LE QUATTROCENTO
Naissance de La Renaissance - Architecture - Peinture - Sculpture
Au XVème siècle, la France, l’Angleterre étaient des puissances royales affirmées. L’Espagne des royaumes de Castille-León et d’Aragon qui avaient mené malgré leur rivalité la lutte pour la reconquête sur les musulmans de la péninsule ibérique, fut définitivement unifiée par le mariage des Rois Catholiques, Ferdinand II d’Aragon et Isabelle 1ère de Castille en 1469. Mais il n’en allait pas de même dans la péninsule italique longtemps sous la tutelle du St Empire Germanique mais aussi Romain. A la bataille de Legnano en 1176, les troupes impériales subirent une cuisante et irréversible défaite face à celles de la Ligue Lombarde alliant dans une même volonté de s’émanciper de la tutelle impériale, les communes du nord de la péninsule : Crémone, Mantoue, Brescia, Bergame auxquelles vinrent s’adjoindre Parme, Padoue, Milan, Vérone, Plaisance et Bologne. Cités soutenues par la papauté en rivalité avec les empereurs qui s’étaient succédaient depuis la Réforme Grégorienne de 1074 (Voir Bas Moyen-Âge/ Philosophie/An Mil/ Réforme).
Frédéric Barberousse avait dû signer en 1177 la Paix de Venise qui reconnaissait l’autonomie des cités. Pour autant, cela n’entraina pas une alliance pérenne de ces communes et encore moins l’amorce d’un pouvoir central. Jalouses les unes des autres, elles qui s’étaient constituées en petites républiques, prospères, n’eurent cesse de se faire la guerre. On se souvient de la guerre entre Assise et Pérouse à laquelle participa St François d’Assise. De ces conflits permanents émergea deux clans, les Guelfes partisans du pape et les Gibelins, partisans de l’empereur, opposant pour la succession au trône impérial la Maison des Welf qui avait l’appui du pape et les Gibelins partisans de la Maison des Hohenstaufen. La Guerre des Guelfes et des Gibelins qui dura deux siècles, n’était pas simplement une guerre politique opposant des démocrates à des aristocrates. Elle était aussi une guerre économique. (Voir Tome 1/Introduction Générale).
Issus d’une certaine noblesse ou ayant fait colossale fortune par le commerce ou l’épée (les condottieres), des hommes s’imposèrent et prirent en mains ces communes qui progressivement se transformèrent en duchés, marquisats seigneuries ou républiques. L’histoire de Florence au XVème siècle est significative de cette évolution qui de seigneurie constituée de puissantes familles, resta une seigneurie mais dont le pouvoir vint aux mains d’une seule et unique famille, les Médicis. A la fin du XVème et au XVIème siècle, l’alternance entre retour à la république, notamment avec Savonarole (†1498) et Machiavel († 1527) et retour des Médicis au pouvoir, se soldera in fine par l’imposition en 1533 par Charles-Quint et le pape Clément VI (Jules de Médicis) d’un duc de Florence en la personne d’Alexandre Le Maure 1er de Médicis. Son successeur, Cosme 1er (à ne pas confondre avec le fondateur de la dynastie Cosme l’Ancien †1464) sera fait en 1569 Grand Duc du Duché de Toscane. Significatif aussi le ducat[1] de Milan qui, de la Famille des Visconti, passa en 1450 à la famille des Sforza par l’habile condottière et gendre du duc, Francesco Sforza (1401-1466), après trois ans de retour à la république comme c’était le cas dans les duchés quand le duc, en l’occurrence Filippo Maria Visconti, mourrait sans héritiers.
N’était-ce pas Diderot qui écrivait que l’art ne s’épanouit jamais autant qu’en période de crise. Si de la Renaissance, nous regardons les arts comme les expressions d’une florescence d’artistes au génie universel consacrant cette entrée dans l’époque moderne comme un des moments des plus lumineux de l’histoire culturelle de l’Europe et du monde, il nous faut conserver à l’esprit que cette même période fut une période de troubles profonds, de guerres, de vastes massacres sur l’ancien comme sur le nouveau continent, en même temps que celle d’un plein essor économique, avec la montée en puissance d’une classe bourgeoise qui renforçait son poids financier dans l’apparition de la première bourse, des premières banques telles qu’entendues de nos jours et par un commerce maritime plus que florissant sans oublier les monceaux d’or arrivant par galions des Indes d’Amériques.
Si le Bas Moyen-âge avait au plan culturel conservait tous ses liens avec le monde antique, au plan artistique, bien qu’il ait fait de larges emprunts aux romains, notamment dans la construction, il avait su créer un langage architectural et ornemental original. Au Quattrocento, à Florence au moment même où se manifestent les premiers humanistes dont les réflexions puisent leur sources chez les auteurs païens de l’Antiquité mais aussi dans l’ésotérisme de la Kabbale et de l’Égypte ancienne (Hermès-Thot), la Renaissance Artistique (Rinascimento) va marquer une rupture d’avec les conceptions des maitres-d’œuvres et imagiers de la période médiévales par la reprise des canons esthétiques de la Grèce ancienne dont corollairement sont mis au premier plan ses valeurs morales et philosophiques comme se révélant humanistes (Voir Vol. 1/Humanisme/ Introduction).
Cette reprise ne sera jamais un plagiat mais une reformulation. Il ne s’agit donc pas de l’émergence d’un art nouveau mais d’un art renouvelé, d’une expression nouvelle qui userait du langage de l’Antiquité mais en modifiant en quelque sorte la syntaxe[2].
« Mais la Renaissance n’imita pas les modèles antiques. Ceux-ci pouvaient certes inspirer les formations architecturales, mais ils ne pouvaient répondre à tous les problèmes posés aux architectes de la Renaissance. Les églises, les maisons bourgeoises, les hôtels de ville ou les palais n’avaient aucun correspondant auxquels elles auraient pu se rapporter…l’architecture de la Renaissance était bien une architecture spatiale [qui] trouva pour les formes de l’espace une solution tout à fait originale, et, qu’en fin de compte, elle ne fit que masquer ses propres créations sous des formes héritées de l’Antiquité ». (Bodo Cichy, Arts et Secrets des Bâtisseurs, Édit hachette 1961)
Un renouvèlement du savoir-faire artistique grecs et romains intégrés à une conception de l’art considéré comme l’expression du beau, comme recherche d’un idéal de la forme et particulièrement au travers de la figuration humaine, symbole en soi de ce nouvel humanisme, le questionnement essentiel d’une imitation ou d’un embellissement de la nature ; la notion même d’esthétique que les premiers traités sur la création artistique et sa finalité exposeront, la notion d’artiste, du créateur indépendant, tels sont les apports de la Renaissance Artistique que déjà manifesta Florence en la Première Renaissance du quattrocento. C’est au siècle suivant, au Cinquecento,.
On fait généralement commencer cette période dite de la Première Renaissance par l’élection du Pape Martin V au sortir du Vème Concile de Latran en 1417 ; élection qui mettait un terme au Grand Schisme. Ce schisme avait commencé quarante ans plus tôt, en 1378, à la mort du pape Grégoire XI qui avait quitté Avignon un an plus tôt. Les cardinaux français, soutenus par Charles V, élisaient un anti-pape qui maintenait alors ‘sa’ cour papale en Avignon, là où elle siégeait depuis 1318. Tandis que les romains élisaient un autre pape. Martin, élu de façon consensuelle par les grands dirigeants de l’Europe fut le premier pape à inviter de grands artistes comme le peintre courtois Gentile de Fabriano et à leur passer des commandes pour relever le prestige et l’autorité d’une Église sérieusement affaiblie non seulement par le schisme mais par le concile lui-même au cours duquel, les évêques avaient en vertu de la doctrine du conciliarisme (de concile) contestait l’autorité papale.
Mais en fait, la vraie nouveauté en matière artistique aussi bien qu’au plan culturel, viendra bien dans cette première moitié du XVème siècle de Florence.
La Renaissance des XVème et XVIème siècles se définit brièvement comme un retour, une redécouverte une mise au goût du jour des paradigmes culturels et artistiques de l’Antiquité gréco-romaine.
- En philosophie, c’est le grand retour du Platonisme et du Néopla--tonisme. L’idéalisme platonicien avait été progressivement écarté dans la pensée scolastique médiévale au bénéfice du rationalisme aristotélicien. Aristote restera quand même la référence absolue dans l’enseignement jusque dans les lycées du XVIIIème siècle.
- Au plan littéraire, les Boccace, Pétrarque avaient déjà au siècle précédent amorçaient ce renouveau de l’humanisme antique. a noter qu’il possédait chacun une copie de De Architectura de l’architecte romain du 1er siècle av.J.C., Vitruve, ‘Bible’ des architectes de la Renaissance. En littérature et particulièrement en poésie, les œuvres grecques d’un Solon (640-558), d’un Pindare (518-438), d’un Théocrite (310-250) et les œuvres romaines d’un Cicéron (106-43) et d’un Virgile (70-19) sont les œuvres dont il faut s’inspirer. Le modèle du style par excellence sera celui de Cicéron. Le Cicéronisme, dont le philologue Lorenzo Valla (1407-1457) sera un des meilleurs représentants, se fera fort de s’attacher à sa défense et à son illustration. Au plan musical, la rupture d’avec les siècles précédents sera achevée, plus tardivement. Il faudra attendre l’âge baroque pour que la monodie s’impose.
Les Romains de la période républicaine (500-31) puiseront à satiété dans l’art grec, faisant venir des artistes athéniens pour réaliser leur monument à la gloire de leurs victoires sur…les Grecs. Dans la période de l’Empire (31-476), la glorification des empereurs sera une veine constante de la statuaire. En architecture, le forum romain ne cessera d’accroitre ses monuments (temples et édifices publics). Pompéi, ensevelie sous les laves du Vésuve en 79 ap. J.C. sera découverte au XVIIème siècle, mais les fouilles recouvertes devront attendre le début du XVIIIème siècle pour être reprises de manière continue, toute fois après celles d’Herculanum commencées en 1719. Ces fouilles seront le départ de l’engouement néoclassique (voir Tome 3/ Néoclassicisme).
Dans le domaine artistique, les références ne vont pas être puisées dans période aussi longue. Elles vont essentiellement se cantonner à la période classique grecque[3], tout en faisant du traité du romain Vitruve (90-15), plus théoricien qu’architecte, De Architectura, la référence incontournable (voir Florence Architecture/ De architectura).
Le fameux dessin, l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci s’ inspire de ce qu’à écrit Vitruve : « Pour qu’un bâtiment soit beau, il doit posséder une symétrie et des proportions parfaites comme celles qu’on trouve dans la nature ». Les bras en croix, l’homme s'inscrit dans un cercle et un carré, le rayon du cercle étant égal à la moitié d'un côté du carré. Vinci met en parallèle les proportions architecturales d’un bâtiment et celles du corps humain représentées par les lignes qui traverse la corps de l’homme dont sa double paire de bras et de jambe qui donne l’impression qu’il est en mouvement, sont soit inscrits dans le cercle soit le carré. Cercle et carré représentant, eux, les formes parfaites par excellence de la nature. L’homme idéal se meut dans la parfaite nature en harmonie avec elle. Pour répondre à la demande de son ami, le moine mathématicien Luca Pacioli, Léonard illustre par se dessin les propriétés du nombre d’or (exemple la mesure entre le nombril et le sommet du crane (côte du carré) x 1,618 donne le rayon du cercle).
Les sculpteurs qui seront particulièrement étudiés voire imités correspondent à la Période Classique : Phidias (500-430), Polyclète (actif 460-420); et du Second Classicisme : Praxitèle (395-326) et Léocharès (actif 360-320) qui exécuta l’original en bronze de l’ Apollon du Belvédère. Une copie en marbre fut découverte dans le dernier quart du XVème siècle et Il Antico[4] (1460-1528) en fera une première copie. La statue doit son nom pour avoir été exposée dans le Palais du Belvédère de Jules II qui y joignit le Groupe du Laocoon, groupe en marbre de trois statues, découvert en 1506 dans les termes de Trajan. Ce groupe représente le mythe du prêtre de Poséidon, Laocoon, qui mit en garde les Troyens contre le Cheval de Troie. Les trois sculpteurs qui l’on réalisé sont Agésandros, Athénodore et Polydore, sculpteurs du 1er siècle av. J.C.. Leur extraordinaire maitrise d’exécution dans le réalisme des corps et des postures sera une constante source d’inspiration non seulement au cours de la Renaissance Classique mais encore dans la période du Néoclassicisme du XVIIIème siècle.
L’esthétique Renaissante prône un emploi de la grammaire architecturale empruntée à l’Antiquité grecque et romaine nouvellement redécouverte. Elle développe une pensée originale, l’Humanisme, qui s’éloignant de la pensée symbolique du Moyen-âge, place l’homme au centre de la nature, nature qui reste néanmoins jusqu’au Siècle de la Raison, (aussi) une affaire divine.
Avant de vouloir, au XVIIème siècle, dans un esprit cartésien prétendre être ‘ingénieur et maître du monde », et de commencer à vouloir le maîtriser, les humanistes, artistes et hommes d’esprit de la Renaissance, aspirent à découvrir la nature, à y chercher ses modèles en y appliquant un regard objectif, déjà une science. La mathématique doit pouvoir percer le mystère des proportions et mesures qu’il s’agira de représenter fidèlement. Mais une question reste vive pour les artistes renaissants et ils y apporteront des réponses diverses : cette fidélité à la nature tient-elle à une imitation, une copie comme l’art moderne le reprochera à l’art ‘classique’ ou à une transposition, une illusion, plus exactement une imagination qui la rend plus fidèlement que …nature, comme la statue de Périclès, celle d’un homme qui marche alors qu’à l’étudier sa position ne peut lui permettre d’être en marche. Approche d’une nature toujours vue comme incomplète et que l’art voudrait rendre plus parfaite qu’elle n’est, dans une conception qui le rend paradoxalement supérieur à elle comme le montre Erwin Panofsky.
Mais qu’il s’agisse d’une approche ou d’une autre, imitative ou corrective - ce qui n’est jamais aussi formellement tranché- dans les deux cas, tous les artistes s’accordent sur deux points primordiaux. D’abord, ces deux approches font toutes deux appel à une notion tout aussi nouvelle que l’humanisme, la notion du beau qui relève bien plus que d’un équilibre des formes, d’une harmonie formelle, d’un idéal, d’une aspiration. Ensuite, ils se doivent à une approche au sens littéral de déplacement, de l’atelier vers l’extérieur naturel, et d’observer la nature : Le rôle de l’artiste est d’abord et avant tout de rendre compte de la beauté de la nature au sein de laquelle sont les hommes et sont les femmes. Non que les âges précédents aient ignoré une telle notion comme celles du Vrai et du Bien dans la tradition platonicienne, mais à la Renaissance, cette notion fonde une esthétique.
A partir de cette époque, artistes et lettrés vont prendre pour habitude de théoriser sur l’art. Théoriser ne voulant pas dire spéculer. Les questions posées sur la création artistique sont d’ordre pratique car il s’agit de « donner aux artistes pour guider leur activité créatrice, des règles fermement et scientifiquement fondées. » (Erwin Panofsky, Idea, Édit. Gallimard, 1983).
La Renaissance florentine s’étendra dans toute la péninsule italique avec une perméabilité plus ou moins grande à sa vision nouvelle de l’homme et du monde selon les régions. Tout d’abord dans le Duché de Milan qui regroupe certaines des villes de l’Ombrie, de la Toscane et de la Vénétie dont Padoue qui sera la première à accueillir de artistes renaissants tels Filippo Lippi, entre 1430 et1440, Donatello en 1443, Paolo Uccello en 1455. Puis, les conceptions artistiques nouvelles gagneront Ferrare, Urbino, Mantoue qui verra la venue de l’universel Léon Battista Alberti en 1470. L’architecte Benedetto Maiano (1442- 1497) diffusera les idées nouvelles du florentin Brunelleschi (1377-1446), créateur du fameux dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore, à Faenza, Arezzo, Sienne, Naples où il travailla. Piero della Francesca (1416 ?-1492) ira porter sa pratique à Sienne et à Venise. Filipo Lippi (1406-1409) et Fra Angelico bouleverseront les conceptions picturales de l’Ombrie. Fra Angelico ira porter le sens de la perspective à la peinture romaine dans sa réalisation des fresques de la Chapelle Nicole au Vatican (1447-1451) représentant les martyrs de St Étienne et St Laurent.
La péninsule italique va vivre alors un moment des plus créateurs et prospères de son histoire. Il ne faudra pourtant pas moins de trois générations de créateurs pour que ce Rinascimento devienne à partir du siècle suivant, la Renaissance de toute l’Europe, préparée qu’elle a été dans le Nord par la Pré-Renaissance flamande. C’est à Rome qu’elle atteindra sa phase classique, dans le premier quart du XVIème siècle.
En 1399 et 1400, Florence[5] est en proie à une très forte épidémie de peste, résurgence de la Grande Peste Noire du milieu du siècle précédent ; Grande Peste qui, partie du Nord de la péninsule, ravagea un tiers de la population européenne (voir Tome1/Événement Majeurs). En même temps, la cité est par ailleurs sous la menace des troupes du Duc de Milan, Gian Visconti, qui s’est déjà emparé de Vérone, de Padoue, de Bologne et qui descend sur Florence après Pise, Pérouse et Sienne. Fort heureusement pour les florentins, il meurt avant d’atteindre la ville en 1402. Et avant que Cosme de Médicis dit l’ancien ne prenne en main la ville en 1434 après 10 ans d’exil à Venise, les grandes familles oligarques florentines, les Strozzi, Albizzi et autre Alberti se disputent la seigneurie.
Économiquement, pour user d’une expression familière, Florence s’en sort bien. A telle enseigne qu’une politique de grands travaux est en œuvre dont l’un des plus prestigieux est le dôme de la Cathédrale Santa Maria del Fiore. En 1420 Filippo Brunelleschi (1377-1446) en collaboration, du moins au début, avec Lorenzo Ghiberti (1378-1455) va commencer à bâtir sans cintre ce qui se révèlera être une véritable prouesse architecturale.
A cette date de 1420, les historiens ajoutent d’autres dates qu’ils estiment tout aussi fondatrices du mouvement de la Renaissance Artistique.
Ces artistes de par leur innovation constituent la première phase de la Première Renaissance. Ce sont eux qui vont ‘déblayer le terrain’, mettre en place ces conceptions esthétiques qui vont s’étendre, se développer, évoluer tout au long de cette période contrastée de la Renaissance.
Pour fixer les idées, on peut considérer qu’une seconde phase de la Première Renaissance prend place à Florence, dans la deuxième moitié du Quattrocento sous le règne de Laurent de Médicis dit le Magnifique (†1492). La pensée et l’art antiques ont définitivement relégué ce qu’il pouvait rester des références philosophiques et des formes médiévales, si ce n’est en musique où la polyphonie en parallèle de l’apparition de la monodie va pouvoir écrire de ses plus belles partitions jusqu’au premier quart du siècle suivant. A l’apogée de sa renommée, la capitale toscane voit éclore les talents d’artistes comme
- Andrea del Verrocchio (1435-1488), le ‘Donatello’ de Laurent, qui eut pour élèves Le Pérugin et Vinci et dont le David (Bargello) et le pendant de celui son maître (également au Bargello).
Si l’on veut considérer que le Style Gothique est en fait un prolongement du Style Roman en ce que ce dernier est le vrai fondateur d’une grammaire architecturale qui leur sera commune et dont le second n’en utilisa qu’une partie mais de façon mieux maitrisée et systématique comme l’arc brisé, la croisée d’ogive ou l’arc-boutant, l’Architecture Renaissante marque alors une rupture radicale avec quatre siècles de tradition architecturale médiévale.
Les ordres architecturaux de la Grèce Antique, doriens, ioniens, corinthiens, composites, et leurs éléments, colonnades, chapiteaux et ornements, que les architectes romains avaient repris des grecs mais modifiés (le colonnes sont sur socle), vont entrer de manière définitive dans le langage architecturale de l’Europe moderne. Les vestiges des monuments antiques sont systématiquement répertoriés et leur relevé en est dressé.
Ce mouvement de retour à l’Antique s’inscrit dans un mouvement plus général amorcé par les lettrés qui étudient et éditent les philosophes de la Grèce Antique, notamment Platon. Ce retour à un temps d’avant le christianisme ne se fait pas sans une prise de distance vis-à-vis de la religion. Le temps des cathédrales et des châteaux-forts est révolu, et si tout au long de la Renaissance seront bâties bien des églises et entre autres la Basilique Saint Pierre du Vatican, le temps des châteaux de plaisance et des palais est arrivé et avec lui le temps d’une architecture publique et civile dans laquelle la bourgeoise des villes opulentes, en un premier temps d’Italie (Florence, Rome, Mantoue, Urbino… ), et de Flandres (Bruges, Gand, Malines..), là où naquit justement cet art nouveau, trouvera l’affirmation de sa puissance. L’architecture de la Renaissance participe d’un nouvel art de vivre.
Le traité d’architecture De Architectura (ca. -25) de l’architecte romain Vitruve (1er siècle Av. J.C.) sera très étudié par les architectes, notamment parmi les premiers, les florentins comme Filippo Brunelleschi (1377-1446), Lorenzo Ghiberti (1378-1455) et Léon Battista Alberti (1404-1472) et ensuite par le fermignanesi Bramante (1444 ?-1514). Les leçons qu’ils en tireront dans leurs réalisations permettra une large diffusion des conceptions exposées dans ce traité.
De Architectura est en architecture, mais aussi dans les autres domaines artistiques, la référence d’autant plus incontournable qu’elle reste être la seule de la période antique. Ce traité expose les bases du Style Classique auxquelles l’artiste se doit de se conformer, guidé qu’il est par la mimèsis, l’imitation…de la nature. Son œuvre doit répondre
En étudiant les temples grecs, Vitruve redécouvrit la relation qu'établissaient les architectes entre le corps humain et leurs temples. Les proportions idéales du corps humain étaient reportées sur celles de leur construction comme le Temple d'Apollon à Didymes (6ème av. J.C. Anatolie) et par la suite sur le Parthénon (5ème av. J.C.). Pour lui rendre hommage et répondre à la demande de son ami mathématicien Luca Pasioli, Léonard de Vinci dessina ' L'Homme de Vitruve' : Les bras en croix, il s'inscrit dans un cercle et un carré, le rayon du cercle étant égal à la moitié d'un côté du carré.
Certaines sources indiquent que l’on doit attribuer la découverte du traité à L.B. Alberti dans la Bibliothèque Vaticane[7] ; d’autres la datant plus avant en 1414 par Le Pogge (1380-1459 voir Littérature), découvreurs de plusieurs manuscrits importants.
« Le traité nous est parvenu grâce à une seule copie, dépourvue d’illustration provenant des îles britanniques et rapportée par Alcuin à la cour de Charlemagne où elle suscita un intérêt exclusivement philologique, comme par exemple chez Eghinhard… un manuscrit du De architectura à Oxford est émargé d’une glose de la main de à et que Boccace en possédait une copie. D’autres copies sont attestées, également en Italie, à la fin du XIVème siècle… Aussi le mythe de sa redécouverte en 1414 au Mont-Cassin par Poggio Bracciolini n’est pas crédible. Celui-ci en aura retrouvé une copie à travers ses recherches (peut-être dans l’aire germanique), ce qui contribua effectivement à sa diffusion »[8].
Le siennois, peintre et ingénieur militaire, auteur de plusieurs traités sur l’architecture, Francesco di Giorgio Martini (1439 -502) en fera une première traduction partielle en toscan. L’édition de fra Giovanni Giocondo publiée à Venise en 1511 est la première illustrée ; celle de 1521 en italien (toscan) contient un ‘Homme Vitruvien’ (celui de Vinci date de 1490). Une deuxième édition de 1556 sera illustrée par A. Palladio. Première édition française en 1547.
Les architectes de la Renaissance ne se sont pas contentés de reprendre à leur compte la grammaire architecturale de l’antiquité, grecque et romaine. S’ils empruntent effectivement l’essentiel de leur langage, les ordres aux Grecs, la coupole aux Romains -avec à la jonction des deux le temple circulaire à plan central avec péristyle et dôme dans un abandon relatif du plan basilical du Haut et Bas Moyen-Âge- ils ne les en adaptent pas moins aux constructions qui leur sont commandées et qui doivent obéir à des fonctions qu’ignoraient l’architecte antique.
L’ordre colossal, l’arc surbaissé, la fenêtre à meneaux, le plafond à caissons, l’ouverture serlienne sont ces nouveaux éléments de la grammaire architecturale de la Renaissance qui lui sont devenus caractéristiques.
Les grands bâtiments à plusieurs niveaux devant assumer
des fonctions publiques mais aussi privées, leur élévation à plusieurs niveaux fera apparaître le Style Colossal sur les façades comme en donnent l’exemple la Chapelle Pazzi et de la Maison des Guelfes à Florence construites par Brunelleschi, et la Basilique St André à Mantoue conçues par Alberti. Michel-Ange emploiera ce style. Andrea Palladio (1508-1580) en fera grand usage pour ses villas en Vénétie. Carlo Maderno le rendra célèbre dans le monde entier avec la réalisation de la façade (1614) de la Basilique St Pierre.
Le Style Colossal peut se définir comme :
« une ordonnance de hautes et imposantes colonnes qui embrasse plusieurs niveaux d'habitation et unifie la façade par la puissance de son rythme et de ses proportions. » (https://www.universalis.fr/ encyclopedie/colossal-art-et-architecture/4-le-colossal-en-architecture/)
L’arc surbaissé est aussi appelé arc segmentaire car formé d’un segment de cercle. Cet arc ne doit pas être confondu avec l’arc appelé arc en anse à panier.
« Dans le cas de l'arc surbaissé ou segmentaire, la jonction entre l’intrados et les piédroits [entre le dessous de l’arc et les piliers] est constituée d'angles marqués alors qu'elle est courbe dans le cas de l’arc en anse de panier ». (http://www.wikiwand. com/fr/Arc _surbaissé)
L’arc surbaissé est constitué d’un seul segment de cercle, celui en anse de panier est constitué de trois segments, d’un cercle pour le segment central différent de ceux identiques des côtés.
L’arc surbaissé comme l’arc en anse de panier sont de moindre résistance que l’arc d’ogive que l’on a employé à la période médiévale. L’arc surbaissé apparaît (rarement) dans certains cloître romans (Cloître de l’Hospice d’Arles).
Il était déjà peu ou prou employé sous l’antiquité mais c’est à la Renaissance que son usage sera généralisé et il se poursuivra à la période baroque.
La fenêtre à meneaux ou fenêtre à croisée contient dans son ouverture un meneau, support vertical qui renforce le linteau de la fenêtre subissant la charge du mur. Un croisillon horizontal vient renforcer les embrasures latérales (ou jambage) qui subissent la même pression. Il n’est pas rare que linteau, embrasure et champ (le bas de la fenêtre) constituent un seul ensemble appelé chambranle. Formes et ornementation des meneaux et croisillons sont variables.
La fenêtre à meneaux est apparue dans l’architecture civile fin du XIVème début du XVème siècle. A la Renaissance, les croisillons auront tendance à être multiplié et l’ornementation sera nettement d’inspiration antique.
Le plafond à caisson présente à vue ce qui constitue la structure saillante du plancher du niveau supérieur. Il était déjà employé sous l’Antiquité, généralement dans le débordement de la corniche en saillie de l’architrave comme à la Maison Carrée de Nîmes.. On le retrouve dans la coupole du Panthéon à Rome ou encore dans le studiolo du palais ducal d’Urbino construit entre 1473 et 76 ? Une représentation peinte se trouve sur la tableau de Masaccio, le Christ en Croix de la Trinité de 1 à l’église Santa Maria Novella (1425,Florence).
La particularité du plafond à caissons de la Renaissance est d’être d’une structure de bois ou de pierre en carrés ; et parce que saillante, elle crée des compartiments creux sujets à décoration.
Le plafond de la cathédrale de Pise en est un bel exemple. Ce type de plafond est particulièrement apprécié en France à la Renaissance. Le plafond de la salle de bal du Château de Fontainebleau en est très représentatif. En France, toujours, un autre type de plafond va se développer, le plafond ‘’à la française ‘’ : Les corbeaux en saillie des murs latéraux soutiennent à leurs extrémités les poutres apparentes qui sont richement décorées.
Il est néanmoins à noter que le plafond à caissons était déjà d’un usage courant dans l’ornementation du Style Mudéjar comme on pouvait les voir tels qu’employés au Palais de l'Infantado à Guadalajara (voir Jean Goas) de la fin du XVème siècle et détruits durant la Guerre d’Espagne de 1936.
L’architecte vénitien, Andrea Palladio (1508-1580) mettra en œuvre un nouvel élément, l’ouverture palladienne, qui consiste en une baie en plein cintre sur colonnes, encadrée par deux baies à linteau supporté par un double jeu de colonnes. Tous les chapiteaux étant au même niveau. Elle prend le nom de Serlienne parce que l’architecte Serlio (1475-1554) la décrivit pour la première fois dans son traité Tutte l'Opere d'Architettura, et Prospettiva (Toutes les Œuvres d'Architecture et de Perspective, 1537).
Les édifications à Florence du Palais Médicis (futur Riccardi en 1650) commencé au milieu des années 1440 par Michelozzo, et du Palais Rucellai sur des plans d’Alberti de 1446, réalisé, du moins en partie par Bernardo Rossellino (1409-1464), son élève, ouvrent la période de construction des nouveaux grands palais italiens Renaissants. Suivent notamment le Palais Pitti commencé en 1458 qui deviendra un siècle plus tard la Résidence des Ducs de Toscane ; Le Palais Gondi (1490-98) et le Palazzo Strozzi commencé par Benedetto da Maiano en 1489, terminé par Simone del Pollaiolo en 1509.
Ces palais devaient répondre à des exigences toutes nouvelles pour lesquelles les architectes n’avaient pas de modèles antérieurs non seulement du point de vue de leur vastitude mais aussi du point de vue fonctionnel de résidence officielle qui obligeait pour l’intérieur outre à concevoir ce qu’on appellerait aujourd’hui des « bureaux » et les appartements privés, mais aussi à placer de grandes salles de fêtes et réceptions. A l’extérieur, ces édifices présentent pour la plupart sur leur façade un style d’appareillage qui aura les faveurs des architectes et de leurs commanditaires, le Style Bugnato : Il consiste en un grand appareil -assemblage de pierres taillées- en bossage, en saillies régulières ou irrégulières, rustique (non poli). Souvent employé pour le seul niveau inférieur (niveau de la rue), il est prolongé généralement pour les niveaux supérieurs par deux ordres différents en appareillage poli que délimite de l’extérieur, de façon purement décorative, une corniche à modillons appelée marcopiano (marco=marque, piano=plan ; Piano nobile = premier étage, étage noble). S’il y a un troisième et dernier niveau, il est de hauteur nettement inférieur à petites ouvertures sous une large corniche également à modillons.
De manière générale, les constructions civiles et religieuses restent d’une ornementation sobre au XVème siècle par rapport à la fois à l’ornementation de la période du Gothique Flamboyant Tardif et par rapport à la riche ornementation du XVIème siècle que le Baroque rendra abondante voire ostentatoire, suivant la progression de l’église jésuite de la Contre-Réforme, l’Église du Gesù (Rome,1568) aux églises du Sud de l’Allemagne( Bavière) au XVIIIème siècle.
Filippo Brunelleschi (1377-1446), né et mort à Florence, fils de notaire, reçoit d’abord la formation initiale d’orfèvre, formation qui précédait toujours à l’époque celle de sculpteur (voir Ghiberti/Porte du Baptistère). Autodidacte en matière d’architecture, il entreprend en 1404 un voyage à Rome en compagnie de son ami d’enfance Donatello. Il y serait retourné en 1417 et 1430 (?).
Il commence donc sa carrière en travaillant comme orfèvre pour l’Hôpital des Innocents. En 1401, à 24 ans, il est finaliste du concours pour la réalisation des portes Est et Nord du Baptistère (voir Ghiberti) ; selon les sources, c’est soit Ghiberti qui est finalement choisi, soit c’est lui qui se désiste en faveur de son ami dont il pense qu’il est tant qu’il soit reconnu.
En 1418, il remporte le concours pour la construction du dôme de la cathédrale de Florence. Ce qui lui apportera la gloire et des commandes de toute l’Italie : Mantoue l’appelle pour régulariser le Pô, Milan et Pise pour construire des forteresses…Et ses élèves édifient palais et églises sous sa direction (Encyclopédie Larousse).
Passionné de géométrie, c’est en 1415 qu’il met au point le procédé permettant de représenter le plan d’un édifice tout en conservant les rapports des mesures et des surfaces : la perspective linéaire. Deux ans plus tard, Masaccio l’applique dans son tableau La Trinité (église Santa Maria Novella).
« Il en fait la démonstration à partir d'une expérience réalisée sur la place San Giovanni à Florence en 1415 avec un miroir et un dessin monté sur une planchette. Il réalise d'abord un dessin du baptistère de Florence selon une perspective rigoureuse (ligne d'horizon, point central et lignes convergentes). Son dessin est monté sur une planchette dans laquelle il a percé un trou pour voir l'image du baptistère de la cathédrale se réfléchir dans le miroir. Ainsi, n'importe quel observateur se tenant à l'endroit où le dessin du baptistère fut réalisé, peut constater qu'il se superpose parfaitement à l'édifice réel, créant ainsi une illusion parfaite de la réalité. »[9]
La vie de l’architecte va se confondre avec ses réalisations dont la grande majorité élevées à Florence, mais une partie aussi à Mantoue, Ferrare et Lucques (Toscane). On lui a longtemps attribué l’édification du Palais Pitti (1458) avec l’assistance de son élève Luca Fancelli. Les historiens s’accordent à reconnaître aujourd’hui que la paternité en revient à l’élève et non au maître.
Commencé en 1296, la Cathédrale Santa Maria del Fiore vit ses travaux se poursuivre tout au long du XIVème siècle. En 1372 est voté le projet de construction d’un dôme bien qu’on ne savait pas à cette époque comment l’édifier. Le concours pour savoir qui aller le bâtir ne n’est lancé qu’en 1418. Brunelleschi le remporte et commence la construction en 1420 pour la terminer en 1436[10]. Ghiberti y fut associé mais pour quelques années seulement avant que Brunelleschi n’arrive à l’en écarter.
« En 1420, et pendant seize ans, il s’attelle à ce chantier. Il dirige la fabrication des matériaux pour en réduire la masse, il contrôle le transport des pierres, il fait bâtir des échafaudages pour assurer la sécurité des travailleurs, invente des machines de levage qui serviront à la construction de la basilique Saint-Pierre-de- Rome, un siècle plus tard. Bref, il n’est pas seulement le génial concepteur du dôme, il invente le métier d’ingénieur. Quatre millions de briques plus tard, les Florentins verront s’élever au-dessus de la cathédrale cette gigantesque coupole octogonale culminant à 114 mètres, entièrement bâtie sans charpente ». (Valérie Kubiak, Magazine GEO Histoire "Florence et les Médicis, n°23, 2016 ).
Le dôme est à pans coupés sur plan octogonal d’un diamètre de 45m. C’est dire s’il devait être tout à la fois (relativement) léger et suffisamment solide pour supporter la lanterne de plusieurs tonnes. Il a été construit sans cintrage, c’est-à-dire sans charpente de bois pour soutenir la maçonnerie en construction. La technique employée par Brunelleschi est la technique dite en ‘’arête de poisson (spina di pesce)’’ ou encore ‘’en ruche d’abeilles’’ qui consiste à amonceler des rangs briques ou de pierres en décalant chaque rang vers le centre réduisant ainsi la surface à couvrir jusqu’au sommet. Cette technique permet la construction de dôme à forme ovoïde ou sphérique[11].
« La voûte sphérique [coupole], unique parmi les voûtes, ne requiert pas de cintrage parce qu’elle n’est pas composé d’arches, mais d’anneaux superposés. » (Alberti, De re aedificatoria)
Les Égyptiens et les Mycéniens employaient cette technique, les premiers avec des briques, les seconds avec des pierres[12].
Le dôme, célèbre dans toute la péninsule, fut un atout majeur pour Florence qui, trois ans après son achèvement, en 1439, put recevoir le Concile commencé à Bâle en 1431 auquel, sous la pression des Ottomans aux portes de Constantinople, étaient venus se joindre les Orthodoxes. L’autre argument de la tenue du concile fut que les Médicis le finançaient en (grande) partie. Le concile qui siégea dans la cathédrale s’acheva en 1448.
L’Hospice des Enfants Trouvés (Spedale degli Innocentis) à Florence, commencé en 1421 sur commande de La Corporation de la Soie, est le premier signe du retour à l’Antique avec sa façade et son préau à arcade. « Le thème de la galerie à arcades est caractéristique du début de la Renaissance à Florence » (Bodo Cichy, Op. Cit.). Mais, il est à noter que si l’appel à une loggia fait référence à la Grèce Antique, l’arcature de plein cintre nous ramène au style roman et le préau nous le rappelle bien plus[13]. L’hôpital donne sur une place, ce qui pour un hôpital est déjà une innovation ; mais encore, Brunelleschi intègre celui-ci à la place en l’ouvrant par la loggia qui devient un lieu de passage abrité, accessible aux passants.
Les médaillons au écoinçons (partie entre les arcs) représentant des enfants en maillotés sur fond bleu sont du céramiste Andrea della Robbia (1463 ?1487 ?), neveu de Luca della Robbia (1399-1482).
A la différence de Bramante, Brunelleschi, pour ses églises, Église San Lorenzo (1420) et Église San Spirito (1436), conserve le plan basilical. San Lorenzo, une des plus grandes de Florence et où prêcha Savonarole, respecte le plan paléochrétien d’une nef centrale à toit plat qui reste entièrement ouverte aux deux collatéraux par de très hautes arcatures. Les murs gouttereaux sont ouverts de verrières de plein cintre. Elle fut terminée bien longtemps après la mort de Brunelleschi. A son chevet, l’immense Chapelle des Princes, surmontée d’un dôme, a été rajoutée eu début du XVIIème siècle. Les deux cloîtres au Nord (comme traditionnellement) sont plus tardifs. Il n’y a pas d’ornementation ni intérieure ni extérieure prévue à l’origine. Les deux chaires qui se font face à l’entrée du carré de transept sont de Donatello. L’architecture religieuse de la Première Renaissance est sobre en ornementation…dans un souci de laisser en évidence la pureté de son classicisme. Bramante, classique parmi les classiques suivra cet orientation.
La Basilique San Spirito, dans un plan basilical dessiné par Brunelleschi deux ans avant sa mort, a trois nefs ouvertes par de hautes arcatures et des bras de transept plus courts. Elle ne développe pas moins de 36 chapelles. Le baldaquin du maître-autel est du début du XVIIème siècle. Sans ornementation, ni intérieure ni extérieure, prévue à l’origine, au fil du temps, tableaux, statues, autels sculptés aux chapelles viendront l’orner.
La Chapelle des Pazzi, située à l’est du premier cloitre de Santa Croce à Florence sera commencée par Brunelleschi en 1430 (ou 33 non en 1441). Elle sera achevée notamment par Michelozzo. L’architecte innove par le retour au plan central à trois bras (courts) en croix vouté en berceau, surmontée d’une coupole (une des premiers exemples de la Renaissance). Sa façade, la seule composée que dessina Brunelleschi, se verra ajouter un porche à arche centrale encadré d’une colonnade surmontée à l’architrave d’un mur aveugle ; l’ensemble terminé par une loggia. Brunelleschi a utilisé comme matériau la piera serena, un grès dans des nuances de gris foncé et de bleu, extrait de la carrière de Fiesole (proche de Florence).
Michelozzo Michelozzi di Bartolomeo (1396-1472) aura été l’élève de Lorenzo Ghiberti pour la sculpture et de Brunelleschi pour l’architecture. Cosme l’Ancien lui confiera la réalisation du Palazzo Médicis (-Riccardi) commencé en 1444 et achevé en 1460. Très réputé de son temps, bâtisseur infatigable, Michelozzo sut faire la transition entre un gothique italien toujours resté sobre et les nouveaux apports du classicisme. De même, il restaurera le Palazzo Vecchio, l’ancien hôtel de ville construit dans la première décennie du XIVème siècle, ainsi que le Couvent San Marco dont Fra Angelico commencera la décoration en 1440. On lui doit également la construction ou la transformation de villas médicéennes[14] dans les quartiers florentins de Carregi et de Fiesole. C’est à la Villa Carregi, qu’il remania dans les années 1430, que Cosme établit la fondation son académie platonicienne à la tête de laquelle il plaça Marcile Ficin (1463,voir Humanisme/ Italie). Lui et Laurent le Magnifique y moururent tous deux et la même année. Laurent dans les bras de Savonarole.
Il est dit de Michelozzo qu’il fut le meilleur pour concevoir la distribution des salles et dégagements dans l’intérieur des constructions civiles dont il fit sa spécialisation. Mais aussi,
« Michelozzo donna le prototype des palais florentins : façades peu éclairées, appareils au relief atténué d'un niveau à l'autre, cortile [cour] carré entouré d'un portique à colonnes antiques, accès par le milieu de la façade permettant d'avoir dès l'entrée une perspective ». (Encyclopédie Universalis) .
Léon Battista Alberti (1404-1472), né à Gênes d’où est originaire sa mère, est le fils illégitime d’un riche banquier florentin dont il ne pourra hérité. Il passe son enfance à Venise avant de faire ses études à Padoue puis à l’université de Bologne dont il sortira docteur en droit en1428. En 1421, à la mort de son père, il rejette une carrière dans la banque et le commerce qui ont fait la fortune de sa famille paternelle. Il se lance dans les lettres comme satiriste, domaine dans lequel il veut se faire un nom et n’hésite pas à susciter la réprobation de milieux humanistes. Il entre en 1430 (32 ?) au service du Secrétaire d’État du Vatican. Il commence là à s’intéresser à l’architecture antique. Il séjourne à Florence de1434 à 1443[15] où il peut découvrir les ouvrages de Brunelleschi. Il s’intéresse à son travail sur la perspective.
De Pictura, publié en latin en 1435 et en toscan florentin[16] en 1436, est le premier volet des trois qu’il consacrera aux arts plastiques. dans lequel est exposé de façon méthodique et scientifique la perspective géométrique et/ou linéaire qu’il divise en deux sortes de perspective : la costruzione legittimala ou perspective légitime et sons contraire la costruzione abbreviata (construction en raccourci), perspective à deux points de fuite. (voir aussi Peinture/Seconde Phase Florentine).
« « légitime » en ce sens qu’elle est conforme aux lois géométriques de la vision, qu’elle « imite » donc la nature, à la différence de l’enluminure gothique qui cherche des effets décoratifs et graphiques sans rapport avec la vision naturelle. » (J.Darriulat, Introduction à la Philosophie Esthétique/ Renaissance/Alberti).
De re aedificatoria (L’Art de Bâtir) est le premier traité d’architecture qui sera imprimé, en 1485. Dans ce traité sur l’art de bâtir, commencé en 1449 et achevé en 1452[17], il expose en 10 volumes les fondements de l’architecture de la Renaissance et plus généralement de son esthétique basée sur les notions de proportion divine, de nombre d’or, de rapports harmonieux mais aussi ceux harmoniques de la musique (accord de quinte, de quarte…). Pour Alberti, l’architecture est aussi une œuvre de civilisation par laquelle la société s’organise et met en relation les hommes.
« Le De re aedificatoria est la première tentative moderne de systématisation de l’architecture, de sorte que la confrontation avec le De architectura de Vitruve est inévitable… Avant toute chose, Alberti définit l’architecture comme une activité de l’esprit et de l’âme, et l’architecte est pour ainsi dire un physicien à la manière d’Aristote… De aedificatoria[18] se propose d’être non seulement une mise à jour, mais aussi un approfondissement et une mise à l’épreuve critique de la logique interne de l’architecture antique. Ce faisant, Alberti prend une attitude particulière, plus indépendante que celle de ses successeurs de la première moitié du Cinquecento, qui auront vis-à-vis de la doctrine vitruvienne une conception plus orthodoxe. Son ouvrage est un traité humaniste consacré à l’architecture, d’une érudition très dense. ».
De Statua (1464), dernier volets de la trilogie expose pour la première fois cette distinction qu’il y a entre la sculpture de l’ajout qui consiste à ajouter plus ou moins de matière pour arriver à la forme souhaiter, ajout par exemple d’argile, et la sculpture d’épargne qui fait enlever de la matière pour qu’apparaisse la forme voulue, exemple la taille d’un bloc de marbre au burin. L’ouvrage sera publié pour la première fois en allemand en 1547. Il sera publié en italien en 1568. Sa traduction française date seulement de 1868.
Dans toutes les cours de la péninsule, Ferrare, Mantoue, Venise, Naples, Urbino, Alberti est reconnu comme un personnage de première importance pour la diffusion des idées humanistes, pour l’élaboration des conceptions artistiques auxquelles tous les artistes de la Renaissance se réfèreront, pour ses travaux de mathématique et pour ses connaissances sûres en philosophie et littérature. C’est à Rome qu’il meurt.
« Cet homme dissimulait un être souffrant dont les écrits contiennent aussi des pages d’un profond pessimisme…Ses relations difficiles avec les humanistes et les artistes florentins furent à l’origine de ces Entretiens sur la tranquillité de l’âme, rédigés en langue toscane vers 1443 et dotés d’un titre latin :
Profugiorum ab ærumna libri III [19][ Littéralement : Fuyons loin de la misère, livre III] ».
Il fut sans doute, au moins chronologiquement, la première personne emblématique de l’homme de la Renaissance qui se caractérise par son esprit humaniste, une connaissance de l’antiquité grecque et romaine et la pluridisciplinaire de ses talents et savoirs qui le font qualifier de polymathe. Alberti a été tout à la fois architecte et théoricien de l’art, mathématicien et homme de lettre, défenseur de la langue toscane, future langue italienne.
Parmi ses singularités, il faut noter qu’il est à l’initiative du chiffrage polysyllabique qui consiste à changer chaque lettre du message initial non pas par une lettre prévue à l’avance (chiffrage monosyllabique) mais par une lettre déterminée par une clé, un code. C’est l’abbé et ésotériste Jean Trithème (1462-1516) qui sera le premier à mettre au point ce système. L’humaniste Corneille Agrippa avec qui l’abbé collabora, recueillit son manuscrit (Voir Humanisme/ Corneille Agrippa). A noter également qu’il est l’auteur d'un traité sur la mouche domestique et d'une oraison funèbre pour son chien.
En 1470, les dominicains demande à Alberti de rénover la façade de l’Église Santa Maria de Novella à Florence. Il va donner là un exemple du remaniement d’une architecture gothique en architecture renaissance. Il place au centre une haute porte de plein cintre, encadre les côtés de colonnes corinthiennes avec pilastres aux extrémités, tout en conservant dans la partie inférieure les six tombeaux latéraux en feu (niches encastrées dans l’épaisseur de la façade) d’époque gothique. Il conserve la verrière ronde centrale du niveau supérieur mais l’incorpore dans un mur aveugle bordé de volutes et que surmonte un fronton. Il conserve pour l’ensemble le décor de marbre incrusté mais il a donné à la modeste façade un caractère monumental.
« En incorporant les arcades gothiques existantes de l’étage inférieur, Alberti a monumentalisé la façade avec l’ajout d’une grande porte centrale cintrée et l’a unifié avec des pilastres latéraux et une zone mansardée haute. Comme à Rimini, le résultat final est un motif d’arc de triomphe. Dans l’étage supérieur, il a conservé l’ancienne fenêtre circulaire et l’a entourée d’un élément carré qui domine visuellement. Décoré de pilastres et surmonté d’un fronton, celui-ci formait un front de temple appliqué. La différence de hauteur entre cet étage et les bas-côtés était efficacement masquée par une paire de grandes volutes . À S. Maria Novella, Alberti avait formulé une façade classique lucide et structurée, fonctionnant dans le répertoire formel traditionnel toscan dicté par le bâtiment existant. Le génie de sa conception architecturale réside dans le fait qu’il apparaît comme un ensemble esthétique convaincant et nullement comme un compromis ».
De sa nomination comme conseiller en architecture auprès du pape Nicolas V en 1447, certaines sources avancent qu’Alberti n’aurait jamais mis la main à la patte, à savoir qu’il n’aurait jamais dirigé aucun chantier et qu’il n’aurait fait que concevoir des plans. Il serait à l’origine de l’agencement de la Place St Pierre et aurait dressé entre autres les plans de la façade de l’église San Francisco à Rimini, (qui deviendra cathédrale par la volonté de Napoléon 1er) appelée par la suite Temple Malatesta quand le condottiere Sisigmond Malatesta, seigneur de la ville, la fit entièrement rénover et en fit le tombeau de sa famille.
En 1477,Malatesta fit ajouter deux chapelles funéraires pour lui et son épouse (Riveria de Rimini/basilique-cathedrale-temple-de-malatesta.html) ; d’installer dans une chapelle dédiée à Saint-Sigismond, patron de Malatesta (https://boowiki.info/art/temple-malatesta/temple-malatesta-2.html#Storia). Travaux confiés au médailleur et enlumineur Matteo de' Pasti (1420-1468), élève de Pisanello. Désireux de modifier plus amplement l’église, il demanda en 1450 le conseil d’Alberti qui, plutôt que de se contenter dans agrandir certaines chapelles, recommanda une transformation complète. Vers 1453, Alberti dresse les plans de la façade classique. Pour l’intérieur, à l’église d’origine a été ajouté une nef unique flanquée de quatre chapelles latérales de chaque coté (cf. plan «Templo malatestiano.Planta». Vía Urbipedia - https://www.urbipedia.org/hoja/ Archivo:Templo_malatestiano.Planta.jpg#/media/File:Templo_malatestiano.Planta.jpg).». Cette « conception globale [serait] attribuée à Matteo de « Pasti et Agostino di Duccio, mais certains n'excluent pas que Alberti a pu donner des indications générales sur l'intervention » (https://boowiki.info/art/temple-malatesta/temple-malatesta-2.html#Storia). Le style gothique traditionnel est maintenu pour les d deux premières chapelles encadrées d’arc en ogive Ont également été conservées les fresques de l’abside peintes par Giotto. Le sculpteur Agostino di Ducio (1418-1481) assumèrent la nouvelle décoration. L’édifice resté inachevé de par l’excommunication en 1461, la défaite en 1462 contre duc d'Urbino, et la mort du condottiere, reçut des modifications au XVIIIème siècle et après les bombardements de la seconde guerre mondiale.
Ludovico III Gonzaga (†1478, voir Peinture/Mantegna) arriva à convaincre le nouveau pape Sixte IV de démolir l’ancien monastère du XIème siècle qui contenait la relique du Sang du Christ, ramenée selon la légende par un centurion à Mantoue, pour faire construire à la place une collégiale qui accueillerait plus de pèlerins. En 1472, Alberti lui présente les plans pour la façade de l’église St André, mais il meurt la même année. Architecte attitré du marquis en 1450, Luca Fancelli (1430-1494) en exécuta les travaux comme il avait exécuté en 1460 ceux de la Basilique San Sébastien, également à partir des plans d’Alberti. L’architecte baroque Filippo Juvarra (1678-1736) rajoutera le dôme au XVIIIème siècle.
Alberti dessinera aussi les plans du Palais Rucellai (1446-1451) bâti par son élève Rossellino Bernardo, architecte à la production abondante et qui travaillera à la Basilique St Pierre dans les années 1450.
Le Filarète (Antonio Averlino dit ‘Celui aime la vertu’, c.1400-1469) joue lui aussi un rôle important comme théoricien du nouveau style avec son livre di Architettura (c.1465, Traité d’Architecture) en vingt cinq volumes dans lequel il expose sa thèse sous la forme d’un dialogue entre l’architecte et son protecteur, le duc de Milan, Francesco Sforza(†1466)). Le projet en est une cité idéale, la Sforzinda, qui doit être bâtie selon trois principes fondamentaux, la constance, la beauté et l'utilité. Nous retrouvons là les trois principes de l’art classique.
Comme architecte, Le Filarète a tracé les plans de l’Ospedalo Maggiore de Milan (1456), bâti par les Solari, père et fils. On lui devrait Le Banco Mediceo à Milan longtemps attribué à Michelozzo. On a pu récemment lui en attribué la paternité :
« On n’a pas de certitude sur le concepteur du bâtiment, même si l'attribution traditionnelle, sans preuve documentaire, est celle de Michelozzo, architecte de confiance de la famille des Médicis. Récemment, l'attribution prévaut à Filarète assisté par les travailleurs locaux. Cependant Filarète s’exclut du projet dans les pages de son traité». (http://boowiki.info/art/batiments-de-milan-ont-disparu/palazzo-del-banco-mediceo.html »
Comme sculpteur, on lui doit notamment et pas moins que l’ornementation des deux vantaux en bronze de la Porte Sainte de la Basilique Saint Pierre (1433-45), porte central de la basilique qui n’est ouverte que pour le jubilé, le jour du commencement de l’Année Sainte; Le jubilé ne se célèbre que tous les 50 ans. Quatre autres portes donnent un accès ‘ordinaire’ à la basilique.
Il est à rappeler tout d’abord que les innovations artistiques et culturelles - surtout aux époques où les moyens de communications n’étaient pas aussi développés et divers que ceux apparus aux XXème siècle qui couvrent la planète entières- ne se propagent bien souvent qu’au cours d’une lente progression par une pénétration autant des mentalités que des régions.
Tandis que dans la première moitié du XVème siècle, le Gothique International aux travers des œuvres d’un Gentile da Fabriano, d’un Benozzo Gozzoli (1420-1497, voir Fra Angelico) ou d’un Alessio Baldonivetti (1425-1499) (voir Tome1), occupe encore une place malgré tout dominante, s’élaborent les toutes nouvelles conceptions picturales de la Première Renaissance.
La tendance au réalisme qui, dans l’expression des sujets, sort l’art pictural de sa fonction symbolique va faire intervenir une approche scientifique de l’espace. A la perspective de dignité qui accordait aux personnages une hauteur en rapport avec leur grandeur sociale et/ou spirituelle, va venir se substituer la perspective géométrique avec lignes de fuites. Les fresques puissantes de Masaccio (1401-1428) à Santa Maria del Carmine (Florence, 1424) et « Les fresques de Piero de La Francesca à Arezzo (1420-1492), de Filippo Lippi (1406-1469) à Spolète, de L. de Vinci (1452-1519) à Milan contribuèrent à une large diffusion de la perspective dans toute la péninsule. » (G. Kazeroni La fresque italienne du 13 au 18ème siècle, Édit Place des Victoires, Paris 2012). L’œuvre de Paolo Uccello (1397-1475) marquera une étape importante dans l’affirmation de cette nouvelle conception de l’espace.
Un ouvrage aura une importance déterminante dans la nouvelle orientation que prendra l’art pictural au XVème siècle. Il s’agit du Libro dell'arte (Traité de l’Art) de Cennino Cennini (†1440), élève et collaborateur d’Agnolo Gaddi († 1396, fils de Tadeo), dans lequel sont exposés de façon claire, détaillée, pratique les ricettari, les recettes des ateliers concernant les différentes techniques selon le support mural ou sur panneau, et l’emploi du matériel (brosses, couleurs). Premier traité d’art écrit en Toscan (futur italien) et non en latin, il a été élaboré entre1394 à 1437.
Cette nouvelle entrée dans l’espace s’origine chez les architectes Brunelleschi, Alberti, Le Filarète qui ont à partir des sources antiques développé une notion de la perspective totalement différente de celle du Moyen-âge. Les peintres florentin composeront désormais leurs tableaux sur les bases de cette nouvelle représentation du paysage et des personnages en donnant une formule définitive à ce qu’avait amorcé Masaccio.
La perspective devient une science, une affaire de mathématique et non plus le jeu d’une symbolique donnant plus ou moins de place et de taille aux personnages selon leur degré d’importance telle que celle utilisait au Moyen-Âge appelée Perspective d’Importance ou Signifiante ou encore de Dignité. Cette perspective médiévale n’ignorait pas la profondeur de champ, les étagements des plans comme cela peut se voir sur certaines enluminures, mais en tant que perspective en ligne de fuite, ‘à l’œil’, elle n’était utilisée que pour certains éléments ou parties du tableau comme le montrent dans leurs fonds architecturaux des fresques de Giotto ou de Maso di Banco. Elle ne s’appliquait pas comme composition d’ensemble du tableau.
La perspective linéaire de la Renaissance va obéir à des lois strictes de la géométrie qui permettent une représentation identique à une vision optique. Elle applique les principes de l’homothétie qui consistent à fixer un point de fuite où se rejoignent les lignes directrices du tableau, lignes dans lesquelles s’inscrivent les éléments peints en les transformant selon le plan auquel il appartiennent, premier, deuxième, etc. plan et fond, qui sont ainsi dimensionnés selon des proportions exactes selon qu’ils sont réduits pour être vus en fond ou agrandis pour être vus en plan rapproché. Le premier plan du tableau étant en fait visuellement le deuxième, le premier étant l’œil du spectateur d’où part la ligne fuite.
Ce type de perspective jouera un rôle déterminant dans la conception des jardins et des parcs au XVIème siècle.
Il est à noter qu’au XVIème siècle est utilisée une autre perspective que la perspective centrale à point (s) de fuite (s), la perspective sans point de fuite dite perspective cavalière parce qu’elle a une vision identique à celle d’un cavalier regardant au sol. Elle était utilisée pour les plans de fortifications. On représentait ainsi par exemple une place forte avec son pourtour de remparts et son artillerie, tous à la même échelle.
Gentile di Niccolò di Giovanni di Massio da Fabriano (1370-1427), originaire des Marches (Italie centrale) et formé dans la tradition locale « délicate et fleurie ».
Après avoir travaillé à Pavie, il est à Venise « vers 1405 ou 1406, où il est inscrit à la Scuola di Santo Cristoforo dei Mercanti (École [confrérie] Saint Christophe des marchands) et peint une fresque au palais des Doges et se trouve de 1408 à 1412 dans sa région natal d’Ancône où il peint pour l’hermitage franciscain Polyptyque de Valle Romita (Rivage de Bohême) ; ou de 1408 à 1412 (Dictionnaire de La Peinture Italienne) ou de 1409 à 1414 (Wikipédia), il peint des fresques dans la Salle du Grand Conseil au Palais des Doges (disparues). En 1414, il est à Brescia où il décore la chapelle privée du condottiere Galeatto Malatesta (†), Chapelle Saint Georges du Broletto.
Il est à Florence de 1420 ou1423 à 1425. Il réalise à la Basilique de La Sainte Trinité. un de ses chefs d’œuvre, le triptyque de L’Adoration des Mages pour la Chapelle de Palla Strozzi, riche banquier Florentin, humaniste, philologue qui parvint à faire emprisonner Cosme de Médicis en 1433… au moins pour un an… Itinérant comme Piero della Francesca, apportant son savoir, il se rend à Sienne, puis à Orvieto en 1425. Il est à Rome en 1427, appelé par le Pape Martin V (†1431) qui lui commande la décoration de nef de la cathédrale de Rome, Saint Jean de Latran. Mais il meurt quelques mois plus tard. Pisanello ne reprendra la décoration que cinq ans plus tard. Comme pour les fresques du palais ducal, celles-ci seront détruites.
Dans son Adoration des Mages. « Le travail, d’une extrême délicatesse, laisse apparaître, diverses techniques : le sgraffito (grattage d’un enduit), l’empâtement (couche épaisse de peinture), et le poinçonné (travail au poinçon) » (Rivage de Bohême). Trois prédelles au-dessous du panneau central représentent les thèmes traditionnels de la Nativité, la Fuite en Égypte, et la Présentation au Temple. Si dans l’Adoration, la préciosité est rendue par des effets graphiques, une ornementation colorée, des rehauts d’or et d’argent « dans une féerie des cortèges, un irréalisme délicieux » ( Dict. Peint.) dans la prédelle, la Présentation montre une recherche mathématique de la perspective qui l'éloigne de la peinture "encore" gothique d'un Lorenzo da Monaco et le rapproche du nouveau courant que représente Masaccio à Florence. Tout en s’affirmant comme un des plus illustres représentants du Gothique International n’en est pas moins sa peinture est à la charnière du Moyen-âge et de la Renaissance. A la même période, à Florence, de 1424 à sa mort en 1428, Masaccio décore avec Masolino, plus âgé que lui de vingt ans, la Chapelle Brancacci, et en même temps qu’il peint en 1425 la Trinité à Santa Maria Novella. Une décoration qui condamne tout ce que la peinture avait de galante, de courtoise, d’irréaliste, et qui ouvre la Renaissance en peinture.
Antonio di Puccio Pisano, dit Pisanello (1395-1455) est né à Pise comme son nom d’indique. Très jeune, suite au décès de son père, il suit sa mère à Vérone où il est formé par le délicat peintre Stefano da Verona. Mais c’est à Venise qu’à la rencontre d’avec Gentile da Fabriano[20]que sa peinture va prendre une nouvelle inflexion comme en témoigne sa Madone à la Caille de 1420, encore quand même d’inspiration byzantine. Entre 1415 et 22, il prend la suite et achève la décoration a fresco de la Salle du Grand Conseil du Palais des Doges commencée en 1408/09 par Gentile da Fabriano.
Après un passage à Vérone en 1426 où il peint une Annonciation, Il séjourne à la cour de Gianfrancesco Gonzaga, seigneur de Mantoue (fait marquis en 1433) où il décore d’un cycle chevaleresque le palais seigneurial (il ne sera ducal qu’ la création du duché en 1530). En 1431, il est à Rome où il termine les fresques de la cathédrale de Rome, St Jean de Latran, que son maître avait commencées.
Il pourrait avoir suivi son maître à Florence où celui-ci réalise un de ses chefs-d’œuvre à la Basilique Santa Trinità, la célèbre Adoration des mages (Offices). Entre 1424 et 1426, il est à Mantoue au service des Gonzague. Entre 1433 et 1438, à Vérone, il peint a fresco sa fameuse scène de Saint Georges et la Princesse dans l'église S. Anastasia. Très demandé, allant de cours en cours, il aura aussi travaillé pour les cours de Milan (1440), Rimini (1445) et Naples (1449). Malgré une nombreuse production, on a de lui, de certain, que quatre petits tableaux, deux fresques à Vérone, et excellent dessinateur, de nombreux dessins (Louvre)
Bien que de culture profondément gothique, il n'en convient pas moins d'appliquer les nouveautés de la première génération de la Renaissance. Comme da Fabriano, il marque la transition entre le style courtois dont ils sont les meilleurs représentants et le style renaissant : grâce, élégance de l’un, souci de réalisme dans le modelé, l’expression du caractère de l’autre. Son chef-d’œuvre Saint Georges délivrant la Princesse révèle une imagination tendue vers le fantastique autant qu’un souci du détail qui lui fait traité tous les éléments du tableau, personnages, animaux, végétaux sur un même plan d’égalité.
« Pisanello fut chanté par les poètes de l'époque et estimé des humanistes, qui louaient en lui son habileté à traduire la nature et à saisir la réalité des choses avec un souci de précision anatomique digne d'un médecin. Cette recherche et cette forme de réalisme ont fait dire encore récemment que l'art de Pisanello avait atteint le seuil de la Renaissance ; en réalité, l'artiste, qui vécut au sein d'un monde de luxe, adhéra presque instinctivement à l'enchantement de la rêverie gothique. Il accentua et exaspéra même la contradiction fondamentale du style gothique international : cette juxtaposition d'une minutieuse et constante recherche des détails épidermiques, de la nature et des choses, et, au contraire, d'un besoin d'évasion vers le fantastique, hors de la réalité, dans l'ambiance propre finissante à l'" automne " du Moyen Âge »( Encyclopédie Larousse).
« Les dernier costumier inventeur de coiffes, des costumes, de selles et de harnais.De culture profondément gothique, il n’en accepta pas mois d’appliquer les nouveautés de la première génération de la renaissance comme Gentile da Fabriano, ui aussi courtois » (Roberto Longhi, historien de l’art italien†1970).
Tommaso di Ser Giovanni di Mone Cassai (1401-1428) est né à San Giovanni Val d’Arno près d’Arezzo d’un fils d’artisan devenu notaire. En 1406, son père meurt et un frère nait. Sa mère se remarie avec un marchand d’épices. La famille dans laquelle Tommaso vivra toute sa courte vie s’installe à Florence en 1417. Il entre dans l’atelier du peintre florentin Bicci di Lorenzo (1473-1452), père de Neri Bicci (1418-1492) qui sera un peintre plus connu que son père mais qui restera comme lui fidèle au style byzantin. Tommaso découvre les artistes florentins, notamment Donatello et Brunelleschi qui lui enseigna les règles de la perspective (que Masaccio mit en pratique dans sa peinture), et qui fut profondément affecté par sa mort.
En 1422, on le trouve pourtant inscrit à Arte dei Medici e Speziali, la Confrérie des Médecins et Apothicaires dont les professions relèvent d’un des sept arts majeurs avec les métiers du drap, de la banque et commerce, de la laine, de la peau et la fourrure, de la magistrature et du notariat.[21]
Année où il quitte l’atelier de son maître et reçoit sa première commande, une fresque consacrée à la Consécration (du pain et du vin) pour l'église Santa Maria del Carmine, fresque qui sera détruite.
En tant que peintre, il fut avec l’architecte Brunelleschi et les sculpteurs Donatello et Nano di Banco (1380-1421), les grands novateurs de la Renaissance artistique italienne. L.B. Alberti reconnut dans leurs œuvres le début d’une ère nouvelle. Son décor de la Chapelle Brancacci (1424-28) - du nom du riche drapier qui l’a commandée- à l’église Santa Maria del Carmine servira de modèle.
Dans le décor de cette chapelle, les historiens de l’art ont eu des difficultés pour reconnaître ce qui était de lui et de son compère Masolino da Pinacle (1383-1440/47) plus âgé que lui de 20 ans (voir Tome 1/Gothique International/Peinture/Italie). En 1427, Masolino parti travaillé en Hongrie, Masaccio poursuivra le travail jusqu’à sa mort un an plus tard ; il sera achevé par Filippino Lippi (1457-1504).
Actuellement, dans le décor de cette chapelle, on s’accorde à reconnaître comme de sa main : Saint Pierre guérissant avec son ombre (la fresque la plus célèbre)-Adam et Ève chassés de l'Éden-Le Paiement du tribut-Le Baptême des néophytes, La Résurrection du fils de Théophile (sur laquelle, la tradition veut que de gauche à droite soient représentés les visages de Masolino, Masaccio, Alberti et Brunelleschi)- et L'Intronisation de saint Pierre (terminée par Filippino Lipp)-Saint Pierre distribuant les aumônes et la Mort d'Ananie
Ses fresques ont toutes une unité chromatique, un même éclairage, une même atmosphère voulue et une même maîtrise géométrique dans les éléments d’architectures qui donne aux fonds une profondeur qui met en perspective (évidence) la scène centrale de premier plan. Masaccio a retenu les leçons de Giotto, le premier à avoir commencé à creuser l’espace pour sortir la représentation picturale de son ‘irréalisme’ (symbolisme) médiéval. Masaccio s’écarte du jeu des séductions des couleurs vives ou or et azur du Moyen-âge.
L’impression que donne ses apôtres, dans un style dit ‘héroïque’ , style propre à la Première Renaissance florentine dont Masaccio fut un des créateurs avec Donatello et Nano di Banco, est celle d’une grande majesté, d’une solennité à la hauteur de leur mission, rendue par une très grand souci de réalisme qui s’appuie sur l’application rigoureuse des lois de la perspective transposées de l’architecture à la peinture
En 1426, Masaccio interrompt son travail à Florence pour aller peindre pour l’église du Carmel à Pise un polyptyque dit Polyptyque de Pise qui ne comptait pas moins de onze panneaux ,aujourd’hui dispersés (Berlin, Londres, Naples, San Francisco), et pour lesquels il applique le même style héroïque.
Mort jeune, à 27 ans, Masaccio aura été un homme détaché des choses de ce bas monde. Il aura été surnommé Masaccio, ce qui signifie l’idiot, mais dans son cas plutôt le distrait, le rêveur ou encore le ‘fada’[22].
Vasari écrira de lui :«Distrait, rêveur, comme un homme dont toutes les pensées et la volonté étaient tournées uniquement vers les choses de l'art, il s'occupait peu de lui-même et encore moins des autres». Vasari écrira aussi que bien que Paolo Uccello (1397-1475) se soit déjà intéressé aux difficultés de la représentation en perspective, mais que « Masaccio cependant, en variant de plusieurs façons, était peut être peut-meilleur qu’aucun autre à son époque dans le raccourci et dans toutes sortes de vues[23] » (https://www.aparences.net/periodes/le-quattrocento/masaccio-larchitecture-et-lespace/).
Par la nouveauté de son art, le Style Masaccesque fera école mais relativement tardivement car sa manière pouvait encore paraître rebutante face aux facilités du Gothique International (voir Tome 1/ Arts). Michel-Ange suivit sa trace en remontant jusqu’à Giotto. Et Piero della Francesca tirera leçons de celui qui apporta dans la représentation picturale un réalisme fait de naturel et de sérénité caractéristique de ce style héroïque propre à Florence et dont il fut l’un des créateurs avec Donatello et Nano di Banco en sculpture.
Guido di Pietro, Fra Giovanni da Fiesole est né à Mugello au nord de Florence dans les Apennins, soit en 1385/87 selon Vasari soit vers 1395/1400 selon les historiens contemporains. Il meurt à Rome en 1455. Ses surnoms (posthumes) de Fra Angelico et celui de Beato Angelico (donné par Vasari) viendront du caractère spirituel de son œuvre où les anges sont représentés à profusion.
Il est documenté en 1417 comme peintre appartenant à la branche stricte des dominicains observants[24]. Selon la date de naissance qu’on lui attribue, la date à laquelle il prononce ses vœux au couvent dominicain de Fiesole (périphérie de Florence) peut-être de 1422 compte tenu que le noviciat durait cinq années. Il prend le nom de fra Giovanni.
Il travaille dans l’atelier d’enluminure du couvent, mais aussi il assiste dans des décors d’églises et d’hôpitaux le peintre gothique Ambrogio di Baldese (Lippo d'Andrea 1377-1427) qui l’a surement formé. La commande qu’il reçoit en 1425 d’un triptyque de Saint Pierre Martyr atteste qu’il est devenu indépendant.
Il doit quitter Fiesole. Il lui est reproché d’être un observant ou/et parce que dans le cadre du Grand Schisme d’Occident (1378-1417), il a pris une part active aux dissensions entre son ordre légaliste, favorable au pape de Rome, Grégoire XII, et Florence qui soutient le Pape Alexandre V élu par les cardinaux au concile de Pise de 1409 (voir Bas Moyen-Âge/ Événements Majeurs). Mais il est à noter que le Grand Schisme prend fin en 1417 par l’élection consensuelle de Martin V; date à laquelle Angelico commence à peine à suivre, une règle monacale sans avoir encore pris ses vœux. Il est donc peut probable qu’il lui soit reproché de prendre parti, d’autant que vu son jeune âge, sa parole ne devait pas être très écoutée.
De 1428-29 date son triptyque de saint Pierre martyr, commandé par les religieuses du monastère de Saint-Pierre-Martyr à Florence. Angelico qui a bien évidemment pu admirer le travail de Masaccio, n’y a pas été insensible. S’il ne se départira jamais de par sa formation gothique d’une certaine préciosité, du souci du détail, d’une finesse du trait que l’on retrouve dans l’enluminure, il n’aura pas ignoré un certain ordonnancement de l’espace.
Dans les années 20, il décore de fresques l’église San Domenico et y réalise un retable, le Pala di Fiesole, qui avec les fresques lui apportent une grande renommée. La date de 1432 peut être avancée pour le retable de Annonciation commandée pour l'église San Domenico di Fiesole par les Servites, ordre mendiant fondé en 1233. Le retable comprend cinq histoires de la Vie de la Vierge .
« Œuvre où apparaissent de nouvelles techniques inspirées par Masaccio ː une lumière diaphane, utilisée pour la première fois, enveloppe la composition, exaltant les couleurs et les masses plastiques des figures, et unifiant l'image. Elle deviendra l'une des caractéristiques les plus évidentes de son style » (Wikipédia)
Selon les sources, en 1436 ou 38, ou seulement en 1440, il commence à travailler à la décoration du couvent San Marco rénové par Michelozzo grâce au financement de Cosme 1er. De cette période date son Couronnement de la Vierge (1438-40, Louvre)
Après avoir assumé des charges important au sein du couvent, il en devient le prieur en 1449 (/50). Une de ses frasque les plus célèbres, L’ Annonciation date de 1437 (cellule San Marco). Sa Lamentation sur le Corps du Christ (San Marco) est datée de 1440/45 ; une autre lamentation de la même période est exécutée dans la cellule 2. Il travaillera à cette décoration, qui est le travail d’une équipe qu’il dirige, jusqu’en 1445. C’est l’une des plus attachantes de la Renaissance. Son activité en tant que peintre proprement dite apparaît dans un document concernant, réalisé en 1425.
En 1445, il est appelé à Rome par le pape Eugène IV pour décorer la Cappella del Sacramento que fera détruite Paul III. Il revient à Florence en 1450. Il est accompagné de son élève Benozzo Gozzoli (1420-1497), auteur d’une des plus belles décorations de chapelle de toute la Renaissance, la Chapelle des Mages (1459) du Palais Médici-Riccardi construit par l’architecte Michelozzo (1444-1459). En 1447, il décore avec son élève, une chapelle de la Cathédrale d’Orvieto.
Un document le signale à Pérouse en 1454 où il achève le retable de l’église San Domenico. Il revient à Rome la même année pour peindre la Cappella Niccolina (Chapelle Nicoline), à l’origine cabinet de travail du pape Nicolas V. Il meurt l’année suivante dans la ville pontificale.
A ses débuts, Fra Angelico a été influencé par Lorenzo da Monaco (1370-1424, Tome 1), peintre d’origine Siennois mais qui œuvra essentiellement à Florence. Peintre flamboyant de retables faisant beaucoup appel aux ors et aux bleus (lapis-lazuli), à la palette lumineuse, aux lignes souples, da Monaco laisse un magnifique ensemble de fresques sur la Vie de la Vierge dans la Chapelle Bartonlini de la Basilique Santa Trinita (1420,Florence).
S’il n’a pas oublier les leçons de son maitre sur la lumière, allant jusqu’à nimber ses scènes dans une luminosité diffuse qui leur rend tout leur caractère mystique, s’il n’a comme lui aucun souci de ce réalisme cher aux artistes renaissants, il est ouvert aux nouvelles innovations de Masaccio sur la perspective. Cette transition ou plutôt cette hésitation dans son affirmation, on peut l’observer tout au long de son œuvre, sur ses fresques du mur des cellules du Couvent Saint Marc à Florence (1440) et au Couvent Saint Dominique de Fiesole. On a pu reprocher son manque de technique, une certaine sécheresse dans le dessin, mais c’est peut-être ce qui donne dans le dépouillement, cette expression simple et directe qui se dégage de sa peinture, qui lui donne son caractère spirituel dans une palette aux teintes pâles, jamais forcées et claires, dans une composition simple voir schématique pour n’en être que plus édifiante, car en bon dominicain Fra Angelico mettait son art au service de la piété.
L’influence de Fra Angelico sur le Pérugin et l’École Ombrienne est évidente chez lesquels on retrouve son style suave, sa grâce.
Filippo Lippi (ca.1406-1469), orphelin très jeune, sera placé à huit ans au couvent des Carmes de Florence après avoir été un temps accueilli par une tante. Le couvent est situé dans ce quartier excentré de Florence, l’Oltrarno. Quartier des tanneurs où le père de Botticelli a son atelier et où se trouve l’église Santa Maria del Carmine où il n’a certainement pas manqué d’admirer à son transept sud, le décor a fresco sur le thème de la vie de St Pierre de la Chapelle Brancacci qu’entre 1424-1427, Masolino da Pinacale et Masaccio ont réalisé, et d’en découvrir toutes les innovations picturales. Dans ce même quartier, quelque quarante ans plus tard, Antonio Manetti, élève et biographe de Brunelleschi, dressera sur les plans de son maitre une des plus belles église de la Renaissance à Florence, la Basilica di Santa Maria del Santo Spirito (voir Architecture/Brunelleschi). A quinze ans, en 1421, Filippo prononce, bon gré malgré, ses vœux
La première documentation de lui comme peintre date de 1431 et trois ans plus tard, il est actif à Padoue. Période de laquelle on retient essentiellement sa Pala Trivulzion (1434) à fond bleu , la Confirmation de la Règle des Carmes (1432) et la Madone de l'Humilité avec des Anges et des Saints (1434) dans lesquels l’influence de Masaccio se fait directement sentir par le réalisme brut qui imprègne sa peinture.
En 1437, il est de retour à Florence. Il peint notamment La Madone Entourée d’Anges et de Saints. Des documents attestent qu’il est alors reconnu comme un maitre confirmé. Il entre au service du fondateur de la ‘dynastie’ des Médicis Cosme 1er l’Ancien qui a su voir en lui un peintre aux dons remarquables et qui en fait son peintre favori.
En 1442, il est nommé abbé de la paroisse de San Quirico non loin de Pise. De cette période datent son Annonciation de San Lorenzo, le Couronnement de la Vierge (1442-47, Les Offices), le beau Tondo Bartolini : Madone et Vie de la Vierge (1452) sur lequel se manifeste un sens achevé de l’espace. Le tondo ( de rotondo=forme ronde) était chez les grecs un petit bouclier circulaire pour le combat rapproché. Le tondo peint était déjà très à la mode dans la Florence de Laurent le Magnifique
Mais Filippo se consacre aussi, scandale… aux femmes et sa vie honteuse lui vaut le supplice de l’estrapade qui consiste à attaché les bras du condamné dans le dos et une fois hisser de le laisser retomber sans toucher le sol, chute qui entraine la dislocation des membres.
En 1452, il s’installe au Prato au nord de Florence et commence alors dans la cathédrale un cycle de fresques dédiées à San Stefano, aussi imposant que celui de St Pierre de Masaccio, et qu’il n’achèvera de peindre que douze ans plus tard : Scènes des Vies de Saint Étienne et Saint Jean-Baptiste, Hérode et Salomé. Cette cathédrale de style roman renferme des fresques de Paolo Uccello de 1435 et à l’angle sud de sa façade, Donatello et Michelozzo réalisent entre 1428 et 38, la chaire circulaire en marbre.
En 1456, Lippi tombe amoureux de son modèle, Lucrezia Buti, elle-même religieuse, et la met enceinte. Cosme pour protéger le couple va jusqu’à Rome plaider sa cause auprès du pape Pie II. Le couple abandonne ses vœux et se marie. Ils auront deux enfants, Filippino (1457-1504), qui succéda à son père et achèvera le décor de la Chapelle Brancacci, une fille Alessandra.
En 1456, il est chapelain du couvent de Santa Margherita, toujours au Prato. Il continue de peintre ses Madones avec Anges toujours sur le même modèle, et autres Nativités. Ses dernières fresques au chœur de la cathédrale de Spoleto (Ombrie), (1467-69), consacrées à la Vierge : L’Annonciation, La Dormition et le grandiose Couronnement, qu’il a commencé avec son fils Filippino, seront achevées par ce dernier. Il meurt à Spolète trois ans plus tard. Laurent fera élever en 1488, un tombeau pour lui avec une épitaphe du Politien.
Fra Lippi peignait déjà à l’huile comme en témoigne son Saint Jean l'Évangéliste (1432-34) et sa Vierge à l'Enfant, avec Saints et Anges (Retable Barbadori 1437-39) ou de façon combinée a la tempera pour sa Nativité de 1445. (voir Campanie/ Niccolò Antonio Colantonio/Peinture à l’huile)
Fra Lippi a eu pour élève à partir de 1465 Sandro Botticelli (1444/45-1510) qui sera le maître de Filippino, son fils.
Lippi est particulièrement connu pour ses représentations de vierges comme le Couronnement de la Vierge (Couronnement Maringhi, 1441-47), la Vierge à l'Enfant et deux anges (1465) et la Vierge à l'Enfant et Saints (Pala del noviziato) aux Offices.
« L’idéal de beauté féminine deviendra une constante des tableaux de Lippi, et sera plus d’une fois reprise par le meilleur élève de celui-ci, Botticelli. C’est peut-être aussi pour cette raison que la réputation de Filippo Lippi est traditionnellement liée avant tout à ses douces Vierges, répétées avec nombre de variantes, et dont on peut imaginer qu’elles s’inspirent des traits de sa bien-aimée Lucrezia » (https://www.aparences.net/periodes/le-quattrocento/fra-filippo-lippi/).
Après Masaccio, c’est Fra Angelico qui aura orienté la peinture de Lippi vers plus de souplesse dans le trait, plus de lumière dans la couleur.
