et se reconnaitront comme les Huguenots pendant les Guerres de Religions (Tome1/Événements Majeurs et Réforme France)

Henri II renforcera la répression. La Sorbonne avec l’aval du roi pourchasse tous ceux qui n’entrent pas dans le cadre de l’orthodoxie. Le ton est adouci, Pantagruel est devenu prudent philosophe et Panurge occupe la place centrale avec sa question de se marier ou non. Ce livre, bourré d’érudition et dans lequel l’auteur ressasse un peu, est condamné aussitôt par le Parlement.


Le Quart Livre, publié en deux fois en 1548 et 52, au cours d’un période où Rabelais a obtenu du roi le droit de publier et republier ses livres pendant dix ans, est dédié au cardinal Odet de Coligny, frère de l’amiral de Coligny qui sera  le premier assassiné de la Saint-Barthélemy. C’est au milieu de ces deux parutions que prend place la Crise Gallicane de 1551  qui voit s’opposer Henri II et le pape Jules III. Henri II qui a déjà admonesté les évêques français pour leur laisser-aller, les rendant responsables des fautes, erreurs, abus et scandales de la chrétienté, va reprocher au Pape nouvellement élu (avec le soutien des cardinaux français) de prendre parti au cours du Concile de Trente pour Charles Quint, concile au cours duquel il craint sous prétexte de « clarifier les dogmes » que soient remis en causes les possessions et les privilèges ecclésiastiques français.


Dans ce Quart Livre, on retrouve les personnages des livres précédents, Pantagruel, Panurge, Frère Jean des Entommeurs, l’écuyer Gymnaste, tous partis à l’instar de Jacques Cartier parti explorer le Canada, en expédition navale à la recherche de l’oracle de la Dive-Bouteille qui sera atteint au Cinquième Livre. Rabelais, mine de rien, réaffirme la rotondité de la terre en voulant lui faire atteindre son but par les Indes Supérieures (La Chine).

Ils aborderont une série d’îles dont les habitants ont pour nous des coutumes étranges mais toujours en relation avec l’actualité religieuse et politique comme sur l’île des Papefigues (protestants), voisins des Papimanes (catholiques), les papistes et antipapiste de la Réforme ; comme sur l’île des chicanous, les chicaneurs, les hommes de loi, ou encore cette rencontre avec ce bateau chargé de moines qui se rend au concile de Cheslil, en fait, le Concile de Trente qui s’est ouvert en 1543 et d’où sortira la Contre-Réforme.

Parmi les épisodes restés célèbres, on se souvient de celui des moutons de Panurge. Panurge qui reste un personnage central veut passer sa colère sur un marchand de mouton, alors qu’il a eu une peur bleue pendant la tempête que vient de subir leur navire. Il convainc celui-ci de lui vendre un mouton qu’il jette aussitôt pardessus bord et tout le troupeau de se jeter à l’eau. « Suivre comme les moutons de Panurge » est une expression restée tout autant inscrite dans la mémoire populaire que le « Revenons à nos moutons » de la Farce de Maître Pathelin.

Loin de la légèreté (apparente) des premiers livres, le Quart Livre est considéré comme le plus satirique des livres de Rabelais, le plus véhément contre l’Église, son désir de puissance, son intolérance, et condamne tout ce qui entrave la liberté de l’esprit.


Le Cinquième Livre, paru en 1564, est probablement de Rabelais mais pas de façon certaine. Une première édition des seize premiers chapitres s’était faite en 1562 sous le titre de l’Île Sonnante. En certaines parties, la verve rabelaisienne est présente, en d’autres elle fait défaut. On peut penser que l’œuvre commencée par Rabelais a été achevée par une main anonyme en vue de sa publication. L’expédition atteint son but : Panurge reçoit l’oracle de la Dive-Bouteille.

La première île sonnante (car les cloches ne cessent de tinter) que Panurge et ses compagnons abordent est habitée par des oiseaux qui ont noms Monagaux, Prêtregaux, Abbégaux, Évêgaux, Cardingaux, et Papegaux, Clergaux, et Clergesses, Monagesses, Prêtregesses, Abbégesses, Évêgesses, Cardingesses, Papegesses. Viennent d’autres île comme l’Île de Satin où animaux, plantes et humains sont en satin. L'Île des Esclots est habitée par les frères Fredons, les frères mendiants si peu estimés de Rabelais. Les explorateurs arrivent enfin au pays de la Dive Bouteille où officie la reine qui leur fait traverser un merveilleux vignoble où ils doivent accomplir certains rites (manger trois grains de raisin etc.) avant d’atteindre sous terre le temple de la prêtresse Bacbuc, temple magnifique et richement décoré. Après un rituel, Panurge pénètre dans le saint des saints où se trouve la Dive Bouteille. Après d’autres rituels, Panurge écoutant d’une seule oreille la bouteille, il entend un mot : ‘Trinch’. Babuc guide Panurge vers le grand livre dans lequel se trouve le sens de ce mot. Mais ce livre ne se lit pas, il se boit. Trinch veut dire « Buvez ! ». Le Cinquième Livre dans la lignée des précédents critique tout à tour, île après île, le carême, les ordres mendiants, la justice, l’autorité aveugle de l’administration.


Science Sans Conscience N’est Que Ruine De L’âme

C’est dans une lettre de Gargantua adressée à son fils Pantagruel que l’on trouve son célèbre aphorisme, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». La recherche scientifique et l’application de ces découvertes ne doivent pas s’écarter de valeurs morales au risque que la science de bienfait ne devienne un péril pour l’homme lui-même. La science doit se pratiquer dans un cadre éthique au risque de voir nos valeurs morales elles-mêmes s’effondrer. Aux tous débuts de la période moderne, Rabelais avait mesuré les risques que peuvent faire courir à une société une science incontrôlée.


La Substantifique Moelle

Si la morale de Rabelais peut se trouvait dans ses vers d’introduction à son Gargantua : « Mieux est de rire que larmes écrire/Pour ce que rire est le propre de l’homme », il n’en faudrait point pour autant se tromper sur les apparences puisque dans son prologue à ce même Gargantua, il nous dit « de rompre l’os et de sucer la substantifique moelle ».

La métaphore est celle d’un bon vivant qui a goût aux bonnes choses de la vie, qui en appelle à nos sens pour nous amener à comprendre en quoi ses idées sont bien concrètes. Tourner en dérision avec bouffonnerie pour plus de force le clergé, les juristes, les scolastiques, les méthodes anciennes, tout autorité arbitraire, c’est pour lui dénoncer les pratiques et usages d’un temps révolu, nous donner d’autres bases de réflexion, d’autre modèles, ceux particulièrement de la philosophie et de la morale humanistes grecques, du droit romain, des évangiles décantés de la gangue ecclésiale, de la science dégagée de son ‘occultisme’ médiéval. La joie de vivre à laquelle son « Buvez » donné par l’oracle à la fin de sa dernière œuvre comme fin mot de toute histoire humaine est une invitation à goûter la vie et ne plus se mortifier comme le commun des mortels a cru devoir le faire tout au long du Moyen-âge. L’œuvre rabelaisienne est une proclamation pour une vie nouvelle. Elle est de ces œuvres qui ouvrent aux Temps Modernes.


Hélisenne de Crenne

Marguerite Briet (1510-1560), picarde née à Abbeville, est documentée en 1530 pour son mariage à 20 ans avec un dénommé Philippe Fournel, seigneur de Crenne. C’est à peu près tout de ce que l’on sait de sa vie si non qu’elle divorça à l’âge de 47 ans pour aller vivre à Paris.

Les Angoysses Douloureuses Qui Procèdent d’Amour connut un très vif succès à sa parution en quatre éditions séparées de 1538 à 1541. Chez de Crenne, le souci d’écriture, style et composition, dépasse l’argument romanesque qui ne fait pas montre d’une grande originalité pour son époque. Les genres appartenant au récit de chevalerie, au roman sentimental et aux dialogues amoureux s’y mêlent. Mais plus important est le rôle qu’une femme de la Renaissance veut donner à l’écriture en lui confiant ses tourments.

L’auteure, également narrateur et protagoniste, amoureuse d’un homme de moindre condition, Guenelic, relate en une première partie dans un journal intime sa condition de femme battue, soumise à un mari jaloux, puis narre dans une deuxième et troisième parties, sans vraiment souci de la vraisemblance, les aventures lointaines de celui qu’elle aime, et ses tentatives pour la délivrer. La quatrième partie est consacrée au récit que l’ami de Guenelic, Quezinstra, fait de la mort des deux amants, de sa découverte et des confessions de l’auteur.


On cite comme ayant influencé Hélisenne de Crenne,

  • l’Elegia di Madonna Fiammetta (1344) de Boccace, lettre écrite par Fiammetta sur ses amours avec Pamphile,
  • Peregrino  de Caviceo (1442-1511), roman d’amour dédié à Lucrèce Borgia,
  • Petit Jehan de Saintré du poète courtois Antoine de La Sale, récit dans le goût arthurien,

         et les Illustrations de Gaule du poète rhétoriqueur et idyllique Jean Lemaire de Belges (1473-1525) auxquelles de Crenne emprunte le parcours d’Hélène et de Paris fuyant Sparte pour retracer celui de Guenelic et Quezinstra.


Du point de vue stylistique, le latin littéraire a conservé une place importante dans sa syntaxe et son vocabulaire.

Véritable best-seller de la Renaissance, réimprimé une dizaine de fois de son vivant, les Angoysses a fait l’objet dans le dernier quart du XXème siècle, d’un regain d’intérêt faisant de ce roman un protoroman moderne et situant son auteure parmi les écrivain.e.s important.e.s de la Renaissance Française.

Hélisenne de Crenne, que l’on considère comme un précurseure du roman sentimental, psychologique et épistolaire, a également écrit comme une suite aux Angoysses, les Épistres Familières et Invectives (1539)[6] et aussi Le Songe de Madame Helisenne (1540). Elle a aussi traduit les quatre premiers livres de l’Énéide qu’elle amplifie :

« Geste rhétorique défini, l’amplification ne renvoie pas qu’aux ajouts d’Hélisenne de Crenne portés au texte de Virgile : sous cette appellation figurent toutes les techniques par lesquelles la traductrice souligne l’importance de certains aspects du texte de Virgile, le commente, l’oriente vers une lecture érudite ou féministe[7] ».


Bonaventure des Périers

Le Bourguignon Bonaventure des Périers (1514-1554), n é en Bourgogne, à Arnay-le-Duc commence par faire ses humanités à Autun. Sous le nom d’Eutychus Deperius, il collabore avec le réformé Pierre Robert Olivétan (1506-1538) pour la première traduction en français de la Bible Bible des Martyrs qui paraît en1535. Il collabora à certains écrits et traduction d’Étienne Dolet (Commentaires de la langue latine) et) à la même période.

Il entre au service de Marguerite de Navarre en 1536 à la cour de Nérac(Navarre), où il a fort probablement rencontré et travaillé avec Lefèvre d’Étaples qui convié par la reine en 1530 y mourra six ans plus tard. Dans Les disciples et amys de Marot contre Sagon, La Hueterie et leurs adherentz, il prend fait et cause pour Clément Marot contre le poète François de Sagon de petite renommée.  Le poète récalcitrant (réfractaire) et auteur de l’Adolescence Clémentine s’est réfugié à la cour de sa protectrice après l’Affaire des Placards qui éclate en 1534 .


En 1537, en même temps que La prognostication des prognostications non seulement de ceste presente année MDXXXVII, mais aussi des aultres à venir, voire de toutes celles qui sont passées, composée par Maistre Sarcomoros, natif de Tartarie et secretaire du tres illustre et tres puissant roy de Cathai, serf de vertus, paraît  son Cymbalum Mundi, dans lequel sous forme de quatre dialogues, il exprime toute sa réprobation envers la religion réformée en mettant en scène aussi bien Jupiter et Mercure que les deux Martin réformés, Luther et Bucer (chef de fille de la Réforme en Alsace), « deux chiens résignés à leur mauvais sort ». Après sa mort, en 1558, est édité à Lyon, où il aura fréquenté le cénacle de Maurice Scève, Les Nouvelles Récréations et Joyeux Devis. Ce recueil de petites histoires et contes répond à une forme littéraire qui plaisait en son temps : Sur des canevas connus, l’auteur brode quelques épisodes de son cru d’une aiguille badine, amusée.


des Périers fait déjà partie de ses esprits libertins, appelés « libertins spirituels », qui commencent à prendre leur distance vis-à-vis de la religion et qui vont affirmer de plus en plus ouvertement et leur opinion sur le catholicisme et leur liberté de mœurs au siècle suivant avec notamment l’écrivain et musicien Charles Coypeau d'Assoucy (1605-1677), possiblement amant de Cyrano de Bergerac, puis et surtout au siècle du Marquis de Sade.


Guillaume du Bartas

Guillaume de Salluste du Bartas (1544-1590), né à Montfort en Lomagne  est issu d’une famille bourgeoise aisée du Gers. Après de solides études humanistes, il entre à la cour de Jeanne III d’Albret qui défend comme sa mère Marguerite les mêmes idées favorables à la Réforme. Guillaume se convertit pour lors à la foi des Réformés. Par la suite service du fils de la reine, le futur Henri IV (1553-1610), il accomplit différentes missions notamment comme ambassadeur. Et parallèlement à une carrière littéraire commencée tôt, il mène rondement des affaires immobilières qui lui permettent de devenir vraiment riche.

Homme de cour, il sait écrire des poèmes laudateurs à l’épouse et à la sœur de son maître. Il reste toute fois célèbre pour un livre qui fut lu dans toute l’Europe, La Création du Monde ou La Semaine, écrit en 1578. On comprend qu’il s’agit de décrire jours après jour les sept jours de la Genèse : la lumière, l’espace, la terre et les eaux … mais du Bartas ne joue pas la chronologie ; nous passons du futur que nous connaissons au présent de la création. Il mélange les temps et conjugue la création, ce qui est, ce qu’il adviendra. Et de même pour les lieux, on est ici puis ailleurs. Et c’est bien en cela l’originalité de l’œuvre qui nous conte la création en un lieu qui devient en fait unique, celui du monde de la création permanente, dans un temps toujours en mouvement. La création qui jamais ne commence et jamais ne finit. Ce qui est déjà son futur est encore son passé.


Espagne

Bernardim Ribeiro et Le Roman Pastoral

Bernardim Ribeiro (1482-1552) est né dans la région Alcácer do Sal, à Torrão à environ 80km au sud-est de Lisbonne où il est mort. On sait peu de choses de sa vie. Fils du trésorier de la maison du duc de Viseu. Il a étudié le droit à l'université de Lisbonne, entre 1507 et 1512. Il a probablement passé les années 1521-1524 en Italie à Ferrare. A son retour en 1524, il a été nommé secrétaire du roi Jean III.. De ses écrits, on déduit qu’il a lu Virgile et Ovide, Pétrarque, Boccace et certainement aussi Dante, et Sannazaro. Son œuvre maitresse Menina e Moça ou Saudades (Mémoires d'une jeune fille triste, ou Le Livre des Solitudes) a été publiée à Ferrare, ce qui a fait supposer

 « En raison de l'importance du thème de l'exil dans son œuvre et du fait que les Mémoires d'une jeune fille triste ont été publiées en Italie [à Ferrare, posthume,1554], certains ont supposé qu'il était peut-être un juif portugais  récemment converti au christianisme que les persécutions de l'Inquisition auraient poussé à émigrer vers l'Italie. Toutefois, son décès à Lisbonne dans un hôpital public tend à infirmer l'hypothèse d'un exil définitif à l'étranger pour échapper à des poursuites inquisitoriales. »

Mais son décès dans à l'hôpital d’aliénés de Todos-os-Santos à Lisbonne tend à infirmer cette hypothèse. Il a été l’ami du dramaturge Gil Vicente (1480-1537) qu’il a rencontré à la cour de Manuel 1er (†1561).