« Filippo fut le seul florentin du milieu du siècle vraiment préoccupé de la couleur et capable d’inventions délicates dans ce domaine, fut-ce aux dépends du dessin » (Dict. de La Peinture Italienne, Édit Hazan, 1964)
Paolo di Dono dit Uccello (1397-1475), surnommé ‘’l’Oiseau’’ pour son amour des volatiles, de nature plutôt excentrique est né et mort à Florence. Peintre, mosaïste, marqueteur, il est un artisan accompli. Fils d’un chirurgien-barbier[25], il entre à 10 ans comme apprenti dans l’atelier de Ghiberti (voir Sculpture) où il restera jusqu’à 40 ans.
En 1425, il est à Venise où il travaille pendant 6 ans comme mosaïste à la façade de San Marco. En 1435, il travaille aux fresques de la cathédrale du Prato. De retour à Florence, il entreprend en 1436[26] les fresques, très mal conservées, du Cloître Vert de Santa Maria Novella qui lui donne un renom et qu’il achèvera quelque dix ans plus tard. Ce cloître est dit ‘’Vert’’ à cause de la couleur du fond des fresques. On en retient notamment le Déluge et l’Ivresse de Noé
En 1445, il est à Padoue pour trois ans où il exécute Les Géants (perdus) dans le style monumental florentin qu’avait initié Masaccio à la Chapelle Brancacci (Dict.de la Peinture Italienne, Hazan 1964).
Entre 1455 et 1460, il exécute les trois panneaux de son œuvre maitresse commandée par les Médicis, La Bataille San Romano.
En 1465, il est à Urbino où son âge avancé l’empêche de terminer la dernière de ses œuvres majeures, les panneaux du Miracle de l’Hostie Profanée, que terminera entre 1473-75 Juste de Gand (Joos van Wassenhove (1409/10-1476) qui est arrivé en 1468, à Rome, date à laquelle Uccello revient lui à Florence.
On lui doit plusieurs versions de St Georges Terrassant le Dragon pour lesquelles les portraits varient selon les sources, la première, tempera sur bois, datant de 1435 (Musée Jacquemart André, Paris) et la dernière de 1470/78 ? (National Gallery). On lui doit également le Monument Équestre de John Hawkwood[27] (1436, Duomo de Florence), une Chasse Nocturne de 1468 (Musée d’Oxford) ; et des cartons de vitraux (1443) pour la cathédrale Santa Maria del Fiore.
L’œuvre d’Uccello marque une étape décisive dans la prise en compte définitive de la notion de perspective en peinture bien que sa manière reste quand même dans la veine du Style Courtois. Cette recherche presque obsessionnelle sur la perspective l’amena à une peinture presqu’irréelle, abstraite de la réalité dans sa palette comme dans sa lumière. Il a pu lui être reproché la rugosité de son dessin voire une certaine rigidité. Mais Uccello est plus occupé à ses recherches de perspectives et à donner à ses scènes un caractère théâtral plongées qu’elles sont dans une lumière artificielle.
Vasari dans sa Vie des Meilleurs Peintres est très critique envers lui : « Paolo Uccello aurait été le peintre le plus élégant et le plus original depuis Giotto, s'il avait consacré aux figures d'hommes et aux animaux le temps qu'il perdit dans ses recherches sur la perspective. »
Uccello reste représentatif de l’état d’esprit des artistes de son temps formés à la manière ‘’ancienne’’ du Gothique International avec ses thèmes courtois définis, mais tentés par une représentation, une composition nouvelle. Sa Chasse Nocturne (1468) en est un bel exemple qui garde du Style Courtois la manière et le thème dans une composition où le mouvement est tout en ligne de fuite.
Sa pièce maitresse est la Bataille de San Romano[28] qui opposa en 1432 les Florentins menés par Niccolo da Tolentino aux Siennois commandés par Bernardino della Ciarda. En trois immenses panneaux peints entre 1450 ?1456 ? et 1460, dont le plus grand atteint les 1,82m x 3,20m, il affirme irréversiblement la représentation en trois dimensions par son important jeu des lances et des hampes. Ce combat de chevaliers ne va pas sans rappeler les tournois de l’époque courtoise. Dans le premier panneau (tempera sur bois) sur lequel l’on reconnait Niccolo da Tolentino à son monumental mazzocchio (couvre-chef de bois d’osier et drapé) menant ses troupes, deux perspectives : celle renaissance du premier plan, celle médiévale du paysage d’arrière plan. Dans le deuxième panneau (huile sur bois) où l’on voit le Siennois Micheletto da Catignola, le fond a disparu. Le troisième panneau (huile sur bois) représentant Bernardino della Ciarda désarçoné, vaincu, la perspective se complait dans des jeux de raccourcis au premier plan sur un fond qui reste incertain, ni présent ni absent. Laurent le Magnifique en fera l’acquisition en 1484.
Les connaissances sur la vie de Domenico di Bartolomeo da Venezia (1405/10-1461) sont très réduites. On ne sait à quelle date il a quitté sa ville natale, sans doute Venise, pour arriver à Florence en 1439, après Pérouse. Il y aurait été formé par Gentile da Fabriano (1370-1427),mais cela semble peu probable puisque Gentile est à Venise au tout début du siècle quand nait Veneziano, qui arrivera lui dans le ville de Dante au plutôt à l’âge de 29 ans, après la mort de Gentile. Il a pu plus probablement être formé par Pisanello (1395-1455) qui séjourna à Venise et fut lui-même l’élève de da Fabriano.
« Le nom de son professeur est inconnu; toutes ses œuvres survivantes montrent une profonde connaissance et maîtrise des conquêtes formelles florentines tant dans le rendu réaliste que dans la représentation du mouvement, dans l'utilisation de la perspective et de la lumière et dans l'organisation compositionnelle; cependant, ils rappellent Gentile da Fabriano et Pisanello pour la manière d'exécution et les motifs iconographiques ».(https://www.treccani.it/enciclopedia/domenico -di- bartolomeo-da-venezia_(Dizionario-Biografico).
Des historiens de l’art (Kennedy et Wolf) supposent que Veneziano a pu parfaire sa formation aux côtés de Gentile en 1426 à Florence. Et qu’il serait à Pérouse en 1437. Mais d’autres sources ne donnent pas Veneziano à Florence avant ses 29 ans soit au plus tôt en 1431/32.
« Vers 1432, Domenico est à Florence et y reste jusqu'à 1437 [date à laquelle] il part pour Pérouse » (Rivages de Bohême).
D’autres sources semblent indiquer qu’il est d’abord à Pérouse avant de se rendre àFlorence :
« La première mention de Domenico Veneziano remonte à 1438, date à laquelle, alors qu'il peignait à Pérouse une salle du palais Baglioni (auj. disparue), il écrivit à Pierre de Médicis pour lui demander de travailler à Florence » (Encyclopédie Larousse).
« Dans les années 1430, il travailla à Pérouse. En 1438, il écrivit à Pedro de Médicis pour demander une commission, sa demande étant acceptée, de sorte qu'en 1439 environ il s'installa à Florence, où il resta, sauf pour de courtes périodes, jusqu'à sa mort ». ( https://es.wikipedia.org/wiki/Domenico_Veneziano).
Quoiqu’il en soit, Veneziano s’installe à Florence en 1439 où il entreprend le décor, depuis détruit, du chœur de l’église Sant’Egidio, aidé de son élève Piero della Francesca.
Son œuvre majeure reste La Pala di Santa Lucia de' Magnolile, à l’origine commandée comme retable du maitre-autel. Le panneau central représente la Vierge à L’Enfant entourée de Saints (209x216m) et cinq prédelles (moyenne de 28x32cm) représentent des scènes des Évangiles. Comme chez Fra Angelico, dans le panneau central, la lumière, délicate, est naturelle. La position des quatre personnages entourant la Vierge est définie par le décor architectural qui relève d’une parfaite maitrise de la perspective, comme en témoigne le décor de marbre au sol. Exécuté de 1445 à 1447, le retable a été démantelé et dispersé, le panneau central est maintenant aux Offices.
Ce que Domenico Veneziano apporta à la peinture florentine de la Première Renaissance, c’est une fonction nouvelle de la lumière. Après lui, elle ne servira plus à seulement créer les clairs et les ombres qui forment le modelé, mais appliquée aux plans de la perspective, elle crée une dimension nouvelle et plonge personnages et paysages dans une certaine atmosphère. Elle devient une lumière naturelle et non plus artificielle, une lumière du jour et des heures. Cet apport est considérable dans l’évolution de l’art pictural. Il est sans doute dû à la connaissance que Veneziano a dû avoir des peintres flamands qui s’étaient déjà penchés sur cette question, eux-mêmes soucieux de situer leur sujet dans un décor plus authentique.
Contrairement à ce qu’avance certaines sources, Antonello da Messina n’a pu lui révéler la technique de la peinture à l’huile puisque il n’est arrivé à Venise qu’en 1470 au plus tôt, soit 9 ans après la mort de Veneziano.
Ne pas le confondre avec le peintre vénitien du XVIème siècle Vittore Belliano appellé parfois Vittore Veneziano, actif vers 1516.
Piero della Francesca (c.1420-1492) est né à Sansepolcro dans une famille de riches marchands du nord de la Toscane. Sa mère était noble. Son père lui fait faire des études d’algèbre, de géométrie et de comptabilité. Il est initié à la peinture par un peintre local, Antonio di Anghiari, En 1435, à 15 ans, il entre comme apprenti dans l’atelier florentin de Veneziano.
Sa réputation arrivant rapidement, della Francesca va sillonner la péninsule transportant son savoir-faire de cours en cours, Urbino où il rencontre Alberti. En 1448/49, il se trouve à Ferrare au moment où Mantegna peint le portrait du marquis Lionel d’Este. Il travaille, lui, au Château de Saint Michel[29]. Ils ont pu rencontrer le ‘primitif’ flamand Roger van der Weyden (†1464) en voyage en Iatlie dans les années 1450. Certaines sources font état d’un séjour du peintre flamand entre 1445 et 50, bien que d’autres n’indiquent pour lui qu’un séjour à Rome en 1450 à l’occasion du jubilé[30]. La conception du paysage flamand aura une influence sur le peintre des Fresques d’Arezzo quand il aura découvert les œuvres flamandes achetées par le duc d’Urbino, Urbino où il séjourne entre 1469 er 72 et achève ses deux traités.
En 1450, il est à Ancône (Marches) . En 1451, il est à Rimini où le condottiere Sigismond Malatesta lui demande de décorer l’église, qui sera appelée Temple Malatesta quand elle abritera le tombeau familial, et dont Alberti, qu’il a pu rencontrer à cette occasion, a commencé de refaire la façade en 1447 et qu’il achèvera en 1486 (voir Alberti).
En 1452, il entame son œuvre maitresse, La Légende de la Vraie Croix, fresques de la Basilique San Francesco d’Arezzo. Représentant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, la première phase d’exécution s’arrête en 1458. La seconde commence en 1460 et s’achève en 1466. Entre temps, il est à Rome pour essayer de se faire payer le décor de la chapelle du pape Pie II.
A Pérouse en 1467 et 69, il peint le retable du couvent San Antonio et enseigne le jeune Pérugin. Après un passage à Arezzo, il va travailler jusqu’en 1472 à Urbino au décor du Palais que le duc Frédéric de Montefeltro a commandé en 1465 à Luciano Laurana († 1479 voir Hors Florence/ Les Marches). Il continuera de travailler, notamment à Arezzo et à Sansepolcro avant d’être gagner par la cécité. Il meurt dans sa ville natale à l’âge de 72 ans.
Bien qu’avec une palette moins contrastée que celle de son ainé d’une vingtaine d’années, Uccello - palette qui délimite les niveaux de profondeurs- Piero développe également de façon très réfléchie des compositions en plusieurs plans où s’étagent personnages et paysages dans une très grande économie de moyens qui toute dramatisation écartée place le spectateur face à l’essentiel : l’évidence artistique. Aidé par sa formation de géomètre, il se singularise par la maîtrise exceptionnelle d’une perspective rigoureusement mathématique, par une rythmique fortement affirmée tout en sachant donner à la lumière toutes ses nuances. Ses personnages impassibles qui ne livrent rien de leurs sentiments échappent aux contingences pour entrer dans l’intemporel.
Dans ses recherches sur la perspective, à l’appui de sa formation de géomètre, della Francesca va être le premier à découvert cette illusion optique qu’est l’anamporphose, cette « déformation d'images, de telle sorte que ou bien des images bizarres redeviennent normales ou des images normales deviennent bizarres quand elles sont vues à une certaine distance et réfléchies dans un miroir courbe ; par extension ces images ainsi déformées ». L’exemple le plus célèbre d’une anamorphose en peinture est le tableau ‘Les Ambassadeurs’ (1533) d’Holbein Le Jeune (1547-1543). La forme bizarroïde qui se trouve au bas du premier bas apparaît être un crâne si l’on regard le tableau non de face mais de côté, à partir d’un certain angle de vue. Les visages de deux ambassadeurs sont amincis et prennent une couleur cadavérique.
Son œuvre a toujours gardé ce caractère héroïque de la première phase florentine. Elle couvre toute la période de la Première Renaissance, de ce qu’elle contient de la Première Phase florentine avec une affirmation des nouvelles conceptions sur la perspective à l’annonce de la Haute Renaissance qu’initie un Giambellini et un da Vinci. Piero eut un très grand impact sur les peintres de son temps mais malgré la très haute réputation en laquelle il était tenu de son vivant, il tomba rapidement dans l’oubli comme bien d’autres peintres de son temps, leur mémoire recouverte par la gloire de ceux du siècle suivant de la Renaissance Classique, qui seront considérés comme les premiers peintres modernes et non plus comme des primitifs. della Francesca n’en est pas moins tenu par certaines sources comme le plus grand peintre du Quattrocento.
Œuvres importantes : La Flagellation du Christ (1450), La Légende de la Vraie croix ( fresques de San Francesco d'Arezzo (1452-60), le Polyptyque de la Miséricorde de Sansepolcro (1445-55), les Fresques du Palais d’Urbino et les portraits affrontés du Duc et de la Duchesse d'Urbino (1450-60). Ses fresques du Vatican furent remplacées par celles de Raphaël. Il écrivit deux traités, De quinque corporibus regularibus (des Cinq corps réguliers) et De prospectiva pingendi (de la Perspective en Peinture) aidé en cela par sa formation de mathématicien.
« La densité plastique des figures et des objets va de pair avec la rigueur qui préside à leur mise en place. Tout paraît imbriqué dans ce monde qui serait minéral sans la palette transparente et douce dont Piero a le secret. C'est elle qui rend plus convaincante l'illusion du relief, qui baigne l'espace et les formes d'une lumière cristalline, qui parfait l'unité du panneau ou de la fresque….Il exprime moins souvent l'action que la contemplation. À la grâce, à la tendresse ou à la douleur, il préfère une gravité paisible, qui confine à l'impassibilité. On y sent comme une robustesse terrienne, éprise cependant de rythmes solennels. L'univers de Piero semble soustrait à la loi du temps » (Encycl. Larousse).
Si pour certains la peinture de della Francesca se rattache encore à la tradition gothique comme les fresques de San carmine, La Légende de La Vraie Croix, cycle de quinze fresques de l’église St François à Arezzo (1452>59/66) tiré du livre du XIIIe siècle sur la vie des saints de Jacopo da Varagine, La Légende Dorée, est , bien que les figures restent encore gothique, incontestablement une des œuvres les plus essentielles du Quattrocento par les recherches qu’elle montre sur la perspective : articulation de plans superposés, géométrie des volumes et utilisation de la lumières et de la couleur pour l’effet d’espace.
Dans La Perspective en Peinture, écrit entre 1460 et 80, expose une théorie sur la perspective qui « change le cours des techniques artistiques de la représentation des objets à trois dimensions sur une surface à deux dimensions. »(Wikipédia).Il traite de la perspective linéaire mais aussi de projection orthogonale qui veut que dans l’espace la droite et le plan soit perpendiculaire.
Ou des Cinq Polyèdres Réguliers (Libellus de quinque corporibus regularibus), écrit entre 1480 et 92, a pour projet de « de compléter l’arithmétisation de la géométrie, commencée par Leonardo Fibonacci (1175-1250) dans son Liber abaci (Livre de Calcul, 1202). Il comprend en quatre livres
I :Figures géométriques planes, qui reprend les démonstrations de Fibonacci.
II : Polyèdres inscrits dans une sphère, qui est l'application à trois dimensions du programme de Fibonacci.
III : Polyèdres inscrits dans d'autres polyèdres ; Piero propose de nouvelles relations entre certains polyèdres qui ne sont pas dans Euclide.
IV : Polyèdres « semi-réguliers », Piero fait une découverte indépendante des polyèdres d'Archimède (polyèdres convexes semi-régulier)
Tratta d’Abaco
Dans ce Traité de l’Abaque (ancêtre du boulier) retrouvé seulement en 1911, della Francesca consacre sa première partie à l'arithmétique des fractions, suivie d'exercices, utilisant la règle de trois, plus au moins difficiles ; sa deuxième partie est consacrée à la tentative de résolution d'équations du 3e, 4e et 5e degrés. Pour le calcul du côté de certains polyèdre ; la troisième partie à la géométrie des solides (sources Wikipédia).
Andrea di Michele Cioni dit Andrea del Verrocchio (1435-1488), né à Florence, peintre, orfèvre, sculpteur, aurait été formé en peinture par Filippo Lippi et Alessio Baldovinetti (1427-1499), « peintre florentin dont les compositions se caractérisent par des paysages d’arrière-plan très soignés [31] ». Il exécuta entre autres Le Baptême du Christ (Musée des Offices,1470>80, huile sur bois 177x151cm), dont le visage de l’ange de gauche serait de la main du jeune Vinci[32], La Madone avec Saint Donat et Saint Jean-Baptiste (Cathédrale Pistoia) qu’achèvera son élève Lorenzo di Credi en 1483, date à laquelle il part pour Venise où il meurt cinq ans plus tard.
Verrocchio donna dans la diversité des talents et des œuvres plus qu’aucun autre artiste de la Renaissance mis à part Leonard de Vinci. Il livrera dans la deuxième phase florentine, une sculpture nerveuse dont la minutie s’explique par son travail en parallèle d’orfèvre. Lucas della Robia (1400-1428) se sera spécialisé, lui, dans les terres cuites vernissées.
En 1466, à la mort de Donatello, il devient le sculpteur attitré des Médicis. On lui doit notamment le sarcophage des Médicis (1472), le Christ et Saint Thomas (église Or San Michel, 1482), un bronze de 1,25m, Jeune David (1475), dont il reprend le thème du David adolescent (1432) de Donatello, et la Statue Équestre de Colleone, condottiere de Bergame (1483-1488) pour qui Giovanni Amadeo (1447-1522) avait quelque dix ans plus tôt réalisé la chapelle, son œuvre maitresse.
Dans son atelier, sa bottega (boutique), il forma nombre de peintres et non des moindres comme Le Pérugin et Léonard de Vinci,
Lorenzo di Credi et Dominico Ghirlandaio d’où son surnom de l’Ancien. La mémoire posthume de Verrocchio a toujours pâtie du jugement négatif sur son talent que Vasari porta sur lui tout en reconnaissant qu’il avait été un des grands animateurs de la vie artistique de Florence. Verrocchio n’innova pas dans la technique mais dans le choix de nouveaux thèmes, la création de nouveaux type de personnages, une nouvelle façon de composer. Il reçut de très nombreuses commandes de Laurent le Magnifique. Son atelier fut le plus important de florence dans la seconde moitié du siècle.
Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, (1445-1510) dit Sandro Botticelli (le Tonnelet), né et mort à Florence, est issu d’une famille modeste mais pas indigente, son père est tanneur. Il sera formé par le peinte favori de Cosme de Médicis, Fra Filippe del Carmine, peintre de vierge au délicat visage. Sandro commence sa vie active à 25 ans. Entre 1464 et 1467, il travaille dans l’atelier de Filippo Lippi aux côtés de Pallaiuolo et de Verrocchio.
Il est tout de suite apprécié des milieux officiels et des Médicis. Il reçoit aussi bien commande pour des églises que pour le décor de villas dont Le Triomphe du Printemps peint en 1478, et La Naissance de Vénus (1485). Le Printemps est peut-être le triomphe de la mort dont le souffle nous rattrape aussi rapidement que le Zéphyr qui, la symbolisant, saisit la belle qui tient dans sa bouche une branche trois fois brisée comme autant d’atteintes à la vie.
En 1481, il fait partie d’une équipe de peintre chargée de décorer la Chapelle Sixtine. Il y peindra La Vie du Christ et La Vie de Moïse. De retour à Florence, il entre dans une crise religieuse et se consacre à la peinture de scènes religieuses, madones, crucifixions, mises au tombeau… En 1490, il entreprend à la demande des Médicis (Laurent †1492), l’illustration sur parchemin de La Divine Comédie (1304>21). Mais son style est passé de mode.
En 1497, il participe avec ses propres tableaux au Bucher des Vanités. L’intransigeant prédicateur Savonarole, revenu à Florence six ans plutôt a appelé la population de Florence à un autodafé (acte de foi), pour jeter au feu tous les œuvres d’art, les bijoux et les livres, tout objet qui relève de la vanité, de l’immoralisme, de la cupidité. Un des frères de Sandro, Simone a été un ’piagnone’, un partisan de la révolte contre les Médicis hourdie par le prédicateur. Comme le montrent sa Crucifixion de 1497 ou sa Nativité Mystique de 1501 (Savonarole est brulé en 1498[33]), Sandro fut moins actif, intériorisant plus que politisant cette crise de conscience qu’il traverse avec inquiétude et qui animait la Florence de la fin de la Première Renaissance et du début de la Haute Renaissance.
« Pour un tempérament renfermé et hyper sensible comme le sien, dont on perçoit la subtile mélancolie derrière l’apparente sérénité des allégories païennes, l’angoisse spirituelle avivée par l’exécution de Savonarole est le coup de grâce. Désormais, le maître se retire jusqu’à sa mort dans un monde intérieur dont il bannit toutes les images « déshonnêtes » pour se consacrer aux histoires saintes, à des représentations symboliques et allégoriques d’une rigueur extrême ». (Fred Berence, Les Grands Peintres, Hachette 1966).
Vont arriver sur le devant de la scène artistique Raphaël et Michel-Ange qu’il aura devancé dans une recherche inlassable d’une beauté idéale pour ne pas dire idéelle en humaniste qu’il était.
De son vivant, Botticelli n’aura pas eu de succès hors de Florence. Et encore, il mourra oublié, ne recevant plus de commandes, ne marchant qu’avec des béquilles. Il aura travailler en étroite collaboration avec les orfèvres – sa première formation- et les graveurs qui travailleront, eux, sur ses cartons. S’ils lui reprennent son dessin tout en courbe et souplesse de ligne, en retour, il retiendra d’eux les silhouettes gracieuses, le souci du costume tels qu’ils sont mis en évidence sur les coffres d’apparat (cassoni). De son maître Fra Filippo Lippi (1406-1469), dont il eut pour élève son fils Filippino, il aura retenu le goût d’une couleur intense. Merveilleux dessinateur, il eut le souci de donner du rythme à ses arabesques, à ses courbes flottantes, jusqu’à meubler des parties du décor qui pourraient alors paraître statiques mais qui dégagent alors une impression de grâce irréelle qu’accentue, constante de son œuvre, une « lumière cristalline ». Botticelli s’est tenu éloigné des préoccupations réalistes des peintres florentins, de leur besoin d’interroger la nature.
Son passage à la postérité sera très tardive. Ce sont les préraphaélites anglais du milieu du XIXème qui sortiront le maître du Printemps (tableau ô combien symbolique avec Mercure qui descend et Zéphir qui s’élève) de l’anonymat dans lequel il était plongé depuis la fin des Médicis. Ils seront attirés par la mélancolie qui émane du tableau, une mélancolie qui laisse planer comme un mauvais présage, une crainte de la mort représentée par des fleurs fanées qui anticipent sur la séduction symbolisée par les fraises dans la couronne de Flora et sur sa robe de mariée, le mariage étant symbolisé par les roses et les pervenches qui sortent de la bouche de Cloris. A la Renaissance, fleurs, minéraux, animaux représentés en peinture étaient toujours chargés d’une symbolique savante. Les Préraphaélites anglais mettront en avant cette alliance de la mélancolie morbide et de la sexualité.
« L'élégance du trait, l'opalescence des coloris et la lumière cristalline : Le dess
inateur Botticelli n'a jamais utilisé la peinture à l'huile. Il se limite à la tempera sur bois et à la fresque. C'est dans la parfaite maîtrise de ces techniques traditionnelles que réside le secret de ses coloris tendres, tout en transparence, qu'il conservera du début à la fin de sa carrière ». (https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-15-16e-siecles /sandro -botticelli.html)
« Son goût pour le raffinement de l'exécution et pour la transparence du coloris, qui semble pénétré d'une lumière cristalline, se rencontre tout au long de sa carrière. » (Dict. Larousse)
Dominico Bigordi (1449-1494), né et mort à Florence, est issu d’une famille de moyenne bourgeoisie (orfèvre ou commerçant ?). Il doit son surnom de Ghirlandaio, le fabricant de guirlandes, à son père qui ornait les coiffures féminines de rubans. A supposer que ces rubans furent de soie, il aurait été plutôt vendeur de soie qu’orfèvre. Mais Vasari dit qu’il était orfèvre et qu’il apprit le métier à ses fils. Dominico s’oriente néanmoins vers la peinture et devient l’élève de Alesso Badovinetti (1425-1499) qui eut pour maître le coloriste Veneziano « qui fut son maître et lui enseigna l'art des tonalités affinées par la lumière, des compositions sereines et largement équilibrées. » (Encyclopédie Universalis). L’apport de Badovinetti en cette période de nouvelle peinture florentine aura été ses grands paysages inspirés de son maitre, avec de vastes lointains comme en donne exemple sa Nativité, bois à la tempera de 167x137du cloître de la basilique Santissima Annunziata à Florence. Il collabora à la décoration de l'église Sant ‘Egidio.
En 1475, Ghirlandaio travaille avec son frère à la Bibliothèque Vaticane. Il retourne à Rome en 1481-82 où il peint à la Sixtine La Résurrection (perdue) et Saint Pierre et de Saint André sur la fresque de L'Appel des Apôtres, vaste fresque sur laquelle a aussi travaillé Le Pérugin et Botticelli. Ce n’est qu’à son retour à Florence, fort de la réputation que lui a donné l’invitation du pape, qu’il commence à recevoir des commandes. Il ouvre un atelier avec ses deux autres frères, l’un, David (1452-1525) peintre comme lui, l’autre, Benedetto (1458-1497), mosaïste. Cette bottega (boutique) - comme on désignait à l’époque les ateliers d’artistes en fait des artisans, fort probablement ouverts au public, sur la rue- sera l’une des plus actives. Michel-Ange (1475-1564) y travaillera comme apprenti. Elle répondra à la demande aussi bien des églises que des riches bourgeois et des seigneurs dont notamment Laurent le Magnifique. Nombres d’églises florentines commandent soit un bois peint, soit un retable ou une fresque : fresques des cathédrales de Pise et de Lucques, de la villa médicéenne de Volterra, du Palazzo … Parmi ses fresques les plus accomplis, on peut citer celle de la Chapelle Tornabuoni à Santa Maria Novella représentant les vies de la Vierge et de Saint Jean-Baptiste (1485-1490), et la Cène (1480) du couvent Ognissanti. Le travail restait dans l’ensemble de bonne qualité malgré une production pourtant très importante.
Ghirlandaio a un métier solide et sait plaire tout en vulgarisant les nouveautés révélées par les novateurs florentins. Et il sait s’adapter à l’influence flamande (Vieillard avec son Petit-fils). Il introduit volontiers des personnages contemporains dans les scènes religieuses. La peinture de Ghirlandaio est une peinture sereine qui ne décèle aucune des inquiétudes légitimes que l’on peut attendre d’un créateur, et sa palette aux teintes claires fait partie de l’attrait que suscite ses œuvres. Il meurt en 1494 de la peste qui sévit à Florence à la fin du XVème siècle. Le célèbre retable des Portinari de Van de Goes est arrivé à Florence en 1482.
« La vivacité des couleurs, la perfection du travail, l'absence de retouches à sec, et la richesse de l'invention, l'ordonnance des groupes et l'arrangement des principales scènes, impriment à cette chapelle [Chapelle Tornabuoni] un aspect de beauté, de grâce et de grandeur indicibles.»(Vasari).
Luca Signorelli (1450-1523), né et mort à Cortone (Toscane orientale), fils du peintre Egidio di Ventura Signorelli, est formé à Arezzo par Piero della Francesca qu’il assiste très jeune à la basilique San Francesco dans ses fresques de La Légende de La Vraie Croix qui seront achevées en 1466[34]. Après ses œuvres de jeunesse, il va se détacher de l’influence de son maître et donner dans ses peintures, Annonciation (1479) Flagellation (1475/80,), Madone au Lait (ou Vierge Allaitant, 1470, iconographie très représentée avec la Vierge à l’Enfant) plus de mouvement dans les figures. Il a pu recevoir les conseils de Andrea del Verrocchio qui a formé parmi bien d’autres Vinci et Ghirlandajo et dont Botticelli a fréquenté l’atelier.
En 1481, il choisit pour faire partie du groupe de peintures florentins qui vont entamer la décoration de la Sixtine, où il se révèle comme ayant le sens des fortes compositions (Adoration des Mages 1482, Louvres). Les commandes affluent de toute l’Italie Centrale, de Laurent de Médicis et de la famille della Rovera qui eut un pape en la personne de Sixte IV, de 1471 à 1484. Il exécute son œuvre majeure de 1499 à 1504 au Duomo d’Orvieto (Ombrie) où sur le thème de l’Apocalypse, il achève lesfresques commencées par Fra Angelico.
« Exécuté entre 1499 et 1504, ce cycle, considéré traditionnellement comme l'œuvre maîtresse de Luca, souffre dans son ensemble d'un certain déséquilibre dans la composition et, par son audace de conception, trahit par moments l'embarras du peintre lors de l'exécution. Le programme iconographique [avait été] établi par Fra Angelico, qui avait commencé la décoration de la voûte » (Dictionnaire de La Peinture, Larousse)
« C’est là qu’il témoigne d’une grande invention spatiale et formelle, d’une extraordinaire maîtrise technique, d’une puissance du modelé des corps soumis à des torsions et à des raccourcis saisissants. » (aparences.net/art, réf. cit.)
Filippino Lippi (1457-1504) est le fils d’un frère et d’une none défroqués, Fra Lippi et Lucrezia Buti dont la relation fit scandale à l’époque. Il est né avant leur mariage, après que son père eut ‘enlevé’ avec tout son consentement la belle.
Il est en Formé par son père puis peu après par l’élève de ce dernier, Botticelli, il travaille aux côtés de celui-ci et de Ghirlandaio et du Pérugin au décor de la villa médicéenne de Volterra en 1482-1483. Le Pérugin revient de Rome où il a décoré la Chapelle Sixtine l’année précédente (La Remise des Clefs à St Pierre), en compagnie de Ghirlandaio (Saint Pierre et Saint André sur la fresque de L'Appel des Apôtres) et de Botticelli (Le Châtiment de Coré, de Datan et Abiram ou La Punition des Rebelles, Les Épreuves de Moïse et La Tentation de Jésus). La Sixtine sera inaugurée en 1483. Une de ses dernières œuvres Le Mariage mystique de Sainte Catherine d'Alexandrie peint en 1501pour pour la Basilique San Domenico à Bologne.
Filippino décore ensuite la villa médicéenne de Pioggio avant d’être suffisamment estimé pour peindre dans la Chapelle Brancacci en dessous de Masaccio, Le Combat de St Pierre avec Simon le Magicien, dont on considère qu’il ne put faire autrement que de s’adapter à la solennité, au style monumental de Masaccio sans en atteindre la puissance. Puis il exécute en 1485-86 sans doute ce qui est son premier chef-d’œuvre, L’Apparition de la Vierge à St Bernard (Cloître du monastère hiéronymite (St Jérôme) de San Sepulchro en Campora à Florence).
En 1485, Il commence la décoration de la chapelle des Strozzi à Santa Maria Novella qu’il termine en 1502 : Scènes de la Vie de Saint Philippe et Saint Jean.
En 1488, il est appelé à Rome pour décorer la Chapelle Caraffa (Basilique Mineure Dominicaine de la Minerve), travail qu’il terminera en 1493. Il fait en cours de route halte à Spoleto pour s’occuper du monument funéraire de son père commandé par Laurent avec une épitaphe du Politien. Certaines sources indiquent qu’il y aurait terminé les fresques inachevées de son père (?).
Lippi fils est alors très renommé et reçoit quantité de commandes religieuses et profanes. Dans le cadre de ces dernières, notamment des allégories. L’une de ses dernières œuvres est pour le Prato au nord de Florence, La Madone entre St Étienne et St Jean.
A ses débuts, Lippi aura reçu tout naturellement l’influence de son maître Botticelli pour ce qui est d’une peinture délicate, gracieuse mais aussi son goût pour l’antique qu’il découvrira à Rome sur les fresque de son maître à la Sixtine. Par la suite, il va marquer un goût certain pour les accessoires (objets, drapés, armes etc.) qui enrichissent (surchargent ?) le décor. Il va aussi donner une importance (exagérée) à une architecture plus visionnaire qu’antique, et avoir tendance à ‘’emberlificoter’’ ses compositions, les rendre instable - les Vies de la Vierge et de St Thomas d’Aquin de la Chapelle Caraffa sont en cela représentatives - tout en variant sa manière, passant de l’influence flamande au fond or médiéval dans sa Crucifixion entre Madone et Saint François (1496).
Dégagée de l’influence botticellienne, c’est une nature inquiète que révèle une peinture qui tend à un certain irréalisme et fait la singularité du peintre. Lorsqu’il termine un an avant sa mort le décor de la chapelle Strozzi,« la forme tourmentée [s’est] exacerbée : l’artiste s’abandonne à un délire décoratif dont les éléments, empruntés à l’art classique, submergent les perspectives architectoniques, tandis qu’ils ornent ses personnages de coiffures ‘’ étranges et capricieuses’’ ». (http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Lippi/153034).
En cela, Filippo Lippi pourrait bien être avec son contemporain, l’excentrique Piero di Cosimo (1462-1522)[35], annonciateur du courant maniériste qui apparaitra par delà la période classique de la Renaissance, moins d’un demi-siècle plus tard.
Antonio di Jaco Benci (1429/32-1498) est né à Florence d’un père marchand de volailles, ce qui valut à lui et à son frère cadet le surnom de Pollaiuolo (Pollaio=poulailler). Il reçoit une triple formation : d’abord d’orfèvre par Ghiberti, puis de sculpteur par Donatello et enfin de peintre par Paolo Uccello, ou Tommaso Finiguerra ou encore selon les sources par Fra Lippi dans l’atelier duquel il sera aux côtés de Verrocchio et de Botticelli.
En 1457, il commence sa carrière comme orfèvre en travaillant avec Miliano Dei et Betto Betti, à la commande de La Croix d'Argent pour le baptistère Saint-Jean. Toujours pour le baptistère, de 1466 à 1483, il exécutera les vingt-sept cartons des broderies pour le parement de Saint Jean.
A partir de 1460, il va travailler avec son frère Piero di Jacopo (Benci, 1441-1496) dans l’atelier qu’ils ont ouvert ; atelier d’où vont sortir des œuvres communes, gravures, peintures, orfèvreries et dont il est difficile de démêler le tien du mien. Ils reçoivent la commande de Cosme de Médicis pour son palais d’une série sur les Travaux d’Hercule, aujourd’hui disparu mais dont a conservé deux petits panneaux d’étude en plus petite dimension, Hercule et Antée et Hercule et l’hydre de Lerne « remarquables par leur science anatomique. L’expression de l’effort, du mouvement est obtenue par l’étude de la musculature des corps nus, par des lignes aiguës et par un style nerveux qui influencera Botticelli et Signorelli » (https://www.larousse.fr/ archives/grande-encyclopedie/page/10869)
En 1466, il est nommé 'aurifex aurario' dans la 'Corporazione della seta'. En 1472, il est membre de la 'Compagnia di San Luca', confrérie de peintres et autres métiers d’art fondée au Moyen-âge et qui se répandra en Flandre.
L’atelier est alors très réputé. L’œuvre maitresse en peinture d’Antonio est sans doute son Martyre de Saint de Sébastien de 1470. Son frère Piero peindra, lui, vers 1465, le retable avec les Saints Vincent, Jacques et Eustache destiné à la chapelle du cardinal du Portugal à San Miniato (Les Offices) ; en 1469, des Six Vertus pour le Tribunal de la Mercanzia de Florence au moins les calmes figures ; et en 1483, un Couronnement de la Vierge (Collégiale San Géminiano).
En 1484, appelés à Rome en 1484, les Pollaiuolo se consacreront à la sculpture. Ils exécuteront les tombeaux des papes Innocent VIII et Sixte IV achevés respectivement en 1492 et 1493. Ils mourront tous deux dans la cité papale.
Antonio fait déjà partie avec son frère de la seconde phase florentine où l’influence de la peinture flamande se fait sentir dans l’importance accordée au paysage et aux valeurs marquées des tons. Il poursuit dans la veine réaliste d’un Donatello et des flamands en cherchant toujours plus de précisions dans les représentations de l’anatomie humaine. Il serait aller jusqu’à disséquer des cadavres pour mieux la comprendre. Certains critiques remettent en cause cette hypothèse au vu des erreurs anatomique que recèle la gravure du Combat des Nus (https://scribouillart.wordpress. com/2015/06/05/combats-de-nus-antonio-pollaiolo/). Pour d’autres, « ils précèdent Léonard de Vinci dans la pratique de la dissection des cadavres pour mieux comprendre l'anatomie humaine, qui était au cœur de leur recherche artistique » (https://www.virtualuffizi.com/fr/antonio-et-piero-del-pollaiolo.html)
Ce soucie du réalisme sort la peinture renaissante du hiératisme, de l’impassibilité des personnages d’un Piero della Francesca pour les mener à plus d’expressivité voire d'excitation comme on peut le voir dans ses cartons de broderie et surtout sur sa gravure aux burin, la Bataille des Nus (1465-1475)..
C’est en grande partie en tant que graveur qu’Antonio doit sa renommée. Sa pièce maitresse, La Bataille des Nus (1465-1470), gravure en manière large sur cuivre au burin, est une scène d’une particulière violence. Un foisonnement de lutteurs dont les corps nus, dans toutes sortes de positions, sont comme décharnés tant est ostensiblement visible leur anatomie.
Deux sortent de gravures apparaissent au XVème siècle : La manière large et la manière fine, qui se distinguent non seulement par l’épaisseur de la taille mais aussi par l’ampleur du dessin : la manière douce ou fine donne un dessin plus serré, peut-être moins lisible, tandis que la manière large donne de l’espace à la représentation. Antonio Pollaiuolo est une maître de la maniera larga.
« La gravure au burin apparait en Allemagne au début du XVème siècle… dans un contexte gothique… les estampes [de la Renaissance italienne] sont plus larges, d'une atmosphère plus ouverte et de sujets classiques et exotiques.» (https://fr.wikipedia. org/ wiki/Manière _fine_et_large).
La première gravure sur bois est le Bois Protat, du nom de celui qui la découvert au XIXème siècle. Plusieurs sources donnent l’apparition de la gravure vers 1370-75, ce qui semble confirmer la datation de ce bois, entre 1375 et 1380, ce que fait l’historien de la gravure de la seconde moitié du XIXème siècle, Henri Bouchot.
La gravure sur métal (notamment le cuivre) apparaitra un demi-siècle plus tard. Elle utilise la méthode dite de la taille douce qui consiste à l’inverse de la taille d’épargne à mettre en creux le motif. Le colorant, à l’exclusion de la surface restée plane, occupe les sillons gravés. La taille douce est un dérivé du travail de l’orfèvre et les premiers graveurs sur métal seront des orfèvres. Avec l’imprimerie, les livres (et non plus les codex et incunables) seront imprimés avec des caractères mobiles en reliefs selon le procédé de la gravure en relief à lettres amovibles (dit à caractères mobiles) mis au point par Gutenberg en 1450, et seront illustrés par le procédé de la taille d’épargne (Tome 1 / Le M.A./ la Gravure au XIVème siècle ).
Jacopo Della Quercia (ca.1374-1438) est né près de Sienne et non à Florence. Mais s’il a sa place ici, c’est que bien que n’ayant pourtant pas particulièrement travaillé dans cette ville, il est l’ainé en cette période de Première Renaissance et particulièrement den sa Première Phase florentine de ceux qui amorcèrent le mouvement nouveau de la Renaissance.
Formé à la sculpture sur bois puis en bronze, il s’orientera par goût vers la sculpture en marbre. Il a pu voir à la cathédrale de Sienne les quatre-têtes chapiteaux exécutées par Nicola Pisano (1206-1276) et la chaire en marbre réalisée par ses élèves, son fils Giovanni Pisano (1245-1318) et Arnolfo di Cambio (1240-1310) qui sera le premier architecte de la Cathédrale Santa Maria del Fiore (voir Tome1).
En 1401, il participe au concours pour la deuxième porte du Baptistère de Florence, remporté par Ghiberti. Sa première œuvre notable est en 1403, la Vierge à la Grenade de la cathédrale de Ferrare.
En 1407-08, il exécute à la cathédrale de Lucques le tombeau d'Ilaria del Carretto, l’épouse de Paolo Guinigi, seigneur de Lucques. Ce tombeau est historiquement important car il montre le passage chez cet artiste, et par lui, le passage du style médiéval d’une sculpture réaliste à la Claus Sluter du gisant, au nouveau Style Renaissance avec ce que l’on pourrait appeler une ‘’guirlande’ de putti qui longent les côtés du sarcophage. Ils font déjà apparaître un souci de gracieuseté, un peu étonnant pour un monument funéraire.
Della Quercia travaille à Pise, Luca et en 1416, au projet du baptistère de Sienne (bassin en bronze resté inachevé). En 1425, il commence à travailler aux portes sculptées de l’église San Petronio à Bologne qu’il n’achèvera qu’en 1438, et qui sont sa dernière et principale réalisation. En 1427, il aura travaillé aussi à la conception des fonts baptismaux du baptistère de Sienne aux côtés de Donatello et Ghiberti. della Quercia aura été reconnu par la ville de Sienne en faisant de lui le responsable de l’ornementation de la cathédrale. Il meurt dans cette ville et y est enterré.
Lorenzo di Cione (1378-1455) ou Lorenzo Bartolo, dit Lorenzo Ghiberti est né et mort à Florence. Alors très jeune, sa mère quitte son père pour vivre avec l’orfèvre Bartoluccio (Bartolo di Michele) qui le forma tout d’abord et que Ghiberti considérera toujours comme son père au point de se faire appeler Lorenzo Bartolo. C’est Gherardo Starnina qui le forma à la peinture. Il se réfugie à Rimini pour fuir la peste qui sévit à Florence et travaille pour le condottiere Carlo Malatesta, seigneur de Pesaro (Les Marches). De retour à Florence, il se présente au concours des deux portes du baptistère, qu’il remporte et auxquelles il consacrera sa vie.
En 1401, la ville de Florence lance en effet un concours pour savoir qui sera désigné pour réaliser la deuxième porte sculptée en bronze du baptistère, la porte nord. Lorenzo Ghiberti, âgé de 23 ans, n’ayant pas encore réalisé d’œuvre majeure, remporte le concours grâce, si l’on en croit certains historiens de l’art, au désistement de Brunelleschi[36] et dont les projets des portes présentées au concours seront précieusement conservées. della Quercia avait aussi participé au concours. Ghiberti sera désigné également en 1425 pour exécuter la troisième et dernière porte, la porte Est qui sera nommée par Michel-Ange La Porte du Paradis. La première des portes, celle au sud, avait été réalisée en 1330>38 par Andrea Pisano (voir tome 1 /Sculpture), en quatorze panneaux carrés par vantail représentant en bronze doré dans dessin remarquable les vertus. Le très ancien baptistère lui-même ayant été rebâti dans le style roman au début du XIIème siècle.
Pour les deux autres portes, il est prévu que l’ordonnancement en panneaux devra être maintenu ainsi que l’inscription des scènes dans un quadrilobe. A propos du Sacrifice d’Isaac, un des thèmes représenté, B. Ceysson écrit :
« La ciselure élégante des plis des drapés, des chevelures, des traits des visage révèle un métier d’orfèvre hors pair et la connaissance, qu’indique encore l’intensité ‘’réaliste’’ des éléments du paysage, de l’art ‘’gothique’’ des cours nordiques [37]».
La Porte du Paradis conserve la répartition en panneaux mais les réduit à dix, cinq par vantail, mais plusieurs scènes de l’Ancien Testament sont représentées dans chaque panneau. L’or remplace le bronze. Sa réalisation s’étalera sur plus de 25 ans. Elle sera achevée en 1452.
Si les portes du baptistère sont son œuvre maîtresse, Ghiberti, exécutera avec le même raffinement, entre autres, le reliquaire de Saint Zénobe de la Cathédrale, des statues dans l’église d’Or San Michel auxquelles on a pu reprocher de ne pas avoir, dans le drapé notamment, de moins grande ampleur, une qualité équivalente, Ghiberti étant orfèvre de formation. Au contraire de Donatello d’un réalisme sans équivoque, Ghiberti donnera à ses œuvres toujours le même caractère gracieux. Il conserve du style courtois « le maniérisme des figures minces et agréables plutôt que des figures expressives. » (https://www.catholic.org /encyclopedia/ view.php ?id=5132).
Dans ses Commentaires (de Cimabue à son époque), il écrit au sujet des portes :
« Je cherchais à imiter le plus fidèlement possible la nature, aussi bien dans les proportions que dans la perspective, ainsi que dans la beauté ». Les trois préoccupations majeures de l’artiste de la Renaissance italienne auxquels les peintres vénitiens ajouteront la lumière.
Les portes eurent une grande influence sur les artistes de la Renaissance et particulièrement sur Raphaël dont on dit qu’il trouva
chez Ghiberti son sens du beau.
Donato di Niccola di Betto Bardi (dit Donatello, 1386-1466) a vécu et est mort à Florence. Il est le fils d’un cardeur qui connut le ‘’Tumulte des Ciompi[38]’’ dont la répression affaiblit le petit peuple des artisans au profit de la bourgeoisie marchande et commerçante. Le statut de l’artisan fut dévalorisé mais au contraire, celui de l’artiste commença a s’affirmer. (cf Encyclopédie Larousse/ Donatello et B Cleyson opus cité page 561). Il fut élève du sculpteur L. Ghiberti, et il eut pour élève Micchelozzo (1396-1472) avant que celui-ci ne devienne son associé et un architecte à la production importante à Florence.
Mais l’on sait peu de chose de sa vie personnelle. Bien qu’il participa à la vie culturelle florentine aux côtés des grands artistes florentins, il était plutôt de nature solitaire et son œuvre, bien qu’il fut un des initiateurs de l’art nouveau de la Renaissance, l‘amena à tracer un chemin bien à lui.
Selon Vasari, il fait un voyage à Rome en 1409 en compagnie de son ami d’enfance, Brunelleschi.
A partir de 1406 et pendant vingt ans, il travaillera à la cathédrale, exécutant de 1418 à 1435 les statues ornant les faces est et nord du Campanile dont le célèbre Zuccone (Tête Dure, personne « bouchée » ») statue dite aussi d’Ababuc (1424) qui marque définitivement son orientation réaliste voire expressionniste.
En 1412, il est documenté comme membre de la guilde Saint-Luc de Florence en tant qu'orafo scharpellatore (orfèvre et tailleur de pierre). La Guilde de St Luc regroupait les peintres, les sculpteurs et les graveurs. Mais Donatello pour exercer son métier a certainement été inscrit auparavant à la confrérie d’un des arts mineurs de la ville, celle des Marchands de pierres et de bois travaillés comme Nano di Banco de deux ans seulement son cadet et qui est a longtemps travaillé avec lui, l’a été en 1404.
En 1430, il réalise son fameux David (Musée du Bargello), bronze en pied d’une hauteur de 1,85m avec son socle et 1,58m sans : « le premier grand bronze fondu depuis l’Antiquité » (Wikipédia).
Au début des années 1430, il (re)fera le voyage à Rome, cette fois-ci, en compagnie de Michelozzo. Il réalisera plusieurs statues dans la ville de St Pierre, notamment celle du Patriarche d’Aquilée, Louis de Teck (administrateur politico-religieux de la région actuelle du Frioul, nord de l’anse adriatique, †1435).
Entre 1433 et 1439, il exécute la Cantoria (Tribune des Chantres) à la cathédrale Santa Maria del Fiore. Tribune de plus de 5 m de long sur près de 4 de haut.
Entre 1443 et 1453, il séjourne à Padoue où entre 1447 et 50, il réalise le monument équestre du condottiere Gattamelata (voir Peinture/Mantegna) et travaille à la Basilique Saint Antoine.
Il réalisa en compagnie de Michelozzo, entre 1428 et 1438 la chaire de la cathédrale du Prato (Toscane). Située à l’angle de la façade, de forme circulaire avec un baldaquin aussi circulaire, elle est de marbre, ornée de bas-reliefs, bronzes et mosaïques. D’une hauteur de 2,10, elle est destinée à l'ostention (exposition) de la Sacra Cintola (la Sainte Ceinture de la Vierge). « Le projet architectonique est dû à Michelozzo, et celui des bas-reliefs et ornements à Donatello » (Wikipédia).
Pour le Campanile de Florence, il exécute cinq sculptures représentant des prophètes destinées à décorer les faces est et nord dont le Prophète Barbu, le prophète avec cartouche, et le Prophète Habacuc surnommé le Zuccone. Pour ’Zuccone’, les interprétations divergent ; soit cela signifie, l’imberbe, le chauve, soit la tête dure, autrement dit un esprit ‘bouché’.
Les sujets de Donatello furent tous religieux et non pas encore profanes comme ils le deviendront dans l’évolution de la Renaissance. Il marque en sculpture le retour à l’Antique, imprime de son génie la toute la première phase de la Première Renaissance. Il participe en sculpture de ce style dit héroïque de cette première période florentine comme Piero della Francesca le représente en peinture. Son St Georges (1413-17) de l’église Or San Michel en est le premier et sans doute le plus bel exemple : détermination du regard et appui ferme au sol. Le St Georges libère la Princesse, datant de 1417, est « le premier exemple du modelé ‘’schiacciato’’ ou [‘’stiacciato’’] (écrasé, aplati), modelé de très faible épaisseur [moins qu’un bas-relief] qui par d’infimes nuances de relief permet d’exprimer des raffinements de perspective [la profondeur es rendue par une diminution progressive du relief du premier plan à celui du fond]».(Ency. Larousse, opus cité).
Donatello donne de la noblesse à ses personnages sculptés, la puissance contenue des formes dont ils émergent aura une influence décisive sur les générations futures. Pour la période de la seule Renaissance, les historiens s’accordent à reconnaître que Donatello ne peut être comparé qu’à Michel-Ange et inversement.
Il fut un des artistes des plus productifs de la renaissance, laissant une production qui couvre tous les domaines de la sculpture du méplat (faible bas-relief aux plans rapprochés) à la ronde-bosse.
Sa production est généralement divisée en quatre périodes : La jeunesse avec notamment le David, marbre de 1408, Le Prophète Ababuc ou Zucconne, marbre de 1427-36 ; La maturité avec entre autres le David de 1430, bronze de 1,86m et la Cantoria, marbre de 1439 ; la période padouane dont Le Monument équestre à Gattamelata ; et enfin la dernière période avec Judith et Holopherne (1455-1460), un bronze de 2,36m, un Saint Jean-Baptiste de 1438, un bois de 1,40m et la Chaire du Prato de la même année, en extérieur.
« Avec le David du Bargello et le groupe de Judith et Holopherne, il a créé les premières statues libres, indépendantes du cadre architectural et du décor. Et dès les premières du Dôme et d’Orsanmichele, définit un type de statuaire monumentale dont les concepts ne seront remis en cause qu’avec l’avènement de la sculpture ‘déconstruite ‘ du début du XXème siècle » (B. Crysson La Sculpture/Renaissance, 2002).
Giovanni di Antonio di Banco, dit Nanni di Banco (1380/90-1421) , né et mort à Florence a été formé sur le chantier de la construction de la Cathédrale Santa maria del Fiore. En 1404, il est reconnu maitre sculpteur en entrant à L'Arte dei Maestri di Pietra e Legname, la confrérie des tailleurs de pierre, une des 11 confréries d’arts mineurs (voir note 21). Il travaille aux côtés de Donatello à la sculpture de la Porte de La Mandorle, la porte nord qui doit son nom à la mandorle sculpté dans le pinacle au-dessus du porche d’entrée. Et il sculpte entre autres le St Luc Assis (1407-1413) qui fait partie des quatre saints assis situés originellement aux côtés de l’entrée principale du Duomo, avant que la façade ne soit refaite au XVIème siècle ; parmis eux dont le St Jean de Donatello. Avec ce St Luc, Nano di Banco amorce « le passage de la finesse gothique à la dignita classique, qui préfigure la « noble simplicité et la calme grandeur » (selon l’expression de Winckelmann) qui est un des caractères principaux de la sculpture florentine du Quattrocento. » (Emmanuel Noussis, Le renouveau de la sculpture au Quattrocento en Toscane : Jacopo della Quercia, Nanni di Banco, Donatello, L'Histoire des Arts en Hypokhâgne)
Son chef-d’œuvre est Les Quatre Saints Couronnée de l’église Orsammichele, commandés par sa confrérie en 1408/09. A la même période, Donatello sculpte un Saint Georges pour la façade nord de l’église. Il aurait participé dès 1419 avec Donatello, ami de Brunelleschi à la réalisation d’une maquette du futur Duomo que réalisera ce dernier.
Nano di banco fait partie de ces tous premiers sculpteurs qui ont sorti la sculpture du cadre médiéval pour la faire entrer dans le modèle classique. Il a eu pour élève Luca della Robia.
Luca di Simone di Marco della Robbia (1399/1400-1482), né et mort à Florence est issu d’une famille de teinturiers, ce qui relève de la moyenne bourgeoisie. La robbia est la garance, une plante au puissant pouvoir colorant utilisée par les teinturiers mais aussi en laque par les peintres.
Robbia a fort probablement été formé d’abord au métier d’orfèvre comme cela était généralement le cas avant de pouvoir s’engager dans la sculpture. Il a pu être formé par Jacopo della Quercia ou/et par Nani di Banco.
La première œuvre connue de della Robia est étonnamment une de ses œuvres maitresses en sculpture de la pierre, une des Cantori (Tribune des Chantres) pour la Cathédrale Santa Maria del Fiore: Dix panneaux en bas relief de marbre représentant des adolescents et des adolescentes, des anges, chantant dansant, jouant de la musique. Le psaume chanté est le dernier des psaumes, le 150ième, Laudate Dominum. La danse est une danse à la louange du Seigneur (la danza della lode). La représentation est ici toute de grâce et d’allégresse, plus juvénile comparée à la cantoria de Donatello aux formes plus robustes. Les scènes autonomes sont contenues comme des tableaux chacune dans un cadre, lui même enserré dans un jeu de pilastres jumelés, tandis que sur la cantaria de Donatello, la scène de danse et de chant est en continuité derrière un jeu de couples de colonnes soutenant une architrave en décor de feuille d’acanthe et de vases médicéens.
En marbre, comme autres œuvres notables, il faut noter le tabernacle pour la chapelle de San Luca à l’hôpital Santa Maria Nuova de Florence (1441) et le tombeau de Benozzo Federighi, évêque de Fiesole (1454-1457).
Ses premières œuvres émaillées sont les deux lunettes destinées aux vantaux des portes de la sacristie, la Résurrection (1445) et l'Ascension (1446), toutes destinées également à la cathédrale.
« En recouvrant le modèle en argile cuite d'un vernis dur, ses personnages avaient l'air d'être baignés de lumière, la surface polie reflétant la lumière et la couleur. Il a été suggéré que les reliefs de Robbia atteignent une sorte de perfection qui n’a jamais été égalée depuis. » (http://www.visual-arts- cork.com/sculpture/luca-della-robbia.htm)
Ses autres œuvres importantes sont entre autres:
-les rondelles des apôtres dans la Chapelle des Pazzi à Florence, édifiée par F. Brunelleschi à partir de 1441 au cloître de Santa Croce (ne pas confondre avec l'église Santa Maria Maddalena dei Pazzi dont une chapelle, contruite au XVIIème siècle, contient les reliques de la mystique (1566-1607);
-le décor émaillé des voûtes du ciborium de la Chapelle du Christ construite par Michelozzo à San Miniato al Monte en 1448 ; le retable du Palais Vescovile à Pescia (Toscane) vers 1472.
Il réalisa des vierges à l’enfant comme La Vierge à l'Enfant, du Musée de Bode (1450), La Vierge à l'Enfant avec Putti, du Musée de la Légion d’honneur à San Francisco (1495), la Madonna della Mela du Musée du Bargello (1440) ou encore la Madonna Col Bambino in Trono (1428).
della Robia formera son neveu Andrea (1435-1525) qui transformera l’atelier de son oncle en bogetta (boutique ouverte au public). Il intensifia la production de terra invetriata avec ses fils qu’il forma, dont Girolamo, né à Florence en 1488 et mort à Paris en1566. Ses productions montrent toujours le personnages en blanc sur fond bleu entourés de motifs décoratifs de couleur, généralement des végétaux et des fruits colorés.
Vasari nous dit que l’émail de della Robia est fait d’étain, de litharge d’antimoine, mélange de lithargite (une des deux formes d’oxyde de plomb avec le massicot) et d’antimoine, plus divers minéraux.
[1] Duché vient de ducat, ancienne monnaie vénitienne désignant l’or du doge ; doge venant de dogat qui signifie duc en dialecte vénitien.
[2] Dans la construction d’un édifice, les proportions qu’établit Bramante ne sont pas celle d’un Vignole ni d’un Palladio
[3] Les historiens de l’art réduisent la durée de cette période la faisant débuter en 450 et finir à la mort d’Alexandre le Grand en 323, alors que les historiens la font commencer en 490, autrement dit au début des Guerres Médiques (490 : Grecs vs Achéménides- Darius Le Grand-Victoire de Marathon ; 480 : Xerxès 1er- Défaite des Thermopyles-Sac d’Athènes- Victoire de Salamine)
[4] Voir Quattrocento/Lombardie/ Sculpture Classique
[5] Depuis le XIIème siège, Florence s'est instituée en 'simple' commune. En 1434, avec Cosme l'Ancien, les Médicis détenant un pouvoir financier considérable, deviennent maître de la ville. A la mort de Laurent Le Magnifique, en 1492, sous l'impulsion de Savonarole (†1498), Pierre II de Médicis est chassé de la ville qui s'érige en république. En 1512, elle revient sous la gouvernance des Médicis. En 1529, pour avoir pris parti pour François 1er, la ville sera assiégée par la coalition menée par l'empereur du St Empire, Charles-Quint qui, en 1532, fera d'Alexandre de Médicis le premier duc de Florence, Un autre Alexandre de Médicis sera élu pape en 1605 sous le nom de Léon XI. Cosme 1er de la branche cadette des Médicis (†1574), second Duc de Florence deviendra le premier Grand Duc de Toscane en 1569.
[6] Certaines sources indiquent que c’est Alberti qui redécouvrit le traité De Architecture (v.15av.J.-C.) de Vitruve en allant fouiner dans la Bibliothèque Vaticane ; traité qui deviendra avec le sien la référence incontournable de tous les architectes de la Renaissance et que de Vinci rendit célèbre avec son Homme de Vitruve.(voir/Architecture/De Architectura)
[7] Dans son traité, De Re Ædificatoria (L’Art d’Édifier 1443-1452), le polymathe Léon Battista Alberti (1404-1472) revisite en dix livres les conceptions classiques de Vitruve. Cet ouvrage fera tout au long de la Renaissance référence autant que celui du Romain. Voir Quattrocento /Florence/Architecture/Alberti
[8] Dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Dearchitecture/fr-fr sur référence de H.-W. Kruft, Storie delle teorie architettoniche da Vitruvio al Settecento, 1988
[9]Citation et dessin https://sites.google.com/site/decouvrir laperspective/ l-experience-de-brunelleschi.
[10] On attribue généralement à Christoph Colomb la fameuse anecdote de comment faire tenir un œuf debout, mais ce serait Brunelleschi qui tronquant la base de l’œuf aurait montré comment il avait pensé faire ainsi tenir le dôme.
[11] Cette technique était encore employée en des temps récents par les bergers provençaux, notamment du Vaucluse, pour construire les Borrys, abris en pierres plates et à joints vifs (secs) servant à abriter le troupeau de brebis et chèvres… et eux-mêmes.
[12] L’arcature de plein cintre était courante dans la Rome Antique, mais son usage en voûte était plus restreint. A rappeler que les basiliques (édifices civils) étaient à toit plat.
[14] Les Médicis firent construire aux abords de la cité florentine, dans des quartiers limitrophes qui furent par son expansion intégrés à la ville, des villas telles qu’elles étaient conçues par les romains, c’est-à-dire comme de grands domaines agricoles sur lesquels était construite une grande demeure seigneuriale (patricienne). Les villas de la Renaissance furent d’abord de grandes bâtisses fortifiées avant de devenir de luxueuses résidences de plaisance.
[15] Dans la présentation du livre de Stefano et Franco Borsi, Une biographie intellectuelle, Édit.Hazan 2006, est évoqué « l'exil florentin qu'Alberti dut subir. »
[16] C’est de Florence, qui prend conscience de son destin culturel et politique que va se propager au XIVème siècle, le toscan comme langue culturelle rivalisant alors avec la langue d’oc et le latin, jusqu’à devenir, supplantant tous les autres dialectes, l’italien qui sera parlé dans toute la péninsule. Les trois grands poètes de la littérature médiévale italienne, Dante (1265-1321), Pétrarque (1304-1374) et Boccace (1313-1375) écrivent dans la langue culturelle de l’époque, le toscan qui, avec son évolution normale dans le temps, est pour nous, aujourd’hui, l’italien. C’est le poète Pietro Bembo (1470-1547) qui dans Prose della volgar lingua (Proses de la langue vulgaire) en exposera en 1526 les fondements stylistiques et grammaticaux (voir Littérature/ Poésie/Italie).
[17]Pietro Roccasecca (Accademia di Belle Arti, Rome) 2009, http://architectura.cesr.univ-tours.fr/traite/ Notice/ ENSBA _20A4.asp
[18] Ibidem et pour en savoir plus sur le contenu, la structure, les sources de l’ouvrage, sa lecture critique de Vitruve, et sa conception humaniste de l’architecture.
[19] Présentation des Entretiens sur La Tranquillité de l’Âme d’Alberti, préface de Michel Paoli, traduction de Pierre Jodogne, Édit Seuil 2016
[20] Selon Wikipédia, Pisanello, qui serait resté à Venise au moins jusqu’en 1416, aurait assisté da Fabriano dans son travail au Palais des Doges de 1409 à 1414. Selon Rivage de Bohême, da Fabriano ne séjourne à Venise que de 1405 à 1408.
Si da Fabriano n’est resté à Venise que jusqu’en 1408, Pisanello avait moins de13 ans quand il serait devenu son élève. Il a pu plus vraisemblablement été son élève en 1409 et 1414, le temps qu’il acquiert une formation rudimentaire, d’autant qu’il devait encore habiter un temps chez sa mère à Vérone où elle fait l’acquisition d’une maison en 1409.
[21] Les arts mineurs étant Tisseurs de Lin et Fripiers - Chaussetiers-Forgerons et Métalliers -Maréchaux-Ferrants -Bouchers-Marchands de vin, taverniers- Marchands d'huile, sel et fromages -Armuriers et Fourbisseurs (polir et monter les armes blanches)- Serruriers- Corroyeurs (le travail du cuir)- Marchands de pierres et de bois travaillés- Artisans du cuir et Selliers. Art signifiant savoir-faire, maîtrise de gestes précis. La Laine depuis le Moyen-âge était un des ressorts économiques de la cité de Florence comme pour Sienne d’ailleurs (voir le Tumulte des Ciompi (La Révolte des Laissés pour Compte) Tome 1/Mystique XIVème /Catherine de Sienne.
[22] Cézanne était appelé le fada dans sa bonne ville d’Aix, sans doute pour la même étrangeté de caractère, le même détachement des contingences matérielles…Il est vrai qu’il avait, lui, de quoi, à la différence de Masaccio, qui ne souciait en rien de ses rétributions.
[23] Doit-on toujours se fier à Vasari. Selon lui, les recherches de Uccello sur la perspective auraient précédé celles de Masaccio. Les deux premières œuvres notables de Uccello sont L’Annonciation de 1420-25 et, à Santa Maria Novella, La Création et La Chute de 1424-1425. La question de la perspective fut certes une obsession chez Uccello et y consacra son œuvre, mais, pour autant et si tant est soit-il que ces deux tableaux traitent de la perspective de façon aussi évidente que le montre le travail que Masaccio dès 1424 peut-on parler d’une antériorité de Uccello sur Masaccio ?
[24] Dans un ordre monacal, l’observant est celui qui respecte le plus scrupuleusement la règle originelle (pureté, chasteté, pauvreté et clôture). Loin de faire l’unanimité, les observants se sont souvent trouvé en butte avec leur hiérarchie ? Le cas des fratricelli ou spirituels chez les franciscains est significatif à cet égard.
[25] Sur le statut des chirurgiens, des chirurgiens-barbiers et des barbiers selon l’ordre hiérarchique de qualification voir Vol 1 : Introduction Générale/Méde cine/Ambroise Paré.
[26] Plusieurs sources datent cet ensemble de fresques de 1447-48, tandis que d’autres les donnent pour avoir été commencées dans les années 30-35. Par exemple, l’Encyclopédie Larousse/ P. Uccello, page 14050 : « entrepris à son retour à Florence en 1430, les Créations d’Adam et d’Eve ».
[27] John Hawkwood (1320-1394), d’origine anglaise, est le premier condottiere. Au service des Visconti de Milan, il se retourna contre lui en se mettant au service du pape Grégoire XI, Pierre Roger de Beaufort (1378), le dernier pape français.
[28] « Quand Cosme de Médicis fut arrêté dans le Palazzo Vecchio, enfermé dans une pièce appelée la « barberia » et condamné à un an de relégation à Padoue [1433], trois personnes en furent immédiatement averties : son frère Lorenzo qui se trouvait à Mugello, son cousin Averardo qui était à Pise, et, selon les termes mêmes de Cosme dans ses Mémoires, « la nouvelle fut transmise à Niccolò da Tolentino, capitaine de guerre de la commune qui m’était très ami ». Et c’est à Niccolò da Tolentino qu’il fera dédier les Batailles de Paolo Uccello » (https://www.aparences.net/periodes/le-quattrocento/paolo-uccello/)
[29] Niccolò II d’Este (†1393) avait fait construire en 1385 ce château défensif suite à la révolte de la population. La même année Alberto V d’Este fit construite une immense résidence dans le centre de la ville. En 1471, Borso d’Este la fera agrandir et décorer (voir Peinture/Émilie) en demeure ducale, titre qu’il vient de recevoir. Elle portera le nom de Schifanoia (‘non à l’ennui’).
[30] Le jubilé ou Année Sainte est célébrée tous les 25 ans par un pèlerinage à Rome pour la visite des tombes de St Pierre et St Paul. C’est l’année de la rémission des péchés, de l’indulgence plénière à ceux qui font le pèlerinage, se confessent, communient et font des dons aux pauvres. D’origine populaire, le premier jubilé à lieu en 1300 à partir d’une rumeur populaire qui voulait que « Tout chrétien qui visiterait le corps des apôtres Pierre et Paul pendant cette année centenaire sera délivré tant de ses fautes que de sa peine. »
[31]https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-15-16e-siecles/andrea-del-verrocchio.html
[32] L’anecdote selon laquelle le maître, voyant le visage de l’ange, aurait abandonné la peinture en constatant que son élève l’avait dépassé est pure légende.
[33] En fait, la population de Florence s’est débarrassée de lui d’abord en lui brisant bras et jambes, puis en lui faisant la faveur de l’étrangler avant le brûler sur la Place de la Seigneurie. Le brûlé vif ou la brûlée vive ne sont étranglé(e)s avant que le bûcher soit allumé.
[34]https://www.aparences.net/art-et-mecenat/les-fresquistes-florentins/fresques-de-luca-signorelli-et-sandro-botticelli/ place cette formation à Urbino où della Francesca retourne travailler en collaboration avec Alberti et Luca Laurana. On peut supposer que Signorelli a saisi l’opportunité du passage du maître à Arezzo pour commencer très tôt sa formation à l’âge de la préadolescence (entre 10 et 16 ans) et l’aura suivi à Urbino…
[35] « Vasari insiste sur la bizarrerie de Piero. Épris de solitude, fuyant le bruit et les hommes, effrayé par la lumière violente et par le tonnerre, jaloux et possessif à l'égard d'une œuvre qu'il travaille avec passion, presque pour lui seul, indifférent aux réclamations du commanditaire, Piero est un excentrique » Son œuvre, ses inventions capricieuses manifestent ce tempérament » (https://www.universalis.fr/encyclopedie/piero-di-cosimo/)
[36] Bernard Ceysson, La Sculpture de l’Antiquité au XXème Siècle, Taschen 2001, Pg 565
[37] B. Ceysson opus cité
[38] ‘’Le tumulte des Ciompi’’ est la révolte des laissés-pour-compte de la manufacture de la laine et du textile, qui fontt la richesse de ville comme Florence et Sienne ; le ciompi sont les plus pauvres des salariés. Cette révolte de 1378 sera réprimée dans le sang mais il est quand même à noter que les révoltés, au moins à Sienne, obtiendront quand même, d’être représentés au sein de l’Art de la Laine (l’une des 7 grandes corporations sur lesquelles repose la puissance de la ville siennoise) (voir Tome 1/Le M.A. Tardif/ la Mystique/Italie/Catherine de Sienne).
Introduction - Les Marches - La Lombardie - L'Ombrie - L'Émilie - La Vénétie - La Campanie
Dans la péninsule, ducs et marquis, dont certains sont d’anciens condottiere ou le sont restés, papes et cardinaux vont rivaliser pour avoir la cour la plus brillante en faisant travailler les artistes florentins en renom qui font école. Filippo Lippi à Padoue en 1431, sera un des premiers à exporter la manière moderne hors de Florence durant la Première Phase de la Première Renaissance. Alberti est reconnu dans toutes les cours de la péninsule, à Ferrare à Mantoue, Venise Naples, Urbino pour les nouveautés qu’il apportent en architecture mais aussi en tant qu’humaniste. L’architecte florentin et avant tout théoricien de la première architecture de la Renaissance Le Filarète portera son savoir-faire à Milan. Fra Angelico est documenté à Pérouse en 1454. Plus avant, Gentile da Fabriano aura eu aussi une carrière itinérante.
Dans la seconde phase florentine qui correspond à peu près à la Seconde Phase de la Première Renaissance (pour fixer les idées seconde moitié du XVème siècle), Piero della Francesca qui travaillera à Urbino, Ferrare, Rimini, est à Pérouse entre 1467 et 69. Sa peinture influence fortement celle du Pérugin (1445-1524) influencée aussi par Fra Angelico, et celle de Giovanni Bellini. A Padoue, le jeune Andrea Mantagna (1431-1506) pourra admirer les œuvres de Fra Lippi et de Paolo Uccello (de1445 à1448) et la statue équestre du condottiere Gattamelata de Donatello (1386-1466) actif dans la ville en 1443 et 1453. A son tour, Le Pérugin (1448-1523) ira porter son talent un peu partout sur la péninsule et notamment en 1481 à la Chapelle Sixtine en même temps que les florentins Botticelli et Signorelli. Autre florentin, Verrocchio, formera dans son atelier Léonard de Vinci qui ira travailler plus de vingt ans à Milan au service du duc Ludovico Sforza dit le More qui mourra à Loches en 1508, alors que Vinci mourra 11 ans plus tard à moins de 40km de là ,au Clos Lucé (Amboise).
Cette extension au-delà de la cité florentine s’inscrit donc dans la Seconde Phase de la Première Renaissance. La Renaissance Artistique apparue à Florence est déjà alors suffisamment affirmée dans ses concepts, stabilisée dans ses formes, son esthétique, pour que les artistes de la péninsule, qui vont la découvrir par les maîtres florentins, puisent confiant en ce nouveau langage mis à leur disposition et le parler à leur manière.
Région centrale de la péninsule, au bord de l’Adriatique, Les Marches comptait des familles puissantes comme celle des Montefeltro qui régnera sur le Duché d’Urbino à partir de 1432.
Urbino va devenir un des foyers culturels et scientifiques de la Première Renaissance. En 1466, Fréderic III de Montefeltro, duc d’Urbino de 1444 à sa mort en 1482, demande à l’architecte d’origine dalmate, Luciano Laurana (1420-1479), qui a pu rencontrer L.B. Alberti à Mantoue l’année précédente, de réunir en un plan plus vaste, les deux édifices gothiques qui constituaient l’ancien palais ducal. Le résultat achevé en 1475 sera grandiose avec une pureté et une harmonie des lignes qui en font une des premières réussites de l’architecture Renaissante hors Florence. La partie la plus remarquable en est le Studiolo (cabinet de travail=bureau,) construit entre 1473 et 76 par les Flamands. Remarquable par son plafond à caissons et ses marqueteries aux dessins desquels on participé le jeune Bramante, Botticelli et pour le décor peint Melozzo Forli (voir Émilie/Peinture) Juste de Gand (voir Primitifs Flamands) et Pedro Berruguete (voir XVème S./Espagne) qui peint en 1477 le duc en condottiere. Il a été
Le frère de Luciano, Francesco, grande figure de la sculpture de la Renaissance, séjournera à Urbino de 1474 à 1477.
Le peintre et architecte Bramante (voir Lombardie) nait en 1444 et reste à Urbino jusqu’à l’âge de 22 ans. Il suivra les traces de Laurana comme architecte. Il a pu assister à la construction du palais comme il a pu admirer notamment Le Triomphe de La Chasteté, portraits en diptyque du duc et de son épouse Battista Sforza- de la puissante famille des Sforza de Milan- peints entre 1467 et 1469 par Piero della Francesca qui apporte à Urbino ses nouvelles conceptions picturales entre 1469 et 1472 et y poursuit son œuvre théorique sur la mathématique et la perspective : Libellus de quinque corporibus regularibus (Les cinq polyèdres réguliers) qui offre à Guidobaldo, fils du duc.
Le sculpteur espagnol Pedro Berruguete (voir Sculpture Espagne), le peintre Juste de Gand (voir Primitifs flamands) vont également travailler pour le duc. Les architectes Le Filarete et Amadeo viendront à Urbino au début des années 60. Amedeo retiendra de ce qu’il a vu du travail de Laurana.
Envahi en 1502 par le chef de guerre César Borgia (†1507), le duché passe aux mains des della Rovere en 1508[1]. Urbino perd de son importance quand la capitale est transférée à Pesaro en 1523. En 1631, le duché, toujours sous la gouvernance des della Rovera est intégré aux États Pontificaux. La capitale des Marches, Ancône sera, elle, intégrée aux états en 1532.
Giovani Sanzio (ou Santi 1435-1494), né à Colbordolo, non loin d’Urbino, a été un peintre de qualité moyenne à la cour de Fréderic III. Il aura eu pour maitre Piero della Francesca et l’on sentira dans sa peinture l’influence du chef de file de l’École de Forli, Melozzo da Forlì (1438-1494, voir l’Émilie)[2].
Poète, il écrira une geste du duc Frédéric dans laquelle, avant Vasari, il tient une chronique d’à peu près tous les peintres italiens connus de son temps sans oublier van Eyck et van der Weyden.
Son fils, grand maître de la Renaissance Classique, Raffaelo, nait à Urbino en 1483 et meurt à Rome en 1520 (voir XVIème siècle/Les Trois Génies).
A Milan gouvernent les Visconti puis les Sforza. En 1450, le très puissant condottiere Francesco Sforza (†1466), à la mort en 1447 de son beau-père Philippe Marie Visconti, devient le premier des duc Sforza sous le nom de Francesco 1er. Les Visconti qui régnaient sur le Milanais depuis 1277 ne gouverneront plus mais resteront une famille puissant[3]. A Mantoue, règnent les Gonzague. Comme la grande majorité de l’Europe, cette province est restée insensible, sinon ignorante, pendant une bonne partie du Quattrocento aux idées nouvelles apparues à Florence. Le Gothique International y vit encore de beaux jours jusqu’à Francesco ne fasse venir l’architecte florentin, Le Filarète (1400-1469) pour qu’il construise la tour du Château Sforza et construise en suite en 1456 l’ Ospedale Maggiore. Bramante ira d’Urbino travailler en 1480 à Bergame puis à Milan. Si la province ne s’ouvre aux nouvelles conceptions artistiques qu’à partir du milieu du siècle, des humanistes tels Vittorio dei Rambaldoni da Feltre (1378-1446) enseignaient déjà les nouvelles valeurs humanistes à la Casa Giocasa (Maison du Gai Savoir ?) en faisant de nombreux de disciples.
La Chartreuse de Pavie commença d’être construite en 1396 par Gian Galeazzo Visconti, devenu en 1395 premier duc de Milan en achetant le titre de duc au Roi des Romains (il n’y a pas en cette période d’Empereur du Saint Empire) Venceslas Ier. Il répond au vœu de son épouse, alors enceinte, de faire construire un monastère de Chartreux entre Milan et Pavie. A la mort en 1402 du duc, les travaux furent interrompus et reprirent en 1428 sous la direction de Giovanni Solario (1400-1482) qui y travaillera jusqu’en 1462. Et toute la famille Solari y travaillera à sa suite.
Les Solari ou Sollari ou Solario s’inscrivent dans la tradition des Comacini (voir Tome 1/Art Roman/Italie) qui se transmettaient leur savoir-faire de père en fils. La famille est originaire de Corona et de Campione, deux villes proches, près de Côme, au bord du lac Lugano. Elle fournit avec d’autres familles les tailleurs, sculpteurs et bâtisseurs-ingénieurs qui intervinrent au Duomo de Milan de 1398 à 1481 et à la Chartreuse de Pavie en conservant la tradition d’un gothique tardif.
Dans I Maestri Comacini (ditta Giacomo Angelli, Milano 1808), Guiseppe Mezario mentionne qu’un Dominico intervient en 1399 à la cathédrale, qu’un Giovanni Sollari, mort avant 1409, intervient à la chartreuse en 1402 ( ?), qu’un Giovani Solari était sculpteur à Milan en 1406, et enfin qu’un Giorgio Solari, tailleur et maçon, était actif à Milan en 1403-04.
Dans Art and Authority Renaissance Milan (Yale University Press 1995 ), Part two Cathedral of Milan, pages 82 et 83, Evelyn S. Welch, mentionne Marco Solari da Corona (a campione master) comme supervisant la conception d’ensemble des travaux avec Zeno da Campione.; page 156 Guiniforte est donné comme ingénieur qualifié.
L’ancêtre est ce Marco Solari (1355-1405). Son fils, Giovanni (1400-1482) qui travailla comme lui à la Cathédrale de Milan avec pour adjoint Le Filarète et aussi à La Chartreuse de Pavie eut deux fils :
- Francesco Solari (1415-1469), son fils ainé, plus sculpteur qu’architecte, travailla à la villa Cardinal Branda Castiglioni (1340-1443) à Castiglione Olona, à la Cathédrale de Milan, et à la Chartreuse de Pavie, où il dirige les travaux. A partir de 1460, il forme le padouan Giovanni Amadeo (1447-1522) qui selon les sources devient son gendre ou celui de son frère Giovanni.
- Guiniforte Solari (1429-1481) son fils cadet, construira l’abside de la Chartreuse de Pavie et à partir de 1461, dirigera la poursuite des travaux de l' Ospedale Maggiore (Ca’Granda) de Milan que l’architecte, sculpteur et théoricien florentin, Le Filarète (1400-1469) avait entrepris 1456, en s’inspirant de l'hôpital Santa Maria Nuova de Florence dont Cosme 1er lui avait envoyé une maquette. Au bout de cinq ans ne parvenant pas à s’imposer aux maitres Lombard, L’architecte florentin dût abandonner le chantier en reprochant aux comacinis de se cantonner dans ‘le style gothique barbare’.
Guiniforte construit à partir de 1463 au couvent dominicain Santa Maria delle Grazie (1463–90). Bramante remplacera en 1492 les anciens chœur et abside démolis par un chevet à plan centré à trois abside et coupole dont selon certaines sources, la tour-lanterne serait d’Amadéo assisté de Gian Giacomo Dolcebuono. Et de 1494 à 98, Vinci peint dans le réfectoire à la détrempe sa fameuse Cène. Guiniforte dirigera jusqu’à sa mort les travaux du Duomo de Milan.
Guiniforte a trois fils :
Giovanni Antonio Amadeo (1447-1522), natif de Pavie (Lombardie), est formé par l’architecte et sculpteur milanais Guiniforte Solari (1429-1481) dont il deviendra le gendre. Selon les sources, il est donné comme formé par Francesco, mais l’on peut supposer que travaillant avec les Solari, il fut formé par le père et le fils. Il commence d’abord sa carrière en sculptant des putti. Puis, aux débuts des années 60/61, il est aux côtés de G. Solari quand celui-ci poursuit la construction de l’Hôpital Majeur de Milan commencée par Le Filarète. Certaines sources indiquent qu’il aurait ensuite suivi Le Filarete à Urbino où ils auraient pu admirer la transformation du palais ducal par l’architecte Luciano Laurana (1420-1479) pourtant seulement entreprise à partir de 1466 (Wikipédia/ Amadeo) alors que d’autres sources (Wikipédia/Le Filarète) indiquent qu’en cette année 1466, ils se rendent à Florence où Amadeo a pu fréquenter l’atelier de Luca della Robia.
Amadeo qui avait du quitter Milan au plus tard en 1464, y retourne en 1466. Il obtient sa maitrise et travaille comme sculpteur à Chartreuse de Pavie, le dernier des édifices gothiques importants (Gothique Tardif, 1386-1473). Il réalise entre autres le portail avec tympan de la porte sud achevé en 1469.
Architecte, il commencera la façade en 1481.
Entre 1472 et 76, il réalise l’intérieur et la façade de la Chapelle Colleoni[4] à Bergame (Lombardie). Son œuvre maîtresse. Cette chapelle est particulièrement remarquable par son haut tambour octogonal, surmonté de coupole et lanterneau, et par sa façade polychrome, profuse en éléments architecturaux : portiques, arcs plein cintre, fronton, grand et profond oculus en son centre en guise de verrière, riche ornementation de statues et de décor végétal. A l’intérieur, Amadeo a élevé le Tombeau de Bartolomeo Colleoni, fameux chef militaire à la solde de Venise. Tombeau qui ne va pas sans évoquer mais de manière plus monumentale les tombeaux gothiques avec ses deux grands sarcophages superposés sur lesquels par la suite a été posé une statue équestre de ce Commandant Général de l’armée de la Sérénissime.
A la même époque, il élève à Milan l’Église Santa Maria Presso San Satiro dont Bramante aurait dressé les plans. Le rôle de l’un et l’autre architecte diverge selon les sources (Voir Bramante)
En 1490, il élève la tour-lanterne du Duomo de Milan. Entre1491-1499, il réalise les sculptures aux fenêtres de la partie inférieure de la façade de la Chartreuse de Pavie. D’autres sculpteurs ornent également cette partie , les frères Mantegazza pour les médaillons, Gian Cristoforo Romano et Benedetto Briosco pour le portail central. Giovanni Solari a commencé à construire cette façade à partir de 1474.Cette façade inspirée de celle de l’Église Saint André à Mantoue qu’Alberti conçut en 1472, année de sa mort. Elle est donc plus sobre en son classicisme que celle de la Chapelle Colleoni à Bergame, ce qui a pu la faire attribuer un temps à Bramante qui l’aurait assisté. En tout cas, ce dernier réalisera le baptistère.
« Ce fastueux morceau d'architecture et de sculpture est en général considéré comme l'une des sources où les ornemanistes de la première renaissance française vinrent puiser, directement ou indirectement, leur inspiration. » (Encyclopédie Universalis.)
Sans oublier que le Milanais, sur le trajet de Naples, fut une des premières convoitises des rois de France, Louis XII et François 1er , et qu’ils occupèrent.
Après son échec dans la poursuite de la construction de la coupole au Duomo de Milan (voir Les Solari/Christoforo), il aurait achevé les travaux de l’Église de l'Incoronata à Lodi commencés par élève Giovanni Battagio élève de Bramante qui en a dessiné les plans. En 1503 il se rend à Venise avec son frère Andréa où il construisent la Chapelle St Georges dans l’Église de la Charité. En 1505, il construit le dôme du sanctuaire de Sarrano, près de Milan.
Si Amadeo a retenu les leçons florentines du retour à l’Antique, il n’en reste pas moins dans la tradition lombarde d’une architecture richement ornée dans laquelle se retrouve le travail du sculpteur. Il meurt à Milan en 1522.
« Il faut admettre l’impossibilité de définir un style personnel d’Amadeo[5]. Il semble s’être très tôt déchargé des commandes sur des collaborateurs ou des associés et avoir bientôt dirigé une entreprise florissante où les tâches étaient systématiquement réparties entre les collaborateurs. Dans ses conditions, il serait vain d’attacher son nom à un style précis».
Donato di Angelo di Pascuccio dit Bramante (1444 ?-1514), peintre puis architecte, est né Monte Asdruvaldo, près d’Urbino où il a reçu sa première formation. A la Cour des Montefeltro, un des plus illustres foyers de la Renaissance, il peut assister à la construction du palais ducal par Luciano Laurana (1420-1479. Mais Bramante ne s’orientera vers l’architecture qu’à 30 ans en suivant les traces de l’architecte d’origine croate.
Avant 1477, comme peintre
« Les rares vestiges de son activité picturale à Milan (au château des Sforza, à la Casa Fontana, et surtout à la Casa Panigarola, ceux-ci conservés à la pinacothèque de Brera) montrent Bramante assez proche de Melozzo da Forli (1438-1494) ; même vigueur de coloris, même grandeur monumentale que chez l'élève de Piero della Francesca ». (Encyclopédie Larousse).
Mais il a pu tout aussi bien être l’élève directement de Piero della Francesca qui se trouvait à Urbino en 1467-69 : « He probably served as an assistant to Piero della Francesca in Urbino » (Encyclopedia Britannica).
Bramante n’est pas natif de la Lombardie et mourra à Rome, mais ses vingt ans passés de 1477 à 1499 à travailler à Milan et ses environs auront marqué l’architecture lombarde de son empreinte classique. Il travaille d’abord à Bergame où en 1477, il décore a fresco la façade du palais du Podestat sur les thèmes de philosophes de l’Antiquité. Quelques fragments ont pu être conservés dans la Salla de Capriate (Salle des Chevrons).
Il est à Milan en 1480. Il introduit à la cour de Ludovic le More[6], plus que n’a pu le faire Amadeo, les conceptions d’un pur classicisme à l’antique. À Milan, séjourne également de 1482 à 1499, Léonard de Vinci qui deviendra son ami. De cette époque date du peintre entre autres La Vierge au Rocher et La Dame à l’Hermine.
Certaines sources indiquent qu’il aurait probablement rencontré L.B. Alberti à Mantoue qui achevait en 1472 les plans de la Basilique Saint André ( ?). Bramante à cette époque, fort probablement, n’avait pas encore quitté Urbino. Il quittera Urbino en 1476 et pérégrinera à Bergame, Padoue, Mantoue en tirant des leçons des leçons de ses pérégrinations qui l’amèneront à Pérouse, Ferrare, Venise, à Mantoue. Mantoue où il où il a pu voir la façade de la Basilique de St André qui l’inspirera pour celle en 1486 de l’église Santa Maria Presso San Satiro, à Milan, quoique Léon Battista Alberti (1404-1472) donna à la sienne le type colossal avec porche à un seul niveau.
«.. et c'est l'influence de Sant'Andrea de Mantoue qui est sensible à Santa Maria presso San Satiro, œuvre qui va l'occuper vingt ans durant, interrompue par son départ de Milan. Ici, faute d'espace, il en crée un par une perspective feinte ; mais il n'a pas atteint encore à la sobriété qui caractérisera sa manière romaine. » (Encyclopedia Britannica/ biography/ Donato-Bramante »
Pour autant, si l’intervention de Bramante à Santa Maria Presso est certaine, les sources divergent sur quoi attribuer à Bramante et quoi à Amadeo. La question se pose de savoir si Bramante a ou non dressé les plans et a construit la façade comme certaines sources continuent de le mentionner ou bien
« Avant 1477, Bramante était peut-être avant tout un dessinateur de plans, un concepteur et un peintre de perspectives architecturales que d'autres artistes modifiaient en partie et inséraient dans leurs propres peintures ou réalisaient dans la construction » (Encyclopedia Britannica)
« Selon certaines sources, le designer était Donato Bramante, qui avait récemment quitté les Marches. Cependant, des documents récents prouvent que Bramante avait un rôle mineur, la plupart des travaux étant attribuables à Giovanni Antonio Amadeo, qui a conçu la façade ». (https://en.m.wikipedia.org/ wiki/Santa_Maria_ presso _San _Satiro)
Si sans conteste, on lui attribue le baptistère, même pour le chœur en trompe-l’œil, l’attribution est incertaine.
« Cette église construite en 1478 est un chef-d’œuvre de l’architecture sacrée de la Renaissance. L'intervention de Bramante nous a laissé un célèbre trompe-l’œil. Malgré le peu de place (97 cm de profondeur), le célèbre architecte a réussi à créer l'illusion de la profondeur de manière admirable et surprenante. Le baptistère, de forme octogonale, est également l’œuvre de Bramante. Le clocher, qui date du Xe siècle, est un bel exemple de style roman-lombard ».
« La succession du travail est complexe et encore en partie pas clair, et les documents trouvés à ce jour ne prouvent pas que la solution en perspective de l’abside peut être attribuée à Bramante; Bien que cela reste au premier plan dans la littérature artistique, malgré le contrat de 1486 par lequel Amadeo apparait dans un rôle prédominant qui fait que par conséquent certains croient que l'auteur de l'ensemble du projet doit être attribué Amadeo. Tout aussi controversée et incertaine est l'attribution du octogonale Bramante Sacristie » (https://boowiki.info/art/architectes-italiens-du-xvesiecle/ bramante.html#I_contatti _culturali_con_Leonardo_e_con_la_corte).
Arrivé à Milan en 1480, il travaille peu ou prou à la cathédrale gothique de Milan -Amadeo en construira la tour-lanterne en 1490 – et se consacre à la construction de chapelles, de cloîtres, monastères, au tombeau du fils de Ludovic le More et à … Santa Maria presso San Satiro.. Ses réalisations comme le chevet et la coupole de la basilique Santa Maria delle Grazie du couvent dominicains, construite entre 1463 et 1469 par Guiniforte Solari. C’est un de ses chefs-œuvre et la plus importante de Milan. Elle montre encore un attachement à l’ornemental lombard (candélabres[7], médaillons, pilastres légers) bien que le tambour rythmée par son arcature annonce sa phase classique de Rome, son plan central de la Basilique S Pierre. Dans le réfectoire de cette église se trouve la célèbre Cène (1495-98) de Vinci. Mais jusqu’à la fin de cette période milanaise, Bramante n’a pas encore franchi complètement le cap de la solennité qui va par la suite caractériser ses ouvrages classiques.
En 1491, il édifie l’aile sud de la Cathédrale de Côme. On le consulte sur des points délicats d’architectonique comme pour la cathédrale de Pavie, les fortifications de Vigevano (Pavie/Lombardie) ou encore le pont de Domodossola (piémont).
Il trace des plans d’églises comme ceux à Lodi de l'Incoronata (1488, Temple Civique de la Vierge Couronné) où la Vierge serait apparue à plusieurs reprises. A plan octogonal avec dôme, elle est un des chefs-d’œuvre de l’architecture de la Renaissance italienne lombarde commencée par son élève Giovanni Battagio et achevée par Giovanni Antonio Amadeo (1447-1522). Sa magnifique décoration intérieure est en bleu et or avec une tribune réservée aux femmes dites matroneum (matrones). La décoration picturale est due à des peintres locaux de talents, la famille Piazza et Ambrogio Stefani da Fossano, dit il Bergognone (†1523 voir /Peinture /Classicisme Lombard).
En 1499, très réputé, alors qu’il a atteint la plénitude de son art et qu’il est âgé de plus de 55 ans, après plusieurs séjours à Rome, appelé par le cardinal Sforza, frère de Ludovic le More, il finit par s’y établir jusqu’à sa mort. Lors de ses différents séjours dans la ville pontificale, il aura pu contempler les ruines du forum et approfondir de manière systématique sa connaissance de l’architecture antique.
En 1502, « son Tempietto de San Pietro in Montorio sonne comme un manifeste de l’art classique » (Architecture-Sculpture, Renaissance, édit Nathan 1971). Il marque les débuts de la Haute Renaissance.
Il trace en 1506 à la demande du pape Jules II, les plans de la reconstruction de ce qui, commencé sous Nicolas V (†1455) va devenir le plus grand et le plus célèbre édifice de la Renaissance, la Basilique St Pierre de Rome: plan en croix grecque avec dôme selon le modèle du Parthénon, avec quatre dômes plus petits pour l’entourer, chacun des angles de la croix devant être ‘comblés’ par une tour donnant à l’ensemble un plan carré dans lequel il conçoit un jeu de chapelles et d’absides[8]. Au siècle suivant, se succèderont pour sa finalisation les plus grands architectes dont le plus déterminant pour l’aspect actuel de l’édifice sera Michel-Ange -La Basilique Saint Marc de Venise a été construite entre 1063 et 1094. Elle tient une place à part dans la période romane. Si l’on y retrouve des éléments romans et particulièrement lombards, son inspiration vient essentiellement de Ravenne à l’exemple de la Basilique Saint Vital datant du VIème siècle. Qu’il s’agisse de son architecture ou de ses mosaïques, elle relève plus de l’Art Byzantin que de l’Art Roman. Ses coupoles en sont la marque.
Outre, le Tempietto de San Pietro in Montorio (1500-1502), pure imitation du temple antique de forme circulaire avec péristyle et dôme, il construit aussi à Rome, l’escalier hélicoïdal du Palais du Belvédère qui, derrière le Vatican, n’a cessé de s’étendra à partir du pavillon construit par Pallaiuolo pour Innocent III († 1492). Pour relier les deux palais, il aménage la cour (cortile) dont la niche monumentale s’affirme résolument classique. Il édifie également le Palais du Cardinal Corneto dit Palais Torlonia et la cour intérieure du Palais de La Chancellerie (Palazzo de la Cancelaria, Voir XVIème Siècle/Architecture), un des plus beaux de la Renaissance.
« L'alternance de faux piliers avec les fenêtres [serait] proprement florentin, et comparable [en effet] au Palazzo Rucellai d'Alberti [1446]». Il fut confisqué par le pape Léon X, premier des papes des Médicis de 1513 à sa mort en 1521.
Hors de Rome, Bramante construit : la Cathédrale de Foligno et celle de Città di Castello, le portique de la cathédrale de Spolète. La magnifique église de la Madonna della Consolazione, à Todi (Ombrie) à plan carré, plan auquel viennent s’accoler quatre exèdres[9] (construction en saillies semi-circulaires) avec coupole à tambour.
Sur les traces de Luciano Laurana, Bramante est considéré comme le premier architecte classique de la Renaissance pour avoir amené les idées nouvelles d’un Brunelleschi à leur plein épanouissement. Raphaël (1483-1520) son neveu, fut son fidèle disciple.
Ludovico III Gonzaga (†1478, voir Peinture/Mantegna) décida de faire construire une église pour que puissent se recueillir les pèlerins sur la relique du Sang du Christ ramenée selon la légende par un centurion dans la ville natale de Virgile. En 1472, Alberti (Voir Quattrocento/Florence/Architecture) lui présente les plans pour la façade de l’Église St André, mais il meurt la même année. Architecte attitré du marquis en 1450, Luca Fancelli (1430-1494 Maniérisme Florentin/Ammannati) en exécuta les travaux comme il avait exécuté en 1460 ceux de la Basilique San Sébastien, également à partir des plans d’Alberti. L’architecte baroque Filippo Juvarra (1678-1736) rajouta le dôme au XVIIIème siècle.
Mantegna, le plus grand des peintres renaissants de l’Italie du Nord et un des plus grands peintres de la Première Renaissance, vivra une grande partie de sa vie à Mantoue. A Mantoue où œuvre en ce XVème siècle notamment Alberti, où Jules Romain construira en 1525 pour Frédéric II (1500-1540), le Palazzio del Te, premier édifice emblématique du Maniérisme, où le sculpteur Il Antico (1460-1528) l’ornera de statues en bronze, et où Monteverdi sera au service des Gonzague de 1590 à 1602, date de son départ pour Venise.
Mantegna (1431-1506) [10] , natif de la province de Venise, d’origine modeste, travaille très jeune comme apprenti dans l’atelier son père adoptif, un peintre padouan d’un certain renom, Francesco Squarcione (1397-1468), collectionneurs d’antiques, marchand de tableaux autant que peintre. Padoue est alors le foyer culturel important où se situe la renommée université de Venise, bastion de la scolastique médiévale. L’épicentre culturel se déplacera à Florence (Voir Humanisme/ Introduction). S’il n’a pas approché directement le sculpteur Donatello (1386-1466) qui séjourne à Padoue en 1443 et 1453, il a pu admirer son œuvre, notamment sa statue équestre en bronze du condottiere Gattamelata, ainsi que son bas-relief et statues du maître-autel de la basilique Saint Antoine.
De sa jeunesse padouane, Andrea Mantegna (1431–1506) retiendra des œuvres de Donatello le sens des formes puissantes tout en empruntant à della Francesca la noblesse des attitudes. Il recevra l’influence de Filippo Lippi (1406-1469) arrivé à Padoue en 1431, et de Paolo Uccello (1397-1475) qui y est actif de 1445 à 1448, et qu’il a connu puisque il reçoit en cette année 1448, alors que, sous la tutelle de son frère, il n’a que 17 ans , sa première commande importante, un retable pour l'église Santa Sofia de Padoue (perdu) mais aussi et surtout commande de la majeure partie du décor a fresco de la Chapelle Ovetari dans l'église des Eremitani de Padoue, en collaboration avec Nicolò Pizzolo, qu’il achèvera en 1457. Sur certaines de ses fresques apparaissent déjà des jeux de contre-plongées. La chapelle sera bombardée en 1944, et seules deux fresques seront épargnées, mais l’ensemble du décor a pu être virtuellement reconstitué.
En 1449, il fait un séjour à Ferrare où il est appelé par le marquis Lionello d’Este pour réaliser son portrait. Il découvre sa collection de peintres flamands dont les tableaux de Rogier van der Weyden (1400-1464) qui aura probablement rencontré Piero della Francesca, certaines sources mentionnant le peintre flamand à Ferrare entre 1445 et 50 (voir della Francesca).
Peintre reconnu, il épouse en 1453, à Venise, Nicolosia, la fille du peintre Jacopo Bellini (1400-1470) qui est venu à Ferrare en 1441 pour peindre un portrait de Lionel d’Este en concurrence avec Pisanello (1395-1455) qui après avoir été aux côtés de Gentile da Fabriano (†1427) à Venise et Florence, travaille à Mantoue depuis 1438 avant d’être à Milan en 1440.
De1457 à 1460, Mantegna exécute à Vérone une œuvre importante, le Polyptyque de Saint Zénon, tempera sur bois de 4,50 x 4,80m[11] : La Vierge à L’Enfant occupe le panneau central avec des anges et des musiciens tandis que les saints sont représentés sur les deux panneaux latéraux. En-dessous, la prédelle retrace L’Heure Sainte du Gethsémani.Entre 1456 et 59, il exécute sur bois un de ses plus célèbres tableaux, Le Martyre de Saint Sébastien. Il réalisera d’autres versions du martyr dont celle, entre autres, de 1480.
Il travaillera en indépendant pendant une dizaine d’années à Padoue avant d’être convaincu par le Marquis Lodovico III[12] Gonzaga d’entrer à son service, autrement dit de perdre son indépendance et d’être salarié. Arrivé à la cour de Gonzague en 1460, il occupera la position officielle de peintre de la cour pendant 46 ans en servant successivement jusqu’à leur mort le Marquis[13] Lodovico (1414-1440-1478), tout imprégné de classicisme, puis son fils Frederico 1er (1441-1478-1484), et son petit-fils Francesco II (1466-1484-1519), marié en 1490 à Isabelle d’Este.
Isabelle d’Este (1474-1539) est la fille d’Ercole d’Este, duc de Ferrare et d’Éléonore d’Aragon, elle-même fille du Roi de Naples, Ferrante 1er. Sans grande fortune, mais grande admiratrice de la chose artistique, elle sut donner au marquisat de Mantoue un nouvel essor artistique. Femme cultivée et indépendante, en relation épistolaire avec les grandes plumes de son temps, elle se fit reconnaître par la gentilé des cours si bien décrite par le Mantouan Baldassare Castiglione (1478-1529) dans Il libro del Cortegiano (Le Livre du Courtisan)(voir Littérature/Contes et Aventures/Italie). Grâce à elle, malgré la résistance de son mari, condottiere et chasseur qui lui reprochait de n’en faire qu’à sa tête, la cour de Mantoue devint une des plus brillantes de la péninsule. par Mantegna et Le Pérugin, elle fit décorer non loin de la Chambre des Époux, son studiolo, le saint des saints artistiques de son palais, le Castel San Giorgio, En 1536, Le Titien fera d’elle un portrait resté célèbre. Elle rassembla une collection importante d’œuvres antiques, statuaire et bronze.
Mantegna commence à peindre en 1465, un de ses chefs-d’œuvre qu’il achèvera 9 ans plus tard, La Camera degli esposi ou camera-picta (La Chambre ses Époux). Avec la redécouverte de la perspective linéaire, fut reprise aussi aux artistes gréco-romains leur technique du raccourci (le scorcio) qui est une application particulière de la perspective géométrique qui raccourcit la distance entre le premier plan et l’arrière-plan. Cette technique fut enseignait avec la perspective ‘normale’ dans tous les ateliers du Quattrocento comme « moyen plastique de relier de manière illusionniste l'espace réel où se tient le spectateur à celui du tableau » (Encyclopédie Universalis). En 1490, Mantegna en donne le plus célèbre exemple avec sa tempera la Lamentation sur le Christ Mort que son fils retrouva après sa mort. Mais son oculus de la Chambre utilisait déjà cette vue en raccourcie. Les peintres maniéristes en feront bon usage.
Dans la Chambre, il va créer en développant cette perspective en raccourci, la vue-par-en-dessous ou dite encore de bas-en-haut (Sotto in su) : au plafond un oculus en trompe-l’œil laisse voir une portion de ciel dans la percée d’un garde-corps circulaire auquel sont adossés ou sur lequel se penchent des putti. Le sentiment d’élévation de la vue à la verticale de bas en haut est bien sûr accentuée par la perspective. L’illusion de réalité de ces putti ‘curieux ‘ qui nous regardent est renforcée par la présence d’un paon sur le rebord du garde-corps. Melazzo Forli (1494) reprendra cette technique dans la Sacristie de St Marc de Loreto et les peintres maniéristes et baroques comme Jules Romain (†1546), Le Corrège (†1534) ou encore Tiepolo (†1770) la réutiliseront.
Jusqu’à sa mort, il travaillera à la cour des ducs exécutant des portraits, des vierges, des adorations, des scènes religieuses. Il fera un séjour à Rome de 1488 à 1490 au cours duquel il découvrira in situ les antiques dont il fera collection.
Pour le décor du studiolo d’Isabelle, il exécute en 1496-97, entre autres, Le Parnasse, tempera sur toile (159 × 192 cm), une peinture qui se situe déjà dans la manière de la Haute Renaissance (fin XVème et 1er quart XVIème siècles) ; et en 1502, Minerve chassant les Vices du Jardin de la Vertu. Le Pérugin y réalisera, lui, au Cabinet d’Isabelle, Le Combat de l’Amour et de la Chasteté en 1505.
« Mantegna fut le grand "antiquaire" » du Quattrocento, l’héritier complet de la culture de l’Italie septentrionale…il fut vraisemblablement le seul artiste de son temps à s’inspirer directement des fragments antiques… Tout est transfiguré dans une vision inflexible ; une humanité dure et sèche circule dans un espace aride et sonore où toutes les formes naturelles y compris les humains, ont des contours de métal et de pierre sous une lumière gris-bleu qui les avive ». (Dictionnaire de la Peinture Italienne, Édit F ; Hazan 1964)
« La critique s'est accordée depuis le xvie s. pour le définir par son " grand dessin ", sa " vérité naturaliste ", son " habileté technique ", ses " recherches de coloris " et surtout par ses étonnants " raccourcis ". Mantegna s'inscrit par là dans cette famille d'artistes qui, à la Renaissance, de façon très savante et grâce à un répertoire de formes archéologiques, tenta d'exprimer la nature en termes de perspective, d'articulation nouvelle de l'espace, de volumes nettement définis. » (Encyclopédie Larousse/Mantegna)
En 1627 s’éteint la lignée des Gonzague. De 1627 à 1631 a lieu La Guerre de Succession de Mantoue opposant Charles 1er Gonzague-Nevers (1580-1637), duc de Nevers, soutenu par Louis XIII à Ferdinand II Gonzague-Guastalla soutenu par l’empereur Ferdinand II de Habsbourg. En 1630, les troupes impériales saccageront la ville en y apportant la peste. Le pape Urbain VIII enverra un certain Mazarin pour une négociation de paix entre les belligérants. A la tête du duché, Charles 1er s’empressera dès 1628 de vendre la collection d’art, les Rubens, Raphaël et autres Mantegna à Charles 1er d’Angleterre.
Mantegna a la réputation d’avoir été un excellent graveur avec lequel Dürer (1471-1528), qui pleura sa mort, tint à rivaliser. Mais si
« en 1550, dans sa "Vie" de l'artiste, Giorgio Vasari faisait de Mantegna l'inventeur de la gravure [en taille douce=dessin en creux] sur cuivre en Italie, créant ainsi un véritable mythe, la question divise toujours les spécialistes : certains ont tendance à considérer que l'artiste n'a pas manié lui-même le burin mais qu'il a fourni des dessins à des praticiens afin qu'ils soient traduits en gravure[14] ».
« Les spécialistes débattent encore sur la part qu'eut l'atelier de Mantegna dans la mise au point de cette technique. Si les estampes dont parle Vasari étaient universellement connues à l'époque sous le nom de Mantegna. Elles n'étaient pas forcément et matériellement l'œuvre du peintre, même s'il avait réalisé les dessins d'où elles furent tirées ».
Mais Morenzo Pericolo, professeur associé à l’université de Warwick, ajoute citant ses gravures:
« Les Bacchanales, La Bataille des monstres marins, La Déposition de croix, L'Ensevelissement du Christ, La Résurrection avec Longin et saint André, gravures toutes réalisées par Mantegna » (https://www.clio.fr/ Bibliotheque/mantegna_ un_artiste_humaniste_accompli.asp)
Issu de sa main ou non, l’œuvre gravée suscita de nombreuses imitations autant que sa peinture fit école dans l’Italie septentrionale et jusqu’à Léonard de Vinci en passant par la famille Bellini ou Cosme Turà (ca.1430-1495) qui fut l’élève à Padoue du maitre de Mantegna, Francesco Squarcione, entre 1453 et 56. Mantegna est inhumé dans l’Église Sant’Andrea
Pier Jacopo Alari Bunacolse (1460-1528) « naquit probablement à Mantoue et toute sa carrière se déroula au service des Gonzague (Ludovico, son frère Gianfranco et Isabelle d'Este) pour lesquels il exécuta des petits bronzes, inspirés de statues grecques ou romaines célèbres , ainsi que des médailles et probablement des œuvres d'orfèvrerie. Ses œuvres, assez rares, se caractérisent par un aspect très achevé. Il restaura également des statues antiques ce qui lui valut son surnom ». (http://www. atthalin.fr/louvre/histoire_art/renaissance/renaissance8.html
« L’Antico, spécialiste du bronze, qui tire son nom de la faculté qu’il a de recréer l’antique, domine la sculpture à la cour de Mantoue.[Ses] bustes en bronze rythmaient les salles du palais ducal. Ses bustes grands comme nature, frontaux, immobiles, dégagent pourtant de leur austère perfection une mélancolie discrète ». (Bernard Ceysson, La Sculpture/ La Renaissance, Édit. Taschen 2002).
L’École d’Ombrie a laissé sa marque dans l’histoire de l’art européen dès le XIIIème siècle. Les fresques des églises, haute et basse de la Basilique St François, peintes notamment par Giotto, Cimabue ou encore Simone Martini et le Maître de St François (actif entre 1260 et 1280) (Voir Tome 1) ont fait d’Assise un lieu artistiquement mondialement connu indépendamment du fait que la ville natale de Giovanni di Pietro Bernardone (1181-1226) soit un des pèlerinages des plus importants d’Italie.
La tradition gothique reste encore forte en Ombrie, tandis qu’en Toscane voisine se développe les conceptions nouvelles. Gentile da Fabriano originaire des Marches, éminent représentant du Style Courtois a été formé en Ombrie dont l’école développait ce style auquel da Fabriano apporta une élégance, une préciosité qui fit sa renommée (voir Tome 1/Gothique International/Italie).
« C’est au milieu du XVème siècle avec la passage de Fra Angelico et de Dominico Veneziano que Pérouse devint un centre artistique particulièrement actif et donna naissance à une école dont les qualités de douceur, de suavité et d’élégance allaient assurer le renom… Deux directions principales de cette ‘’douceur’’ ombrienne : Celle du Pérugin [avec son] rythme calme, sa lumière chaude et douce, la limpidité de l’espace [ Remise des Clefs à St Pierre à la Sixtine, décor du Coleggio di Cambion, Pérouse], et celle de Pinturicchio (Bernardino di Betto le Petit-Peintre, 1453-1513) [avec son] goût du récit, le sens de l’anecdote, son pittoresque et la recherche de l’effet». (Dic.Peint.Ital. op. cit.)
Veneziano, venu de sa Venise natale, serait à Pérouse pour certaines sources à tout juste 19 ans avant de se rendre à Florence. Pour d’autres, il serait à Pérouse de1437 à 1439 (fresques du Palais Baglioni). Fra Angelico est documenté à Pérouse en 1454, mais rien n’indique un long séjourne (peinture du retable de l’église San Domenico ?).
Fra Angelico est à Pérouse en 1438 où il peint le Polittico Guidalotti ou Pala di Perugia : Polittico Guidalotti ou Pala di Perugia,
« Plus qu’à Florence où les préoccupations ‘naturalistes’ s’affirment à partir de 1460, c’est en Italie centrale que le style suave de Fra Angelico eut son grand rayonnement ; la tendresse et la grâce de son style stimulèrent l’École de Pérouse » (Dic.Peint.Ital. op. cit.)
Piero della Francesca est à Pérouse entre 1467 et 69.Luca Signorelli (1450-1523), natif de Cortone (Toscane), disciple de della Francesca , qui fut élève de Veneziano, à l’importante production, réalisera son œuvre maitresse à la Cathédrale d’Orvieto (sud-est de Pérouse) avec son Cycle du Jugements derniers et Récits de l’Antéchrist commencés par Fra Angelico (1499-1504).
Pérouse, capitale de l’Ombrie, a vu naitre un des grands peintres de la seconde phase de la Première Renaissance hors Florence, Le Pérugin. Il reste le peintre le plus connu de cette période de l’école ombrienne et un des plus fameux de la Première Renaissance. Il faisait fort probablement partie avec Pinturichio entre autres du groupe dit del Bottega del 1473 (L’Atelier 1473 ou les "Artistes de 1473") qui ont exécuté les huit tablettes (75x57cm) du Miracoli di san Bernardino ou Storie di san Bernardino (Miracle de Saint Bernardin). L’ensemble est considéré comme la première œuvre ombrienne de la Première Renaissance.Elle est conservée à la Galerie Nationale d'Ombrie à Pérouse.
Pietro Vanucci dit le jeune Pérugin (c.1445-1524), né à Città della Pieve près de Pérouse, issu de la riche bourgeoisie, aura sans doute eu pour premier maitre Fiorenzo di Lorenzo (1440-1525) natif de Pérouse. Piero della Francesca est à Pérouse entre 1467 et 69 où il peint le retable de San Antonio. il Perugino va mettre à profit les deux ans qu’il aura passer aux côtés du peintre des fresque d’Arezzo au point que, fidèle à son enseignement, il en deviendra son émule. Formé aux nouvelles conceptions florentins que véhicules son maître, il entre ensuite pour deux ans dans l’atelier du peintre, sculpteur et orfèvre, le Florentin Verrocchio (1435-1488) où il a pour condisciple da Vinci. De 1472 à 80, il travaille en indépendant, inscrit bien évidemment pour cela à la corporations des peintres. Ses peintures de scènes religieuses et vierges lui assurent rapidement une bonne réputation.
En 1480, il part pour Rome et en 1482 réalise sans doute son chef-d’œuvre à la Chapelle Sixtine où travaille déjà Botticelli: six fresques, les premières de ses grandes compositions, qui dénotent déjà un sens marqué de la composition ; celle de La Remise des Clés à Saint-Pierre est la plus représentative de son style. Quatre ans plus tard, il revient à Florence. Sa réputation est assurée et les commandes affluent. Il ouvre un atelier et un second à Pérouse. Le Pérugin a été un des premiers à Florence à utiliser la technique à l'huile.
« Vers ce temps commence la décadence du talent de l'artiste. Avide de commandes, il fabrique d'énormes quantités de peintures, avec l'aide de collaborateurs plus ou moins brillants, dont il se contente de surveiller de temps à autre la besogne, et arrive ainsi à une production quasi industrielle où disparaît son génie propre. Le Pérugin eut d'ailleurs le tort de sacrifier au goût que montraient ses contemporains pour ses têtes extatiques et suaves, tout animées de piété douce, et atteignit, malheureusement, à quelque monotonie dans ses madones si gracieuses, recueillies et ingénues; se répétant jusqu'à donner la satiété. » (http://www.cosmovisions.com/ Perugin.htm)
Dans les années 1490, il est considéré comme le plus grand peintre de la péninsule. Il a acquis une véritable fortune et achète maisons et villas en Ombrie. Son influence n’en est pas moins grande. On vient de toute l’Europe étudier sa manière.
« C’est bien le Pérugin qui inventa une nouvelle « manière », qui atteignit des effets de pureté formelle, caractérisée par l’équilibre serein des compositions, le dessin défini et élégant, la couleur claire et pleine de lumière. Grâce à cet artiste, « le caractéristique, l’émouvant et l’impressionnant » sortent de scène et le succès qu’il remporte favorise son art fait de grandes compositions spatiales équilibrées, d’hommes et de femmes qui ont perdu leurs caractéristiques terrestres au profit d’un « air angélique très doux », dont tous éprouvaient alors le besoin. » (https://www.aparences.net/art-et-mecenat/les-fresquistes-florentins/loeuvre-murale-du-perugin-et-pinturicchio/)
« Considéré par ses contemporains comme l’un des plus grands peintres d’Italie, Le Pérugin (1450-1523) initia pendant les dernières décennies du XVe siècle et les premières du XVIe siècle une nouvelle manière de peindre, qui marqua profondément son époque. Son art cristallin fait de transparences, de couleurs harmonieuses et de lumières théâtrales a suscité un très grand engouement, et les effets inédits de grâce et de séduction qu’il a développés en font l’un des plus grands représentants de la Renaissance italienne ». (https://www.museejacquemarandre.com/ sites/ default/files/editeur/mecene/dossier_mecenat_perugin.pdf-)
En 1498, il commence les Fresques du Collego del Cambio à Pérouse, assurément sa dernière grande œuvre maitresse, une de ses œuvres les plus représentatives. Sa Marie-Madeleine de 1500 n’est autre comme pour beaucoup d’autre vierges que le portrait magnifié de son épouse. Le Pérugin, peu soucieux de religion, peut-être athée si l’on en croit les sous-entendus de Vasari, trouvait dans les vierges l’objet de beaux portraits.
En 1503 Isabelle d’Este lui commande Le Combat de l’Amour et de la Chasteté pour le décor de son studiolo (voir Mantegna). Son Martyr de Saint Sébastien date de 1505.
En 1508, il est convié par le pape Jules II à peindre la voûte de la troisième Stanza (pièces) des appartements de feu le pape Nicolas V, la Chambre de L’incendie du Borgo. Il rencontre Michel-Ange qui à cette époque commence son plafond à la Sixtine et qui n’a d’autres mots pour lui que de le traiter de ‘gougnafier’ (bon à rien). En 1510, il retrouve son élève (?) Raphaël qui commence, lui, à décorer la voûte de la première chambre dite Chambre des Signatures. Le pape chargera Raphaël du décor des quatre chambres, évacuant pour cela Le Pérugin dont l’art est sur le déclin, sans doute pour avoir accepté trop de commandes. Par ailleurs, la nouvelle génération à la tête de laquelle se trouve Raphaël, amène la peinture à son plein épanouissement classique
« Son œuvre eut un rôle important à la fin du quattrocento, car elle diffusa le goût classique en Ombrie (Raphaël), en Toscane (Fra Bartolomeo) et en Italie septentrionale (Francia, Costa). Pérugin ne suivit pas pour sa part ce mouvement, qu'il avait tant contribué à faire naître par ses recherches d'amplitude et de monumentalité » (Encyclopédie Larousse/ Le Pérugin)
Avant 1500, Raphaël (1483-1520), venu de Urbino où son père était peintre officiel de la cour, serait entré dans l’atelier du Pérugin (certains historiens de l’art en doute). Si le style du maître influença celui de l’élève, celui du maître connut un infléchissement vers celui de son élève et l’attribution de tableaux sortis de l’atelier pose encore question. « Raphaël incite Pérugin à préférer au schéma un peu terne des années immédiatement antérieures des formes plus sveltes et plus brillantes. » (Encyclopédie Larousse/ le Pérugin).
Il Perugino aura su progressivement s’écarter des leçons de son Maître Piero della Francesca concernant la perspective. Cela est déjà sensible dans sa fresque de la Sixtine, la Remise des clefs à Saint Pierre. De son passage à l’atelier de Verrocchio, il a gardé le sens d’un certain naturalisme. Et de l’atelier des frères Pallaiuolo, il retient le déploiement des paysages d’arrière plan venu de la peinture flamande. Au fur et à mesure, les plans vont commencer à être de plus en plus distincts comme vont le devenir personnages et décor du Polyptyque Albani (la Nativité avec des Saints, 1491). Dans la fresque de la Crucifixion de 1493-96, « un paysage rythmique, banal, à larges champs souvent sans épaisseur, élimine tout décor à perspectives architectoniques. Et cela amène à la " présentation " simple des personnages, parfois rangés en lignes décalées au premier plan».(http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Pérugin/153808).
« Il va peu à peu développer un style d’une portée immense : calme, aimable, jusqu’au joli, équilibré, avec des moments de fraicheur exquise et le risque d’une sentimentalité … Plus qu’à Florence où les préoccupations ‘naturalistes’ s’affirment à partir de 1460, c’est en Italie centrale que le style suave de Fra Angelico eut son grand rayonnement ; la tendresse et la grâce de son style stimulèrent l’École de Pérouse… [Et] le succès de l’art du Pérugin auprès des Florentins, au temps de Savonarole, est comme le dernier écho de l’art pieux du Frère Angélique). (Dictio. Peintres Italiens Op.. Cit)
« Lorsque le Pérugin ne doit pas peindre des figures tirées de la réalité, mais simplement créés par sa fantaisie, il réalise des images d’une extrême élégance, d’un raffinement très doux et d’un rendu très souple. » (https://www.aparences.net/art-et- mecenat/les fresquistes-florentins/loeuvre-murale- du-perugin- et-pinturicchio).
Bernardino di Betto dit le ‘’Peinturlureur ‘’ (1454-1513), né à Pérouse et mort à Sienne, a longtemps collaboré avec Le Pérugin, notamment à la Sixtine. Peintre renommé, on lui doit de nombreux décors dans les palais et églises de Rome, Pérouse et Sienne. Sa peinture qui emploie tout le langage de l’époque n’en est pas moins originale par sa manière libre, aux effets étonnants, et son goût du fastueux, son décor riche en couleurs et en or qui lui a valu son surnom : Palais des Pénitenciers, Palais Colonna, voûte de la Salle des Saints (Appart. Borgia Vatican) à Rome, Chapelle Baglioni (Santa Maria Maggiore) à Pérouse, bibliothèque Piccolomini… « Pinturicchio est à la tête d’un atelier important où l’on rivalise en effets bizarres et précieux. Les stucs, ors et fioritures des détails servent souvent, sans doute, à masquer la faiblesse des formes et l’incertitude du dessin. » (Dict.de la Peinture Italienne, Édit F.HazanF. Hazan1964)
A Ferrare, (1452-1498), capitale du duché, règne la famille d’Este. La liste est longue de tous les poètes, artistes, musiciens qui, entre les XVème et XVIème siècles, ont fréquenté, ont travaillé, ont fait la renommée d’une des cours les plus brillantes de la Renaissance. Si entre autres, Battista Alberti († 1472), Piero de la Francesca (†1492), Pisanello (†1455) ,Bellini père, Jacopo (1375-1471) y travaillent au milieu du XVème siècle au moment où y séjourne Roger van der Weyden, au XVIème siècle, y viendront les musiciens Josquin des Près (†1521), Cyprien, de Rore (†1565) et Adrien Willaert (†1562) ; l’Arioste, natif de l’Émilie, y meurt en 1533 et Le Tasse (†1595) y passa ( tant mal que bien) une grande partie de sa vie.
Dans la ville natale de Savonarole (1452-1498), trois artistes dans la lignée de Donatello et de Mantegna, feront la synthèse de tous les apports venus d’horizons divers pour donner à la peinture émilienne son propre style, un quatrième peintre fera preuve d’une originalité particulière, Melozzo Forli.
Tandis que le Marquis Niccolò II (†1388) faisait construire en 1385 une château fortifié, La Château St Michel au décor duquel au milieu du XVème siècle della Francesca travaillera, son frère Alberto V d’Este, faisait construire la même année une immense résidence en deux ailes. Borso d’Este, marquis de Ferrare en 1450, nommé duc en 1471 par le pape Paul II, décida de l’agrandir et de la rénover. Palais ducal, elle portera le nom de Palazzo Schifanoia (‘Fuir l’Ennui’). Borso mourra la même année. Il avait chargé l’architecte Pietro Benvenuto degli Ordini (†1483) d’exécuter les travaux. La décoration sera exécutée notamment par Ercole de’ Roberti ( seconde moitié du XVIème siècle).
A l’époque, Biagio Rosseti (1447-1516) est le maître architecte de la ville natif dont il est. On doit à cet urbaniste, outre le quartier Addizione Erculea, la fameuse façade du Palais de Diamants (1492) sur laquelle l’architecte a remplacé le bossage grossier et irrégulier du Style Bugnato, par un bossage taillé en forme de diamants. Ce qui ne va pas sans rappeler le Palais à Facettes construit par Piero Antonio Solari, fils de Guiniforte, au Kremlin entre 1487et 1491). Le palais fut construit sous le règne de Hercule 1er d’Este qui succéda à son demi-frère Borso en 1471. Rossetti ira à Padoue pour concevoir un nouveau plan d’urbanisme et remanier la salle du Conseil. A Ferrare, il réalisa également le Palazzo Costabili (1495-1505) que Ludovic Sforza dit le More (1452-1508) avait fait construire dans la ville natale de son épouse Béatrice d’Este, dans le cas où le duché de Milan sous la pression de Venise aurait été envahi comme il l’avait été en 1487 par les Suisses de la Sérénissime.
Cosme Tura (ou Cosimo Tura c.1430-1495), né à Ferrare a eu pour à Padoue maitre Francesco (1431-1506) qui fut aussi pour élève Mantegna. Cosimo est peintre officiel de la cour en 1457. Il sera chargé à partir de cette date de maintes décorations. En 1471, il est portraitiste officiel. Son tempérament inquiet, à la nature nerveuse, se traduit par un trait et une palette exacerbés une inquiétude qui touche à l’hallucination : Pieta du Musée Correr. Avançant en âge, il acquerra en même temps que plus de sérénité une palette moins agressive. Son influence sera certaine sur Cossa et Roberti.
Francesco del Cossa (1436-1478), fils d’un maçon, eut pour maitre Cosme Tura. Mais il n’ignore ni le travail de Squarcione, de Mantegna ni de Piero della Francesca. Il « continua dans la recherche d’expressivité plastique de son maître mais en la modérant au moyen d’un luminisme plus diffus dérivé de Piero della Francesca en l’adoucissant dans une joyeuse veine narrative pleine de vie. » (https://www.aparences.net/ecoles/ecole-de-ferrare/francesco-del-cossa/# francesco-del-cossa).
Il a beaucoup travaillé dans d’autre grande ville d’Émilie, notamment à Bologne (Émilie-Romagne) où il arrive en 1462 et où son prestige lui vaut d’importantes commandes. Il a pu aller à Florence. Parmi de nombreux décors, son œuvre majeure reste les fresques des mois de Mars, Avril et Mai du Salon des Mois au Palais Schifanoia commencées en 1468 à son retour à Ferrare.
« Dans trois registres, Cossa a peint des portraits courtois, des figures astrologiques et des triomphes de divinités classiques. Le charme et la sensualité de la vie de cour à Ferrare se reflètent dans les jardins doux, les paysages ludiques et les vêtements fantaisistes » (Francesco del Cossa https://www.nga.gov/ collection/artist-info.1172.html
En 1472, il est de retour à Bologne où il mourra en 1477. Il y aura poursuivi un intense production de retable, fresques et madones.
Ercole de’ Roberti (ou Ercole de' Roberti, Ercole Grande, Ercole da Ferrara, ca1456-1496), débute sa carrière au Palais Schifanoia comme condisciple de son aîné del Cosa et comme élève de Cosme Tura qui travaille aux fresque du Palais Schifanoia.
En 1472, il suivra del Cossa qui retourne à Bologne et l’assistera dans la réalisation de ses commandes, entre autres dans l’important Polyptyque Griffoni a San Petronio (prédelle et pilastres, Saint Jérôme et Sainte Catherine). Il travaille également à la Chapelle Garganelli dans la cathédrale San Pietro de Bologne, qu’il achèvera en 1478 à la mort de del Cossa. Michel-Ange qui sera à Bologne de 1494 à 1496 dira de ces fresque qu’ « elles valent la moitié de Rome ».
En 1479, il est de retour à Ferrare et ouvre un atelier avec son frère. Il est peintre de cour en 1487.On lui doit de cette période outre fesques et décors, entre autres le Retable de Santa Maria in Porto (1479-1481). Il se déplacera dans d’autres ville d’Émilie apportant le style de la cour. Il se rendra à Mantoue où se trouve Isabelle d’Este, fille du Duc Ercole 1er d’Este. Il accompagne Alphonse d’Este, successeur d’Ercole 1er, à Rome en 1490.
Sa peinture se distingue par une tension émotionnelle très forte, au dessin tendu avec des visages parfois crispés. Si en ses débuts, il a eu tendance à négliger la technique et la représentation naturaliste, dans ses œuvres de la maturité, il réconcilie intensité dramatique et maîtrise technique.
« Avec Ercole, la peinture à Ferrare s’oriente vers « l’italianisation du style », sans renoncer pour autant à la qualité d’invention et à l’apport de l’imagination ; Ercole de’ Roberti avait saisi les possibilités nouvelles avec une force imaginative supérieure à celle des Vénitiens, en particulier dans la « pala » exécutée pour Santa Maria in Porto à Ravenne». (https://www.aparences.net/ ecoles/ecole-de-ferrare/ercole-de-roberti/)
Après le passage de del Cossa et de Roberti, Bologne va devenir un centre artistique attractif qui va être en relation avec les autres foyers de la Renaissance italienne entre autres avec Florence.
« Vers 1480, l’art ferrarais parvint grâce à Ercole à s’unir à ce tournant italien fondamental, qui avait accompli une première unité nationale – un premier accord entre Nord, Centre et Sud – dans l’entrevue d’Antonello da Messina et de Giovanni Bellini sur la base des « modules synthétiques » de Piero della Francesca » (R. Longhi, historien d’Art 1890-1970).
Melozzo di Giuliano degli Ambrogi dit Melozzo da Forli(1438 - 1494) est né et mort à Forli (Émilie-Romagne). On sait peu de chose de sa formation sinon qu’il a été formé par des peintres locaux encore dans la veine giottesque. On le trouve à Rome en 1464 ou il travaille à la Basilique St Marc puis à la Basilique des Saints Apôtres. De 1465 à 1475, il va séjourner à Urbino au service du duc Frédéric III de Montefeltro. Urbino où œuvrent les Alberti, Laurana et autres Piero della Francesca.
De 1474 à 1479, il est à Loreto, près d’Ancône (Les Marches) où il décore à fresques la Sacristie de St Marc Sainte Maison.
« Le projet prévoyait de disposer d’une série de figures à l’intérieur de la voûte, aperçues pour une correcte vision du bas (sotto in sù)[15], et placées dans des cadres avec des reliefs en faux stuc, de sorte que l’architecture peinte ressemblait à la continuation de l’architecture réelle. Pour le squelette architectural peint, une série de côtes et de cadres convergeraient vers le sommet de la coupole, entourant des fenêtres ouvertes. » (Wikipédia/ Mellazzo da Forli).
Forli non seulement reprend la technique innovée par Mantegna avec son oculus de la Chambre des Époux (1465-74) au Palais Ducal de Mantoue mais en l’adaptant pour la première fois à un thème mais également, il peint là pour la première fois en un décor à fresque une coupole.
Melozzo est rattaché à l’École Ombrienne qui a pour épicentre Pérouse, école particulièrement florissante au XVème siècle et dont une des premières caractéristiques pourrait être la gracieuseté que l’on trouve chez un Gentile da Fabriano et chez un Pérugin. C’est un maître que l’histoire ne semble pas avoir élevé à la renommée qu’il devrait mériter. De son temps, maitre incontesté de la perspective, il restera fidèle aux leçons de perspective, aux grandes figures solennelles, au sens de l’espace que son maître Piero della Francesca lui a enseignés ; mais il a su ajouter une émotion à ses personnages comme s’ils étaient « l’incarnation d’un sentiment ». Il les place dans des situations où la perspective donne tout son effet, usant de raccourcis à la Mantegna, peignant des anges musiciens plafonnant et en reprenant l’ancien effet du ‘quadraturisme’, cette façon de créer des illusions d’optique dans la représentation d’éléments architecturaux. Ce genre, déjà présent dans les civilisations anciennes comme à Pompéi va se développer dans la seconde moitié du XVIème siècle et prendre toute son ampleur à l’âge baroque ; des écoles spécialisées se formeront. Véronèse et Tiepolo en seront des représentant illustres.
Il revient dans sa ville natale en 1493 où il forme un école dans sa ville natale de Forli. Il y meurt l’année suivante. Il influença Raphaël et Bramante. Le peintre espagnol Berruguete (1440-1594) eut tout loisir de voir ses œuvres lors de son séjour d’une dizaine d’année à la cour du Duc de Montefeltro à Urbino à partir de 1470.
Guido Manzoni (1450-1518) est né à Modène, ville à l’époque sous le contrôle de la famille d’Este qui règne non loin sur le Duché de Ferrare. Il apparaît d’ailleurs pour la première fois dans les registres à l’âge de 23 ans pour avoir fabriqué des masques pour le mariage du duc. « La ville de Modène était célèbre à cette époque pour la production de masques de festival réalistes et caricaturaux, connus sous le nom de ‘’volti modenesi » » (visages de Modène). (http://www.visual-arts-cork.com/sculpture/guido-mazzoni.htm).
En 1495, Manzoni est appelé à la cour de Charles VIII qui a débuté les Guerres d’Italie (voir Événement Majeurs) et ouvert vraiment la France à la culture de la Renaissance ; bien qu’il soit à noter que trois médailleurs et sculpteurs italiens avaient déjà travaillé en France : Francesco Laurana (1430-1502, Voir Campanie frère de l’architecte Luciano Laurana à la cour du Roi René et à celle de Charles V d’Anjou ; le Florentin Niccolo Spinelli (1430-1514) à la cour de Bourgogne ; et le médailleur napolitain Giovanni Candida (1445-1504), qui, naturalisé français, historien de Charles le Téméraire, conseiller de Charles VIII, avait aussi assumé des missions diplomatiques pour le roi, notamment à Rome en 1491.
Manzoni réalise le gisant du roi de France en 1498 à la nécropole royale de St Denis. Il sera détruit à la Révolution en 1793. Il fait de brefs séjours en Italie, mais il ne rentre à Modène définitivement que seize ans plus tard pour y mourir deux ans après son retour.
Manzoni qui, s’était formé jeune dans l’ambiance des fêtes seigneuriales aux costumes et mises en scène, trouvera là une veine créatrice. Il se spécialisa dans les groupes de statue de grandeur nature, en terre cuite polychrome, sur les thèmes de la Nativité ou de la Déploration, qui firent son succès, dans un style très expressif à dominante pathétique que d’aucuns rattachent à un goût populaire, ce qui n’enlève en rien la justesse de ses visages comme en témoignent les deux personnages masculins agenouillés du Compianto (Lamentation,1477) du monastère Santa Maria degli Angeli à Busseto (près de Parme).
Son œuvre maitresse est La lamentation sur le Christ Mort (1477-1480 ou 1516-17)) de l’église San Giovanni Battista à Modène en terre cuite polychrome. Sa tête d'un garçon qui rit de 1498 est saisissante de naturel. Il ne connut pas la renommée d’un della Robbia, sans doute pour ne pas avoir fréquenté les grands centres artistiques de son époque, mais il travailla quand même et entre autres pour des églises de Ferrare, de Rome (église du Gesù), Venise, pour la cour de Naples qui sut reconnaître sa valeur. Il n’en reste pas moins un des grands sculpteurs de la Renaissance.
Aux côtés de la statue équestre, le portrait et le tombeau, la sculpture va trouver dans la Seconde Phase de la Première Renaissance, un nouveau domaine d’expression, les mises en scène dramatiques en terre cuite polychrome, sur le thème du Christ mort. La Vierge, Marie-Madeleine, des saints et autres personnages, grandeur nature, entourent le corps du christ sur la croix, en descente de croix, en piéta ou en déploration. Les visages en larmes, parfois la bouche ouverte simulant le cri de douleur, les têtes penchées, les mains tordues, les corps penchés, pliés expriment la déchirante affliction qu’éprouvent ces personnages tout en mouvement devant le corps inerte du Christ.
A côté de Manzoni, Niccolo della Arca (1435/40-1494) fut un des meilleurs représentants du genre.
En architecture, la période médiévale avait vu les constructions de bâtiments religieux et civils dans le Style Vénézo-byzantin, qui se distinguait du Style Roman une tendance marquée à la verticalité avec des édifices plus hauts que larges et par ses ouvertures en fer-à-cheval, et dans le Style Gothique, un gothique fleuri à la riche ornementation dont la Ca’ d’Oro et le Palais des Doges des XIVème et XVème siècle, grandement décoré au XVème siècle en sont des exemples. La Basilique St Marc détruite en même temps que le palais par un incendie sera reconstruite à partir du milieu du Xème siècle dans un style byzantin caractérisé par son plan en croix grecque (plan centré) et ses coupoles. Elle suivra dans ses apports architecturaux et ornementaux, les courants artistiques. La Basilique San Giorgio Maggiore sera construite par Palladio à partir de 1566. Il faudra attendre le XVIème siècle pour qu’apparaissent de grands noms de comme Jacopo Sansovino (1486-1570) et Palladio (1508-1580).
En peinture, Gentile da Fabriano travaille de 1408 à 1416 à Venise. Il a à ses côtés son élève Pisanello qui le suivra à Florence. Donatello arrive lui, en 1435. Il est suivi en 1442 par le florentin Andrea del Castagno (1419-1457), peintre puissant, expressif, qui exécutera plusieurs fresques notamment à la Basilique. Paolo Uccello arrive, lui, en 1455. Puis vers 1474, la venue dans la Sérénissime d’Antonello da Messina, qui deviendra l’ami de Giambellini, marquera un tournant dans la peinture vénitienne, non seulement dans son style avec une nouvelle importance donnée de la lumière –Le Titien en retiendra les leçons- mais également dans sa technique avec l’adoption de la technique à l’huile. Vinci quittera prudemment le Milanais en guerre pour s’y rendre en 1499.
« C’est à Venise que l’on doit d’avoir introduit en occident les dénommés Portraits de Passion dont la fonction était d’établir un rapport d’empathie entre le Christ, représenté mort avec les plaies de son martyre, et le spectateur, de telle sorte que ce dernier non seulement participait avec émotion au sacrifice de Christ mais encore retirait de cette observation de sa douleur une consolation divine. »(https://www.aparences.net/ecoles/la-peinture-venitienne /venise-autour-de-giovanni-bellini/)
A Venise, les frères Vivarini mais plus encore la famille Bellini opèreront la transition entre Gothique International et Renaissance. Giambellini Bellini plus que son père ou son frère, par son parcours plus indépendant, par ses recherches personnelles, sa formation auprès de della Francesca, ses échanges avec Antonello da Messina, développa une manière toute personnelle faite d’une intimité, d’une douceur dans des tonalités tendres qui n’efface pas un dessin ferme des formes qui s’affirment dans une luminosité pure. Dans un tout autre registre Vittore Carpaccio (1465- c.1526) par la synthèse qu’il opère de tous les nouveaux acquis de la peinture, perspective, lumière, précision flamande du trait, fut un des maîtres vénitiens de la Première Renaissance.
Les ateliers locaux se mettent au goût du jour. A Padoue, celui de Scarpione (1397-1468), tout autant marchand de tableaux que peintre et collectionneur d’antiques, favorise les idées venue de Florence auxquelles de jeunes peintres sont formés. Parmi eux, Andrea Mantegna (1431–1506), sans doute le plus grand des peintres renaissants de l’Italie du Nord, qui, formé à Padoue (Vénétie) par Squarcione, retiendra des œuvres de Donatello vues à Padoue, le sens des formes puissantes tout en empruntant à della Francesca la noblesse des attitudes. Le sculpteur Donatello travaillera en effet à Padoue par intermittence pendant dix ans de 1443 à 1453. Son séjour aura des répercussions dans toute la région. Mantegna aura pour élève dans son atelier de Padoue Cosme Tura entre 1452 et 1456 venu de Ferrare.
C’est à Padoue que Michael Pacher (1430-1498, voir Outre-rhin/Peinture), peintre et sculpteur autrichien, s’initia aux découvertes italiennes sur la perspective, la mise en place architecturale ‘à la Mantegna’ et les fit connaître dans sa région natale, le Tyrol, et au-delà.
Comme c’était souvent le cas au Moyen-âge et à la Renaissance et même plus tard, le métier d’artisan, quel qu’il fut, se transmettait de père en fils. Il y a ainsi des familles de peintres aussi bien que de sculpteurs et de musiciens qui ont marqué l’histoire européenne de l’art. La distinction n’étant que toute récente, voire pas encore faite au XVème siècle entre artisans et artistes. Ils faisaient partie d’une confédération (guilde) ou d’un compagnonnage auxquels ils devaient s’inscrire et pour cela avoir suivi une formation avant d’y entrer et de recevoir la maîtrise… de leur art. Ils ouvraient souvent, une bottega, une boutique- atelier, la plupart du temps ouverte sur la rue. Les Bellini sont de ces familles.
Natifs de Venise, les plus connus des Bellini sont Jacopo (1400-1470/71), son fils ainé Gentile (1429-141507) et son fils cadet (naturel ?), Giovanni dit Giambellini (ca.1430-1516), reconnu comme le plus fameux. La fille de Jacopo épousera Mantegna en 1453. On peut la supposer plus jeune que ses frères.
Les registres mentionnent Gentil da Fabriano (†1527) dans la ville en 1408, selon les sources soit pour répondre à une commande d’un collectionneur, soit pour l’exécution d’un retable. En 1409, il entreprend une grande fresque dans le Maggior Consiglio (le Grand Conseil) du Palais des Doges, fresque aujourd’hui disparue (Maggior Consiglio voir XVIè/Maniérisme Vénitien/Véronèse). Iacopo a du certainement contempler cette fresque. Par admiration, il aurait donné le prénom de Gentile à son fils ainé.
En 1423, il entre à Florence dans l’atelier de da Fabriano. En 1528, il se marie à Venise et avec la dot de sa femme achète une maison. En 1430, il est Padoue où il peint des fresques aujourd’hui disparues. En 1436, il est invité par l’évêque de Vérone Guido memo qui lui a commandé une Crucifixion avec stuc et dorures pour la chapelle St Nicolas de la cathédrale.
Il est à Ferrare, à la cour de Ludovico d’Este en 1441 où il surpasse Pisanello (1395-1455) dans portrait du duc. Il obtient de nombreuses commandes. Il lui accordera la main de sa fille. De retour à Venise, après avoir travaillé dans différents lieux comme Padoue où il a soutenu Mantegna qui voulait s’émanciper de son maître et père adoptif, Squarcione, avec qui d’ailleurs il travaillera par la suite, à Montagnana, Brescia, alors riche de ses expériences, de ses rencontres, de ses découvertes sur les antiquités, Iacopo revient à Venise avec une notoriété certaine. Il ouvre comme il se doit un atelier où aidé de ses deux fils, il pourra introduire dans sa ville natale les nouveautés de la Première Renaissance. Il ne reste plus grand-chose de ses œuvres. On admire mieux ses qualités de dessinateur et ses recherches dans ses cahiers de dessins dans lesquelles on y voit une recherche constante à sortir de la peinture courtoise et à mettre en pratique les acquis de la Renaissance.
Gentile sera le portraitiste de la famille et portraitiste officiel de la Sérénissime. Sa première œuvre connue date seulement de 1465. Il a 36 ans. En 1469, il fait le portrait du Cardinal Bessarion (voir Humanisme/Humanisme du Nord/ N. de Cues) ; en 1472 celui de l’empereur Fréderic III ; et celui de Mahomet II en 1479 à Constantinople. Il travaillera comme son père pour différentes scuoles[16]. Ses œuvres du Palais des Doges peuvent laisser supposer un voyage en Égypte ayant fait de lui un orientaliste avant l’heure. Il peignit également processions et miracles dans des vues de Venise, des vedute, qui annoncent Canaletto. Il contribua aux peintures de son père autant que son frère termina certains des siennes après sa mort.
Giambellini, guère plus âgé que Gentile, quitte le foyer familial à l’âge de 19 ans . Selon certaines sources, ce ne serait que onze ans plus tard en 1470 qu’il aurait obtenu sa première commande importante, L’Arche de Noé et le Déluge, autrement dit à la maturité, vers l’âge de 40 ans, bien qu’il ait auparavant déjà commencé à exécuter des madones notamment sa Vierge Grecque de 1460 où l’empreinte de l’icône byzantine reste indéniable. La madone restera un de ses sujets de prédilection. Selon d’autres sources, sa première œuvre importante serait le Polyptyque de Saint Vincent Ferrier de 1460. Les commandes vont se faire plus nombreuses non seulement de madones où déjà il se signale par sa palette clair et des ciels lumineux mais des commandes aussi de scènes religieuses, Jardin des Oliviers, Résurrections, à l’expressivité marquée dont on sent l’influence de Mantegna.
Antonella da Messina arrive à Venise au début des années 1470 (les sources divergent sur la date exacte). Giambellini, qui a maintenant son atelier, reçoit essentiellement des commandes de retables (pala) sur lesquels il va mettre à profit ses échanges avec le maitre sicilien, notamment l’emploi de la technique à l’huile en abandonnant celui de la tempera. Giambellini atteint à la maturité de son art avec des compositions parfaitement stables et un juste équilibre chromatique comme dans la Pala de San Giobbe (4,71x2,58m) de 1487 sur laquelle est remarquable l’introduction d’un plafond cintré à caissons en perspective et des pilastres latéraux d’une hauteur égale à celle de ceux de l’autel. La voûte en cul de four de l’abside figure une mosaïque d’or non pas tant en rappel de l’art byzantin auquel Venise a longtemps été attaché que pour permettre un jeu d’éclairage sur la scène : la Vierge trônant au-dessus d’anges musiciens entourés de six saints debout dont Saints François, Saint Jean-Baptiste et le saint peu connu de la Bible San Giobbe (Sian Job) célébré par les Orthodoxes.
Son art s‘affirme de même dans La Transfiguration (Musée de Naples) ou son St François (N.Y.). Passé le siècle, la lumière prend toute son importance comme dans son Baptême du Christ et dans sa dernière œuvre le retable des Trois Saints.
Peintre officiel de la ville de 1483 à sa mort, Giambellini va diffuser non seulement une importante production sortie de son atelier où nombreux sont ses collaborateurs, maitres et apprentis, mais aussi un nouvel esprit, un nouveau style. Une palette claire, un jeu de contraste des ombres et de la lumière qui annonce le clair-obscur franc du maniérisme, tout en conservant une luminosité diffuse dans une palette de tons sur lesquels par ce jeu de la lumière les valeurs prennent toutes leurs nuances. Les formes douces ne font pas obstacle à l’expressivité. Jusqu’à la fin de sa vie - il meurt à 86 ans – il aura innové poussant toujours plus avant le raffinement de son art.
Giambellini a été marqué par les œuvres de Donatello qu’il a vues à Padoue ; il a appris de Mantegna (qui n’a pas appris de lui à cette époque ?) ce que le padouan avait acquis des Florentins et de son maître Squarcione qui voyagea en Italie et peut-être en Grèce et collectionna les antiques. Il comprit toute l’importance de l’originalité du luministe Antonello de Messina et de sa technique. Il a bien sûr été imprégné de l’art byzantin traditionnel de Venise, et n’a pas ignoré les peintures flamandes présentes dans sa ville natale, la très riche Sérénissime qui faisait le lien commercial entre la Méditerranée orientale et les ports du Nord comme Bruges (Zeebrugge) ou Gand. Mais au confluent de ses croisements, comme tout grand artiste, Giambellini sut les transcender par son propre génie qui fit de lui l’initiateur de la peinture vénitienne du XVIème, lui qui aura eu pour élèves les Titien, Giorgione, Sébastieno del Piombo, pour ne citer que les plus grands. A l’origine d’un style nouveau, il fera rentrer la peinture dans l’ère moderne.
Vittore Carpaccio (1460 ?-1526?), né et mort à Venise, a retenu les leçons de della Francesca pour la perspective et de d’Antonello da Messina pour la lumière et la couleur. Il a bien évidemment connu les œuvres de ses concitoyens, les Bellini et particulièrement celles de Giovanni. Des peintres flamands, on retrouve le décor architectural que son aîné leur a aussi emprunté. Riche de ses apports, Carpaccio trouve une originalité certaine en donnant à ses scènes profanes de Venise, fêtes et cérémonies comme l’Arrivée des Ambassadeurs (huile sur toile, 1495), et à ses scènes religieuses comme dans le cycle des légendes ou les vies des saints, un réel sens de la narration et un climat.
Contemporain des grands maîtres vénitiens, ce « peintre-chroniqueur » conserve une facture ancienne pour relater la vie vénitienne. Il se singularise par le choix de ses sujets qui en fait le précurseur des vedute (ce que l’on voit, la vue, la scène), grandes compositions montrant par le détail mais aussi parfois en panoramique, un quartier dans une ville ou un paysage portuaire. Il va d’autant plus en renouveler le genre déjà ancien à Venise qu’il va faire une grande place au travail de la perspective. Ce genre atteindra au XVIIIème siècle avec les Canaletto, les Bellotto et autres Guardi toute son ampleur.
Carpaccio reçoit des commandes de toutes les grandes institutions de la Sérénissime, qui lui demandent de décorer palais ducal, confréries, fondations : Présentation au Temple, Légendes de St Ursule et de Saint Jérôme, Rencontre du Pape et du Doge, Mise au Tombeau, Congédiements des Ambassadeurs, Courtisanes….une production abondante, un travail sûr avec le goût du détail, des accessoires, de la mise en scène allié à un sens de l’organisation de l’espace, fruit d’un long travail préparatoire. Le fond architectural qui atteint à la monumentalité, l’emploi de couleurs chaudes et des formes affirmées, le tout baignant étonnamment dans un certain climat de douce rêverie ou comme issue d’un songe, caractériseront sa manière. Sa manière une fois acquise, bien maîtrisée, Carpaccio ne va pas chercher à aller au-delà et ne poursuivra pas de recherches comme ses contemporains vénitiens à l’instar de Giorgione (1477-1510) et Le Titien (1488-1574).
Carparccio avait la particularité de signer et dater ces toiles sur un ‘cartellino’, un petit carton placé discrètement quelque part dans la composition du tableau.
Robert 1er (1277-1333), descendant des duc d’Anjou était déjà roi de Naples et Comte de Provence de 1309 à sa mort. Il fit de Naples un important foyer culturel, faisant venir à sa cour Giotto, Boccace et Pétrarque. Jeanne II de Naples, descendante des rois de Hongrie, reine du Royaume de Naples de 1414 à 1435 lègue par testament le trône au Bon Roi René qui, Duc d’Anjou et Comte de Provence en 1434 sera roi de Naples de 1435 à 1442. Amateur d’art et peintre lui-même le roi René possédait une collection importante d’œuvres d’art, entre autres de peintres du Nord.
En 1442, le roi Alphonse V d’Aragon s’empare du Royaume et monte sur le trône sous le nom d’Alphonse Ier. Naples devient un point de rencontre important de la peinture flamande et catalane. En 1494, Charles VIII, descendant de la Maison d’Anjou, revendiquera le Royaume. Ce sera le début des Guerres d’Italies (voir Vol 1)
Naples aura été tout au long du XVème siècle, un foyer artistique et culturel très actif mais aussi un port d’importance qui transite les marchandises du commerce maritime dont Venise à la suprématie, vers la Flandre où depuis le XIVème siècle, les marchands européens ont leurs entrepôts, leurs « nations» et où vont commencer à se développer les premières transactions boursières (voir Introduction Générale/Commerce). Naples où peintres provençaux, catalans mais aussi flamands viennent travailler.
Le peintre Niccolò Antonio Colantonio (ca1420- ?), natif de Naples, pourra admirer dans sa jeunesse l’importante collection de peintres flamands d’Alphonse 1er dont des Barthélémy van Eyck et des van der Weyden. Il a pu ensuite être formé de 1438 à 1442, en Provence, à la Cour du Roi René (†1480), certaines sources mentionnant le peintre liégeois Barthélémy van Eyck (de la famille des peintres van Eyck) à cette époque actif en Provence comme peintre officiel du Bon Roi.
Colantonio sera actif à Naples de 1440 à 1470 sous Alphonse II. Il est considéré comme opérant la jonction entre la peinture du Nord et celle du Sud. « Son Saint Jérôme de 1445 pour la Basilique San Lorenzo Maggiore laisse voir l’influence de van Eyck dans le soin porté au rendu du volume, à l’espace, aux détails ; et son Saint François donnant la règle de l'ordre (1440) montre dans le nouvel environnement de la cour d'Aragon, avec toujours une disposition flamande, l’influence espagnole par le sol perché vertical avec ses azulejos, les visages, les halos perforé, les plis rigides et géométriques des vêtements » (https://boowiki.info/art /deces-a-naples/colantonio.html).
Colantonio formera celui qui deviendra un des plus grands peintres de la Première Renaissance, Antonella da Messina (c.1430-1479) qui réalisera une juste conjonction de la précision flamande et d’un sens de la lumière qu’il acquiert à Venise dans de très fructueux échanges ( pour l’histoire de la peinture ) avec Giambellini.
« Niccolò Antonio Colantonio [introduit] en Italie d’une façon assez rudimentaire qui ne fit pas école, le procédé flamand [technique à l’huile] qu’il avait appris de Barthelemy van Eyck à Avignon, procédé flamand qui s’installera vraiment dans les décisives années 1470 avec les tableaux d’Antonio Pollaiuolo et d’Antonello da Messina (soit plus de 50 ans après sa mise au point définitive par les Flamands». (https://www.magaou. com/271-giovanni-boccati-la-transition-villanovart20080217.ht
Il n’est pas impossible que Colantonio qui a travaillé aux côtés de Barthélémy van Eyck à la Cour du Roi René entre Aix et Avignon, ait pu apprendre de lui la technique à l’huile et qu’il l’ait transmise à son élève Antonella da Messina. Vasari dans La Vie des Peintres raconte qu’ébloui à la vue du Van Eyck de la collection du roi de Naples, Colantonio serait aussitôt parti pour Bruges afin de se faire apprendre la technique à l’huile qu’il aurait ensuite transmise à Domenico Veneziano (c. 1400-1461) qui, selon ce qu’écrit toujours l’auteur de la Vie des Peintres environ un siècle plus tard, l’aurait assassiné pour rester seul à garder le secret….
« Antonello n'apporte certes pas la technique à l'huile, déjà connue des Italiens, mais il familiarise ses concitoyens à certains de ses effets exploités par les maîtres flamands, notamment la transparence des couleurs [glacis]» (Wikipédia/da Messina/ C. Mignot Temps modernes XVe-XVIIIe siècles, Histoire de l'art, Flammarion, 1996).
Certains historiens considèrent que Antonello aurait appris en autodidacte la technique de l'huile. En observant les peintures des Flamands à la cour de Naples, il aurait compris ce que cette technique pouvait apporter cette technique que n'apportait pas la tempera; non seulement la brillance, mais encore la supperposition des glacis qui apportait de la profondeur et une possibilité bien plus accrue de donner plus de finesse dans les détails comme pour la pilosité parexemple, la supperposition des couches. Le réalisme caractéristire de la peinture flamande aurait cette origine de la précision, de la finesse du détail. Il se serait contenté en un premeirs temps de passer une couche finale d'huile sur son tableau et progressivement maitriser empiriquement la technique flamande.
Antonello introduisit la technique à l’huile dans la peinture vénitienne notamment par l’intermédiaire de Giambellini.
Fra Lippi (1406-1469) peignait déjà à l’huile comme en témoigne son Saint Jean l'Évangéliste (1432-34) et sa Vierge à l'Enfant avec Saints et Anges (Retable Barbadori 1437-39) ou de façon combinée pour sa Nativité de 1445. Et Le Pérugin (1448-1523) a été un des premiers à Florence à utiliser la technique à l'huile autant si ce n’est plus que la tempera.
Jan van Eyck n’est pas le premier des peintres du Nord à peindre à l’huile, mais c’est lui qui l’utilisa le premier de façon systématique et sa renommée fit qu’elle se répandit vite en Flandre, puis en Italie.
Cette technique substitue comme médium l’huile de lin au jaune d’œuf de la peinture a tempera. L’huile doit être préalablement chauffée avant son utilisation. Chaque peintre à cette époque, et longtemps par la suite encore, gardait jalousement comme pour leur tempera le secret de leur préparation des teintes qui doit pouvoir permettre le rendu souhaité mais aussi assuré à celui-ci une grande longévité. L’histoire montrera que le développement de la technique à l’huile à Venise, en Italie, en Europe entraînera en deux siècles la disparition des techniques a tempera et a fresco à la fois pour la profondeur du rendu à l’huile par la superposition des couches de glacis avec un vernis de finition pour supprimer les embus (mats) , mais aussi pour des raisons pratiques de transport en corrélation avec l’usage de plus en plus répandu de peintures sur une toile toujours préparée au gesso (de gypse, enduit à base de colle de peau et plâtre, aujourd’hui synthétique), mais désolidarisée de son panneau de bois.
« La peinture à l’huile a un inconvénient : à l’inverse de la fresque, dont l’aspect conserve toujours de la transparence et du blond, elle noircit aussi bien sur la muraille que sur la toile ; de sorte qu’avec le temps, le tableau tout entier s’étant assombri, ce qui était de l’ombre devient de l’encre, et fait un trou dans le mur. Encore une fois, rien de plus contraire aux principes de la décoration, dont le premier devoir est de ne pas renverser l’architecture. » (Charles Blanc Histoire des peintres de toutes les écoles/ École Vénitienne, Librairie Renouard 1884)
Antonio di Salvatore dit Antonello da Messina (vers 1430-1479) ; originaire de Messine (n.e de la Sicile), fils d’un tailleur de pierre, commence à s’initier à son futur métier à Palerme avant de commencer véritablement son apprentissage dans l’atelier de Niccolò Colantonio à Naples. Antonello a pu y voir des œuvres de Jan van Eyck comme de Petrus Christi et être aussi influencé par la peinture provençale : « La manière provençale avait introduit d’autres caractères, en particulier une solennité de la composition et une simplification des formes…La production artistique napolitaine reflète en effet certains échos de l’art de Jean Fouquet et du Maître de l’Annonciation d’Aix, mêlés à des imitations plus littérales de la peinture flamande connue par ses originaux ». (http://www.larousse.fr /encyclopedie/peinture/Antonello_de_ Messine/150859)
Dans les années 50, il travaille en indépendant en Sicile, notamment à Syracuse (Saint Zosime à la cathédrale), puis revient à Messine en 1460. En 1465, « il réalise le célèbre portrait Ritratto d'uomo, en utilisant la pose de trois quarts, à la manière flamande, les maîtres italiens de l'époque réalisant les portraits de profil[17] ». Puis, on perd sa trace pour le retrouver à Venise en 1470[18] où il séjourne deux ans. Il peint Il Salvator Mundi qui marque une étape importante dans son évolution puisque l’on y discerne une prise de position de l’espace (repenti des doigts du Christ dirigé vers le spectateur) qui dénote l’adoption des nouvelles conceptions toscanes (ref.citée). Ce qui se retrouve dans son Polyptyque de Saint Grégoire (1473) où comme dans d’autres œuvres se fait sentir l’influence de la manière florentine et notamment de Piero della Francesca : Ecce homo de 1470, Annonciation de 1474, Christ à La Colonne après 1475.
En 1474, il retourne à Venise. En 1476, il revient dans sa ville natale où il y meurt prématurément de la tuberculose à l’âge de 49 ans.
Antonello a laissé son nom dans la Première Renaissance comme portraitiste peignant ses portraits pour la plupart en buste et de ¾, position qu’il emprunta aux flamands notamment à van Eyck. Mais aussi parce qu’il apporta à Venise, la technique de la peinture à l’huile apprise auprès de son maître Niccolò Colantonio qui avait travaillé en France et avait rencontré Jean Fouquet et Jan van Eyck.
« Antonello applique une technique souvent mixte, associant l’huile de lin ou de noix permettant de représenter les moindres détails des cheveux ou des broderies avec des retouches transparentes peu chargées en pigments (glacis) d’une luminosité extraordinaire, et la détrempe[19], peinture aqueuse à base de liants et de colle. Il imite ainsi les subtilités lumino-chromatiques du réalisme flamand mais en développant une technique personnelle au sein d’une conception italienne des formes et de l’espace intégrant la perspective florentine comme dans son Saint Jérôme dans son étude ». (http://lecardiologue. com/2015/05/05/antonello-de-messine-v-1430-1479-ou-lart-du-portrait/)
Antonello fut un peintre qui, en puisant dans la peinture de son temps, flamande et toscane, fit toujours preuve d’une grande originalité. De son amitié avec Giambellini (ca.1430-1516), de leurs échanges féconds, émergea une nouvelle approche de la lumière et de son rôle. La lumière, la luminosité allant devenir une des caractéristiques première de la peinture vénitienne. L’un apportant sa technique à l’huile et sa palette claire à partir desquels l’autre va travailler plus en transparence et en fondu pour créer ainsi une « atmosphère » encore jamais vue.
Arrivé à la pleine maturité de son art, par son sens du monumental, par ses volumes ouverts, sa lumière diaphane, Antonello parvient à une parfaite synthèse de la rigueur et du lyrisme. Il peut être considéré comme le plus grand peintre de l’Italie méridionale de la Première Renaissance. Il n’y fit pas école mais à Venise les peintres adoptèrent sa technique à l’huile (donc du glacis) et purent ainsi plus facilement rendre des effets de lumière. Carpaccio (1465-1525) fut très sensible à son style.
Il ne reste qu’une cinquantaine des œuvres du Messinois dont l’authenticité de cinq d’entre elles est contestée. Quant à Giovanni Bellini, il sera le précurseur de la grande école luministe du siècle qu’il ouvre, celle des Giorgione, Titien et Sebastiano del Piombo.
Francesco Laurana (c.1425-1502), sculpteur dalmate, est formé à Naples et travaille à la cour d’Alphonse V d'Aragon qui règne sur la Sicile Péninsulaire sous le nom d’Alphonse Ier. Il réalise pour lui un arc de triomphe. Il travaille ensuite pour différentes autres cours ; en 1458, il arrive à celle du Bon Roi René (1409-1480), Comte de Provence et roi titulaire de Sicile. De 1466 à 71, il séjourne à la cour du roi insulaire de Sicile Jean II d’Aragon, le royaume de Naples et celui de Sicile étaient à nouveau séparés depuis la mort d’Alphonse 1er en 1458. Il y réalise son œuvre la plus connue, le Buste d’Éléonore d'Aragon (1467). Il se spécialisa ensuite dans la sculpture de bustes de femmes d’une grande élégance. Il revient à Naples puis retourne en France, à Marseille où travaille à la cathédrale. Il exécute les tombeaux de Charles IV d’Anjou (†1472), favori de Charles VII, et de Jean Cossa (†1476), Grand Sénéchal de Provence.
De 1474 à 1477, il séjournera à Urbino chez son frère, l’architecte Luciano Laurana ( Les Marches /Urbino).
En 1498, il suit sa fille qui s’est mariée avec le peintre avignonnais Jean de la Barre. Il meurt dans la Cité des Papes quatre ans plus tard.
[1] Famille de la vielle noblesse du piémont de laquelle sera issu entre autres Giuliano della Rovere (1443-1513), pape de 1503 à sa mort sous le nom de Jules II, qui eut des relations houleuses avec l’irascible Michel-Ange.