Par contre, aujourd’hui, certains critiques pense que Les Mémoires est une œuvre cryptée écrite pour une public de juifs cultivés fraîchement convertis mais restés fidèles au judaïsme, les marranes qui au Portugal comme en Espagne ont été persécutés à partir de l’instauration de l’Inquisition en 1478.

Il est l’auteur de douze poèmes insérés en 1516.dans le Cancioneiro geral de Garcia de Resende (1470-1536) du poète, musicien chronique, architecte, ambassadeur du Roi auprès de Léon X. Resende est l’initiateur du Cycle de Castro, série de légendes tissées autour de la vie tragique d’Inès de Castro (†1355), épouse de Pierre 1er de Portugal (†1367), assassinée sur ordre de son beau-père le roi Alphonse IV (†1357), et déclarée reine du Portugal à titre posthume.

Ribeiro a également écrit cinq églogues, deux chansons, et la fameuse Sextine[8]  de la célèbre sextine Ontem pôs-se o Sol(Hier le soleil s'est couché), une Romance versifiée  Ao longo duma ribeira (Au long d'une rivière) (Romance voir Poésie/Péninsule Ibérique/XIVème siècle) qui sera intégrée dans ses Mémoires d'une jeune fille triste, ou Le Livre des Solitudes qui est l’œuvre par laquelle il reste connu, non seulement pour avoir introduit dans la littérature portugaise le genre pastoral mais aussi le sentiment complexe  de saudade, sentiment d’une solitude ambivalente nourrie de nostalgie et d’espoir, «  sentiment de délicieuse nostalgie, désir d'ailleurs » (Larousse), une attente amoureuse qui oscille entre passé et avenir, entre ce que l’on a perdu et ce que l’on espère retrouver, l’être aimé, perdu, désiré qui entre passé et avenir reste en fait présent en nous.


Les Mémoires, appelées aussi Livro das Saudades ou encore simplement Menina e Moça (Jeunesse et Adolescence), publiées après sa mort en 1554 et 1557, ont fort probablement étaient inspirées son amour non partagé pour une dame de la cour. Considérées comme un des chefs-d’œuvre de la littérature portugaise et de la Renaissance, elles ont étaient une source d’inspiration devenue traditionnelle dans la littérature lusitanienne.

La trame est celle d’une jeune fille en proie à la saudade, rêve sa vie à travers l'existence imaginaire de trois femmes dont on lui conte l'histoire et avec qui elle se confond tour à tour.

« Une jeune fille est assise à l'ombre d'un frêne vert, au bord d'une rivière. Arrive une femme, tout de noir vêtue, qui reconnaît en elle une âme sœur car entièrement soumise à la tristesse. Ou plutôt à la saudad... La dame se met à raconter à sa jeune compagne plusieurs récits d'une tristesse apocalyptique. Ils commencent avec l'arrivée sur une terre étrangère du Chevalier Lamentor accompagné de son épouse Bélisa et d'Aonia, la sœur de celle-ci. Bélisa meurt en mettant au monde Arima. On suit alors successivement la vie tragique d'Aonia que Binmarder -anagramme de Bernardim -chevalier fou amoureux mais peu fortuné tente de séduire en se déguisant en berger, puis celle tout aussi douloureuse d'Arima, une damoiselle tellement belle «qu'aucune passion n'a de pouvoir sur elle... Pourquoi la jeune fille est-elle inaccessible? Quel est cet «autre monde»? La narratrice affirme le savoir, mais se garde bien d'en informer le lecteur » (Augustina Bessa-Luis, préface à l’édition 2003 aux Édition Phébus)

« Son traitement lyrique des aspirations d'un amour non partagé a fourni des modèles pour la tradition de la saudade (poème de nostalgie) qui a profondément influencé le développement de la littérature portugaise » (Encyclopedia Britannica).


Certains critiques remettent en cause l’identité de Berdardim Ribeiro qui ne serait qu’un pseudonyme : « Qui se cache derrière le pseudonyme de Bernardim Ribeiro? Au XIXe siècle, une biographie apocryphe brouille le peu de pistes qui aurait permis d'ébaucher la silhouette de cet écrivain. L'homme -ou la femme -serait né au Portugal… (A. Bessa-Luis).


Le Roman Picaresque

Le roman apparaît comme un genre nouveau en Espagne au XVIème siècle. Sous la forme du roman picaresque le premier exemple et l’un des meilleurs est Lazario Tormes, paru sous l’anonymat en 1554, mais dont l’auteur pourrait être Diego Hurtado de Mendoza, bibliophile, ambassadeur de Charles Quint en Italie. Le premier roman sous sa forme pastorale est la Diane de Jorge de Montemayor, édité la même année et qui connut un immense succès dans toute l’Europe. Ces deux romans et particulièrement le second seront la première contribution mais non la dernière ni des moindres de la littérature espagnole à la conception du roman moderne même si le Don Quichotte de Cervantès, un demi- siècle plus tard, est souvent considéré comme le premier roman moderne de la littérature espagnole.


Si Don Quichotte paru en 1605, est considéré comme le premier roman moderne, il n’en demeure pas moins que plusieurs ouvrages ont fait plus qu’ouvrir la voie : le drame en prose, La Célestine ou La Tragi-comédie de Calixte et Mélibée de Fernandos de Rojas, paru en 1499/1502, La Vie de Lazarillo de Tormes, écrite en vers 1554 par un anonyme et qui invente le personnage du picaro, Los siete libros de la Diana (1559 ?) de Jorge Montemayor, Guzmán de Alfarache  de Mateo Alemán  (1547-1620) paru en deux parties, 1599 et 1604 qui donne naissance à ce genre picaresque, et encore La Narcoise Justine de Francisco López de Úbeda, paru la même année que Don Quichotte et considéré comme  le premier des romans picaresques dont l’héroïne est une femme, la picara. Mais La Célestine dont la picara est un  personnage proche est la première  femmes tenat le rôle principal dans l'histoire du roman espagnol.


Ces romans auront donné, sans oublier les Cinq Livres de Rabelais, à la littérature espagnole et européenne les fondements, structurel et thématique, du roman moderne (réaliste) avec leur construction (à tiroirs), leurs personnages-types et leurs récits ‘sociaux’(non plus chevaleresque et/ou merveilleux). Don Quichotte reste, lui, dans le cadre de l’esprit chevaleresque et ne ‘s’aventure’ pas dans le champ social même s’il n’est pas dépourvu de ’piques’ contre la société de son temps. Don Quichotte reste néanmoins le plus connu et le plus lu de la littérature espagnole, et un des chefs-d’œuvre de la littérature européenne et mondiale.

Le roman picaresque tire son nom du personnage principal du roman de Mateo Alemán (1547-1620), Guzmán de Alfarache (1599 et 1604), un picaro. Le picaro est de modeste voire très modeste condition. Il mène une vie que l’on qualifierait aujourd’hui de marginale, vivant d’expédients. C’est un antihéros, à l’opposé de la figure du chevalier de rang et/ou de caractère. On pourrait dire qu’il démocratise le roman.

Le roman picaresque relate les aventures de ce personnage qui narre ses propres aventures, le récit adoptant une construction en abîme (en tiroirs) ; poupées russes, les histoires s’imbriquent les unes dans les autres avec plus ou moins, et là et l’art du conteur, de fluidité.

Ce genre fera école avec entre autres au XVIIIème siècle, Le Diable Boiteux de  Le Sage, Jacques le Fataliste et son Maître de Denis  Diderot et Heurs et Malheurs de la Fameuse Moll Flanders de Daniel Defoe (voir Âge Classique/Littérature).


Vicente Gómez Martínez-Espinel

Vicente Gómez Martínez-Espinel (1550-1624  source de la biographie https://es.wikipedia.org/wiki/Vicente_Espinel), né à Ronda (Andalouisie) et mort à Madrid

reçut une première formation dans sa ville natale, puis fait des études à la célèbre université de Salamanque dans les années 70. Il y fait la connaissance de poètes et écrivains célèbres comme Marco Antonio de la Vega, Luis de Góngora ou des musiciens comme  Francisco de Salinas  et Juan Navarro . Il donne des cours de chants et fréquente la noblesse.

Il vit un temps à Saragosse et se lance dans la carrière militaire. A Valladolid, de 1574 à 1577, il est écuyer du comte de Lemos . Il s'installe ensuite à  Séville où il mène une vie dissolue entre maisons closes et tavernes. Il compose à la guitare sa première pièce, Satire des dames de Séville. Son protecteur, le marquis d'Algaba refuse de continuer à le protéger à cause de la vie qu'il mène et de ce fait dEspinel doit échapper à la justice.

Le marquis de Denia décide de l'envoyer  en Italie pour servir Alonso Pérez de Guzmán y Sotomayor, duc de Medina Sidonia, nommé gouverneur deMilan. Mais son navire est attaqué par les corsaires qui le capturent et l'emmène à Alger comme esclave  jusqu'à ce que les Génois le libère.  Il débarque à Gênes en 1573 et peu de temps après, il marche vers les Flandres, se retrouvant dans l'armée du duc Alexandre Farnèse († 1592), qui condottière au service de Charles-Quint se prépare à attaquer Maastricht. Il y rencontre son oncle Hernando de Toledo, à qui il dirige une belle églogue qui chante ses amours avec Doña Antonia de Calatayud à Salamanque et à Séville.


Il revient à Milan et pendant trois ans il parcourt toute la Lombardie, soit comme soldat, soit comme musicien dans la maison de Don Antonio de Londoño.  A Rome en 1587, il est apprécié comme « un bon latin et un bon chanteur de plain-chant ». Ses parents meurent. Il retourne en Espagne,  à Malaga, où son ami Francisco Pacheco de Cordoue était évêque. Il écrit  Chant à son pays  et  une Épître à l'évêque de Malaga, poèmes de repentance pour sa vie troublée qui lui valent le droit d'être ordonné prêtre. En 1589, à Madrid, il reçoit l'ordination et  reprend ses études.  Il obtint un baccalauréat ès arts à Grenade la même année.

En 1591, il se rend à Madrid pour faire publier ses Diversas Rimas, écrites en 1587 et qui avaient été censurées.

En 1596, son bénéfice lui est retiré en raison de sa conduite désordonnée et de sa vie à la cour. En 1599, il obtient une maîtrise ès arts à l'Université d'Alcalá et prend ses fonctions d'aumônier de l'évêque de Plasencia à Madrid.

 À Madrid, il appartient à la célèbre confrérie des écrivains et intellectuels du Saint-Sacrement, et  à l'Académie poétique que protégeait le poète  Félix Arias Giró (1563-1622) . Aumônier principal et professeur de musique de la chapelle de l'évêque de Plasence, il meurt en 1624.


Admiré de Lope de Vega qui disait de lui qu'il était  "le seul poète latin et castillan de cette époque", de  Cervantes qui le considérait comme le "meilleur ami d'Apolon",  de Góngora dont il a contribué à la publication des poèmes et de Quevedo, on lui doit l'invention, ou plutôt le perfectionnement, d'une forme strophique très populaire, la décima ou espinela (dizain d'octosyllabes ainsi rimées : abbaaccddc). Diversas Rimas paraissent en 1591. 

En tant que musicien, on lui attribue l'ajout d'une cinquième corde à la vihuela, mais cela reste discutable, puisque Bermudo, en 1544, mentionne déjà la guitare à cinq cordes.

Écrivain, son roman, Vida del escudero Marcos de Obregón (La Vie de Marco Obregon ou Récit de la vie du châtelain Marcos de Obregón, 1618) est un des meilleurs romans picaresques espagnol. L'œuvre est composée de trois récits (Relaciones) entrecoupés de Pauses (Descansos) au cours desquels  un  vieil écuyer, Marcos de Obregón, narre sa vie.

"Un très vieil homme qui vit protégé dans un hôpital de Madrid,  à la retraite, se présente comme un guérisseur et a la réputation de guérir les maladies par la prière. Le roman commence lorsqu'il se souvient d'être entré au service du Dr Sagredo quelques années auparavant et de son épouse inconstante, Doña Mergelina de Aybar, qui réapparaîtra de manière surprenante à la fin de l'histoire. Dans cette intrigue et à travers des aventures alambiquées, des voyages et des escapades, il développe «ce long discours de ma vie, ou bref récit de mes œuvres, que pour l'instruction de la jeunesse, et non pour l'approbation de ma vieillesse, je me suis proposé de exprimer aux yeux du monde". (https://es.wikipedia.org/wiki/Marcos_de_Obregón,)

"Plus moraliste que d'autres romans picaresques contemporains comme, par exemple, Guzmán de Alfarache, de Mateo Alemán". (idem)

"Écrit sous une forme simple et facile, dans une prose sans artifice, le roman est réputé dépasser la Guzmán de Alfarache dell 'Alemán, souvent fatigué avec ses longues dissertations morale". (https://boowiki.info/art/xvii-siecle-romans/marcos-de-obregon.html)


"La verve d'Espinel est souvent intarissable ; c'est un de ses défauts. Dans la trame de son récit multiple on reconnaît le fil du roman picaresque, mais aussi l'héritage d'Homère, d'Apulée, des chroniques des Indes et des romans de chevalerie. Fables, contes, conseils, aphorismes, descriptions géographiques fantastiques agrémentent une histoire non dépourvue de charme malgré ses aspects disparates et invraisemblables. Sous la fiction on lit clairement l'autobiographie d'Espinel et l'on découvre une personnalité attachante, rêveuse et musicienne, sachant goûter et faire sentir directement la nature et les paysages, écrivant souvent de façon nonchalante, sans prétention, avec une sincérité qui émeut." ( Bernard Sesé Espinel Vivente , Encyclopédie Universalis)

Il servira de modèle à l'écrivain français Alain-René Lesage (1668-1747) pour ses romans Le Diable Boiteux (1707) et  Histoire de Gil Blas de Santillane (1715>35)


Espinel  a aussi traduit d'Horace l'Épître aux Pisons connue sous le nom donné par les historiens d'Art Poétique. (à ce sujet voir Robin Glinatsis L’épitre aux Pisons dans le corpus des œuvres d’Horace : Données Pratiques et Enjeux Interprétatifs Université de Lille III, Laboratoire Halma-Ipel, UMR 8164).

Outre ses publications, certaines de ses œuvres sont dispersées dans des recueils comme le Cancionero de López Maldonado (1586) ou dans les Fleurs des poètes illustres de Pedro Espinosa.


Fernandos de Rojas et La Célestine

Fernando de Rojas (1474 ?-1541) est né à La Puebla de Montalbán (Province de Tolède) dans une riche famille de ‘conversos’[9] (juifs convertis au catholicisme). Formé au droit à la célèbre université de Salamanque, il exerce la profession d’avocat à Talavera de la Reina dont il sera maire avant d’être gouverneur de Tolède et venir mourir à Talaverna. Il aura fallu attendre le début du XXième siècle pour que des recherches permettent de lui attribuer la paternité de La Célestine ou tragi-comédie de Calixte et de Mélibée, œuvre en prose aussi célèbre et aussi lue dans la péninsule ibérique que le deviendra le Don Quichotte de Cervantès un siècle plus tard.