[2] Contrairement à certaines sources, Paola Mercurelli Salari dans sa biographie consacrée à Fiorenzo di Lorenzo, natif de Pérouse 1440-1525), qui a pu être le premier maitre du Pérugin, dans le Dictionnaire biographique des Italiens - Volume 48 (1997), ne fait pas état du passage de ce peintre à Urbino ni donc de l’influence que sa peinture aurait pu avoir sur celle du père de Raphaël.
[3] Un de ses illustres représentant aura été le cinéaste contemporain Luchino Visconti.
[4] Bartolomeo Colleoni (1395 ?-1475) fut un célèbre condottiere (chef de guerre) longtemps au service de Venise avant de se mettre à celui des Visconti, ducs de Milan. Pour en savoir plus sur les grands condottieres italiens : Carlo Montella (traduction Agnès Doniom-Asso) Les Grands Mercenaires de la Renaissance Italienne, Édit. France les Deux Coqs d’Or, 1966.
[5] Citation et sur son travail à la façade de la chartreuse : Bernard Jestaz, Annuaires de l'École pratique des hautes études, Année 2000/14/ pp. 154-155
[6] Ludovico Sforza dit le More, né la même année que Leonard de Vinci en 1452 et qui comme lui mourra dans le val de Loire, lui à Loches en 1508 après huit ans d’emprisonnement, Léonard à Amboise 11 ans plus tard.
[7] Motif ornemental vertical, composé dans un cartouche de rinceaux, végétaux, palmettes, vases, masques…
[8] Selon Suzy Verges, les piliers prévus pour soutenir le dôme sont les seuls éléments de son plan qui ont été réalisés (http://www.italie-decouverte. com/donato-bramante-larchitecte-de-saint-pierre/)
[9] A l’origine, l’exèdre (hors de) est un ban de pierre semi-circulaire à l’intérieur du bâti, le plus souvent à l’abside, dédié à la conversation. On retrouve le terme dans extrado, l’extérieur de la voûte opposé à l’intrados, l’intérieur de la voûte. On retrouve un exemple d’exèdre en extérieur du Palais du Te de Jules Romain à Mantoue (1525), le premier palais maniériste.
[10] Deux sites entre autres sources ont servi à la présentation de ce peintre :https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-15-16e-siecles/andrea-mantegna.html et https://www.aparences.net/art-et-mecenat/les-gonzaga-de-mantoue/ andrea- mantegna-peintre-de-cour/les-fresques-de-la-chambre- des-Époux-
[11] Selon https://www.virtualuffizi.com/fr/giovanni-bellini.html, dans les années 50, Mantegna aurait travaillé dans l’atelier de Jacopo Bellini à Venise où il aurait eu pour condisciple Giambellini (Voir Venise/ les Bellini), l’influence du padouan se faisant sentir (‘déjà ?) sur celle du vénitien. Mais Giambellini travaillait-il encore à cette époque dans l’atelier de son père ??
[12] A ne pas confondre avec l’intrigant Ludovico II Gonzague (1334-1382), condottiere parricide et fratricide, Capitaine du Peule de Mantoue.
[13] Ce n’est qu’en 1530 que le Marquisat de Mantoue deviendra un duché. Charles-Quint fait cette année-là Frédéric II premier Duc de Mantoue
[14] Mantegna et la Gravure et pour en savoir plus : http://mini-site.louvre.fr/mantegna/acc/xmlfr/section_6_0.html
[15] « Sotto in su, (italien: «de bas en haut»). Vue par en dessous. Des personnages peints sur un plafond sont vus par en-dessous comme si le spectateur était exactement sous la verticale. Ils apparaissent en raccourcis et s’ils ne sont pas adossés ou appuyés à un bâti, ils donnent l’impression de flotter dans l’air. Cette technique inventée par Mantegna pour son oculus de la Chambre des Époux s'est développée à la Renaissance, puis dans la période maniériste et baroque avec des peintres comme Jules Romain (†1546), Le Corrège (†1534) et Tiepolo (†1770).
[16] Les scuoles, équivalant des guildes, étaient des confraternités religieuses réunissant plusieurs corporations d’hommes de l’art, laïcs, sous l’égide de leur saint patron qu’ils devaient vénérés.
[17] https://www.bourse-des-voyages.com/sicile/guide-culture-peintres-antonello-da-messina.php
[18] Les sources divergent sur l’arrivée de Antonello à Venise. Certains l’indiquent dès 1470, d’autres en 71, pour d’autres il pourrait avoir voyagé à Rome et Milan (encyclopédies Larousse et Britannica), voire Venise. Toutes s’accordent pour dire qu’il était à Venise en 1474 voire 75,et pour certaines c’aurait été son second séjour. Les historiens contemporains sont d’accord sur le fait que contrairement à ce qu’a affirmé Vasari, Antonello ne s’est jamais rendu en Flandres.
[19] Détrempe et tempera(mélanger) sont deux termes équivalant pour la même technique qui consiste à diluer les pigments en poudre à l’eau puis de les mélanger (tempérer) à un liant, soit de l’ œuf, soit un polysaccharose (amidon, cellulose) ou encore une colle de peau (veau, lapin etc.) légèrement chauffée (réservée pour la peinture sur bois car cassante). La pâte à l’origine aqueuse ainsi formée peut être grâce au liant mélangée à l’huile, le plus souvent de lin mais aussi possiblement de noix. Certains puristes veulent réserver le terme de tempera au liant à base d’œuf qui donne une peinture vite sèche et celui de détrempe à la solution colle-eau qui elle peut –être détrempée, effacée à l’eau une fois sèche.
CINQUECENTO : LA HAUTE RENAISSANCE EN ITALIE
DU CLASSICISME AU MANIÉRISME
De très grands artistes, pas seulement italiens, vont écrire leur nom sur une des pages lumineuses de l’histoire de l’art européen en cette période de la Renaissance Classique, de la fin du XVème siècle et du premier quart du XVIème siècle. Mais trois génies aux destins croisés auront gravé le leur dans le marbre de l’Histoire : Léonard de Vinci, esprit universel et grand initiateur, Michel-Ange, trop grand pour être classé et Raphaël, génie éclairé mort trop jeune pour disparaître à tout jamais.
Leonardo di ser Piero da Vinci, dit Leonardo da Vinci[1] (1452-1519) est né à Vinci, un bourg situé à quelque 20km de Florence. Il est l’enfant illégitime mais reconnu d’un père notaire des Médicis, ambassadeur un temps de la République Florentine, et d’une fille de bucheron qui pourrait avoir été d’origine orientale. Il passe sa jeunesse dans son village natal entouré de l’affection des siens et reçoit une éducation basique. Il entre à l’âge de 17 ans dans l’atelier florentin du peintre et sculpteur, Verrocchio (1435-1488) où il côtoie Botticelli (1445-1510), Le Pérugin (1446-1523), Lorenzo di Credi (1459-1537) et Dominico Ghirlandaio (1448-1494). On reconnaît déjà sa main dans certains tableaux de son maître. Et dès l’âge de 20 ans (en 1472), il est inscrit à la Guilde de St Luc[2].
Son Annonciation de 1475 (tempera et huile) qui manifeste cet indéniable talent précoce est sans doute sa dernière œuvre importante avant qu’il ne quitte trois ans plus tard, en 1478, à 26 ans, l’atelier de son maître avec qui il continuera d’entretenir des liens étroits. Il reçoit d’emblée des commandes officielles. De cette période, on a notamment Saint Jérôme (c. 1480,Vatican). L’Adoration des Mages (1481).
En 1481, alors qu’il approche la trentaine, Leonardo part pour Milan où il restera au service de Ludovic le More pendant 18 ans. On ignore les raisons véritables de ce départ. Selon les sources, il aurait été vexé de ne pas avoir été choisi pour participer à la décoration de la Chapelle Sixtine (Wikipédia/ Vinci) car c’est à cette date que le pape Sixte IV appelle Le Pérugin, Botticelli et autres Ghirlandaio et Signorelli pour commencer la décoration de la chapelle ; ou bien le « motif officiel aurait été selon le souhait de Ludovic le More « d’ériger la plus grande statue équestre au monde, un monument en l’honneur de son père François Sforza » (Jacques Tcharny, http://www.wukali.com/ Leonard-de-Vinci-Le-cheval-Sforza-et-le-monument-Trivulzio).
De cette période milanaise, on lui doit La Vierge à L’Enfant (Louvre, 1483,), un tableau à volets qu’il répliquera en 1506 (National Gallery), La Belle Ferronnière (vers 1495), La Dame à L’Hermine, deux portraits, Portrait de Cecilia Gallerani et Portrait d’un Musicien, et La Cène pour le réfectoire des moines du couvent dominicain de Ste Marie-des-Grâces (1495-98 voir XVIème/Lombardie/Guiniforte Solari et Bramante). Cette fresque a tempera pour des raisons soit d’humidité soit de mal façon commencera à se dégrader après quelque vingt ans au point qu’un siècle plus tard « il n’y ait plus rien à voir ». Cette fresque n’en est pas moins considérée comme une de ses œuvres maîtresses voire jusqu’à une certaine époque son chef-d’œuvre.
Leonardo va commencer à se pencher sur des problèmes d’architecture posés par la flèche de la cathédrale (de Milan) et à partir de ses recherches théoriques et picturales, il commence à prendre des notes qui s’inscriront dans son Traité de la Peinture.
En 1499, alors que le duché est envahi par les Français, il se rend à Venise où il dresse les plans d’une fortification de la Sérénissime sous la menace des Turcs (et invente le scaphandre). Il fait un bref séjour à Mantoue, à la cour d’Isabelle d’Este dont il fait le portrait. Puis, il revient brièvement à Venise, repart pour Rome avant d’entrée au service du fils du pape Alexandre VI, le seigneur et chef de guerre César Borgia, pour lequel il inspecte la Romagne, dresse cartes et plans. Il a pu à cette occasion rencontrer Machiavel, également au service du Prince de Romagne[3].
En 1506, il ne retour à Florence. De cette période, on a la fresque de la Bataille d’Anghiari (1504-06) pour la Salle du Conseil du Palazzo Vecchio. Florence qui était devenue une république à la mort de Savonarole dont elle s’était débarrassée en l’étranglant et le brûlant sur la Place de la Seigneurie, après lui avoir brisé bras et jambes. Commande passée en 1503, pour célébrer la victoire sur les Milanais. Léonard devra abandonner son exécution à cause de l’échec d’un nouveau procédé à l’encaustique qu’il avait voulu expérimenter. Elle fut effacée et Vasari peignit en face, à la place que devait occuper la Bataille de Cascine de Michel-Ange, des scènes de batailles. En cette période, il commence Mona Lisa (1505-17) qu’il emportera en France.
En 1506, sur les instances de Charles d’Amboise († 1511) qui sera successivement Lieutenant-Général (Vice-Roi) de Lombardie puis gouverneur du duché de Milan, il retourne à Milan, conquis par Louis XII en 1499 lors de la deuxième Guerre d’Italie (voir Événements Majeurs). De cette période, on a La Vierge aux Rochers (1506-08), La Vierge, l'Enfant Jésus et Sainte Anne (1508-10). Après son « Cheval Sforza » qu’il finit par fondre en 1493 après 16 années d’étude et que faute de mieux, Ludovic finit par accepter (Jacques Tcharny), il projeta en 1510 un Monument funéraire pour le Maréchal de Trivulce, condottière au service du roi de France, projet qui ne vit jamais le jour.
« Prévu également en bronze, ce qui requérait de remarquables ‘’capacités technologiques ’’, dans le sens où l’entendait la Renaissance, que ne possédait pas l’artiste, il ne dépassa jamais le stade du dessin ». (J.Tcharny)
En 1512, la soldatesque suisse vient de s’emparer de la Lombardie. Les Français qui ont pourtant gagné la Bataille de Ravenne contre les Espagnols quittent le Milanais que reprendra François 1er à une bataille restée célèbre entre toutes les batailles, la Bataille de Marignan en septembre 1515 alors qu’il a été intronisé en janvier. La même année, Leonardo qui avait la protection des Français doit quitter Milan. Après un bref passage à Venise, il se met à Rome au service de Julien de Médicis. Il a en charge la Garde pontificale. Le troisième et dernier fils de Laurent, Giovanni, frère de Julien, est élu pape sous le nom de Léon X († 1521) l’année suivante en succession de Jules II. Trois ans plus tard, son protecteur, le plus jeune des fils de Lorenzo, Julien meurt. En 1516, il se décide à partir (s’exiler ?) pour la France répondant à l’invitation que le vainqueur de Marignan lui avait faite un an plutôt. On peut penser que la décision de Léonard, quelque peu tardive a pu être motivé par la déception qu’il a sans doute ressenti à ne pas se voir confier de grands projets comme à Michel-Ange et Raphaël alors en pleine activité à Rome et de voir sa peinture vue comme dépassée.
C’est donc un an plus tard plus tard, en 1516, qu’accompagné de ses deux fidèles élèves et compagnons, Francesco Méli et Salai Leonardo, et d’un autre élève Battista de Vilanis, qu’il répond à l’invitation de François 1er. Il est alors âgé de 65 ans. Il emporte avec lui ses trésors et ses deux tableaux dont il n’a pas voulu se séparer bienqu’ils aient été des commandes, La Joconde et La Vierge Saint Anne et L’Enfant ; cette dernière était une commande pour le grand autel de l’Annonciation à Florence qu’en 1630 Richelieu rachètera à Méli. A son arrivée à Amboise, il souffre déjà alors d’une paralysie partielle de la main droite qui l’empêche de peindre mais moins de dessiner. Est-ce à une main moins sûre que l’on doit son Déluge, surprenant dessin (16x20 cm) à la pierre noire. Il est contenu dans le Codex de Windsor (1478-1518 du nom du château où il est conservé), un recueil de quelques 600 feuillets de dessin et de réflexions, études et poèmes en écriture spéculaire (en miroir).
« … que les montagnes en se dénudant découvrent les failles profondes faites en elles par les anciens tremblements de terre… et que les blocs chus de certaines montagnes soient descendus au fond d’une vallée, y formant une digue à l’eau débordante de son fleuve, laquelle, ayant rompu ses rives, se répandra en vagues immenses dont les plus hautes percutent et renversent les murs des cités et des villages de la vallée… » ( Codex Windsor ) .
Ses forces vont décliner rapidement. Nommé « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi », il va dresser les plans de fortification du château de Romorantin et organiser fêtes et spectacles publics.
Il y aura vécu trois ans et sera mort à l’âge de 67 ans au Château du Cloux, aujourd’hui Clos Lucé en 1519, année où commençait la construction du Château de Chambord. On dit qu’il est mort dans les bras de François 1er. Il n’est pas impossible que le roi qui le tenait en grande estime ait été averti de sa fin proche et qu’il se soit rendu à son chevet, un souterrain reliant le château au clos. Il fut inhumé à la chapelle de Saint-Florentin du château, mais celle-ci fut détruite en 1802, et l’on ne sait pas exactement ce que sont devenus ses restes. Ludovic Sforza Le More, grand condottiere et duc de Milan, qui fut pendant près de 20 ans son protecteur, mourrait 9 ans plus tôt à quelques dizaines de kilomètres d’Amboise, à Loches, après 8 ans d’emprisonnement.
L’influence de Vinci aura été faible en France. Seul deux peintres du Val de Loire vont en ressentir les effets : Jean Bourdichon (1456-1521) et Jean Clouet (1480-1541).
Vinci est l’auteur d’aphorismes et de fables qui révèlent un Léonard facétieux, piquant, spirituel. Mais aussi auteur de prophéties d’un ton pessimiste qui révèle un être désillusionné sur l’âme humaine.
«A cause de leur superbe, ils voudront s'élever vers le ciel, mais le poids excessif de leurs membres les retiendra en bas. Rien ne subsistera sur terre ou sous terre ou dans les eaux, qui ne soit poursuivi ou molesté ou détruit et ce qui est dans un pays sera emporté dans un autre … Ô Terre! Que ne tardes-tu à t'ouvrir et à les engouffrer dans les profondes crevasses de tes grandes abîmes et de tes cavernes, et ne plus montrer à la face des cieux un monstre aussi sauvage et implacable?»
A partir du moment où à 30 ans, il quitte sa Toscane natale, s’il va revenir à Florence, il ne reviendra jamais vers sa famille qui, semble-t-il, lui a probablement offert chaleureusement une enfance heureuse bien qu’elle ne l’a pas ouvert à de grandes études auxquelles son statut reconnu d’enfant légitimé lui aurait pourtant donné droit. Il quitte une Florence qui est encore celle de Laurent le Magnifique (†1492) et qui ne subit pas encore les admonestations de l’imprécateur Savonarole (†1498) que Laurent, sur son lit de mort à la Villa Carregi fit appeler.
En 1476, encore dans la cité florentine, un procès lui est fait pour sodomie avec trois camarades sur un jeune modèle libertin. L’affaire sera publique et Léonard jeté un moment en prison. Il ne se mariera pas, ne fondera pas de famille mais s’entourera de jeunes élèves. Il adopte en 1490, un enfant de 10 ans, Gian Giacomo Caprotti, qu’il surnomma Salaï (petit diable) et « qu'il aima beaucoup à cause de sa beauté parfaite, de sa grâce et de ses longs cheveux ondoyants...». En 1506, c’est un jeune homme de 15 ans, Francesco Méli, qui devient avec Salaï, le deuxième élève dont il ne se séparera jamais. Les deux élèves finiront par faire contre mauvaise fortune bon cœur en s’accommodant de cette vie à trois. Ils le suivront en France. A sa mort, dispensé de léguer ses biens au roi, en tant qu’étranger, le maître lègue tous ses biens à Méli (†1470), d’origine noble, qui ne tardera pas à rentrer à Milan où son père est sénateur, en emportant ses notes qui seront triées à partir d’un premier classement de Léonard et rassembler en plusieurs chapitres pour être publiées sous le titre Trattato della pittura ou Codex Urbin du nom de sa première édition. Il n’en reste de connus à ce jour que sept (huit ?) chapitres. Il lègue un vignoble près de Milan à Salaï qui aurait quitté le maître un an avant sa mort (?).
Végétarien par souci de ne pas tuer des animaux, Léonard a écrit : « Le jour viendra où les personnes comme moi regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent aujourd'hui le meurtre des êtres humains». Il a également écrit : « Il ne faut pas appeler richesses les choses que l'on peut perdre».
Considéré comme un génie universel, l’homme autant que l’artiste aura été reconnu, admiré de son vivant et n’aura cessé de l’être jusqu’à nos jours. De par sa culture encyclopédique, sa curiosité insatiable, ses infatigables observations, ses études dans les domaines les plus variés, plus particulièrement sur l’anatomie, la mécanique[4], le mouvement de notre planète et encore ses recherches, même si elles n’ont généralement pas abouti à une réalisation concrète et praticable, Léonard incarne plus encore comme homme que comme peintre, l’idéal de la Renaissance, à la fois scientifique mettant à l’épreuve de la raison ses observations sur la nature pour en trouver la logique, et à la fois philosophe intégrant ce mouvement platonicien mêlé d’ésotérisme qui domine son temps.
On l’a dit protestant avant l’heure, sans doute parce qu’il s’opposa à la vente des indulgences comme à la pompe des cérémonies (les 95 thèses de Luther sont placardées sur la porte de l’église de Wittenberg en 1517).
« Le plaisir le plus noble est la joie de comprendre » a écrit Leonardo. Tout au long de sa vie, Leonardo aura mis son esprit ingénieux au service de nouvelles inventions et autres machines. Et son esprit de curiosité au service de recherches et d’études incessantes dans tous les domaines. Mais de même qu’il n’aura pas été un sculpteur ni un danseur ou un musicien, il n’aura pas été un ingénieur au sens propre du terme capable de réaliser techniquement ses projets. On invoque pour cela le fait qu’il était en avance sur une époque qui ne pouvait mettre à sa disposition les matériaux nécessaire (toile de parachute, toile d’aéroplane…).
Inventif plus qu’inventeur, esprit bouillonnant d’idées qu’alimentait son besoin insatiable de connaissances d’autodidacte, il avait incontestablement le don des correspondances, lui qui écrivait que « la proportion ne se trouve pas seulement dans le nombre et la mesure mais aussi dans les sons, les paysages, le temps et les lieux ». Et ces correspondances qu’il établissait entre sciences et art, art et nature, et entre les éléments de la nature entre eux, ne procédaient-elles pas d’une vision ou de la recherche d’une vison globale vers laquelle il tendait ? Connaissances universelles, globalisation du Tout par les correspondances, la fusion que l’on pourrait qualifier peut-être de ’’maternelle’’ des teintes, conversion au divin par une peinture sans touche voire sans matière dans une lumière diffuse et diffusante pourraient être les vecteurs convergents d’une aspiration unique et apaisée à l’unité originelle.
« Il étudie les mathématiques, l’anatomie animale et humaine, ainsi que le vol des oiseaux. Entre 1508 et 1510… Le Codex Leicester, ouvrage de 72 pages donne une solution à la présence de fossiles de coquillages à haute altitude en montagne (le sol, selon Léonard, se serait soulevé)… Il étudie le mouvement de l'eau des rivières et l'érosion qui en résulte et s'intéresse à la lumière émise par la lune qui serait due à la réflexion de la lumière solaire par un océan recouvrant notre satellite… Infatigable et éclectique, il dessine à peu près tout ce qu'il rencontre, humains, animaux, plantes, mécanismes... Il a le rare privilège d'avoir accès à des cadavres humains, dont il étudie minutieusement l'anatomie interne. En géométrie, il explore des formes nouvelles. Son dessin du rhombicuboctaèdre[5] est devenu célèbre. » (https://www. lacenedeleonarddevinci.com/leonard-vinci-biographie-style/)
Hélicoptère, machines hydrauliques, sous-marin, char d’assaut, parachute pour n’en citer que quelques, qu’elles soient tout à fait originales dans leur conception ou des reprises de machines ou d’idées anciennes, parfois venues de Chine, ou encore empruntées au prolifique inventeur Ctesibios d'Alexandrie (285-222) que mentionne largement Vitruve, les inventions de Léonard sont aussi nombreuses qu’elles sont pour la plus part inutilisables, à part quelque unes comme la machine à polir les miroirs. Il était loin d’être le seul ‘’inventeur’’ de son temps. Ses rivaux sont pléthore parmi lesquels il faut compter notamment, cinquante ans avant lui, l’ingénieur et médecin Jacopo Fontana (voir Maniérisme/Architecture). Leonardo avait mis au point une technique particulière d’observation qui consistait à d’abord stimuler son imagination en regardant des tache colorées, des nuages afin peut-être d’y déceler des figures ou certainement pour stimuler vision et concentration puis à observer ensuite la nature ou certains de ses phénomènes.
Ses recherches, ses observations, ses inventions, mais aussi ses réflexions morales, Leonardo, qui était gaucher, les couchait sur parchemin en écriture spéculaire ( de droite gauche, lisible dan un miroir). Elles sont réunies en codex: le Leicester, le Atlanticus et le Madrid I et II[6] et auxquels il faut ajouter avec le Codex Windsor, le codex de Turin sur le vol des oiseaux daté de 1505. Ces codex représentent quelque 13000 pages sont écrites en italien, autrement dit en toscan[7] pour l’époque.
Un des plus célèbres sinon le plus célèbre des peintres occidentaux, Léonard (c’est ainsi qu’il signait) n’aura jamais (plus ou moins) achevé que 18 tableaux. Il aura par contre décrit de nombreux tableaux sortis de son imagination foisonnante.
Certaines de ses œuvres comme la fresque du Palazzo Vecchio qu’il abandonne pour repartir à Milan (1506), ne seront pas achevées pour des raisons tenant au contexte de leur exécution. Mais pour Leonardo un tableau est-il jamais fini ?
Dans son Trattato della Pittura (1482>1518, Bibliothèque du Vatican), huit livres, son seul ouvrage qu’il a commencé d’organiser mais resté inachevé, il note aussi bien des conseils techniques picturaux que ses réflexions sur le rapport de l’art et de la nature, de l’art et de la science, domaines qu’il considère comme étroitement liés. La peinture étant comme l’aboutissement, l’expression d’une recherche, d’une connaissance acquise de la nature par les sciences (mécanique, anatomie).
Leonard fait évidemment appel à la perspective mais plus qu’à la perspective linéaire, il use de la perspective aérienne (ou d’atmosphère) qui signifie le lointain par les nuances dans la teinte qui va vers plus de douceur, et les valeurs de la teinte ou ton, du foncé vers le clair. Les figures vont elles tendre à être moins cernées jusqu’à pouvoir être diffuses. Plus précisément, Léonard va utiliser la perspective chromatique, à savoir qu’il va de plus en plus bleuir l’espace au fur et à mesure de l’éloignement des plans. La Vierge au Rocher en est un des meilleurs exemples.
« …perspective aérienne théorisée à l’époque par Léonard de Vinci grâce à un découpage de l’espace en trois plans couleur : brun-ocre pour le premier, vert pour le plan moyen, bleu pour le lointain ». (Karel Vereycken, Joachim Patinir et l’invention du paysage en peinture https://www.solidariteetprogres.org/ documents-de-fond-7/culture/Joachim-Patinir-invention-du-paysage-enpeinture.html)
D’autres part, Leonard n’utilise pas de couleurs vives comme le font encore ses contemporains selon la tradition médiévale. Il use de tons doux et nimbe ses personnages dans une atmosphère diaphane. La lumière est diffuse. Cet effet de lumière comme tamisée est le sfumato (chiaroscuro), c’est-à dire que le passage de l’ombre à la lumière (ou inversement) qui donne le clair-obscur se fait de manière très progressive. Pour cela Léonard utilise non seulement le mélange très progressif de blanc ou de noir à la couleur, voire de l’encre de Chine, mais aussi le lavis en diluant plus (ou moins) sa pâte. A la période baroque et à partir de Caravage, le clair-obscur, connu depuis l’Antiquité, sera franc, tel que l’avait déjà employé Giotto, par exemple dans le Baiser de Judas (fresques de l’Arena, Padoue, 1304). Georges de La Tour sera un des plus brillants représentants de ce clair-obscur au contraste puissant.
La Touche
Perspective chromatique ou de sfumato ne peuvent donner tous leurs effets que par la subtilité, la délicatesse de la touche. Si l’on devait caractériser la technique picturale de Léonard, ce pourrait bien être cette inimitable qualité de la touche : touches sur touches, la touche vient sans fin (pour Leonard) effacer la précédente au point que plus aucune touche ne soit visible, afin que la main de l’artiste (de l’homme ) ne soit jamais intervenue.
« Grâce aux analyses quantitatives, on parvient à en démontrer l’épaisseur et à détecter une couche incroyablement fine de un ou deux micromètres ; parfois on a des couches de trente ou quarante micromètres c'est-à-dire la moitié de l’épaisseur d’un cheveu...». (Philippe Walter, directeur du Laboratoire du centre de recherches des Musées de France à propos de La Joconde)
« La science de la peinture est tellement divine qu'elle transforme l'esprit du peintre en une espèce d'esprit de Dieu. » (Léonard).
« Mona » est la contraction du titre honorifique ‘’Madonna’’, qui signifie grossièrement ‘’Madame’’ ou ‘’Ma Dame ‘’. ‘’Mona Lisa’’ est donc une simple formule de politesse adressée au nom supposé du sujet. Le titre ne semble pas avoir été donné par Vinci lui-même mais plutôt par Giorgio Vasari, un historien de l’art contemporain de Vinci, qui rapporte également qu’il s’agit du portrait de Lisa Gherardini. Le titre italien de cette œuvre est La Gioconda, qui signifie « La Joviale » et qui est un jeu de mots sur le nom de famille de son commanditaire.» (http://www.oeuvres-art.com/mona-lisa.html).
Car Mona Lisa, issue d’une très ancienne famille noble de Toscane, serait Lisa di Antonio Maria Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo qui aurait commandé le portrait. Mais nombres d’historiens de l’art s’avèrent d’autant moins convaincus de cette thèse qu’ils poursuivent leurs recherches pour identifier formellement La Joconde (recherche ADN, etc.) Une autre thèse voudrait que la jeune femme ne soit autre qu’une favorite de Julien de Médicis. Pour autant,
« Un manuscrit découvert à Heidelberg semble apporter la preuve de l'identité de la femme au sourire mystérieux[8]. En octobre 1503, Agostino Vespucci, un fonctionnaire florentin, tombe à la lecture de son édition des œuvres de Cicéron sur un passage consacré au grand peintre grec Apelle. En marge du texte, il le compare à son contemporain Léonard de Vinci, qui, note-t-il, est en train de travailler à trois tableaux dont un portrait de Mona Lisa del Giocondo ». (Pierre Bocev 16/01/2008, Le Figaro)
Selon la Mona Lisa Foundation (Zürich), s’appuyant entre autres sur L’Encyclopedia America (Vol. 19/ Pg. 335, Édit 1951), et sur les publications de l’historien d’art J.R. Eyre, il y aurait deux Mona Lisa, celle exposée au Louvre et une plus ancienne et représentant une Mona Lisa plus jeune :
« Les trois récits historiques principaux entourant l’émergence de ‘Mona Lisa’, ceux de Giorgio Vasari, Antonio de Beatis et Gian Paolo Lomazzo (1538-1592)[9], sont totalement différents les uns des autres et ont été écrits à des décennies de distance. Pris ensemble, ces récits indiquent deux portraits distincts et différents, l’un représentant la jeune Mona Lisa et le second une «femme florentine» ou ‘’La Gioconda’’ ».
Celle du Louvre est peinte sur bois de peuplier en 77x53 cm (format étonnamment plus proche d’un format ‘marine’ que d’un format ‘figure’). Celle antérieure, nommée Isleworth Mona Lisa a été attribuée après études d’experts, en 2005 et 06, à la main de Léonard de Vinci au moins pour le visage et les mains. Elle est peinte à l’huile sur toile, dans un format plus large avec deux colonnes de chaque côté, qui ne sont pas présentes sur la Joconde du Louvre, ce qui pourrait expliquer le format plus étroit (toile coupée ?). Cette attribution ne fait pas encore toute l’unanimité, bien qu’elle soit de plus en plus admise. Elle a été acquise par le collectionneur Hugh Baker après être restée pendant un siècle dans un manoir du Somerset. Un dessin de Raphaël (Louvre), daté de 1504 serait un dessin de mémoire d’après le portait de la ‘’jeune’’ Joconde qu’il aurait vu dans l’atelier de Léonard. Comme sur la Mona Lisa de Isleworth (proche de Londres) sur ce dessin figurent les deux colonnes latérales. Il est à rappeler que Vinci a peint deux Vierges au Rochers (1485, Louvre et 1508, National Gallery).
Il existe une troisième Joconde, appelée Monna Vanna (Musée de Chantilly). Un dessin au charbon de bois (fusain, Léonard utilisait beaucoup le fusain, bois de saule calciné) rehaussé de mine de plomb sorti de l’atelier de Vinci mais sur lequel les études récentes disent qu’il n’y a aucune partie de sa main. Cette Mona présente le même buste visible jusqu’au bras dans la même position, mais sa poitrine est nue. Elle paraît plus en chair. Le visage est totalement de face. On compte six « Jocondes nues » sorties de l’atelier de Léonardo ; et il y a en quelque trente-cinq autres de provenances diverses dont entre autres un ‘’Buste de jeune femme dit Flore parmi les fleurs’’, peint au XVIIème siècle, (Accademia Carrara, Bergame).
Quant au célèbre sourire de Mona Lisa, des témoignages narrent qu’un groupe de musiciens jouait pendant les heures de travail du peintre afin qu’elle garde cette attitude joyeuse. Des médecins ont expliqué son « sourire crispé » et le gonflement de certaines parties du visage et des mains par une hypothyroïdie. D’autres par une paralysie partielle du nerf facial (Paralysie de Bell). D’autres l’ont attribué à son seul état de bonheur etc. etc. Il est à noter que toutes ses explications élaguent celle du talent et de la libre inspiration du peintre[10] car il n’est pas dit que le sourire du tableau soit celui du modèle, tableau que Vinci ne donna jamais à son commanditaire...à moins qu’il lui ait donné la première version d’Isleworth (?)
Le mystère sur l’identité du modèle autant que son sourire ont pu faire oublier l’innovation importante que Léonard apporte à l’exécution du portrait. Jusqu’à lui, seuls le visage et le haut du buste étaient peints et de trois quart. L’innovation de Léonard est double : il nous montre son modèle ostensiblement de face et son regard vers nous et le peint en demi-figure, c’est-à-dire jusqu’à la taille, bras compris. Raphaël dans sa Maddalena Doni (Florence1506, Maddalena Strozzi) sera un des premiers à adopter ce type de portrait qui deviendra courant par la suite.
Nombreuses seront les copies de La Joconde, à commencer par La Joconde du Prado, attribuée à Melzi ou Salaï peinte du vivant de leur maître.
Michelangelo Buonarroti (1475-1564) est né à Caprese près d’Arezzo en Toscane dans une famille bourgeoise prétendant à la noblesse mais ruinée. Sa mère meurt alors qu’il a six ans. Son père, magistrat, le met en nourrice dans une famille de tailleur de pierre pour quatre ans. Il a dix ans quand il va passer son adolescence à Florence. Sa vie est facilement traçable alternant période de peinture et période de sculpture entre Florence et Rome, et période d’architecture qui entame tardivement à l’âge de 62 ans en1538 avec le réaménagement de la Place du Capitole.
En 1488, il entre à 13 ans et pour un an dans l’atelier de D. Ghirlandaio. Mais il se sent une vocation avant tout de sculpteur. Il entre dans l’atelier du sculpteur Bertoldo di Giovanni (1420-1491) qui fut élève de Donatello (1381466) et qui enseigna également Pietro Torrigiani (1472-1528, voir Outre-Manche/Sculpture) Remarqué par Laurent, il vient vivre en 1490 et pour deux ans au Palais de la Via Larga. Il y fréquente les grands humanistes Marcile Ficin et Le Politien entre autres. Il donne ses premières sculptures notables, deux bas-reliefs : La Vierge à l’Escalier et La Bataille des Centaures, et une ronde-bosse, Hercule.
à la mort de Laurent en 1494, Savonarole va monter la population florentine contre les Médicis. Une période de grands troubles va suivre qui va amener M.A. à quitter Florence pour Venise puis Bologne. Après un bref retour à Florence sous l’emprise de l’imprécateur, il se rend à Rome en 1496. Il a 21 ans. Il y reste 5 ans. Il sculpte à 22 ans ses deux premières œuvres maitresses qui le font remarquer, le Bacchus terminé en 1498 et la Pietà en 1498, qui sera placée dans la Basilique.
De 1501 à 1505, il est à nouveau à Florence. Il sculpte son David (1501-04) qui de ses cinq mètres de haut domine la Place de la Seigneurie. Il exécute les cartons de la Bataille des Cascine qui devait faire le pendant de celle que Vinci était en train de peindre dans la Salle du Conseil du Palazzo Vecchio, La Bataille d’Anghiari (1504-1506). De même que Vinci n’acheva pas sa fresque, M.A ne peindra jamais la sienne. Vasari sera chargé de peindre à leurs places des scènes de bataille. Il peint par contre une série de tondi (de tondo, petit bouclier circulaire pour le combat rapproché). Le tondo peint était déjà très à la mode dans la Florence de Laurent le Magnifique. Botticelli avait peint moins de 20 ans plus tôt six fameux tondis dont notamment La Vierge à La Grenade (x143cm). Le tondo était l’équivalent d’image pieuse servant aux dévotions privées.
Michel-Ange est convié en 1505 par Jules II (†1513). Issu d’une riche famille de la Ligurie (n.e. péninsule), Giuliano della Rovere, élu pape en 1503, surnommé le pape-soldat, mène le combat pour reprendre Pérouse et Bologne, et chasser César Borgia de l’Émilie –Romagne (côte est). Il crée des alliances avec notamment Venise contre les prétentions territoriales italiennes de Louis XII, excommunie en 1509 les évêques du Concile de Pise soutenu par le roi de France et l’empereur Maximilien 1er, et convoque le Vème Concile de Latran (1512-1517, voir Évènements Majeurs/ Conciles). Pape mécène, c’est lui qui va lancer le projet de la transformation de la Basilique St Pierre dont Bramante tracera les premiers plans, et fera venir à Rome des artistes de renom comme l’avait fait un siècle auparavant, le pape Martin V pour rétablir le prestige d’une Église qui sortait déchirée du Grand Schisme (1378-1417).
M.A. se voit confier le décor du plafond de la Chapelle Sixtine. Commencé en 1508, il fut achevé en quatre ans. En cette même année, Le Pérugin qui dans les années 1480 avait déjà réalisé six fresques à la chapelle où travaillaient également Botticelli et Ghirlandaio, est convié par le pape à peindre la voûte de la troisième Stanza (pièce) des appartements de feu le pape Nicolas V, la Chambre de L’incendie du Borgo. Michel-Ange n’a pas d’autres mots pour lui que de le traiter de ‘gougnafier’ (bon à rien). Pendant cette même période, Raphaël travaille de 1508 à 1511 au décor de la Chambre de la Signature, salle publique du palais, auquel fera suite le décor des trois autres Stanze (pièces) qui l’occupera jusqu’à sa mort en 1520. Le pape plus satisfait du travail de Raphaël va retirer Le Pérugin du projet. Deux moments importants dans l’histoire de la Haute Renaissance et de la Renaissance en général.
M.A. va ensuite sculpter de 1513 à 1515une de ses pièces les plus fameuses, prévue pour le monument funéraire du pape Jules II à église San Pietro in Vincoli, (St Pierre aux Liens), le Moïse. Le monument devait être à l’origine un mausolée (avec défunt) qui devait comprendre quarante figures, le mausolée deviendra à la suite de la mort du pape en 1513 et de nombreuses modifications apportées au contrat originel, un cénotaphe (absence du défunt) avec seulement 11 figures sur deux étages dont M.A. n’aura sculpté en définitive que le Moïse[11] (1505-16), la Victoire (en haut à gauche), les quatre esclaves en ‘atlante’ restés inachevés, les cinq autres statues : Rebelle et Mourant (Louvre) inachevés et les Jeune, S’éveillant et Barbus (Académie de Florence) ébauchés auxquels on ajoute l’Atlas. Il y aura quand même travaillé par intermittence jusqu’en 1532.
En 1519, Léon X, second fils de Laurent de Médicis et ami d’enfance de M.A, le charge d’aménager la chapelle funéraire des Médicis à la Basilique San Lorenzo (Florence), basilique à l’intérieure de laquelle se trouvent les deux chapelles de la famille Médicis : Dans la Nouvelle Sacristie (Sagrestia Nuova), M.A va sculpter de 1521 à 1527 et de 1530 à 1534 (en alternance avec le monument de Jules II à Rome) les tombeaux de deux Médicis, celui de Giuliano (†1516), fils de Laurent, duc de Nemours, avec les deux Sculptures du Jour et de la Nuit, et celui de Laurent II (†1519), duc d’Urbino, fils de Pierre II, petit-fils de Laurent, avec les deux Sculptures de l’Aurore et du Crépuscule, les Médicis étant représentés revêtus de la tenue militaire à l’antique, répondant au Style Héroïque cher à Florence et qu’avait initié Donatello, un siècle plus tôt avec son St Georges et comme Piero della Francesca (†1492) l’illustra en peinture. La seconde chapelle, la Chapelle des Princes avec dôme ne sera commencée qu’en 1604. A la même période, M.A. dessine les portes du vestibule (ricetto) et celles de sa salle de lecture de la Bibliothèque Laurentienne commencée en 1523.
Après le sac de Rome, en 1527, la République Florentine prend à nouveau la place des Médicis revenu au pouvoir en 1516. M.A. travaille à la fortification de San Miniato. En 1530 les troupes de Charles-Quint occupent Florence et remette un Médicis à sa tête, Alexandre III de Médicis dit le Maure[12] qui sera duc de Florence en 1532.
Rome : En 1534, M.A. quitte définitivement Florence pour Rome. Il reçoit du pape Clément VII la commande du Jugement Dernier de la Chapelle Sixtine qu’il exécutera de 1536 à 1541. Jules de Médicis († 1534), neveu de Laurent, élu pape en 1523, opposant tenace au pouvoir temporel (Charles-Quint, Henri VIII) et qui devra accompagné du peintre Sebastiano del Piombo, se réfugier dans le Château St Ange pendant le sac de Rome, est lui aussi un pape mécène. Il fait venir des artistes renommés comme Le Parmesan[13] († 1540) qui arrive à Rome en 1524. Paul III (Alexandre Farnèse, 1549) qui va succéder à Jules II en 1534 convoquera le Concile de Trente (1542-63), celui de la Contre-Réforme. Le Titien fera de lui en 1543. un portrait resté célèbre.
M.A. fréquente le cénacle de Vittoria Colonna (†1547), Marquise de Pescaire (Abruzzes) issue de la très ancienne famille romaine des Colonna qui donna plusieurs papes à l’Église et eut plusieurs condottieri tout comme la famille rivale, les Orsini. Poétesse, inspirée par Pétrarque, elle s’entoure de grands poètes et écrivains comme le dramaturge ami du Titien, L’Arétin (1492-1556), de Bernardo Tasso (1493-1569), père de Torquato Tasso, auteur de la Jérusalem Délivrée, ou encore de Jacopo Sannazaro (1458-1530), auteur de L’Arcadia et initiateur du mouvement de l’Arcadie (Voir Littérature/Poésie/Italie). M.A. écrit sous son inspiration madrigaux et sonnets (son petit-neveu les fera imprimer en 1623) fortement inspirés par Pétrarque et Dante. Ses premiers poèmes datent du début des années 1500 et ses derniers, de 1545, portent sur la mort.
« Sa production poétique finit par trouver son unité dans sa double passion pour le jeune aristocrate Tommaso Cavalieri et Vittoria Colonna. » (Encyclopédie Larousse/ littérature/ Michel-Ange)
Dans les années 1540, il va peindre deux fresques, La Conversion de St Paul et La Crucifixion de Saint Pierre qui marquent un terme à son œuvre peinte. Il achève le cénotaphe de Jules II et se consacre à l’architecture. Au Palais Farnèse (actuelle Ambassade de France, sous bail emphytéotique) que la Cardinal Farnèse (Paul III) avait commencé à faire construite en 1517, il prend la succession de l’architecte Antonio Sangallo le Jeune († 1546) pour la construction de son second étage; à ne pas confondre avec la Villa Farnèse (Villa della Farnesina, 1508-11), lieu de villégiature, construite par l’architecte Peruzzi pour le banquier et mécène siennois Agostino Andrea Chigi (†1520). Cette villa décorée notamment par Raphaël, fut acquise par les Farnèse en 1579 d’où son nom.
A partir de 1538, il se fait architecte. Il va notamment réaménager La Place du Capitole quasiment en ruine et jouer un rôle déterminant dans l’avancée de La Basilique St Pierre (voir architecture/Classicisme Romain). A la suite de quoi, il finira sa vie à travailler pour lui-même : sculpture de Pietà, dessins à thèmes religieux… Il meurt à l’âge avancé de 89 ans. Son corps est transporté à Florence et inhumé à Santa Croce.
Admiré, vénéré de son temps, ‘Il Divino’ laisse une œuvre considérable par la marque de son génie et par l’influence qu’elle aura sur les artistes des siècles futurs. La dominante de son œuvre est la monumentalité. Ses personnages sculptés et peints, que leurs mouvements soient empreints de grâce, d’élégance, ce qui arrive, ou la traduction d’une pression interne, leur enveloppe corporelle est toujours massive, compacte, solide ou bien en chair, toujours tendant au gigantisme. Une force vitale, une puissance les anime. Nous sommes loin de toute compassion et de toute piété, loin de l’amour christique, loin d’un art civilisé mais plutôt devant l’effet des pulsions d’une Nature indomptée, païenne. En architecture, sans l’avoir inventé, il aura une prédilection pour Style Monumental, un ordre classique qui s’élève sur deux niveaux et qui est apparu discrètement à Florence au XVème siècle dans différentes tentatives. Il y a de la démesure et dans les œuvres et dans les projets qui les suscitent.
Comme Vinci, Michel-Ange ne sait pas marié et n’a pas eu de descendance. De par sa correspondance, l’on sait l’attrait qu’ont exercé sur lui les Gherardo Perini, Febo Di Poggio, Cecchino De’ Bracci, mais l’amour de sa vie, il le rencontre alors qu’il a 57 ans en la personne idéalement belle de Tommaso Cavalieri, un éphèbe de 22 ans, fils de banquier florentin qu’il rencontre deux ans avant son départ définitif pour Rome où ils se retrouveront. On peut supposer étant donné que le jeune homme se maria en 1545 que leur relation fut platonique comme l’on peut aussi bien supposer que celui-ci a pu être, au moins dans sa jeunesse, bisexuel ou encore céder par complaisance aux avances de celui qu’il admirait et qui lui écrivait souhaiter être à ses côtés « de jour comme de nuit ».
On sait également l’attraction que Vittoria Colonna exerça sur l’artiste, mais rien ne laisse supposer une quelconque liaison. Il partagea une réelle amitié avec son collaborateur (Monument de Jules II, Jugement Dernier), le peintre Francesco Amaroti dit Urbino († 1556) et avec sa femme. Il fut le parrain de leurs enfants. Il écrit à Vasari (on a aussi gardé sa correspondance avec Sebastiano Del Piombo, Bronzino et Benvenuto Cellini) :
« Plus encore que de mourir, il était navré de me laisser vivant en ce monde infâme avec tous mes tourments, même si la plus grande part de moi-même s’en est allée avec lui, et s’il ne me reste rien d’autre qu’une misère infinie.» (cité par Robert Maggiori, Libération, 10/02/2011)
Vasari qui l’a côtoyé disait de lui qu’il était sale : « Il se couchait et se levait dans les mêmes vêtements, sans avoir ôté ses bottes ». Il avait la réputation d’être particulièrement avare et son avarice n’avait d’égale que son mauvais caractère. Un grognon prompt à se mettre en colère. C’était un solitaire. Il écrit à son frère : «Je n’ai aucune sorte d’ami et je ne veux pas en avoir.» A en croire la biographie d’Arman Farrachi (Gallimard 2010), ce forcené de travail ne savait que faire quand il n’avait pas un pinceau ou un burin à la main. Totalement désœuvré, « il restait les bras ballants, l'œil atone, comme mort. »
Le traducteur et éditeur Pomponius Gauricus (1481-1530) qui évolua dans les milieux littéraires et artistiques de Padoue diffusa des textes anciens et des commentaires néoplatoniciens. Il publia en 1504 son traité sur la sculpture (et la physiognomonie), De Sculptura, dédié à Ercole 1er d’Este, duc de Ferrare dans lequel il expose la perspective centrale (géométrique) en peinture et fait prévaloir la sculpture à tous les autres arts visuels. M.A. défendra toujours cette prévalence de la sculpture sur la peinture.
Lors de son apprentissage auprès du sculpteur Bertolodo, il avait retenu l’attention de Laurent de Médicis. Et c’est
« une supercherie, l’exécution d’un Cupidon, vendu pour un antique [il s’était fait une réputation d’imitateur d’antique] qui lui valut d’être appelé à Rome et d’être introduit dans l’entourage du cardinal Riario auquel appartenait le collectionneur Giacopo Galli [qui lui commanda son Bacchus]. (B.Ceysson, La Sculpture/Renaissance, Taschen 2002).
L’attitude a contrapposto qu’il donne à ce Bacchus -le poids du corps déhanché repose sur une jambe, l’autre jambe est fléchit, généralement en arrière - il la redonnera à son David de 1501-04.
Par la tension dramatique qu’il donne par leur torsion à ses statues, à l’opposé de celles de Raphaël, il annonce le Maniérisme. S’il y a toujours chez lui cette recherche de la beauté parfaite, elle ne se traduit pas par la sérénité d’une pose tranquille, frontale, ni par le sentiment héroïque mis en valeur à la Première Renaissance florentine ni non plus par la grâce juvénile des Hermès qui émanaient de la statuaire de cette première période florentine. Les mouvements qu’il donne aux Esclaves comme à Moïse sont contraires et contraignants.
La Pietà de 1499 (Basilique), thème peu représenté dans la sculpture, est toute de fluidité dans le long déploiement du corps d’un Christ noyé dans les amples, riches, raffinés drapés du linge mais aussi dans la robe et la coiffe de la Vierge qu’il anime d’un mouvement d’une vibration permanente. La sculpture contient, retient une impression d’inébranlable stabilité de par la construction en pyramide qu’accentue la calme immobilité du buste en retrait de la vierge, l’isolant presque, les yeux fermés, de son fils. Si les personnages de la Pietà exécutée, elle, un demi-siècle plus tard (1549-55, Cathédrale de Florence,) semblent avoir assumé, eux, posément la descente de la croix, le corps ‘vrillé’ du Christ nous montre l’évolution de l’esthétique de l’artiste vers l’expression dramatique. Si dans la Chapelle des Médicis Giuliano et Laurent II portent encore la tenue héroïque à l’antique, les statues du Jour et de la Nuit, de l’Aurore et du Crépuscule reposant en position instable sur des volutes « tendues comme des ressorts » nous mènent à cette tension de plus en plus nettement signifier qui caractérise la période maniériste.
La Chapelle des Médicis est sans doute son projet le plus ambitieux, plus encore que Le Tombeau de Jules II qui lui aussi, jalonné de vicissitudes, ne répondra pas à ses exigences grandioses et entrainera chez lui bien des tourments. Ce projet de cénotaphe devait comprendre un monument central, un arc de triomphe, des allégories sculptés des fleuves Tibre et Arno, de la terre, du ciel… Il restera inachevé, Clément VII le réclamant à Rome ajoutant encore à cet inachèvement
« On a pu y voir la conséquence de la lassitude de l’artiste empêtré dans ses propres contradictions, déchiré entre ce que nous appellerions aujourd’hui son engagement artistique et ‘’politique’’ et la nécessité d’obéir aux exigences du commanditaire, le symptôme d’une conduite de l’échec caractéristiques d’un tempérament mélancolique ne pouvant concilier une sexualité qu’il jugeait ‘’ coupable’’ avec ses convictions religieuses et spirituelles »(Bernard Ceysson op.cit.)
Mais l’inachevé fait partie intégrante de l’esthétique de Michel-Ange. Les coups de burin, aussi bien que la forme encore prisonnière de sa gangue symbolisent tout l’effort de l’humain tentant de sortir de sa condition trop humaine enchainé qu’il est par la chair. Ils traduisent l’expression de la vie sortant de la matière inerte.
Les œuvres sculptées donnent lieu à des interprétations diverses qui se déclinent en deux principales orientations, l’orientation néoplatonicienne et l’interprétation chrétienne.
De Michel-Ange peintre, on retient le décor de la voûte de la Chapelle Sixtine et son Jugement Dernier au mur de l’autel. On connaît moins ses peintures sur bois, peu nombreuses, il est vrai. La Tentation de St Antoine peinte à l’âge de 12 ans, une copie certes de Martin Schongauer (Voir XIVème siècle/ Outre-Rhin/Peinture) mais où l’on peut déjà noté sa précocité dans la maîtrise de la couleur, de la composition et du dessin. La Madone de Manchester de 1497 qui se calque sur l’esthétique de la seconde phase florentine de la deuxième moitié du XVème siècle qui l’a vu naitre. La Mise au Tombeau de 1501 comme le précédent non achevé. Cette tempera avec reprises à l’huile sur bois de 162x150cm, prévue comme retable de l’église San Agostino de Florence, nous montre dans une composition quasi chorégraphique un Christ nu.
M.A. a également exécuté de nombreux dessins, non seulement en préparation de ses projets, dessins donc de figures et d’architecture, mais aussi des portraits et des scènes mythologiques pour Tommaso : Ganymède, Tityos, Phaéton… ainsi que des cartons sur commandes : Toli Me Tangere, Vénus et Cupidon. On lui attribue quelque 870 pages d’études. Son ami L’ Arétin (†1556) lui écrivait :
« La perfection du dessin (clef de l’expression picturale) vous est si familière que vous voyez dans la représentation du corps humain la fin de l’art, c’est-à-dire dans ce qu’il a de particulièrement inaccessible ».
Le dessin prit une place de choix à la Renaissance parmi les collectionneurs. Les dessins préparatoires, les cartons étaient recherchés comme ceux de la Bataille de Cascina. Alphonse 1er d’Este (†1534) était en quête lui de dessins de Raphaël.
La Chapelle a été achevée en 1481. Elle est dotée d’une voûte en berceau terminée par des voûtains triangulaires et des lunettes latérales (berceaux creusés dans la voûte, soient aveugles soit occupés de baies vitrées). Une tribune était réservée aux chanteurs et une autre sur trois côtés à la curie.
« En confiant la décoration de sa chapelle à certains artistes, le pape Sixte IV initie le premier projet cohérent d’un langage commun de l’art italien lié à la fresque… S’ensuivirent durant les vingt dernières années du siècle un suite ininterrompue de cycles dans les principaux centre (Urbino, Ferrare, Milan…) (G.Kazerouni, La fresque italienne du 13ème au 18ème siècle, Édit Place des Victoires, Paris 2012)
Dans les années 1480, les murs latéraux ont été peints par Botticelli (La Tentation du Christ et Vie de Moïse), Le Pérugin (Baptême du Christ), Cosimo Rosselli (La Cène et L’Adoration du Veau d’Or et Le Passage de la Mer Rouge). Ghirlandaio et Signorelli ont eux aussi été appelés par le pape Sixte IV (1414- 1471-1484).
M.A. a 33 ans lorsqu’il commence en 1508 à orner la voûte de la chapelle à la demande du pape Jules II. Il lui faudra quatre ans pour couvrir une surface de 40,23 mètres de long x 13,40 mètres de large et 20,70 mètres de haut[14]. Le rapport 21/13 donne le nombre d’Or : 1,62. Cela représente une surface de 800m2 peints à buono fresco[15]. M.A. dut concevoir un échafaudage spécial pour lui permettre de peindre debout et non pas couché comme la légende le veut. Debout, mais la tête en arrière et les bras levé pendant quatre ans.
Les scènes sont tirées de l’Ancien Testament (la Création le Déluge…). Le centre de la voûte est occupé par quatre scènes principales et cinq autres plus petites tirées de la Genèse, décomposées en trois scènes consacrées à la création du monde, trois à Adam et trois à Noé. Aux retombées de la voûte sont figurés les douze prophètes et cinq Sibylles
« Ces immenses figures où tout est cohérent et défini, jusqu’au pli du drapé et au détail des gestes sont le plus haut accomplissement du dessin linéaire des Florentins amplifié par la monumentalité romaine ». (Dicotionnaire De la Peinture Italienne Nathan, 1964)
Il est à remarquer que si Vinci a utilisé le clair-obscur, un clair-obscur très doux, sfumato, Michel-Ange se sert du cangiante (changement) pour peindre les clairs et les foncés. Alors que pour le clair-obscur, le passage entre lumière et ombre se fait de façon (plus ou moins) progressive par une plus ou moins grande dilution du pigment ou l’ajout d’obscurcissant comme l’encre, dans le cangiante, le peindre change carrément de teintes, ce qui lui permet de poser une teinte nettement plus claire ou plus foncée si celle qui est à dégrader ne peut donner de manière satisfaisante une valeur plus claire ou plus foncée. Les peintres jusqu’à une époque récente ne disposaient pas d’une très grande variété de pigments colorants. Ils étaient tous naturels, d’origine minérale ou végétale.
Outre la représentation de Dieu touchant (presque) du doigt Adam (=Homme), les séries d’ugnidi, personnages nus en différentes poses, entourant les 9 panneaux de la Genèse, sont aussi célèbres. Certains ont vu dans ses nus la manifestation de l’homosexualité de l’artiste.
« Les fresques de la chapelle Sixtine font de Michel-Ange l'apôtre du Maniérisme regroupant des peintres qui préfèrent les lignes courbes aux lignes droites et qui privilégient les scènes propres à l'expression d'une tension dramatique. » (Encyclopédie Larousse)
Commandé par Jules II (†1534) en 1532, Le Jugement Dernier est peint sur le mur du fond de 16mx13m de 1536 à 1541, soit plus de 20 ans après le plafond. Cette fresque grandiose inaugurée en grande pompe en 1541 devait être une sorte de résilience de la papauté après les tragiques heures que connue Rome en 1527. Cette fresque compte plus de 400 personnages. La figure centrale du Christ jugeant est quasiment athlétique. A sa droite, la Vierge en retrait, bras repliés sur la poitrine, en signe d’impuissance (?), détourne son visage. Au-dessus du Christ, les anges de l’Apocalypse réveillent les morts qui vont être jugés. Dans la partie inférieure, les réprouvés sont violemment débarqués sur la rive du Styx de sa barque par un Charon furieux, tandis que sur la gauche les élus montent aux cieux accompagnés des anges. M.A. s’est représenté en bas, à gauche du Christ dans St Barthélémy se défaisant de sa peau.
M.A. vient tardivement à l’architecture, à l’âge de 62 ans avec l’aménagement en 1538 de la Place du Capitole, suivront la création de la cour du Palais Farnèse, de la Porte Pia, les plans de la coupole de la Basilique et les rénovations des églises Saint-Jean-des-Florentins et de Saint-Marie-des-Anges située à l’intérieur des thermes de Dioclétien, et de la Chapelle Sforza.
En 1523, il avait dessiné les plans du Ricetto, le vestibule de la Bibliothèque Laurentienne avec son imposant escalier et sa porte d’entrée sur la salle de lecture dont il dessinera plus tard les stalles. L’exécution sera confiée en 1560 à l’architecte Ammanati. Ici, les éléments architecturaux, jeux de doubles colonnes dans des niches, fausses fenêtres, ne sont plus utilisés à des fins architectoniques mais à des fins décoratives.
Pour le réaménagement de la Place du Capitole (Piazza del Campidoglio (le Capitole est une des sept collines de Rome), il va être amené à concevoir un véritable plan d’urbanisme. Il transforme le Palais des Sénateurs (XIIème siècle, devenu le siège municipal) qui ferme la place côté du Forum, et y ajoute un escalier monumental à doubles volées aux pied desquelles les allégories sculptées du Tibre et du Nil encadrent une fontaine dominée par la statue en marbre de la déesse Rome. La tour et l’horloge sont de l’architecte lombard Martino Longhi l’Ancien (1534-1591). Il reconstruit le Palais des Conservateurs que Giacomo della Porta termine entre 1564 et 68. Il dresse les plans d’un troisième palais, le Palazzo Nuovo en face et copie de celui des conservateurs. Ce deuxième palais sera construit au XVIIème siècle par les frères Rinaldi. Ces deux palais sont les Musées du Capitole où sont exposées notamment les pièces antiques dont la fameuse Louve Capitoline (allaitant Castor et Pollux) pour lesquelles le pape Paul III avait demandé à M.A. ce réaménagement de la place. A l’entrée de la place à laquelle on accède par un escalier monumental construit par Le Vignole († 1573) ou selon les sources par Giacomo della Porta (†602), les Dioscures (Castor et Pollux) achèvent cette scénographie qui tourne autour de la copie en bronze de la statue équestre de Marc-Aurèle placée au centre de la place. La statue originale (IIème siècle) est au Nouveau Palais, de même que le célèbre Galate Mourant, un des chefs -d’œuvre de la sculpture romaine antique ainsi que La Louve Allaitant[16].
Au Palais Farnèse, M.A. construit à partir de 1540 une cour sobre, aux rapports harmonieux toute d’inspiration classique. Il surélève l’édifice commencé par Sangallo et lui ajoute un étage et l’imposante corniche, et s’inspire largement du Colysée, lui empruntant la reprise d’un étagement des trois ordres, dorique, ionique et corinthien : en rez-de-chaussée : arcatures et colonnes engagées, au deuxième niveau : colonnes ioniques, au troisième niveau : pilastres engagés aux chapiteaux corinthiens et niches au sous-bassement des fenêtres. La façade est de briques et de travertin de réemploi de l’antique. Vasari et Le Dominiquin, jeune, travailleront entre autres à sa décoration dans la seconde moitié du siècle et Annibal Carrache et ses frères décoreront la fameuse galerie dite des Carrache à partir de 1597.
Avec la Porte Pia (1561), M.A. libère son extravagance en superposant une seconde porte à la porte d’entrée, et ornant le tout de guirlandes de frontons triangulaires et à volutes et cartouches. A la même période, il construit l’église Santa Maria degli Angeli e dei Martiri, une des 28 basiliques mineures que compte Rome.
L’Ordre Colossal consiste a élevé l’ordre corinthien hérité de la Grèce Antique sur toute la hauteur d’une façade ou d’une entrée. C’est l’ordre corinthien qui est choisi car traditionnellement l’ordre dorique est réservé au niveau inférieur, l’ordre ionique au niveau intermédiaire ; l’ordre corinthien est toujours au niveau le plus haut. Nouvel ordre, donc, classique, cet ordre dit colossal est discrètement apparu à Florence au XVème siècle dans différentes tentatives. Michel-Ange sera le premier a utiliser ostensiblement cet ordre qui convenait parfaitement à son sens de la monumentalité. Il l’utilise en façade dans sa rénovation du Palais des Sénateurs, également au Palais des Conservateurs (et donc à son pendant Le Palazzo Nuovo), mais il est à noter que les pilastres s’élèvent sur un socle, or ce sont les romains et non les grecs qui surélevaient les colonnes et piliers qu’ils avaient empruntés aux grecs. Les travaux seront confiés à l’architecte Giacomo Della Porta
L’architecte baroque Maderna (1556-1629) emploiera l’Ordre Colossal en façade de la Basilique St Pierre mais à la ‘grecque’ et plaçant les piliers aux côtés et les colonnes au centre.
Une autre innovation de M.A. sera de rompre le fronton rectangulaire. Une autre sera de remplacer les spirales de l’ordre ionique par des cloches (cf. http://passerelles.bnf.fr/reperes/ ordres_architectureaux_ antiques_01.php).
Daniele Ricciarelli dit Daniele de Volterra (1509-1566), ami et assistant de Michel-Ange, aurait été, selon Vasari, formé à Sienne auprès des peintres-architectes Sodoma et Peruzzi. Il travaille au décor du Palais Maffei à Volterra en 1535. Il est à Rome l’année suivante où il fait déjà preuve d’une maturité certaine qui le fait apprécier de Michel-Ange pour qui il va travailler et qui deviendra son ami. On a jusqu’à peu considéré Daniele, comme étant sans réelle créativité, travaillant dans l’ombre du maître. Il est resté surtout connu pour avoir masqué les parties génitales dans le Jugement Dernier de la Sixtine. Ce qui lui valut le surnom de Il Braghettone (ou Brachettone; "Le fabricant de culottes").
Mais « dans ses fresques de la Chapelle Rovere La Trinité-
des-Monts (Ensemble conventuel fondé par Charles VIII en 1548-53) de 1495, dans sa Décollation de Saint Jean-Baptiste de la même période, Volterra s’éloigne de Michel-Ange et affirme un langage personnel, tendre et imagé, tendant à l’abstraction formelle… [ bien que] ses dernières peintures [sur stuc], Sala Regia (1547-59) et Atrio del Torso (1541-42) au Vatican , trahissent un rapprochement vers Michel-Ange.» (Dictionnaire Larousse de La Peinture). Il décora également différentes chapelles romaines comme la Chapelle Ricci et la Chapelle Orsini de l'église de Trinità dei Monti dans laquelle il peint ses deux chefs-d’œuvre, L’Assomption et le plus connue de ses tableaux, La Déposition de Croix (1545) que l’on a voulu comparer à la Transfiguration de Raphaël (1518, Vatican) et à La Dernière Communion de Saint Jérôme (1614, Vatican) du Dominiquin (†1641).
Le travail sur stuc de Le Primatice à Fontainebleau peut faire penser que celui-ci s’inspira du travail de Daniele qu’il rencontra probablement lors de son séjour à Rome en 1540. A partir de 1547, Danielle se consacra à la sculpture et réalisa la Cléopâtre (au Belvédère). De la commande qu’il reçut d’Henri II d’une statue équestre seul le cheval fut exécuté et servit pour une statue de Louis XIII
Raffaelo Sanzio (1483-1520), né à Urbino et mort à Rome, aura eu une vie aussi brève que son art fut éblouissant. A huit ans, il perd sa mère et à douze, son père qui était peintre la cour du duc et condottiere Frédéric III de Montefeltro dont la cour est un foyer rayonnant des arts et des lettres.
Il entre en apprentissage dans l’atelier du peintre Timoteo Vitti (1467-1523) [17].
En 1500, Raphaël se trouve à Pérouse (Ombrie). Déjà passé maître ; il assiste au Collège del Cambio, siège des banquiers et agents de change, Le Pérugin qui, dans la plénitude de son art, finit d’en achever le décor a fresco commencé deux ans plus tôt (1498-1500), il peint dans la salle du conseil, La Force et La Justice.
Ce retable est une conversation sacrée : La vierge n’est pas seule avec l’enfant ; elle est entourée de personnages saints. Au bas du tableau, les deux célèbres angelots pensifs, souvent reproduits en détail. Il exécute des œuvres plus ambitieuses comme La Crucifixion (1503), Le Mariage de La Vierge et Le Couronnement de la Vierge à l’église San Francesco, toutes deux de 1504 ou encore Le Christ Bénissant au Manteau Rouge, toujours à Pérouse. Il affirme là sa personnalité par rapport au Perugino.
De retour à Urbino, il exécute les portraits du duc Guidobaldo Ier de Montefeltro (†1508, fils de Frédéric III) et de son épouse Élisabeth Gonzague, fille de Frédéric 1er de Gonzague, Marquis de Mantoue.
En 1504, il arrive à Florence avec une recommandation de la fille du Duc d’Urbino, Giovanna Montefeltro, épouse de Giovanni della Rovere, condottieri, qui soutint Louis XII face à Ferdinand II Le catholique dans la possession du Royaume de Naples. Il découvre l’œuvre de Léonard dont on sent l’influence dans La Vierge du Grand Duc et La Vierge à La Prairie à la délicatesse accrue. Il peint la belle Jardinière pour laquelle il reprend la construction en triangle et le sfumato de Léonard, et Maddalena Doni (Florence1506, Maddalena Strozzi) suivis en 1507 de La Mise au Tombeau et de La Madone au Baldaquin (1508) ; ce retable de 219x217 est la dernière œuvre de sa période florentine.
En 1508, alors que Michel-Ange commence à œuvrer au plafond de la Sixtine, Raphaël reçoit de Jules II commande de décorer la première des quatre Stanze[18] (chambres) de l’appartement de feu Nicolas V, la Chambre de la Signature, salle publique du palais du Vatican. Raphaël commencera son travail au milieu de l’année 1509 et auquel participera en 1510 le peintre piémontais Sodoma (†1549). Une fois achevée en 1511, cette première décoration consacre l’artiste. Des peintres avaient déjà entrepris la décoration des Stanze comme Le Pérugin qui avait commencé en 1508 le décor de la voûte de la Chambre de L’incendie du Borgo. Mais Jules II les renvoya pour laisser la place au seul Raphaël. Il lui commande aussitôt le décor des trois autres Stanze.
La deuxième dite ‘Chambre d’Héliodore’ sera exécutée de 1511 à 1514 ; la troisième chambre dite ‘Chambre de L’Incendie’ est exécutée de 1514 à 1517 en bonne partie par ses élèves, lui même réalisant les cartons de tapisserie pour la Sixtine (Voir Tapisserie) entre 1515 et 16. En 1517, il commence la quatrième chambre dite ‘Salle de Constantin’ que son assistant Jules Romain achèvera après sa mort en 1520.
Pour le banquier Agostino Chigi, il peint à la Villa Farnesina dès 1511 pour chacune des loggias du rez-de-chaussée le Triomphe de Galatée, et exécute les dessins de L’Histoire de Psyché qui, peinte entre 1516-1518, relate ici les principaux épisodes du mythe de Psyché, inspirés du roman L’Âne d’Or du philosophe platonicien Apulée (125-170). Non loin se trouve Le Cyclope de Sébastiano del Piombo. Dans la mythologie Polyphème est amoureux de Galatée.
« [C’est à la demande de Chigi, que l’ensemble de l’ornementation des deux loggias évoque la passion et la sensualité amoureuse, donnant à la villa Farnésine l’un des premiers grands décors profanes à sujet sensuel… Contrastant avec la pudeur de Galatée, le cortège marin est un florilège d’anatomies variées évoquant parfois très directement la sensualité… Loin de rigidifier la scène par des principes géométriques stricts, Raphaël a soin de dynamiser l’ensemble par les regards tournés vers la périphérie de l’image. Admirateur de l’Antiquité, Raphaël recherche l’harmonie et l’équilibre tout en préservant l’évocation subtile de l’émotion et de la sensualité, faisant de lui l’un des maîtres incontestés de la mesure et un modèle de classicisme .» (Isabelle Bonithon Permalien : https://www.panoramadelart.com/le-triomphe-de-galatee-raphael)
Ses principaux élèves puis assistants sont Jules Romain et Gianfrancesco Penni qui vont tenir une place importante dans la production des œuvres du maître car non seulement ils y contribueront largement avec la participation de l’important atelier qui l’entourait, mais achèveront souvent ses œuvres s’ils ne les réalisaient à sa place.
« Les peintures de chevalet posent des questions, en raison de leur datation problématique et de leur diversité déroutante, mais aussi et surtout parce que Raphaël n’y travaillait pas forcément lui-même. L’importance de l’atelier, le rôle déterminant de ses principaux assistants, Giulio Romano et Gian Francesco Penni sont donc au cœur des questions posées par l’exposition … L’exposition cherche à faciliter la compréhension du degré respectif d’intervention de Raphaël et de ses disciples [qui au sein de l’atelier avaient une production indépendante], tout comme elle éclaire la contribution intellectuelle et esthétique de ces derniers à l’œuvre de Raphaël. » (Louvre Exposition Raphaël 2012)
A la Villa Farnesina, Raphaël rencontre le vénitien Sebastiano del Piombo (1485-1547) qui exécute un Polyphème et décore les lunettes. Cette rencontre ne sera pas sans influence sur l’un et sur l’autre. Sebastiano emprunte à Raphaël plus de douceur dans ses portraits, tandis que Raphaël adopte un quelque chose de la lumière du Vénitien. Sebastiano va changer de camp dans la rivalité qui oppose Michel-Ange et Raphaël, sans pour cela en tirer avantage face au redoutable peintre de la Sixtine qui lui donna artistiquement un exemple qu’il ne put arriver à suivre.
Tout en travaillant au Vatican et à la Farnesina, Raphaël qui, à l’achèvement de sa première Stanze, La Chambre de la Signature (1508-1511) est reconnu comme un très grand peintre, reçoit de nombreuses commandes privées. Il donne ses plus belles Madones comme La Vierge à la Chaise sur tondo ou la Madone Sixtine peinte en 1513-14, à Plaisance (nord-est de Parme). Il a alors une trentaine d’année.
En 1513, Jules II mort, la fumée blanche s’élève pour Léon X. Le nouveau pape lui confie aussi bien des commandes d’architecture que de peinture : Instructions pour Les Loges et son décor, nouveau plan de la Basilique St Pierre, plans de la Villa Madama pour le futur Clément VII. Alors qu’en pleine activité, il s’épanouit aussi bien dans son art que dans sa vie, qu’il est admiré de tous, en 1520, Raphaël meurt à 37 ans d’une fièvre qui l’emporte rapidement. Ses funérailles furent grandioses. Sa mort marque historiquement parlant la fin de la Renaissance Classique, le déclin de Rome, le début du rayonnement des peintres luministes vénitiens, des peintres maniéristes florentins et l’affirmation du maniérisme en architecture.
Raphaël a reçu du Pérugin « une tonalité blonde, un paysage spacieux et calme », mais sa manière suave naturellement douce, le porte vers Léonard et son sfumato. De Michel-Ange, qui lui en fera grief, il aura retenu un souci des formes, une certaine monumentalité même passagère, à la Villa Farnésina ou dans les Sybilles et dans Les Prophètes, fresques à Santa Maria della Pace (1514). La peinture de l’un est autant opposé à celle de l’autre que leur tempérament sont opposé : la « grazia » (grâce) et la « dolce maniera » (manière douce) de Raphaël est à l’opposée de la terribilità, de la manière énergique de Michel-Ange.. Des Vénitiens par Le Titien au travers de Sebastino del Piombo, il aura capté une certaine luminosité vénitienne.
« Raphaël est surtout connu pour ses Madones et pour ses compositions de grandes figures au Vatican. Son travail est admiré pour la clarté de sa forme et sa facilité de composition et pour sa réalisation visuelle de l’idéal néoplatonicien de grandeur humaine ».
Si la production de Raphaël a été relativement importante pour une période d’activité aussi courte, ce n’est pas qu’il a commencé à travailler très jeune, c’est qu’il s’était entouré plus que tout autres peintres de son temps de très nombreux collaborateurs. Certains de son vivant lui en faisait le reproche pour ne pas achever voire réaliser lui-même des œuvres que l’on ne peut pas toujours lui attribuer avec certitude.
Aussi bon dessinateur que coloriste, ce qui est une des originalités de sa peinture et une des raisons de sa qualité, le maître des Madones laisse de nombreuses estampes transcrites en taille douce[19] par Marc-Antoine Raimondi (vers 1480-vers 1534), graveur de reproduction bolognais arrivé à Rome en 1510. Il gravera des œuvres de Raphael et surtout de Jules Romain dont ses dessins qui illustrent le recueil de seize sonnets érotiques de L’Arétin paru en 1524.
« À sa vue, la nature craignit d'être vaincue par lui ; aujourd'hui qu'il est mort, elle craint de mourir. » Épitaphe de Raphaël par la cardinal humaniste Pietro Bembo.
Au moment où Raphaël décorait la Chambre des Signatures (1508-1510), Michel-Ange, de 1508 à 1511, était occupé à la voûte de la Chapelle Sixtine. Cette confrontation de deux personnalités et de deux esthétiques aussi différentes est un moment important dans l’histoire de la Haute Renaissance et de la Renaissance en général. Rome est dans ces premières décennies du XVIème siècle le foyer culturel de la Renaissance en Europe, en peinture comme en architecture. Autour des années 1510, Raphaël et Michel-Ange œuvrent donc dans la cité pontificale. Léonard, lui, y séjourne à partir de 1512 jusqu’à son départ pour la France en 1516. Raphaël a déjà rencontré Léonard à Florence où il a pu voir dans son atelier La Joconde et s’en inspirer pour sa Jeune femme au balcon (encre à la plume, 1504). Le Pérugin a quitté la cité papale depuis peu mais l’architecte Bramante, oncle de Raphaël, a dressé quatre ans plus tard après son arrivée à Rome en 1500, les premiers plans de la Basilique et y travaillera jusqu’à sa mort en 1514.
Gravitent autour de ses grands maîtres, des peintres qui s’ils n’atteignent pas à leur génie sont des peintres de grande qualité comme del Piombo, Signorelli, Jules Romain…
« Michel-Ange accusa [Raphaël] d’avoir plagié son plafond de la Sixtine. De fait, l’influence fut profonde. Son style romain [de Raphaël] s’écarte de l’élégance florentine au profit d’une monumentalité plus classique dans les musculatures et traduit plus d’intérêt pour les attitudes corporelles complexes. Comment ne pas songer aux Ignudi du plafond de la Sixtine ? Bien que le plafond de la chapelle Sixtine n’ait été terminé qu’en 1512, l’échafaudage en fut retiré en août 1511, pour les fêtes de l’Assomption : il est fort probable que Raphaël le vit sans avoir besoin de se faufiler dans les lieux, avec Bramante, à l’insu de Michel-Ange, comme le prétend Vasari ». (https://www.aparences.net/art-et-mecenat/les-fresquistes-florentins/ loeuvre- murale-de-raphael/)
[1] Chronologiquement, Léonard devrait être situé dans la seconde phase de la Première Renaissance, mais son apport artistique et intellectuel le désigne comme à l’origine de la phase classique, de même que son ami Bramante (ils se connurent à Milan) dans l’orientation classique qu’il donne à ses réalisations à cette même époque, et qu’il affirmera à son arrivée à Rome dans le début du XVIème siècle.
[2] Saint Luc est le patron des peintres. La Guilde de Saint Luc est une corporation fondée au XIVème siècle. Confrérie européenne des artistes plasticiens, elle aura des ramifications dans de nombreuses villes d’Europe notamment en Italie et aux Pays-Bas. A l’origine exclusivement réservée aux peintres, certaines guildes de certaines villes accepteront de recevoir différents métiers artistiques, sculpteur, médailleurs etc. .
[3] Selon Patrick Boucheron, Léonard et Machiavel, Verdier, 2008 (cité par Wikipédia/ Léonard). Machiavel et Leonardo ayant été chargés d’étudier le détournement de l’Arno (Florence, Pise)
[4] « Les sciences mécaniques sont les plus nobles et les plus utiles d'entre toutes, car par leur biais tous les corps animés exécutent l'opération pour laquelle ils ont été conçus » écrit-il
[5] Figure géométrique à 18 carrés reliés entre eux par 8 triangles dont l’aspect général est celui d’une sphère ‘’angulaire », une sphère biseautée.
[6] Certaines sources indiquent que le plus tardif daterait de 1475, d’autres indiquent leur début lors de son premier séjour à Milan en 1481 (82 ?)
[7] La langue italienne actuelle est issue du toscan, d’abord comme langue culturelle de par le rayonnement de Florence, puis comme langue commune à la péninsule non encore unifiée. Au XIVème siècles, ce sont les trois couronnes de laurier, Dante, Pétrarque et Boccace qui ont promu et parfait leur langue d’origine au point qu’elle s’imposera définitivement.
[8] Selon l’écrivain et Ministre de La Culture André Malraux (†1979), le sourire de la Joconde ne serait pas dû à une dissymétrie des commissures des lèvres (distorsion de la bouche) mais à ce les ombres en dessous des pommettes sont de valeurs différentes…
[9] Antonio de Beatis, chapelain du Cardinal Luis d’Aragon ; Gian Paolo Lomazzo (1538-1592), peintre, historien de l’art.
Cf. http://monalisa.org/category/historical-evidence/
[10] Les grands portraitistes donnent plus à voir de leur modèle que leur simple ressemblance.
[11] Un Moïse cornu. « Dans sa traduction en latin, dite la Vulgate, de la Bible hébraïque, réalisée entre 390 et 405, St Jérôme aurait été trompé par la proximité phonétique des mots – karan rayonnant – et karen – cornu. Dans la traduction grecque réalisée à Alexandrie vers 270 av.J.-C, le visage de Moïse est dit chargé de gloire. Mais pour certains commentateurs, Saint Jérôme aurait voulu intentionnellement relier ces deux mots pour exprimer, et le rayonnement du visage, et la puissance de la corne. Déjà Rachi de Troyes, éminent commentateur de la Bible au XIème siècle, expliquait l’utilisation de la même racine de ces deux mots par le fait que la lumière brille et ressort telle une corne. Pour d’autres auteurs, dès le VIIIème siècle, des copies manuscrites de l’œuvre de Saint Jérôme s’écartent du texte originel et un copiste aurait écrit – cornatus cornu au lieu de coronatus couronné » (cf. www.1oeuvre-1histoire.com/cornes-moise.html).
[12] A ne pas confondre avec Alexandre Ottaviano de Médicis (1535- 1605, pape sous le nom de Léon XI et qui n’aura été pape que quatre semaines.
[13] Le Vénitien Sebastiano dit del Piombo, qui doit son nom à la charge que lui confie Clément VII de dessiner les sceaux pontificaux est déjà à Rome depuis 1511.
[14] Pour avoir une information complète sur la Chapelle cf. :
http://www.vaticanstate.va/content/vaticanstate/fr/monumenti/musei-vaticani/cappella-sistina.paginate.8.html
[15] A buono fresco ou fresque à l’italienne nécessite une exécution rapide car le pigment est déposé sur un enduit à la chaux du jour, ni trop frais ni trop séché. On considère qu’il faut une journée pour peindre guère plus d’un mètre carré compte tenu de la pose de l’enduit, de son temps de prise, de l’esquisse (mise en place de la composition) et de l’exécution picturale. Pour peindre 800 m2 en quelque chose comme 1150 jours (il s’est interrompu de septembre 1510 à août 11), il a dû peindre en moyenne au moins 1,5 m2 par jour. Le pape se plaignit de la lenteur des travaux ( ?!). M.A. a commencé à peindre selon la méthode encore en usage de nos jours, par cartons perforés :le carton-papier sur lequel est dessiné le motif à reproduire est perforé de petits trous en suivant le dessin ; il est ensuite plaqué sur l’enduit et tapoté par le peintre avec un petit sac de poudre de charbon ou de teinte. Le travail n’avançant pas assez vite au goût du pape, M.A dessina directement le motif en creusant légèrement l’enduit avec un stylet, ce qui demandait beaucoup plus d’habileté car il ne s’agissait pas simplement de ‘bien’ dessiner mais de composer d’emblée juste. Avec le carton perforé, la composition et les proportions sont déjà données.
[16] Selon Delphine Borione et Lodovico Pratesi, à la Louve en bronze, original de l’antiquité, un sculpteur de la Renaissance aurait rajouté les jumeaux Castor et Pollux. (Rome GuideAutrement/2000)
[17] Concernant ce peintre, né à Urbino (Italie Centrale) les historiens de l’art le classent dans l’École Ombrienne dont l’épicentre est Pérouse. Vitti (ou Viti) a travaillé à Bologne (Émilie-Romagne) de 1490 à 1495, date à laquelle il est revenu à Urbino. Il a pu être alors le premier maitre de Raphaël à Urbino. Le peintre historien de l’art Johann David Passavant (†1861), cité par Wikipédia, le donne pour avoir collaboré avec Raphaël à Bologne, ce qui semble peu probable d’abord vu l’âge de Raphaël dans cette période et ensuite Raphaël n’a jamais travaillé à Bologne. L’Encyclopédie Larousse le dit avoir été influencé par Raphaël ; ce qui est possible vu les dons précoces de Raphaël qui a quitté Urbino à 21 ans pour Pérouse où déjà Maître, il assiste Le Pérugin.
[18] En fait de chambre, il s’agit de grandes pièces, de salles de réception et de travail dans l’appartement privé du pape. Chambre à coucher se traduit par stanza da letto
[19] Le procédé de la taille douce est apparu à la Renaissance. Il consiste à mettre en creux le dessin par opposition à la taille d’épargne ou en réserve qui, elle, laisse le dessin en relief. Raimondi diffusera les œuvres de Raphaël mais aussi, notamment celles de Jules Romain. A. Dürer sera le grand maître de la gravure de la Renaissance Allemande et Lucas de Leyde, celui des Pays-Bas.
L'Architecture à Rome - L'Architecture à Florence - L'Architecture à Venise
L’architecture classique telle que pratiquée au XVème siècle s’est prolongée à Rome dans le premier quart du XVIème, notamment avec Donato di Angelo di Pascuccio dit Bramante (voir Quattrocento/ Lombardie/ Bramante) dont les créations, plans et édifices, sont les expressions des plus pures du classicisme Renaissant. Peruzzi et Sangallo seront à leur façon comme tous les architectes Renaissants les prolongateurs dans la Ville Éternelle de ce classicisme Romain, tandis que Michel-Ange, devenu architecte la soixantaine passée, avait déjà exprimé dans ses sculptures toute sa tendance à un maniérisme qui, hors Rome, va couvrir les trois-quarts du siècle et gagner tous les arts, architecture, sculptures et peintures.
« L’adoption de l’ordre architectural conçu comme une composition proportionnellement codifiée comportant un entablement horizontal au-dessus du support vertical de la colonne fut pour les praticiens de la Première Renaissance le signe le plus patent, et comme le manifeste du retour à une morphologie canonique héritée de l’antiquité. Les œuvres romaines de Bramante et de Raphaël, puis la théorisation des auteurs de traités, Serlio, Vignole, Palladio, ont imposé comme une rupture ostensible avec la tradition médiévale. Ce qui allait pour longtemps devenir la marque même du classicisme, même si le principe albertin selon lequel les colonnes ne doivent soutenir que des entablements droits, les arcades étant réservées au pilastres, n’a pas été tout de suite ni toujours respectés. » (Pierre Gros, L’Architrave, le Plancher, La Plateforme, Chap. III, Pg. 136, Édit. Presses Polytechniques et Universitaires Romanes, Lausanne, 2012)
Les architectes de la Première Renaissance comme de la Haute Renaissance, s’ils ont pris pour modèle les réalisations de l’antiquité et s’ils ont particulièrement lu et relu Vitruve…et Alberti, s’ils sont allés à Rome remplir des carnets entiers des reproductions soigneusement mesurés des vestiges du Forum, ils ne se sont pas pour autant contenter de reproduire à la lettre ou plutôt au plan près les trois ordres[20], doriques, ioniques, corinthiens. Ils ne se sont pas non plus contentés dans créer un autre, l’Ordre Composite auquel des architectes comme Peruzzi, son élève Serlio et le Français Philibert Delorme (†1570) ont contribué largement à fixer les canons ; non seulement, ils ont comme Michel-Ange modifier ce qui caractérise en premier un ordre, le motif de son chapiteau, mais ils ont aussi chacun leur propre syntaxe architecturale. Comme un écrivain à son style et son rythme, l’architecte de la Renaissance à ses proportions qu’il applique par unités de mesures que sont le module et la minute sachant qu’un module vaut six minutes. Ainsi telle façade comptera par exemple une corniche de 1 module et 4 minutes, une frise de 1 module et 2 minutes, une architrave de 1 module et un pilastre de 14 modules. Palladio mettra un piédestal là où Vignole d’en mettra pas. Le nombre de cannelures sur le fut des colonnes peut varier.
A son arrivée à Rome en 1499, appelé par le cardinal Sforza dont la famille règne sur le Milanais, Bramante va confirmer l’orientation résolument classique de son architecture avec son Tempietto de San Pietro in Montorio (1502) et aussi avec son Pallazzo della Cancelaria. Selon https://www.britannica.com/place/Rome: « l'architecte du Palazzo della Cancelleria reste inconnu. Datant de 1486–1898, il a été construit pour le cardinal Raffaelo Riario à la suite d'une victoire nocturne à la table de jeu ». D’autres sources comme Wikipédia l’attribuent Andrea Bregno, qui ne semble pas avoir eu l’envergure nécessaire pour ce palais considéré comme un des fleurons de l’architecture de la Haute Renaissance même si ce « Bâtiment carré [présente] un rez-de-chaussée rustique [et] des étages supérieurs simples, rythmés par des pilastres ». La cour intérieure « à colonnes nobles et profondément harmonieuse » (Ency.Brit.) est incontestablement de Bramante. « Premier édifice de la Haute Renaissance de la ville, on pourrait dire qu'il symbolise le déplacement de Florence [vers Rome] en tant que capitale mondiale de l'art » (idem.).
Ainsi, parle-t-on du Classicisme Romain pour désigner la phase classique de la Haute Renaissance. Le traité d’architecture de Sebastiano Serlio (1475-1554) sera le manifeste de ce classicisme pur dégagé de ce qu’il pouvait d’un certain souci d’ornementation qui pouvait encore occuper les architectes de la Première Renaissance, quoique qu’on ne puisse dire que les Brunelleschi, les Alberti et autres Michelozzo se soient préoccupés d’ornementation. Ce traité sera le manuel à l’usage des architectes non seulement de la péninsule, mais de la France et de l’Angleterre. Les façades des édifices vont se dénuder et dans les arts plastiques, les formes vont s’épurer.
Les architectes qui vont marquer leur époque seront à Rome Sangallo, Peruzzi, Michel-Ange et les Fontana auxquels on peut ajouter Raphaël qui sans être architecte leur donna des projets, notamment pour la Basilique St Pierre, et par la suite viendront Vignole et della Porta ; en Vénétie, Falconetto, Sansovino et Palladio.
Construite dans le premier quart du IVème siècle, là où St Pierre serait mort crucifié, elle fut reconstruite au même emplacement sous Nicolas V, pape en 1447. Mais les travaux furent abandonnés à sa mort en 1455 et repris sous Jules II, pape en 1503. Sa construction qui s’achèvera en 1626 aura vu défiler les architectes Bramante, Michel-Ange, Raphaël, Peruzzi, Giacomo della Porta, Carlo Maderno et Le Bernin. Avec sa capacité à recevoir 60000 personnes sur une surface de plus de 2 hectares, elle est la plus grande église catholique au monde. C’est l’une des quatre basiliques majeures apostoliques de Rome. Elles ont à leur tête un cardinal. Les trois autres majeures étant : Saint-Paul-Hors-les-Murs qui construite au IVème siècle, sera plusieurs fois détruite, saccagée, incendiée et toujours reconstruite ; Saint Jean de Latran, où s’est tenu le Vème Concile de Latran (1514-1517). C’ l’église de l’évêque de Rome qui est le pape. Elle a été maintes fois remaniée notamment au XVIIème siècle dans le style baroque. Toutes deux construites en même temps que St Pierre au 4ème siècle sous l’empereur romain Constantin 1er qui officialisa le christianisme. La basilique Ste Marie-Majeure date, elle, du Vème siècle.
Rome compte également 28 basiliques mineures. Michel-Ange construit en 1561 la basilique Santa Maria degli Angeli e dei Martiri. Une église reçoit le titre honorifique de basilique lorsque le pape lui reconnaît un rayonnement particulier par son implantation, son histoire ou comme lieu de pèlerinage important. Étymologiquement, le terme de basilique, en grec, signifie ‘édifice royal’. La basilique romaine était un bâtiment civil qui servait en autre de palais de justice (mais aussi comme galerie marchande). L’église basilicale en reprend son plan, dit basilical : plan non centré (ni carré, ni polygonal) mais tout en longueur. Ce plan avait été adopté pour églises paléochrétiennes. Elles avaient un toit plat. A l’intérieur, elles étaient divisées à l’origine dans le sens de la longueur en trois parties (parfois cinq) ; celle centrale, plus large, était longée le long de chacun de ses côtés par un portique (cintres, arches sur colonnes) qui la mettait en valeur comme galerie. Les parties latérales, au-delà des portiques, deviendront par la suite les latéraux ou les bas-côtés (plus bas). Viendront s’ajouter ultérieurement les bras transversaux du transept qui s’allongeront progressivement pour former la croix latine. La partie centrale, l’ancienne galerie, sera désignée par le terme de ‘nef’ ou ‘nef centrale’ quand pour voûter son plafond en bois ou en bâti, on fera appel aux charpentiers de marine pour la construction de la charpente ou du coffrage dont la structure est celle d’un vaisseau renversé.
Bramante fut chargé en 1506 de réaliser les premiers plans de rénovation de la Basilique Saint Pierre. Il opta pour plan central: croix grecque (bras égaux) dans un carré avec aux angles quatre tours surmontées de coupoles et au centre sur quatre piliers, un immense coupole qui sera construite à partir du milieu du siècle sur des plans de Michel-Ange. Ce plan se trouve dans les ouvrages de Brunelleschi. Giuliano da Sangallo (1445-1516) le reprit pour la Basilique Santa Maria delle Carceri (Prato, 1486-1495). Son frère, Antonio Sangallo le Vieux (1455-1534) – Antonio Sangallo Le Jeune étant leur neveu, le plus connu - s’en inspira pour la reconstruction au début du XVIème siècle de l’église San Biagio de Montepulciano (près de Sienne). Consolazione de Todi (Ombrie) dont la construction a été commencée en 1508 sur ce même modèle sans qu’on puisse en déterminer l’architecte est peut-être la plus accomplie. Christopher Wren (†1723) le reprendra plus tard à la Cathédrale St Paul à Londres (1669), seule cathédrale de l’Âge Classique en Angleterre.
En 1520, Raphaël, neveu de Bramante, et qui, tout comme Michel-Ange ne sera pas à proprement parler architecte-bâtisseur des travaux, dressera des plans nouveaux à ceux que Sangallo le Jeune devait réaliser en tant qu’ architecte en chef à partir de 1513. Mais les tergiversations entre plan en croix grecque ou latine retarda le projet jusqu’à l’intervention décisive de Michel-Ange, qui considérant que Sangallo s’écartait du projet initial de Bramante, décida de conserver le plan carré. Il substitua aux trois ordres superposés de la façade-écran[21] projetée par Sangallo un seul ordre de pilastre colossaux[22]. Ses plans pour la grande coupole seront mis en œuvre par Giacomo Della Porta de 1573 à 1602. C’est ce dernier qui exécuta les plans de la rénovation de la Place du Capitole dessinés par Michel-Ange.
Carlo Maderno (1566-1629) modifiera les plans de Michel-Ange pour en faire une croix latine. Il sera chargé de créer une nef qui restera relativement courte, de réaliser les chapelles extérieures et la façade. Le Bernin (1598-1680) commença la construction des deux clochers mais le premier s’effondra et la basilique restera sans clocher. Il sculptera le célèbre baldaquin à colonnes torsadées placée au chœur de la basilique (1624). Il construira la colonnade de la place St Pierre (1660).
Le Classicisme Romain est manifesté en architecture par :
La famille Giamberti, originaire de Toscane, doit son surnom à ce qu’étant venue s’installer à Florence, elle habitait près de la porte San Gallo.
Giulano Giamberti Sangalo (1445 ?-1534), né à Florence, mort à Rome, architecte, sculpteur, ingénieur, a construit la Basilique Santa Maria delle Carceri (Prato, 1486-1495) dont le plan centré avec coupole que l’on trouve dans les traités de l’architecte romain Vitruve (Iᵉʳ siècle av. J.-C.) sera repris par Bramante en 1506 pour la Basilique St Pierre qui pour l’occasion fur préféré à Sangalo. Il construit en 1489 le Palais Gondi à Florence. A Rome, réalise la plafond à caissons de Ste Marie Majeure et renforce les fortifications de Château St Ange.
«Comme Brunelleschi, un demi-siècle plus tôt, avait renouvelé le type du palais florentin, Sangallo renouvelle celui de la villa avec [la villa médicéenne] de Poggio a Caiano [près de Prato] (commencée en 1480), dont l'ordonnance, le portique, l'insertion entre jardins et vergers répondent à la poétique humaniste qui était celle de Laurent de Médicis. L'église Santa Maria delle Carceri, à Prato (1485-1490), sur plan en croix grecque, est également une innovation décisive et représente l'aboutissement des recherches de Brunelleschi sur les plans centrés. Ces deux œuvres font de Sangallo l'initiateur du classicisme à Florence.
Antonio Giamberti Sangallo dit le Vieux (1430/53-1534) son frère, fut un collaborateur de Bramante à son arrivée à Rome en 1503. Il s’inspirera de ce même plan centré pour la reconstruction de l’église San Biagio de Montepulciano (1518, près de Sienne). Architecte-sculpteur et ingénieur comme son frère avec qui il travailla construisit des forteresses.
Antonio Cordiani da Sangallo le Jeune (1484-1546), leur neveu, né à Florence est le plus connu de la famille.
Il suivit sa formation avec son oncle Antonio. Mais fut rapidement l’assistant de Bramante qui lui confiera les dessins de certains plans. Son talent reconnu, sa première commande et le Passetto di Borgo, passage fortifié entre les appartement pontificaux et le Château St Ange. Il dessine les plans du Palazzo Baldassini entre 1516-19. En 1517, le cardinal Alexandre Farnèse, le charge de remanier le vieux Palais Farnèse qu’il a acquis en 1495. Mais Sangallo n’entreprendra les travaux qu’à partir de l'élection du cardinal à la papauté sous le nom de Paul III. Il est l’actuel siège de l’Ambassade de France. Les travaux seront poursuivis par Michel-Ange à la mort de Sangallo en 1546 puis Le Vignole et Giacomo della Porta.
Nommé par le pape Clément VII (Jules de Médicis 1478-1523-1534), architecte en chef du Vatican, il devait être chargé de réaliser les plans dessinés par Raphaël pour la Basilique St Pierre, mais le projet n’aboutira pas. Il avait dessiné pour la façade un projet de façade-écran que Michel-Ange transformera pour une façade à l’ordre colossal. Son chef-d’œuvre est l’Église Santa Maria di Loreto commanditée par la confrérie des boulangers de Rome. Commencée en 1507, elle sera achevée en 1576 par Iacopo del Duca. Sur le plan carré inférieur avec façades à pilastres et portes à fronton, s’élève le second niveau octogonal surmonté d’une lanterne à colonnes.
En 1536, le pape Paul III le nomme architecte des fabriques pontificales. Au Vatican, il réalise la Chapelle Paolina (Chapelle Pauline, 1537/1540) que Michel-Ange ornera de deux grandes fresques murales consacrée l’une à St Pierre, l’autre à St Paul. Il réalise aussi, contiguë, la plus spectaculaire des salles de réception du palais : la Sala Regia (la salle royale, 1538/1573), précédant la Sixtine. Après le sac de Rome, il sera chargé de fortifications, de puits et de canaux.
Commencé à être construit sur des plans de Raphaël, il poursuivra le décor mais sans l’achever du Palazzo Madama qui fut saccagé, brûlé pendant le sac de Rome en 1527. Siège des Médicis à Rome et actuel Palais du Sénat, construit pour Jean de Médicis, futur Léon X, il doit son nom à Marguerite de Parme, fille illégitime de Charles-Quint, gouvernante pour lui des Pays-Bas, veuve de duc de Florence Alexandre de Médicis et épouse d’Octavio Farnèse Le Maure, duc de Parme. Giulio Romano, Baldassarre Peruzzi, Giovani Francesco Penni ont aussi œuvré au décor du Palais Madame (ne pas confondre avec celui de Turin).
« à Rome plusieurs églises et palais clairement ordonnés, dont le palais Farnèse, montrent une maîtrise totale des leçons antiques » (Encyclo. Larousse)
En tant qu’ingénieur, outre la réalisation ou le renfort des fondations de certaines églises romaines, il travailla à Parme, Plaisance, Ancône et Orvieto.
« À Orvieto, il a également été chargé par le pape Clément VII de construire un puits, appelé puits de Saint Patrick, considéré comme une merveille d'ingénierie. Ses rampes à double hélice autour d'un puits central ouvert permettaient aux bœufs transportant de l'eau de descendre par l'une des rampes et de remonter par l'autre sans avoir à se retourner; malgré sa profondeur de 175 pieds, les rampes sont bien éclairées grâce à des fenêtres coupées dans la section centrale ».
(https://en.wikipedia.org/wiki/Antonio_da_Sangallo_the_Younger)
Baldassarre Peruzzi (1491-1537), d’origine siennoise, peintre est d’abord l’élève de Pinturicchio (Dôme de Sienne, Chapelle St Jean) avant de s’essayer à l’architecture avec Giorgio Martini (†1502)qui fut d’abord lui aussi peintre. La carrière de Peruzzi sera tout autant celle d’un peintre que d’un architecte. Il arrive à Rome en 1503 et devient l’élève de Bramante. Certaines sources le donnent comme ayant été nommé par Léon X architecte en chef de St Pierre après la mort de Bramante en 1513 (?) ; pour d’autres, c’est en 1520. à la mort de Raphaël dont il était proche. Le banquier et mécène siennois Agostino Andrea Chigi (†1520) dont la fortune sera dilapidée, dispersée par ses descendants, lui demande de construire comme lieu de détente, la Villa Farnesina qu’il commence en 1508 et achève en 1511. Pour la façade du bâtiment, il opte pour l’ordre toscan établit par Vignole. L’architecte Thumeloup qui définit Peruzzi comme le Raphaël de l’architecture, parle de la Villa Farnesina (Voir Peinture/Maniérisme Romain/Palais Farnèse) comme d’un « chef-d’œuvre de goût qui seul suffirait à placer son auteur parmi les grands maîtres de l’Italie et illustrer la mémoire d’un homme de génie mort dans la pauvreté et l’isolement». (Leçons Élémentaires d’Architecture, La Farnésine. Édit Carilian-Gœry et V. Dalmont 1842, Pg 293).
Peruzzi va être « l'un des premiers artistes à avoir tenté une peinture architecturale illusionniste (quadratura[23]), extension de l’architecture réelle dans un espace imaginaire». (Encyclopedia Britannica). Prospettiva qui est une prouesse de perspective architecturale avec sa fausse loggia censée ouvrir sur un paysage romain. Scènes mythologiques en frise et Vulcain en décor de cheminée. Le Sodoma (†1549) qui a travaillé avec Raphaël à La Chambre des Signatures (1508-11) décore entre 1516 et 1517 la chambre à coucher avec un immense fresque représentant les Noces d'Alexandre et de Roxane.
Peruzzi construit ensuite le Dôme de Carpi (1513-1514) en Émilie-Romagne. Il collabore avec Sangallo aux nouveaux projets de Saint Pierre. En 1517 avec Sangallo le Jeune, il travaille à un projet de rénovation du vieux Palais Farnèse pour le futur pape Paul III. Il travaille à Bologne en 1521. En 1527, il quitte Rome en proie au pillage des armées impériales et se rend à Sienne où, architecte de la république, il travaille à des fortification et construit la Villa Belcaro (1524). On lui attribue (Encyclopédie Universalis) les plans du Palais Celsi Pollini ou Palazzo del Vescovo (Palais de l’évêque), un palais siennois polygonal construit en 1525 ( ?).
L’édifice le plus significatif de son œuvre architecturale et la dernière est le Palazzo Massimo alle Colonne (1535) à Rome. Le palais, conjonction de trois bâtiments a été construit sur les vestiges de l'Odéon (bâtiment consacré au chant et à la musique) de Domitien (1er siècle) dont il restait les colonnes en façade, façade qu’il a courbé pour suivre la voie. La première partie, le Palais Pirro date du XVème siècle. Après un incendie, Peruzzi le restaure et l’agrandit en 1532.
« La structure est insérée dans un grand nombre de dimensions irrégulières, de manière à se présenter avec un plan en forme de L articulé autour d’une cour. La forme des portiques de la cour est également inhabituelle. Elle consiste en deux loggias à l'architecture chevauchante, fermées au sommet par un troisième étage ouvert par des fenêtres rectangulaires aussi grandes que la colonne sous-jacente. Toutes ces solutions font du Palazzo Massimo l’une des fabriques les plus intéressantes de la culture maniériste.»(http://www.prolocoroma.it/palazzo-massimo-alle-colonne
Comme dans son décor en trompe-l’œil de la Farnesina, cette dernière réalisation, est révélatrice par sa tendance maniériste de son évolution et de celle de la Renaissance (voir Peinture Maniérisme Romain).
Mise à part ses fresques de l'abside de S. Onofrio (1502/1503-1506) et celles de S. Maria della Pace (1516-17), il ne reste de son œuvre peinte qu’une une Nativité à Londres et la Danse des Muses avec Apollon (Palais Pitti[24]). Si en architecture, il a poursuivi de façon élégante la tradition classique, c’est en peinture qu’il a fait preuve d’une originalité qui le signale comme un des précurseurs du Maniérisme.
A propose de la Villa Farnesina, Thumeloup écrit encore :« On y retrouve cette étude simple, noble et gracieuse, toujours d’un grand style et qui fut pour ainsi dire le cachet des œuvres de Peruzzi »
Sebastiano Serlio (1475-1554), originaire de Bologne, est plus connu pour l’influence qu’exercèrent ses traités d’architecture que pour ses réalisations. Il est l’élève à Rome de Baldassarre Peruzzi à partir de 1514. En 1527, fuyant le sac de Rome, il s’installe à Venise. Puis, en 1541, il se rend à la cour de François 1er à Fontainebleau où il devient architecte en chef du roi. Il dessine les plans ou conseille pour plusieurs châteaux comme celui d’Ancy-le-Franc en Bourgogne ou de Chaalis en région parisienne, sans pour autant recevoir la considération qu’il espérait des architectes français comme Jean Goujon ou Philibert Delorme. Il finit ses jours à Fontainebleau plutôt délaissé.
Ce sont ses écrit théoriques qui inspirèrent nombre d’architectes, notamment anglais : Tutte l'opere d'archittura e prospetiva et Sette libri dell’architettura, qu’il commença à écrire à Venise en 1537 et auxquels il travailla jusqu’à la fin de sa vie. Ils ne furent édités qu’après sa mort. Il inventa une ouverture à laquelle on donna son non, ‘la serlienne’ : une ouverture à baie centrale à colonnes et cintre encadrée de deux ouvertures plus étroites également à colonnes portant une architrave à hauteur des impostes des colonnes centrales qui supportent l’arc de plein cintre. Palladio en généralisa son emploi, aussi la désigne-t-on aussi comme l’‘ouverture palladienne’. Cette ouverture sera courante à l’âge baroque et souvent réutilisée par la suite au néo-classique et même au XIXème siècle ; ce qui en a fait un élément courant du langage classique. Les Anglais firent grand usage de la serlienne.
Le maniérisme Roamain est manifesté en architecture par :
Les grands noms de l’architecture de l’Italie du XVIème siècle, à deux ou trois exceptions près comme les Sangallo et d’une certaine manière Peruzzi, classique en architecture et maniériste en peinture, sont maniéristes ou évoluent vers le maniérisme, leur premier modèle ayant été Michel-Ange. Le Vignole et Palladio interprètent plus librement encore que leurs ainés de la Première Renaissance, les ordres antiques, en définissent leurs propres proportions, font évoluer les chapiteaux, complexifient ouvertures et frontons et finissent par sortir pour ce qui est de l’architecture religieuse du plan centré.
Au plan de l’architecture civile, c’est un élève en peinture et architecture du grand classique Raphaël, Jules Romain, qui ouvre la période maniériste dès 1525 en construisant le Palais du Te à Mantoue (Lombardie) considéré comme le plus représentatif des palais maniéristes de l’Italie du XVIème siècle.
Ces grands architectes du XVIème siècle, hors de Rome, vont en effet bien conserver le langage architectural classique mais vont lui donner une expression qui n’est plus celle de l’équilibre, de la symétrie, de l’harmonie sinon des proportions du moins du plan. Annonçant l’Âge Baroque qui va en accentuer les caractéristiques, déjà est nette chez ces architectes la volonté de ne pas donner à voir une édifice stable, posé au sol et s’élevant « en toute logique », mais un édifice plus ou moins instable en par exemple le décollant du sol soit par une base, un socle (Palladio - façade de San Francisco della Vigna à Venise), soit par des escaliers monumentaux, ou en donnant aux parties externes de l’édifice, ailes et pavillons le rôle de créer avec l’édifice central un mouvement-immobile ; de créer dans un ‘conflit visuel’ d’intérêt un jeu de correspondance du même au différent tout en étant semblable mais non pareil.
« Dans les façades des bâtiments maniéristes, un corps de bâtiment axial (le centre au centre) dispute l'influence visuelle dominante avec des corps de bâtiments latéraux qui ne sont pas que des ailes mais se présentent eux aussi avec un fronton qui leur donne un axe propre, des centres de symétrie sur les côtés, c'est-à-dire des centres à la périphérie. Parmi les bâtiments célèbres qui relèvent de ce principe, on peut citer :
La statuaire va aussi tenir dans un souci de mise en scène, un rôle important dans la théâtralisation de l’architecture.
Pour autant, la classification entre architectes classiques et architectes maniéristes n’est pas plus facile que de savoir quand, en peinture, finit la période classique et commence la période maniériste. A titre d’exemple, certains historiens de l’art définissent l’architecture de Palladio comme une architecture classique, à telle enseigne que « le palladianisme représente la permanence de la tendance classique pendant les siècles baroques et sa réapparition dans toute l’Europe à la fin du XVIIIème siècle est un trait essentielle du néo-classicisme ». (Architecture-Sculpture, T2, La Renaissance Classique à Venise, Édit. F. Nathan 1971)
Tandis que d’autres donnent en exemples d’architecture maniériste parmi ses plus belles réalisations ses villas, de Barbaro à Maser et la Rotonda à Vicence. Par contre Le Vignole et Le Romain vont l’unanimité quand à leur architecture maniériste. Mais au XVIème siècle, il s’agit encore de maniérisme non encore du Baroque, un classicisme sous tension ou un baroque tempéré.
Le Maniérisme Romain en architecture est manifesté par :
Giulio Pippi di Giulio Romano (1492-1546), architecte et peintre est né à Rome et mort à Mantoue à l’âge de cinquante-quatre ans. Les lieux où il est né et mort disent bien que sa vie a été divisée nettement en deux, avant et après le sac de Rome. De son père, Pietro di Philippo di Gianuzzi, il tiendra pour toujours le sobriquet de Pippi, une abréviation de Di Philippo. Il semble que son père l’ait placé à l’âge de dix ou onze ans auprès de Raphael. Vasari écrivit de lui qu’il était si aimable, si gai que Raphael s’attacha à lui comme un père.
Romain est à la charnière de la Haute Renaissance et du Maniérisme. Avant 1527, il est l’élève et le continuateur de Raphaël le classique ; après, il est l’architecte et décorateur maniériste du Palais du Té à Mantoue.
En 1515, au Vatican, Raphaël lui confie de peintre ses cartons de la troisième stanze, celle de l’Incendie du Borgo pour ce qui est de la Bataille d’Ostie et du fond des trois autres fresques, Chambre de la Signature, Chambre d’Héliodore et Chambre de Constantin[26]. Tandis que son autre disciple Francesco Penni était chargé d’exécuter leur premier plan.
En 1511, à la Villa Farnèse, les mêmes avaient peint les cartons de L’Histoire de Psyché de Raphaël. En 1525, cinq ans après la mort de Raphaël, il achève à la demande Clément VII, nouveau pape depuis deux ans, de peintre la quatrième et dernière stanze dite ‘Salle de Constantin’ que son maître avait commencé en 1517.
Comme peintre, on lui doit également la Sainte Famille dite de François 1er (Louvre) ; La Madone au Chat et la Sainte Famille dite La Perle (Prado) sont sans doute ses deux œuvres maitresses avec lesquels il se détache de l’influence classique de son maître.
C’est en Lombardie et non dans le Latium que Le Romain, formé au classicisme romain mais devenu architecte va réaliser la première et l’une des plus représentatives expressions architecturales du Maniérisme: le Palais du Te.
A Mantoue, en 1523, il est l’invité Frédéric Gonzague, fils d’Isabelle d’Este et de Francesco II, Marquis de Mantoue (duc en 1530, †1540) à qui il a été présenté par le célèbre auteur du Courtisan, le mantouan Baldassare Castiglione (†1529,voir Littérature). Il y restera jusqu’à sa mort. Il construit et décore le Palais du Te qu’il achève en huit ans en 1534. Le Primatice (1504-1570), qui est arrivé à Mantoue la même année à l’âge de 22 ans, participe à la décoration. Ils partiront tous les deux pour Fontainebleau sur l’invitation de François 1er en 1533, mais Romain y restera moins d’un ans, tandis que Le Primatice, resté seul, deviendra avec Le Rosso arrivé à la cour deux ans avant lui, l’un des deux chefs de file de la Première École de Fontainebleau.
A l’achèvement de la construction du Te, Romain en assumera le décor (voir Peinture/Maniérisme Lombard/J.Romain). Il est alors nommé Préfet des Bâtiments, ce qui lui donne la charge de construire ou de surveiller les constructions mais aussi d’urbaniser et aménager la cité de Mantoue En 1532, il achève et décore le Palazzina della Paleoga pour l’épouse du marquis, Marguerite de Montferrat. Et en 1536, il construit et décore les nouveaux appartements du duc.
Fabriquant des objets en argent, scénographe pour les fêtes marquisales, il assurera aussi une carrière de graveur. Ami du dramaturge l’Arétin (1492-1556), il illustrera ses sonnets libertins que gravera Marcantonio Raimondi (voir Raphaël, note 122). Ces sonnets et leurs gravures, connus sous le nom de I Modi (1524) scandalisèrent l’éphémère pape Adrien VI (†1523) qui fut pape guère plus d’un an, mais dont le rigorisme moral qu’il avait reçu de sa formation à la Devotio Moderna (voir Tome 1/ Les Prémices de la Réforme) lui laissa le temps de faire condamné ses auteurs. Ce fut une des raisons qui incita Romano à quitter Rome pour Mantoue où lorsque Vasari lui rendit visite en 1541, il découvrit « un homme riche et puissant qui possédait un grand palais, personnellement restauré, dans le centre de Mantoue, connue sous le nom de Maison de Giulio Romano »
Palais et villa, c’est-à-dire tout à la fois, résidence d’été et exploitation agricole, le Palais-Villa du Te, au sud de Mantoue, a été commandé par Fréderic II à Jules Romain en 1524 (25 ?), qui en achève la construction et la décoration avec son équipe en 1534 (36 ?39 ?). Ce palais doit sans doute son nom à l’ilot marécageux de Tejeto sur lequel il a été élevé. Une cour intérieure (cortile) est entourée sur ses quatre côtés de bâtiments bas avec un piano nobile (étage noble). Les façades intérieures donnant sur la cour présentent un bossage rustique imitant la pierre au naturel et des colonnes doriques engagées entre lesquelles se succèdent des ouvertures à fronton, aveugle ou ouvertes, et des niches. Sur les façades nord et sud, trois arches donnent passage des bâtiments à la cour. Les façades extérieures présentent la même structure, les piliers remplaçant les colonnes. La façade extérieur-ouest présente une ouverture monumentale de trois arches de plein cintre soutenues par deux fois quatre colonnes doriques au centre et par deux colonnes et le mur de refend sur les côtés. Elle est coiffée d’un large fronton. Elle se prolonge latéralement au-delà du mur de refend par une loggia sous arche soutenue en alternance par des colonnes doriques et des pilastres. que surmonte un passage ouvert dont le garde-corps cache les fenêtres du piano nobile en retrait. Cette ouverture donne sur un bassin (et non deux) qu’enjambe un pont qui donne accès à un grand jardin longé d’un mur d’un côté, des communs de l’autre et se termine par un grand exèdre qui prend ici la forme d’un portique semi-circulaire.
Ce « palazzo dei lucidi inganni » (palais des illusions chatoyantes) comme se plaisait à l’appeler Fréderic II, qu’il réserva à sa maîtresse, contient un des plus beau décor du maniériste italien. Romano innove avec une nouvelle technique de décor qui fait alterner peinture et stuc. Technique qui sera largement reprise par la suite en pleine période maniériste. Ce décor fut exécuté sous la direction de Romano par une importante équipe de stucateurs dont Le Primatice, (voir Renaissance/France/Peinture), de mosaïstes, de fresquistes dont Benedetto Pagni et Rinaldo Montavano à qui l’on doit pour grande partie la renommée de cette décoration qui couvre une quinzaine de salle de thèmes inspirés de la mythologie, Sala di Psiche (Salle de Psyché), Sala del Sol (Salle du Soleil), Sala dei Giganti (Salle des Géants (1532-1535) peinture remarquablement illusionniste montrant les géants tentant de s’élever jusqu’à l’Olympe.
« Federico II Gonzaga voulait que dans la vision illusionniste et angoissée de la punition des Titans dans le Salle des Géants, fût représentée sa propre fidélité à l’autorité impériale de Charles V. C’est la quintessence de la décoration maniériste, mélange de vrai et de faux, d’une imagerie complexe, amusante et pleine d’esprit, avec le sérieux du contenu moral du mythe, contraste entre la conscience d’une réalité solide et l’imaginaire du terrible carnage sur les murs [de la salle des Titans][27] ».
Giacomo Barozzi ou Jacopo Barozzi da Vignola (1507-1573), connu en France sous le nom de Le Vignole ou Vignole, né à Vignola, au nord de Bologne reçoit une première formation non convaincante de peintre à Bologne[28]. Il n’en retirera pas moins un petit traité sur la perspective qui servira longtemps de manuel pratique dans la péninsule. Il arrive à Rome à 28 ans en 1535. Il entre dans le cercle des Sangallo.
En 1541 Le Primatice, ‘ministre des Beaux-Arts’ à la cour de Fontainebleau venu à Rome en 1539, en mission pour François 1er, lui confie de surveiller le coulage en bronze de différentes statues. Il va suivre le peintre en France mais en repartira quatre ans plus tard sans avoir reçu de commandes.
En 1542, il est à Milan où il travaille à la construction du Navigo Martesana, le second canal après le Navigo Grande qui date de la fin du XIIème siècle. A Minerbio, près de Bologne, il construit le Palais Minerbio, et à Plaisance (Émilie), le Palais Ducal du duché de Parme et de Plaisance, duché créé en 1545 par le pape Paul III Farnèse et gouverné par les Farnèse.
Mais ce n’est qu’en 1546, onze ans après son premier séjour qu’il revient à Rome et se consacre à l’architecture. Il va travailler avec l’architecte de Paul III, Giacomo Melenghin, comme dessinateur pour la restauration d’édifices antiques (Wikipedia). Puis, son talent reconnu, il va travailler en indépendant pour les papes du Concile de Trente : Paul III qui convoque le concile en 1542, Jules III qui le clôture en 1563, puis pour Pie V qui va faire appliquer les décisions de ce concile dit de la Contre-Réforme. Il sera l’architecte de l’architecte de la Contre-Réforme , appliquant les recommandations du concile tridendin d’une architecture plutôt pauvre sinon dépourvue d’ornementation extérieure, comme un retour à la sobriété de la Première Renaissance.
En 1551, le pape Jules III lui demande de revoir les plans de la Villa Giulia que Vasari aurait dressés et que Michel-Ange aurait modifiés. Vasari (1511-1574) sera chargé de la décoration avec l’architecte et sculpteur Ammannati (1511-1592) qui réalisera la Nymphée[29]. Il construit également l’escalier menant à la Place du Capitole que Michel-Ange est en train de réaménager et que d’aucuns attribuent à son élève Giacomo della Porta qui achèvera sur cette même place le Palais des Conservateurs après la mort de Michel-Ange en 1564 et construira le Palazzo Nuevo qui lui fait face. Le Vignole réalise aussi l’escalier menant à la Basilique Santa Maria in Aracoeli, située derrière.
Il va travailler au Palais Farnèse que le cardinal Alexandre Farnèse, futur pape Paul III avait commandé en 1514/17 à Antonio da Sangallo Le Jeune. Les plans ne seront mis en œuvre qu’ qu’en 1534 à l’élection de Paul III. En 1546 à la mort de Sangallo, qui avait repris les travaux cinq ans plutôt après leur arrêt suite au sac de Rome, Michel-Ange avait poursuivi les travaux au second étage. Vignole les continuera à son tour, assisté de Giacomo della Porta (1533-1602). Les travaux s’achèveront en 1589 soit plus de trois- quart de siècles après leur début. (voir Maniérisme Romain/Peinture/La Farnesina) .
En 1562, paraît sa Règle pour les Cinq Ordres d’Architecture, traité d’architecture classique qui aura un retentissement considérable aussi important que celui de Palladio.
« L’on sait aussi que la Règle est un traité d’architecture théorique, doctrinal même, réduisant la théorie architecturale à la maîtrise du vocabulaire des ornements et proportions classiques des chapiteaux, colonnes et entrecolonnements. L’on sait encore que, du fait de l’importance de son illustration, la Règle fut finalement reçue comme un recueil de modèles. » (J.-M. Mathonière, (http://compagnonnage.info/blog/blogs/ blog1.php/2017/07/03/vignole-et-les-compagnons)
Après sa mort, sera édité Le Due Regole Della Prospettiva Pratica (Les Deux Règles de la Pratique de la Perspective). Cet ouvrage dans lequel Vignole n’aura pas fini à sa mort de rassembler toutes ses observations sur la perspective ne connut pas le succès de son premier traité mais fut bien rééditer à plusieurs reprises au XVIIème siècle à partir de 1611.
« Après une longue introduction scientifique sur la théorie de la vision et sur les fondements de la perspective, due presque entièrement à Danti[30], le traité se poursuit, toujours accompagné des savantes annotations de Danti, avec l'exposition de la "Première règle de perspective " de Vignola , correspondant à la " construction légitime " d'Alberti, [31]puis à sa " deuxième règle ", c'est-à-dire la méthode du point de distance, d'application plus pratique notamment dans la restitution en perspective d'éléments architecturaux, tels que loggias et voûtes, ou piédestaux, socles et chapiteaux de colonnes[32] ».
Entre 1565 et 68, il achève par sa façade la construction du Palazzo dei Banchi à Bologne : La galerie au niveau inférieur, plus haute que le niveau supérieur ouvert par un jeu successif de trois fenêtres encadrées de pilastres, relie la Piazza Maggiore au Palais de l'Archiginnasio (mot à mot : arches du gymnase,) ancien siège de l’université et œuvre de l’architecte bolonais Antonio Morandi dit Il Terribilia (†1568).
À partir de 1566, Vignole construit la Villa Gambara de Bagnaia, plus tard dite Villa Lante (près de Viterbe, nord Latium) dont il dessine également les jardins qui font tout l’intérêt de cette villa : deux bâtiments construits symétriquement au milieu desquels le jardin domine l'ensemble par son chemin de l'eau (voir Jardins).
En 1568, il modifie les plans de Église du Gesù de Michel-Ange (†1564) qui avait déjà révisé ceux de Nanni di Baccio Biggio qui s’était inspiré de ceux d’un des plus beaux édifices de la Première Renaissance, ceux de la Basilique St André de Mantoue dessinés par Alberti juste avant sa mort en 1472. Giacomo della Porta dessinera et commencera en 1575 l’emblématique façade du Gesù. Les plans suivent les exigences d’Ignace de Loyola d’« une grande nef avec une chaire placée sur le côté, pour faciliter la prédication et un maître-autel surélevé pour la célébration de l’eucharistie[33] » . Ces plans ainsi que la façade serviront de modèles aux églises jésuites.
L’Église du Gesù, église mère de la Compagnie de Jésus (voir Vol.1/ Contre-réforme) fondée en 1540 par Ignace de Loyola voit ses travaux commencer par Vignole en 1568 après que le Concile de la Contre-Réforme a donné des consignes esthétiques devant restituer à l’Église toute sa grandeur et sa majesté. Avec l’Église du Gesù, Vignole abandonne le plan centré chère aux architectes classiques de la Renaissance pour revenir au plan basilical qui dorénavant va être la règle. Pour autant le plan du Gesù ne se rapproche pas du plan des églises paléochrétiennes car il n’y ni colonnes délimitant les galeries ni même non plus de galeries, ni de bas-côtés comme à l’époque moyenâgeuse. Leurs sont substituées des chapelles peu profondes de la hauteur traditionnelle d’un bas-côté. On revient pour partie aux chapelles du plan centré à coupole d’un Bramante ou d’un Palladio, mais qui, ici, non plus ni n’entourent ni n’ encadrent mais qui, latérales, longent la nef voutée en plein cintre. Les entrées de ces chapelles sont aussi en arche de plein cintre et encadrées de pilastres cannelés à ordre colossal corinthien. La coupole est aussi conservée mais ne se situe plus au centre de l’édifice mais, donc, à la croisée d’un transept dont les bras surmontés d’un fronton s’avancent fort peu en saillie des chapelles latérales, mais qui plus haut qu’elles, s’élèvent jusqu’à hauteur de la façade. L’essentiel de la lumière entre par la coupole et les verrières du niveau supérieur qui restent de dimensions modestes. Ce schéma servira de modèle de base aux églises baroques.
Le Vignole meurt en 1573. Giacomo della Porta commence à dresser la façade deux ans plus tard en 1575: Le premier niveau est rythmé par un jeu de double pilastres sur piédestaux et non cannelés. Au centre une grande porte à fronton triangulaire est surmontée d’un haut écusson au monogramme de Jésus, IHS. Elle est encadrée de chaque côté par une colonne sur piédestal d’ordre corinthien s’élevant sur toute la hauteur du niveau et à laquelle est accolé un pilastre sur piédestal de même hauteur et non cannelé. Un jeu de double pilastres identiques est repris au centre et à l’extrémité de la partie latérale divisant celles-ci en deux parties : celle près de la porte est occupée par une petite porte à fronton triangulaire et est surmontée d’une niche à large fronton circulaire habitée par une statue ; celle vers l’extrémité est aveugle. Une corniche court tout le long de la façade entre pilastres et colonnes à leur mi-hauteur. À la frise est gravé le nom d’Alexandre Farnèse cardinal qui a financé l’ouvrage et la date de MDLXXV. L’architecte a joué sur le double rythme de deux et de trois : trois jeux de deux pilastres dont un avec colonne divisent les côtés en deux.
Le niveau intermédiaire est constitué par l’architrave qui reprend seulement le relief des pilastres du niveau inférieur ; un fronton en arc contenant un fronton triangulaire occupe son centre.
Le niveau supérieur reprend en plus petit et en une plus étroite largeur le module du niveau inférieur. L’ouverture centrale est occupée par une verrière. Elle est cintrée de même que les deux niches latérales sans statues. Leurs frontons sont circulaires et non plus triangulaires. Aux extrémités deux grandes volutes aux intérieurs creusés rattrapent la largeur de la façade. Volutes qui sont la signature des églises jésuites.
Coiffant tout le pignon, un fronton triangulaire dans lequel s’accroche à nouveau un médaillon orné élève la façade jusqu’à rendre invisible la coupole lanterne du transept.
L’architecte a joué sur le jeu d’ombre et lumière entre les reliefs des pilastres, fronton, niches et corniche et les aplats des surfaces aveugles ; de même que sur le jeu croisé de la verticalité des pilastres et colonnes et l’horizontalité des corniches, frise et bases des frontons ; de même sur les proportions, les doubles pilastres faiblement écartés ont la même largeur que les parties latérales de la façade qu’ils encadrent ; la corniche du niveau inférieur est à égale distance des piédestaux et des chapiteaux. Au niveau supérieur, les pilastres plus étroits offrent plus de largeur au mur creusé de niches, sans quoi le rétrécissement en perspective d’une vision de bas en haut les aurait par trop rétrécis.
Cette façade à deux niveaux sera également un modèle de l’architecture de la Contre-Réforme repris pour de nombreuse églises en Europe comme par exemple à Gènes, l’Église du Gesù San’Ambrogio et l’Église de l’Annonciation (Basilica Della Santissima Annunziata Del Vastato, 17ème siècle), où cette fois-ci ne sont pas employés les pilastres mais les colonnes qui en portique avancé supportent un immense fronton. Deux tours-clochers à dôme encadrent le pignon à volutes et fronton.
La famille Fontana est originaire de la région du lac Lugano (Tessin, Suisse italophone).
Domenico Fontana (1543-1606) arrive à Rome lorsqu’il a une vingtaine d’année et y passera sa vie. Architecte, il travaille d’abord entre 1570 et 1578 à la chapelle du Saint-Sacrement et au tombeau de Nicolas IV à la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Il construit en 1583 le Palais Montecavallo appelé par la suite Palais du Quirinal, le Quirinal étant la plus haute des sept collines de Rome. Le cardinal Montalto, élu pape sous le nom de Sixte Quint en 1585, devient son protecteur et son commanditaire. En 1586, il commence les travaux du Palais du Latran et restaure la façade de la basilique. Mais pour l’essentiel, son œuvre est essentiellement consacré au réaménagement urbain de la ville pontificale. On lui doit les obélisques des grandes places dont celle de la place Saint Pierre (1586). Ces places sont reliées entre elles par de larges voies. Si son aménagement urbain répond à un souci de rationalité, il y ajoute des effets de surprises par de surprenantes perspectives qui manifestent son maniérisme.
Il travailla également en collaboration avec della Porta, au dôme de la Basilique St Pierre et la façade du Gesù. Concernant l’église St Louis des Français, Domenico achèvera la façade entreprise par della Porta.
A la mort du pape en 1591, soupçonné de détournement de fond, il se réfugie à Naples où il urbanise la ville et réalise plusieurs ouvrages dont le Palais Royal, la Fontaine de Neptune et la coupole de la Basilica della SS. Annunziata Maggiore.
Giovanni Fontana (1546 -1614), son frère, aurait travaillé à la Basilique Saint Pierre. (les sources ne précisent pas en quoi aurait consisté son intervention…?). Il est avant tout a un ingénieur-architecte hydraulique et, comme tel, ses réalisations portent surtout sur l’approvisionnement de l’eau à Rome. Il pourrait avoir construit le Palazzo Giustiniani, actuelle résidence du Président du Sénat. En collaboration avec le tessinois Carlo Maderno (1556-1629), il construit à Frascati près de Rome en 1600-02 sur un plan de della Porta, la Villa Aldobrandini célèbre pour son parc avec jets d’eau cascades, bosquets, grottes et statues et où Goethe séjournera.
Jacopo ou Giovanni Fontana (1393-1455), vénitien ou padouan ( ?) ne fait pas partie de la famille des architectes. Il fut médecin et ingénieur, Il se présentait comme un mage autour de qui flottait une aura d’ésotérisme. Il a publié au moins quinze traités sur ses recherches et inventions, aussi bien sur la trigonométrie et la perspective que sur différents types d’horloges. Son Bellicorum instrumentorum liber, figura et fictitys litoris conscriptus (Livre d'instruments De Guerre Illustré et Crypté), dont une bonne partie est cryptée, contient quantité d’inventions aussi diverses que des pompes, des moteurs de levage, des tours de défense, un oiseau propulsé par une fusée, une lanterne magique, un vélo mu par une corde entrainant la roue par engrenage (pignons). Il doit son surnom de della Fontana à ses inventions de fontaines. Dans son
« Secretum de thesauro experimentorum ymaginationis hominum", Fontana étudia les différents types de mémoire et expliqua les fonctions de la mémoire artificielle. Il propose des dispositifs de mémoire et des "machines", ayant une structure fixe (roues, spirales, cylindres) et une partie mobile et variable permettant de changer les combinaisons de signes au sein de ce système, une réalisation du rêve lullien par un ingénieur. » (https://history-computer.com/Dreamers/Fontana.html)
Non un rêve lullien mais une réalité lullienne mise au point au XIIIème siècle par Raymond Lulle avec son Ars Magna (voir Tome 1/ Ordre Franciscain/ R/ Lulle) ; et dispositif de mémoire qui ne va pas sans rappeler Le Théâtre de La Mémoire dans lequel Giulo Camillo (1480-1544) expose en 1555, la machinerie du théâtre qu’il avait faite spécialement construire permettant de mémoriser l’ensemble des connaissances et organiser les concepts sur la base d’imagerie et de symboles empruntés à la mythologie.. Tout ceci s’inscrivant dans ce besoin à la Renaissance de chiffrement et de classification (voir Vol 1/ Introduction et Humanisme et Arts Sacrés).
Giacomo della Porta (1533-1602), originaire de Rome reçoit de son père, installé à Gênes, une formation de sculpteur[34].
A Rome, il sera plus l’élève de Michel-Ange qu’il ne l’aura été de Le Vignole. Sans doute, des architectes maniéristes le plus annonciateur du baroque, il va intervenir dans la plupart des grandes réalisations architecturales de la ville.
Entre 1564 et 68, à partir des plans de Michel-Ange, sur la Place du Capitole, il rénove le Palais des Conservateurs dont il conçoit la surprenante grande fenêtre centrale, et construit le Palazzo Nuovo. Certaines sources lui attribuent les grands escaliers menant à la place, tandis que d’autres l’attribuent à son maître Le Vignole.
Della Porta va en construire plusieurs, notamment :
-Le Palazzo della Sapienza (1578-1602), appelé ainsi car y furent réunies les écoles universitaires. Della Porta y réunit les bâtiments préexistant et celui construit en 1572-73 par Guidetto Guidetti et réalise au centre une cour rectangulaire fermée sur trois côtés longés et deux niveaux, portiques et loggias. Borromini fut chargé en 1632-37 de bâtir la grande salle de la bibliothèque, la Bibliothèque Alexandrine pour Alexandre VII et l’église Ant'ivo Alla Sapienza, qui ferme côté est la cour, chef-d’œuvre de l’Art Baroque ;
-Le Palazzo Capizucchi (1580) ; le Palazzo Fani (1598) et le Palazzo Albertoni Spinola (1600) commandé par le marquis Baldassarre Paluzzi Albertoni. Dans ce dernier, il travaille à renforcer les structures porteuse et conçoit la galerie d’entrée et le hall d’entrée sur un plan orthogonal (à angle droit) créant un effet visuel en perspective unique en plus de l'intégration des deux corps du palais. Girolamo Rainaldi, élève de della Porta, aura en charge la façade dont il aura le souci de la conformer à la perspective de la Piazza di Campitelli dont Della Porta avait conçu la fontaine en 1589.
- Il aura également travaillé au Palais Farnèse aux côtés de Michel-Ange et de Sangallo Le Jeune.
Rome lui doit plusieurs fontaines dont les fontaines de la Piazza Colonna (1574), de la Piazza Navone en 1574, de la Piazza della Rotonda (dont l’obélisque datant de Ramsès II sera rajouté en 1711), la Fontaine Terrina (1590) ou encore la fontaine de la place d'Aracoeli (derrière le Capitole) et surtout la Fontaine au Tortues de 1582, « un chef-d’œuvre de grâce presque Rococo » (Ency. Universalis)
En architecture religieuse, sur les plans de Michel-Ange, il élève en collaboration avec l’ingénieur-architecte Domenico Fontana, entre 1588 et 1590, le dôme de la Basilique Saint Pierre qu’il élève de plus de huit mètres que ne l’avait prévu son maître[35]. Il construit
- L'église Sant’Andrea della Valle (1591) qu’achèveront pour la coupole C. Maderno et pour la façade Carlo Rainaldi (1611-1691).
- Surtout, en 1575, il élève la fameuse façade de l’Église du Gesù (voir Le Vignole);
- Concernant l’Église Saint Louis des Français, « Le premier architecte de Saint-Louis-des-Français fut Jean de Chènevières, un Français originaire de Normandie. Il y travailla, depuis la première pierre posée en 1518, jusqu’en 1527, date à laquelle, s’étant engagé dans l’armée pontificale pour lutter contre les lansquenets de Charles-Quint, il trouva la mort quelques semaines avant le sac de Rome. Après le sac, les travaux ne reprirent que très lentement. Vers 1560, le très jeune architecte Giacomo della Porta entreprit la construction de la façade ; il y intégra des éléments de sculpture (salamandres, harpies), œuvres de Jean de Chénevières (qui était aussi un remarquable sculpteur), provenant d’un édifice inachevé (à destination incertaine, probablement à la gloire du roi François Ier) qui se situait devant la façade de l’église – ceci avant 1568 date de la deuxième édition des Vite de Vasari (dont la première édition, en 1550, décrit les sculptures en place sur le monument, et la seconde édition, en1568, les situe sur la façade de l’église). Cette façade ne fut achevée que bien plus tard, dans les années 1580, par Domenico Fontana. Noter que les grandes sculptures de personnages de la façade datent du XVIIIe siècle : les niches étaient destinées à rester vides. »( Père Louis Duval-Arnoul , Encyclopédie Catholicisme/Saint Louis-des Français)
Il aura dressé de 1600 jusqu’à ses derniers jours les plans de La Villa Aldobrandini (1602) que construiront Giovanni Fontana et Carlo Maderno dans les toutes premières années du XVIIème siècle.
L’originalité architecturale de della Porta est d’oser laisser de grandes surfaces vides et aveugles pour se concentrer sur les éléments architecturaux qu’il n’hésite pas alors à multiplier. Ce qui crée notamment sur ses façades une tension tout en les laissant ‘ouvertes’. Certaines sources s’accordent à dire qu’il n’a eu ni l’audace ni l’inventivité de son maître, Le Vignole, et que son architecture serait plutôt ‘sage’. Della Porta n’en a pas moins été le grand architecte du dernier quart du siècle à Rome ; Ses réalisations au Gesù et à St Pierre relève non seulement d’une parfaite maitrise de son art mais également d’une distinction qui n’oblige pas à la puissance, et qui, alliée à un souci d’expressivité, annonce la Baroque.
« L'œuvre de Della Porta est dépourvue du génie personnel et inventif de celui de Michelangelo. Elle est moins exacte et étudiée que celle de Vignola. Elle constitue pourtant un aspect de l'architecture romaine de la fin du XVIe siècle, qui demeure à ce jour typique de la ville et de l'époque. » (Ibidem)
« Sa production, en particulier dans les façades d'églises, auxquelles ils donnent deux ordres superposés et des reflets rythmiques, révèle souvent d’une recherche technique audacieuse, une expérience consommée et un sens de l'architecture robuste, et marque la transition de la norme classique aux voies du baroque naissant ». (http://www.treccani.it/enciclopedia/giacomo-della-porta/ ).
Un des épisodes de la 7ème des Guerres d’Italie vit s’opposer à Charles-Quint la Ligue de Cognac alliant la France, Florence, Venise, l’Angleterre, le pape Clément VII qui voyait déjà l’empereur,
maître au Nord et au Sud de la péninsule, en posséder le centre. Au printemps de 1527, le sac de la Ville Éternelle fut l’œuvre des troupes impériales commandées par Charles III de Bourbon. Charles III de Bourbon (†1527), Connétable de France Duc d’Auvergne, et du Bourbonnais, Comte du Forez, Prince de la Dombes (Ain) se vit déposséder par un procès truqué du Parlement de Paris de son immense territoire par Louise de Savoie qui prétendait à la succession, soutenue par son fils François 1er . Jusqu’alors grand serviteur de la couronne, le duc se mit au service de Charles Quint. En 1524, il remporta sur les troupes françaises, la décisive Bataille de Sesia (Piémont) au cours de laquelle fut tué le Chevalier Bayard. Mais, il fut tué à son tour pendant l’invasion de Rome et pour le venger ses soldats espagnols et les lansquenets luthériens saccagèrent la ville. Clément VII (Jules de Médicis) se réfugia au Château Saint Ange pour six mois avant de se retirer en terre pontificale, à Orvieto, après capitulation de ses troupes. Il revint à Rome l’année suivante en 1528. Charles V se réconcilia avec le pape qui posa en 1530 la couronne impériale sur la tête de Charles -Quint , empereur du St Empire depuis 1519.
Les Florentins avaient profiter des troubles pour chasser les Médicis et instaurer à nouveau la république comme ils l’avaient fait en 1498. Mais le siège de la ville (10 mois) par les troupes impériales d’Italie amena le renversement de la république florentine et le retour des Médicis au pouvoir avec Alexandre de Médicis nommé 1er duc de Florence. En 1530, les troupes florentines étaient défaites. Le pape réconcilié avec Charles V remettait en 1530 à Bologne la couronne impériale sur la tête de celui qui était déjà empereur du St Empire depuis 1519. Ils mettront deux ans plus tard à la tête de Florence, Alexandre de Médicis qu’ils feront 1er duc de Florence deux ans plus tard.
Ce sac de la Ville Éternelle fut un bouleversement politique et artistique. Au désastre du sac s’ajouta la calamité de la peste qui fait 20% de morts dans la population romaine (Rivages de Bohême/Salviati). Les artistes s’empressèrent de quitter Rome comme Le Parmesan et Le Rosso, tandis que d’autre étonnamment y arrivait comme Salviati où il parfait sa formation auprès des œuvres des maitres de la Haute-Renaissance, Michel-Ange et Raphaël, Boticelli et Signorelli à la Sixtine, mais aussi de leur génération suivante Le Parmesan, Sebastiano dei Piombo ou encore l’architecte et pentre Baldassare Peruzzi. Florence redevint alors l’épicentre de la culture italienne et de d’autant que commencèrent à s’y manifester de nouveaux talents en peinture dont les évènements avaient marqué et leur esprit et leur manière.
« Avec Le Pontormo, Le Rosso est la figure clé du Maniérisme florentin. Il se forme avec ce dernier dans l’atelier d’Andrea del Sarto ». (Rosso Firentino aux Offices https://www.galeriedes offices. com/le-manierisme-rosso-fiorentino-aux-offices/)
Au plan architectural, le maniérisme c’est déjà manifesté non en premier lieu à Rome mais à Mantoue avec le Palais du Te de Jules Romain. Ce n’est que dans la seconde moitié du siècle qui se manifestera dans la Ville Éternelle. A Florence, le temps des grand palais est terminé. Significative des temps, confiée à Pier Francesco da Viterbo et Antonio da Sangallo le Jeune, la construction en 1534 de La Fortezza da Basso, impressionnante forteresse qui devait servir aux Médicis à se refugier en cas de révolte de la population impressionner les florentins grâce à sa majesté. L’originalité architecturale du maniérisme florentin se manifestera essentiellement dans son architecture paysagère, dans ses jardins avec leurs surprenants effets de perspective, leurs surprises au détour d’un bosquets, leurs fontaines et grottes.
Le Maniérisme Florentin en architecture est manifesté par :
Niccolò Tribolo (Niccolò di Raffaello di Niccolò dei Pericoli, dit Il Tribolo, également appelé Maitre- de la Chausse-Trappe, 1500-1550) né et mort à Florence, fut sculpteur maniériste et architecte surtout de jardins à Florence sous le règne Cosme 1er, (1519-1574), Duc de Florence en 1537 et premier Grand Duc du duché de Toscane en 1569.
Tribolo a été d’abord formé comme sculpteur sur bois en taille douce (gravure en creux) par Giovanni d'Alesso d'Antonio (c.a.1490-1546), puis comme sculpteur par le Florentin Jacopo Sansovino (1486-1570 voir Maniérisme Vénitien). En 1525, il fuit la peste qui sévit à Florence. Il séjourne à Bologne où il sculpte les rilievi (reliefs) en bronze de la Basilique San Petronio. En 1528-1529, il est à Pise où il participe aux côtés de son ami le sculpteur Stagio Stagi (1496-1563) à la construction du maître-autel du Duomo. Il revient à Florence en 1529-1530 où avec Benvenuto Volpaja[36], il dessine une carte en relief de Florence. Il est à Loreto de 1530 à 1533/34 où il sculpte les reliefs de la porte Santuario della Santa Casa.
Le pape Clément VII (1478-1534) le rappelle à Florence pour travailler sous la direction de Michel-Ange et avec Montorsoli et Raffaele da Montelupo aux nouveaux plans de la Basilique San Lorenzo qui avait été commencée par Brunelleschi en 1424. De nombreux artistes ont participé à la construction et au décor de cette basilique : Brunelleschi, Benozzo Gozzoli, Donatello, Verrochio, Filipo Lippi, Agnolo Bronzino. Dans le monastère, Michel-Ange commence par réaliser la salle de lecture de la Bibliothèque Laurentienne commandée en 1524 par Clément VII. (>1571). Tardant à achever les plans du célèbre escalier, le pape enverra Tribolo à Rome pour relancer l’ardent architecte; les plans terminés, Ammannati les exécutera.
Le pape meurt, le projet n’aboutit pas. Tribolo se rend alors à Venise avec B.Cellini pour trouver du travail auprès de son ancien professeur Sansovino[37]. En 1535, il est à nouveau à Florence ; en 1536 à nouveau à Bologne ; en 1538 à Florence où il meurt en 1550.
Comme architecte, Tribolo aura surtout travaillé comme assistant et sur plans pour des rénovations comme celle de la chapelle funéraire d’Éléonore de Tolède et de la Villa Médicéenne de Poggio a Caiano construite sous Laurent par Sangallo le Jeune.
C’est tardivement dans les dix dernières années de sa vie que Tribolo pourra laisser son nom comme architecte-paysager. On lui doit en 1540 les jardins de la Villa Corsini Castello et de la Villa Medicea di Castello, en 1543 celui de la Villa Medicea La Petraia (voir Jardins), en 1545 -1548 le Giardino dei Semplici et le jardin de la Villa Medicea di Poggio a Caiano ; et enfin, et notamment, le Jardin de Boboli qu’il n’aura pas le temps d’achever (voir Architecture/Jardins).
Bernardo Timante Buonacorsi (Buontalenti, 1536-1608[38]), né à Florence, sera d’abord élève du peintre Salviati et de Vasari qui écrira de lui : « S'il avait dans sa jeunesse étudié les arts autant que la science des fortifications, à laquelle il a consacré beaucoup de temps, il aurait atteint un degré de perfection stupéfiant. »
Suite à l’effondrement de sa maison natale à Costa San Giorgio dans le quartier Oltrarno de Florence, et orphelin à 11 ans, il entre très tôt au service de Cosme 1er sous la protection duquel il est précepteur de son fils (Encyclopedia universlis)(?) de peu son cadet, Francesco de Médicis, Grand Duc de Toscane à la mort de son père en 1574 et jusqu’à ce qu’il soit fort probablement empoisonné en 1587 par son frère, le Cardinal Ferdinand qui mariera, une fois duc, sa nièce Marie des Médicis à Henri IV.
En 1556, il est au service du duc d’Albe comme ingénieur militaire à Ostie et à Civitella del Tronto. Il est probable qu'il ait visité Rome pendant cette période.
En 1563, il suit Francesco en Espagne. En 1568, il est élu "ingénieur des rivières et des fossés", poste qu'il occupe jusqu'à sa mort.
Entre 1569 et 1574, il construit pour Francesco la Villa Pratolino et son célèbre jardin appelé le Jardin des Merveilles (voir Jardins) achevé en 1583 et dont le coût aura été plus élevé que le Palais des Offices (des bureaux administratifs) construit par Vasari et terminé après sa mort en 1581. Buontalenti restaure aussi Villa de Lappeggi avec un original plan en fer à cheval.
Architecte, admirateur de Michel-Ange et d’Ammannati, il agrandit l'hôpital Santa Maria Nuova (1574) et par la suite le couvent de Santa Trinità (1584). Il restaure une des plus belles des douze villas médicéennes[39], la Villa de la Petraia (1575), située au village de Castello sur les hauteurs de la campagne florentine et où se trouve également la Villa Corsini Castello et la Villa Medicea di Castello, De 1581 à 1588, il poursuit le travail de remaniement entrepris par Vasari du Palazzo Vecchio, hôtel de ville de Florence, anciennement siège de la Seigneurie, commencé 1299 par Arnolfo di Cambio, l’architecte de la cathédrale Santa Maria del Fiore (dôme de Burnelleschi,1420) et de Santa Croce achevée quatre ans après sa mort en 1314.
En 1583, il poursuit la réalisation des Jardins de Boboli (voir Jardins) commencés par Tribolo et Ammannati.
En 1587, il travaille aux plans de la façade de la cathédrale, et en 1593 à celle de l’église Santa Maria. En 1596, il construit pour le duc Ferdinand la Villa Médicis de Caltano et de 1596 à 1600, La Villa d'Artiminio (Ferdinanda, La Villa au Cent Cheminées).
Comme architecte et ingénieur civil, il revoit les plans du ghetto de Florence, construit notamment les fortifications de Marradi et Castrocaro (1556), de Porto Ercole (1565 c.), de San Piero a Sieve (1571), le bastion érigé à Pistoia (1571), tous des lieux convoités de Toscane lors des guerres d’Italie. Aux côtés l’architecte-ingénieur, Baldassarre Lanci (†1571), il est associé à la création de la cité fortifiée de la Terra del Sole, et aux fortifications de Sienne. En 1576 et puis en 1587-89, il travaille aux plans de la nouvelle ville de Livourne.
Entre 1590 et 95, il construit la forteresse du Belvédère à Florence. Il travailla aussi à Pise, à Prato. Il écrivit deux traités : Libro delle fortificazione (perdu) et Arte dell'ingegnere.
Nommé surintendant des bâtiments civils et militaires par Cosme 1er (†1574), ayant jouit de la part du duc et de ses successeurs des plus grandes faveurs, celui qu’on a surnommé Bernardo delle Girandole organisa pour eux de somptueuses fêtes avec feux d'artifice et mascarades. Il imagina même pour les Médicis dans le proche entourage desquels il vécut toujours, « des costumes de personnages allégoriques: nymphes, planètes, dieux, dragons, chérubins ». Maître de la scénographie, il créa pour le théâtre « des automates, des décors à métamorphoses, des jeux hydrauliques, avec une habileté que ses contemporains tenaient pour magique », anticipant sur les machineries du théâtre baroque.
Inventeur du gelato, proposant sa propre version des "desserts glacés" à la cour des Médicis, Buontalenti aura été « l'un des artistes les plus importants et les plus influents de la seconde moitié du XVIe siècle et le personnage clé de l'ère maniériste. » Il mourra dans la pauvreté.
« Les formes fantaisistes et colorées de Buontalenti étaient désormais dépassées car à Florence la rigueur [contre] réformiste avait conduit à un retour aux modules nus du XVe siècle ».
Bartolomeo Ammannati (1511-1592) est né à Settignano, un quartier à la périphérie de Florence, proche de celui de Fiesole.
Il est d’abord formé par le sculpteur maniériste florentin Baccio Bandinelli (1493-1560) dans l’atelier duquel il entre à douze ans. Puis il part rapidement pour Venise attiré par la renommée de Sansovino qui va le former en tant qu’architecte et avec qui, à 26 ans, il travaillera à la Biblioteca Mariana en 1537.
En 1544, il est à Padoue où il reçoit les commandes du mausolée de l’homme de lettres Marco Mantua Bonavides dans l’église romane des érémitiques (1546), ainsi que des statues du palais Bonavides, (aujourd'hui Protti).
En 1550, année de son élection, le pape Jules III l’appelle à Rome pour collaborer avec Vignole à la décoration de la Villa Giulia (voir Vignole) sur les plans de Vasari modifiés par Michel-Ange qu’il admire comme sculpteur. Lui-même réalise en tant que sculpteur le nymphé (grotte abritant une source, une fontaine ; sanctuaire consacré aux nymphe) dans le parc de la villa. En 1553, il achève les statues des sépulcres d'Antonio et Fabiano Del Monte à S. Pietro in Montorio dans la cour de laquelle se trouve le Tempietto, un des exemples des plus représentatifs de l’architecture renaissante classique construit par Bramante en 1502 peu de temps après son arrivée à Rome.
En 1555, sur la recommandation de Vasari, il se fixe à Florence et se consacre à l’architecture.
Il agrandit les Palais Grifoni de 1557 à 64 et Giugni Ramirez à partir de 1568.
En 1567-69, toujours à Florence, il construit le Pont Santa Trinità (Pont aux Trois Arches) aux trois arches en panier ( formes propres à la Renaissance). Pont avec lequel il « atteint le sommet le plus élevé et le plus original de son art » (Dizionario-Biografico/), et qui selon les sources aurait résisté à toute le crues furieuses de l’Arno (Wikipédia/Ammannati) ou aurait été emporté en 1944 et reconstruit en 1958 (Encyclopédie Britannica/Ammannati).
Entre 1560 et 77, il exécute toujours sur les plans de M.A. l’escalier et le vestibule de la Bibliothèque Laurentienne et entreprend ce que d’aucuns considèrent comme son œuvre maitresse en architecture, l’agrandissement de la structure originelle du Palais Pitti construit en 1498 par l’élève de Brunelleschi, Luca Fancelli (1430-1494). Il y ajoute une cour intérieure avec une façade qui donne sur les jardins, les Jardins Boboli (voir Maniérisme/Jardins). Le palais fut acquis en 1549 par l’épouse de Cosme 1er, Éléonore de Tolède. La façade, cour et ailes présentent « des canaux en bossages [les colonnes engagées d’ordres dorique, ionique et corinthien, apparaissent dans les intervalles d’un appareillage rustique, arrondi au niveau inférieur et au troisième niveau, rectangulaire au niveau intermédiaire = piano mobile] et qui seront largement copiés, notamment pour le Palais du Luxembourg de Maire de Médicis. Sur la façade principale, Ammannati pose également des finestre inginocchiate (fenêtres « agenouillées », en référence à leur ressemblance avec un prie-Dieu, déjà utilisées par Michel-Ange). » (Wikipédia Palais Pitti)
Comme sculpteur, en 1555, il sculpte la Fontaine de la grande salle du Palazzo Vecchio sur le thème mythologique des éléments. Il remporte en 1559, le concours devant Jean de Bologne (1529-1608, voir sculpture) pour l’exécution de la Fontaine de Neptune (1563-65) sur la Piazza della Signoria. Surnommée ‘il biancone’ pour son marbre blanc, la fontaine fut commandée pour le mariage de François 1er de Médicis et de la duchesse Jeanne d’Autriche en 1565. Le Neptune, qui ne fait pas moins de 9 mètres de haut, statique, est en contraste avec la gestuelle de Charybde (fille du dieu avec Gaïa la Terre), de la nymphe Scylla et des satyres en bronze posés autour du bassin très bas d’où émergent un groupe de chevaux. A comparer avec la fontaine de Neptune de la Piazza Navona à Rome réalisée en 1576 par Jacomo della Porta. Le maniérisme se manifeste plus clairement dans la cité papale avec un Neptune combattant de son trident les animaux marins.
Sur la même Place de La Seigneurie, Ammannati dresse la statue équestre de Cosme 1er (†1574). Son tombeau du banquier Bando Altovoti date de 1570. A la fin de sa vie, sous l’effet de la rigueur de la Contre-Réforme, il renia ses sculptures de nus et construisit les austères bâtiments du collège des Jésuites à Rome (1582).
En 1585, il préside à l'érection de l'obélisque de la place Saint-Pierre, le premier que l'on relevait à Rome. A la Villa Castello (voir Jardins), il sculpta le groupe Hercule et Anthée et la statue de l'Apennin.
Le maniérisme d’Ammannati en architecture comme en sculpture aura marqué de façon la transition entre le classicisme de la Renaissance et le baroque la période suivante que l’on désigne par Âge Classique.
A la Renaissance, les jardins, particulièrement en Italie, vont faire partie intégrante de l’architecture, intégrés qu’ils seront dans la conception des plans des palais et villas. Ces jardins et parcs sont de véritables paysages architecturaux, aux parterres multicolores. Ils sont occupés de nymphées (fausses grottes ornées) et de fabriques (fausses ruines antiques), et animés de fontaines, de jeux d’eau, d’étangs et bassins, de labyrinthes, de volières, habités de statues. L’architecte répond à l‘esprit maniériste de ses commanditaires par le soin qu’il met à réserver des ‘surprises’ aux promeneurs, des effets de décor, des apparitions impromptues de sculptures, des vues soudaines inattendues.
En Italie, Hippolyte II d’Este demande en 1550 à Pierro Ligorio de construire à Tivoli, non loin de Rome, la Villa d’Este dont les jardins sont réalisés entre 1565 et 1572. Ils seront continués ensuite par Le Bernin, notamment par sa Fontaine de Neptune. L’eau de la rivière Aniene, acheminée par un aqueduc, alimente fontaines, cascades, bassins et jets d’eau dans un décor de roche des plus naturels, occupé de grottes. L’allée au cent fontaines comptent bien cent fontaines. La fontana dell’Ovato est le premier théâtre d’eau où sont donné des spectacles aquatiques. En contre-bas de la Fontaine de Neptune, la fontaine de l’orgue réalisée avec l’appui technique d’un fontainier français, est sonorisée par un orgue à eau (la pompe produisant l’air dans les tuyaux est actionnée par la chute de l’eau).
Les fontaines les plus remarquables sont :
La Fontaine Del Bicchierone La Fontaine des dragons La Fontaine de l’ovale Les Viviers La Rometta La Fontaine de l’orgue
Les Fontaines de Neptune La Fontaine de la chouette La Fontaine de Diane d’Éphèse ou d’Artémis
Éléonore de Tolède, épouse de Cosme 1er , demanda juste avant la mort à l’architecte à Niccolò Tribolo, (†1550) de dessiner les jardins du Palais Pitti , construit en 1458 par Luca Fancelli et qu’elle avait venait de racheter en 1549. Sur ses plans, les travaux furent exécutés par B. Ammannnati ; Vasari réalisait les grottes et B. Buontalenti sculptait les statues. Une Vénus de Jean de Bologne y sera placée en 1570.
Giambologna sculptera pour le parc de la Villa Lante[40] une Fontaine des Maures. L’originalité de cette villa, située à Viterbo , au nord de Rome, construite en 1566 pour le cardinal Gambara est d’avoir donné au décor d’eau et de végétation une importance qui dépasse celle des deux bâtiments qui l’encadrent et qui contiennent néanmoins de belles fresques représentant la Villa d’Este, la Villa Farnèse (Palais Farnese de Caprarola[41]) et la villa elle-même dans son état d’origine. Le premier bâtiment a été commencé par Le Vignole. Le cardinal, futur pape Pie V, fera appel pour achever l’ensemble à l’architecte-ingénieur Tommaso Ghinucci qui a travaillé aussi aux jardins de la Villa d’Este.
L’eau, provenant de la colline, de fontaines-cascades en fontaines circulaires, court dans un canal à forme végétale qui passant entre une haie d’arbustes à feuille persistante, alimente d’abord un immense plan d’eau encadré d’un jeu de labyrinthes de haies basses, puis se poursuit pour aller alimenter des jardins potagers et vergers où une table étaient dressée pour le repas des hôtes. Au centre du plan d’eau s’élève la fontaine de Jean de Bologne montrant quatre Maures soulevant les armes des Gambara. Une plateforme circulaire entoure la fontaine à laquelle quatre passerelles bâties donnent accès. L’ensemble est bordé de balustres. Le parc ne couvre pas moins de 22 hectares[42].
Dans les derniers dix ans de sa vie, Buontalenti va se consacrer à l’architecture paysagère. On lui doit en 1540, les jardin de la Villa Corsini Castello et de la Villa Medicea di Castello, en 1543, celui de la Villa Medicea La Petraia (1543), en 1545 -1548, le Giardino dei Semplici et le jardin de la Villa Medicea di Poggio a Caiano, et enfin et notamment, il travaillera au Jardin de Boboli qu’il n’aura pas le temps d’achever.
Bâtie juste au nord de Florence, de 1569 à 1574 par Buontalenti pour le Duc François 1er, la Villa de Pratolino (Villa Demidoff) va donner lieu à l’agencement d’un des plus beaux jardins florentins, le Parc des Merveilles qui, achevé en 1583, est le plus grand de Toscane avec ses 30 hectares de surface. Acquise par les princes russes Demidoff en 1872, elle a été restaurée en 1981. Elle est actuellement propriété de la Province de Florence.
Nombreuses sont les grottes, les gorges, les bassins et les jets d’eau. Le Colosse de l’Apennin (Il Colosso dell' Appennino), un Titan mi-homme mi-montagne, de plâtre et pierre, figuré recouvert de boue et de lichen comme sortant de l’étang est une sculpture monumentale de 14 mètres de haut, élevée au nord du parc de 1579 à 1583 par le sculpteur flamand Jean Bologne (1529-1608). A l’intérieur, elle est doté d’un compartiment secret et de deux salles. A l’origine, le géant semblait sortir d’une grande montagne artificielle détruite et qui était intérieurement décorée de peintures, de statues, d’automates et de fontaines. Après avoir visité le Parc aux Merveilles, Montaigne a écrit que « la beauté et la richesse de ce lieu ne peuvent être représentés par l'écriture ». A l’arrière du colosse, se trouve un dragon sculpté par Giovan Battista Foggini à la fin du XVIIème siècle.
Parmi les magnifiques jardins italiens de la Renaissance, il faut aussi citer les Horti Farnesiani (ou orti, de orto potager) sur le Mont Palatin, une des sept collines centrales de Rome où étaient bâties depuis l’Antiquité les demeures seigneuriales. Ce jardin, dessiné par Le Vignole au milieu du XVIème siècle, véritable locus amoenus[43] avec ses immenses volières construites au-dessus d’une nymphée, ses étagements de terrasses prolongées d’escaliers monumentaux, ses prés, ses bosquets avec ses statues et ses sentiers déclinent toute la conjugaison naturelle d’un jardin maniériste de la Renaissance aux changements de perspectives et aux points de vue inattendus.
Les Jardins du Château d’Ambras à Innsbruck en Autriche, et le Pavillon de l’Étoile près de Prague, construits pour l’archiduc Ferdinand II du Tyrol (1529-1595), l’un destiné à ses collections, et l‘autre à sa seconde épouse, roturière et donc morganatique, sont comme ceux de Dresde, de Weimar et d’Heidelberg, de belles illustrations de ce goût du XVIème siècle pour ces architectures de verdure qui, leur goût passant de mode, seront pour certaines longtemps laissées à l’abandon comme celle de la Villa Pratolino. Ils sont agrémentés de parcs aux parterres multicolores, d'étangs, de fontaines, de volières, de labyrinthe dans le modèles des jardins de Boboli , de la Villa d'Este.
Voir Peinture/ Le Maniérisme à Florence
Au début du XVIème siècle, la République de Venise arrive à résister à la Ligue de Cambrai, une coalition constituée au prétexte de combattre l’Empire Ottoman de Bazajet II par Louis XII, le nouvel empereur des Romains Maximilien 1er et Ferdinand II d’Aragon. Elle parvient également à maintenir sa puissante hégémonie sur le commerce en Méditerranée qu’elle fait fructifier par bateaux dans les centres commerciaux des Provinces du Nord, centres commerciaux où des banquiers comme les Médicis font leurs affaires et où les ‘nations’, i.e. les marchands étrangers venus de toute l’Europe, mettent progressivement en place l’économie (capitaliste) moderne. Mais le déclin de Venise s’annonce avec les nouvelles routes maritimes ouvertes vers le Indes Orientales et Occidentales. En 1571, la Bataille de Lépante où Cervantès perdra un bras, coûtera fort cher à la République en navires. Elle devra se rapprocher des Habsbourg de la Maison d’Autriche.
Au plan artistique la Sérénissime va retrouver après Florence et Rome qui l’ont durant un siècle éclipsée, le rayonnement culturel qu’elle avait connu au début du XVème siècle. En architecture, le peintre et architecte véronais Falconetto introduit en Vénétie le classicisme romain. Il est à l’origine de l’importante École Véronaise qui comptera parmi ses architectes Michele Sanmicheli. L’architecte florentin Sansovino Le Jeune donnera le meilleur de son talent à la Sérénissime. Quant au padouan Palladio, il ouvrira la voie aux générations futures jusqu’au Néo-classicisme du XVIIIème siècle, notamment en Angleterre.
En peinture, l’École Vénitienne va compter parmi elle certains des plus grands noms de la peinture européenne avec des luministes comme Giorgione, Le Titien, un maniériste comme Tintoret et un ‘déjà’baroque Caravaggio.
Au plan musical, à la Capella de St Marc des maîtres tels Adrian Willaert (1490-1562), Cypriano de Rore (1515-1565) vont mener la polyphonie à ses sommets, tandis que les nouveautés apportée par Giovanni Gabrieli (1557-1612) annoncent la musique baroque et que les recherches sur une ‘nouvelle pratique’ de Monteverdi vont aboutir à un nouveau genre, l’opéra, qui gagnera toute l’Europe.