La Célestine

Célestine est une entremetteuse qui a partie liée avec l’enfer. Engagée par Calixte, elle parvient à s’attacher les faveurs de la jeune Mélibée. Elle sera assassinée par les valets de Calixte qui veulent lui dérober l’argent que lui a donné leur maître. Première mort. Alors que les valets sont poursuivis, Calixte au contraire de Cyrano escalade le mur pour rejoindre sa belle. Il tombe et se tue. Deuxième mort. Mélibée, amoureuse fautive, de honte se jette du haut d’une tour. Troisième mort. Dans cette tragi-comédie, l’argent, le vice, la cupidité, le désir charnel qui en sont les vrais protagonistes triomphent.

Cet ouvrage écrit en prose comme un roman, est une action dialoguée plus qu’à proprement parlée une pièce de théâtre. Les critiques hésitent entre la classer dans le genre dramatique ou roman.


Après avoir entendu un acte écrit par un anonyme, Rojas décida d’en écrire la suite la suite. Sa première publication de 1499 comprend 16 actes, celle de 1502 comprend 21 actes (16  puis 5 ajoutés). 20. Des dizaines voire des centaines d’autre éditions suivront. Cette œuvre a la particularité d’ouvrir le siècle mais également d’initier un genre, la literatura celestinesca, la littérature célestinesque ou la Celestinesque comme le présente Paloma Bravo dans son étude de la nouvelle d’Alonso Jerónimo de Salas Barbadillo, La Fille de Célestine, parue en 1612 (voir Âge Classique/Littérature /Espagne) ; une nouvelle qui reprend la formule du trio de personnages, si ce n’est qu’aux deux amants bien sous tous rapports, Calixte et Mélibée, et à l’entremetteuse Célestine qui favorisant leur amour les porte au malheur et au sien dans le roman éponyme, seront substitués un siècle plus tard la picara, gueuse, catin, accompagnée de son proxénète Montúfar et de la vieille Mendéz « sorte de chaperon a contrario ».


L’originalité de Rojas est double : Il initie un genre avec un personnage féminin. Cette Célestine, « vielle femme barbue, rouée, sorcière, capable de toutes les mauvaises choses » est un personnage si bien campé, qui désignera par la suite toutes les entremetteuses et aura une nombreuse descendance, à commencer par la Seconde Célestine et la Troisième Célestine de Feliciano de Silva. Nombre d’auteurs reprendront le trio de personnages les faisant évoluer du roman célestinesque initial au roman picaresque du XVIIième baroque, dans lequel l’héroïne de jeune fille pure évolue carrément en une picara, une dévergondée. Toute une évolution littéraire qui va de la Calixte de La Célestine, à la « narquoise » Justine de La Fouyne de Séville ou l'Hameçon des Bourses (1661) de Castillo y Solorzano, en passant par La Fille de Célestine (1612) de Salas Bardillo, qui sera selon cette même étude à la jonction des genres célestinesque et picaresque.


Les Celestines donneront lieu à des suites romanesques comme des feuilletons, des sagas ou soap opera avant l’heure. 

« Incomparable, transcendant les frontières de genres, la tragi-comédie, injouable par sa longueur et la lenteur de son rythme, sera un modèle du genre pour les multiples expérimentateurs du XVIème siècle. Il y apprendront la liberté d’allure d’un dialogue ’naturel’, l’éloquence efficace d’un monologue vivant comme la parole, la modernité d’une langue théâtrale qui retentit de l’écho des conflits présents et à venir » (Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre Bordas 1991).

En Espagne La Célestine est aussi connue que Don Quichotte. Elle n’a cessé d’être éditée au fil des siècles et parfois dans des éditions pour bibliophiles. Elle a fait l’objet de mises en scène régulières. Elle a été la matière de mise en musique, et a inspiré des peintres comme Picasso.

 (Voir aussi Âge Classique/Littérature/ Roman/ Espagne/ De La Hija de Celestina à Estebanillo González.


Feliciano de Silva

Feliciano de Silva[10] (1491-1554), auteur prolixe, issu d’une puissante famille est né et mort à Ciudad Rodrigo dans la Province de Salamanque en Castille-et-León. Il était le fils du chroniqueur de Charles-Quint, Tristan de Silva. Au service de l’empereur, il a pu participé à La Guerre des Communautés (Voir Tome1/Réforme Espagne). Hurtado des Mendoza a écrit qu’il vécu largement de ses droits d’auteurs. Il fut aussi l’ami de Jorge de Montemayor (Voir/Poésie). Tous deux le défendirent contre les critiques qu’on lui faisait de beaucoup devoir aux auteurs de romans de chevalerie de son temps – le genre était très prisé - et sur son style que l’on disait ‘bombé’, prétentieux,‘enfantinement’ affecté.

Il a écrivit un premier roman de chevalerie, Lisurate de Grecia (Amadis de Gaula, 1514) auquel, face au succès, il donna des suites : Amadis de Grèce (1530), Florisel de Nicée (1532) et Sir Rogel de Grèce, qui narrent tous les aventures chevaleresques du neveu ou du fils d’Amadis de Gaule. Garci Rodríguez de Montalvo (1450 ?-1505) avait écrit une ‘augmentation’ du manuscrit anonyme du XIVème siècle Amadis  de Gaule, qui parut après sa mort en 1508 et qui connut un franc succès. Les quatre romans de da Silva s’inscrivent dans un cycle qui s’étale sur plus d’un siècle et représentent les livres de 7 à 11 ; le huitième intitulé aussi Lisuarte de Grecia de 1526 n’est pas pris en compte.

« Sa Segunda Celestina, sa suite à la  Celestina [de Fernando Roja de 1502] , est une œuvre originale à part entière, et est un mélange de satire érasmienne, de thèmes picaresques et de vers de grande qualité. L'une des nombreuses imitations de Celestina, Silva était la plus populaire et présente l'amour partagé entre Felides et Polandria. (https://en.wikipedia.org/ wiki/Feliciano_de_Silva).


Jorge de Montemayor 

Jorge de Montemayor (1520-1561), né à Montemor, près de Coimbra, au Portugal, fut romancier, poète et musicien mais aussi chanteur à la cour castillane de l’infante Doña Maria du Portugal[11] avant d’entrée en 1543 en Espagne dans la suite de Marie Manuelle de Portugal (†1545), fille du roi Jean III du Portugal et première épouse de Philippe II. Jorge fera partie de la suite royale lorsque Philippe II séjournera au Pays-Bas puis en Angleterre en 1554 pour le mariage du prince avec Marie 1ère Tudor (†1558). De retour au Portugal, impliqué dans une affaire (une jalousie ?) amoureuse, il est tué en duel à Turin.


De langue Castillane, il introduisit le Roman Pastoral en Espagne voir le roman tout court. La Célestine de Fernandos de Rojas publié pour la première fois en 1500 bien qu’écrit en prose mais composé en acte ne relevait pas à proprement parlé du roman tel qu’on va l’entendre en Espagne avec Montemayor. À  l’exemple de l’Italien Jacopo Sannazaro, initiateur du genre avec son Arcadie, mais aussi influencé par le Dialogue d'Amour (1535) de León Hebrero (voir Vol.1/Huamnisme Hébraisant), Montemayor ouvre le genre avec Los siete libros de la Diana (1559? Les Sept Livres de la Diane), dont l’inspiratrice pourrait avoir été Ana, une dame de l’entourage de Philippe II dont toute la cour, roi et reine compris, louait le charme. Le succès fut immense sans doute autant que La Célestine. Il faut remonter à l’Amadis de Gaule, la geste épique des exploits du Chevalier Brun, le pendant en Espagne du Roi Arthur ou de Charlemagne écrite au XIVème siècle, pour retrouver un tel engouement.

Traduit en plusieurs langues, imité partout en Europe, ce roman fit école en Espagne. L’œuvre, restée inachevée malgré ses sept livres, trouva en la Diane Amoureuse de Gaspar Gil Polo (1530-1591), parue en 1564, une suite digne du maître.

La même année, une autre suite paraît sous la plume d’Alonzo Perez. Un troisième prolongement sera écrit par Hiéronimo de Tejad publié en 1627. Le moine espagnol cistercien, Bartolomé Ponce fera de Diane un poème religieux A lo divino (1582). Lope de Vega (1562-1635) publiera La Arcadia en 1594. Diana fut la première source d’inspiration d'Honoré d'Urfé pour L'Astrée (1610-25).

Diana et Sylène, bergère et berger s’aiment sans nul ombre à leur amour. Mais Sylène doit s’éloigner pour un temps, trop longtemps pour la fidélité de Diane qui épouse Deloi. Affres, solitude et regrets d’un Sylène nostalgique, que chante Montemayor dans un castillan délicat en y ajoutant toute la couleur mélancolique d’un saudade qu’il est allé puiser dans ses origines portugaises.

Il laisse également des Cancioneros (1554) qui furent expurgés par l’Inquisition Espagnole (voir Vol 1/ Contre-Réforme/Espagne)


La Vie de Lazarillo de Tormes

Écrite vers 1553, La Vie de Lazarillo de Tormes pour courte qu’elle soit n’en marque pas moins un tournant dans la littérature européenne. Son auteur anonyme - à moins que ce ne soit Diego Hurtado de Mendoza, bibliophile ambassadeur de Charles Quint en Italie - est le précurseur d’un nouveau genre littéraire, le Roman Picaresque. Le personnage éponyme conte ses aventures sous les traits d’un personnage qui fait son apparition dans la littérature espagnole, un pauvre misérable qui, vivant en marge de la société, arrive à survivre grâce à sa débrouillardise mais sans pour autant être déjà un picaro, ce ‘moins-que-rien’ débrouillard mais aussi roublard à la vie totalement marginale.

Lazarillo n’a pas d’attaches véritables et son existence désordonnée va au fil hasardeux du destin de péripéties cocasses en péripéties coquines toutes interchangeables. Le narrateur, autobiographe, traversant ainsi la société, poussé par les événements, en fait la description de ses mœurs et de ses caractères sur un ton libre, souvent critique, parfois désinvolte, toujours sans fard et sans illusions. La version originale fut censurée et l’Inquisition en édita une version épurée qui connut nombres de traductions en Europe.

« Le roman contient un prologue et sept chapitres. Le héros du roman est Lázaro, surnommé Lazarillo, un jeune garçon issu d'un milieu modeste de Salamanque Dans le premier chapitre, sa mère l'abandonne à un mendiant aveugle dont il devient l'apprenti. Lazarillo passe donc au service du mendiant puis de plusieurs autres maîtres (en général un par chapitre). Au fil de ses aventures, il devient de plus en plus intelligent et rusé. Après le mendiant, Lazarillo entre au service d'un prêtre (chapitre 2), puis d'un écuyer (chapitre 3), d'un moine (chapitre 4), d'un vendeur d’indulgences (chapitre 5), d'un chapelain (chapitre 6), d'un bailli et enfin d'un archevêque (chapitre7) ». (Wikipedia)


Mateo Alemán et le Roman Picaresque

Mateo Alemán (1547-1614), né à Séville d’un père médecin converso (juif converti au catholicisme) et d’une mère génoise, fait des études de médecin dans sa ville natale puis aux universités de Salamanque et de Alcalá de Henares. Mais il n’exercera jamais et vivra dans la plus totale pauvreté ne pouvant bénéficier des publications faites, sans son autorisation, de son roman Le Gueux ou la Vie de Guzman d’Alfarache qui connut un immense succès en Espagne et en Europe.

Ce roman est à considérer comme l’un des premiers sinon le premier des romans modernes et chronologiquement au moins avant Don Quichotte. Il vient néanmoins cinquante ans après La Vie de Lazarillo de Tormes.


 « Les excès mêmes auxquels se sont livrés pendant trois siècles adaptateurs, traducteurs et éditeurs, dans des directions opposées et suivant des perspectives contradictoires, prouvent assez qu'il constitue bien une œuvre de transition : encore accablé par tout l'héritage du xvie siècle, spontanément et avidement accepté, le Livre du Gueux porte en effet en germe le roman moderne ». (Encyclopédie Universalis)

«  "Guzman de Alfarache" est un roman picaresque de Mateo Aleman publié en deux parties, la première en 1599, et la seconde en 1604. Guzman est un jeune picaro qui part de chez lui afin de connaître le monde, chercher l’aventure, faire fortune. Dès la première étape, il perd vite ses illusions, et décide d’adapter sa façon d’être au monde qu’il découvre, et d’ingénu il devient délinquant. Il volera ses parents, prostituera sa femme, livrera ses camarades aux autorités afin de se libérer des galères. Le plus amoral des romans pour la plus amorale des époques ». (https://www.babelio.com/livres/Alemn-Guzman-de-Alfarache/518212).


Miguel Cervantès

Miguel Cervantès de Saavedra (1547-1616), né probablement Alcalá de Henares près de Madrid où il mourra, est issu d’une famille de bourgeois conversos, aisés, juristes et médecins. Son père, médecin médiocre exerçait son art de façon itinérante. L’éducation première de Miguel laisse à désirer. Il passe une partir de sa petite enfance à Valladolid alors capitale de l’Espagne jusqu’à ce qu’en 1561 Philippe II la transfère à Madrid où sa famille s’y installe 5 ans plus tard. Il aura 19 ans.

A 17 ans, il se passionne pour le théâtre et particulièrement pour l’auteur dramatique à succès Lope de Rueda (voir Théâtre/Espagne). A l’Estudio de la Villa de Madrid, il a pour maître, l’humaniste et admirateur d'Érasme, Juan López de Hoyos[12] qui qualifiera Miguel de « notre cher et aimé disciple ». de Hoyos fur chargé, d’écrire l’éloge funèbre de la reine espagnole Élizabeth de France (†1568). Miguel fut autorisé à y introduire quatre poèmes de sa main. Il a 21 ans.

On suppose qu’il a pu faire ou entamer des études à l’université de sa ville natale[13] et à celle de Salamanque d’après ses écrits.


En 1569, il s’enfuit en Italie accusé d’avoir blessé son adversaire dans un duel. Il découvre l’Orlando Furioso (1516>32) de L’ Arioste (1474-1533), un poème chevaleresque, apothéose du genre, et Dialogues d'amour de l’humaniste hébraïsant León Hebreo (1460-1521) qui inspira aussi Jorge de Montemayor pour son roman La Célestine (1500).

Entré au service personnel de Giulio Acquaviva d'Aragona, nouvellement élu cardinal, il le suit dans ses voyages qui le mènent à Naples, en Sicile puis à Venise. Il découvre la culture de l’antiquité grecque, sa mythologie, ses auteurs.

Épris de gloire militaire, il s’engage en 1570 pendant quatre ans dans l'infanterie des Tercios[14]. En 1571, à 24 ans, il participe à la Bataille de Lépante et reçoit trois coups d’arquebuse dont l’un lui estropie la main gauche. Il ne retirera pour toute gloire que le surnom du « manchot de Lépante ». Après six mois de convalescence dans un hôpital de Messine (Sicile), on le retrouve dans les batailles navales de Navarin, Corfoue, Bizerte et de Tunis (1573).


En 1575, sur un navire qui fait le trajet régulier de Naples aux côtes espagnoles, il est capturé avec son frère Rodrigo par des pirates musulmans et amené à Alger. Il est porteur de lettres du Duc de Sessa et de l’Infant don Juan d’Autriche, fils illégitime de Charles-Quint. Considéré comme un personnage d’importance, une rançon de 500 ducats, somme très importante[15], est demandée pour sa libération. Il restera prisonnier pendant cinq ans, pendant lesquels il aura été aux travail forcé, jardinier et serviteur ; mais cinq ans pendant lesquels il aura rassemblé les notes de ses carnets d’Italie et commencé à les mettre en ordre. Ce n’est qu’en 1580, après cinq vaines tentatives d’évasion, que sa rançon est versée par l’Ordre des Frères Trinitaires ou Ordre de Notre-Dame-de-la-Merci qui avait été constitué au 12ème siècle, au temps des croisades pour racheter les chrétiens prisonniers des musulmans. Son frère a été rapidement libéré contre une faible rançon.


Après 11 ans de pérégrinations, il peut enfin entrer en Espagne. En 1584, il a une fille naturelle d’une femme d’aubergiste et la même année se marie avec Catalina de Salazar y Palacio (†1626), issue du côté de son père comme de sa mère de deux familles dont les membres ont assumé des fonctions importantes sous les Rois Catholiques et ont eu partie liée avec la cour. Le couple s’installe à Tolède d’où Catalina est native. Deux ans plus tard, alors qu’il est à Séville, il se sépare de son épouse et n’en parlera jamais.

Nommé Commissaire aux Vivres, il participe à la préparation de l’Invincible Armada qui sera défaite en 1588 (voir T2.V1. Événements Majeur). Ce qui l’amène à voyager en Andalousie et dans la Castille et jusqu’à Madrid. Il aura plusieurs démêlés avec l’Église et la justice pour détournements de biens et sera chaque fois emprisonné à Séville, mais pour des périodes relativement courtes. Il trouve un emploi au recensement des impôts dans la Province de Grenade.

Dans les années 1590, il se déplace dans le pays. Le banquier portugais chez qui il avait placé ses avoirs fait faillite ; il est ruiné. Et de plus, il se retrouve à nouveau en prison à Séville au début des années 1660. En 1604 paraît la première partie de Don Quichotte qui connaît un succès immédiat. Il va alors bénéficier à Madrid de la protection de différents ducs. L’année suivante un auteur anonyme s’empare du personnage est donne une suite au Don Quichotte. Cervantès attendra dix ans pour répondre à cette usurpateur en écrivant sa propre suite au roman. Un an plus tard, en 1616, il meurt dans la quasi misère, ignoré de tous.


Son œuvre

En 1584, année de son mariage, Cervantès commence sa carrière littéraire par la publication de la première et unique partie d’un roman pastoral, classique pour l’époque, Primera parte de La Galatea, dividida en seis libros, Galatée (1584), dans la tradition initié en Espagne par la Diane de Jorge de Montemayor (1520-1561) et qui a pu être commencé des ses années de captivité. Passionné de théâtre, qu’il a été dans sa jeunesse, il fait paraître l’année suivante Le Siège de Numance (1585), pour lequel, il se sert de son expérience de militaire.

Au début des années 90, alors qu’il est ruiné et se déplace en Espagne, il commence à rédiger El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha[16] qui paraît en 1605. La seconde édition de 1616 sera précédée e 1613 de Nouvelles exemplaires. Exemplaires en ce que, écrites en Castillan, ces douze nouvelles ne s’inspirent pas d’œuvres ni de thèmes étrangers. Elles marquent une réelle originalité dans le récit espagnol car chacune relève d’un genre différent : picaresque, satirique, grec (récit des péripéties d’un jeune couple d’amoureux mêlées de merveilleux). Cervantès a apporté un soin particulier tout à la fois à la recherche stylistique et à la structure des récits faisant montre d’un réel souci d’originalité. Pour d’aucun, elles sont l’œuvre la plus accomplie, la plus finie de Cervantès. On peut être amené à penser qu’outre la nécessité d’écrire propre à tout écrivain, Cervantès espérait par cette originalité obtenir un succès littéraire qui le pourrait le sortir de son embarras financier. S’il obtient la protection rentable de quelques grands du royaume, il n’obtient pas la gloire littéraire qu’il a pu convoiter comme il n’a pas obtenue la gloire militaire à laquelle il aspirait dans sa jeunesse.


En 1614, il écrit Le Voyage au Parnasse , récit en vers s’inspirant du Viaggio di Parnaso (1582) du poète italien Cesar Caporali (1531-1601)[17]. Cervantès à l’exemple de son personnage, Don Quichotte, prend monture, mais pour lui se sera modestement un mulet, et part combattre les mauvais poètes en recrutant sa troupe parmi les meilleurs poètes de son temps. Puis, il les embarque sur un navire et sillonne d’un port l’autre la Méditerranée qu’il connaît bien depuis la Bataille de Lépante. Avec sa cohorte de bons poètes à ses côtés, il livre combat naval aux mauvais poètes. Ils atteignent enfin en vainqueur Le Mont Parnasse et rencontrent Apollon. Mais les mauvais poètes armés de livres et de rimes ne veulent pas en rester là et livrent une ultime  bataille qu’ils perdent bien évidement. C’est un Cervantès amer que l’on peut ressentir dans cette œuvre toute d’allégories. Un Cervantès qui remue de mauvais souvenirs comme celui de cette bataille de Lépante où il a perdu l’usage de sa main gauche, du ressentiment qu’il ressent de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur alors que lui-même se considérait comme un piètre versificateur.


Après avoir donné une suite à son Don Quijote en réponse à un plagiat, il termine sa carrière littéraire deux jours avant sa mort, en mettant le point final à Los trabajos de Persiles y Sigismunda, historia septentrional (Les Travaux de Persille et Sigismonde). Revenant à un genre traditionnel, le roman grec[18], il y apporte une tonalité épique dans le récit des amants, l’un venu des régions septentrionales du pays nordique de Thulé, l’autre des brumes de la Hollande pour pérégriner à travers la France, le Portugal et pour arriver en l’Italie, à Rome, où la figure du Pape dont les amants attendent la légitimation de leur amour, apparaît comme la figure salvatrice du Christianisme. Tonalité qui s’accorde à un certain sens du tragique dans ce testament littéraire où la phrase longue, portée comme un alexandrin laisse à Cervantès l’illusion de toucher par l’écriture à quelque chose d’autre qui ne serait pas l’illusion du monde.[]

Ses pièces de théâtre ne connurent pas grand succès de son vivant mais elles eurent néanmoins une influence certaine sur les auteurs dramatiques après lui.

Il laissera à la postérité un des plus fameux des romans chevaleresques[19]. Se doutait-il qu’en le faisant monter sur une vielle carne, le personnage éponyme, et tout autant chevaleresque, qui va aussitôt s’empresser de foncer vers des moulins-à-vent, galoperait  en fait vers une bien plus grande gloire que celle qu’aurait pu lui apporter ses victoires en combats illusoires : la postérité.

Don Quichotte, un personnage apparu hors toute tradition littéraire dans l’histoire de la culture occidentale au point qu’il s’inscrive dans notre imaginaire collectif à côté de Hamlet, de Don Juan, de Faust… mais peut-être aussi un peu grâce à sa Rossinante… devant, toujours devant.


Don Quijote de la Mancha

Alonsi Quirano est un hidalgo, un ‘hijo de algo’, un ‘fils de quelqu’un’, autrement dit un gentilhomme. Il est originaire de la Mancha, région au centre de l’Espagne qui composait la Nouvelle Castille avant que celle-ci ne soit divisée en Province de Madrid et Castille-La Mancha (Albacete, Guadalaraja, Tolède). Cervantès donne à son personnage le diminutif péjoratif de Quijote car le personnage pourrait avoir réellement existé sous le nom de Rodrigo Quijada, un conseiller de la ville, fort peu apprécié des habitants et qui aurait tenté de tuer un de ses amis.

A partir de récentes découvertes, les historiens font de l’aventure advenue à son ami la source du récit à laquelle viendrait s’ajouter celle d’un autre ami de ses amis qui aurait tournoyé avec un hidalgo dans un combat aux allures chevaleresques avec destriers, armures et lances. En brossant un personnage aussi ridicule, l’auteur aurait voulu venger ses amis[20].

L’œuvre pourrait être réduire en une parodie de roman chevaleresque[21] médiéval quant à la forme, mais le ressort comique si attrayant pour le lecteur permet à Cervantès de ‘faire passer’’ la critique, les critiques qu’il renferme, critiques sociale et politique.

Le récit peut se résumer ainsi : 

« Parce qu'il a lu trop de romans de chevalerie, don Quichotte  a perdu la raison : il est persuadé que le monde est peuplé de chevaliers errants et d'enchanteurs maléfiques. Comme dans ses livres préférés, il veut rendre la justice et combattre pour l'honneur de sa dame. Accompagné de Sancho Panza, son fidèle écuyer, il part sur les routes d'Espagne. Et voici notre héros qui affronte des moulins à vent, qui prend des auberges pour des châteaux, des paysannes pour de belles princesses !»
(https://www.babelio.com/livres/Cervantes-Don-Quichotte/ 107074)

Le personnage :

« Le héros personnifie assez bien l’attention volage, l’imagination fertile, la créativité illimitée. À la fois brillant, intrépide, mais aussi impulsif, colérique et égocentrique. Avec lui, le temps et l'espace s'effondrent. Tout devient possible dans l'instant et le lieu présent et actuel. Ce n'est pas dire toutefois que toutes les aventures du brave chevalier errant puisent uniquement dans la substance du caractère hyperactif. L'auteur traverse parfois la frontière entre l'excentricité et la folie, ne s'agissant pas d'un traité scientifique de psychologie ».(Dr Claude Jolicoeur, pédopsychiatre Montréal, mars 2000 © http://www.deficitattention.info/donquichotte.html).


« Au-delà de la satire et de la dérision, de la parodie des romans de chevalerie, Don Quichotte de la Manche évoque en filigrane la distorsion entre la réalité et la perception que chacun peut s’en faire. Précisément parlant, il existe autant de réalités que d’individus, chacun appréhendant l’extérieur et ses congénères à partir d’une histoire, d’une lecture et d’un idéal personnels. En chacun de nous trotte ou sommeille un Quichotte » (Cyrille Godefroy http://www.lacauselitteraire.fr/don-quichotte-de-la-manche-miguel-de-cervantes).


Italie

La Langue Italienne

Au XVIème siècle va se poser dans la péninsule italique, aussi bien à l’écrivain qui veut toucher un public le plus large possible qu’à ce public lui-même, une question cruciale, celle de la langue écrite. Les langues vernaculaires sont aussi nombreuses que les duchés, seigneuries et cité-états. Milan, Venise, Rome, Florence, Ferrare, Mantoue, Naples, Messine ont leur parlers, leur dialectes. Si le latin reste la langue officielle, plus exactement la langue du pape et des écrits savants, des traités, la littérature comme la poésie se doit de se trouver une langue qui puisse être lue et entendue d’un bout à l’autre de la péninsule. Volonté des poètes et écrivains qui laissent supposer le sentiment d’une culture commune, premier pas vers ce qui sera un jour l’unification, au contraire de la France où le pouvoir royal par sa volonté d’unification politique a amené l’unification de la langue.


Depuis le Moyen-âge, hormis en Sicile où les poètes de la cour de Frédéric II (†1250) avait choisi de s’exprimer en langue vulgaire, un sicilien sophistiqué, la langue des troubadours italiens était le provençal. Si St François compose ses poèmes en ombrien, ‘le Petit Français’ n’en parler pas moins la langue de sa mère native de Tarascon. Trois auteurs font depuis la parution de leurs œuvres maitresses figure de référence aussi bien pour la langue que pour leur style : Dante, Pétrarque[22] et Boccace, auxquels il faut adjoindre d’autres poètes florentins comme Guido Cavalcanti (†1300), ami de Dante. Ces poètes n’allèrent pas sans être influencés par le style courtois des siciliens qu’ils adaptèrent au florentin. Par son rayonnement, au XIVème siècle, le florentin était en passe de devenir la langue des poètes et écrivains de la péninsule.

En 1509, le bergamasque Ambrogio Calepio (†1511), qui laissa son nom au mot ‘calepin’, édite à Venise sa dernière version de son dictionnaire qui sera considéré comme le premier des dictionnaires. Il est en quatre langues, latin, grec, hébreu et italien[23]. Et au moment où se pose la question de la langue dont l’acuité se fait d’autant plus ressentir que l’imprimerie permet alors une large diffusion géographique des livres, deux tendances apparaissent quant au choix de la langue qui deviendra un jour non sans modifications, l’italien.


La tendance soutenue par le poète vénitien Le Trissin (†1550 voir Poésie/ Italie) est favorable à une langue savante, précieuse, qui par les déplacements des seigneurs, des écrivains, des artistes a fini par constituer une langue de cour, courtisane.

Le vénitien Pietro Bembo († 1547, voir Poésie/ Italie) prône, lui, une langue qu’ont adopté les poètes florentin depuis Dante et qu’illustra après lui le Pétrarque des Canzionere écrits en Toscan ( le florentin s’étendit à la Toscane avant de gagner la péninsule). Une langue qui se caractérise par son style, le dolce stil nuovo[24]. Dans ses Proses de la langue vulgaire (1525) Bembo s’en fait le défenseur comme chef de file du Pétrarquisme. Nicolas Machiavel (†1527, voir T2.Vol.1/Humanisme Politique) s’était le défenseur d’un toscan plus populaire.


« Le Pétrarquisme, nouvelle forme que prend la lyrique amoureuse dans la seconde moitié du XVIème siècle, est à la fois une attitude psychologique et une forme d'expression littéraire. Il associe une passion amoureuse exacerbée par l'absence et le refus de la dame, l'éloge des qualités quasi-divines de cette dernière et la joie-souffrance du poète, ainsi qu'un répertoire de lieux communs et de figures de style ». (Cours de Littérature)

« « Pétrarque est un musicien ; c'est par l'infiniment délicate oreille de cet artiste que l'éloquence romaine [Cicéron] l'a conquis. » Le sens n'est jamais émancipé, ni de son expression sensible ou sonore, ni de sa dimension vivante ou expérimentable. C'est ainsi, dans cette double et concrète vibration, que son œuvre déploie sa monumentalité ». (Étienne Gilson, La Philosophie du Moyen Âge, Payot, 1976)

C’est le florentin qui l’emportera et qui deviendra la langue toscane quand des savants, commentateur des œuvres de Pétrarque et Boccace, fonderont à Florence en 1583 l’Accademia della Crusca qui se fera un devoir de séparer le bon grain de l’ivraie, plus exactement de détacher de la langue toutes ses impuretés comme l’on sépare dans le blé le son (crusca) du bon grain. Le toscan sera alors la langue culturelle de la péninsule avant d’être la langue courante des italiens.

Le Roman

Au contraire de l’autre péninsule, l’ibérique, pendant les deux siècles de la Renaissance, l’Italie ne vit pas naître de grands romanciers. Hormis Baldassare Castiglione, on peut retenir pour son originalité Ange Firenzuola.


Baldassare Castiglione

Baldassare Castiglione (1478-1529), comte de Novilara, nait près de Mantoue à Casatico dans une famille lombarde apparentée à la famille régnant sur le marquisat de Mantoue, les Gonzague. Il fait ses études dans les deux grandes villes rivales du Nord, à Venise et puis à Milan où règne Ludovic Sforza dit le More.