Le Maniérisme Vénitien en architecture est manisfesté par :
Giovanni Maria Falconetto (1468-1535), natif de Vérone, est issu d’une longue lignée de peintres. Il a d’abord été un peintre, élève ou associé (?) de Melozzo da Forli (Seconde Phase Florence/Peinture) à Rome où il retourna à plusieurs reprises[44]. Il tira [dessina] là selon Vasari « toutes les merveilleuses antiquités… de sorte qu'après douze ans, il soit retourné dans [sa] patrie riche de tous les trésors de cet art ».
Ses fresques de la chapelle de San Biagio (1497–1499, église des Saints Nazaro à Vérone, montrent une grande maîtrise de la perspective. Il laisse surtout son nom dans cette phase classique de la Renaissance pour ses réalisations architecturales dans la région de Vérone et Padoue, notamment pour le compte de l’architecte amateur Alvise Cornaro[45], chez qui il s’installe à partir de 1524, date à laquelle commencent « ses débuts présumés en architecture ».
sont de ses meilleurs exemples et des premiers en Vénétie d’une architecture Renaissance. Si le retour à Vérone de Falconetto se fait au début du siècle, celui de l’architecte Sanmicheli (†1559), de qui l’on dit qu’il apporta la culture romaine a Venise, ne se fera qu’en 1527.
« Selon Vasari, [Falconetto] est le premier à avoir apporté la vraie méthode de fabrication et la bonne architecture à Vérone, Vinezia et dans toutes ces parties … la connaissance qu’il a montrée des traités de l’architecture romaine, l’ancienne et la plus contemporaine (en particulier Vitruvio d’un côté, Peruzzi de l’autre) et l’interprétation qu’elle donnait dans ses usines ont non seulement contribué à actualiser le répertoire architectural et décoratif de la Vénétie, mais également à un premier moment de remaniement et de réinterprétation dans un sens autochtone de cette culture, de manière à représenter un point de référence pour toute l'architecture locale ultérieure, de Sanmicheli à Palladio » (Enrico Maria Guzzo).
Michele Sanmicheli (1484-1559) est issu d’une famille d’architectes véronais. D’abord élève de son père Giovanni et de son oncle Bartoloméo, il sera aussi l’élève de Falconetto et de Sansovino. Au début des années 1550, il se rend à Rome où il côtoie Bramante et les Sangallo. Il suit Antonio Sangallo le Jeune qui, de 1509 à 1528, est maître d’œuvre de la cathédrale d'Orvieto (Ombrie). Le pape Clément VII le charge en 1526 avec Sangallo de fortifications dans les États Pontificaux. Puis, ils vont construire de nouveaux ouvrages défensifs à Plaisance et à Pavie.
Après avoir travaillé au dôme de Montefiascone, non loin de Rome, il revient à Vérone en 1527 où spécialisé dans l’ingénierie et l’architecture militaire, il est chargé de fortifications militaires dans lesquelles il innove avec la construction d’un bastion angulaire (1527). Il se signale dans la construction de trois portes de la ville : La Porta Nuova (1533-1540), la Porta San Zeno (1541) et la Porta Palio (1548-1559) qui alliant le caractère défensif à l’esthétique sont parmi ses meilleures réalisations. Il a également en charge des fortifications militaires en Vénétie, notamment à Bergame, Padoue. En 1535, il est nommé ingénieur de l'État pour les lagunes et les fortifications par le Sénat vénitien. En 1541, il élabore les plans du fort Saint-André au Lido qu’il achève en 1549. Il travaille aussi en Dalmatie (Croatie) à Zadar, Šibenik , et à Corfou et Chypre.
En architecture civile, il a eu à remanier des plans de Bramante, des Sangallo et même de Michel-Ange. On lui doit Le Palais Bevilacqua à Vérone (1530), Le Palais Cornaro-Mocenigà a S. Polo (Venise,1545-1564) et le Palais Grimani (1556-1567/75), son œuvre maitresse et dont l’entrée en arc de triomphe est remarquable de puissance. A l’intérieur, est à noter l’Enlèvement de Ganymède par Zeus, métamorphosé en aigle, sculpture romaine du IIème siècle, suspendue dans la salle des tribunes qui contenait 130 statues.
« La chronologie de l'architecture de Sanmicheli à Vérone est controversée. Les cannelures en spirale des demi-colonnes et la sculpture en relief sur l'étage supérieur du palais Bevilacqua ressemblent à l'intérieur de la chapelle Pellegrini, suggérant une date d'environ 1530 pour le palais. Le palais de Canossa (vers 1530-1537) est beaucoup plus plan et révèle l'influence du travail de Giulio Romano à Mantoue ».
La Chapelle Pellegrini (1529) à Vérone est sa pièce maitresse en matière d’architecture religieuse.
Selon les sources, ce serait Sanmicheli qui aurait « introduit la culture romaine à Venise ». Il est à remarquer que si Falconetto et Sanmicheli, tous deux natifs de Vérone, ont travaillé dans leur ville natale, aussi bien qu’à Padoue, Falconetto (†1535) a précédé Sanmicheli de quelques vingt dans leur retour à Vérone ; Falconetti au début du siècle et Sanmicheli en 1527. Ce dernier comme les architectes vénitiens de sa génération n’ont pu ignorer l’apport romain de Falconetto même si celui-ci n’a pas travaillé à Venise.
Jacopo Tatti dit Jacopo Sansovino (1486-1578), architecte et sculpteur né à Florence, prendra le nom de son maître, Andrea Contucci, né à Monte San Sovino (†1529, dit)[46]. Il le suivit à Rome en 1503 pour y rester jusqu’en 1511, période durant laquelle Michel-Ange décore le plafond de la Sixtine et Raphaël les stanze du Vatican. Il retourne à Florence, puis séjourne à nouveau dans la cité papale de 1518 à1527. Après le sac de Rome en 1527[47], il s’installe définitivement à Venise où il est nommé architecte en chef de la Basilique St Marc.
Son œuvre maitresse, le Palazzo della Libreria ( ou Liberia Vecchia ou Biblioteca Marciana), commencée en 1547 sera reprise à sa mort en 1570 par Vicenzo Scamozzi et achevée en 1588.
Sa façade principale donne sur la Piazzetta San Marco. Elle est composée de deux ordres, dorique au niveau inférieur constituant une galerie sur trois degrés, ionique au niveau supérieur constituant un péristyle à l’architrave imposante, occupée de guirlandes et mascarons, et d’une hauteur égale à la moitié des colonnes. Entre les colonnes engagées, une arcature repose sur un jeu de double colonnettes avec les écoinçons occupés par des statues en haut reliefs. Au-dessus de l’architrave, la balustrade est rythmée par 24 statues de la mythologie gréco-romaine.
Simple lieu de rencontre construit au pied du campanile de Saint-Marc, la Loggia des Chevaliers a été appelée ainsi car les personnages importants de la ville s’y retrouvaient. Elle fut détruite par la foudre en 1489. La reconstruction en fut confiée à Sansovino. La Loggetta sera commencée en 1537 pour être achevée en 1546. Toute d’élégance avec son marbre blanc rehaussé de marbre rose, un jeu de quatre colonnes doubles sur piédestal et à chapiteaux corinthiens encadre trois arcades. Entre chaque jeu de doubles colonnes, des niches renferment des statues en bronze (Minerve, Apollon, Mercure et la Paix). L’architrave d’une hauteur égale aux 2/3 de celle des colonnes est occupées de scènes de la mythologies encadrées de pilastres. Elle est surmontée d’un balustre nu. L’édifice surélevé est précédé d’un balustre qui laisse en son centre quatre marches d’accès. La Loggetta devint en 1569, le siège de la garde du Palais Ducal. Lorsque le campanile du palais s’effondrera, il ne restera d’elle qu’un amas de ruines. L’architecte Giacomo Boni (1859-1925) fut chargé de sa minutieuse reconstruction à partir de tout ce qui de la pierre et des statues avait pu être conservé.
En tant qu’architecte, Sansovino jouera un rôle important dans la rénovation de la Sérénissime, églises et palais. Sa réputation est grande qui le fait appeler de partout. Il ne se rendra pas à la cour de François 1er et ne retournera pas à Rome.
« Son originalité est d'avoir réussi la synthèse entre la manière romaine et le goût vénitien, en alliant au classicisme monumental un élément de couleur par les jeux des ombres et de la lumière, et en intégrant la sculpture à l'ordonnance architecturale. » (Marilù Cantelli, Dictionnaire des Architectes, Sansovino, 2016).
Sansovino se montrera plus classique que maniériste en sculpture. On lui doit notamment pour sa période romaine, un Bacchus (1514), et à Venise : les bas-reliefs en bronze des portes du baptistère et de la chaire, dans la cour du palais, les Mars et Neptune de l’Escalier des Géants (protecteur sur terre et sur mer de la Sérénissime). Il réalise l’escalier sur les plans d’Antonio Rizzo. En 1561, il termine son tombeau du doge Francesco Vernier (†1556): sur le modèle d’une ‘fausse’ serlienne, au centre le tombeau surmonté d’un gisant, et sous l’arche une pietà ; sur les côtés, entre les colonnes, deux niches surmontées d’un fronton, occupée chacune d’une sculpture du sculpteur Alessandro Vittoria (†1608) qui, élève de Sansovino, réalisa de nombreuse sculptures pour les églises de Venise et à qui on doit des stuc à la Villa Barbaro.
De manière générales, les sculptures de Sansovino conservent les leçons du classicisme que lui enseigna son maître en la matière, Andrea Contucci da Sansovino (1460-1529) qui eut également pour élève Sangallo le Jeune.
Jacopo est le père de l’écrivain, éditeur traducteur Francesco Tatti da Sansovino (1521-1586)
Andrea di Pietro della Gondola dit Palladio (1508-1580), né à Padoue, fils de meunier, travaille très jeune comme tailleur de pierre à Vicence, puis devient maître maçon avant d’être ornementiste (sculpteur) et de pouvoir ensuite réaliser ses propres œuvres.
Il se départit de l’architecte Renaissant, qui était souvent aussi sculpteur et peintre, par son origine modeste et sa formation lente et laborieuse. Giangiorgio Trissino (1478-1550)[48] qui, en 1537, l’engagea pour bâtir sa villa à Circoli fut pour lui un ami, un guide, un mécène tout à la fois et l’introduisit dans l’intelligentsia vénitienne. C’est lui qui lui donna le surnom de Palladio, de Pallas-Athéna, (Athéna-fille (pallas) de Zeus), déesse du Savoir. Dans les années 40,
« Il fit de nombreux voyages à Rome en compagnie de J.-G. Trissino, apprit le latin et le grec et poursuivit avec ce seigneur des études sur l'architecture militaire des anciens avant de faire d'autres voyages à Ancône, à Naples, à Capone et aussi à Nîmes pour dessiner les monuments anciens de ces villes ». (http://www.cosmovisions.com/Palladio.htm)
En 1549, il se voit confier la réalisation du Palazzo della Ragione (Palais de La Raison) à Vicence. Vont suivre les constructions de ses villas vénitiennes, Villa Capra dite La Rotonda : plan en croix grecque à rotonde centrale et quatre péristyles avec dôme inspirée de Bramante ; Villa Cornaro, Villa Emo… A la mort du Trissin, Daniel Barbaro († 1570), noble prélat, officier de la chancellerie, traducteur de Vitruve pour qui il réalise la Villa Barbaro, devient son protecteur.
Dans les années 1560, il reçoit plusieurs commandes officielles de la ville dont celle de la basilique St Giorgio Majore qu’il commence en 1566. En 1570, il est nommé architecte officiel de la Sérénissime et publie Quattro libri di architettura.
En 1577, trois ans avant sa mort, il commence l’Église du Rédempteur. En 1580, membre de l’Académie Olympique, il dessine les plans du « premier théâtre couvert permanent de l'époque moderne », le Théâtre Olympique de Vicence. S’il put fournir rapidement les plans, c’est qu’il avait réfléchi depuis des décennies à la construction d’un théâtre. inauguré en 1584 par Œdipe Roi de Sophocle. Comme pour d’autres de ses œuvres, A. Rubini, R. Brascate et Domenico Fontana participèrent au projet.
De ses nombreuses luxueuses villas dans la campagne vénitienne, dites Villas Palladiennes, comme La Rotonda (1566-70), au Théâtre Olympique, Teatro Olimpico (1580) à Vicence, en passant par l’Église San Giorgio Maggiore (1566-1610), Palladio développe un langage original pour lequel il utilise notamment l’ouverture palladienne dite ‘la Serlienne’ (voir Serlio) ; langage d’une pureté toute classique des ordres, des arcs et des frontons, sobre et raffiné, qui sera repris au Royaume-Uni par les architectes du Néo-Palladianisme, modèle du Néo-Classicisme.
Après les constructions maniéristes de Sansovino (1486-1578) comme la Liberia Vecchia (1536-158) et la Loggetta (1537-1540) d’une imposante solennité, à l’importante richesse décorative, Palladio revient à un classicisme emprunt de sobriété comme sa Villa Capra (la Rotonda 1550-1551) en est un exemple. Mais sa façade de San Giorgio Maggiore (1566-1610) est d’une complexité toute maniériste en ce que l’architecte imbrique deux façades en une, la partie centrale surmontée d’un fronton s’élevant à hauteur de la nef coupe une autre façade moins élevé, à hauteur des bas-côtés, dont chacune des deux parties de part et d’autres de la partie centrale voit son fronton triangulaire coupé en deux.
Les Villa-Palais se développe sur la longueur. La Villa Barbaro (1560), qui prend la place d’un ancien palais médiéval, s’étale sur ses côtés en se prolongeant par les dépendances (les barchessa) qui, pour être des dépendances n’en sont pas moins construites de manière élégante avec un portique en façade qui se termine par l’élévation d’un haut fronton doté d’un immense cadran solaire. Ce plan deviendra typique des villas-palais. Le fastueux décor de fresques que réalisa Véronèse en étroite collaboration avec Palladio qui, comme l’architecte, suivra les recommandations du maître des lieux, la cardinal Barbaro (†1570), traducteur et commentateur de (, est d’une féérique splendeur où la présence de trompe-l’œil n’est pas étrangère au fait que le cardinal avait écrit un traité d’optique, Pratique de la Perspective (1568). Ces fresques sont considérées comme un des chefs-d’œuvre du décor maniériste. Les sculptures sont du sculpteur maniériste Alessandro Vittoria (voir Maniérisme/Sculpture).
Palladio laisse une traité, Quattro Libri dell'Architettura (Les Quatre Livres de L’Architecture, 1570). Il est édité avec de nombreux dessins, plans d’élévations, projets de construction, à Venise où les imprimeurs possèdent la technique de l'illustration par gravures[49]. Ce traité servira de référence et sera une source d’inspiration pour des générations d’architectes. Cette édition remarquable a également fait faire d’importants progrès dans la qualité des illustrations comme dans la conception même des traités d’architecture.
Palladio dans la continuité des Alberti, des Serlio, des Fra Giocondo (1433-1515), architecte, un des premiers à avoir édité Vitruve. Tout en respectant le modèle antique des ordres, il va leur donner une libre interprétation en s’en inspirant et non les reproduisant dans une exigence créatrice qui correspond au goût des Vénitiens.
« Le savoir suprême sur lequel se fonde tout l’art poétique de l’architecte repose sur un système de proportions… Palladio combinait ses proportions par analogie avec l’art musical… » les proportions des voix sont harmonie pour les oreilles, les proportions, celles des mesures sont harmonie pour les yeux » écrivait-il ». (Thumeloup, op.cit.)
« Aucun autre architecte de l’histoire de l’art occidental n’a provoqué de suites aussi spontanées que persistantes au cours des siècles qu’Andrea Palladio. Le dit palladiennisme fait sauter toutes les frontières des formes particulières du paysage antique… Des suites revêtant une elle ampleur permettant à l’œuvre d’un seul artiste de définir un style se perpétuant au-delà des iècles supposent nécessairement que des normes ont été instituées, des quasi-modèles élaborés, et qu’on puissent les appliquer à d’autres objets indépendant de chaque œuvre »[50].
Vincenzo Scamozzi (1548-1616), né à Vicnce, mort à Venise est le fils de l’arpenteur-entrepreneur, Gian-Domenico Scamozzi (1526-1582) proche de l’architecte et théoricien Sebastiano Serlio (†1554) qui travailla à Venise de 1527à 1540 où il publiera son troisième livre sur les antiques avec illustrations sur des réalisations antiques et contemporaines. Vincenzo va d’abord être formé par son père avant de voyager en Europe et notamment à Rome où il séjourne de 1579 à 1580.
S’il a bien sûr étudié Serlio par l’intermédiaire de son père et dont il s’inspirera pour son le Palais Trissino al Duomo de Vicence, il a aussi particulièrement étudié Palladio dont il a tiré les leçons pour sa Villa Pisani à Lonigo (1576) et dont il achèvera plusieurs de ses chantiers.
Arrivée à Venise en 1581, il reprend le Palazzo della Libreria (Biblioteca Marciana) commencé en 1547 par Sansovino (†1570) qu’il achève en 1584. Pour l’élévation des Procuratie Nuove (Nouvelles Procuraties) commencées en 1584 et qui contenaient les appartements des neuf procurateurs de St Marc, Scamozzi reprend sur trois étages le modèle baroque de la bibliothèque de Sansovino, qui lui est contigüe. En 1797, Bonaparte qui a conquis Venise apporte de profondes transformations au site : démolition de l'église San Geminiano, construction de l’aile (actuel musée Correr) qui les relie aux Procuraties Vecchie (1514>90) qui, dans le style vénéto-byzantin que Venise a toujours affectionné, logeaient, elles, les bureaux des Procurateurs de St Marc, hauts dignitaires chargés de la conservation des biens de l’Église.
« Avec le palais Contarini, également à Venise, Scamozzi atteint une élégance classicisante, une ferme définition des volumes géométriques qui n'excluent pas les raffinements maniéristes » (Encyclopédie Universalis)
On lui doit également l’avant-scène (proscenium 1583>85) du Théâtre Olympique de Vicence et ses décors de bois en trompe-l’œil dans le style classique de la Renaissance aujourd’hui encore en parfait état. Le théâtre a été construit par Silla, qui suivra consciencieusement les plans dessinés par son père Palladio qui meurt en 1580, l’année où commence les travaux qui seront achevés quatre ans plus tard.
En 1600, il séjourne en France. Si Entre 1600 et 1607, les travaux hydrauliques qu’il entreprend entre 1600 et 1607 se révèle l’ingénieur, c’est au théoricien que reste attaché son nom. Il a écrit plusieurs traités d’architecture dont Discorsi sopra l'antichita di Roma (1583), mais surtout en deux volumes Idea dell'architettura universale (Idée de l'architecture universelle, 1615) dans une orientation classique fidèle à l’antiquité mais alliant l’esthétique au fonctionnel et qui trouva par le fait de la complétude de son étude un fort intérêt sur les architectes européens des générations à venir. Il a eu pour élève Baldassare Longhena (1598-1682) qui terminera en 1640 les Procuratie Nuove laissés inachevés par son maître.
« La pratique de Scamozzi est parfois considérée comme une source de l'architecture néo-palladienne telle qu'elle a été introduite par Inigo Jones, un autre adepte de l'exemple d'Andrea Palladio… Rudolf Wittkower l'a qualifié de "père (s) intellectuel (s) du néo-classicisme". » (https://artigos.wiki/ article/fr/ Vincenzo_Scamozzi).
Notes
[20] Un ordre est une colonne surmontée de son entablement ; il est considéré comme plus complet s’il repose sur un piédestal. Le module est le diamètre ou demi-diamètre de la base de la colonne qui est divisé en minutes soit 6…30 minutes. Il s’agit en fait de maintenir une proportion entre les éléments architecturaux à partir d’une mesure de base.
[21] Sangallo revenait là à une des conceptions romanes de la façade. La façade-écran forme écran devant la répartition des niveaux de l’église. Elle n’est pas vraiment plate comme un mur mais offre de faibles profondeurs aux porches du niveau inférieur et baies aveugles de sa partie médiane. Un fronton la coiffe qui souvent est plus haut que le toit de la nef. Voir la façade typique (115-1130) de Notre-Dame-La Grande à Poitiers
[22] L’Architecte et l’Expert in Dictionnaires des Architectes, Encyclopédie Universalis, 2016.
[23] Quadratura : L'usage de simuler sur les murs, à l'aide de la perspective, des décors scéniques qui prolongent artificiellement l'espace réel était déjà connu de l'art classique. Cet artifice fut repris à la Renaissance, mais il se développa tout particulièrement aux 17ème et 18ème s., où il devint l'objet d'une véritable spécialisation. Dans les traités de peinture italiens du xviie s., le terme de quadratura est parfois employé pour définir la " veduta ". Les peintres qui pratiquèrent cette spécialité furent appelés " quadraturisti " ou védutistes. (Encyclopédie Larousse)
L’on peut traduire Veduta par ‘point de vue’ ou ‘vue large’, ‘panoramique’ sur un paysage naturel ou urbain. Le védutisme se développa comme genre pictural particulièrement au 18ème siècle. Canaletto avec ses vues de Venise que l’on a parfois qualifiées de cartes postales est un bel exemple de peinture védutiste. La Vue de Delft (1660) de Vermeer est sans doute la plus célèbre des Vedute.
[24] Construit entre 1458 et 1464 par l’élève de Brunelleschi, Luca Fancelli, pour le banquier Luca Pitti, le palais sera racheté en 1549 par Éléonore de Tolède, épouse de Cosme 1er de Médicis, duc de Florence en 1537, 1er Grand-Duc de toscane en 1569. Vasari l’agrandira considérablement. Dans le parc sera créé le célèbre Jardin Boboli (1550-93).
[25] https://www.quatuor.org/exArA0.htm: citation et pour en savoir plus sur l’architecture maniériste et particulièrement la dialectique centre et périphérie.
[26] « Carton : dans les beaux-arts et arts appliqués, le carton est un contour ou un dessin grandeur nature qui servira de modèle pour l'œuvre finale, qui peut être une peinture de chevalet, une fresque, une mosaïque, une tapisserie, un vitrail, une sculpture ou tout autre objet. Le carton facilite à l'artiste l'étude préliminaire de son œuvre pour effectuer les modifications et ajustements nécessaires avant son achèvement définitif. » Et pour en savoir plus http://es.encarta.msn.com/encyclopedia_761560666/Cartón.html
[27] Citation et pour en savoir plus sur l’ensemble de ce somptueux décor :https://www.aparences.net/art-et-mecenat/les-gonzaga-de-mantoue/jules-romain-a-mantoue/
[28] Certaines sources mentionnent qu’il a pu être un élève de Serlio, mais celui-ci quitte Bologne d’où il est natif pour Rome en 1514 gnole est âgé au plus de 7 ans. Puis Serlio quitte Rome en 1527 au moment du sac. Par contre Le Vignole n’a pu ignorer les travaux entrepris par Michel-Ange en 1538 Place du Capitole. 13 ans plus tard il y travaillera.
[29] A l’origine, fontaine d’une source sacrée, à la Renaissance, il s’agit d’une grotte artificielle décorée de rocaille et de statues. Ce thème décoratif sera repris notamment au Château de Versailles. Le motif de décor de rocaille a donné son nom au style que l’on désigne comme Style Rococo ou Style Régence ou Style Galant selon les domaines auquel il est mis en pratique ébénisterie, ameublement, architecture, musique…avec néanmoins quelques nuances pour les périodes (voir Tome III).
[30] Pellegrino Rainaldi Danti, ou (1536-1586), né à Pérouse, moine dominicain sous le nom de Ignazio Danti mathématicien, astronome et cartographe a été formé par son père qui a été élève de Sangallo Le Jeune. Il sera au Monastère de San Marco de Florence en 1562. Il est surtout connu pour avoir peint au Palazzio Vecchio sur les portes des armoires de la Stanza del Guardarobe, 53 cartes dont l’intérêt est triple : géographique car elles donnent connaissance, du monde au XVIème siècle ; politique indiquant les états, leurs zones conquêtes ou d’influence. « expert mathématicien et cosmographe, célèbre entre autres pour avoir supervisé au nom du Pape l'exécution des splendides cartes géographiques de l'Italie peintes dans la galerie du Vatican. »
[31] « légitime » en ce sens qu’elle est conforme aux lois géométriques de la vision, qu’elle « imite » donc la nature, à la différence de l’enluminure gothique qui cherche des effets décoratifs et graphiques sans rapport avec la vision naturelle. » (J.Darriulat, Introdiction à la Philosophie esthétique./Renaissance/Alberti)
[32] La Bibliothèque de l’Architecte de la Renaissance, Université de Padoue, https://www.movio.beniculturali.it/bupd/bibliotecaarchitettorinascimento/it/161/vignola-le-due-regole-della-prospettiua-1682.
[33] Wikipedia, ref. Il Gesù di Roma, Pio Pecchiai, Rome, 1952.
[34] https://biography.yourdictionary.com/giacomo-della-porta :Il est maintenant admis qu’il est né à Rome et non pas dans le Tessin comme on l’a longtemps pensé. Une autre source le donne comme « Membre d'une famille de sculpteurs de Côme [où] il a probablement commencé comme plâtrier». A noter que Maria Gibellino Krasceninnicowa in Guglielmo della Porta Scultore Lombardo, Édit.Palombi, Rome 1994, indique que Guglielmo Della Porta, né en 1515 à Porlezza [sur le lac Lugano, Lombardie], mort en 1577 à Rome, architecte et sculpteur fut formé par son oncle Giovanni Giacomo della Porta « qui l'emmène sur le chantier de la Cathédrale de Milan et lui confie des travaux de sculpture et la tâche de reproduire les œuvres de Leonardo da Vinci jusqu'à la fin de 1530 environ ». Cet oncle,Giovanni Giacomo,serait le père de Giacomo ?
[35] Ibidem : « On ne sait toujours pas s'ils ont augmenté la hauteur du dôme d'environ 27 pieds parce qu'ils pensaient que telle avait été l'intention de Michel-Ange ou parce qu'ils avaient été forcés de le faire en raison des problèmes techniques rencontrés. Michelangelo a certes prévu un dôme qui serait un hémisphère parfait, mais il en a également conçu un en forme de dôme légèrement pointu. Ce qui est certain, c’est qu’ils ont créé l’un des plus beaux dômes jamais construits. »
[36]https://brunelleschi.imss.fi.it/itineraries/biography/BenvenutoVolpaia.html: « Benvenuto della Volpaia (1486-1532) : « Horloger, facteur d'instruments, mécanicien qualifié et topographe, Benvenuto - avec ses frères Eufrosino (fin XVe-XVIe) et Camillo (1484-1560) - a poursuivi les affaires de son père Lorenzo (1446-1512). En 1534, il conçoit un moulin à grains et un moulin à charbon pour la ville de Pise. Pendant le siège de Florence en 1529, il construit une maquette de la ville et de ses environs pour les assaillants. En 1531, il s'installe à Rome à l'invitation du cardinal Giovanni Salviati (1490-1553). À Rome, le Pontife lui accorde un appartement dans la cour du Belvédère, où il divertit Michel-Ange (1475-1564). Une amitié sincère s'est développée entre les deux hommes. Les annotations et les dessins de Benvenuto - une source documentaire cruciale - sont contenus dans un cahier manuscrit conservé à la Biblioteca Marciana de Venise ».
[37] Certaines sources indiquent ce voyage avant 1517.
[38] Pour une approche de la vie et œuvre de Buontalenti voir http:// www.treccani.it/enciclopedia/bernardo-buontalenti_(Dizionario Biografico/)
[39] Les Médicis firent construire aux abords de la cité florentine, dans des quartiers limitrophes qui furent par son expansion intégrés à la ville, des villas telles qu’elles étaient conçues par les romains, c’est-à-dire comme de grands domaines agricoles sur lesquels étaient bâtie une grande demeure seigneuriale (patricienne). Les villas de la Renaissance furent d’abord de grandes bâtisses fortifiées avant de devenir de luxueuses résidences d’agrément.
[40] Montaigne visitera cette villa en 1581 et trouvera son jardin plus beau que celui de Tivoli.
[41] A ne pas confondre avec le Palais Farnèse, actuelle Ambassade de France à Rome, construit par Sangallo le Jeune et, œuvre de Antonio da Sangallo et Peruzzi à partir de 1559 ; ni avec la Villa Farnesine (La Farnesina) construit en 1508-11 par Peruzzi pour le banquier Chigi, acquise par le cardinal Alexandre Farnèse en 1580.
[42]Pour en savoir plus : http://www.infoviterbo.it/villa-lante.html et http://www.lejardindesophie.net/jardinautes/sophie/sopajard/lante/maures.ht
[43] Dans la Rome antique, lieu agréable (amène), lieu où l’on parle d’amour, où on devise sur la philosophie, où l’on récite des vers.
[44] Sur la vie et l’œuvre de Falconetto voir : di Enrico Maria Guzzo - Dizionario Biografico degli Italiani - Volume 44 (1994)
http://www.treccani.it/enciclopedia/giovanni-maria-falconetto
[45] Alvise Cornaro (1464-1566), riche Vénitien dont Le Titien fera le portrait (1565), vécut plus que centenaire pour avoir suivi un régime diététique et mené une vie sobre, après avoir failli mourir des excès des plaisirs d’une bonne vie qu’il mena jusqu’à 40 ans. Il ne mangea par jour que « douze onces (384 grammes) d’aliments solides, et treize onces (428 grammes) de boissons ». Il transcrit ses conseils en quatre discours à 80, 86, 91, 95 ans. En savoir plus : Marie Bertolotti , http://desirdetre.com/de-la-sobriete-depend-la-longevite/
[46] Envoyé par Laurent de Médicis au Portugal où il travaille à Belém et à Coimbre, Andrea Contucci, de retour en Italie, sculpte à Florence, Volterra, Gênes puis à Rome avant de se consacrer jusqu’à la fin de sa vie aux bas-reliefs du sanctuaire de la Sainte Maison (Basilica della Santa Casa) à Lorette (Marches). « L'élégance de son art, qui n'exclut pas une certaine grandeur classique, restera un modèle pour les sculpteurs maniéristes. Les bas-reliefs de la Santa Casa révèlent une intuition remarquable de l'équilibre et des rythmes plastiques, qui le rapproche sans doute davantage de Raphaël que de Michel-Ange» (René Plouin, Encyclopédia Universalis/Andrea Contucci)
[47] Certaines sources indiquent Sansovino comme ayant introduit l’architecture classique en Vénétie. Il travailla effectivement à Venise même tandis qu’à la même période Falconetto avait quand même déjà un certain passé d’architecte et de peintre classique à Padoue et Vérone.
[48] Né à Vicence d’une famille de haute noblesse, il a été surnommé le poète de l’empereur pour lui avoir dédié son poème L’Italia liberata dai Goti (1547-1548) et auprès de qui il chercha asile suite à un drame familial. (Voir Littérature/ Italie/).
[49]Présentation de l’ouvrage voir : http://dictionnaire.sensagent. leparisien.fr/ Les Quatre Livres de l’architecture/fr-fr/
[50]Citation et sur l’œuvre de Palladio : M. Wundram,Th. Pape,P.Marton, Palladio,Taschen 1989 .
LA PEINTURE DU CINQUECENTO
Introduction - La Peinture à Florence - La Peinture en Lombardie -La Peinture à Venise -
La Renaissance Bergamasque - La Peinture en Émilie - La Peinture à Rome
Il n’est pas aisé de classer les peintres du XVIème siècle italien tant ils empruntent à la tradition classique née à Florence, épanouie à Rome, tant ils développent très rapidement dès le second quart du siècle un esprit qui tient déjà du maniérisme. De même, les architectes qui, à l’instar de Michel-Ange, ont développé à partir du langage classique une syntaxe de plus en plus complexe. Il serait logique de les classer dans tel mouvement ou tel autre en fonction de leur période d’activité, mais le classicisme comme le maniérisme sont des mouvements qui eux-mêmes n’ont pas la même évolution en architecture et en peinture. Il semblerait que ce soit les peintres qui ont plus rapidement montrés les premiers signes de ce sentiment d’inquiétude par lequel on commence par définir le maniérisme, alors qu’ils avaient reçus du classicisme toutes ses leçons de composition.
Il est également à noter que les grands artistes qui ont laissé leur nom dans l’histoire de l’art de la Haute Renaissance travaillaient non pas seuls mais avec un atelier, c’est-à-dire avec une équipe importante voire très importante d’exécutants dont les rôles selon leur capacité étaient fixés avec précision. Souvent, le maître dessinait les cartons et ses élèves, autrement dit ses employés qualifiés, exécutaient l’œuvre. Raphaël fut entouré d’une grande équipe pour le décor de la Farnesina. Salai et Francesco Melzi, les deux compagnons de vie de Vinci, participèrent à l’exécution de plusieurs tableaux du maître comme pour La Vierge, Saint Anne et l’Enfant (carton transposé sur toile en 1510). Michel-Ange, lui, était un solitaire. La Sixtine, œuvre colossale est de sa seule main. Et Le Corrège (1489-1534) fait exception aussi à la règle du moins pour son décor de la coupole de San Giovanni Evangelista (Vision de Saint Jean à Patmos), qu’il mit 5 ans à réaliser.
Si Rome au début du XVIème siècle est devenu l’épicentre de la culture dans la péninsule, la tradition florentine ne se poursuit pas moins en ce qu’elle a de plus classique : « Équilibre des volumes dans l’espace, parfait mariage des couleurs et des formes, retenue classique des compositions » ( L’Art du 16ème Siècle, Hachette 1963). Les peintres qui représentent cette tradition sont sortis des ateliers de Ghirlandaio, de Cosimo Rosselli (†1507, La Cène et L’Adoration du Veau d’Or et Le Passage de la Mer Rouge, Chapelle Sixtine) ou de ses élèves, Piero di Cosimo (†1522, voir Filippo Lippi) et Fra Bartolomeo. L’œuvre d’Andrea del Sarto va poursuivre ce classicisme florentin tout en y amorçant le mouvement maniériste.
Le Classicisme en peinture est manifesté par :
Baccio della Porta (1472-1517) tient une place remarquable dans l’histoire de la peinture de la Renaissance non pas tant pour ses qualités artistiques qui n’étaient pas négligeables mais pour avoir réuni au tournant du siècle, dans sa manière, la tradition florentine d’un classicisme sobre voire hiératique et auprès de Raphaël un classicisme fait de « grazia » (grâce) et de « dolce maniera » (manière douce), tout en amorçant le courant maniériste et apportant à Florence de son bref séjour à Venise un certain goût de la couleur. Comme Raphaël, il retiendra de Léonard, un clair-obscur adouci et de Michel-Ange, la robustesse de ses personnages.
Élève à Florence de Cosimo Rosselli (1439-1507) qui a participé à la première phase de décoration de la Sixtine en 1481, Fra Bartoloméo sera très marqué par les sermons de Savonarole dont il deviendra un proche et à qui il devra pour partie sa renommée auprès de ses contemporains. Il se fait dominicain en 1500. Il laisse un portrait saisissant du prédicateur florentin (1495) significatif de son engagement religieux. Excellent dessinateur, ayant acquis le sens de l’espace, il domine avec Andrea del Sarto la peinture florentine de la Haute Renaissance après le départ de Léonard en 1516 et alors que Michel-Ange s’y consacre à la sculpture.
Il fut le grand peintre du couvent de San Marco après Fra Angelico (†1455). Il ouvrit la longue lignée des peintres florentins de la Haute Renaissance dans sa phase classique qui se poursuivit en sa phase maniériste avec Andrea del puis avec son élève Le Pontormo, père adoptif du Bronzino, son élève et Le Rosso(Le Primatice se manifestera à Bologne) et pour se terminer au XVIème siècle avec Cristofano Allori, mort en 1627, fils de d’Alessandro Allori (1535-1607), élève et fils adoptif du Bronzino.
Andrea d'Agnolo di Francesco di Luca ou Andrea d'Agnolo di Francesco di Luca di Paolo del Migliore Vannucchi, 1486-1531 dit Andrea del Sarto est né à Gualfonda près de Florence. Comme Palladio, il est fils d’un tailleur (sarto) de pierre. Et comme nombre d’artistes de la Renaissance, souvent de futurs sculpteurs, Andrea commence son apprentissage comme orfèvre avant d’entrer dans l’atelier du peintre Raffaellino del Garbo (1466-1524), puis dans celui de Piero di Cosimo (1462-1522). Au travers de son maître, il retiendra de Léonard l’effet vaporeux. De Michel-Ange influencera son dessin. De ces deux peintres, , il a pu voir du premier les cartons de la Bataille d'Anghiari (Salle du pape , Basilique Santa maria Novella, la fresque ne sera pas exécutée) et du second La Bataille de Cascine ( Palazzo Vecchio,1506, inachevée, la fresque ne résista pas au temps).
Il fait deux séjours de formation à Rome où il étudie les œuvres des grands maîtres en 1511 et en 1514, période à laquelle Raphaël avec son équipe a commencé le décor des Chambres (Stanze, pièces de travail et de réception) dans l’appartement du pape Jules II. Il aurait partagé son atelier avec Jacopo Sansovino qui, arrivé à Rome en 1503 ? Quoiqu’il en soit à son retour de Rome son atelier aura une forte réputation. Le Pontormo est entré dans son atelier en 1511 et en 1524, Michel-Ange y emmènera le jeune Giorgio Vasari (1511-1574), quant Rosso Fiorentino, « il dut travailler chez Andrea del Sarto, mais il traversa apparemment sans grande conviction les ateliers florentins. » (Dictionnaire de La Peinture Italienne, Hazan 1964)
Del Sarto fait un séjour à la Cour de François 1er en 1518-1519 où il peint un portrait du Dauphin et une Charité (Louvres), puis repart avec une somme d’argent que lui a donné le roi pour acheter des œuvres d’art, somme qu’il dépensera sans rien acheter pour le roi mais pour lui une maison. Il revient à Florence où il mourra de la peste. Entre temps, il peindra des madones dans les églises et les palais: La Madone des Harpies (1517), La Madonna del Sacco, son chef-d’œuvre (1525), La Madone au Sac, des pietà et aussi de grandes fresques antiques et des portraits comme celui de son épouse Lucrezia (1520).
En 1521, avec Le Tribut de César, qui sera suivi de la Déposition de Croix (1524), il se lance dans les grandes scènes. En 1530, nouvelle orientation avec son Assomption (Palais Pitti) : S’il respecte les leçons du classicisme florentin et notamment de son ainé et co-disciple florentin, moine à San Marco, Fra Bartolomeo (1472-1517), sa nature inquiète transparait dans ses portraits, reflétant le sentiment d’incertitude qui flotte sur Florence avant même son sac (une épidémie de peste sévit en 1525). Il attirera pour cela l’intérêt de jeunes artistes qui viendront travailler dans son atelier comme Bugiardini, Franciabigio, Bachiacca ou Puligo mais surtout Vasari et Le Pontormo Leur attention se portera sur la ‘surexpressivité’ de ses personnages, ses perspectives excessives, ses lignes plus que sinueuses, contournées, l’emploi de tons acides s’écartant délibérément de l’équilibre, de la retenue classique pour affirmer la prédominance d’une intériorité sur la réalité extérieure.
L’intérêt de la jeune génération ne l’empêcha pas de finir tristement sa vie, seul, abandonné de sa femme et dans la nécessité.
Les sources parlent au sujet de sa peinture de : « Délicate élégance », de « douceur solennelle », de « pudeur et de gravité ». On lui reconnaît de l’aisance. Vasari, qui fut son élève pendant deux ans, sera sévère avec lui disant qu’il manquait « de la veine créative » et que si son œuvre a été éclipsée par celle de Michel-Ange, Vinci et Raphaël, c’est dû à son manque d’ambition. Il écrira aussi de lui :
« Je dois dire que, pendant qu’Andrea travaillait à ses peintures, parurent des gravures sur cuivre d’Albert Dürer, dont il se servit en leur empruntant certaines figures et en les adaptant à sa manière ».
Ce qui peut montrer plutôt qu’un peintre en manque d’inspiration, un peintre toujours en recherche, et comme en témoigne son évolution d’un classicisme traditionnel à un maniérisme naissant. La mélancolie qui transparait dans ses portraits et autoportrait pourrait-elle être la manifestation d’une dépression (terme actuel pour melancholia) chronique… et la raison de son évolution ?
La Vierge aux Harpies, retable d'autel pour le couvent San Francesco dei Macci, de 1517, pourrait-être son chef-d’œuvre.
Domenico di Giacomo di Pace dit Domenico Beccafumi (1486-1551) est né à Valdibiena, tout près de Sienne. Fils de paysan, il gardait le troupeau tout en dessinant sur le sable et sur les pierres (Vasari). Il est adopté par le patron de son père, Lorenzo Beccafumi dont il prit le nom.
Vasari a écrit beaucoup de bien sur lui dont il vantait autant les mœurs que la peinture (plus merveilleux que beau) , mœurs qu’il
opposait à ceux du Sodoma.
Il fait un voyage à Rome, entre 1510 et 12, où il copie les œuvres de Michel-Ange et Raphaël et des œuvres antiques. Il y retournera en en 1519 et une dernière fois en 1541 où il fera des études de dessins à partir du Jugement dernier de Michel-Ange, inauguré la même année par le pape Paul III. Mais il réalisera l’ensemble de son œuvre à Sienne dont on peut notamment retenir Saint Michel chassant les anges rebelles (l'église San Niccolò del Carmine), et la décoration de la salle du Consistoire du Palazzo Publico, siège du gouvernement siennois, Moïse brisant les Tables de la Loi et les Apôtres (Duomo de Pise1538-39).
« C'est la pierre angulaire du premier Maniérisme toscan : nouveauté des rapports entre les personnages et l'espace, contrepoint entre la sainte, en pleine lumière, et la femme encapuchonnée dans la pénombre, ciel altier, campagne brumeuse et mystérieuse à laquelle nous conduit, comme pour l'éloigner, la perspective tendue du sol pavé. Tout est là : l'intentionnalité religieuse, la prière alternant menace et espérance qui caractérise toute l'œuvre de Beccafumi dans les accélérations et les glissements de perspective, dans l'épaississement et l'étiolement du brouillard, dans la manière dont la lumière adhère aux personnages, dissout la cire des visages, vire de ton, forme ses halos, ses dissolutions, ses raréfactions »(G. Carlo Argan, Storia dell'arte italiana, Florence 1968)
« Auteur de peintures délicieusement aurorales ou sombrement boréales, imprégnées d'impressions anciennes auxquelles il donne une saveur nouvelle, moins possédé (ou crispé) que Rosso, moins halluciné (ou sélénite) que Pontormo, Beccafumi est un dessinateur d'une vitalité toute moderne » (Dominique Cordelier, Beccafumi, Babelio, 5 Continents 2009)
« Son goût pour les éclairages insolites et son irréalisme chromatique s'affirmeront dans les œuvres réalisées entre 1520 et 1530, délibérément anticlassiques : la Nativité de S. Martino (1524) et surtout les deux Chute des anges rebelles (église S. Niccol`o al Carmine et Sienne, P. N.). En 1529, l'artiste adopte un parti nettement maniériste, » (Encyclopédie Larousse/ Peinture/ Domenico Beccafumi)
Premier des peintres et non des moindres a avoir affirmé un puissant maniérisme, il ne connaitra pourtant pas la postérité de ses contemporains florentins. Il meurt à Sienne en 1551.
Jacopo Carucci dit Le Pontormo (1494-1557), né à Pontormo, petit bourg d’Empoli, dans la commune de Florence, fils d’un père peintre qui fut l’élève de Domenico Ghirlandaio, sera, lui, celui d’Andréa del Sarto dont Vasari rapporte qu’après avoir vu le travail de son élève d’une telle qualité, il en prit ombrage et refusa de le recevoir par la suite dans son atelier.
Après la mort précoce de sa mère puis de son père, il devient pupille de la république. On le fait entrer dans l’atelier de Vinci où il ne restera pas longtemps, puis dans ceux de Mariotto Albertinelli et de Piero di Cosimo, enfin dans celui d’ Andrea del Sarto où il travaillera aux côtés du Rosso.
Si sa formation au cours de laquelle il a pu faire un séjour à Rome, est classique, l’évolution de del Sarto vers le maniérisme ne sera pas sans une influence certaine sur sa peinture. D’autant qu’en 1512, la fin de la république avec le retour des Médicis au pouvoir et les élections à la tiare papale du second fils de Laurent, Jean de Médicis sous le nom de Léon X en 1513, puis de son neveu Giulio Médicis sous le nom de Cléments VII, qui considèreront Florence comme leur fief, marque un changement dans les goûts florentin.
En cette même année 1512, Le Pontormo participe à la décoration d’une chapelle de Santa Maria Novella et peint avec Le Rosso une prédelle de l’Annonciation qu’achèvera del Sarto. Il continuera de travailler aux côtés du Rosso sous la direction d’Andréa. En 1514-16, il peint a fresco un Visitation dans l’église Santissima Annunziata et achève ainsi le Cycle de La Vierge auquel avait travaillé Andréa et pour laquelle il prend pour modèle les retables de Fra Bartolomeo.
Le Pontormo va s’éloigner des idéaux classiques en s’écartant de la vraisemblance de l’histoire et des personnages comme dans sa Fuite en Égypte (1515-18), dernier panneau des Histoires de Joseph. pour la chambre nuptiale pour de Pier Francesco Borgherini, au Palais Borgerini. Les cassoni (coffres peints généralement à vocation nuptiale) qu’il y aura peint seront emporté en 1529.
« Pontormo à vingt-quatre ans signe avec le Retable Pucci son manifeste maniériste en mettant en œuvre ‘’cette liberté qui n’est pas de règle, mais qui s’exerce selon la règle ‘’ dont nous parle Vasari … Le retable de Pontormo, peint un an à peine après la Madone des Harpies, d’Andrea del Sarto, démontre une maîtrise et un esprit de recherche supérieurs à ceux d’Andrea : l’image abonde en références, mais elles sont immédiatement retournées ; le peintre veut faire surgir plus nettement encore une expressivité dont l’ambiguïté se condense dans l’opposition entre les sourires des enfants et l’inquiétude inexpliquée des vieillards [1] ».
Chef de file du Maniérisme en peinture à Florence, il peindra, toujours dans une palette claire, certes des scènes religieuses comme l’Histoire de Joseph (1515), La Résurrection (1523-1525), La Déposition de Croix (1526), La Visitation (1530), le décor de la chapelle Capponi (1526-28), mais il sera avant tout un portraitiste qui laisse transparaître sa la nature inquiète, d’un tempérament instable. Dit solitaire de nature, il ne l’était quand même pas au point de ne pas avoir un atelier et des élèves non moins fameux que Il bronzino qu’il adoptera.
« L’influence de Léonard de Vinci et de Piero di Cosimo se fait sentir dans le goût des contours élégants, dans les inflexions du dessin, la recherche des motifs de composition et des attitudes insolites…[par la suite] l’allongement des figures et l’imprévu des drapés s’accentuent mais aussi les emprunts à la gravure allemande et particulièrement à Dürer [ses gravures circulaient en Italie à cette époque]». (Dict. peint. Ital.)
Le Pontormo a laissé quelques feuillets d’un journal qui révèle un hypocondriaque, un dépressif (mélancolique) mais qui bien que solitaire laisse apparaître un être sensible ouverts aux autres et fidèle en amitié.
Giovanni Battista de Rossi, dit il Rosso Fiorentino (1494-1540), florentin de naissance, se formera aux côtés d’Andrea del Sarto (†1530) avec une admiration particulière pour Michel-Ange. En 1516, il est admis dans la corporation des peintres. Son Assomption de la Vierge de 1517 au cloître de l'église Santissima Annunziata , un très grand chantier, le fait remarquer.
« Son inspiration étrange, son dessin aigu (sous l'influence de Dürer et de Bandinelli), ses couleurs aigres (Madone entre quatre saints, Offices, Florence), ses recherches d'une forme synthétique (Déposition de croix, 1521, pinacothèque de Volterra) déroutent la clientèle mais n'empêchent pas son succès » (Ency Universalis)
D’esprit indépendant, ‘révolutionnaire’, il s’oppose aux finesses d’Andrea del Sarto « par de grands drapés, des coloris stridents, des visages torturés ou hagards » (Dict. Peintres Italiens)
A Rome en 1523-24, il découvre Raphaël (†1520) et se lie d’amitié avec Le Parmesan (†1540), peintre classique de l’Émilie arrivé à Rome en 1524 et qui lui aussi étudie les œuvres de M.A et de Raphaël.
Au moment du sac de Rome, en 1527, il quitte la ville et va pérégriner pendant trois ans et arrive à Venise en 1530. Il rencontre l’Arétin qui lui donne l’occasion de peindre un tableau (Mars et Vénus) pour la célébration du mariage de François 1er avec Éléonore d’Autriche Le roi apprécie et l’invite à sa cour, au Château de Fontainebleau nouvellement restauré et où il va constituer avec Le Primatice (1504-1570) la 1er École de Fontainebleau. Il va entreprendre de grands ensembles de décoration : les pavillons de Pomone, des Poesles (Poêles), de la Galerie Basse(détruits) et surtout la galerie François-Ier (1534-1540), son œuvre maitresse où il met au point une nouvelle conception du décor de fresque et de stuc (voir Le France/ Le Primatice).
D’un naturel tourmenté, Le Rosso incarnera au mieux l’esprit du maniérisme avec des œuvres comme sa Déposition de Croix de Volterra (1521) ou ses douze fresques encadrées de stucs de la galerie François-Ier (1534-1540). La galerie sur le thème de la monarchie, de ses dangers et de ses bienfaits, montre un roi en empereur centralisateur du pouvoir.
L’influence du Rosso sur le décor de fresque et de stuc s’étendit à toute l’Europe où sa participation à la diffusion du Maniérisme fut importante. Mort à Fontainebleau en 1540, Vasari écrivit qu’il s’était suicidé. Ce qui n’est pas exact. Doté d’une forte inventivité,
« C’est le cas le plus remarquable de l’ingéniosité et de la complication d’esprit dites ‘’maniériste ‘’. » (Dict. Peintres Italiens)
Il Bronzino (Agnolo Tori, dit 1486-1531) qui doit son surnom à son caractère sombre, fils adoptif de Pontormo aura été son élève à Florence.
Agnolo Torri ou Angelo di Cosimo di Mariano dit Il Bronzino (1505-1572), sans doute à cause de la couleur foncée de sa peau, est né à Monticello près de Florence. Très jeune, prometteur, il est d’abord l’élève de Raffaellino del Garbo (1466-1524) avant de rentrer à dix dans l’atelier du Pontormo qui l’adoptera.
En 1522, la peste se déclare à Florence, Le Pontormo et son fils adoptif se rendent au couvent de Monastère de Galluzzo près de Florence où ils peignent des fresques. Dans les années 20, il continue de travailler aux côtés de son maître : Chapelle Capponi, couvent Santa Felicità (Florence)
En 1530, les troupes impériales reprennent la ville aux républicains. Trois ans plus tôt, les républicains avaient profité du conflit entre Clément VII (Jules de Médicis) et Charles-Quint pour reprendre la pouvoir au Médicis qui, en 1512, avaient retrouvé la gouvernance de Florence et aboli la république mise en place en 1498 (1ère Guerre d’Italie) par Savonarole soutenu par Charles VIII. Il Bronzino quitte alors la ville de Dante pour deux ans et va travailler à Urbino où il peint notamment le portrait du Duc Guidobaldo II della Rovera dont le père avait été mis à la tête du duché à la place des Montefeltro dont le dernier duc fut Guidobaldo 1er († 1508) (voir Première Renaissance/ Peinture/ les Marches).
En1532, il est à nouveau aux côtés de Pontormo à la Villa Careggi, siège de l’Académie de Florence qu’avait créée Cosme l’Ancien en 1439 et qu’avait dirigé Marcile Ficin qui y mourut en 1499, tout comme Laurent le Magnifique en 1492 dans les bras de Savonarole.
En 1539, le duc Cosme 1er Le Jeune de Médicis (1519-1537-1574) qui a succédé à Alexandre, le nomme peintre officiel après qu’il a peint le célèbre portrait de son épouse, Éléonore de Tolède dont il décorera la chapelle au Palazzo Vecchio. S’en suivent de nombreuses commandes des membres de la cour qui accroissent sa réputation. Il est invité à Rome comme portraitiste. A l’instar du Pontormo, l’âge avançant, sous la même influence de Michel-Ange d’un maniérisme trop puissant pour leur tempérament fragile, sa peinture devint trop inutilement complexe, déséquilibrée.
Ses portraits sont toujours composés de la même façon : le même modèle de trois quarts, en buste ou en taille laissant voir les bras (Vinci en fit un standard avec La Joconde) ou plus bas que la taille, jamais de pied en cap ; le regard à quelques exceptions près est tourné vers le spectateur. Le fond est soit de tons neutres quand il s’agit d’une architecture, toujours simple, soit d’une teinte soutenue quand il s’agit d’un drapé ou d’un fond uni. Le rendu est toujours impersonnel. Le modèle ne manifeste jamais, ce que le portraitiste traditionnellement ‘saisit’ de son âme. Les visages ressemblent à ces visages que l’on demande de nos jours pour les pièces d’identité. Ils sont « d’un dépouillement glacé » (Rivages de Bohème/Salviati).
Pour ses scènes religieuses, comme son maître Pontormo, Bronzino emploie une palette claire, des tons pâles, sans effets de contraste ni de clair-obscur, avec une homogénéité des valeurs comme dans sa Déploration du Christ Mort (Musée de Besançon) offerte par Cosme 1er à Nicolas Perrenot de Granvelle, chancelier de Charles Quint, ou dans son Passage de la Mer Rouge. La Déposition de Croix au centre de la Chapelle Éléonore faisant exception.
Francesco de’ Rosi (1510-1563), né à Florence, mort à Rome tient son surnom de son protecteur le cardinal Giovanni Cecchino Salvatori, oncle de Cosme 1er , qui le prit à son service à Rome en 1531. Son père le met tout de suite en apprentissage de son métier, fabricant de velours. Mais découvrant son goût pour le dessin père le place en apprentissage chez le père de Diaccetto, orfèvre. Dans les années 20 il entre dans l’atelier du peintre Giuliano Bugiardini, puis il ira dans celui de Baccio Bandinelli où se forme déjà Vasari arrivé à Florence à 15 ans donc en 1526. Il fréquentera aussi l’atelier de d'Andrea Piccinelli. Ce n’est qu’à partir de 1529, à 19 ans et pour deux ans qu’il travaillera aux côtés d’Andrea del Sarto.
A Rome, il retrouve son ami Vasari, arrivé à Florence à l’âge de 15 ans et qui a fréquenté comme lui l’atelier de del Sarto. Il assiste brièvement Antonio Sangallo le Jeune pour le décor des festivités en l’honneur de la venue de Charles-Quint. Sa première grande fresque date de 1538 pour Oratorio San Giovanni Decollato, église en Style Renaissance construite en 1504.
En 1539, il est invité à Venise en 1539 par le cardinal Grimani où il peint une Histoire de Psyché aujourd’hui disparue. Il se rend ensuite à Bologne avant de retourner à Rome en 1541 où il décore l’église Santa Maria dell’anima et peint une fresque dans la Stanza dell’Incendio di Borgo aujourd’hui disparue (voir Raphaël). Il revient à Florence en 1544. Il décore de l’Histoire de Camille la Salle d’Audience du Pallazzo Vecchio en 1543-45 ; et des Histoires de David ale Palais Sacchetti en 1553
En 1554-55, il est convié à la cour de François 1er . Il travaille au château de Dampierre pour le compte de Charles de Guise, Cardinal de Lorraine, frère du Duc de Guise. Il reste de ses autres œuvres françaises une Descente de Croix et une Incrédulité de Saint Antoine (Louvre).
Il est de retour à Rome en 1555 où il décore un des salles du Palais Farnèse, rénove en 1534 par Sangallo le jeune à la demande de Paul III (Alexandre Farnèse). Il peint aussi la Célébration de la famille Farnèse au palais Farnèse, à Rome achevée en 58). Dans les dernières années de sa vie l’influence de Michel-Ange qu’il admirait tant prendra le dessus sur toutes nouveautés.
Salviati possédait parfaitement son métier de peintre qu’il s’agisse de thème religieux d, de grandes fresques mythologiques, de portraits dans lesquels il mettait plus avant le statut social que la psychologie du personnage, de cartons de tapisserie, mais c’est dans le dessin qu’il excelle. Son ami Vasari le décrit comme ayant un caractère affable, honnête mais à l’esprit caustique voire sarcastique, obsédé par la mélancolie et « son humeur irrésolue, soupçonneuse, solitaire, ne fit de mal qu’à lui-même … Il possédait les secrets de la peinture à l’huile, à la détrempe et à fresque, au point que l’on peut affirmer qu’il a été l’un des plus vaillants, des plus expéditifs et des plus habiles artistes de notre époque».
Giorgio Vasari (1511-1571), d’une famille d’artistes (artisans), en Toscane, à Arezzo, patrie de l’architecte Antonio Sansovino (1460 - 1529) et de l’auteur L’Arétin (1492-1556). Il est d’abord l’élève du maître verrier français Guillaume de Marcillat (1470-1529, vitraux de la cathédrale)[2]. Puis en 1524, à 15 ans, il part à Florence où il entre pour deux ans dans l’atelier d’Andrea del Sarto avant d’être l’élève de Michel-Ange qu’il considère dans ses Vies comme le plus grand artiste de tous les temps.
En 1529, il est à Rome où il découvre les œuvres de Raphaël et des maîtres de la Renaissance Classique. Sans se fixer, il travaille aussi à Naples, et à nouveau Arezzo où il rencontre Le Rosso sur les cartons de qui il peint une Déposition de Croix. Il retourne à Rome en 153, puis revient à Florence où il peint pour Alexandre 1er son portrait et celui de Laurent le Magnifique (1534).
Entre 1541 et 1542, il va partager son activité entre plusieurs villes : Venise où l'Arétin le fait inviter pour créer le décor d'une de ses pièces, l'Atalanta*, représentée pour le carnaval de 1542 ; Florence où en 1542, pour la venue de Charles-Quint, il inaugure une longue série de fêtes en tant qu’ordonnateur ; Rome entre 1542-1546 ; Naples entre1545-1546. A Rome, Il fréquentera le cénacle d’humanistes réunis autour d’Alexandre Farnèse, qui, pape sous le nom de Paul III (†1549), convoque en 1545 sous la pression de Charles-Quint, le Concile de la Contre-réforme (1545-1563). Le pape lui demande de participer au décor du Palazzo della Cancelleria (Palais de La Chancellerie Apostolique) construit par Bramante à partir de 1513. La décoration qui sera achevée en 1546 entre autres avec les fresques de la Cappella del Pallio de Francesco,est dédiée tout simplement dédiée à la propre glorification du pape. Entre 1551 et 53, toujours à Rome, il décore avec Ammannati assisté de Taddeo Zuccaro, la Villa Giulia que Jules III fait construire, et dont il revendique les plans d’origine revus par Michel-Ange puis Le Vignole.
*Atalante, héroïne de la mythologie grecque, appartient à deux traditions, la béotienne et l’arcadienne. Abandonnée par son père, roi du Péloponnèse, elle est élevée par Artémis. Elle est connue pour son refus du mariage et ses exploits comme ayant participé à la ' Chasse au Sanglier de Calydon’ (bête fantasmagorique qui ravageait la région de Calydon) et pour sa participation au voyage des Argonautes.
En 1553, il revient définitivement à Florence où il saura s’entourer de protecteurs puissants comme les Médicis comme il l’avait été des Farnèse à Rome. Il va régenter la vie artistique sous la protection de Cosme 1er de Médicis (voir Humanisme/Italie/Florence). Il a en charge des cérémonies officielles comme les funérailles de Michel-Ange (†1564). Il travaille entre autres au décor du Palais Medici-Ricardi construit par Michelozzo Michelozzi (1444>60) et dans le Palazzo Vecchio ( Palais de la Seigneurie, 1299-1414), au cabinet de travail du duc, le Studiolo François 1er de Médicis. Il fera un voyage Venise.
Architecte, Vasari réalisera à Florence un véritable plan d’urbanisme à la demande de Cosme 1er Le Jeune, premier Grand Duc de Toscane en 1569. Il va tout d’abord construire deux bâtiments administratifs, la Galleria degli Uffizi (Palais des Offices) en dotant chacun d’eux d’un portique orné de niches contenant les statues des grands personnages de l’histoire de Florence. Ces deux portiques s’ouvrent sur un corridoio, longue cour qui les longe, délimitée du côté extérieur de la ville par une ouverture serlienne qui mène à l’Arno. Ce couloir qui deviendra une place lorsqu’on y ajoutera des trottoirs, la Piazzale degli Uffizi , permettait au Médicis de se déplacer tout en étant protégés.
Sur le Ponte Vecchio qui, ouvrage emblématique de Florence rebâti en 1345, enjambe l’Arno en trois arches surbaissées, Vasari construit, un bâtiment couvert où sont installées au niveau inférieur les boutiques des joailliers et des orfèvres et au niveau supérieur un couloir réservés aux Médicis Le pont réaménagé est inauguré en 1565 pour le mariage du fils de Cosme, François, qui prendra la succession de son père à la tête du Grand Duché de Toscane en 1574. Ces corridors permettaient aux Médicis, d’aller en toute sécurité de la Galerie des Offices au Palazzo Pitti que l’épouse du Duc avait racheté en 1549 et au Palazzo Vecchio, l’hôtel de ville de Florence, anciennement siège de la Seigneurie, commencé 1299 par Arnolfo di Cambio, l’architecte du Duomo et de Santa Croce, et achevé quatre ans après sa mort en 1314.
Vasari rénove les décors de deux des célèbres églises de la ville, Santa Croce et Santa Maria Novella avant de décorer le palais qu’il s’est fait construire dans sa ville natale d’Arezzo où il construit également Les Loggia de la grande Place, Place Vasari.
En 1572, il commence le décor du dôme de la Cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence sur le thème du Jugement Dernier, et qu’achèvera en 1579 son assistant Federico Zaccaro.
Vasari est resté plus célèbre pour avoir écrits Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes -Le Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori- (1550-1568) que comme peintre et même comme architecte, domaine dans lequel il était un peu plus doué. Son œuvre écrite que l’on considère comme un des premiers ouvrages critiques sur l’art est une source incontournable pour la connaissance de la période de la Renaissance italienne non seulement pour toutes les informations qu’il livre qui, même quand elles ne sont pas vraiment exactes, ont donné des axes de recherches, mais encore pour sa connaissance réelle de la pratique artistique. Son goût de la critique s’est judicieusement mêlé à son goût pour l’écriture.
« Plus encore que par la peinture, où le souci du contenu (" invenzione "), de la variété et de l'effet paralyse l'inspiration, Vasari s'exprime par la plume, le lavis et la pierre noire. Défenseur du dessin, il fut l'un des fondateurs de l'Accademia degli arti del disegno (1563), qui devait favoriser la cohésion du style de la deuxième génération maniériste » (Ency. Larousse).
Alessandro di Cristofano de Lorenzo Allori (1535-1607), né et mort à Florence est le fils d’un fabricant d’épées qui meurt en 1540. Orphelin de père à 5 ans, il sera élevé et formé par un ami intime de la famille, Il Bronzino, que l’on désignait comme son « oncle » mais qui fut en fait son père adoptif. Il signa d’ailleurs certains de ses tableaux du nom de cet ‘oncle’.
En 1554, il se rend à Rome où il découvre les œuvres de Michel-Ange et Raphaël. Il peint des portraits. Un an plus tard, il est de retour à Florence en 1560 et s’inspirera du plafond de la Chapelle Sixtine pour son décor de la Chapelle Montauto de la basilique Santissima Annunziata. La même année, il dédie à son père adoptif Dialogo sull’arte del disegno. Il peint notamment son Noli me tangere (Louvre). Puis il part à Rome pour peindre le Portrait de Paolo Caprina.
En 1563, il est membre de l’Accademia del Disegno que vient de fonder Cosme 1er. L’année suivante, il participe à la préparation des funérailles de Michel-Ange. En 1570, il est aux côtés de Vasari pour la décoration du studiolo, une pièce adjacente à la chambre de François 1er de Médicis : « la petite pièce doit servir à la garde-robe de choses rares et précieuses, à la monnaie et à l’art, comme diraient les joies, les médailles, les pierres sculptées, les cristaux et vases travaillés, les génies et autres objets du même genre, pas trop la grandeur, placés dans leurs propres cabinets, chacun de son genre ». L’ensemble du mobilier sera dispersé en 1587 et reconstitué selon les carnets de l’époque au début du 20ème siècle.
En 1572, à la mort de Il Bronzino, lui est son frère héritent de tous ses œuvres. Et leur sœur Lucrezia d’une dot. Deux ans plus tard,
à la mort de Vasari, il sera le peintre le plus en vue de Florence.
« Depuis les années soixante-dix, l’activité artistique florentine se tourne principalement vers la représentation dévote: Allori s’adapte, en utilisant la tradition florentine formelle d’Andrea del Sarto, Bronzino et Michelengelo, enrichie par le goût aristocratique de la représentation d’objets précieux, de tissus précieux et de des broderies élaborées, comme dans la Dernière Cène construite en 1582[3] »
En 1575, il est nommé directeur de l’atelier de tapisserie florentine. Allori termine la lignée de ces peintres florentins dont le maniérisme s’est de plus en plus affirmer et qui va d’Andrea del Sarto à lui en passant par Fra Bartoloméo, Le Pontormo et Il Bronzin. La prédominance de Florence en peinture va s’éteindre avec l’arrivée des influences des peintres baroques d’autres régions, Le Carravagio de Rome, Le Dominicain et Guido Reni de Bologne, Le Guerchin de Ferrare.
Dans les dernières années de sa vie, son fils Cristofano Allori (1577-1621) qui travaille avec lui, apporte à sa peinture ses nouveautés issues de la peinture de Paul Brill[4], avec l’introduction de vastes paysages, comme dans l’appel de Saint-Pierre, en 1596 et dans le Sacrifice d’Isaac, de 1601 » (Réf. Cit.).
« Son travail, qui présente des poses aux torsions complexes typiques du maniérisme florentin, a influencé les développements artistiques en Toscane pendant près de cinquante ans après sa mort. (https://www.getty.edu/art/collection/artists/719/alessandro-allori-italian-1535-1607/).
Gouverné par les Visconti jusqu’en 1447, le Duché de Milan sera gouverné de 1450 à 1535 par les Sforza à partir le duc Ludovico dit le More, au service duquel se mit Léonard de Vinci pendant quelque 20 ans. Ce duc mourra prisonnier en France au château de Loches en 1508, tandis que Léonard mourra 11 ans plus tard à quelque dizaines de kilomètres de là au Manoir du Cloux. Pendant les Guerres d’Italies, le duché sera en proie aux convoitises permanentes des rois de France et des rois d’Espagne dont les dominations successives se termineront par le Traité de Câteau-Cambrésis qui en 1559 laissait les Espagnols maitres de la place. Milan verra la naissance de deux grands peintres maniéristes, Arcimboldo en 1527 et Le Caravage en 1571.
La cour du Duché de Mantoue fut au XVème siècle particulièrement brillante du temps de Louis III Gonzague (†1478) qui appelait Andréa Mantegna (†1506) à donner le meilleur de son art dans la Chambre des Époux. Au XVIème siècle, Mantoue restera un important foyer culturel et artistique sous l’impulsion d’Isabelle d’Este (†1539). Fille du Duc de Ferrare, Ercole 1er, épouse de François II de Gonzague, grande collectionneuse d’Antiquités, elle attirera à sa cour les artistes les plus en renom comme Le Pérugin, Le Corrège, Vinci qui fit son portrait, et bien sûr Le Romain qui construisit en 1525 le premier palais maniériste, le Palais du Te, et des poètes non mois célèbres comme L’Arioste (1474-1533) qui fut un proche de celle qu’on a surnommée ‘La Première Dame de la Renaissance’.
Apparenté à la famille régnante des Gonzagues, Baldassare Castiglione, auteur du Livre du Courtisan, nait à Mantoue en 1478 et poursuit ses études à Milan au moment du règne de Ludovico le More.
Giovanni Antonio Bazzi dit Il Sodoma, d’origine piémontaise, s’est formé en Lombardie. Il doit son surnom du fait qu’il se flattait d’être toujours entouré de jeunes garçons. Il a pu rencontrer à Milan Léonard dont l’influence est très marquée dans sa manière. De ses principales œuvres, on peut retenir : de 1505 à 1508, le décor du cloître du Monastère Monte Oliveto Maggiore (Province de Sienne) ; en 1510, sa participation au décor de la Chambre des Signatures, première des quatre salles de réception de l’appartement pontifical que peint Raphaël de 1508 à sa mort en 1520 ; en 1512, ses fresques de l’Histoire d’Alexandre et de Roxane à la Villa Farnesina ; en 1526, son chef-d’œuvre, l’Extase de St Catherine, décor de la chapelle St Catherine dans l’église San Domenico à Sienne, ville dans laquelle il s’est installé définitivement en 1512 tout en travaillant dans d’autres communes comme Pise, Volterra…
Dans ses œuvres
« le charme de l’exécution s’allie à la beauté de la couleur, à la subtilité de la lumière…qualités parfois gâchées par une certaine afféterie » (Dict,Peintres Ital.op. cit).
« Bien qu'il n'ait pas été un grand dessinateur, la maîtrise du Sodoma pour les expressions, le mouvement et la couleur le rapproche de Léonard de Vinci tout spécialement pour les figures féminines, gracieuses, douces et graves. »(Article Wikipedia).
«Peintre admirable, il a des parties de grand artiste. Entre autres une sensibilité merveilleuse. Peu d'hommes assurément ont eu un œil plus suavement fait pour pénétrer l'essence des formes suaves. De même il est le coloriste de la suavité. Sa couleur fond à l'œil » (André Suarès).
« Il est l’héritier de Raphaël pour l’harmonie, de Léonard pour le modelé nuancé, du Pérugin pour le sens du paysage et la fantaisie décorative » (Dict. Larousse).
Ambrogio Stefani da Fossano, dit il Bergognone, actif de 1472 à 1523, est surtout connu pour avoir participé pendant de nombreuses années à la décoration de la Charteuse de Pavie (voir Architecture/ Lombardie/ Solari). Il doit son surnom du Bourguignon à sa filiation artistique avec l’École de Bourgogne (voir Tome1/Gothique International). Son style reste en effet plus proche d’un gothique tardif que des grands maîtres de la Renaissance dont il est contemporain.
Les trois plus célèbres maniéristes d’origine lombarde s’exprimeront en dehors de leur province natale : Jules Romain à Rome et Mantoue, Arcimboldo pour l’essentiel de sa vie à Prague, et Caravage à Rome et dans le Sud.
Voir Architecture/Maniérisme/ Jules Romain
Excellent dessinateur, autant que coloriste, élève de Raphaël, Romano était un esprit inventif. Pour ses décors, il fut le premier à utiliser un mélange de peinture et de stuc (chaux+ pour les décors généralement poussière de marbre + colle animale). Pour les fêtes données par le Marquis Fréderic II de Gonzague, il conçut des tapisseries et des pièces d’argenterie.
Entre 1525 et 1534, il construit à Mantoue pour le marquis le premier palais maniériste (voir architecture/Maniérisme Romain) tant pour son architecture que pour son décor. Il est assisté du jeune Primatice . On lui doit entre autres La Chute des Géants à la voûte de la Salle des Géants et le Banquet de d’Amour et Psyché.
En 1532, il achève puis décore le Palazzina della Paleoga pour l’épouse du marquis. Et en 1536, il construit et décore les nouveaux appartements de celui-ci.
« De son maître Raphaël, Giulio Romano a hérité le goût pour un style à la fois délicat et vigoureux; cependant, ce peintre, dessinateur et architecte ne doit qu’à lui-même la maîtrise parfaite avec laquelle il forme, à la plume ou au stylet, les traits de ses dessins. Ses œuvres font montre d’un savoir-faire tel qu’il était fréquent de voir ses dessins de jeunesse attribués à Raphaël lui-même ; cependant, parmi les élèves du maître, il se distingue par l’intense puissance d’inspiration qui accompagne sa perfection technique » (Diane Van Der Stegen, Revue Art Absolument 10/2010).
Le stuc va devenir le matériau prédominant pour le décor mural. Avec Giovanni da Udine, son stucateur préféré, Romain va retrouver l’ancienne technique du stuc, mélange de chaux et de poussière de sable, de briques ou de marbre auquel il arrive qu’on y ajoute une colle végétale ou animale, et une structure pour les reliefs (cheveux, fer etc.). Le stuc a l’avantage d’être un matériau plastique, facile à travailler, à modeler, peintre et cirer. Romain et Udine vont remettre au goût du jour cette technique au Loges du Vatican, à la Villa Farnesina, à la Villa Madama, au Palais du Te. Ils introduiront son usage à Venise. En France, Le Primatice et Le Rosso porteront ce procédé à un degré encore inégalé. Le stuc connaîtra de beaux jours au XVIIIème siècle comme en donne en exemple le Château de Compiègne, néo-classique.
Giuseppe Arcimboldo (Arcimboldi ou Arcimboldus 1527 -1593) est issu d’une illustre famille milanaise. Formé par son père comme dessinateur de cartons de vitrail et de tapisserie, il travailla avec lui à la Cathédrale de Milan.
En 1562, il fait un séjour de deux ans à Prague[5] à la demande de Ferdinand 1er de Habsbourg où il exécute plusieurs portraits et commence sa série des Saisons (1563-65). A la mort de l’empereur en 1564, il reste pour 23 ans encore comme portraitiste et conseiller au service de son fils Maximilien II (†1576), puis au service du fils de celui-ci de 1574 à 1587. En 1566, les Quatre Éléments succèdent aux Quatre Saisons. En 1572 et 73 suivent deux autres séries des Saisons.
En 1587, il revient à Milan tout en continuant à envoyer de ses peintures à l’empereur dont entre autres son œuvre maitresse de 1591, le portait de Rodolphe II en Vertumne [divinité avec Pomone des jardins et des vergers]. En 1591/92, il reçoit de lui le titre de Baron Palatin.
Arcimboldo, également dessinateur de costumes de théâtre, est resté célèbre pour ses compositions de fruits et légumes représentant des portraits ou des saisons. Très populaire à son époque, il tomba vite dans l’oubli. Les peintres surréalistes notamment Salvador Dali l’apprécieront.
On peut dire que pour l’École Vénitienne de la Renaissance tout commence avec l’arrivée du peintre sicilien Antenello da Messina à Venise en 1470 au plus tôt. Giovanni Bellini (†1516) qui enseignera Giorgione puis Le Titien, va devenir son ami et découvrir par lui la technique de la peinture à l’huile et l’importance accordée à la lumière (voir XVème siècle/Campanie/Niccolò Antonio Colantonio). La lumière pour les peintres vénitiens va alors jouer le premier rôle à l’inverse de l’École Florentine pour laquelle prime le dessin.
Aux lignes qui s’ouvrent pour donner naissance à des formes nouvelles, aux teintes mélangées sur la toile, aux glacis d’huile posés couches après couches pour réfléchir profondément la lumière, au jeu des ombres et des lumières, dans un clair-obscur diffus – que Giorgione, qui, selon Vasari, peignait à même la toile sans dessin préalable, emprunta à Vinci lors de son bref passage à Venise en 1499- vient s’ajouter la tonalité, le jeu des valeurs des teintes, plus ou moins claires ou foncées. Il en résulte une peinture toute de sensualité. Seule l’École Vénitienne avec Giorgione, Le Titien, Sebastiano del Piombo , Véronèse a pu rivaliser avec les maîtres de la Rome de la Renaissance Classique.
Toute la lumière de Venise avec toutes ses nuances, se retrouve sur la palette de Giorgione (1477-1510) autant luministe que coloriste. Véronèse par l’ampleur de ses compositions, sa palette qui distribue généreusement la lumière, son goût du grandiose, son sens du détail qui anime la toile ou la fresque et attire l’œil, est le grand décorateur, le grand metteur en images que le thème soit religieux ou mythologique. Il n’est jamais plus à son aise que dans les noces et les repas. Quant au Titien, c’est le poète de la peinture en même tant que le peintre des âmes. Il va porter à son plein épanouissement le rendu de la forme par la couleur.
Giorgio Barbarelli dit Giorgione (le Grand George, 1477-1510) aura eu la période d’activité la plus courte des artistes de la Renaissance, un dizaine d’année, de 1500 à 1510, année où il meurt. On ne sait quasiment rien de sa vie sinon, selon l’incontournable Vasari, qui tenait ses informations du Titien, qu’il serait né près de Trévise, à Castelfranco et qu’il serait mort à 33 ans en 1510 de la peste que sa maitresse lui a transmise. Il aurait été aussi un musicien exercé. Suite à sa mort subite, ce sont ses élèves Le Titien et Sébastiano del Piombo qui achèveront ses œuvres.
Formé dans l’atelier de Giovanni Bellini (†1516 voir Quattrocento/Vénétie), Giorgione va y rencontrer son futur élève et ami, de dix ans plus jeune que lui, Le Titien.
« Lorsque Giorgione entre dans l’atelier de Bellini, le passage de la vision plastique du type Mantegna à la vision colorée est accomplie. » (Dict. Peint. Ital.)
Par la suite il va découvrir lors du passage de Vinci en 1499 à Venise, ayant fui Milan, le sfumato. Comme pour tous les grands peintres de son temps, les peintures de Léonardo étaient très épiées. On se souvient de la Jeune femme au balcon (encre à la plume, 1504) inspirée à Raphaël de sa vue de La Joconde lors de sa visite à l’atelier de Vinci à Florence où Raphaël est arrivé en 1504 et que Léonard quittera en 1513.
Comme dans sa La Vierge à l'Enfant dans un paysage (à peu près un 6F) exécuté entre 1495 et 1505, son clair-obscur est léger[6], ses formes souples et ses valeurs très adoucies ; sujet et fond (de paysage) se fondent ainsi en une atmosphère poétique, presque irréel et pour laquelle le peintre optera souvent pour des tombée du soir, des lumières de fins d’orages.
Sa production ne compte qu’une trentaine d’œuvres dont notamment à commencer par le Retable de Castelfranco (1504 200x152 cm) ) dans lequel l’imaginaire composition montre dans toute la moitié supérieure du tableau la Vierge à l’Enfant assise sur trône avec fond de paysage tandis qu’en dessous, occupant la moitié inférieur, St François et St Libéral sont debout en présentation.
La Nativité Allendale (L’Adoration des Bergers, 1505-10) est remarquable par l’importance du paysage. L’espace qu’il occupe sur toute la moitié gauche de la toile compte autant que la scène des deux bergers venus s’agenouiller devant l’enfant Jésus. Importance du paysage venue des Flamands et propre à l’École Vénitienne mais qui traduit ici, en peinture, tout cet engouement au XVIème siècle en Italie pour le pastoral et qu’introduisit dès le début du siècle le poète Jacopo Sannazaro (1458-1530) avec son poème Arcadie (1498>1501, voir Littérature/ Poésie)
Parmi ses œuvres majeures, il faut compter sa Judith (1502 Musée de l’Hermitage) où l’influence de Léonard est sensible. La question peut se poser de savoir quelle est la part de l’influence définitive que les œuvres de Vinci qu’il a réellement pu voir ont exercé sur lui et sa vraie part d’originalité. La Tempête de 1505 (Venise); L’Adoration des Bergers (Washington) ; Le Crépuscule de Londres ; Les Trois Philosophes (Vienne) . Concert Champêtre (1508) qui a été longtemps attribué à Giorgione est maintenant reconnu être de la main du jeune Titien.
Auteurs de scènes mythologiques, religieuses et champêtres, Giorgione est un excellent portraitiste comme en témoigne sa Laura (Vienne) plus symbolique d’une amante idéalisée par Pétrarque que portrait de ressemblance ; La Vecchia (Venise), plus que réaliste, archétypale des effets du temps sur la chair ; ou encore le Portrait d’Un Jeune Homme (1508) et le Portrait d’Homme (1506, San Diego).
Sa Vénus Endormie (Dresde 1509) est son tableau le plus connu. Giorgione invente là un motif qui de Cranach à Manet sera repris régulièrement. « On peut [seulement] la rapprocher des silhouettes d'épouses nues qu'on peignait parfois à l'intérieur des coffres de mariage du 15ème siècle. » (https://www.idixa.net/ Pixa/pagixa-1301082026.html).
Avec Giorgione s’ouvre la lignée des luministes vénitiens. Il influença tout la génération de peindre qui suivit, son maître même Giovanni Bellini, et bien sûr Le Titien qui de nos jours encore fait hésiter les historiens sur la paternité de certaines tableaux à donner à Giorgione ou à son jeune élève.
D’aucuns voient dans La Tempête, « la première véritable peinture de paysage de l'art occidental ». D’autres voient dans le Concert champêtre, « le premier tableau de genre où la scène [pour la première fois] n'est insérée en aucun contexte religieux ou allégorique ».