En 1504, il se rend à Urbino[25], où il passe onze ans et se lie d’amitié tout autant avec le Duc Guidobaldo 1er de Montefeltro qu’avec son épouse, Élisabeth Gonzagues dont il est amoureux et autour de laquelle tourne la vie culturelle de la capitale du centre de la péninsule, sans doute la plus brillante de ce premier quart du XVIème siècle. Pour le duc, il accomplira des missions diplomatiques auprès d’Henri VIII.


En 1508, François-Marie 1er (1538), fils de la sœur du dernier des ducs de Montefeltro, Guidobaldo 1er, et du condottiere Giovanni Della Rovere, neveu du pape Sixte IV, succède à son oncle et devient le premier duc des della Rovere. Son fils Guidobaldo II (†1574) lui succèdera.

En 1509, aux côtés de François-Marie 1er, Castigiole participe à l’expédition lancée à l’instigation du pape Jules II par la Ligue de Cambrai ( à peu près toutes les puissances qui compte en Europe) contre la Sérénissime qui devient trop puissante et inquiète par ses conquêtes territoriales[26]. Mais une fracture de la cheville mettra fin à sa brève carrière militaire. Castiglione est ensuite nommé ambassadeur d’Urbino au Saint Siège. Le nouveau pape, Jean de Médicis, second fils de Laurent le Magnifique, élu en 1513 sous le nom Léon X le fait Comte de Novilara. A Rome, il fréquente tous les grands artistes de la Haute Renaissance qui travaillent au palais papal, notamment Raphaël qui exécute son portrait.


En 1516, il revient à Mantoue et se marie avec une noble qui meurt quatre ans plus tard. En 1521, il se fait prêtre. C’est lui qui fait venir à Mantoue Jules Romain qui en 1525 réalisera pour le Marquis Frédéric II Gonzague le Palais du Te, premier palais maniériste de la Renaissance. En 1524, il est nonce apostolique (ambassadeur) du pape Clément VII auprès de Charles-Quint. Trois en plus tard, les troupes impériales mettront à sac la Ville Éternelle[27]. Le Livre du Courtisan paraît à Venise en 1528, un an avant sa mort. Castiglione meurt à Tolède en 1529. Jules Romain dessinera les plans de la chapelle où il est enterré près de Mantoue.

Le Courtisan

C’est pendant la période de 1504 à 1514, qu’il écrit sa quasi œuvre unique, en quatre livres, qui aura un retentissement énorme dans toute l’Europe et dont le succès s’étendra sur trois siècles, Il Libro del Cortigiano (Le Livre du Courtisan).

Une série de dialogues dans lequel est décrit l’art de vivre à la cour. Mais plus encore, ce livre nous dépeint ce que doit être un courtisan, humaniste s’entend, doté à la fois d’une conscience politique, d’un projet et d’une ambition culturels. Castiglione est un personnage raffiné qui aime écouter de la musique, danser, converser.

« Loin d'être un "vil flatteur", le courtisan de Castiglione résume en lui toutes les qualités que la Renaissance exige de l’homme individuel et social. L'idéal chevaleresque du Moyen-Âge et l'idéal culturel de l'Humanisme, les "armes" et les "lettres", s'unissent pour former un modèle qui inspirera par la suite d'innombrables variations. Mais le Courtisan n'est pas un livre théorique. C'est une "conversation", pleine d'esprit, de grâce et de désinvolture, de poésie aussi, qu'échangent des amis dans le cadre du palais ducal d'Urbino, siège d'une des cours les plus raffinées d'Italie »   (Alain Pons, https://www.babelio. com/livres/Castiglione-Le-livre-du-courtisan /23243)


Castiglione est également l’auteur de Amorose Canzoni, sonnets dans le style pétrarquisant, dédiés à Elisabetta Gonzague et dans lesquels il célèbre son amour pour la Duchesse d’Urbino qui ne semblait pas des plus resplendissantes à en juger par le portrait peint par Raphaël, ami de Castiglione.

« Je veux néanmoins que notre Courtisan retienne bien ce précepte en son esprit : qu'en ceci comme en toute autre chose il soit toujours avisé et timide plutôt qu'audacieux, et qu'il se garde de se persuader faussement qu'il sait ce qu'il ne sait pas. Car naturellement nous sommes tous avides de louange bien plus que nous devrions, et nos oreilles aiment mieux la mélodie des paroles qui nous louent, que n'importe quel autre doux chant ou musique ». (Traduction Alain Pons, philosophe, spécialiste de la pensée humaniste italienne).


Ange Firenzuola

Ange Firenzuola (1498-1548), né à Florence, rencontre pendant ses études de droit à Pérouse le dramaturge L’Arétin, se lie d’amitié avec lui et mene avec lui une vie des plus dissolue. Après avoir exercé un temps comme avocat, il entre chez les bénédictins de l’austère Ordre des Vallombrosains par lesquels il reçoit les manses de plusieurs abbayes. On lui doit des écrits légers : Discours des animaux, sur le modèle des fables orientales Entretiens d'amour inspiré de Boccace, et Delle Bellezze delle Done (Dialogues sur les Beautés des Dames). « Un dialogue sur le ton d’une conversation amicale concernant la beauté des dames, où chaque partie du corps est considérée du point de vue de ses qualités esthétiques ». (https://soundcloud.com/editionslesbelleslettres/agnolo-firenzuola-des-beautes-des-dames)

Furenzuola a aussi composé des nouvelles inspirées des contes du Pantchatantra[28] et des poésies bernesques[29].


Outre-Rhin

Langue et littérature

La littérature allemande a été particulièrement florissante notamment avec ses Minnesänger et leurs suivants les Meistersinger (voir Poésie Outre-rhin/ Hans Sachs), et non moins la poésie notamment mystique. Contrairement au reste de l’Europe qui a conservé comme en Italie, en Espagne, un goût prononcé pour la littérature courtoise, fut-elle parodique.

Les écrits germaniques dans la tradition médiévale vont laisser la place à de nombreux textes relatifs aux thèses luthériennes et à une littérature proprement dite qui adoptera progressivement les conceptions humanistes sur lesquelles viendra se greffer l’affirmation d’un sentiment national. Si la prose luthérienne a été riche, la littérature proprement dite (les œuvres de fiction) n’a pas connu la même abondance. Le nationalisme germanique par une exaltation du passé va s’élever contre toute domination étrangère, celle du pape et de ses partisans les Welches[30]. (voir Guerre des Guelfes et des Gibelins, T1/Événements Majeurs).


L’on fait commencer la Renaissance Littéraire Outre-rhin à partir de 1517 lorsque que les thèses de Luther sont placardées sur la porte de son église de Wittenberg, quoique l’épisode ne tienne qu’au seul témoignage tardif de Melanchthon (voir Vol.1/Réforme Allemande).

La traduction de la Bible par Luther en 1543 en nouveau-haut-allemand va être un véhicule primordial pour fixer, diffuser, imposer une langue unique en terre germanique. Le nouveau-haut-allemand précoce fait suite au moyen-haut-allemans à partir du milieu de XIVème siècle et sera pratiqué pendant trois siècles jusqu’à ce qu’il soit remplacé dans la seconde partie du XVIIème siècle par le haut-allemand moderne l’allemand actuel, le Neuhochdeutsch[31]. Le moyen-haut-allemand en usage au début du XIIème siècle- distinct du bas-allemand par des modifications phonétiques et ses zones géographiques- synthétisait les différents dialectes du haut-allemand et exprimait la littérature courtoise.


Johannes Von Tepl

Johannes Von Tepl (ou Johannes von Saaz, vers 1351 - vers 1415) est d’origine tchèque. On sait très peu de chose de sa vie. Il a été notaire puis directeur d’école dans la ville de Saaz (actuellement Zatec, République tchèque, au nord-ouest de Prague). Il passe les dernières années de sa vie dans la capitale tchèque où il exerce la fonction de secrétaire municipal. Charles IV de Habsbourg, ouvert aux nouveautés italiennes, avait installé sa cour et régnait en tant que roi Bohême sous le nom de Charles VI[32].

« Dans le royaume de Bohême[33] régnait alors, depuis le début du XIV siècle, la dynastie de Luxembourg, représentée par l'empereur Charles IV (1316-1346-1378), qui fit de Prague une des capitales intellectuelles, culturelles et architecturales de l'Europe, notamment en y construisant la cathédrale Saint-Guy (Sankt-Veit) et en y fondant en 1348 la première université allemande».

Son ouvrage, Der Ackermann aus Böhmen (Le Laboureur de Bohême) achève le Moyen-Âge et annonce l'humanisme. En 34 chapitres, sous forme de dialogue, le laboureur-écrivain dont le soc de charrue est sa plume, défit la mort qui a emporté sa femme. Il demande au Tribunal de Dieu qu’elle soit jugée. Œuvre morale sur la vanité de toute chose, l’inexorable issue de notre fin dernière et la toute puissance divine. Dieu donne raison à la mort mais reconnaît l’honneur du laboureur.

« Médiéval dans son affirmation de la toute-puissance divine et dans son abandon à la volonté de Dieu, moderne dans la réflexion qu'il ouvre sur l'affrontement de l'homme avec la mort universelle».

Écrit vers 1401, publié en 1460, Le Laboureur par son attaque contre l’Église et le relâchement de ses mœurs annonce la Réforme[34].


Burkard Waldis

Burkard Waldis (vers 1490-1556), né à Allendorf dansl’État Impérial du Hesse est issu d’une famille apparentée aux seigneurs d’Allendorf où son père qui produisait et vendait du sel était conseiller et trésorier.

Waldis est d’abord fabricant de casseroles, fondeur d'étain et gardien d'hôpital. En 1522, il entre dans l’ordre des

franciscain à Riga (Lettonie). En 1523, l’archevêque de la ville l’envoie en mission auprès de Charles-Quint pour avoir son soutien contre la Réforme qui gagne la ville. Avant d’arriver à Rome, on sait par ses écrits qu’il est passé par Nuremberg, Schwabach, Lechfeld près d'Augsbourg et Landsberg am Lech. Le pape ne le reçut pas et la mission fut un échec.

« En 1526, Burkard Waldis[35] a été arrêté pour avoir apporté des messages secrets pour Lohmüller (réformé, conseiller de la ville de Riga) à Königsberg. De 1536 à 1540, il fut de nouveau emprisonné pour "activités hérétiques" contre l'Ordre Teutonique. Burkhard Waldis a été emprisonné pendant trois ans et soumis à la torture afin d'extorquer des aveux. Ses frères ont demandé au Landgrave Philippe le Magnanime [voir Vol./1/Réforme luthérienne] une médiation, mais il a d'abord refusé. Deux de ses frères sont allés en Livonie pour l'aider. Le 4 mai 1540, le landgrave Philippe le Magnanime écrivit de nouveau aux maîtres de l'ordre à Riga à la demande des frères. Les efforts massifs ont été couronnés de succès et Burkard Waldis a été libéré le 21 juillet 1540 ».


En 1541/42, il étudia la théologie à Wittenberg où vit Luther qu’il rencontre. Il est ensuite aumônier du landgrave Philippe le Magnanime, un des chefs de file de la Réforme Luthérienne. Waldis est Pasteur à Hofgeismar et Abterode, puis en 1543 il est fait diacre à Hofgeismar dans le Hesse. En 1544, il a repris le bureau du pasteur et le bureau de prévôt associé à Abterode dans le nord de la Hesse. En 1556, il meurt d’un accident vasculaire.

En plus de ses fables, Burkard Waldis est surtout connu pour sa pièce de théâtre de carnaval The Prodigal Son, un jeu écrit en bas-allemand pour le carnaval. Il est connu aussi pour son Esopus qui en 22 000 versets, recueille la collection la plus complète de fables allemandes du XVIe siècle. Le premier volume contient les 400 fables animalières du père grec de la fable, Ésope (564 av. J.C.), des blagues et des anecdotes éditées conformément à la première édition de 1548. Le deuxième volume fournit une introduction et de nombreuses annotations ainsi que la réimpression Ref. citée).


Goetz von Berlichingen

Goetz ou Godefroi von Berlichingen (ou Gottfried von Berlichingen, 1480-1562) est né au château de Jagsthausen dans le Wurtemberg. Il est élevé à la cour du margrave (marquis) Frédéric de Brandebourg. Il participe à la Guerre de Souabe (1499) dans les troupes de Maximilien 1er contre les révoltés de la Confédération Suisse dont l’indépendance sera reconnue de fait.

En 1488, Des princes du sud pro-catholiques fondent la ligue de Souabe dont les troupes participent à différentes guerres, Guerre de Souabe, Guerre de Succession de Bavière. En 1519, elles envahissent Wurtemberg pour s’opposer à l’expansionnisme du Duc Ulrich VI de Wurtemberg. Devenu bailli au Wurtemberg, von Berlichingen est fait prisonnier. Libéré, il participe à la Guerre des Paysans de 1525 (voir Vol.1/Réforme Radicale). Son engagement aurait tenu à un désir d’apaisement entre paysans et nobles. Il a néanmoins contribué à l’élaboration de la Charte de Memmingen dans laquelle en 12 articles, les insurgés exprimaient les raisons de leur révolte dans la liste des exigences qu’ils ont dressée (voir T2.Vol.1/ Réforme allemande/ La Confessions d’Augsbourg). 


La ligue de Souabe va écraser la révolte mais von Berlichingen aura déjà renoncé au combat. Il y aura quand même perdu une main et le gant de fer qui la remplacera lui vaudra son surnom de ‘Main de fer’. Il se retire dans son château de Hornberg qu’il a acheté en 1518. En 1542, il se met au service Charles-Quint contre les Ottomans qui prendront Constantinople un an plus tard, prise qui sera vécu comme un véritable désastre dans toute l’Europe. Au cours de la  Neuvième Guerre d’Italie, il participe en 1544 à la Bataille de Cérisole (Piémont) contre la France qui en sortira victorieuse. Il meurt en son château à l’âge de 81 ans laissant trois filles et sept fils.

Il laisse une autobiographie qui restera manuscrite jusqu’à sa publication à Nuremberg en 1731.


« Son nom[36] est devenu célèbre comme euphémisme pour une expression vulgaire qui lui est attribuée : « Er kann mich am Arsch lecken » (Il peut me lécher le cul) bien que dans la pièce soit écrit «Il peut embrasser mon cul»). Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Waffen SS ont donné son nom à une unité et, à une époque plus moderne, le 2nd Fast Patrol Boat Squadron allemand [Escadron des Patrouilleur Rapides] utilise son poing fermé comme symbole.»

En 1772, en pleine période du Stürm und Drang, Goethe dont Les souffrances du Jeunes Werther paraitront deux ans plus tar, l’adaptera sous forme d’un drame, faisant de Goetz un héros tragique dont le dernier en mourant et « Liberté ! »

« Dans Le Diable et le Bon Dieu (1951), Sartre a pris plus de distance encore pour son Goetz avec la réalité historique du chevalier à la main de fer ; il a seulement retenu pour donnée de base le choix de Berlichingen comme capitaine par les paysans de l'Odenwald. ». (Encyclopédie Universalis).


Le Docteur Faust

« Entre 1480 et 1540 environ vivait en Allemagne du Sud un certain Johann (ou Georg) Faust. À travers les rares documents qui signalent son passage dans une ville ou l'autre, il apparaît sous un jour douteux, tantôt maître d'école aux mœurs suspectes et tantôt charlatan de foire ou astrologue, mais guère humaniste ou savant. Sa fin reste ignorée, mais, très vite, une foule d'anecdotes amplifient les farces et les prodiges du personnage. Son renom est bientôt attribué à ses pouvoirs magiques, puis, autour de 1580, pour justifier ces pouvoirs, un biographe anonyme, très vaguement frotté de théologie luthérienne, lui suppose un pacte formel avec l'enfer, une association avec le démon « Mephostophiles », et enfin, après vingt-quatre ans d'aventures et de plaisirs, le châtiment d'une mort terrible, exemplaire avertissement pour tout bon chrétien tenté de faire alliance avec le diable. » (Encyclop. Universalis)


Ce que l’on sait du Docteur Faust qui a pu être plus magicien que docteur tient non seulement à sa biographie, mais aussi à des témoignages dans l’entourage de Luther et ce qu’en on dit Luther lui-même et Mélanchton qui ne le portaient dans leur cœur. Il aurait enseignait à l’université d’Erfurt avant de devoir la quitter chassé par sa mauvaise réputation. Il se serait rendu à Cracovie où on assimila le personnage au sorcier légendaire Pan Twardowski qui, tout droit sorti du folklore polonais avait vendu son âme au Diable en échange de pouvoirs surnaturels. Mais Faust avant même de se réfugier en Pologne, Faust aurait déclaré en présence d’un moine franciscain d’Erfurt nommé Konrad Klinge : « Je suis allé plus loin que vous ne le pensez et j’ai fait une promesse au démon avec mon propre sang, d’être sien dans l'éternité, corps et âme »

L’auteur anonyme de sa biographie, Historia von Johann Fausten, parue en 1587 sous forme d’un conte populaire, à Francfort/Main. Il connut un immense succès. La première des publications était dans le format d’un livre de colporteur[37]. Plus de vingt éditions dans les vingt premières année après sa première publication. Et nombreux furent les auteurs qui s’emparèrent de ce qui allait devenir un des plus puissants mythes de la littérature car il touche à l’omnipotence humaine. Cet homme à la soif insatiable de pouvoirs et de connaissance en ce qu’il veut rivaliser avec Dieu ne peut être associé qu’à celui qu’il veut devenir, le Diable, qui sous la plume du biographe prend le nom de Méphistophélès qui signifierait étymologiquement «celui qui n'aime pas la Lumière ».


L’œuvre est traduite en anglais. Christopher Marlowe (1564-1593) s’en inspire pour en faire une pièce, The Tragical History of Doctor Faustus (voir Marlowe), représentée dans les années 1590 et seulement publiée en 1604. L’action se passe à Wittenberg et le docteur Faust connaît une fin tragique ; Méphistophélès venant à la onzième heure chercher Faust pour le mener en Enfer. Ce qui ne va pas sans évoquer Le Festin de Pierre et la fin tout aussi tragique de Don Juan.

La pièce souleva au siècle attisa lors de ses représentations l’épineux problème de la prédestination chère aux protestants luthériens et calvinistes.

« Au moment où le Docteur Faust était représenté, cette doctrine [de la prédestination] se répendait en Angleterre et, sous la pression de théologiens puritains de Cambridge et d'Oxford, elle était devenue la position officielle de l'Église d'Angleterre » (https://en.wikipedia.org/ wiki/Doctor_Faustus).

Lessing (1729-1781) en laissera un drame inachevé.


 Goethe (1849-1832) prendra lui aussi le mythe, la légende du Docteur Faust à son compte pour en faire ce que l’on considère comme son œuvre maitresse. Parue en 1808, il en donna une suite en 1832, éditée postmortem. Le Faust I (1806>1828) est plus religieux, plus accès sur l’âme de Faust, sa damnation ; le Faust II (1831) est plus d’ordre temporel. Goethe introduisit le personnage de Marguerite incarnant son inverse en beauté et innocence mais qui sombrera dans le déshonneur d’une fille-mère. Elle sera pendue pour avoir tué son enfant. Mais à la fin de la seconde pièce, elle sauvera Faust de la damnation par ses prières rédemptrices.

Le compositeur Charles Gounod (1818-1893) composera un opéra dans la même veine, Faust, opéra français le plus joué dans le monde avec  Carmen de George Bizet (1838-1875). « Gounod retravaille le mythe popularisé par Goethe pour s’attacher à l’histoire d’amour et magnifie la chute et le salut final de Marguerite. » (Opéra de Paris, saison 20-21).


Outre-Manche

Thomas More

Le fait majeur de la littérature Outre-Manche dans le domaine du récit est la publication en 1515 d’Utopia du Grand Chancelier d’Angleterre Thomas More (1477-1535, voir Humanisme Angleterre) qui sera décapité pour haute trahison (en fait pour ne pas avoir approuvé le divorce d'henry VIII d'avec son épouse Catherine d'Aragon). Il laisse également  Dialogue de la Consolation, écrits de prison aux accents eckartiens, publiés après sa mort en 1555.

L’Œuvre

Commencé au Pays-Bas en 1515, De optimo Reipublicae statu deque nova insula Utopia libellus vere aureus, nec minus salutaris quam festivus (Du meilleur état de la chose publique et de l’île nouvelle d’Utopie, un précieux petit livre non moins salutaire que plaisant), écrit en latin, est édité à Louvain en 1516, édité à Paris en 1517, à Bâle en 1518 où Érasme la supervise. L’ouvrage sera traduit en allemand en 1524, en italien en 1548, en 1550 Guillaume Budé préfacera celle en français, et il paraît en hollandais en1553.


Si More annonce dès son titre que l’ouvrage est divertissant, c’est qu’il a beaucoup apprécié le ton facétieux de l’Éloge de la Folie de son ami Érasme dont il avait encouragé à poursuivre l’écriture que ce dernier avait entamée lors d’un périple qui, d’Italie par l’Allemagne, l’amenait chez lui. D’ailleurs si dans Utopia, le voyageur à quelques réticences à relater son voyage sur l’île inconnu, n’est-ce pas que « ce serait raconter une histoire à des sourds » ou « délirer avec les fous »…?

Utopia est un terme latin, forgé du grec par More à partir de ou-topos, le non-lieu, nulle-part, et eu-topos, le bon-lieu. Ce terme comme le genre qu’il représente seront définitivement intégré à la culture européenne. L’œuvre ouvre en effet à un genre littéraire qui fera florès. La Cité du Soleil (1602, Voir Humanisme Politique) de l’humaniste politicien, Thomaso Campanella (1568-1639), par exemple, sera basée sur la même structure d’un dialogue introductif d’un récit et sur le même thème d’un voyageur qui relate à son interlocuteur sa découverte d’une île imaginaire sur laquelle vit un peuple inconnu, dont la description des mœurs permet à l’auteur de développer ses conceptions d’une vie idéale en société. Bien évidemment, More a eu vent des grands voyages maritimes qui ont commencé à la fin du XVème siècle comme ceux du florentin Amerigo Vespucci (1454-1512) qui navigua pour la couronne du Portugal et relata dans ses lettres et récits, qui eurent grand succès, ses voyages dont il est difficile de faire la part du vrai et celle de l’imaginaire.


L’ouvrage est en deux parties. La première est sous forme d’un dialogue inspiré du dialogue platonicien[i][38] la seconde sous forme de récit.

Dans la première partie, qui est une critique de la société anglaise, le dialogue s’instaure entre l’auteur lui-même représenté par son ‘porte-parole’, le flamand Pierre Gilles, son éditeur à qui il adresse sa préface, et un voyageur portugais (!), Raphaël Hythlodée (c.à.d le « conteur de balivernes »). Dans la seconde partie, ce dernier relatera son voyage sur Utopia, une île censément être bien dans notre monde et dans son temps contrairement à l’ancienne Atlantide de Platon ou à la Cité de Dieu de Saint Augustin, idéale cité à venir.


L’Île d’Utopia

Un île où les habitants, les Utopiens, vivent non comme More le souhaite mais comme il l’espère, ainsi qu’il l’écrit à la fin de son ouvrage. Le programme politique de More est de « bannir en même temps que ce qui relevait du principe de l’individuel, tout ce qui pouvait ressembler à une domination exercée à titre personnel, livrée à l’arbitraire et non soumise aux règles communes imposées par la nécessité rationnelle. » (Pierre Macherey ref.cit.).

La propriété privée est abolie car c’est elle qui sépare le peuple de son souverain. Sont imposés la chasteté avant le mariage et la fidélité après. L’adultère est puni d’esclavage. La vie quotidienne est décrite avec précision comme par exemple la description des repas en commun, au cours desquels hommes et femmes sont séparés et servis par des enfants après un chant choral; La disposition administrative est de 6000 familles par ville. La famille paysanne étant la cellule de base…

La tolérance religieuse existe pour des raisons de paix sociale mais le polythéisme est interdit. Prédomine une forme de christianisme avec un Dieu tutélaire. Les prêtres, élus par le peuple, peuvent se marier.

L’humaniste More a confiance en l’homme qu’il dote d’une nature qui le porte au bonheur par un plaisir « droit et honnête » : « Le bonheur, pour eux, ne réside pas dans n’importe quel plaisir, mais dans le plaisir droit et honnête vers lequel notre nature est entraînée. »


Le Sens

Utopia est à deux optiques de lecture. L’ouvrage peut être lu comme la rêverie d’un âge d’or perdu, que (re)découvre le voyageur : une île où l’homme naturel est foncièrement bon dans un avant-goût rousseauiste. C’est ainsi que la justice rendue est suffisamment impartiale qu’elle ne nécessite pas de défenseurs. La tolérance assure la paix sociale. Mais, quand même, la société est patriarcale et esclavagiste.

La seconde optique de lecture montre une volonté de réforme de la gouvernance des rois comme l’espérait More de la part d’Henry VIII, avant qu’il ne soit nommé Chancelier et ne se heurte à la réalité politique. Le mouvement humaniste a cru pouvoir par la sagesse et la raison amener les princes à moins, si non à la fin, de pouvoir personnel et autoritaire. Mais les fortes personnalités que réunissait le XVIème siècle, Charles Quint, François 1er, Henry VIII, puis Marie Tudor et Élisabeth 1er, ne concouraient pas à une telle orientation démocratique avant l’heure.

« Utopia va influencer considérablement les autres villes imaginaires : propriété collective, égalité sociale, souci d’hygiène, autarcie économique, démocratie politique; organisation de la vie quotidienne, du travail et des loisirs. ». (http://edu.saline.free.fr/01-cites/1-thema/02-utopia.html).

L’ Utopie est comme une parenthèse politique divertissante dans l’œuvre de More car il retournera aussitôt à ses préoccupations essentielles qui sont d’ordre religieux.


NOTES
[1] Leur père Charles d’Orléans n’est pas le poète Charles 1er duc d’Orléans et de Valois (1394-1465) qui passa une bonne partie de sa vie prisonnier des anglais, mais Charles d’Orléans, Comte d’Angoulème (1459-1496).

[2] Sur l’Heptaméron voir, Raymond Lebègue, Les Sources de l’Heptaméron et la Pensée de Marguerite de Navarre, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, https://www.persee.fr

[3] Non qu’il furent cordeliers mais ceints d’une corde liée autour de la taille. Tous les couvents des cordeliers furent fermés en 1789. Celui de Paris (quartier de l’Odéon) reste dans les mémoires pour avoir été investi en 1790 par les Amis des Droits de l’Homme et du Citoyens qui y formèrent le Club des Cordeliers. Les Amis de la Constitution avaient investi eux en 1789 le couvent des Jacobins et formé le Club des Jacobins Jacobin, nom donné aux dominicains installés en 1218 rue St Jacques (voir Tome1 / Ordre Dominicain).

[4] Une abbaye en commende est une abbaye dont les bénéfices reviennent directement et à titre personnel à l’abbé.

[5] Étienne Dolet, issu de la haute noblesse, humaniste, imprimeur, est resté la figure de proue de la liberté de penser de la Renaissance Française en bravant tous les interdits et continuant à publier des textes anciens et récents comme Manuel du Chevalier Chrétien d’Érasme, livre considéré convaincu d'hérésie. Sa vie mouvementée faite d’un meurtre, d’exil, de prison à laquelle s’ajoute son mauvais caractère et les inimitiés qu’il s’attira à Lyon où il s’était installé en 1536, n’ont pas plaidé en sa faveur quand on l’accusa d’être athée, matérialiste et certainement protestant. Il fut brûlé Place Maubert à Paris en 1549, François 1er l’ayant un temps protégé puis livré à son sort (voir Tome1/Réforme France)

[6] Sur la « problématique du simulacre de l'épistolarité », de savoir en quoi l’auteure respecte « les traités et les manuels d'art épistolaire du xvi siècle dont le principal (et, dans le cas d'Hélisenne de Crenne, le plus pertinent) est le De conscribendis epistolis d'Érasme », et de façon plus générale Hélisenne de Crenne et cet ouvrage cf . Maryline Audet, Les Epistres Familieres Et Invectives De Ma Dame Helisenne (1539) D'Hélisenne De Crenne Ou Le Simulacre De L'Épistolarité, maîtrise en études littéraires, Université du Québec 2006.

[7] Citation et pour en savoir plus sur cette traduction : Ellen Delvallée, Traduire, réécrire, amplifier Vigile au XVIème siècle : https://doi.org/10. 4000/rhetorique.416

[8] La sextine a été inventée par le troubadour Arnaut Daniel dans la seconde moitié du XIIème siècle. Ce poème conserve toujours dans les six sizains (strophes de six vers) qui la composent, les mêmes six mots en fin de vers, mots qui constituent les rimes, mais ceux-ci se déplacent d’une strophe à l’autre selon un ordre précis (les sources divergent sur cette ordre). Dante, Pétraque, Luís de Camões l’ont employée.

[9] Voir Tome I/La Contre Réforme/ Espagne/ Cardinal Cisneros

[10] Sur la vie et l’œuvre de da Silva voir : http://www.lllf.uam.es/ ~fmarcos/informes/BNArgentina/catalogo/silvafel.htm

[11] Fille d’une des sœur de Charles-Quint, Éléonor d’Autriche (de Habsbourg), et du roi Manuel 1er du Portugal dit le Vertueux, Doña Maria (1521-1577) « fut une inspiratrice des poètes lusitaniens et célèbres organisatrice de soirées littéraire à la cour. Certains historien la considère comme la princesse la plus riche d’Europe au XVIème siècle », héritière notamment de l’immense fortune de sa mère. (J. Veríssimo Serrao Annales du Midi Année 1953 65-21 pp. 129-136 ,https://www.persee.fr/ doc/anami 00034_Doña Maria 398_1953_ num_ 65_21 _ 5901).

[12] La pensée d’Érasme ne connut pas en Espagne le même succès que dans le reste de l’Europe. VoirT1.Vol.1/Humanisme et Contre Réforme/ Espagne.

[13] Sur l’université d’ Alcalá de Henares voir Vol1/Architecture Espagne/ Architecture Plataresque

[14] Le tercio fut l'unité administrative et tactique de l'infanterie espagnole de 1534 à 1704 subdivisée à l'origine en dix, puis douze compagnies composées de piquiers escrimeurs, arquebusiers*. Regroupant environ trois mille fantassins professionnels par unité, hautement entraînés et disciplinés, les tercios furent réputés invincibles jusqu'à la Bataille de Rocroi en 1643). Dans les autres pays, ils furent souvent appelés carrés espagnols.