Les Trois Âges de la Vie (environ 25F), d’une date incertaine, probablement du tout début du XVIème siècle, reste controversée quant à son attribution à Giorgione. Certaines sources indiquent que le personnage sur la droite en tunique verte serait le compositeur français Philippe Verdelot (1484-1530-52 ?, voir Musique/École Franco-Flamande au XVIème siècle/Madrigal). Le rénovateur] du madrigal italien se serait trouvé à Venise à cet époque. Giorgione meurt en 1510 ; Verdelot a alors une vingtaine d’années. Si le séjour à Venise du musicien, a bien eu lieu, n’a pu se faire qu’à son départ d’une Florence assiégée par les troupes impériales, soit entre 1527 et 1529. Certaines sources le donnent comme certain à Venise en 1533, mais d’autres le donnent mort avant 1530 de la peste qui s’est répandue après le sac de Rome.
Tiziano Vecellio da Cador dit Le Titien (1490?-1576) est né à Pieve di Cadore dans les Dolomites de la Vénétie à une date qui reste incertaine. Il avance dans une lettre de la fin de sa vie être né en 1477, mais des historiens avancent entre 1473 et 83. Actuellement, on avance prudemment une date avant 1490. Il est issu d’une famille de notables aisés occupant des fonctions publiques et privées importantes. Vers les 9/10 ans, avec son frère, Francesco, qui deviendra un peintre important, il est amené à Venise pour être formé dans l’atelier du peintre Sebastiano Zuccato. Il entre ensuite dans l’atelier des Bellini dirigé par l’ainé des frères, Gentile. Ils y rencontrent les peintres Giovanni Palma da Serinalta, Lorenzo Lotto (voir Renaissance Bergamasque), Sebastiano Luciani et Giorgione.
Pour l’exécution des premières fresques extérieures du Fondacio dei Tedeschi (l’Entrepôt des Tudesques, aujourd’hui centre commercial,), aujourd’hui effacées, Le Titien devient l’assistant de Giorgione d’une dizaine d’années aîné. Le Titien a en charge les décors de la façade côté terrestre et Giorgione celui de la façade donnant sur le canal. Après l’incendie de 1505, ils repeignent les fresques mais sans que l’on puisse savoir qui a peint quoi.
Après la mort de Giorgione, en 1511, Titien quitte Venise sans qu’on sache exactement pour quoi et se rend à Padoue où il séjourne deux à trois ans. Il peint notamment les fresques du Miracles de St Antoine à la Scuola del Santo et d’autres dans d’autre églises. De retour à Venise, il obtient le brevet très convoité de courtier dans la Fondacio dei Tedeschi. Il est officiellement chargé d’achever les œuvres commencées par Giovanni Bellini (†1516) et par Giorgione (1510). Il ouvre un atelier donnant sur le Grand Canal et à l’exclusivité des peintures officielles telles ses cinq portraits des doges successifs. Dès ses premières vingtaines d’années, sa renommée est déjà telle qu’il reçoit de nombreuses commandes et les chefs-d’œuvre de se succèdent. En plus de ses commandes, son brevet des entrepôts et la pension du Sénat le font riche. Toutes les grandes cours d’Europe souhaitent l’attirer à elles, comme le pape Léon X ou François 1er, mais il restera fidèle à Venise. Ce qui ne l’empêchera pas de peintre pour des princes de Mantoue et de Ferrare.
En 1518, son Assomption de la Vierge pour le maître-autel de l'église des Frari est un de ses premiers grands chefs-d’œuvre.
Suivent des madones avec des fonds de paysage dans le genre pastoral. A partir de 1523, il peint pour le Duc Alfonso d'Este deux ou trois ( ?) scènes mythologiques dans son studiolo du Palais Belfiore, dont l'Offrande à Vénus, la Bacchanale (Prado), et Bacchus et Ariane (National Gallery, Londres)[7]. Le duc aurait présenté le peintre au duc de Mantoue, Frédéric Gonzague II pour qui il peindra effectivement pendant une dizaine d’années : Son portrait, les fresques au palais ducal, les Portraits des Césars.
En 1525, il se marie après la naissance de son premier enfant conçu avant le mariage. Le couple aura deux autres fils dont un sera son assistant. Sa femme meurt en couche en donnant naissance à sa fille Lavinia. En 1527, L’Arétin (†1556, voir Littérature/Poésie) s’installe à Venise est devient son ami. Il sera aussi l’ami de l’architecte maniériste florentin Sansovino (†1578) venu s’installer lui aussi à Venise après le sac de Rome de 1527.
Le duc Frédéric Gonzague II l’introduit auprès de Charles–Quint avec qui il aura des affinités et dont il fera un premier portait à l’occasion du passage de l’empereur à Bologne en 1533 (Bologne où il a été sacré empereur par le pape Clément VII trois ans plus tôt). Par la suite l’empereur lui paiera un pont d’or pour toutes ses nombreuses commandes. En cette même année 1533, il est fait Comte Palatin et peintre de la cour (d’Espagne).
« À partir de 1530 environ, la renommée italienne et européenne de Titien élargit le champ de son activité. La libération de la touche, l'atténuation des contours, la recherche d'accords plus subtils et l'étude des reflets marquent alors l'évolution de sa manière. » (Ency.Larrousse/Tiziano _Vecellio).
Mars et Vénus date de 1530 ; La Vénus d’Urbin, commande de la cour ducale - en 1508, la Maison della Rovere a remplacé les Montefeltro à la tête du duché d’Urbino- date de 1538, la Présentation de la Sainte Vierge de 1539, et son célèbre Ecce Homo de 1541.
Giovanni Antonio de' Sacchis, dit le Pordenone (1484-1539) aura été un des rares peintres Vénitiens à ‘se lancer’ dans le maniérisme et un maniérisme robuste à la Michel-Ange. Le Titien ne voudra pas être en reste et connut une brève période maniériste.
« La Vision de saint Jean l'Évangéliste, morceau central du plafond de la scuola di San Giovanni (National Gallery de Washington), et les trois scènes bibliques provenant du plafond de Santo Spirito a Isola (sacristie Santa Maria della Salute) témoignent de l'orientation nouvelle avec leur perspective oblique, leurs raccourcis, le jeu tendu des musculatures et la subordination de la couleur au dessin, évidente aussi dans des compositions non plafonnantes comme le Couronnement d'épines provenant de Santa Maria delle Grazie de Milan » (opus cit.)
Peintre alors des cours italiennes et européennes, Titien peint entre autres pour les Farnèse la Danaé (Naples) et lors de son séjour à Rome en 1545-46, il peint le fameux Portrait de Paul III avec Ses Neveux. Celui se tenant derrière lui est le ‘’Gran Cardinal’’, Alexandre Farnèse, qui rachètera à Rome en 1580 la Villa Farnesina aux héritiers du banquier Agostino Chigi. Baldassarre Peruzzi l’avait construite entre 1508 et 1511, décoré la Sala di Galatea (voûte et lunette) et le Salone della Prospettiva en 1518-1519, tandis que Raphaël avait peint son fameux Triomphe de Galatée en 1513. Le peintre vénitien Sébastiano del Piombo participa à cette décoration.
Charles Quint et Philippe II lui passe toujours des commandes; second portrait de Charles-Quint en 1548, deux Vénus et l'Amour avec un organiste deux versions), la Vierge de douleur, Vénus et Adonis (1553), Diane et Actéon, Diane et Callisto (1556-1559)…
Dans les vingt dernières années de sa vie, il travaillera essentiellement pour Philippe II (†1597) qui gouverne l’Espagne depuis le début des années 1530, succède officiellement à son père Charles-Quint à sa mort en 1558. Le Titien mourra lui en 1574 à l’âge très avancé de 90 ans (?) de la peste alors qu’il était encore en pleine activité. Son ami, Monteverdi, qui mettait alors au point ses recherches modernes sur la Seconde Pratique aura été après la mort en 1562 d’Adrian Willaert le grand compositeur de la république vénitienne avec Giovanni Gabrieli (†1612), qui, inventeur du Style Polychroral, porta la polyphonie finissante à son apothéose.
« Sa peinture est difficile à classer dans le mouvement maniériste dont la frontière dans la lagune est fragile avec le classicisme qui se pare ici déjà d’une sensualité, d’une sensitivité qui le détache du classicisme de Florence et de Rome et l’infléchit vers un art plus sensoriel que cérébral, plus réceptif aux impressions fussent-elles sublimées».
« Ouvert à toute expérience, Titien ne pouvait totalement ignorer ce mouvement du maniérisme qui triomphait en Italie et dans une partie de l'Europe, mais auquel Venise opposait une ferme résistance » (Ency ; Larousse).
D’aucuns font commencer sa période maniériste à partir de 1527 qui correspondrait à l’arrivée dans la ville de l’architecte Sansovino, puis de l’Arétin. D’autres la font commencer vers 1539 avec l’arrivée du peintre Salviati (†1563), élève d’Andrea del Sarto qui, à Rome en 1524, reçut l’influence de Michel-Ange et du premier des maniéristes, Le Parmesan († 1540) ; et avec l’arrivée également de Vasari en 1541. Mais l’influence la plus déterminante serait celle qu’eurent sur lui les œuvres de Jules Romain qui, établi à Mantoue en 1524 à la cour de Fréderic II Gonzague, construit et décore avec son équipe le Palais du Te (1527-34) emblématique du maniérisme. Ou encore à partir du travail de Sacchis, considéré comme « à peine inférieur au Titien en termes d'ampleur, de pulpe et de ton ». (Ency. Britannica).Les deux peintres furent d'ailleurs rivaux. « Il excella dans l'art du portrait et pratiqua avec le même bonheur les techniques de la fresque et de la peinture à l'huile » (Wikipedia). Tintoret fut plus sensible que Le Titien à la peinture de Sacchis.
Le Titien est un des plus grand maîtres du portrait. Il renouvelle l’art du portrait donnant une dimension psychologique nouvelle pour l’époque. Le fond est uni ou des plus simplifié, le personnage est en buste ou plus bas que la taille, de trois quart. C’est Vinci qui avait descendu le portrait en dessous des bras avec la Joconde dont le buste est de trois-quarts mais le visage tourné vers nous sans être de face. Entre autres célèbres, est aussi son fameux portrait de François 1er d’après celui sur médaillon sculpté par Benvenuto Cellini, qui cherchait d’Italie à retrouver les bonnes grâces du roi français.
Les Portraits de Violanta, de Laura, de Tarquin et Lutèce, de l’Homme aux Gants de la période 1515-18, La Vierge au Lapin, La Mise au Tombeau de la période 1525-30 seraient de facture classique, tandis que les Portraits de Frédéric II, de Charles V, d’Isabelle d’Este, d’Éléonore de Gonzague, de François 1er , Le Couronnement d’Épines, les Danaé (Naples, Madrid, Vienne) etc. etc., œuvres ultérieures, seraient maniéristes.
Du point de vue de la technique, on sait l’importance du glacis (à l’huile) dans sa peinture.
« La technique du Titien est une adaptation de toutes les techniques – frottis dont il serait l’inventeur, glacis, empâtements – toutes présentes parfois sur un seul tableau. Le Titien a introduit des couleurs rabattues [couleur + noir], rompues [couleur + complémentaire], par divers mélanges dont celui des complémentaires et du blanc (“sali tes couleurs” disait-il à l’un de ses élèves). C’est pourquoi, on a souvent une impression de couleurs très saturées, très vives (en raison de la proximité de couleurs rompues)[8] »
Titien était un peintre toujours en recherche, libre dans son esprit comme dans sa manière.
« Il développe et porte à un sommet inégalé l'art du glacis… Élève des Bellini, il perpétue un des traits qui distinguent l'art vénitien du reste de l'Italie: la richesse chromatique. Il en résulte des portraits d'un naturel incomparable accompagné d'une grande finesse d'analyse psychologique. On fait remonter avec raison jusqu'à Titien, l'émergence d'une peinture "peinte" qui se démarque de l'art de son époque où le dessin prime avant tout[9]».
« Le Titien est un des premiers à utiliser la peinture à l’huile de manière moderne. Le blanc est utilisé en tant que couleur… Il peint en pleine pâte, les couleurs sont beaucoup plus grasses et huileuses ayant moins de résine. Elles deviennent également plus opaques. Le dessin est moins net, c’est davantage une suggestion, « L’erreur » est à présent tolérée puisque de nombreux repentirs sont perceptibles. Et les temps de séchage ainsi que le vernissage sont de moins en moins respectés.
Selon Xavier de Langlais, d’un point-de-vue purement artistique, Titien mérite amplement son titre de prestigieux peintre notamment par son sens de la composition, la poésie de ses couleurs et la profondeur des ses portraits. En revanche il rend Titien en parti coupable de la détérioration technique des œuvres peintes. Sa méthode aurait crée chez ses successeurs une absence de méthode, néfaste quant à la conservation et à la solidité des peintures[10]. »
« La peinture moderne est née à Venise, avec Titien » (Cézanne)
C’est vers le milieu du siècle qu’apparaît à Venise chez les jeunes peintres une nouvelle tendance. Le peintre d’origine florentine, Francesco de Rossi dit Salviati (1510-1563), qui connut à Rome le travail de Parmigianino - dont les gravures circulent d’ailleurs à cette époque à Venise- qui est « le prototype de ce que le maniérisme italien a produit de plus personnel, d’inventif, de raffiné » (Ency.Univ.) séjourne dans la ville pendant un an de 1539-à 40. Vasari s’y trouve de 1541-1542 et s’y trouve encore en 1566. Parmi ces jeunes peintres, on trouve Andrea Schiavone (1522-1563) qui mêle dans de petits formats, la souplesse du dessin maniériste à une grande liberté de composition, Paris Bordone (1500-1571) qui vénère Giorgione et qui ne sait garder du maniérisme que son côté affecté et ses coloris à effets, et Jacopo dal Ponte influencé notamment par Jules Romain (1510/18-1592). Parmi eux se trouvent Sebastiano del Piombo, et surtout le Tintoret et Véronèse.
Avec Le Titien, lui-même influencé par le maniérisme, ces deux peintres font de Venise, dans la seconde moitié du XVIème siècle, l’épicentre de la peinture de la péninsule. Quelle que soit l’influence qu’exerça sur ces peintres, les artistes venus d’Émilie, de Florence ou de Rome avec la nueva maniera, ils sauront préserver ce qui fait l’originalité de la peinture vénitien, ce qui en fait une ‘’peinture picturale’’ : son sens de la lumière, son goût pour la couleur, son attrait pour le paysage.
Sebastiano Luciani (1485-1547), né à Venise, s'appela à Rome Sebastiano Viniziano. Il reçut d’abord une formation d’instrumentiste (le luth), de chanteur, formation réservée aux fils de bonne famille. Selon Vasari, il aurait été d’abord un élève des Giovanni Bellini comme Le Titien et comme Giorgione qu’il rencontre à l’âge de 15 ans, lui aussi musicien. Dix ans plus tard, il était célèbre. A cette époque Giorgione avait déjà quitté l’atelier des Bellini, alors que Le Titien, de trois ans plus âgé que Sebastiano, y travaillait encore. Plus séduit par la peinture de Giorgione que par celle du vieux Bellini vers qui il s’était un temps tourné, Sebastiano se mit sous la protection de Giorgione.
De cette première période vénitienne, on a Saint Jean Chrysostome et Six Saints (1508-1510), Salomé ( ou la Fille d’Hérodias 1510), les volets d'orgue de S. Bartolomeo al Rialto (Saints Barthélemy, Louis, Sinibald, Sébastien) et le Jugement de Salomon de 1509, « encore parfois attribué à Giorgione » (Encyclopédie Larousse de la Peinture).
« La " pala " de S. Giovanni Crisostomo manifeste le plus de maturité parmi les grands tableaux vénitiens. Elle illustre la recherche de l'artiste pour des formes simplifiées et monumentales ainsi que son goût pour des couleurs moins vives que celles de Giorgione et plus froides que celles des débuts de Titien. (Encyclopédie. Larousse).
En 1511, à 25 ans, sa réputation est faite. Le banquier Agostino Chigi est venu à Venise « conquérir la belle Francesca Ordeaschi, la fille d’un commerçant vénitien ». Il remarque Sebastiano qui, à 36 ans, le suit à Rome pour participer à la décoration la Villa Farnésine, que l’architecte Peruzzi vient de terminer à sa demande et est en train de décorer avec Raphaël.
Sebastiano en décore les lunettes « exécutées dans sa manière nourrie, empâtée et giorgionesque, toute différente de la manière sèche et lisse que pratiquaient alors les maîtres de l’école romaine » et peint dans la galerie son Polyphème non loin de la célèbre Galatée que Raphaël de deux ans son aîné est en train de peintre. Leur influence fut réciproque. Mais plus grande fut l’influence de Michel-Ange sur Sebastiano qui soutint ce dernier dans la mésentente qui animait l’un envers l’autre les deux grands maîtres. Michel-Ange lui adressa des lettres avec des dessins d’une grande importance pour la connaissance du Maître de La Sixtine. Sebastiano n’arrivera pas à assumer la puissance de Michel-Ange, sa terribilità dans sa peinture devint lourdeur. Hors de cette attirance, il sut rester fidèle à lui-même dans les portraits : Clément VII, Andrea Doria, Seigneur Inconnu (Berlin)…
Il n’empêche qu’à partir des compositions et d’un dessin de Michel-Ange, Sebastiano peignit pour le Civico de Viterbe en 1517 une Pietà des plus surprenantes, un ‘nocturne’[11] où sur un fond de paysage inquiétant de nuit , se détache la vierge assise, vêtue en des tons de bleu et gris-bleu implorant le ciel ; à ses pieds, tranchant avec le linge blanc sur lequel il est allongé, le corps de son fils à la peau plus que sombre et au visage enfoui dans l’obscurité.
« Chez les grands dessinateurs comme Michel-Ange, la pensée est dans le dessin, et la couleur n’est qu’un vêtement… Chez les grands coloristes, au contraire, toute l’éloquence est dans la couleur. Leurs harmonies, au lieu d’être l’accompagnement d’une pensée, sont leur pensée même. Ils pensent en couleur, pour ainsi dire, et il leur suffit alors d’un dessin vraisemblable et de bonne construction[12].» (Charles Blanc).
Michel-Ange composa, dessina voire même mis la main à certaines des commandes de Sebastiano dont il voulait faire l’émule de Raphaël. Ainsi, commandée par le cardinal Jules de Médicis avant qu’il ne soit pape, La Résurrection de Lazare, épisode du N.T. (Jean11) de 1517-19, qui veut rivaliser avec la Transfiguration de Raphaël, commandée également par le cardinal, commencée en 1518, restée inachevée à sa mort en 1520 et que J. Romain terminera.
En 1519, Michel-Ange appelé à Florence par les Médicis pour qu’il réalise la Nouvelle Sacristie (Sagrestia Nuova), Sebastiano restera le grand peintre de Rome, et se consacrera essentiellement au portrait. On lui doit à cette période, notamment, les Portraits d’Andrea Doria et de Clement VII. Après le sac de Rome, travaillant un temps pour les Gonzague à Mantoue, il peindra le Portrait de Giuliana Gonzaga, belle-sœur du Duc de Mantoue en1535.
« Sebastiano del Piombo avait inventé le moyen de peindre à l’huile sur muraille, et il l’appliquait également sur des carreaux de pierre en guise de toile. Cette nouveauté avait beaucoup plu, parce qu’une telle matière étant à l’épreuve du feu et des vers, devait durer éternellement. » (Charles Blanc).
Puis en 1531, pour le remercier d’être resté à ses côtés, refugiés qu’ils étaient en 1527 dans le Château St Ange assiégé par la soldatesque impériale commandée par Charles III de Bourbon, à sa grande joie et celle de sa bourse, le pape Clément le nomme scelleur des plombs (sceaux) de la chancellerie pontificale, sans, dit-il, qu’il l’est demandé ; de là son surnom de fra del Piombo : le scelleur devait être ou devenir moine. Il mena alors une vie oisive de bon vivant dans la maison qu’il se fit construire ne se souciant pas plus de peinture que de gloire.
Le banquier Chigi lui commanda en 1532 de réaliser la décoration de la chapelle Santa-Maria del Popolo selon les cartons de Raphaël. Mais de nature trop dilettante, Sebastiano ne s’exécuta pas, de même pour d’autres commandes. Surtout pour des commandes de peintures sur pierre.
Le dernier épisode important de sa vie est la fin de son amitié avec Michel-Ange qui revenu à Rome devait peindre le Jugement Dernier sur le mur du fond de la Sixtine. Sebastiano, non sans quelque vanité prétendit qu’il était préférable de préparer le fond pour l’huile et non pour la fresque et en convainquit le pape. Michel-Ange qui considérait que la technique à l’huile était tout juste bonne pour les amateurs, tint bon et eux gain de cause, mais rompit définitivement avec son ami de vingt ans. Fra del Piombo mourut à l’âge de 62 ans d’une fièvre inflammatoire probablement due à trop d’excès de bonne chair au vu de son embonpoint. Il laisse tous ses biens aux pauvres. Il est enterré dans l'église de Santa Maria del Popolo. Vasari détermine sa date de naissance par rapport à l’âge de sa mort.
« L'Espagne s'ouvre à la Renaissance italienne (Léonard, Michel-Ange, Raphaël), et son admiration va d'abord à certains maîtres. Sebastiano del Piombo, dont les œuvres sont bien connues et copiées, inspire un style monumental, profondément religieux. » (Ency. Larousse/Peinture/Maniérime)
Les da Ponte sont une famille de peintres originaire du village de Bassano del Grappa, situé dans la montagne à quelques dizaines de kilomètres de Venise. D’où leur surnom. Jacopo est le représentant le plus imminent avec son fils ainé, Francesco.
Jacopo dal Ponte dit Bassano (1510/18 ?-1592) sera marqué par la manière de Paris Bordone (1500-1571) qui admirait Giorgione, mais aussi particulièrement par celle de Véronèse.Et comme tous les peintres vénitiens de son temps, il ne manqua pas d’observer les gravures du Parmesan aux tendances maniéristes marquées. Mais bien qu’élève, de façon brève, en premier, du Titien à qui il reprochait de ne pas suffisamment porter d’attention à ses élèves, c’est de sa peinture qu’il restera longtemps imprégné. Il travaillera à Bassano près du pont d’où son autre surnom.
Alors que dans les années 40 des tableaux comme son Adoration des Bergers de 1545 le confirme dans ce maniérisme qui favorise la couleur et l’élégance, il va par la suite s’orienter vers des atmosphères obscures comme sa Crucifixion de Trévise (1562), la Nativité de 1568. L’influence de plus en plus marquante qu’il va recevoir sera celle de Tintoret, à qui il aura emprunté les perspectives obliques[13] comme dans son Martyre de Saint Laurent (1571). Il va la transmettre au Greco (1541-1604) qui séjourne à Venise de 1568 à 70.
Dans les années 1570, il produira de nombreux grands retables. Après l’incendie du Palais des Doges en 1574, aux côtés notamment de Véronèse et du Tintoret, il participe avec son fils Francesco, à la réfection de la salle du Grand Conseil, certaines sources indiquant que la conception et à l’exécution du plafond seraient l’œuvre de son fils qu’il aurait assisté.
Un troisième période sera celle où le campagnard Bassano, qui va, chose exceptionnel, peindre sur le motif, méritera le mieux son surnom de peintre-paysan avec son goût net pour le paysage, les troupeaux, le travail de la terre, tout un univers champêtre qu’il place aussi bien dans les scènes religieuses que profanes. Les ciels restent assombris et les lueurs crépusculaires. Son Adoration des Bergers de 1562 en est la préfiguration. Les Pèlerins d’Emmaüs de 1574 illustre la vie rustique.
Après 1575, Bassano va peindre des clairs-obscurs d’un parfait ténébrisme où la lumière centrale va fait surgir les personnages de l’obscurité. On lui doit de cette période une Pénélope qui tient du nocturne avec son fond uni noir et le visage de pénélope de trois quart, tout illuminé par la chandelle suspendue au métier à tisser, La Déposition du Christ (1580-90) et La Sépulture du Christ.
Jacopo est l’inventeur de la peinture animalière. Ses Deux Chiens de Chasse liés à une Souche de 1548, peint pour le Comte Zantani, est le premier tableau animalier de l’histoire de la peinture européenne. Le Tintoret lui rendra hommage en plaçant un chien au premier rang de son Lavement des Pieds, de la même année. Les peintres français, François Desportes (1661-1743) et Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) n’ont pas pu ne pas voir et admirer ses tableaux animaliers.
Francesco dit Francesco del Grappa ou Bassano le Jeune, ainé des quatre frères, né en 1549 et mort la même année que son père en 1592 va longtemps travailler aux côtés de son père.
« Francesco a appris à relier les figures à leur environnement architectural et à structurer une composition à l'aide de diagonales en recul, comme dans St Paul Prêchant (1574). Dans ce retable [que son père cosigne], leurs techniques sont similaires mais se distinguent; Le pinceau de Francesco est plus lourd et son style de description plus modeste… L'enseignement de son père est toujours clair dans ses épisodes monumentaux de la Vie de la Vierge (Bergame, S Maria Maggiore), de la fin des années 1580, dans la composition largement conçue, la coloration douce et
brillante et les larges coups de pinceau[14]»
En 1578, année de son mariage, il quitte Bassano pour Venise où il est déjà connu. Il ouvre son propre atelier. Francesco remporte en 1582, comme assistant de Véronèse, le concours pour la restauration du plafond de la salle du Grand Conseil endommagée par le second incendie du Palais des Doges en 1577. Véronèse commence son Triomphe de Venise en 1585 mais meurt trois ans plus tard. Francesco est considéré trop jeune pour poursuivre. En 1591, atteint de la tuberculose et de la maladie de la persécution, il se défenestre et meurt quelques mois plus tard.
Leandro (1557-1622) va achever les commandes de son frère et poursuivre le travail d’atelier de leur père avec succès et maintenir la place importante que les Bassano auront tenu dans la Renaissance Vénitienne.
Giovanni Battista (156 3-1613) et Gerolamo (1566-1621) copient les œuvres de leur père dans l’atelier familial. « Le père a mis au point un système de double signature : sur les copies ou variantes exécutées par ses fils, Jacopo appose son paraphe, comme un « label de qualité » » (Wikipedia/Raphaël Pic, « Fous de Bassano », Muséart, no 83).
Jacopo Robusti dit Tintoretto ( Le Tintoret (1518-1594), né et mort à Venise, est le fils d’un teinturier auquel il doit son surnom de ‘petit du teinturier’. Formé à l’école des peintres maniéristes vénitiens, il est maître à 23 ans et commence à réaliser en indépendant des fresques et des scènes religieuses pour l’Arsenal, l’Académie de Venise et différentes églises. Il se marie à 31 ans et a deux filles et deux fils qui seront également peintres. En 1545, il est à Rome puis à Mantoue. Il poursuit sa carrière en exécutant des commandes pour le Palais des Doges. De cette période on lui doit notamment une Cène pour l’église San Marcuola (1547), Le Miracle de l’Esclave pour la Scuola di San Marco (1478) et la Suzanne au Bain vers 1560.
En 1564, Tintoret remporte avec un Saint Roch, saint de la ville, représenté en Gloire, le concours pour la décoration de la Scuola Grande di San Rocco à laquelle pendant 24 ans de 1564 à 1588, il va travailler. Ce décor est à Venise ce que la Chapelle Sixtine est à Rome.
La Scuola Grande di San Rocco est l'une de ces six "grandes écoles" de Venise qui réunissaient confréries religieuses ou laïcs, institutions caritatives et associations d'artisans et qui ont joué un rôle très important pour le développement des arts. Fondée en 1485 par des laïcs pour la sauvegarde des reliques de St Roch et la vénération du saint, la construction de son bâtiment à deux étages a commencé en 1515 et a été achevé au milieu du siècle. Le Tintoret commence par décorer au rez-de-chaussée le Salone Maggiore. Il peint des scènes du Nouveau Testament. Puis à l’étage, de 1574 à 1581, il peint le plafond du Salon Supérieur avec 23 toiles sur des thèmes de l'Ancien Testament, et sur les murs douze scènes des deux Testaments. S’y trouve également une Annonciation du Titien, et de Tiepolo, Abraham et les Anges et l’Agar. Dans la Sala dell’Albergo, une deuxième salle au niveau supérieur se trouve son San Rocco in Gloria et Le Serpent d’Airain (1592). Il devient membre de la scuola.
Il dessine ensuite les cartons pour des mosaïques devant aller à la Basilique Saint Marc. Il peint la Bataille de Lépante pour le palais ducal ; en 1574, le Portrait d’Henri III de France (disparu). La Tentation de Saint Antoine date de1575.
En 1580, il se rend à Mantoue où il peint l’histoire de la famille Gonzague en trois tableaux et peut admirer ce premier exemple du maniériste, le Palais du Té construit en 1525 et décoré par Jules Romain. Il est de retour en sa ville natale en 1583. En 1577, après son incendie, un concours avait été ouvert pour la restauration de salle du Maggior Consiglio (Grand Conseil). La fresque de Guariento de 1365, le Couronnement de la Vierge entourée des Hiérarchies, dit Le Paradis est peinte sur le mur à l’arrière du trône princier (le doge est prince sérénissime) était à remplacer.
« En 1582, ils sont quatre à soumettre leurs esquisses : Véronèse, Francesco Bassano, Tintoret et Palma le Jeune. Federico Zuccaro y ajoute la sienne. Véronèse l'emporte. Mais il a trop de travail et demande à être assisté par Bassano : pour rien, puisque à sa mort, en 1588, il n'a pas commencé la toile. Bassano n'inspirant pas assez confiance pour conserver seul la responsabilité du projet, Tintoret obtient la commande grâce à une nouvelle esquisse. Mais il est fort âgé et meurt en 1594 : c'est son atelier, dirigé par son fils Domenico, qui exécute l'œuvre. » (Le Monde 02.2006, exposition des esquisses du concours.
Le Paradis peint par Tintoret, aidé par son fils, fait 24,5 mètres de long sur 9,90 mètres de haut qu’il a divisait en plusieurs panneaux dont un se trouve actuellement au Louvre.
« Le paradis du Tintoret n’est pas l’Éden de la Genèse où Dieu les avait placés en leur offrant tous les fruits de la terre, mais le paradis céleste promis par Jésus-Christ à ses disciples. Un ‘océan de visages’ (J. Ruskin) illuminés par la lumière céleste émanant de la figure du Christ qui domine la place centrale du tableau…Les couleurs dominantes des vêtements des hôtes du Paradis vont du cramoisi au pourpre éclatant, relevé par des ombres qui se détachent d’un fond de lumière qui irradie l’ensemble du tableau ». (https://www.e-venise.com/palais-venise/le-paradis-tintoret-palais-des-doges-venise-02.html)
De 1592 à 1594, année de sa mort il travaillait encore l’Église San Giorgio Maggiore commencée par Palladio en 1566.
La plupart des sources considèrent que Le Tintoret pratique plus le clair-obscur, un clair-obscur vibrant (Ency. Universalis/ Ténébrisme) que le ténébrisme dont on attribue souvent à tort la paternité au Caravage (1571- 161à). Le décor de la Scuola Grande di San Marco laisse apparaître les formes, sombres de lumières irréelles, qu’il confine au ‘nocturne ‘. (Voir note page 295) Le Tintoret a précédé le Caravaggio dans ce traitement artificiel de la lumière contrastant avec d’importantes zones particulièrement sombres. Le Dernier Souper (1592-94, 365x568 cm) de l’aîné n’a rien à envier pour ce qui est du ténébrisme à La Conversion de St Paul (1601) de son cadet. Mais encore, il faut ici évoquer les effets de lumières d’éclairage à la chandelle d’un Romanino ou la Chute de Simon Mage de l'église S. Cristo de Moretto (†1562, voir Renaissance Bergamasque/ École de Brescia).
Dans ses tableaux, le Tintoret« déchaine une profonde et imaginative inquiétude et ses compositions tourbillonnantes sont traversées par les frissons d’une lumière incandescente… Il exprime pleinement la tension dramatique de son tempérament et de sa fougue expressive. » (Alberto Martini, L’Art au 16ème siècle, Hachette 1963)
« Tintoret appartient à une génération de jeunes artistes vénitiens qui cherchent à faire évoluer leur art, aux côtés de Véronèse et de Jocopo Bassano (1510-1592). Ces artistes se rattachent nettement au courant maniériste par le vocabulaire pictural utilisé : accentuation délibérée des postures et des mouvements, couleurs vives rompant avec l’harmonie classique du début du siècle. Mais alors que le maniérisme recherchait le raffinement par l’élégance des formes, les jeunes artistes vénitiens veulent marquer les esprits par l’exacerbation des émotions. Aussi utilisent-ils volontiers le clair-obscur pour produire un effet visuel violent. Ils représentent à cet égard la transition entre le maniérisme et la peinture baroque qui commencera à se développer à l’extrême fin du 16e siècle. ». (Rivages de Bohêmes/Tintoret)
Paolo Caliari dit Véronèse (1528-1588), fis d’un sculpteur (tailleur de pierre ?), doit son surnom à sa ville natale, Vérone, située au bord de l’Adige, célèbre pour les amants qu’a immortalisés Shakespeare (où Marlowe ? voir Littérature/Théâtre). La ville, passée au début du XVème siècle sous la tutelle de Venise qui a évacué la famille dominante, Les Carrare de Padoue, connaît une période de prospérité. Mais dans les deux premières décennies du XVIème siècle, elle connaitra l’occupation des troupes impériales, Venise, jugée trop puissante étant en guerre contre la coalition de la Ligue de Cambra[15] Après 1517, Vérone connaît une longue période de tranquillité et de prospérité retrouvées.
Véronèse reçoit une première formation de son oncle, modeste peintre véronais dont il épousera la fille à l’âge de 38 ans. Il ne quittera définitivement la ville qu’à l’âge de 25 ans, tout en ayant déjà connu les œuvres du Titien dont il a pu voir l’Assomption apportée dans la cathédrale en 1525, et du Parmesan ses gravures renommées qui amènent nombre peintres à la nuovo maniera.
Son talent est prometteur. A 20 ans, il part à Trévise également sous la domination de Venise qui l’a faite fortifier pour se défendre contre la Ligue de Cambrai. Il y décore demeures et villas.
En 1552, il peint une Tentation de Saint Antoine. pour la cathédrale de Mantoue où Jules Romain (†1546) s’est établi en 1524. Et la même année, il reçoit sa première commande à Venise pour l’église San Francesco della Vigna où il peint La Conversation Sacrée.
L’année suivante en 1553, nommée peintre officiel de Venise, il décore trois salles du Consiglio dei Dieci (Conseil des Dix) du Palais Ducal avec Jupiter Foudroyant les Crimes, Junon répandant ses Dons sur Venise et la Vieillesse et la Jeunesse
En 1555, il reçoit la commande d’un Couronnement de la Vierge et les Quatre Évangiles pour la sacristie de l’église San Sébastiano de Venise. L’effet produit par le trompe-l’œil dans le couronnement est tel qu’on lui demande de poursuivre la décoration de l’église : scènes de l’Ancien Testament au plafond de la nef : Vie d’Esther. En 1558, il décore le chœur avec La Vie de Saint Sébastien et les murs avec des vies de saints. En 1559, il décore l’autel avec La Vierge et St Sébastien. En 1565, il décorera le chœur avec St Sébastien et Saint Marc.
En 1560, le procurateur Girolamo Grimani de la puissante famille des Grimani dont Marino sera doge de 1595 à 1605, l’amène à Rome où il découvre les œuvres de Michel-Ange et de Raphaël. Ce sera sa seule sortie de Venise.
A son retour, il reçoit de nombreuses commandes entre autres pour la Biblioteca Marciana au décor de laquelle travaille aussi Le Titien, Le Tintoret, et le sculpteur maniériste Alessandro Vittoria (voir Sculpture). Il remporte le concours organisé pour choisir le meilleur peintre et outre des commandes de trois allégories : musique, géométrie- arithmétique et honneur, lui est offert des mains mêmes du Titien un collier en or.
Connu et admiré comme un des très grands peintres de l’Italie septentrionale, sa production de fresques et de tableaux devient impressionnante. Il réalise en 1562 ce que l’on considère comme son chef d’œuvre, Les Noces de Cana commandé par les moines de San Giorgio Maggiore.
En 1563, il réalise un décor particulièrement maniériste pour la Villa Barbaro, construite par Palladio Le rassemblement d’architectures, de paysages, de scènes mythologiques et des fausses portes fait de ce décor un des décors des plus illusionnistes de la Renaissance. Le trompe-l’œil du plafond de la Sala dell’Olimpo est un des exemples les plus représentatifs de la maîtrise de la perspective par ce magister de l’illusion. Il est « le grand impresario de la peinture, en donnant ‘au rire plus de festivité’ [selon le mot du peintre Carlo Ridolfi (1594-1658)] et s’oppose résolument à la dramaturgie du Tintoret . » (Dict. Pein.Ital)
De 1572 datent Le Repas Chez Simon le Pharisien, et Le Banquet de Saint Grégoire le Grand (477x862cm) pour le Sanctuaire de la Madonna di Monte Berico, près de Vicence. A ce sanctuaire gothique qui date du XVème siècle, Palladio y a adossé en 1578-79 un plan centré carré (12x12m) pour l’accueil des pèlerins qui étaient devenus trop nombreux pour l’église.
En 1573, il peint un autre de ses plus célèbres tableaux, La Cène qui doit remplacer celle du Titien détruite en 1571 dans l’incendie du réfectoire de la Basilique des Saints Jean et Paul.
Ce tableau lui attirera des ennuis avec le Tribunal du Saint-Office (Inquisition) qu’il juge trop moderne dans son interprétation avec l’introduction de personnages ostensiblement trop contemporains. Il se contentera de changer le nom du tableau pour lui donner un autre sens qui lui permette cette liberté et l’appellera Le Repas Chez Lévi, Lévi remplaçant ainsi le Christ. Lévi n’est pas le Lévi de l’A.T. mais le Lévi disciple de Jésus qui est collecteur d’impôts. Pour manifester sa joie d’avoir été choisi par Jésus, il organise un repas (Marc 2,13-17).
La toile fait 5,50x 13,10 m. Le tableau ne choque pas tant par le fait que le repas ne se passe pas dans une auberge palestinienne mais dans une grande villa telle que Palladio les construisait à cette époque, non pas tant que le Christ-Lévi soit entourés de riches et non de pauvres mais par la présence « des buveurs, des nains, des noirs chargés de plats et d'aiguières, des hallebardiers évoquant des protestants allemands, des turcs enrubannés, des animaux (notamment le perroquet qui remplace la colombe de l'Esprit Saint ?) et même un serviteur qui saigne du nez (symbole ?). » (François Coulaud, http://francoiscoulaud.over-blog. com/2017 /11/veronese-le-repas-chez-levi-1573.html)
Après la mort du Titien en 1574, il domine avec Le Tintoret la peinture vénitienne.
En 1577, après son incendie, un concours est ouvert pour la restauration de la salle du Maggior Consiglio (Grand Conseil) dont le plafond s’est effondré. Le Tintoret remporte le concours pour remplacer la fresque de Guariento de 1365, le Couronnement de la Vierge entourée des Hiérarchies, dit Le Paradis, peinte sur le mur à l’arrière du trône princier (le doge est prince sérénissime) à remplacer.
En 1585, Véronèse décore, lui, d’une composition ovale, le Triomphe de Venise, un compartiment du plafond de la salle du Maggior Consiglio du palais princier, qui mesure 53x29m. De la même année, date La Vénus au Miroir. Il meurt en 1588 d’une pneumonie. Parmi ses dernières œuvres, on peut noter Leda et le Cygne de 1585, L’Assomption de la Vierge de 1586, Suzanne et les Vieillards de 1588.
« Il est bien étrange qu'aucun des critiques qui rendirent compte de l'art vénitien au milieu du xvie siècle (Aretino, Pino, Doni, Biondo, Dolce) ne se soit intéressé à Véronèse. Celui-ci, en fait, ne fut « découvert » que par Francesco Sansovino, qui parle de lui dans son Guide de 1556. Peut-être paraissait-il trop extérieur à la sphère culturelle de la peinture vénitienne et faisait-il figure d'étranger sans grande importance. » (Encyclopædia Universalis)
Le peintre a signé régulièrement avec des noms différents. Paolo Spezapedra, le surnom paternel, Paolo di Gabriele, Paolo Caliaro et Paolo da Verona que l’histoire retiendra. Son frère Benedetto et son fils Carlo Caliari qui sera un peintre d’une certaine renommée, achèvent certaine de ses œuvres qu’ils signent du nom de Haeredes Pauli (les héritiers de Paul).
S’il revient de son voyage à Rome encouragé dans son goût de la monumentalité, s’il retient de Michel-Ange comme du Mantegna de Mantoue, « la robustesse, des formes », au Parmesan et au Corrège, il empreinte un monde raffiné,
« évoqué [dans La Mise au Tombeau] par le jeu élégant des plis des vêtements, par la luminosité des couleurs et par des détails d’une grande finesse tels que, à droite de la Madone, le raccourci de la tête féminine, aux jeux fuyants et au visage ovale, dessiné presque avec la pointe du pinceau». (La Mise au tombeau du Christ,1549) (https://www.aparences.net/ecoles/la-peinture-venitienne/ paolo-veronese/)
« Il est un des meilleurs coloristes de tous les temps. Véronèse semble disposer du génie d'associer avec le plus grand naturel les coloris faisant naître l'émotion. Il poétise le réel par la couleur. Ses personnages mythologiques sont bien des êtres humains représentés avec réalisme, mais ils évoluent dans un univers chromatique hors du commun » (Venise entre la Justice et la Paix, 1575) ». (Rivages de Bohème/ Véronèse)
« Avec un don de la scénographie qui ne sera jamais égalé que par Tiepolo, Véronèse organise des compositions abondantes,, pleines de figures et de menus éléments, qui restent toujours ordonnées car il possède au plus haut degré l’art de présenter (La Famille de Darius devant Alexandre, 1565-70). » (Dict. Peint.Ital)
Véronèse a peint généralement sur d’immenses toiles sur lesquelles il excelle aussi bien à peindre des sujets allégoriques, des représentations bibliques ou historiques aux couleurs splendides qui s’inscrivent dans le cadre d’une architecture classique de la Renaissance que, maitre du trompe-l’œil, d’illusoires compositions qui portent l'œil hors des limites réelles de la scène.
Bergame à la limite de la Lombardie et Brescia à la limite de la Vénétie auront à pâtir au XVIème siècle de la guerre quasi continue que se livrent le Duché de Milan des Visconti et de leurs successeurs, les Sforza, et la République de Venise. Brescia à laquelle tient Venise comme à la prunelle de ses yeux et qui n’intègrera la Lombardie qu’en 1797, ne sera sauvée du siège des Milanais que par une incroyable expédition : Le transport sur glissoirs, tirés par 300 couples de bœufs, de six navires de l’Adige qui borde Venise jusqu’au Lac de Garde par-delà la montagne qui les sépare ; des centaines d’hommes étant chargés de préparer le terrain sur plusieurs dizaines de kilomètres.
Ainsi Brescia pourra être approvisionnée et continuer à résister[16]. Mais en 1512, les troupes françaises de Louis XII mettront la ville à sac. Au matin du 19 février 1512, sous une pluie battante, les troupes de Louis XII commandées par le Comte Gaston de Foix s’empare de la ville. Cet épisode de la Guerre de La Ligue de Cambrai est connu sous le nom du « Beaucoup de Brescia ». Cette guerre dura de 1508 à 1616. La ligue réunissait contre la République de Venise dont les territoires, la puissance, maritime, la richesse ne cessaient de s’accroître, la France et le pape et les États Pontificaux auxquels s’adjoignirent quasiment toutes les autres puissance européennes, Espagne St Empire, Angleterre, duchés de Milan de Ferrare, Florence… La Sérénissime ne ressorti de ce conflit que plus renforcée. (Vol1/Événements Majeurs/Quatrième Guerre d’Italie)
Par contre, au plan artistique, ces deux villes sauront profiter d’être au contact de deux courants, celui des Lombards et celui des Vénitiens, et créer un style propre que l’on appelle la Renaissance Bergamasque et Bressane.
Si à Milan, Vinci a laissé pendant ses dix neufs années de travail, de 1482 à 1499, une empreinte indélébile, un siècle plus tard Le Titien (1488-1576) marquera de même l’École Vénitienne. Si en architecture, Giovanni Antonio Amadeo (1470-1476) réalise à Bergame un de ses chefs-d’œuvre dans la construction de la chapelle que lui commande le condottière Bartoloméo Colleoni, et travaille à une trentaine de kilomètres au nord de Milan comme sculpteur à la Chartreuse de Pavie où il est né et ou les Solari le formèrent, un siècle plus tard, Palladio exprimera tout son génie dans les villas vénitiennes.
L’arrivée du peintre vénitien Lorenzo Lotto à Bergame fait date dans l’apparition de cette Renaissance dans ces deux villes de la plaine du Pô. Milan et Bergame, Pavie et Brescia sont au bord du Pô, tandis Venise en est à l’embouchure.
Lorenzo Lotto (1480-1556), né à Venise, mort 20 ans avant Le Titien, formé par Giovanni Bellini (†1516), séjourne à Rome entre 1506 et 1511. Il fait partie du groupe de peintres du Pérugin qui travaille aux ‘stanze’ du Vatican (salles de travail et de réunion de Jules II), avant que cette décoration ne soit entièrement confiée à Raphaël qu’il s’empressera d’imiter sans grande réussite dans sa Transfiguration de Recanati et La déposition de Iesi (1511) commandés par les dominicains de Recanati (Les Marches) pour lesquels il avait déjà réalisé une première grande œuvre, Le Polyptique de Recanati en 1508. A Rome, il a certainement rencontré Michel-Ange, qui travaillait à la Sixtine, et Beccafumi (1484-1551 voir Maniérisme Florence).
Après un bref retour à Venise, Lotto va s’installer à Bergame où, loin de l’influence romaine, il va tenter en un art provincial (Wikipédia) la synthèse entre la nouvelle peinture d’un Giovanni Bellini (†1516), d’un Giorgione (†1510), et la tradition milanaise d’un Vinci que prolonge, Gaudenzio Ferrari (1471-1546) et Il Sodoma (1477-1549). On sent dans sa peinture également une influence du Corrège (†1534 voir Émilie) et l’attention qu’il a porté aux gravures de Hans Holbein (†1543).
Il fournit différentes églises de la ville dont sa Vierge avec Quatre Saints pour San Spirito (1521) et Le Mariage de La Vierge (1523), « une composition exceptionnelle , soignée, sensible et un peu étrange » (Dict. Peint.Ital.). Deux autres tableaux importants de cette période : Suzanne et les Vieillards de 1517 et l’Adieu du Christ à sa Mère de 1521.
En 1525, il revient à Venise où règne Le Titien. Il n’y trouve pas sa place, attaché qu’il reste « aux tons froids, aux ordonnances un peu lourdes de la vielle génération qui trahissent une prédilection pour les compositions brouillées et bizarres propres au goût germanique » (Op. Cit.).
En 1534, il revient dans les Marches où il peint « une très complexe et joyeuse » (Wikipédia) Vierge au Rosaire pour les dominicains de Cingoli. En 1539, il est de retour à Venise où il donne notamment un Saint Antoine dans l’Ombre et son dernier retable la Madone et les Saints pour l’église San Giacomo dell’Orio, en 1546. En 1549, il retourne définitivement dans Les Marches : Une assomption à Ancône, et sa dernière œuvre La Présentation au Temple à Lorette
« L’inquiétude, le non conformisme et l’instabilité semblent avoir été les traits les plus remarquables d’un peintre qui fut, par là-même, voué à être un des grands portraitistes de la Renaissance ». (Dictionnaire de la Peinture Italienne, Édit Fernand Hazan 1964)
« Le chemin parcouru à Bergame est peut-être le plus riche d’idées et de solutions […] il ne fait aucun doute que son arrivée en Lombardie signifie un contact direct avec l’art de Léonard et de ses suiveurs, mais une nette influence n’est reconnaissable que dans un nombre restreint d’œuvres […]. Avec le groupe des bressans, Moretto, Il Romanino, Giovanni Gerolamo Savoldo, il partage l’appartenance à une aire vénéto-lombarde .» (Stefano Zuffi, Lotto, Elemonde Arte Milan 1922)
La Renaissance en peinture s’étale à Bergame sur deux générations, celle Floriano Ferramola, de Vincenzo Civerchio, et de Paolo da Caylina le Jeune, et celle de Romanino, Moretto et Salvado. Ils sont précédés de Vincenzo Foppa.
Vincenzo Foppa (1429-1519), né non loin de Brescia, aura été le premier peintre à travailler aussi bien à Brescia que dans le Duché de Milan avec un certain renom. Ses premières œuvres dénotent l’influence de Giovanni Bellini (1516). En 1468, il s’établit définitivement à Pavie
« Cette année-là, il peint les fresques de la chapelle Portinari[17] à Sant'Eustorgio de Milan, œuvre capitale pour l'évolution de la peinture milanaise. Des voyages répétés à Gênes, qui le mettent en contact avec la peinture franco-provençale et flamande ».
Sa peinture atteindra à sa pleine maturité en s’inspirant de la production de Léonard de Vinci qui habite Milan, et des conseils de Bramante qui fait plusieurs séjours à Pavie et qui l’oriente vers plus de rigueur dans la disposition spatiale de ses compositions.
« L'œuvre de Foppa domine la peinture lombarde du Quattrocento et définit le luminisme particulier qui sera celui de Moretto et de Savoldo ». (Encyclopédie Universalis)
Vincenzo Civerchio (1468/1470-1544), originaire de la région de Crémone (plaine du Pô), a essentiellement produit à Brescia.
« Le Polyptyque de San Nicola da Tolentino pour l'église de San Barnaba, une des premières œuvres du peintre, signée et datée de 1495, œuvre de grande valeur dans laquelle Civerchio révèle une vaste culture composite inspirée par Ambrogio Borgognone [ Le Bourguignon, voir Classicisme Lombard/ Sodoma] et Bernardino Butinone, liée à une technique picturale efficace et à un réalisme expressif des personnages ». (B. Passamani, op.cit.)
Floriano Ferramola (1478-1528), né et mort à Brescia, est mentionné pour la première fois en 1503. Une Nativité de 1508 est sa première œuvre connue. De 1512 date son portrait de Gaston de Foix (†1512)[18]. Auteurs de plusieurs scènes religieuses pour les églises de Brescia, il est également connu pour le cycle de fresques du Palazzo Calini à Brescia, aujourd’hui dispersé entre la Pinacothèque de Brescia, l’Albert Hall et la National Gallery
« C'est l'art de Ferramola qui a attiré de nombreux mécènes civils et religieux de Brescia au début du XVIe siècle : ses célèbres Histoires de saints ont rencontré un grand succès dans divers monastères de la ville et du territoire… La sérénité narrative dont Ferramola devint un maître, ainsi que sa langue cursive, ses dosages chromatiques, la délicatesse de ses représentations de la nature, des paysages, de l'environnement et des costumes, ont eu une influence importante sur Moretto qui atteint sa maturité artistique précisément au moment où Ferramola produit ses œuvres les plus importantes (1520-30) » (Bruno Passamani,, Guida della Pinacoteca Tosio-Martinengo di Brescia, Brescia, Grafo, 1988, cité par Wikipédia)
Paolo da Caylina Le Jeune (ca. 1485-1545), est né et mort à Brescia où il va se consacrer à une production dans la veine de Civerchio et Ferramola, qui laisse aussi transparaître l’influence de Moretto et de Romanino dans ses « schémas de composition et les attitudes expressives ».
« Dans le Nativité et de l'Adoration des mages dans le Polyptyque de la Madonna della Misericordia de l'église Sant'Agata (vers 1520), les formes typiquement du XVe siècle se combinent avec une large et profonde spatialité, une douceur des mélanges et une richesse chromatique aux tons chauds et lumineux empruntés aux premières productions de Romanino et Moretto, ainsi que de nouvelles influences vénitiennes apportées à l'art local par ces artistes ». (Livia Vannini, Visita alla chiesa in Sant'Agata - La chiesa e la comunità, Brescia, Éditrice Vannini, 1989, cité par Wikipédia)
En 1516-17, après le saccage de la ville, Venise décide d’établir un no mans’land de 1 km autour de la ville. Monastères et églises sont rasés. Mais la Sérénissime finance des travaux de reconstruction au sein de la commune. « A partir de 1520, un groupe de peintres presque du même âge s'affirme, qui fusionnent les racines culturelles lombardes et vénitiennes, obtiennent des résultats d'une grande originalité artistique ». (Pierluigi De Vecchi et Elda Cerchiari, I tempi dell'arte, vol. 2, Milan, Bompiani, 1999). En 1522, arrive à Brescia pour la collégiale des Saints Nazaire et Celse, le Polyptique Averoldi du Titien, en cinq panneaux, du nom du commanditaire, évêque et d’une des plus nobles familles de la ville.
Girolamo di Romano dit Romanino (1484/87-1566) est né à Brescia et y est mort à presque cent ans ; mais sa famille est originaire de la région de Bergame à Romano di Lombardia. Formé d’abord dans sa ville natale, il poursuit sa formation à Venise où il s’intéresse particulièrement au travail de Giorgione sur la lumière et découvre les gravures de Dürer.
Dans les années 1510, de retour à Brescia, c’est vers un souci de perspective ‘à la Bramante’ qu’il se tourne. Mais à Padoue où il se rend en 1511 pour une Scène et un retable pour le monastère de Ste Justine, il découvre les fresques de la Scuola di Sant’Antonio que le Titien est en train de réaliser.
En 1516, il se revient dans Brescia libérée et entre 1516 et 17 travaille à fresque au dôme de Crémone. En 1521, il commence avec Moretto, son cadet de 14 ans, le décor de la Chapelle du Saint-Sacrement de Saint-Jean-Évangéliste à Brescia.
En 1532, il travaille au décor du Château de Bon Conseil à Trente (Haut Adige) où se tiendra quelques années plus tard le concile de la Contre-Réforme.
Au début des années 50, il va prendre pour collaborateur son futur gendre, le peintre maniériste bressan, Lattanzio Gambara (1530-
1574) avec qui il travaillera au décor de différents palais.
« Romanino conserve le goût d’un coloris subtil qui affectionne les gammes argentées et rosées, mais des accents inattendus qui évoquent Lotto et le modèle germanique se mêlent à l’esprit vénitien. Une sorte d’inquiétude romantique habite souvent ses portraits et vint animer d’un pathétique véritable ses scènes religieuses. Les grades décoration offrent aussi bien des épisodes dramatiques poussés jusqu’ l’expressionisme que les évocations le plus sensuelles… Des trouvailles hardies comme l’éclairage à la chandelle du ST Matthieu avec l’Ange (Chapelle du ST Sacrement, Crémone) qui semblent directement conduire au Caravage ramène aujourd’hui l’attention sur un peintre dont les dernières œuvres, plus ternes avaient sous-estimer le tempérament et l’invention ». (Dictionnaire de la Peinture Italienne, Édit Hazan 1964)
Giovanni Gerolamo Savoldo (1480- après 1548), né à Brescia, meurt probablement à Venise où il passera une grande partie de sa vie. Sa documentation est peu fournie. Probablement formé par Foppa, il est inscrit comme peintre à Florence en 1508. Il est à Venise en 1520 et y restera au moins jusqu’en 1548. Il séjournera par deux fois à Milan entre 1529 et 1533 sous la protection du Duc Francesco Sforza. Il sera en relation avec les peintres du Nord par son mariage avec une Néerlandaise comme le montre son grand retable de la Vierge en gloire avec des saints (Brera, quartier historique de Milan).
Il reste peu de ses œuvres et encore moins de datées et signées. Sa production lente est également réduite dans ses formats. Ses préoccupations rejoignent celles de Giorgione. Le possible portrait qu’il aurait fait de Gaston de Foix (Louvre) qui se reflète dans un miroir, « illustre le fameux ‘Paragone’ (parallèle) entre peinture et sculpture cher aux artistes du temps. » (Dict. Peint. Italienne).
« Il s'engage très tôt sur une voie fort originale de recherches luministes, utilisant, pour ses effets argentés soigneusement étudiés, une palette sobre, aux tons froids, qui n'a plus rien de commun avec les Vénitiens. (Ency. Larousse).
« Sa Madeleine au Tombeau est une étude sur « les reflets d’une draperie argentée dans une lumière claire… L’Adoration des Bergers cherche un savant effet de nocturne en encadrant dans l’embrasure d’une fenêtre un berger éclairé par la lune. » ». ((Dict. Peint. Italienne).
« Sensible au langage lombardo-vénitien de Lotto qui est celui dont il se rapproche le plus, il l’a aussi été à celui de Dürer graveur…ses multiples Adorations des bergers trouveront un prolongement direct chez Caravage et ses disciples du Nord. (Encyclo. Larousse)
Alessandro Bonvicino dit Il Moretto (1498-1554), né et mort à Brescia, forme avec Romanino et Savoldo le seconde génération de l’École de Brescia. Son œuvre dénote une influence marquée de Giorgione et du luminisme vénitien en général. Il est l’auteur de portrait autant que scènes religieuses.
« Toute sa carrière se déroule dans sa ville natale, dont il reflète dans son art la position ambiguë, à mi-chemin entre la tradition lombarde de Foppa et le climat vénitien créé par Giorgione et le jeune Titien. Ses premières œuvres évoquent toujours l'atmosphère lombarde et sont baignées d'une lumière poétique empruntée à Foppa et du sans plastique de Femarrola… Une monotonie certaine marque son œuvre. À ses grands retables, avec leur composition classique à deux étages, leurs fonds répétés de paysage et d'architecture, leurs types souvent repris, on a préféré les admirables portraits où l'artiste joue habilement des effets chatoyants des tissus et où il confère à ses nobles figures une expression de contemplation paisible ». (Dictionnaire de La Peinture, Édit Larousse)
Il aura été l’ami de son aîné Romanino avec lequel il décorera la chapelle du Sacrement à S. Giovanni Evangelista (achevée en 1524), « exemple exceptionnel de la production picturale bressane …. Romanino avait transmis à Moretto son goût pour un coloris savoureux ; inversement, Moretto lui avait donné l'exemple de la stabilité des formes» (Dict. Peinture).
Il sera le maitre du portraitiste G. B. Moroni. Certains de ses peintures comme le Repas chez Simon de l'église S. Maria Calchera ou la Chute de Simon Mage de l'église S. Cristo annoncent le Caravagisme.
Polydoro Carravaggio (1495-1543), né à Caravaggio près de Bergame, sera l’assistant de Raphaël à Rome avant d'aller travailler à Naples et à Messine où il mourra assassiné. André Félibien, architecte et historien (1619-1695) le considère comme à l’origine du Chiorusco (clair-obscur). (Voir Peinture à Rome/ Le Maniérisme).
Bologne, capitale de l’Émilie-Romagne, a vu s’ouvrir dans son université, considérée comme la plus ancienne d’Europe, de nouvelles chaires notamment de rhétorique et de grec. Au cours du XVIème siècle, sont nés à Bologne ou ses environs, les architectes Serlio et Le Vignole qui en 1568 achèvera par sa façade le Palazzo dei Banchi ; le peintre Niccolo dell’Abate qui réalisera son œuvre maitresse au Palais Poggi. Michel-Ange y séjournera. Tribolo viendra sculpter les reliefs de la Basilique San Petronio. Mais le nom qui restera attaché à la Haute Renaissance bolognaise sera celui des Carracci, les frères Annibal et Augustin fondant avec leur cousin Ludovico, une académie de dessin et peinture, l’Accademia degl'incamminati (les acheminés) en 1585. Ils travailleront au décor de différents palais avant de partir pour Rome en 1595 (voir Maniérisme Romain).
Au Quattrocento, la famille d’Este d’une ancienne noblesse qui remonte au XIème siècle, gouverne le duché de Ferrare et fait de sa cour une des plus brillantes de la Première Renaissance. Au XVème et XVIème siècle, les ducs en seront Lionel (1441-1450), Borso (1413-1452-1471), Hercule 1er (1431-1471-1505), Alphonse 1er (1476-1505-1534), Hercule II (1508-1534-1559), Alphonse II (1533- 1559-1597) et dernier duc de Ferrare, César (1562-1628). En 1598, la famille quitte définitivement Ferrare et se retire sur le Duché de Modène. Alphonse II n’ayant pas d’héritiers le pape Clément VIII a trouvé là une raison suffisante pour intégrer le duché dans les États Pontificaux.
En 1545, Alexandre Farnèse (1468-1549), élu pape sous le nom de pape Paul III en 1534, décide la création du Duché de Parme-Plaisance et fait de son fils, Pier Luigi (1503-1547) le premier Grand-Duc. Piero Luigi Farnèse 1er a cinq fils dont Ottavio, 2ème duc après l’assassinat de son père ; Alexandre dit le Grand Cardinal (1520-1589) ; et Ranuccio dit le Petit Cardinal (1530-1565). Ottavio a deux fils, Alexandre (1545-1592)[19]qui, petit-fils de Charles-Quint par sa mère Marguerite d’Autriche et 3ème duc, sera un des plus grands condottières de la Renaissance. Il a un fils, Ranuccio 1er 1(569-1622), 4ème duc de Parme, et Édouardo (1573-1626) pour qui les Carrache décoreront la Galerie du Palais Farnèse. Les Farnèse resteront au pouvoir jusqu’en 1731, date à laquelle les Bourbon-Parme feront du duché Parme-Plaisance un fief de l’Espagne. Le duché verra naître deux des grands peintres de la Haute Renaissance, Le Corrège et Le Parmesan.
Au siècle suivant l’Émilie donnera deux grands peintres à l’histoire artistique de l’Europe, Le Dominiquin et Le Guerchin.
A l’origine le fief impérial de Modène-Reggio était un marquisat, c’est-à-dire qu’il avait de par situation géographique un rôle défensif contre les territoires voisins. Il acquiert son autonomie au XIIème siècle, mais tombera plusieurs fois sous la domination de Este de Ferrare, jusqu’à ce que l’empereur Frédéric III concède en 1452 à Borso d’Este le titre de (premier) Duc de Modène. En 1598, faute de descendants, la famille se retire sus ses terres de Modène, le pape Clément VIII ayant rattaché le duché aux États Pontificaux.
Ancienne ville étrusque, Modène est connue pour sa célèbre cathédrale romane, construite au XIIème siècle et achevée au siècle suivant, pour son campanile, la Torre Ghirlandina qui, mélange les styles roman et gothique, est classé au patrimoine mondial de L’UNESCO ; et pour être la patrie du vinaigre balsamique (vinaigre et moult de raisin cuit).
Antonio Allegri da Correggio dit Il Correggio (Le Corrège, 1489/81/94 -1534) est né à Corregio, petit bourg près de Parme. L’on sait peu de chose de sa vie que retracent surtout ses œuvres. Après une première formation par son oncle Lorenzo Allegri, et par Antonio Bartolotti, chef de la petite école de sa ville natale, il est envoyé faire des études de médecine à Modène, où il apprend notamment l’anatomie.
En 1511, il est à Mantoue où l’on y trouve une Mise au Tombeau, œuvre de jeunesse. C’est dans cette ville qu’il fait sa première découverte de la ‘’grande’’ peinture face aux œuvres de Mantegna, notamment la Chambre des Époux (1465-74) au palais ducal, mais aussi de ses successeurs Cosme Tura, Francesco del Cossa, Ercole de’ Roberti (voir Quattrocento/Peinture/ Émilie)
Dans les années 1514-17, il peint des Vierges à mi-corps mais aussi la Madone d’Albina, malheureusement perdue. Il est fort probablement à Rome entre 1517 et 19 où il peut admirer le grand décor de Raphaël à la Villa Farnesina ; ce qui l’encouragera à de plus grandes réalisations. Raphaël dont il avait déjà vu la Madone Sixtine à Plaisance (voir Raphaël).
De retour à Parme, en 1518/19, il reçoit pour commande le décor à fresque du couvent Saint Paul. Il peint dans ce même couvent ce que l’on appelle La Chambre de l’Abbesse. Giovanna de la puissante famille des Bergonzi de Parme, nommée abbesse en 1507 avait repris le couvent en main. Voulant « affirmer son rôle culturel et spirituel », elle fit réaménager son appartement. Elle confia au peintre de renom Alessandro Araldi, le décor de ses deux chambres, mais pour son studiolo, son cabinet d’études, elle choisit Le Corrège qui réalisa là un de ses chefs-d’œuvre.
« Désireux d’étendre l’espace clos de la pièce (comme il le fera à la même époque pour la coupole de St Jean à Parme) et de la rendre un lieu de plaisance, un hortus conclusus [jardin clos] pour la seule Abbesse et ses pensées philosophiques et culturelles, il peignit un berceau soutenu par un treillis qui cache les nervures gothiques du plafond de la salle, il l’entrelaça par de riches rubans rosés aux nuances pêche, d’où pendent des corbeilles de fruits frais. Dans le feuillage touffu, des ovés s’ouvrent où l’on peut entrevoir des putti qui se préparent ou qui reviennent de la chasse : en provoquant une joyeuse sarabande, ils se penchent vers la cheminée en bas, sur laquelle Diane conduit son char en vitesse, déesse de la chasse, mais aussi symbole de chasteté. Son diadème au croissant de lune, retenu par une perle, nous laisse comprendre qu’il s’agit d’une allégorie de l’Abbesse Giovanna.[20] »
« Corrège a déjà là ce dessin varié, vivant, cette science du modelé, ces raccourcis, qui distinguent ses œuvres. Il est maitre de ce pinceau facile, empâté, moelleux, léger et gras, qui rend la transparence de l'épiderme et la morbidesse des chairs, surtout chez les femmes et les enfants ». (http://arts.mythologica.fr /artist-c/correge.htm)
Ce décor révèle là une sensualité chez le peintre qui va aller s’affirmant même dans les scènes religieuses. Jupiter et Io et Léda et le Cygne, tous deux de 1531-32 manifesteront hautement cette sensibilité.
Définitivement fixé à parme, il se marie en 1520. Ce premier mariage coïncide avec une rupture d’avec l’influence de Mantegna ; le dessin s’assouplit et les tons s’adoucissent.
Entre 1520 et 24, il décore la coupole de l’église San Giovanni Evangelista d’une Vision de Saint Jean à Patmos. La sensualité profane prend le pas sur le thème religieux. C’est une célébration du corps humain dans un décor lumineux de nuages, de draperies. Travail qu’il exécutera seul pendant cinq ans.
En 1524-30, L’Assomption à la coupole de la cathédrale est de la même veine. Il anticipe déjà sur les grands plafonds baroques à ciels ouverts ; plus d’architecture, des tourbillons d’anges aux raccourcis saisissants.
« Avec l’Assomption de La Vierge, la voûte du duomo s’ouvre dans une orgie de lumière, vers un espace illimité, incommensurable[21]. »
Le Mariage Mystique de Sainte Catherine [d’Alexandrie] date de 1526-27. Peint pour son ami le docteur Grillenzoni de Modène, ce tableau tiendra une place majeure dans la collection du cardinal Barbieri puis dans celle de Mazarin. Le Saint Sébastien ‘’rajouté ‘’ serait soit le portrait du commanditaire, soit celui du peintre. De la même période date le Mariage Mystique de son élève Il Parmigianino, très inspiré de la Vierge d’Aldobrandini peinte en 1510 à Florence par Raphaël et restée inachevée. Il ‘’rajoute ‘’lui St Joseph.
Il meurt en pleine maturité à 45 ans dans sa ville natale.
« Corrège évolue vers ce que certains historiens appellent le protomaniérisme ou le protobaroque [par une inflexion donnée à sa peinture]. En quoi consiste cette inflexion ? Elle comporte deux aspects. D'une part, Corrège emprunte à Vinci l'art du sfumato et du chiaroscuro [avec] des transitions tonales subtiles et une lumière atténuée… D'autre part, le relatif statisme des premières œuvres va laisser place à une animation, à un sens du mouvement qui rappelle parfois Michel-Ange (Fresques de San Giovanni Evangelista 1520-24), puis à un maniérisme (Léda avec le cygne, 1531-32) que l'artiste transmettra à ses élèves, en particulier Francesco Mazzola, dit Le Parmesan… la peinture de Corrège représente un moment unique où couleur et mouvement se fondent avec une élégance singulière et une poésie sans égale » (Rivage de Bohème/Haute Renaissance/Le Corrège).
Francesco Mazzola dit Il Parmigianino (1503-1540), né à Parme, est le fils d’un peintre honorable qui meurt l’année de sa naissance. Il est élevé par ses deux oncles également peintres. Très précoce, il peint dès l’âge de 16 ans un Baptême du Christ. Et il décore à fresque l’église de Saint Jean l’Évangéliste de Parme où l’on sent l’influence du peintre de l’École Siennoise, né en Toscane, Michelangelo Anselmi di Cardano dont la famille est originaire de Parme où il s’installe définitivement en 1515 et où, ancien élève de Beccafumi et de Il Sodoma, maniériste avant l’heure, il va collaborer avec Le Corrège. Au travers de ce peintre, Il Parmigiano découvre l’illuminisme, le lyrisme chromatique, les radiations de la lumière et l’étirement des figures du Beccafumi (1486-1551) de la voûte du palais Bindi-Sergardi et de la pinacothèque de Sienne.
En 1523, rivalisant avec le décor de la Camera de San Paolo du Corrège (La Chambre de l’Abbesse, 1518), il décore dans la forteresse de la famille Sanvitale à Fontanellato (région de Parme), le cabinet de toilettes de Paola Gonzaga, Comtesse de Fontanellato[22], l’épouse de son commanditaire, Galeazzo Sanvitale. Diane et Actéon révèle tout son sens de l’élégance et du raffinement.
En 1524, il se rend à Rome et travaille pour un peintre tout en étudiant les œuvres de Michel-Ange et Raphaël. Il y rencontre le maniériste Le Rosso (1494-1540) mais aussi Sebastiano del Piombo. A cette époque Michel-Ange est à Florence où il travaille à la Nouvelle Sacristie (Sagrestia Nuova) des Médicis. De cette période romaine, on lui doit notamment sa Vision de Saint Jérôme (343x149cm) que son oncle, également à Rome, arrivera à cacher pendant le sac de la ville en 1527. Il fuit Rome pour Bologne. Il a déjà acquis une grande réputation. Il va y travailler de manière intensive jusqu’en 1530/31. Il peint notamment Saint Roch (Basilique San Petronio), La Madone avec Sainte Marguerite, la Vision de Saint Zacharie et la Madone de la Rose, des tableaux tout de délicatesse, d’atmosphère charmante, manifesstant des recherches dans la composition.
Ses contemporain ont dit qu’ils retrouvaient en Le Parmesan la grâce de Raphaël comme d’autres ont pu dire qu’il était un Michel-Ange féminin… De cette période, on lui doit nombre de portraits. Ses modèles sont emprunts de nostalgie, d’une certaine irréalité, représentatifs du style maniériste comme ses gravures qui furent admirées de Rome à Venise et qui servirent d’exemples aux peintres maniéristes de la seconde moitié du siècle. Son autoportrait de 1524 qui fit l’admiration de tous, dans lequel il se peint comme vu dans un miroir convexe, avec sa main droite au premier plan épousant la forme du miroir, est demeuré célèbre.
De retour à Parme en 1530/31, il continue de faire preuve d’une imagination qui a dès le début caractérisé son travail, comme son habileté dans le dessin aussi bien que dans la composition, mariant la grâce d’un Raphaël à la couleur d’un Sebastiano del Piombo et à la sensualité de son maître, Le Corrège. Il va dans le sens de toujours plus de changement de rythmes et d’attitudes sinueuses.
Il peint une de ses œuvres les plus connues, La Madone au Long Cou pour Elena Baiardi dans la chapelle de l’église Santa Maria de' Servi. De son vrai titre La Vierge à L’Enfant et aux Anges (huile sur bois, 216 x 132 cm) est commencée en 1534 et restera inachevée à sa mort, six ans plus tard. Plus que jamais Le Parmesan étire ses figures et donne à ses personnages des proportions irréelles. Disproportions et allongements : la Vierge a plus de vertèbres qu’il ne faudrait, les mains, le cou sont étirés, le corps de l’enfant est comme disloqué. Déplacement de la composition : la scène est décentrée, les personnages sont groupés sur la gauche et coupés tandis que la partie droite est quasiment vide. Les vêtements ne sont que plis et sinuosités tout en dégradés de couleurs froides. Loin de créer une gêne à l’œil, ces dysmorphies créent une atmosphère vibrante de sensibilité retenue.
En 1531, Le Parmesan commence à travailler aux fresques de la grande voûte et de l’abside de l’église de la Steccata. Mais très minutieux, d’un travail très lent, soucieux des détails, il va perdre du retard. Malgré tous les délais qu’on lui a accordés, il n’avait toujours pas fini en 1339. Et faute de pouvoir rendre l’argent avancé ni les feuilles d’or prévues dans le décor, ses commanditaires le traine en justice. Il est jugé et mis un temps en prison. A sa sortie, il est forcé de quitter Parme. Il se réfugie à Casalmaggiore près de Crémone où il meurt à l’âge de 37 ans comme Raphaël. Il aura influencé nombres d’artistes dont Niccolo dell'Abate qui fera connaître sa manière à Fontainebleau.
Niccolò dell'Abate (1509-1571), d’une famille de peintres modénois, suit une première formation auprès de peintres locaux. En 1540, il est au service du comte Giulio Boiardo à Scandiano, non loin de Modène. Il réalise dans la rocca (forteresse) le décor du Cabinet de l’Énéide, fresques plusieurs fois déplacées. Dans la région de Modène toujours, il décore dans les années 40, la rocca de Sarogna et celle de Sassuolo avec des Scènes de l'Orlando Furioso (poème de l’Arioste †1533).
En 1547, il est à Bologne, capitale de l’Émilie, où il exécute ses chef-d ‘œuvres au Palais Poggi : l'Histoire de Camille et Les Salles des Paysages et des Concerts. Il fera connaître sa manière à l’École de Fontainebleau.
Il se rend en effet à la Fontainebleau en 1552 à la cour d’Henri II où il décore notamment La Salle de Bal et La Galerie d’Ulysse sous la direction du Primatice, arrivé à la cour 20 ans plus tôt. Il meurt à Fontainebleau après avoir par son originalité, son sens du décor profondément marqué l’École de Fontainebleau. Influencé par Corrège (†1534) et surtout par le Parmesan (†1540), au point que certaines des œuvres de son aîné peuvent lui être attribuées, il influencera à son tour les artistes de son entourage et particulièrement Pierre Caron (voir Renaissance Française/ Peinture). Et l’esprit de son œuvre à la fois sensible et naturelle se prolongea par son fils Giulio Camillo qui, né à Modène, aura suivi son père à Fontainebleau et reprit son atelier et la totalité de ses charges. Il est nommé surintendant des Peintures en 1571. Il meurt à Fontainebleau en 1582.
Dans le tournant de la moitié du XVIème siècle, les académies font faire florès qui auront pour mission de définir des axes de recherches de la création mais aussi pour certaines d’édicter des règles, sans doute afin de canaliser l’imagination par trop débordante des maniéristes, en tout cas bien souvent en accord avec les préceptes de clarté et de lisibilité, de simplification édictés par la Contre-Réforme. Académies qui touchent aux arts, à la musique, aussi bien qu’à la pensée.
Des académies littéraires furent fondées à Padoue l’Accademia degli Infiammati (des Brûlants 1545-1550), et à Florence L'Accademia fiorentina d’abord Accademia degli Umidi (des Humides), qui fondée dès 1540 sous Cosme 1er se perpétuera sur une trentaine d’années . Académies dans lesquelles les rivalités entre langues vénitienne et toscane animaient les débats ; L’Académie de Poésie et de Musique de Paris fondée en 1571 par Antoine du Baïf.
Des académies de musique la Camerata Fiorentina (ou Camerate di Bardi) à Florence en 1575, puis la Camerata de Jacoppo Corsi .
Des académies de peinture et dessin furent fondées, telle L'Accademia del disegno par Vasari à Florence en 1562 ; mais celle sans doute, celle dont on se souvient le plus est l'Accademia degl'incamminati, l’Académie des acheminés ouverte en 1585 à Bologne par Ludovic Carrache (1555-1619).
Deux peintres seront représentatifs de la conception picturale issue du Concile de Trente dont la devise était : « enseigner, émouvoir convaincre ». Ludovico Carrache donne un exemple de ce que doit susciter la peinture avec sa Flagellation de 1590 dans laquelle un soldat invite le spectateur du doigt à assister au supplice tandis qu’un des exécutants plonge des yeux exorbités sur un Christ en souffrance. Le naturalisme de Caravaggio qui prend pour modèles de ses sujets religieux des gens de son entourage, séduit les partisans de la Contre-Réforme soucieux d’humaniser ce qui touche à la religion. Un des buts de la Contre-Réforme était bien de rapprocher l’Église du peuple. La suppression des jubés en est un exemple significatif(voir Tome 1/ Contre-réforme). Ces préceptes, la Contre-Réforme les étendra à toutes les formes d’expression artistique. En musique, par exemple, les maîtres-mots devenaient clarté du texte et simplicité de l’écriture musicale ; les innovations apparaissant à Venise et Florence, en France et en Angleterre.
« Ces réformes, cette rupture avec le sensualisme de la Renaissance, cette prédominance de la pensée religieuse, ce souci d’instruire et de moraliser les âmes, se substituant au plaisir de les charmer, mirent dans tout cet âge un caractère très particulier, un caractère de gravité, d’autant plus saisissant qu’il contrastait profondément avec ce qui l’avait précédé ». (Marcel Reymond, L’art de la contre-réforme – Ses caractères généraux Revues des deux mondes tome 2, 1911).
Le Concile de Trente (1542-63) souleva nombre de questions concernant le rôle des arts et leur expression, auxquelles il fallait apporter une réponse. L’une d’entre elles est particulièrement significative dans les rapports de l’art et du sacré :
« En 1563, le débat n’est plus de savoir si on accepte ou non la représentation anthropomorphique de la divinité puisque l’Église estime que c’est un fait acquis depuis le concile de Nicée II en 787, même si les réformés ont une position radicalement contraire. En fait, la discussion — surtout entre les jésuites et les autres — porte sur le caractère sacré des images, c’est-à-dire savoir si elles doivent être vénérées pour ce qu’elles représentent (images de Dieu, scènes de la vie du Christ ou de la Vierge, portraits des saints ou figurations de leurs martyres, …) ou si elles doivent être honorées pour elles-mêmes, faire l’objet d’un culte, car elles sont bénites, bien que l’on déclare qu’elles n’ont ni sainteté, ni divinité, ni vertu réelle. De manière expéditive, il est décidé d’en rester à la première opinion, jugée plus claire, qui retient un usage légitime des images conformément à la doctrine de l’Église. » (Le Concile de Trente et l’art, Marie Viallon, Archives ouvertes, 2009, 11 pages. Histoire des Universités).
« La peinture devint l’auxiliaire de la Réforme catholique et l’un des aspects de l’apologétique. Le principal souci de l’Église des XVIème et XVIIème siècles était de défendre ce que le Protestantisme attaquait. L’art devint le défenseur de la Vierge, des saints, de la Papauté, des images, des sacrements, des œuvres et des prières pour les morts ». (La peinture comme véhicule de la pensée de la Réforme catholique. Institut Catholique de la Méditerranée).
Annibal Carricci dit Le Carrache (1560-1609) fait son apprentissage dans sa ville natale de Bologne. En 1585, à Parme, située à une centaine de kilomètre au nord-est de Bologne, il découvre l’œuvre du Corrège (†1534) et celle du Parmesan (†1540). Découverte qui le confirme dans sa tendance maniériste qui était la sienne dans une Bologne tardivement maniériste. Il découvrira ensuite lors de son séjour à Venise de 1585 à 1586, l’École Vénitienne des Giorgione, Titien et autres Tintoret.
Après ces années de formations, son retour à Bologne marque le début de sa première période. Avec son frère Augustino et son cousin Ludovico, Annibal ouvre leur fameuse académie, Accademia degl'incamminati (Académie des Acheminés ou des Progressifs) qui est un lieu de rencontre d’universitaires, de gens du théâtre et bien sûr d’artistes. Ils travaillent au Palais Fava (1584), au Palais Magnani (vers 1590) et au Palais Sampieri (1593-1594). L’œuvre marquante de cette période est son St Roch distribuant l’Aumône. Mais en cette période d’avant Rome, dans une recherche du naturel, du spontané, ses thèmes de prédilection sont scènes de genre, portraits et paysages dans lesquels la représentation du vrai ne l’empêche pas de vouloir « rectifier » la nature dans une recherche de perfection toute classique.
« Les premières œuvres de Carrache représentent en général le quotidien, présenté de manière spectaculaire, vu de près. Il rompt avec les versions anecdotiques et moralisantes de son maître Passerotti pour privilégier le rendu pictural de la réalité, et ce avec des effets de touches, et une absence de stylisation qui donnent une impression de vécu et de spontanéité. Trois grands types de peintures sont alors privilégiés : scènes de genre, portraits et paysages ». (https://www.jesuismort. com/tombe/ annibalecarrache#biographie).