* Le corps d’élite des mousquetaires ne fut créé qu’en 1622 et en France. Le mousquetaire, obligatoirement gentilhomme est armé d’un mousquet (qui remplace l’arquebuse) et non d’une épée…

[15] A titre indicatif, à l’époque un ouvrier qui travaillait 300j/an recevait un salaire annuel de 60 ducats. 500 ducats représentent environ 8 ans de travail. Les nobles pouvaient avoir des rentes annuelles comprises ente 100.000 et 170.000 ducats. (https://www.futura-sciences.com/sciences/ questions-reponses/histoire-histoire-noblesse-espagnole-xvie-siecle11126/).

[16] Quixotte, en espagnol, signifie le cuissot, la partie de l’armure du chevalier qui protégeait le dessus de sa cuisse. Il remplace de bas (jupe) du haubert.

[17] Caporali, né près de Pérouse en Ombrie, écrivit de nombre de poèmes très secondaire mais il connu la gloire avec ce voyage au Parnasse où il va rencontrer Dante, Boccace, Pétrarque mais quand il est sur le point de rencontrer les grands poètes de l’antiquité, il doit interrompre son voyage à cause de sa mule qui elle a quelqu’aventure avec un âne. Voir https://www.treccani.it/enciclopedia/cesare-caporali_Dizionario-Biografico/

[18] « Frappée par la perte de la plupart des documents qui permettraient aux historiens de reconstituer une histoire détaillée et précise de l’éducation des anciens Grecs, l’Antiquité a produit néanmoins un récit d’un nouveau genre, celui de la fiction en prose, qui se concentre presque exclusivement sur la jeunesse et raconte, sous la forme d’une aventure imaginaire, l’histoire de l’éducation aristocratique de jeunes héros et, fait remarquable, de jeunes héroïnes. En effet, premier roman d’amour et d’aventure, le roman grec appartient par bien des aspects au genre du Bildungsroman ou roman de formation, tel qu’il a été défini par la tradition littéraire ». (Sophie Lalanne, Le Roman Grec, Une histoire de Genre Éditions de La Sorbonne 2007 Pg187)

[19] Il faut distinguer le roman chevaleresque qui ne fait pas appel au merveilleux mais qui peut-faire appel à l’histoire quand il s’agit de la biographie de chevalier ayant existé comme Le livre des Faits du Bon Messire Jehan le Maingre (1364-1421), au contraire du roman de chevalerie qui fait appel au dragons , sorciers, enchanteurs et enchantement. Voir T1/Littérature /Le Roma/Le Roman Chevaleresque.

[20] Selon les récents travaux de l'archiviste et historien Francisco Javier Escudero et l'archéologue Isabel Sánchez Duque ; Rapporté par Lidia Yaenel : La historia de Don Quijote no es inventada, es real (https://www.abc.es/cultura/libros/20141124/abci-historia-quijote-inventada -real-201411240828.html)

[21] Roman chevaleresque en ce qu’il ne fait en rien appel au fantastiques mais aussi parce qu’il narre le duel d’un chevalier qui a pu exister.

[22] Si le cicéronien Pétrarque écrivit en latin son long poème épique qui lui permit de recevoir en 1341 la couronne de laurier, Africa, il composa ses Canzionere (Rerum vulgarium fragmenta) à Laure en florentin. Boccace fut, lui, avec le Décaméron (1439    53) le premier écrivain en prose (toscane) à succès.

[23] Toutes les sources donnent la quatrième langue comme étant l’italien mais la question est bien de savoir de quel italien il s’agit, autrement dit de quelle langue vernaculaire qui aurait eu la suprématie sur les autres pour être qualifiée d’italienne. Il pourrait s’agir de la langue de cour défendu par Le Trissin ( ?) A noter que le premier dictionnaire français est publié en 1539 par le lexicographe, imprimeur du roi, Robert Estienne (†1559).

[24] Ce Nouveau Style Doux tient de la métrique sicilienne et de la délicatesse du florentin. Ce style se développa à Florence au XIVème siècle est Dante en fut le premier représentant.

[25] Urbino a été dans la seconde partie du XVème siècle et la première du XVIème, une des plus importants foyers culturels de la Première Renaissance. Piero della Francesca y a œuvré. Le sculpteur et architecte Luciano Laurana, le sculpteur espagnol Pedro Berrugete, le peintre Juste de Gand (voir T2.V2/ArtsPrimitifs flamands) vont également travailler pour le duc. Les architectes Le Filarete et Amadeo viendront à Urbino au début des années 1460. Urbino est la ville natale de l’architecte Bramante (1444- Rome1514) et de Raphaël (1483-Rome 1520) dont le père Giovanni Sanzio (†1494) aura été l’élève de Piero della Francesca. Michel-Ange et Pietro Bembo y séjournent.

[26] Les Vénitiens seront battus à Agnadel près de Milan par les troupes de Louis XII enmenées Chevalier Bayard. La République de Venise sortira affaibli mais non vaincue de cette épisode de la Quatrième Guerre d’Italie.

[27] « Le pape reprocha à son nonce de ne pas en avoir été averti. Contre toute attente, il reçut des excuses du pape (si heureux du courrier qu'il donna à son porteur, Domenico Pastorello, un évêché), et les honneurs de l'empereur » (Wikipédia) Contre toute attente, il reçut des excuses du pape (si heureux du courrier qu'il donna à son porteur, Domenico Pastorello, un évêché), et les honneurs de l'empereur.

[28]Ces contes ont « la forme habituelle ‘à tiroirs’ : une histoire sert de cadre à toute une série de contes qui s'emboîtent les uns dans les autres à la manière des poupées russes. Il s'agit en fait d'assurer l'unité du recueil qui doit apparaître comme une œuvre cohérente, non comme une simple collection de morceaux juxtaposés. Les plus anciens de ces recueils sont, d'une part, la Jātakamālā (Guirlande des Vies), œuvre en pāli où sont relatées les vies des personnages (hommes et animaux) qui devaient finalement devenir le Buddha « historique » ; d'autre part, le Pañchatantra (Pañcatantra). Ce dernier est, très probablement, le plus ancien des deux puisqu'on le situe aux tout premiers siècles de notre ère » (https://www.universalis.fr/encyclopedie/pancatantra/)

[29] « Et c'est à Rome que Francesco Berni, un jeune poète arrivé de Toscane en 1517 au service du cardinal Bibbiena… achèvera de perfectionner le genre, faisant durablement école dans la péninsule, où, jusqu'au XVIIIe siècle, nombre de poètes burlesques se targueront de composer à la bernesque. — (Paul Larivaille, De l'équivoque érotique dans la poésie italienne de la Renaissance et de l'érotisme discret de l'Arioste en particulier, in Italique, n°2, 1999)

[30] Jean-Louis Bandet, La littérature Allemande Que-sais-je ? 1987)

[31] Haut-allemand, c’est-à-dire le dialecte allemand parlé dans le sud de l’Allemagne (géographiquement : haut-allemand) aux 11ième -14ième siècles (linguistiquement :moyen allemand). Le bref résumé qui suit de l’histoire de la langue allemande ne prétend pas présenter l’évolution de la langue germanique mais seulement en donner un certain ordre d’idée, d’autant que les sources varient elles-mêmes sur le passage d’un allemand à un autre. Par exemple le Neuhochdeutsch, le nouvel-haut- allemand désigne chez Jacob Grimm, un des Frères Grimm, conteur mais aussi linguiste (†1863) l’allemand moderne et le fait débuter en 1500 alors que la plupart des autres linguistes comme le germaniste Wilhelm Scherer (1886) le font commencer soit en 1650 soit en 1700. Les modifications sont d’ordre phonétique et orthographiques.

[32] La famille d’architectes et sculpteurs Parler introduisit le style gothique en Bohême. Son plus éminent membre, Peter Parler (1330/33-1399), réalisa son chef-d’œuvre en reconstruisant le chœur de la cathédrale Saint Guy. En 1415, le précurseur tchèque de la Réforme Jean Huss fut arrêté au cours du Concile de Constance et brûlé vif pour s’être élevé un siècle avant Luther contre le ‘trafic’ des Indulgences. Va naitre le mouvement hussite et leur révolte contre l’empereur Sigismond 1er (†1437) (voir T2VI/ Réforme Radicale/ Hussites en Moravie). En 1380, la peste ravage la Bohême.

[33] Citations et socle de la biographie : Jean-Louis Bandet, Histoire de la Littérature Allemande, PUF 1997.

[34] Les Visions de Guillaume au sujet de Pierre le Laboureur (Piers Ploughman) long poème de 7000 vers composé en moyen anglais en 1362 par Robert (ou William) Langland contenait déjà certains passages hérétiques sur le rejet de la transsubstantiation au cours de l’Eucharistie, un des thèmes centraux de la Réforme. (Voir T1/Bas-Moyen-Âge/Littérature/Poésie Lyrique et morale/Outre-manche).

[35] Citation et base de la biographie https://de.wikipedia.org/ wiki/Burkard_Waldis

[36] Citation et sur sa vie voir notamment https://knights-and-castles.com /2020/12/01/gotz-von-berlichingen/

[37] Un livre de colporteur est un petit libre ne dépassant guère une quarantaine de pages cousues en piqûre, à cheval, les feuilles sont cousues en leur milieu et repliées ensuite. Aujourd’hui on utilise des agrafes. Exemple agrafées en A 3 et repliées en A4

[38] Dans le Théétète, Platon écrit que la pensée est « un dialogue intérieur de l’âme avec elle-même ». Ce dialogue est recherche de la vérité. Il ne s’agit pas d’une conversation, mais d’une mise sous forme orale de la pensée dans sa démarche dialectique.
   


LA CHRONIQUE

France - Flandres - Angleterre - Espagne - Italie


France

La Chronique

La chronique est définie comme « un recueil de faits historiques regroupés par époques et présentés selon leur déroulement chronologique ». Mais au-delà de la commande royale qui en est généralement à l’origine, la chronique, plus qu’un simple catalogue de faits est un genre littéraire en ce qu’elle fait intervenir dans sa rédaction toute la personnalité de son auteur et par là-même son style. Dans ses chroniques, Jean Froissart (1337-1410) se soucie moins de l’exactitude des faits historiques de la Guerre de Cents Ans que de faits chevaleresques plus ou moins romancés. Celles de Philippe de Commynes sont par contre une référence inépuisable pour les historiens.


Parfois la chronique, commencée par un auteur ou dans un scriptorium par quelques moines anonymes, peut se prolonger sur plusieurs siècles pour retracer toute l’histoire d’une dynastie comme Les Grandes Chroniques de France (commandées par Louis XI † 1270)[1] et continuées jusqu’au milieu du XVème siècle, date à laquelle elles furent éditées. Elles traversent toute l’histoire des Francs qui ont fondés les trois dynasties, mérovingienne, carolingienne et capétienne.

La chronique ne relate pas toujours des faits historiques relatifs à un roi ou à des rois comme l’Historia Regum Britanniæ de Geoffroy Mommouth (1100-1155) consacrée au rois de Elle peut être consacrée à la vie de saints comme la célèbre Légende Dorée de l’Italien Jacques Voragine (Giacomo da Varazze 1225/30-1298) ou à l’histoire d’une ville comme la Cronaca Venezina (Les Estoires de Venise) écrite en un moyen-français teinté largement de vénitien par un autre Italien Martino da Canale († après 1275,). L’historien anglais Guillaume de Malmesbury (1090-1143) s’est penché sur l’histoire de l’Église et des papes. Le Livre des Merveilles de Jean de Mandeville qui explora l’Afrique et l’Asie peut être considéré comme un chronique[2] (pour ces auteurs voir T1/Chroniques)

Les chroniques, françaises, italiennes, anglaises, espagnoles ont parcouru toute la période médiévale et vont se poursuivre pendant la Renaissance même si les chroniqueurs n’ont pas tous connus la même postérité que leurs prédécesseurs.


Philippe de Commynes

Philippe de la Clyte, sire de Commines (1447-1511), né à Renescure (Flandres Française, déprt. du Nord) d’une famille anoblie depuis peu, au XIVème siècle, était le filleul de Philippe le Bon, duc de Bourgogne et des Pays-Bas Bourguignons de 1419 à 1467, et chambellan de son fils et successeur, Charles le Téméraire (†1477). Il s’approche du roi Louis XI (1423-1461-1483), lorsqu’en 1468, le duc et le roi se rencontrent pour régler le conflit de la Ligue du Bien Public qui avait vu trois ans plus tôt se révolter princes et ducs contre l’extension du pouvoir royal, l’accroissement des taxes et le développement des « gens de peu » dans l’administration du royaume. Lors de cet entrevue restée célèbre, de Commynes ne se priva pas d’apporter quelques bons conseils au roi, qui se trouvait en mauvais posture face au violent Charles, et dont on pouvait présager une issue fatale. Cette attitude du Chambellan (chambrier au service de la chambre du roi) lui valut la réputation de traitre.


En 1472, Commynes passe en effet au service du roi et à la mort de celui-ci, il s’opposa aux côtés du futur Louis XII - fils du prince-poète Charles d’Orléans- à la régence d’Anne de Beaujeu[3] (de France), sœur du jeune roi Charles VIII, pendant la Guerre Folle qui vit à nouveau se lever entre 1485 et 88, les grands princes contre la royauté pour contester la succession au trône. La Guerre folle fait suite à la Ligue du Bien Public qui, elle-même, faisait suite à la Praguerie[4] de 1440, qui, pour les mêmes raisons, avait amené princes et ducs à s’élever à la reprise en main du royaume par le ‘Roi de Bourges’, Charles VII.

Pour cet engagement, Commynes perdra ses charges et titres et sera emprisonné cinq mois au château de Loches dans une cage de fer. Le verdict de son procès en 1489 le condamne à la relégation et à la confiscation d’un quart de ses biens. Mais il se met au service de Charles VIII qui, s’appuyant sur son expérience de conseiller auprès de Louis XI et de ses précédentes missions diplomatiques, l’envoie en Italie puis en Allemagne. Il accompagnera en Italie Louis XII (1462-1498-1515) qui poursuivra les Guerres d’Italie (1494-1559) entamées par Charles VIII, et dont le projet était au-delà de la conquête du Royaume de Naples, celle de Jérusalem aux mains l’Empereur Ottoman, Bazajet II.

Commynes termine pauvrement ses jours sur la terre d’Argenton que sa femme lui avait apportée en dot.


Il écrivit ses Mémoires en deux temps. Une première écriture commencée à sa sortie de prison en 1489 et achevée en 1491 est consacrée au règne de Louis XI. La seconde partie rédigée entre 1496 et 98 couvre les expéditions de Charles VIII en Italie.

« Dans un style vif et élégant, Commynes cherche à éclairer l'intelligence des faits, et non seulement assurer leur souvenir. Soucieux d'explication, analyste subtil des comportements politiques, gardant son sens critique malgré l'admiration qu'il porte aux souverains qu'il a servis, c'est un véritable historien, plus qu'un chroniqueur à l'ancienne mode». (https://www.universalis.fr/encyclopedie/commynes-commines-comines/)

« Un monument littéraire par la force et l’acuité du regard, la liberté du jugement, le poids de l’expérience ». (Joël Blanchard, professeur à l’Université du Maine, France).


Le Journal d'un Bourgeois de Paris

Écrite entre 1405 et 1449, cette œuvre anonyme retrace les événements politiques et sociaux qui ont animés la ville de Paris sous le règne du roi fou, Charles VI (†1422), et d’une partie de celui de Charles VII qui régna jusqu’en 1461. Outre l’intérêt ‘local’ sur une si longue période de la vie quotidienne de la capitale à la fin de Moyen-âge, période de transition du Gothique International -mœurs, coût de la vie, vie religieuse, phénomènes[5]- l’intérêt historique vient du fait que cette chronique se déroule sur fond de la Guerre de Cent Ans (1337-1453).

Plusieurs thèses ont été émises sur son auteur, mais aucune n’a été déterminante. Deux attributions dominent les autres, celle qui fait de Jean Beaurigout, curé de Saint-Nicolas des Champs, l’auteur; et l’autre qui l’attribue à Jean Chuffart, chancelier de Notre-Dame.

L’on possède plusieurs manuscrits de cette chronique. Les copies d’Aix et d’Oxford ; mais la version la plus ancienne, du milieu du XVème siècle, est celle du Vatican. C’est dans l’édition par Denis Godefroy en 1653 d’un recueil des historiens de Charles VII que pour la première fois en sont insérés des extraits sous le titre de Mémoires pour l’Histoire du Roi Charles VI. La première édition complète date de 1729 et porte le titre Mémoires pour servir l’Histoire de France et de Bourgogne. Elle est publiée pour la première fois sous le titre à ce jour utilisé, Le Journal d'un Bourgeois de Paris, dans l’édition d’Alexandre Tuetey (Édit Champion, Paris, 1881), d'après les manuscrits de Rome et de Paris.


Flandres

Georges Chastellain

Georges Chastellain (ca.1404/05?-1475), natif de Gand, fut écuyer puis conseiller du duc Philippe le Bon (†1467) puis de Charles le Téméraire (†1474). Entreprise en 1461, sa Chroniques des Ducs de Bourgognes qui va s’étendre de 1419 à 1474, restera inachevée, ou du moins une bonne partie reste perdue au vu de la table des matières. Seule a survécu sa troisième chronique.

Chastellain, non seulement relate les faits politiques majeurs de son temps et rapporte les confidences des grands dans le secret desquels il était, mais décrit la vie fastueuse à la Cour de Philippe le Bon (Voir Bas Moyen-âge/Arts/Gothique International et Renaissance/ Arts/Prérenaissance).

Également poète, il est l'auteur d'un 'Miroir de la Mort' (Pas de la Mort ou Mirouer de la Mort*) vers 1450, méditation sur la mort sous forme élégiaque. Rattaché au courant des Grands Rhétoriqueurs (voir Poésie), il eut à son service et comme disciple un des grands représentants du genre, Jean Molinet (1437-1507). Son œuvre de poète et de chroniqueur a fait l'objet d'un vif regain d'intérêt de la part de la critique historique dans le dernier quart du XXème siècle.


Chastelain comme chroniqueur aussi bien que comme poète tombera dans cette oubli qui relégua le Duché de Bourgogne au passé quand Marie, fille du Téméraire, épousa peu de mois après la mort de son père, en 1477, l’empereur Maximilien 1er de Habsbourg. Un guerre civile s’en suivit attisée par les ambitions françaises de Louis XI, la Guerre de Succession de Bourgogne, que termina la fameux traité d’Arras en 1482 par lequel la France annexait les terres ‘françaises’ du duché, les Pays-Bas Bourguignon revenant à Maximilien. L’immense territoire des États Bourguignons qu’avaient patiemment et longuement réunis trois générations de ducs se voyait disloqué. Les Habsbourg d’Autriche et d’Espagne n’eurent cure de ce riche passé historique mais à cette Belgique, Charles Quint ajouta les Provinces du Nord néerlandais pour constituer les Dix Sept Provinces, qui elles-mêmes seront scindées en 1609 entre les Provinces-Unies, les Pays-Bas actuels, déclarant leur indépendance par l’Acte de La Haye en 1581, et les Pays-Bas du Sud autrichiens (Belgica Regia).


*Miroir (Speculum en latin) est un genre littéraire " fréquemment employé dans le titre d'ouvrages d'édification sur des sujets théologiques ou moraux, et genre littéraire didactique" . Apparu au XIIème siècle à propos d'un passage de St Augustin, le terme voulait signifier que Les Saintes Écritures nous revoyaient à notre image. Au XIIIème siècle, avec l'invention des lunettes, il prit le sens d'un regard positif sur le monde. Les plus anciens Miroirs datent de l'époque carolingienne, 'Les Miroirs des Princes, servant à éduquer les futurs princes en leur présentant une image idéale de ce qu'ils devaient être.(Encyclopédie Universalis). Les plus anciens Miroirs en langue vernaculaire sont Le 'Miroir des Saxons' (1230), recueil de droit coutumier, et Le 'Miroir des Allemands ou Miroir de Souabe'(1275), recueil de droit canon, romain et de droit coutumier. La béguine Margurtite Porète écrivit en 1295  'Le  Miroir des Âmes Simples et Anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour'. Elle le portait sur sa poitrine au moment de monter au bûcher.


Angleterre

William Balwin

William Baldwin (†1570), poète, philosophe, reste connu pour son Miroir des Magistrats qu’il rédigea en collaboration avec de nombreux collaborateurs. Il s’agit d’une longue série de « tragédies » sous forme de « monologues des princes infortunés, qui racontent leurs malheurs aux auteurs, et chaque « complainte » est suivie d'une discussion en prose sur les problèmes politiques soulevés par le récit. La période historique couverte allait de Richard II [ roi en1377] à Édouard IV [†1483] -, pour l'édition de 1559, puis s'est étendue jusqu'au règne de Henry VIII dans les éditions successives (de 1563 à 1587) ». (https://www.universalis.fr /encyclopedie /william-baldwin/) Cet ouvrage conserva un très grand succès au fils des éditions.


Espagne

Garcilaso de La Vega, l’Inca

Garcilaso de La Vega (dit l’Inca,1539-1616), né au Pérou  d’un noble conquistador et d’une princesse Inca, passa la première partie de sa vie dans son pays natal et la seconde en Espagne. Il écrivit les Comentarios Reales de los Incas (Commentaires Royaux des Incas) en deux parties: la première relate l’histoire de ses ancêtres Incas, la seconde la conquête du Pérou par les Espagnols. L’originalité de cette chronique tient bien évidemment au fait que l’histoire du Pérou pour la première fois est vue par un conquis et non par un conquérant. Son  Histoire de la conquête de la Floride ou relation de ce qui s'est passé dans la découverte de ce pays par Ferdinand de Soto sera éditée plus d’un siècle après sa mort, en Hollande, par le géographe et libraire, Petrus van der Aa en 1731.

Ne pas confondre El Inca avec le poète du même nom de 40 ans son ainé (voir Poésie/Espagne).


Italie

De la plus grande à la plus petite, toutes les cours de la péninsule eurent leur historien: « Le morcellement du territoire a pu favoriser ces histoires particulières. Au XVe siècle, Sambellico et Bernardo Giustiniani écrivirent l'histoire de Venise ; Vergerio, celle des princes de Carrare; Jean Simonetta, celle de François Sforza; Bernardino Corio, celle de Milan ; Giorgio Stella, celle de Gênes ». (Cosmos vison/Littérature italienne).


NOTES
[1] Mais fort probablement avant puisqu’elle sont une reprise en moyen-français des Chroniques de Saint Denis, écrites elle en latin et commencées des le XIIème siècle à l’Abbaye Saint Denis, nécropole royale reprises en français des Chroniques de Saint Denis)).

[2] Le récit de Marco Polo sera plus connu sous le titre Le livres des Merveilles à partir du moment où vers 1410, pour Jean-sans-Peur alors Duc du Bourgogne furent réunis diverses relations sur l'orient dont  Le Devisement du Monde et Le Livre des Merveilles du Monde (1356), une géographie mêlant le fabuleux au véridique, due à la plume de l'explorateur Jean de Mandeville (1300?-1372), natif de Liège, prétendument chevalier anglais, qui voyagea en Afrique du Nordet aussi en Asie. Son Livre des Merveilles sera lui plus connu à partir du 16ème siècle sous le titre Voyages.

[3] Sur Anne de Beaujeu et son marie Pierre 1er voir T2,Vol.2/Arts/France. Ils firent construire vers 1500 en France, le premier bâtiment d’inspiration classique italienne, le Pavillon d’Anne de Beaujeu.

[4] L’impôt permanent est instauré en France en 1339 par Charles VII afin de doter le royaume d’une armée de métier permanente à la place des recrutements féodaux temporaires dans la population ; impôt appelé « la taille des lances ». Les princes et ducs, ceux-là mêmes qui avaient été aux côtés du roi dans la défense de la couronne face aux Anglais et aux Bourguignons et jusqu’à son fils, le futur Louis XI, se voyant là priver d’un des plus essentiel privilèges, celui de pouvoir lever des troupes, entrèrent en rébellion contre le roi. Le nom de Praguerie donnait à cette rébellion vient qu’elle s’est inspirée de la guerre des Hussites à Prague, qui, suite au martyr du réformateur Jan Huss, brûlé vif, s’élevèrent contre le pape, l’empereur germanique et son frère le roi de Bohême. (Voir T2, Vol.1/Réforme).

[5] Comme la naissance d’un « enfant phénoménal » le 6 juin 1429 à Aubervilliers ou l’évocation comme celle du 26 mai 1527, « des ‘processions générales’ qui mettaient en mouvement toute le population parisienne et où l’on voyait cheminer côte à côte prêtres, suppôts de l’université, magistrats et bourgeois ». (Introduction à l’édition de Champion, 1881)


INDEX DES AUTEURS

 

Poésie

Italie   

Pontano Giovanni 1426-1503 
Ange Politien 1454-1494
Laurent de Médicis 1448-1492 
Jacopo Sannazaro 1457-1530 
Ludovico Ariosto dit Torquato Tasso, Le Tasse 1544-1595
Pietro Bembo (1470-1547)


France

Les Grands Rhétoriqueurs :

 Georges Chastellain 1404-1475 
Jean Meshinot † 1491
Jean Molinet † 1507 
André de la Vigne † 1527 ? 
Jean Marot † 1526.


La Pléiade :         

  Pierre Ronsard 1524?-1585
Joachim du Bellay 1522?-1560
Pontus de Tyard
Antoine de Baïf 1532-1589
Étienne Jodelle 1532-1573
Jacques Peletier (du Mans) 1517-1582 
Rémy Belleau


École Lyonnaise  : 

 Maurice Scève 1501-1564
Jacques Peletier (du Mans) 1517-1582
Louise Labé 1526-1565 ( ?)
Les Réformés et Assimilés                 
Marguerite de Navarre 1492-1549
Clément Marot 1496-1544 
Agrippa d’Aubigné 1522-1630


Outre-Manche

La Poésie Écossaise :

 William Dunbar 1460-1520
David Lyndsay 1490-1555


La Poésie Élisabéthaine :

 Sir Thomas Wyatt 1502-1542
Henry Howard, Comte de Surrey 1516/17-1547
Edmund Spencer 1552 –1599
Sir Philip Sidney 1559-1586
John Donne 1572-1631


Pays-Bas

Anna Bijns 1493-1575
Dirck Volkertszoon Coornhert 1522-1590
Johan Baptista Houwaert 1533-1599
Jan Baptista Van der Noot (ca1535-ca1600) 
Philippe de Marnix 1538-1598
Roemer Pieterszoon Visscher 1547-1620


La Péninsule Ibérique

Le Romencero :

 Diego de San Pedro 1437-1498


 La Poésie Castillane :

Le Marquis de Santillane 1398-1458
Jorge Manrique 1440 ?-1479     


L’Âge d’Or Valenciennois :

Jordi de Sant Jordi 1399-1424
Ausiàs March1400-1459
Juan de Mena 1411-1456
Joan Roís de Corella 1435-1497

 Poésie de la Renaissance :
Juan Boscán Almogaver 1485-1553
Garsilaso de la Vega 1494/1503-1536
Fray Luis de León 1528-1591
Fernando de Herrera 1534-1597

Portugal : Luis Vaz de Camões 1524-1580


Outre-rhin

Ulrich von Hutten 1488-1523 
Sébastien Brandt 1452-1521
Hans Sachs 1494-1576


Genre Pastoral

Italie

Jacopo Sannazaro 1458-1530

 Giovanni Guarini 1537-1612

 Le Tasse 1544-1595


Espagne 

Jorge de Montemayor 1520-1561
Miguel de
Cervantes 1547-1616


Angleterre

 Sir Philip Sidney 1554-1586

Edmund Spencer 1552-1599


France

 Pierre Ronsard 1524-1585
Honoré d'Urfé (1568-1625)
Espagne : Berdardim Ribeiro 1482-1552


Essai

France

 Michel Eyquem de Montaigne 1530-1592


Mémoires et Almanachs

France

Guillaume Du Bellay 1491-1543
Michel de Nostredame dit Nostradamus 1503-1566
Pierre de Bourdeilles dit Brantôme ca. 1537 – 1614


Récits et Aventures

France 

Marguerite d’Alençon, d’Angoulême, de Navarre 1492-1549
François Rabelais 1494-1556
Guillaume de Salluste du Bartas 1544-1590
 Bonaventure des Périers 1514-1554

  Hélisenne de Crenne (Marguerite Briet) 1510-1560


Espagne

Anonyme : La Vie de Lazarillo de Torres
Fernandos de Rojas 1474 ?-1541
Jorge de Montemayor 1520-1561
 Miguel de Cervantes de Saavedra 1547-1616


Portugal

Bernardim Ribeiro 1482-1552


Italie

Baldassare Castiglione de Gonzagues 1478 -1529


Outre-rhin

 Sébastien Brant 1458-1521


 Théâtre

France

Farce, Sotie et Moralité:

Pierre Gringore 1475-1534
La Farce de Maître Pathelin 1460
Le Franc Archet de Bagnolet 1468
La Satirée Ménippée 1588


Le Théâtre Savant

 Étienne Jodelle 1532-1573
 Robert Garnier 1545-1590
Jean de La Taille 1535-1611/16
 Jacques Grévin 1538-1570
 Pierre Larivey 1541-1619


Farceurs et Bateleurs

 Robert Guérin dit Gros Guillaume 1554-1634
Antoine Girard dit Tabarin1584-1626
Hugues Guéru dit Gaultier-Garguille 1582-16
Henri Legrand dit Turlupin 1587-1632


Outre-Manche

Le Théâtre Élisabéthain 

 Thomas Kyd 1558-1594
Christopher Marlowe 1564-1593
Willian Shakespeare 1564-1616
Benjamin Jonson 1572/73-1627
Georges Chapman 1559-1634


Italie

Angelo Ambrogini dit Agnolo Poliziano (Le     Politicien) 1454-1494 : La Favola
 Lorenzo de Médicis 1514-1548
La Commedia dell’arte
Pietro Bacci Aretino dit l’Arétin, 1492-1556


La Péninsule Ibérique

Espagne

Le Mystère d’Elche
  L'Auto Sacramental
Juan del Encina (del Fermoselle) 1468-1533
De Torres Naharro † après 1517
 Juan Timoneda 1490-1583
Lope de Rueda 1510-1565
Juan de la Cueva 1543-1612

Portugal

 Gil Vicente 1465-1537


Outre-rhin

Hans Sachs
Jakob Bidermann


Belgique

Cornelis Everaert


Chronique

France



Phillipe de Commynes 1447-1511
 Le Bourgeois de Paris 1405-1499

Bourgogne-Flandre :

Georges Chastellain 1404-1475


Flandres

Georges Chastelain 1404/05- 1475


Angleterre 

  William Baldwin †1570


 Espagne 

Garcilaso de La Vega dit El Inca 1539-1616



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