Parmi ces œuvres la Boucherie (1580), Le Mangeur de Fèves (1584), Autoportrait, Portrait d’un jeune Garçon.
En 1595, débute à Rome sa seconde période. Il entre au service du jeune Cardinal Odoardo Farnèse (1573-1626) qu’il avait rencontré à la cour de son frère Ranuccio Farnèse 1er, 4ème duc de Parme (Voir Peinture/Émilie), tous deux fils de Paul III et cousin du Gran Cardinale Alexandre Le Jeune. Le cardinal le charge d’abord du décor du Camerino Farnèse, son cabinet de travail dans son palais, le Palais Farnèse (1517-89, Sangallo Le Jeune> Michel-Ange, actuellement ambassade de France sous bail emphytéotique).
Au plafond, il retrace La Légende d’Hercule.
« Peint sous les traits d’Hercule dans le tableau central, le cardinal doit choisir entre le vice et la vertu. Le plaisir, personnifié par une belle femme, indique un sentier accessible et fleuri mais conduisant à la misère. La vertu avec son glaive, quant à elle, désigne un chemin laborieux qui mène à Pégase, symbole de la famille. » (https://it.ambafrance.org/Camerino-d-Hercule).
Le cardinal lui demande ensuite en 1597 de décorer ce qui va devenir la fameuse Galerie Farnèse ou Galerie Carrache. Ce décor de scènes mythologiques ( au centre du plafond le Triomphe de Bacchus et d'Ariane), encadrées d’Atlantes, d’Hermès et de corniches qui, également peints, donnent l’illusion de stuc en relief, servira de modèle à toute l’Europe dont Versailles. Pour cette immense entreprise, il sera entre autres aidé pour les murs par son frère Agostino et son élève, le jeune Le Dominiquin (1581,1641, voir Tome3/Période Classique), lui-même se consacrant à la voûte.
Dans ses dernières œuvres, il fait montre entre autres dans ses Piéta (1600 et 1606) d’un certain lyrisme ou d’une piété sentimentale, expression d’une religion maniérée, pleine de mignardise (V. Champier La Grande Encyclopédie, 1885-1902). Annibal meurt fou en 1609 après une longue dépression. Reconnu comme un grand maitre de la Renaissance, il influença des générations de peintres ; mais le Romantisme et le Néo-classicisme le dédaigneront.
« Au naturalisme rebelle du Caravage rejetant les formules et l'intellectualisme des maniéristes, le Carrache réplique avec un académisme brillant, nourri des meilleurs éléments de la Haute-Renaissance florentine et vénitienne, où la pureté formelle du dessin de Raphaël, la grâce du Corrège s'unissent avec la riche palette du Titien et de Véronèse » (V. Champier opus cité).
Annibal commence le décor de la galerie en 1597. Il l’achèvera quelque onze ans plus tard en 1608. Il se trouva d’emblée devant un problème, l’étroitesse relative de la galerie pour sa longueur, 20 x7m. Il le résout en peignant de faux éléments. Ainsi, il va mêler en trompe-l’œil les sujets peints et ce qui est censé être de la sculpture : des atlantes peints en grisaille de marbre, des médaillons imitant le bronze, de vrais-faux tableaux appelés tableaux rapportés ; et ce qui est censé être de l’architecture. Pour la voûte, les thèmes sont ceux de la mythologie tirés des Métamorphoses du poète Ovide (43-18). Dans Le vite de' pittori, scultori et architetti moderni (1672), le peintre Bellori a vu ses amours de dieux dans une approche moralisatrice, le triomphe de l’amour céleste sur l’amour terrestre, Antéros (anté-eros) triomphant de son frère Eros, le triomphe de l’amour partagé vainqueur de l’amour charnel et égoïste. Selon certains historiens, et leur interprétation est aussi contestée, il s’agirait d’une louange à l’amour à l’occasion du mariage en 1599 du duc Ranuccio Farnèse, frère du cardinal, et de Marguerite Aldobrandini, nièce du pape Clément VIII. Les époux seraient représentés sous les traits de Bacchus et d’Ariane. Quoiqu’il en soit, Annibal rend hommage au Raphaël de l’ Histoire de Galatée et à Michel-Ange avec ses ignudis (voir Chapelle Sixtine). Ses élèves ont été chargés des côtés. Le Dominiquin peint la Vénus à la Licorne.
« Son lyrisme un peu lourd mais soulevé par une sève puissante, par une sensibilité robuste qui semble ignorer les réserves de la Contre-réforme, sa couleur claire alliée à des formes sculpturales en feront un modèle étudié deux siècles durant». (Dict. Peint. Ital.)
Au moment où Annibal, quelque peu aidé de son frère, réalisait ce décor, le Caravage réalisait concurremment celui de la Chapelle Cantarelli de St Louis des Français. Le décor d’Annibal synthétise toutes les innovations de la peinture italienne du XVIème siècle et ses acquis du XVème, tandis que celui de Caravaggio proposait une innovation avec ses tenebrosi et son réalisme.
« Leur académie est à la racine du dépassement du maniérisme et de l’implantation du classicisme du 17e siècle… Du baroque, les Carrache possèdent le réalisme, la volonté de revenir à la nature, qui se manifeste en particulier dans la valorisation du paysage… Leur nature est cependant assez nettement idéalisée, car l’inspiration provient de Raphaël et le culte du beau est un élément central. C’est plutôt le vrai que le réel qui est recherché : respect du modèle, minutie dans l’exécution s’opposent à l’exagération, à la volonté manifeste de briller par une fantaisie débridée propre au maniérisme... Mais[leur] peinture correspond également à certaines caractéristiques du classicisme : rigueur de la composition, importance du dessin (ils cherchent à concilier dessin et couleur). Leur œuvre majeure, les fresques du palais Farnèse à Rome, illustre bien cette double inspiration : réalisme et mouvement, mais composition parfaitement équilibrée et contours nettement apparents qui indiquent l’importance accordée au dessin. (Rivage de Bohème/Annibal Carrache).
Son cousin Ludovico (1555-1619), après son séjour à Venise où l’influence de Tintoret fut déterminante, conservera à sa peinture une orientation vénitienne avec une palette très colorée et contrastée, des compositions mouvantes. Sa production sera importante à Bologne, Plaisance, Mantoue, montrant une personnalité toute de sensibilité poussant toujours dans la recherche parfois audacieuse où la couleur toujours prédomine.
Son frère Agostino (1557-1602) ne s’entendra pas avec son frère qu’il est allé rejoindre à Rome ; mais il tirera profit de sa confrontation avec « la puissance romaine » d’un Michel-Ange, puissance qu’il retrouve chez son frère. Il meurt prématurément à l’âge de 45 ans alors qu’il est entrain de peindre la voûte de la Salle d’Amour au Palais du Duc Ottavio Farnèse, 2ème duc de Parme, le Palazzo del Giardino construit en 1561 par della Porta sur un projet de Le Vignole.
Il obtiendra une longue renommée avec sa Communion de St Jérôme, mais il est aussi connu pour ses dessins de Modi (Les Positions) ou Les Seize Plaisirs, un recueil de seize , érotiques dans lequel l’Arétin décrit les seize postions d’accouplement qu’illustrent des gravures de reproduction Marcantonio Raimondi sur des dessins originaux de Jules Romain et que Ludivico a pu copier en avant que l’Église ne fasse disparaître tous les exemplaires, seuls des fragments ont subsisté.
Peintre instinctif, Ludovico évolue vers des styles différents. Son cousin Annibal (1560-1609) ouvre à la peinture du XVIIème siècle en opérant la transition entre maniérisme et baroque, rendant moins étanche qu’il n’y paraît la frontière entre l’académisme prôné par les Carrache que l’on nomme Éclectisme, et le naturalisme de Caravaggio et suivants. Les Carrache enlèvent au maniérisme son côté capricieux, son expression faite de tâtonnement, de lignes incertaines pour lui conférer la valeur d’un réel langage qui servira de fondement au style baroque, auquel viendra s’ajouter l’affirmation naturaliste, la crudité des sentiments et les effets de lumière du Caravagisme. On a dit qu’avec la Galerie Farnèse, Carrache faisait entrer la peinture dans son histoire moderne… et déjà baroque par leurs effets d’illusion, leurs jeux de lumière, déjà baroques en elles-mêmes.
L’École Bolonaise est caractéristique de cette tendance que l’on a qualifié d’Éclectisme pour assimiler les leçons des grands maîtres tout en leur prenant ce qui leur convient sans hésiter comme Annibal et par la suite Le Dominiquin (1581-1641) a laisser libre cours à leur tempérament plus volontaire chez Annibal, plus serein chez Le Dominiquin. Cet éclectisme qui reste dans une optique idéaliste s’oppose en cela à la tendance naturaliste du Caravaggio. Au XVIIème siècle, Le Guerchin (1591-1666), élève des Bolonais oscillera d’une manière à l’autre.
« La classification de Carrache est assez difficile. Le peintre est en effet à la fois baroque, dans l'illusionnisme, l'exubérance des formes, la composition foisonnante et classique, de par sa mise en page équilibrée, son dessin net, la qualité sculpturale de ses personnages. On doit plutôt lui reconnaître un certain éclectisme, sans lui nier un style personnel, plutôt que de tenter de l'enfermer dans une catégorie. alité sculpturale de ses personnages. On doit plutôt lui reconnaître un certain éclectisme, sans lui nier un style personnel, plutôt que de tenter de l'enfermer dans une catégorie. » (Wikipedia)
Le sac de Rome en 1527 provoqua un véritable exode des artistes à l’instar du Parmesan qui retourne à Parme, du Rosso qui part en France et de Perin del Vaga (Piero di Giovanni Bonaccorsi, dit Perino del Vaga, 1501-1547), élève de Raphaël, qui se réfugie à Gênes. Jules Romain, lui, était parti pour Mantoue dès 1524. Si l’un des premiers peintres maniéristes est bien né à Rome et y a travaillé comme assistant de Raphaël, c’est sans doute à Mantoue dans la construction et la décoration du Palais du Te que Giulio Romano manifestera le mieux son maniérisme (voir Architecture Maniériste).
Pour son portrait, le pape fera appel en 1543 à un vénitien, Le Titien. L’engouement pour la peinture du Nord est certain à Rome à la fin du XVIème siècle. L’ambition des peintres et des amateurs d’art est de chercher à associer la manière vénitienne et la manière florentine. L’influence des Titien et Véronèse sur les frères Carracci eut un impact certains sur leur peinture maniériste qu’ils importèrent à Rome dans le dernier quart du siècle. Par ailleurs, la technique vénitienne, elle-même, suscitait un vif intérêt car elle avait pour particularité de consister à peindre directement sur la toile sans dessin préalable.
Le peintre véronais, Marcantonio Bassetti (1588-1630) écrira de Rome à son maître, le peintre maniériste vénitien Palma le Jeune (1548-1628, voir Maniérisme Vénitien) : « J’ai fondé une académie où je dessine les attitudes avec le pinceau et les couleurs. Les gens d’ici appellent cela une académie à la vénitienne[23] ».
Ce contre quoi s’élevait Vasari soucieux de préserver l’exigence d’une imitation de l’antique propre à la tradition florentine. Ce même Vasari qui, séjournant à Venise en 1541-42, apportait à la Sérénissime tout son savoir…maniériste. Rome fut d’ailleurs le lieu de cette confrontation entre les deux traditions et les théories de Vasari se virent remises en cause, confrontées qu’elles étaient à celle du Vénitien Ludovico Dolce (1508-1578), théoricien de la peinture et tragédien particulièrement prolixe.
Les plus illustres représentants de la peinture maniériste à Rome viendront en fait tardivement de Bologne la nuovo maniera : les frères Carracci et la fille d’un peintre bolonais, Lavinia Zappi. Federico Zuccaro en sera lui le représentant à travers l’Europe.
Ne pas confondre la Villa Farnèse, La Farnesina située à Rome, construite et décorée par Baldassare Perruzi ((†1537 voir Architecture/ Classicisme Romain) entre 1508-11 pour le trésorier du pape Luigi Chigi, et acquise en 1580 par le duc de Parme, le Cardinal Alexandre Farnèse (†1592)
- avec la Villa Farnèse ou Palais Farnèse à Caprarola (Latium) construite à partir de 1530 par Sangallo le Jeune (†1546) et Peruzzi (†1537). En fait de palais, il s’agissait à l’origine d’une forteresse à plan pentagonal. A la mort de Sangallo, le Gran Cardinale Alexandre Farnèse, petit-fils du pape, confiera la poursuite des travaux à Le Vignole († 1573) qui sera chargé de transformer le bâti en véritable palais, très représentatif de l’architecture Renaissante avec son fameux escalier hélicoïdale de la Scala Regia. Le Vignole s’occupera aussi mais en partie de la décoration avec Taddeo Zuccari et Giovanni Antonio da Varese, dit le Venosino (1535-1595), connu pour ses mappemondes, celle de la Salle des Mappemondes du palais (1574) et celles de la Terza Loggia du Vatican. Pellegrino Rainaldi Danti (1536-1586), moine dominicain, mathématicien et peintre, a peint au Palazzo Vecchio 53 cartes sur les portes des armoires de la Stanza del Guardarobe.
- ni confondre non plus avec le Palais Farnèse, actuelle Ambassade de France, situé à Rome, construit par Sangalo le Jeune en 1534 sur un ancien palais qu’avait acquis 40 ans plus tôt Alexandre Farnèse qui deviendra pape cette année-là sous le nom de Paul III. C’est Michel-Ange qui prendra la succession de Sangallo (†1546) puis par puis Le Vignole et Giacomo della Porta. La Galerie Farnèse décoré par Annibal Carrache est un des joyaux de la Renaissance.
A la Farnésina, Raphaël accompagné de ses nombreux élèves avait commencé dès 1511 dans les loggias donnant sur le jardin les fresques de L’Histoire d’Amour et Psyché et du Triomphe de Galatée, et Sebastiano del Piombo y avait placé son Polyphème. Peruzzi décore lui en 1510-1511[24] dans cette Sala di Galatea , voûte et lunettes. Et si sa manière picturale va s’accorder à la douceur raphaëlienne, il va à la même période faire preuve néanmoins d’une inventivité déjà nettement maniériste avec ce trompe-l’œil du Salone delle Prospettiva (1510-1511), où sa grande maîtrise de la perspective va rendre tous ses effets.
« A travers la fausse loggia, vous pouvez voir des vues de paysage: villages perchés, vues de campagne, et en arrière-plan,
contre le ciel lumineux, se trouve la ville »
Pour ce décor de la Farnesina Peruzzi s’inspire de la description qu'Ovide donne du Palais du Soleil au livre II de ses Métamorphoses, Certaines sources datent ce décor de 1518-1519, ce qui semble un peu tardif vu que le mariage Chigi se tint dans cette salle en 1519. Il mourut un an plus tard et la salle fut laissée à l’abandon.
Taddeo Zuccaro (1529-1566/69), né près d’Urbino (Les Marches),est issu d’une famille de peintre. Formé par, sa peinture à ses débuts sera très marquée par celles de Perino del Vaga et de Polidoro da Caravaggio. En 1542, il est à Rome. Dans les années 50, il réalise à la Villa Giulia, commandité en 1551 par le pape Jules III (†1555), de nombreux stucs aux côtés de Vasari (qui revendique les plans d’origine de la villa) et Ammannati qui en assure aussi la décoration. En 1562, il réalise au Palais Farnèse de Caprarola[25] le cycle allégorique conçu par le poète Annibale Caro (1507-1566), secrétaire de Pier Luigi Farnèse († 1547), premier duc de Plaisance et de Parme. Certaines sources lui accordent également une partie du décor du Palais Farnèse à Rome. Mais il peut y avoir confusion entre les deux palais. Avec son frère, Federico, qui l’a rejoint à Rome, il travaille au décor de la Sala Regia (Vatican) où le sculpteur Daniele da Volterra (†1566) a travaillé de 1547 à 1559. Des sources le donnent comme ayant commencé par travailler avec Vasari entre 1572-74 au Jugement Dernier de la coupole de la Cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence alors qu’à cette date, il est déjà mort. Taddeo meurt jeune à 34 (37) ans en 1563. Il s’agit de son frère.
« Taddeo Zuccari est l'une des personnalités les plus importantes de la seconde moitié du XVIème s. romain ; son rôle, déterminant pour l'évolution de la peinture décorative et monumentale à partir de 1550 environ, est comparable à celui qu'avaient joué, à la génération précédente, Perino del Vaga, Polidoro da Caravaggio ou Parmigianino. Son influence se prolonge au-delà des limites chronologiques de son activité, au demeurant assez brève, et surtout grâce à son frère Federico, qui le rejoint à Rome en 1550 ».
« Il produit une quantité considérable de tableaux dont la qualité varie du bon au faible, voire au mauvais. À Rome, les revendeurs proposent ses œuvres à tous les prix ». (Wikipedia)
Federico Zuccaro (1544-1609), né aussi à Sant’Agnelo près Urbino, rejoint son frère à Rome avec qui il travaille à l’Église Sainte Trinité-des–Monts église française, célèbre pour ses deux clochers construits en 1495 et dominant le Place d’Espagne. Reprenant l’atelier de son frère à la mort de celui-ci, il poursuit son travail au Palais Farnèse de Caprarola.
Entre 1563 et 64, il séjourne à Venise où il travaille au décor de la Salle du Grand Conseil au Palais des Doges où travaillera également Le Tintoret en 1577. Il voyage en France entre 1572 et 74 puis à Anvers et en Angleterre où il peint le portait d’Élisabeth 1ère. .
En 1574-79, à Florence où il s’est déjà rendu en 1565, il achève le décor du dôme de la Cathédrale Santa Fiora de Florence[26] commencé par Vasari (†1574) qu’il a assisté, et dans lequel il se distingue par le gigantisme accordé aux personnages ; cette monumentalité sera sa signature et il sera appelé pour peindre de très grands surfaces.
Alors qu’il a obtenu au Vatican la décoration de la coupole de la Cappella Paolina (Chapelle Pauline), construite en 1537-39 par Giuliana Sangallo Le Jeune et déjà décorée sur les murs des vies de St Paul et St Pierre, dernières œuvres de Michel-Ange, il est l’objet de calomnie de la part de la Curie, et doit quitter Rome en 1581 pour retourner à Venise
En 1585, il se rend à Madrid où il décore le grand autel de la Capilla Major de l’Escurial, mais Philippe II n’apprécie pas particulièrement sa peinture. Il rencontre El Greco qui a été l’élève du Titien en 1568-70, et lui offre un exemplaire des Vies de Vasari.
En 1588, il revient à Rome. En 1595, il est nommé, véritable consécration de sa carrière, Principal de l’Accademia di San Luca ; fondée en 1577, cette académie deviendra l’Académie des Beaux-Arts de Rome. Entre 1604 et 1608, il est à nouveau Paris. Il aura aussi été actif à Mantoue, Turin, Parme, Tivoli, Orvieto, Bologne et Pavie. Il meurt à 66 ans en revenant sur Rome.
« Federico affirme une personnalité fort différente de celle de son frère : c'est un artiste doué, au talent facile et un peu académique, qui connut un succès international et exerça une grande influence en Europe. Moins original que Taddeo, Federico a franchement contribué à la diffusion de la maniera [du maniérisme] dans sa dernière phase, tout en la réduisant à des formules séduisantes, un peu stéréotypées. ». (Encyclopédie Universalis)
« On ne peut pas dire que son talent dépassait celui de Taddeo, mais il réussit à se tailler une réputation solide dans toute l'Europe »(https://fr.muzeo.com/artiste/federico-zuccaroFederico Zuccaro)
Federico fut également un théoricien de l’art dont les conceptions s’opposaient à celle plus classiques (respect de l’antique) de Vasari. Son traité L’Idea de’ Pittori, Scultori e Architetti paru à Turin en 1607 est considéré par l’historien d’art de l’université d’Harvard, Sydney Joseph Freedberg (1914-1997) comme « le meilleur exposé de la doctrine maniériste de la peinture ». Et E. Panofsky a écrit que ce traité « consacre, pour la première fois, un livre entier à l’étude d’un problème purement spéculatif qui se résume à la question suivante : comment une représentation artistique est-elle en général possible ? » Federico annota également Les Vies de Vasari (voir M. Hoffman, ref . cit.). Dans son palais, siège de l’Accademia San Luca dont il était le directeur (Principe), aussi bien que dans les autres villes où il séjournait, il organisait des conférences qui permirent la diffusion des idées maniéristes qui annonçaient en leur dernière phase l’Âge Baroque.
Les frères Zuccari, derniers représentants du Maniérisme italien, qui œuvrèrent dans la seconde moitié du siècle où se mettait en place les décisions artistiques de la Contre-Réforme ont développé un art par lequel leur tendance à l’excès trouve sa pleine dimension dans de vastes cycles où l’érudition tient une place importante. Federico avait une connaissance certaine du néoplatonisme et de l’aristotélisme de St Thomas.
Polidoro Caldara da Caravaggio (1492-1543) est né à Caravaggio dans la province de Bergame. Assistant de Raphaël, il est actif à Rome en 1514-1527, à Naples en 1524 et 1527-28), à Messine de 1528 à 1543 (?). Il terminera sa carrière comme architecte. Formé sur le tas dans la grande équipe de Raphaël, assidu et très attentif, sans formation classique, il travaille à l’instinct et manifeste une nature inquiète. C’est à Messine, qu’il révèle son originalité en alliant le souvenir romain à la découverte des estampes de Lucas de Leyde (†1533) et Albrecht Dürer (†1528): « une attention égale à la force de l’art d’un Michel-Ange et à l’expression populaire du réel, ainsi qu’une harmonie certaine avec une piété obscure et résolue.» (https://www.louvre.fr/expositions/polidoro-da-caravaggio)
Avec son ami, le peintre florentin Maturino, il monte un atelier qui a pour spécialité le décor peint des façades des maisons romaines, décor en clair-obscur. Certaines sources le considèrent à l’origine de l’effet fortement contrasté du Chiaroscuro (clair-obscur) que Le Caravage systématisa. Caravaggio est né également dans la région de Bergame où des peintres comme Romanino et Savoldo de l’École de Bescia avaient rechercher des effets de lumières dans des éclairages à la chandelle ou sur des draperie ( voir Renaissance Bergamasque). Architecte sur le tard, estimé, il meurt assassiné à Messine en 1543.
Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Il Carravaggio (1571-1610), est né à Milan mais ses parents sont originaires de Carravagio dont le marquis Francesco 1er de la famille des Sforza[27] a été le témoin de leur mariage. Son père est maître maçon-architecte au service du marquis. Ce qui donne à la famille une certaine aisance
Le Caravage passe son enfance dans un village proche de Caravaggio puis devient l’élève du peintre milanais Simone Peterzano (1540-1596). Ce n’est pas en Lombardie mais essentiellement à Rome qu’il laissera son empreinte la plus durable. Il est déjà dans la cité papale à 21 ans en 1592 où il assiste le peintre attitré du pape, Giuseppe Cesari dit le Cavalier d'Arpin (1568-1640). L’influent cardinal Francesco del Monte (1549-1627), grand collectionneur d’art le remarque et lui commande les Tricheurs (1594) et les Musiciens (1595), premières œuvres importantes dans lesquelles déjà se manifeste sa manière si particulière.
Dans Les Musiciens (Le Concert) pour le joueur de luth au centre, le jeune peintre Mario Minniti (1577-1640) lui sert et lui servira plusieurs fois encore de modèle. Le joueur de chalumeau derrière lui est peut être son autoportrait. A gauche, le dieu de l’Amour, Cupidon, et non le dieu de la Musique Phébus (Apollon). La musique nait de l’amour et les jeunes éphèbes, qui en jouent dénudés sous des voilages à l’antique, peints en des tons de chair clairs, nous disent qu’elle est toute de sensualité. L’harmonie, elle, est dans la composition, le juste équilibre des formes : le tableau est divisé en deux parties égales dans la hauteur contenant chacune deux musiciens, le cheviller à la tête du luth marquant nettement leur séparation ; dans la partie de droite domine la luminosité blanchâtre de la chair et du vêtement du dos du musicien lisant une partition, opposée aux tons plus sombres de la tunique rouge cadmium du joueur de luth, ocre-brun de la caisse de l’instrument, et les raisins et la pampre en bas à gauche de la toile sont résolument dans l’ombre.
Habitant dans le palais du cardinal, son protecteur, il reçoit de nombreuses commandes du haut clergé. Il mène une existence débridée. Joueur, bagarreur, il fait plusieurs séjours en prison. Sa peinture comme sa vie font scandale. Son Judith et Holopherne de 1598 par son réalisme provocateur qui montre dans l’ombre le sang ciglant de la gorge tranchée du général babylonien par une Judith en pleine lumière, la scène peinte dans un ténébrisme qui sépare nettement par la diagonale obscur et clair, choque profondément. Lui est attribué un autre tableau sur le même thème daté de 1607 : la zone claire et de la zone obscure sont inversées et une Judith est vêtue de noir.
Le critique et théoricien d’art Giovanni Pietro Bellori (†1696) dira du Caravaggio « qu'il avait restitué aux couleurs le sang et la carnation en un temps où elles n'étaient que fard et vanité ». Le rouge est un vrai rouge « différent des teintes délavées des maniéristes ». (Encyclopédie Universalis)
En 1606, au soir de la fête qui célèbre l’élection du pape Paul V, il tue au cours d’une rixe le chef de la milice de son quartier. Condamné à mort, il s’enfuit de Rome en 1607 pour Naples, Malte, la Sicile. En 1610, espérant la clémence du pape, il prend le bateau pour Rome. Mais pour avoir été arrêté et jeté momentanément en prison, il doit repartir à pied. Arrivé à Porto Ercole à une centaine de kilomètres de Rome, il meurt à l’âge de 38 ans, atteint de la malaria ou du staphylocoque doré (septicémie, Revue The Lancet 2018/ Le Monde 09/2018).
Caravage affirme déjà dans son art rédempteur un esprit pleinement baroque par son naturalisme sans ambages, son réalisme baigné d’érotisme (comme une anticipation à la Ste Thérèse du Bernin) et par ses contrastes éminemment baroques entre clarté et obscurité que nombre de peintres du XVIIème siècle reprendront à leur compte et développeront parfois à l’excès d’effet.
Parmi ses tableaux peints à Rome où au long de sa pérégrination:
La Diseuse de Bonne Aventure (1595), Portait d’une Courtisane (1598/1601), Le Garçon au Panier de Fruits (1593-1594), L’Amour Victorieux (1601-02), , Bacchus (date incertaine), La Mise au Tombeau (1603-04), David et Goliath (1598), Le Souper d’Emmaüs (1601), La Mort de la Vierge (1605), La Décollation de Saint Jean-Baptiste (1608), L’Amour Endormi (1608). Actuellement, entre 70 et 80 tableaux sont authentifiés comme étant bien de la main de Caravage dont une vingtaine à Rome. Tombé dans l’oubli, il fut redécouvert au début du XXème siècle.
« Les caractéristiques de sa peinture : le clair-obscur, les couleurs vives et leurs contrastes, les sujets puisés à la fois dans les thèmes de la religion catholique mais aussi dans le quotidien, le réalisme de ses représentations, le dynamisme de ses compositions. C’est, qu’avec Le Caravage, il ne s’agit plus d’esthétique mais d’interpeller les hommes… S’il est possible « d’humaniser » l’histoire du Christ et des saints en représentant leurs supplices et leurs souffrances, le Caravage va plus loin dans la vérité des corps, des visages, des drapés, du mouvement, dans les signes de la vieillesse, de la déchéance et de la mort. Et, en ce sens, c’est nouveau et révolutionnaire dans l’histoire de la peinture ».(http://notesditinerance.canalblog.com/archives/2019/02/23/37124198.html)
Alors qu’Annibal Carrache, tout juste arrivé de Milan, en pleine activité, a déjà réalisé pour le cardinal Eduardo Farnèse Le Choix d’Hercule et Le Christ en Gloire en 1596-97. Le cardinal Francesco del Monte obtient auprès du cardinal Contarelli que son protégé reçoive la commande du décor de la Chapelle Contarelli dans l’Église St Louis-des-Français. Une commande d’autant plus importante pour le peintre de moins de 30 qu’il s’agit pour lui de composer pour la première fois de grands formats de plus de 3x3m. Caravaggio va exécuter entre 1599 et 1602, deux tableaux pour les murs latéraux de la chapelle, deux moments de la vie de St Matthieu : Le Martyre de St Matthieu (1599) et La Vocation (Conversion) de St Matthieu (1600) sur la droite et sur la gauche (1599-1600). En 1602 fut placé sur le mur du fond une œuvre du sculpteur flamand Jacob Cobaert qui ne plut pas suffisamment. Caravaggio exécuta alors un troisième moment de la vie du saint : Matthieu écrivant son évangile, St Matthieu et L’Ange (L’inspiration de St Matthieu. Ce tableau ne plut pas et il fut par la suite transféré au Musée de Berlin où la toile fut détruite (disparue ?) sous les bombardements de 1945. Caravage dut la remplacer par un autre St Mathieu toujours visible au maître-autel.
La première toile de St Matthieu à l’évangile et qui ne plut pas, était représentative de son intention de casser les codes moraux et picturaux
« Il représentait un vieil homme, assez frustre, de trois-quarts face, les jambes croisées, sales, écrivant avec effort dans un grand livre, la main qui écrit étant tenue par celle d’un bel ange, debout à ses côtés. L’œuvre fut refusée au motif « que la figure, assise, les jambes croisées, avec les pieds grossièrement exposés au public, n’avaient pas l’air d’un saint ni aucune dignité »[Bellori].
Le Caravage ayant eu l’audace de rappeler que Matthieu, alors dénommé Lévi, était un changeur d’argent et un percepteur de la gabelle ! Les autorités ecclésiastiques lui ont aussi reproché l’aspect populaire de ses saints ou de ses vierges et plusieurs de ses tableaux ont été refusés pour ce motif. » (Alain Marat http://notesditinerance.canalblog.com/archives/2019/03/23/ 37132056.h)
L’ensemble du décor dans le plus pur ténébrisme[28] répond aux impératifs de la Contre-Réforme, à l’affirmation des vérités théologiques.
L’apport du Caravage est prépondérant dans l’histoire de la peinture européenne. Il fut à l’origine du Caravagisme ou École Caravagesque, apparue à Rome dans les premiers temps du ‘baroque’ à Rome. Ce mouvement qui, alors illustré notamment par le peintre Bartolomeo Manfredi (1582-1622), reprenait ses leçons sur le clair-obscur allié au naturalisme, en opposition au retour après la période maniériste au modèle classique préconisé et enseigné par les Frères Carrache[29]. La manière de peintres aussi importants que le Tintoret, Le Greco ou Rembrandt relève du Ténébrisme.
L’École d’Utrecht par le biais de B. Manfredi apporta le clair-obscur dans les pays du Nord. En France après les peintres Simon Vouet ou Nicolas Régnier, son influence se fait sentir toujours sentir chez les Vernet père (†1789) et fils (†1836) ou chez Lacroix de Marseille (†1779). Le Caravagisme évolua en deux mouvements opposés : D’un côté, la poursuite du Ténébrisme avec pour meilleurs représentants les peintres espagnols du XVIIème siècle : Zurbaran, Ribera et Ribalta ; De l’autre, le Luminisme avec lequel la lumière ne s’affronte plus tant à l’obscurité qu’elle éclaire en un climat apaisé des scènes parfois de douce tranquillité comme dans les tableaux de Georges de La Tour (1593-1652) en France ou chez Gerrit van Honthorst (1590-1656), où les scènes sont dépourvues de la dureté du réalisme de ses confrères de l’École d’Utrecht.
Lavinia Fontana (1552-1614), épouse Zappi, née à Bologne, est la fille du peintre Prospero Fontana (1512-1597) qui, bolonais lui-même, se trouvait à Rome vers 1550 où il fut présenté au pape Jules II par Michel-Ange comme portraitiste. Il travailla ensuite aux côtés de Vasari au Palazzo Vecchio (Florence) dans les années 1560. Il se rendit ensuite en France à la cour de Charles IX avant de revenir à Bologne où il eut pour élève Augustino Carracci et son cousin Ludovico. (1512-1597). Il mourra à Rome.
En 1577, sa fille, Lavinia, se marie à un élève de son père Gianpaolo Zappi qui interrompit sa carrière de peintre de second plan pour devenir son agent. Elle bénéficia de la protection de Boniface XIII, bolonais lui-même, et qui, pape de 1572 à 1585, est à l’origine de la réforme du nouveau calendrier, le calendrier grégorien mis en place en 1582 ; calendrier qui remplace le calendrier Julien.(Voir T1/Introduction Générale).
L’art du portrait était considéré comme le genre le moins élevé en peinture. La peintre Sofonisba Anguissola (1532-1625), née à Crémone (plaine du Pô, Lombardie) d’une famille aisée qui lui donna une éducation humaniste et musicale, consacra sa carrière au portrait et devint portraitiste officielle à la cour de Philippe II d’Espagne. Au début de sa carrière, Lavinia dut aussi se cantonner à ce genre ; mais elle sut en tirer parti en s’attirant une clientèle féminine dont elle savait mettre en valeur le besoin de reconnaissance et d’affirmation sociale en apportant une grande précision dans leur robes et bijoux. Contrairement à Venise où le portrait avait pris une orientation psychologique, à Rome comme dans les cours ducales et seigneuriales, le portrait restait une mise en représentation.
Néanmoins, Lavinia put accéder au genre le plus noble, celui de la scène religieuse. Sa Sainte Famille avec St François date de 1578 et son Noli me Tangere, un nocturne, date de 1581 ; son Adoration des Mages de 1598. En 1600, elle exécute la Vision de Saint Hyacinthe, un grand retable pour l’église dominicaine de Sainte Sabine à Rome qui, au vu de son succès, l’amène à quitter Bologne pour s’installer à Rome. En 1603, elle reçoit la commande du pape Clément VIII (†1603) de ce qui sera son œuvre religieuse la plus grande (6m), La Lapidation de Saint Étienne.
En parallèle des scènes religieuses, Lavinia exécutera de nombreuses scènes d’inspiration mythologique tout à fait dans le goût de l’époque qui mêle allègrement le mythologique et le religieux, le païen et le sacré. On lui doit un beau nu, une Minerve s’habillant (1613)
Elle rentrera à l’Accademia di San Luca (beaux-arts) de Rome. Elle mourra à 62 ans après avoir eu onze enfants dont trois seuls ont survécu. Sa peinture est tout à fait représentative du maniérisme avec une palette très colorée et contrastée, les compositions toute en mouvement, les attitudes affectées. Si à ses débuts, elle suit la tendance des Carrache pour leur palette vive et leur manière vénitienne, les influences de Parmigiano et du Corrège seront plus manifestent dans les scènes religieuses. Elle a peint une centaine d’œuvres dont certaines sont encore objet de discussion quant à leur paternité.
Notes
[1] Citation et pour en savoir plus https://www.aparences.net/periodes/le-manierisme/pontormo/.
[2] Certains sources donnent Guillaume de Marseille (1475-1537).
[3] Citation et base de la biographie https://www.hisour.com/fr/alessandro-allori-4613/
[4] « Paul Brill, également appelé Paulus Bril, (né en 1554 à Anvers - mort le 7 octobre 1626 à Rome), artiste flamand qui était peut-être le peintre de paysages le plus populaire de Rome à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. » (Encyclopedia Britannica). Après 1600, son style maniériste évolua vers plus de simplicité.
[5] Arcimboldo est indiqué comme se rendant à Prague auprès de Ferdinand 1er. Il faut se rappeler que le St Empire n’avait pas de capitale. Comme en France avant que Paris, sous le règne de François 1er, ne devienne la capitale fixe du royaume, les empereurs qui était aussi rois des romains, rois de Bohême et de Hongrie faisait de leurs lieux de résidences, Vienne , Prague la capitale du moment.
[6] Cette manière - clair-obscur léger, formes souples, valeurs douces et fond de paysage- peut faire penser au Léonard de La Vierge à L’Enfant avec St Anne, placée également sur un fond important de paysage, mais ce tableau, jamais achevé, n’a été commencé par Léonard qu’à partir de 1501 par une esquisse que tout le monde venait admirer au Couvent de l’Annunziata de Florence où il habitait. Ses Vierge aux Rochers datent pour la première version de 1483-1484 et pour la seconde de 1491-99 puis 1506-08. Il est possible que Giorgione ait pu les voir en 1499, date à laquelle Vinci se trouvant à Venise avec la première Vierge refusée par le commanditaire milanais, la seconde étant toujours en œuvre. On suppose par ailleurs que cette dernière a pu être exécutée par son assistant Giovanni Ambrogio de Predis, né et mort à Milan donc avant son départ pour Mantoue puis Venise. Mais dans ce cas pourquoi Vinci aurait-il continué à y travailler jusqu’en 1508, devant la transporter à Venise puis Florence ?
[7] La Bataille de Cadore est pour http://artliste.com/titien une commande du duc de Ferrare, et pour Wikipédia une commande pour le palais des Doges. (?)
[8] Citation et pour en savoir plus sur sa manière de peindre https://www.journaldespeintres.com/titien-inventeur-de-la-peinture-moderne/
[9] http://agora.qc.ca/Dossiers/titien
[10] Citation et pour en savoir plus sur la technique du Titien : http://techniquedepeinture.com/peindre-comme-titien/
[11] Le ‘nocturne’ terme du 19ème siècle emprunté aux nocturnes de Chopin, est un tableau représentant un paysage ou un intérieur de nuit avec une faible lumière diffuse ou répartie artificiellement. A ne pas confondre avec le ténébrisme, forme sombre, ténébreuse, du clair-obscur où la lumière n’est pas non plus diffuse mais où les zones de clarté et d’obscurité, de forte pénombre sont nettement tranchées. Le Caravage a tant utilisé de manière systématique la technique du ténébrisme qu’on lui en attribue parfois la paternité. Le Tintoret est un autre peintre du 16ème siècle du Ténébrisme.
[12] Citations de Philippe Gendre-Gratien : http://autourdemesromans.com /sebastiano-del-piombo-un-portraitiste-coloriste-de-talent-de-la-renaissance/ Sa biographie de Sebastiano s’appuie sur celle du critique d’art Charles Blanc, Histoire des peintres de toutes les écoles, École Vénitienne, Henri Laurens Éditeur, Paris 1884
[13] Considérant une ligne verticale centrale et deux lignes verticales, une à sa gauche et une sa droite, les lignes (de fuites) qui partent de la partie supérieure de ligne centrale et passent par les extrémités supérieures des lignes verticales joignent la ligne d’horizon en deux points de fuite, un à droite et à gauche constituant une perspective en oblique. Ne pas confondre avec la perspective en diagonale.
[14] Citation et pour en savoir plus sur la peinture et la production du père et du fils : Edward Strachan ⋅ Roy Bolton, https://www.sphinxfineart.com /artists/243797/francesco-bassano-ii
[15] Cette coalition s’était constituée en 1508 constituée par Louis XII, l’empereur Maximilien et Ferdinand II d’Aragon à laquelle se rallia Jules II pour officiellement combattre les Ottomans, mais secrètement pour s’attaquer à la Sérénissime dont la puissance politique et financière était considérable, et avait le quasi monopole du commerce maritime en Méditerranée. Venise n’en sortira que renforcée de cet affrontement.
[16] Carlo Montella (traduction Agnès Doniom-Asso) Les Grands Mercenaires[condottieres] de la Renaissance Italienne, Édit. France les Deux coqs d’or, 1966
[17] La famille Portinari a acquis au XVème siècle la confiance des Médicis, plusieurs de ses membres sont allés s’installer en Flandre ou dans des villes du nord de la péninsule pour représenter leurs intérêts. Ainsi le fameux Triptyque de Portinari’’ de van der Goes de 1475 a été commandé à Bruges par Tommaso. Et la Capella Portinari est une commande de Pigello représentant à Milan.
[18] Neveu de Louis XII, commandant de l’armée royale en Italie, Gaston de Foix vu un remarquable manœuvrier et un grand stratège qui arrivait à faire déplacer ses troupes à un rapidité encore jamais vu et créer un effet de surprise chez l’adversaire. L’autre incomparable stratège que fut Napoléon n’ignora pas cette tactique. « Charles VIII mettait cinq mois pour se rendre sans combat des Alpes à la frontière de Naples, François 1er un mois pour faire les 220 kilomètres de l’Argentière [ Htes Savoie] à Marignan [ Mila- nais] ». (Wikipedia)
[19] https://www.universalis.fr/encyclopedie/alexandre-farnese/. A ne pas confondre avec son oncle le Cardinal Alexandre Farnèse.
Condottieri : Chef de guerre à la tête de troupes de mercenaires au service de l’empereur, des rois, ducs et aussi des papes. Alexandre se mit au service de l’empereur et quitta définitivement l’Italie pour les Pays-Bas Espagnols en 1577 où il réorganisa l’armée pour combattre la population catholique et protestante guidée par l’ancien Stathouder Guillaume Ier d'Orange-Nassau dit le Taciturne (1533-1584) qui amènera à la reconnaissance et l’autonomie des Provinces-Unies (1581), puis à leur indépendance au traité de Westphalie (1641).
[20] Citation et pour en savoir plus : Isabella M. Chiari
https://wsimag.com/fr/art/1590-les-joyaux-de-labbesse-a-parme
[21] Citation et pour en savoir plus : https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1204252048.html
[22]A ne pas confondre avec Paola Gonzaga (1508-1569),sœur dominicaine de Mantoue, fille de de Fréderic II, duc de Mantoue et d’Isabelle d’Este dont Le Titien fera un portrait (1534-36).
[23] Citation et pour en savoir plus sur le rapport de Rome et Venise et l’évolution du goût à la fin du XVIème siècle : Michel Hoffman, Les annotations marginales de Federico Zuccaro à un exemplaire des «Vies» de Vasari. La réaction anti-vasarienne à la fin du XVIe siècle, Revue de l'Art Année 1988/ 80/ pp. 64-71, Persée.
[24] Certaines sources datent ce décor de 1518-1519, ce qui semble un peu tardif vu que le mariage Chigi se tint dans cette salle en 1519. Il mourut un an plus tard et la salle fut laissée à l’abandon.
[25] A ne pas confondre avec la Villa Farnèse dite la Farnésina construite pour le banquier Chigi en 1508 par Peruzzi et rachetée en 1580.par le Grand Cardinal Alexandre de Médicis (†1589), ni avec Le Palais Farnèse, actuelle Ambassade de France, commandité par Alexandre Farnèse, futur Paul II, en 1515 à Sangallo le Jeune et dont les travaux s’achèveront en 1589.
[26] Les sources divergent quant à savoir lequel des deux frères à réalisé ce décor de Santa Maria del Fiore. Certaines sources donnent l’arrivée de Taddeo à Rome en 1542 avec son frère cadet, or 1542 (ou 1544) est l’année de naissance de celui-ci. Pour d’autres, il serait arrivé à Rome en 1550 ; avec son frère âgé de 8 ou 6 ans ( ?).
[27] En 1535, le dernier duc de Milan, François II Sforza meurt sans descendants. Charles-Quint intègre le duché à son empire. Une des causes de la Huitième Guerre d’Italie. Les troupes de Louis XII et de François 1er avaient été maitresse un temps du Milanais.
[28] Il s’agit en fait d’une des formes du clair-obscur, le ténébrisme, qui oppose nettement et directement les zones claires et les zones sombres, alors que le clair-obscur (chiaroscuro), et très particulièrement celui de Vinci, le sfumato, ‘vaporise’ les nuances et valeurs dans le passage des zones des différents éclairages. Le Tintoret (1518-1594) est un des représentant des plus illustres du ténébrisme avec des zones d’ombre réellement obscures et précéda Le Caravage en cette manière d’un demi-siècle. sans oublier le peintre espagnol Juan de Navarre qui l’introduisit en Espagne dans les années 1560.
[29] Les Carrache sont un exemple de la difficulté de pouvoir toujours classer les artistes. Comme Le Pérugin (†1548) qui, à cheval sur deux siècle, est tantôt classé parmi les peintres de la Première Renaissance tantôt parmi ceux de la Renaissance Classique, la peinture des Carrache tient autant du maniérisme de par leur formation, autant de par leur ‘tendance naturelle’ (celle par laquelle les courants artistiques évoluent) et de par l’esprit de la Contre-Réforme qui habitait la fin du siècle , elle tend à un classicisme d’équilibre, d’harmonie de la composition qui préfigurait l’Âge Classique, mais aussi baroque, qui allait être celui du XVIIème siècle.
Introduction - La Statuaire : Benvenuto Cellini - Jean de Bologne - Les Maniéristes
« Les principes de la sculpture maniériste ont été énoncés par B. Cellini et par Dolce dans l’Aretino[1] : la statue en ronde-bosse doit être isolée et faite pour être vue sous toutes ses faces, les plans s’enchainant avec souplesse ; elle doit présenter cette forma serpentina par laquelle se reconnaît dès l’abord une œuvre maniériste, et un mouvement d’ensemble en spirale ; on recommande en fin la représentation du nu et l’élongation des proportions. » (Architecture-Sculpture/ La Renaissance/ Maniérisme, Édit Nathan, 1971)
A la Renaissance, les activités artistiques n’étaient pas encore compartimentées comme elles le furent au siècle suivant. Ce qui caractérise d’ailleurs entre autres cette période est la multidisciplinarité comme l’universalité. L’architecte était parfois d’abord sculpteur, généralement d’abord maçon, tout comme le sculpteur, qui avait souvent reçu une première formation d’orfèvre-médailleur comme B. Cellini, pouvait aussi devenir peintre comme Salvatori. Les architectes Sangallo le Jeune et Francesco Sansovino furent sculpteurs comme le peintre Domenico Beccafumi (†1551) le fut aussi qui modela à la fin de sa vie les huit anges en bronze de l’autel du duomo de Sienne. Romain et Perruzi furent peintres puis architectes. Palladio fut d’abord tailleur de pierre, puis maçon, puis architecte, puis sculpteur.
La représentation statuaire dans la recherche d’une beauté parfaite, de proportions idéales fut un des thèmes majeurs de la sculpture du XVIème siècle italien. La voie ouverte par le David (1432) de Donatello et qu’avait définitivement établi l’atelier de Verrochio dans la seconde partie du Quattrocento, Michel-Ange la prolonge avec son Bacchus romain de 1498 et son David florentin de 1501-04 par lequel il s’inscrit dans la tradition classique florentine de la Première Renaissance. Mais avec sa Pieta romaine de 1498-99, il avait déjà marqué une rupture avec elle pour ouvrir le siècle à la nouvelle manière. Si Rome, au début du XVIème siècle, avait pris un temps la relève de la nouveauté classique florentine, non seulement avec Michel-Ange sculpteur mais aussi avec Bramante architecte, c’est encore Florence qui, avec les commandes des Médicis pour leur chapelle funéraire, la Sagrestia Nuova de 1521, commandée à Michel-Ange, inaugura vraiment la période maniériste.
Hormis Michel-Ange, un sculpteur va dominer dans la péninsule la sculpture sur pierre et marbre de la période maniériste, le Flamand Jean de Bologne. Pour autant des architectes-peintres-sculpteurs vont attacher leur nom à cette période. (Voir aussi Architecture : Buontalenti, Ammannati, Sansovino).
Benvenuto Cellini (1500-1571), fils d’un musicien florentin, comme nombre de sculpteurs de son époque a d’abord été formé à l’art de l’orfèvrerie dont il appliquera autant l’esprit que la technique à ses sculptures. Médailleur, il fut aussi écrivain. Exilé de Florence à cause de ses rixes, il pérégrine dans la péninsule, notamment à Bologne où non seulement il se perfectionne dans l’orfèvrerie mais devient aussi un excellent flutiste. Il s’installe ensuite à Rome à 23 ans et entre au service du pape Clément VII comme musicien. Après avoir participé, épée à la main à la défense de la cité papale, lors du sac de Rome, et avoir prétendu tuer le chef des troupes espagnoles, Charles III de Bourbon, il doit fuir la ville occupée et pillée par la soldatesque de Charles-Quint et les lansquenets tudesque redoutables guerriers. En 1528, il est à Mantoue où il exécute le sceau du Cardinal Gonzague.
De retour à Rome, le pape lui commande en 1531 une œuvre importante, un fermail de chape (haute attache pour grande cape liturgique). Certaines sources indiquent que Pompeo, un orfèvre jaloux, aurait provoqué Cellini qui l’aurait occis en pleine rue . D’autres indiquent qu’il a tué par « vengeance du sang » l’assassin de son frère qui avait tué, lui, un garde de la ville. Mais le témoignage de Cellini lui-même devrait prévaloir :
« La quatrième victime était un orfèvre rival qui travaillait pour Cellini; Pompeo de Milan. Cellini a rapporté dans son autobiographie qu'il était devenu amoureux de Pompeo et aimait admirer son physique magnifique alors qu'il travaillait à proximité du four de fusion du fer et de bronze, et qu'il portait l'espoir que ses affections soient réciproques et manifestées par Pompeo. Lorsque Cellini appris que Pompeo était absent du travail ce jour-là et qu’il était l'amant de sa femme, il a admis qu’il a rendu visite à la Villa, où son ex-épouse habitait et rencontra Pompeo à la porte, et le poignarda sur le seuil. Il a immédiatement poignardé son ex-femme après à l'intérieur de la maison pour l’avoir trahi. Les meurtres, les quatrième et cinquième dont se vante Cellini dans ses mémoires, ont été signalé dans son autobiographie comme rien de plus qu'un « accident justifié au cours d'une dispute » plutôt que par malice préméditée. » (Arts3 Network http://www.le-manierisme.com/benvenuto-cellini.html)
Il est également accusé d’avoir dérobé des pierres précieuses dans le trésor papal. La protection des cardinaux dont il avait pu bénéficier n’est plus suffisante. Le pape Paul III le fait emprisonner au Château Saint Ange.
Libéré quelques mois plus tard, en 1540, grâce à l’intervention du Cardinal Hippolyte II d’Este, il suit celui-ci à la cour de France. Pendant les cinq ans de son séjour, il exécute son chef-d’œuvre, sa fameuse salière en or massif. Elle représente Amphitrite (épouse de Poséidon ; chez les romains, elle est Salacia, la déesse romaine des eaux salées[2]) et Neptune (Poséidon), seule œuvre d’orfèvrerie de lui qui n’a pas été perdue. D’une valeur de 50 millions d’euros, elle a été volée au Musée de Vienne en 2003 et retrouvée trois ans plus tard.
Cellini mène en parallèle l’important projet d’une haute porte en Bronze pour le Château de Fontainebleau. Frappé de disgrâce, il n’aura eu le temps que de réaliser son tympan, la fameuse Nymphe de Fontainebleau. Il exécute un médaillon du roi dont se servit Le Titien pour exécuter à son tour, sans jamais l’avoir rencontré, le portrait de François 1er. En 1545, il quitte précipitamment, la cour de Fontainebleau et entre à Florence. Plus tard, pour rentrer dans les bonnes grâce de François 1er, il lui enverra le médaillon.
Cosme 1er lui demande une statue pour La Loggia des Lanzi (des lansquenets) qui doit rivaliser avec le David de Michel-Ange placé devant le Palazzo Vecchio. Cellini va réaliser là une des ces pièces maitresse : Persée Tenant la Tête de la Méduse (qu’il foule du pied). Ce bronze en ronde-bosse de 3 mètres de haut pour un socle équivalent lui aura demandé 9 ans et sera exposé en 1554 dans la loggia, où seront également placés quarante ans plus tard en 1583, l’Enlèvement des Sabine et Hercule en lutte contre le Centaure Nessus de Jean de Bologne.
Soutenu par le peintre-architecte Giorgio Vasari, il est nommé à l’Accademia delle Arti del Disegno de Florence, fondée en 1563 par Cosme 1er . En 1568, il publie un Traité sur la sculpture et la Manière de Travailler l'or.
Sa dernière œuvre importante aura été un Crucifix en marbre (1557) qui sera offert à Philippe II d’Espagne. À partir de 1558, il entreprend d’écrire sa propre biographie, Vie de Benvenuto Cellini par lui-même, imprimée pour la première fois en Italie en 1778. La renommée persistante de son auteur lui doit beaucoup plus que son œuvre artistique. Le compositeur français Hector Berlioz écrira en 1838 un opéra éponyme d’après la biographie de l’orfèvre, biographie qui retrace une vie mouvementée, relate ses voyages dans les villes italiennes, ses séjours à la cour de France, à la cour papale, le tout agrémenté d’assassinats, d’empoisonnements à la poudre de diamants et autres rixes, mais qui témoigne de la vie des artistes en son temps. Première en date d’une autobiographie d’artiste pour autant autobiographie d’un orfèvre en la matière, elle n’est à prendre ni pour or ni pour argent comptant.
Considéré comme le grand orfèvre de la Renaissance, Benvenuto Cellini fut un maître du bronze qu’il travailla en orfèvre, et un des représentants les plus importants du maniérisme italien.
Benvenuto Cellini réalisera avec la Nymphe, un bronze en demi-lune de 2x4 m, l’un des plus grands chefs œuvres de la Renaissance Française : Le corps allongé de la nymphe toute de sensualité est représenté dans un environnement de sangliers, d’un grand cerf aux bois impressionnants, jaillissant et s’élevant au-dessus du bas relief. Prévue (actuellement au Louvre) pour décorer la porte centrale du Château de Fontainebleau, la Porte Dorée, elle sera, en fait, placée après la mort du vainqueur de Marignan au-dessus du portail du Château d’Anet par Henri II en hommage à Diane (chasseresse), sa maîtresse, Diane de Poitiers.
Cellini exécutera de retour à Florence sa seconde et plus célèbre statue monumentale, Persée tenant la Tête de Méduse. D’aucuns considèrent cette sculpture comme aussi importante d’un point de vue esthétique et historique que Les Esclaves de Michel-Ange. Elle marquera un tournant dans la carrière de l’artiste lui-même et dans l’art du bronze, ne serait-ce que par les procédés techniques qu’elle a exigée pour sa réalisation.
Jehan Boulogne ou Jean Bologne ( 1529-1608), natif de Douai, appelé en Italie Giovanni Bologna ou Giambologna, est d’abord l’élève du grand sculpteur belge Jacques Du Brœucq (1505-1584, voir Flandres) à Mons où vivait ce dernier ( et non à Anvers comme l’indiquent certaines sources)[3]. A 26 ans, il passe deux ans à Rome où il est particulièrement attiré par le travail de Michel-Ange avant de se rendre deux ans plus tard, en 1557, à Florence où il s’installe définitivement. Il entre dans le cercle des Médicis et devient le protégé de Cosme 1er puis de François 1er de Médicis, premier et deuxième Grands Ducs de Toscane. Il se marie à Bologne. En 1563, il est fait membre de l’Accademia delle Arti del Disegno, l’académie de Florence à l’origine de laquelle se trouve Vasari et fondée ma même année par Cosme 1er
Si Ammmannati remporte devant lui le concours pour la construction de la fontaine de la Piazza della Signoria. Il réalisera quand même toujours sur concours la statue équestre en bronze de Cosme 1er en 1594. Son célèbre Mercure Volant du Bargello date de 1564.
Il exécute des statues politiques ; entre 1565 et 70, Florence Triomphant de Pise et Les Travaux d’Hercule en référence aux entreprises de Cosme 1er (†1577) et les bronzes équestres du duc et de son troisième fils et second à lui succéder Alexandre 1er (†1609). Cosme et ses fils François puis Ferdinand poursuivront une importante politique de mécénat. Pour son Mercure Volant (au Bargello) bronze de 1574, il utilise la technique de la cire perdue. « cette figure en vol, en appui sur la pointe du pied gauche, véritable défi lancé aux lois de l’équilibre en sculpture. Au bras droit levé, l’index pointé vers le ciel, répond le pied gauche tendu ; au bras gauche plié répond la jambe droite rejetée vers l’arrière » (https://petitegalerie.louvre.fr/oeuvre/mercure-volant).
Pour la Fontaine de Neptune est située sur la Piazza Nettuno à Bologne, construite en 1563, par l'architecte et peintre Tomaso Laureti, originaire de Palerme, il réalise une imposante statue en bronze de Neptune sur un piédestal à écussons aux angles duquel quatre nymphes-sirènes versent l’eau de leurs seins duquel se trouve ; au-dessus quatre ange sont assis qui déversent aussi de l’eau La statue commande de Charles de Borromée (voir Vol.1/Réforme Italie/ Réforme Catholique) et pour laquelle il a fallu battre une maison compte pas moins de 90 jets d’eau. Elle est situé aux cardo et decumanus, les anciennes routes romaines, définissant le centre de la ville. (https://www.bellitalie. org/bologne-fontaine.html)
Pour la Loggia dei Lanzi sur la Place de la Seigneuri à Florence, il exécute l’Hercule luttant avec le Centaure et L'enlèvement des Sabines (1580-83). Dans cette sculpture :
« Il réussit à rendre dans toutes sa complexité le mouvement sinueux que décrivent ici les corps dans leur imbrication spiralée ; si cette sculpture annonce le style baroque, elle reste encore d’esprit maniériste, car elle se recommande exclusivement de l’intelligence et de la fantaisie et se refuse à la débordante vitalité de principales statues baroques. » (Alberto Martini, Renaissance et Baroque, édit. Hachette 1963).
La commande de la statue équestre d’Henri IV commandée par Marie de Médicis du vivant du roi sera placée au devant de l’Ile de la Cité en 1614. Détruite sous la Révolution, elle sera reconstruite en 1818. L’emplacement où elle se situe qui deviendra un petit square, prendra le nom de Square du Vert Galant[4] , surnom donné au roi.
Pour les Jardins de la Villa de Lante construite en 1566 pour la famille Gambara, il réalise entre 1579 et 1583, la Fontaine des Maures montrant quatre Maures soulevant les armes des Gambara, et il élève Le Colosse de l'Apennin, œuvre monumentale. (voir jardins). Pour les Jardins de Boboli, il sculpte vers 1575 dans un marbre de 130 cm la Venus della Groticella, qui s’apprête à entrer dans l’eau de la fontaine, célèbre pour la grâce de son mouvement.
Le style de Jean de Bologne fera école qui comptera des sculpteurs comme Pietro Candido de Bruges et Pierre Cambreville de Cambrai, mais surtout :
Giovanni Caccini (1556-1613) dont le frère ne fut autre que le célèbre compositeur et chanteur, Giulio Caccini (voir Musique) exécuta nombres d’allégories pour les Jardins Boboli et réalisa à l’église San Spirito le Cimborium (architecture en dais sur quatre colonnes pour mettre en valeur ou protégé autel et reliques).
Benedetto de Rovezzano (1474- ca. 1552) : Voir Angleterre/ Sculpture.
Piero (ou Pirro) Ligoro (1500-1583), très influencé par Jules Romain, architecte et paysagiste de la Villa d’Este à Tivoli (1550-1565), il sera l’architecte et le sculpteur de la Casina (pavillon d’été) de Pie IV en 1558-62. Il établira surtout sa renommée comme peintre de façade.
Daniel Riciarelli de Voltera (1509-1566), stucateur de formation, exécutera les marbres de St Paul et St Pierre, du Tempietto de San Pietro in Montorio (voir Bramante) et notamment le buste de Michel-Ange, son maître.
Domineco del Barbieri (1501/06-1570) est connu en France sous le nom de Dominique le Florentin. Il travailla aux côtés du Rosso et du Primatice à Fontainebleau et surtout à Troyes où il sculpta des vierges et des saints pour les églises de la ville, et réalisa notamment le jubé de la Collégiale Saint Étienne en 1550-51.
(1511-1592) voir Architecture/ Maniérisme Florentin
Alessandro Vittoria (1525-1608) est un des meilleurs représentants de la sculpture maniériste vénitienne. Né à Trente, il vient à Venise à l’âge de 18 ans et entre dans l’atelier de Jacopo Sansovino pour lequel il travaille à la Villa Marciana. Il travaillera aussi à la Villa Barbaro aux côtés de Palladio qui la construite, et aux côtés de Véronèse. Sa production sera importante qui peuplera le Palais des Doges, les villas et les églises.
« Grand spécialiste du buste de marbre ou de bronze ou de terre cuite, Vittoria recherche surtout, comme les peintres vénitiens, réalité et expression du visage. Avec ses nombreux sculptures de patriciens et de doges, il donne un aspect héroïque par de amples vêtements et s’attache à donner de la présence physique au visage dont le regard jaillit d’orbite profondément creusées. » (Geneviève Bresc-Bautier Le Maniérisme in La Sculpture, Taschen 2002).
Taddeo Landini[5] (1557/58-1596), fils de Léonard de Vinci, passe sa jeunesse à Florence où il est connu sous le nom de Fiorantino. Il est formé à l’école de Vasari en 1572. En 1575, il est à Rome où il travaille d’abord avec della Porta puis travaille ensuite régulièrement en indépendant. Son chef-d’œuvre est La Fontaine des Tortues de la Piazza Mattei à Rome. Il réalise ensuite la statue du pape Sixte V placée au Palais des Conservateurs au Capitole. Il recevra régulièrement des commandes de la ville de Rome. De retour à Florence en 1590, il exécute notamment sur les cartons d’Ammannati un décor pour la Salle du Conseil des Cinq Cents au Palazzo Vecchio où les Médicis se sont transportés en 1540. Il réalise deux bustes du pape Clément VIII (1536-1592-1605) qui en fait son architecte et son intendant. Il meurt de la syphilis à 38 ans.
Alonso Berriguete (ca.1490-1560), né et mort en Castille-et-León, aura aussi fait partie des nombreux élèves de Michel-Ange (voir Espagne/Sculpture).
Il est le fils de Pedro Berruguete (1450-1504), le peintre du gothique International le plus important de la péninsule Ibérique . Il séjourna une dizaine d’années à la cour du Duc de Montefeltro à Urbino (Voir Quattrocento/Peinture/Lombaardie).
Notes
[1] Dialogo della pittura intitolato l'Aretino (Dialogue de la peinture intitulé l'Arétin (1557) de Ludovico Dolce (1508-1578), vénitien, théoricien de la peinture et tragédien particulièrement prolixe.
[2] Certaines sources indiquent qu’il s’agit de Cybèle, née au Proche-Orient, déesse mère, Grande Déesse, Magna Mater ; ce qui est moins vraisemblable.
[3]https://www.mons.be/vivre-a-mons/mons-et-son-histoire/personnages-celebres/artistes-celebres/jacques-du-broeucq : « Depuis au moins 1539-40, il réside à Mons, près de la rue des cinq visages, en plein centre-ville, où il réside jusqu'à sa mort. »
[4] Pour l’anecdote, on dit que Henri IV eut 73 maitresses officielles. Voir https://www.histoire-et-secrets.com/liste-des-maitresses-dhenri-iv-le-vert-galant/ d’Anaïs Geeraert qui en compte une quarantaine.
[5] Base de la biographie : di Gerardo Doti - Dizionario Biografico degli Italiani - Volume 63 (2004), http://www.treccani.it/enciclopedia/taddeo-landini_(Dizionario-Biografico)/
LA RENAISSANCE DANS L'EUROPE DU XVème SIÈCLE (hors l'Italie)
Introduction - France - Espagne - Outre-Rhin - Outre-Manche
Le Moyen-âge s’achève en architecture par le Gothique Tardif, extrême expression d'un Gothique Flamboyant à bout d’imagination, en peinture par le Gothique International qui, pour toute l’Europe? unifie le goût en un Style Courtois dont le raffinement confine à l’afféterie, et par une sculpture qui a fini par acquérir son indépendance vis-à-vis du bâti et s’est ouverte par sa tendance au réalisme (École de Bourgogne) et son esthétisme (Art de la Détente) à de nouvelles formes. En musique, la polyphonie, après avoir régné pendant quelque cinq siècles, va briller en super nova de ses derniers et munificents éclats.
Se lève alors l’aube des Temps Modernes, sous le soleil nouveau de l’Humanisme. A Florence, philosophes, lettrés et artistes vont baigner dans la lumière de la sagesse antique et mettre au jour les canons et les ordres qui ont gouverné son art. Il en est fini du Moyen-Âge que de nos jours encore on qualifie a contrario d’obscurantiste. L’homme va devenir maître de son destin.
L’artisan, lui, va devenir artiste, sortir de l’anonymat et porter un nom. Et celui qui plus qu’un nom acquerra un renom va, appelé dans les cours royales, princières ou ducales, transmettre son talent, faire école. Les échanges artistiques vont suivre les chemins des échanges économiques. Entre l’Italie et les Pays-Bas, bourguignons puis espagnols, les commandes d’œuvres et les séjours des peintres et musiciens, d’un pays à l’autre, ne seront pas moins intenses que la circulation des marchandises et des flux financiers. Si la péninsule italique a été la première à puiser son inspiration culturelle dans l’antiquité grecque et romaine, à la même époque, la Flandre pouvait non seulement s’enorgueillir de systématiser une technique à l’huile qui allait révolutionner la production picturale européenne, mais apporter encore avec son réalisme et sa rigueur, le fond sociologique qui va alimenter les thèmes artistiques.
La France attendra le XVIème siècle pour entrant de plain-pied dans le maniérisme recevoir les artistes romains et florentins. L’Espagne fera d’abord venir des plans puis ensuite des architectes du Nord avant que, maitresse du Royaume des Deux Siciles, certains de ses peintres et musiciens n’aillent voir et entendre ce qui depuis plusieurs décennies du génie italien avait révolutionné les aspirations et les inspirations artistiques.
Le voyage en Italie devint indispensable à la formation d’un artiste ; ainsi s’amorçait le Tour d’Europe. Si au Moyen-Âge, les particularismes des écoles restaient marqués de par le relatif isolement des régions, à la Renaissance, les particularismes se maintiendront mais non seulement dû à la personnalité de l’artiste devenu créateur, aux désidératas du commanditaire, duc ou bourgeois, mais encore dû à une volonté politique d’ostentation, l’art devenant la vitrine de la richesse et de la puissance du pouvoir temporel tout autant que du religieux.
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Le Moyen-Âge s’achève aussi au plan politique avec la fin du système féodal qui était basé sur la vassalité de seigneur à suzerain, au profit de l’affirmation, la centralisation du pouvoir royal. Une langue nationale va être, si elle ne l’était déjà, proclamée officielle, sortir progressivement de son emploi administratif exclusif pour devenir au fer et à la forge des écrivains une langue culturelle de plus en plus riche et précise et remplacer lentement mais sûrement un latin de cuisine ‘farci’ de patois. Parallèlement, des genres littéraires nouveaux apparaissaient.
Pendant ces deux siècles de la Renaissance, si les arts, la musique, la littérature furent particulièrement florissants, aspirant à l’ordre et à l’harmonie, c’est pourtant dans un climat général d’inquiétude et de conflits qu’ils se développèrent. L’Europe, à tout bien considéré, ne fut en paix avec elle-même que dans la cinquantaine d’années de la seconde moitié du XVème siècle, entre la fin de la Guerre de Cents Ans et le début des Guerres d’Italie qui se poursuivirent jusqu’au milieu du XVIème siècle alors que la tourmente de la Réforme allait venir bouleverser plus encore les mentalités. Les guerres de religions et de successions étant comme les points d’orgue de cette époque si créative et si bouillonnante.
* * *
La Grande Famine de 1315-17 et la Grande Peste Noire de 1348 à1353 ont entrainé une véritable hécatombe de la population européenne. L’Europe comptait une population de 65 millions d’habitants avant la grande épidémie qui fit au milieu du siècle au moins 25 millions de victimes (30 à 50% de la population selon les estimations). Elle comptera au plus 40 millions d’habitants à la fin de l’épidémie qui connaitra pourtant des résurgences jusqu’à la fin du siècle. Du fait de ces épidémies sporadiques qui se sont poursuivies pendant des décennies, et de la faible natalité, l’accroissement démographique fut lent pour n’arriver un siècle plus tard qu’à une population de 45 millions d’habitants et de 50 millions au début du XVIème..
La poussée démographique fut plus forte sous le siècle de la Haute Renaissance, 65 millions en son milieu et 85 à sa fin.
Avant la Guerre de Trente Ans commencée en 1618, on a estimé la population de Paris à 250 000 habitants, Londres à 200000, Venise à 150000, Lisbonne à 145000, Milan à 120000, Palerme à 105000, Rome à 100000, Prague à 100000, Florence à 76000, Grenade à 72000, Amsterdam à 68000, Madrid à 65000, Rouen à 65000, Bologne 63000, Vienne à 55000, Bruxelles à 50000, Anvers à 47000, Cologne, Hambourg, Copenhague à 40000 (Wikipédia).
Repères au plan politique
:
1422-1498 : Règnes des roi Charles VI, VII, VIII et de Louis XII en France.
1437 : Fin du règne de la Maison du Luxembourg sur le Saint empire .
1452 : fin de l’Empire d’Orient avec la chute de Constantinople.
1453 : fin des combats de la Guerre de Cents Ans.
1455-1485 : Guerre des Deux Roses entre la Maison de Lancastre qui règne pendant la première moitié du siècle et la Maison d’York dans la seconde moitié.
1419 : Assassinat Jean-Sans-Peur , Duc de Bourgogne ordonné par le Dauphin, futur Charles VII.
1467 : Mort de son fils Philippe III le Hardi ;
1453. Retour des Habsbourg, Frédéric III montera sur le trône impérial en 1452.
1469 : Union de la Castille et de l’Aragon par le mariage des Rois Catholiques, Isabelle 1ère et Ferdinand V.
1474 : Mort au combat de du dernier Duc de Bourgogne Charles Le Téméraire.
1482 : Traité d’Arras : Scission des États Bourgui- gnons : Le Nord pour les Habsbourg et les terres françaises pour Louis XII.
1485 : Mort de Richard III, fin de la dynastie des York et règne de Henri VII, début de la dynastie des Tudor.
1492 : Fin de la Recon- quista avec l’abdication du dernier émir nasride de Cordoue. Cristóbal Colón accoste aux Bahamas.
Courant du siècle, début des Grandes Découvertes portugaises sur les côtes africaines.
au plan religieux :
1414-1418 : Concile de Constance
1431-1448 : Concile de Bâle et son mini- schisme,
1419-1458 : Guerre des réformateurs hussites en Bohême.
1472 : Instauration de l’Inquisition Espagnole
Pour une approche synchronique, rappel de quelques grands noms de la littérature ,de la pensée et de la musique, contemporains de ces événements et des artistes du Quattrocento :
Les écrivains et poètes
:
Ange Politien 1454-1494 Laurent de Médicis 1448-1492
Jacopo Sannazaro 1457-1530 L’Arioste 1474-1533 Pietro Bembo 1470-1547
William Dunbar 1460-1520 David Lyndsay 1490-1555
Juan del Encina 1468-1433 Gil Vicente 1465-1537
Jean Molinet 1435-1507 Jean Marot vers 1450-1526 Ph. de Commines 1447-1511
Les humanistes
:
Marsile Ficin 1433-1499 Pic de La Mirandole 1463-1494
Johannes Reuchlin 1455-1522 Érasme 1466-1536
John Colet 1467-1519 Thomas More 1478-1519
Lefèvre d’Étaples 1450-1537 Claude de Seyssel 1450 -1520 Guillaume Budé 1467-1540
Les musiciens :
John Dunstable 1390-1453
G.Dufay 1400-1471 Jean Ockeghem 1420-1497 Johannes Tinctoris 1435-1511
Antoine Busnois 1433-1492 Gilles Binchois 1400-1460 Josquin des Prés 1435?-1521
Jean Mouton 1460-1522 Pierre de La Rue 1455? 1518
Juan del Fermoselle 1468-1533
Pour la période du Gothique Tardif voir aussi Bas Moyen-Âge/Le Gothique International.
Architecture Religieuse voir Bas Moyen-Âge/Art Gothique
Paris ne deviendra la capitale française qu’en 1528 sous François 1er, après la mort de Claude de France en 1527, il quitte Fontainebleau. Et définitivement, malgré le repli de 1584 à 1598 sur Tours de Henri III chassé de la ville par les Ligueurs. Jusqu’alors, la ville du château du Louvre et du château de Vincennes, de l’Hôtel St Pol et de La Bastille qui se trouvaient tous deux à mi-chemin des deux châteaux, n’était qu’un lieu de résidence royale, important certes mais non le seul, la capitale se déplaçant avec le roi et sa cour de châteaux en châteaux, emportant tout ce qu’il y avait de meuble, laissant l’im - mobilier (les demeures) bien évidemment sur place.
A partir du début du XVème siècle, Charles VII (1403-1461), cinquième des rois de la Maison des Valois, surnommé le Roi de Bourge, le Roi sans Terre, et enfin le Victorieux, Duc de Berry en 1417, roi en 1422, marié à Marie d’Anjou, établira sa cour à Bourges, patrie de Jacques Cœur[1]. Il aura une résidence à Mehun-sur-Yèvre. Leur fils, Louis XI (1423-1483), né à Bourges, meurt à Plessis-Lès-Tours. Deux villes du Val de Loire. Son fils Charles VIII (1470-1498) nait et meurt à Amboise sur Loire. Louis XII (1462-1515), petit-fils du frère de Charles VI, Louis 1er d’Anjou, nait à Blois. Charles VIII, après un bref intermède à Moulins, retour d ‘Italie, ramènera la capitale à Tours.
Le roi Charles VI, monté sur le trône en 1380 meurt en1422 après avoir fait travailler les artistes flamands de l’École Franco-Flamande. Le Duc Jean de Berry (1340-1416) qui avait réuni autour de lui les artistes de L’École de Bourges auxquels il confiait l’embellissement de ses châteaux et commandait aux miniaturistes parisiens d’enluminer des psautiers et bréviaires, meurt en 1416.
Si l’on ne décèle pas une activité artistique notable au cours du premier quart du XVème siècle, par la suite trois écoles, d’Anjou, de Tours et d’Avignon vont révéler de grands, voire de très grands noms qui vont marquer le cours de l’histoire de l’art en France. Si de l’École d’Anjou, on retient essentiellement les noms des enlumineurs le Maître de Jouvenel et le Maître de Rohan, de l’École de Tours, on retient surtout Jean Fouquet, et de l’École Provençale ou d’Avignon, les noms de Enguerrand Quarton et Nicolas Forment.
Sur les Écoles de Bourges (Berry) et de Bourgogne voir Tome 1/Art Gothique/Gothique International/France/)
L’Art de la Détente se répand sur les bords de Loire et dans le Centre de la France, au XVème siècle. Les historiens ont donné à ce mouvement, qui s’étendit sur un siècle, les noms d’Art du Val de Loire ou École de la Loire et usent à leur sujet des termes d’ «art ligérien» (de Loire), de «détente» ou, mieux, d’« art ligérien de la détente». Les sculptures aux formes souples dont des vierges, déhanchées comme celles de la statuaire parisienne, au caractère indolent, la tête penchée, mélancolique
Jean-Marie Guillouët, qui caractérise cet art par « la mesure des gestes, l’élégance des proportions, le raffinement des attitudes ou la douceur des formes », conteste pourtant qu’« une véritable cohérence stylistique soit mise en évidence et autorise à parler d’école.[2] »
Pour P. Francastel (opus cité), il trouve ses origines dans la peinture, celle des paysages des Frères Limbourg (Tome 1) et de Fouquet.
En sculpture, deux œuvres en sont particulièrement représentatives : le Tombeau des Carmes, gisant du Duc de Bretagne François II et de son épouse Marguerite de Foix (Cathédrale St Pierre et Saint Paul, Nantes) réalisé par Michel Colombe (1430-1515) ; et la Vierge à l’Enfant de l’Olivet (Louvre) exécutée par Guillaume Regnault, neveu et élève de M. Colombe.
On le retrouve en peinture dans le Couronnement de la Vierge du peintre Lombard, dit le Bourguignon (Ambrogio Stefani da Fossano, dit le, †1523), le Chanoine Présenté par St Jérôme (Musée d’Oxford) exécuté à Amiens, L’Adoration à l’Enfant, peint en Provence (Musée Calvet), La Pietà Parisienne (Louvre).
Ce style doux va se répandre en France et en Allemagne. Outre-rhin, les ateliers de sculptures se mettent à produire des madones au déhanchement caractéristique, appelées « belles madones » pour leur allure gracieuse, leur air doux, rêveur voire langoureux, s’adaptant ainsi à leur manière au doux (soft en anglais) Weicherstil, équivalent de L’Art de la Détente des bords de Loire. Son principal représentant est Veit Voss (1448 ?-1533 voir Outre-rhin/peinture) qui œuvre à Nuremberg.
Michel Colombe (1430-1515), né à Bourges, mort à Tours, est le frère de l’enlumineur Jean Colombe (1430-1496). Après avoir travaillé à Bourges où son père l’a formé au métier de sculpteur, et dans le Bourbonnais, il est à Tours en 1496 à soixante ans passés. Son œuvre maitresse, actuellement à la Cathédrale de Nantes, est le Tombeau de François II Duc de Bretagne et de son épouse Marguerite de Foix (voir Art de La Détente), commandé par Anne de Bretagne, fille du Duc, épouse de Charles VIII et de Louis XII. Le tombeau sur un dessin du peintre Jean Perréal sera achevé par son neveu Guillaume Regnault qui reprendra son atelier.
Colombe est qualifié de « dernier imagier du gothique » pour autant, il a su « allier la douceur et la fermeté de l'art ligérien [relatif à la Loire] de la fin du gothique à l'italianisme naissant » (Encyclopédie Larousse). Dernier des imagiers médiévaux si l’on considère qu’Antoine Le Moiturier la devançait à la naissance comme à la mort de quelques années (1425-1497). Colombe qui appréciait Le Moturier l’a qualifié de « souverain tailleur d’images.»
En peinture, le Maître de Moulins, actif de 1483 à 1501 à la cour des ducs de Bourbon et d’Auvergne, est le meilleur représentant du style où « le décor de ses compositions ne se départit jamais d’une sobriété du goût le plus parfait…Le climat de [son] style est la sérénité et une douceur un peu grave. Tout élément dramatique en est banni, les gestes s’apaisent, les paysages se voilent d’une légère brume, les corps se penchant dans une attitude de souplesse molle.» (P. Francastel, Op.cit.)
En 1488, Pierre de Beaujeu, devient Duc Pierre II Bourbon. Il est marié à Anne, sœur du roi Charles VIII, fille de Louis XI. En 1490, le roi fait halte à la cour. Le duc et son épouse Anne sont régents du royaume lors des campagnes royales en Italie. Ils sont alors en train de faire ajouter une aile avec chapelle, en gothique flamboyant, côté nord de leur château construit à Moulins, dans la dernière moitié du XVème siècle par Louis II de Bourbon (voir 1500/Architecture France/ Pavillon Anne de Beaujeu).
Le Maitre de Moulins reçoit à cette occasion commande d’un Triptyque de la Vierge (Cathédrale Notre-Dame de Moulins). Ce triptyque, daté de 1500-1501 par la présence de la toute jeune fille de la famille ducale est l’œuvre majeure du peintre. Il représente la Vierge Glorieuse et l’Enfant sur le panneau central, les donateurs sur les deux panneaux latéraux. On a longtemps été incertain sur l’identité du maître que l’on a cru un temps être Jean Perréal (1445-1428, voir 1500/Peinture/France), mais l’on s’accorde maintenant à reconnaître en lui le peintre flamand Jean Hey. C’est son Ecce Homo, peinture sur bois de 1494 qu’il a fallu reconstituer, qui a permis de l’identifier.
Jean Hey va d’abord travailler à la cour des ducs de Bourbon avant de travailler à celle de Louis XI. Formé à Gand, à la rigueur flamande de Huygue van der Goes (1440-1482) comme on le sent dans sa Nativité avec le Cardinal Jean Rollin (vers 1480), il s’orientera vers plus de souplesse et de raffinement. Sa manière caractéristique de l’ Art de la Détente n’ignore pas les influences sensibles de la Renaissance Italienne. Jean Hey est considéré comme le grand peintre franco-flamand de la fin du XVème siècle.
Portraitiste, on lui doit notamment les Portraits de Madeleine de Bourgogne et du dauphin de Charles VIII, Charles-Orléans (1492-95). Il est avéré maintenant que la Nativité avec le Portrait de Jean Rollin[3] de 1480, Sainte Madeleine présentant une Donatrice (1485-90) et ce Triptyque sont de la même main de Jean Hey, de même que L’Enfant aux mains jointes du Louvre et le Diptyque (1488) de Pierre de Beaujeu avec Saint Pierre et de son épouse Anne avec Saint Jean (Louvre). Entre autres peintures, aussi, Madeleine de Bourgogne, avec Sainte Madeleine (Louvre), la Vierge aux Anges (Bruxelles), et le
Portrait d'une Jeune Princesse, très probablement, la fille de Maximilien 1er, Marguerite d'Autriche (1490-91). On attribue dans l’ensemble au Maître une quinzaine de peintures, une miniature, un dessin (Profil de Jeune Homme, Louvre) et probablement des cartons pour vitraux.
« L'étude de ses œuvres permet de reconstituer le développement de la carrière du Maître de Moulins. Ses premiers tableaux révèlent que sa formation a dû se faire en Flandre, dont il gardera le goût de la fidélité naturaliste dans le portrait, dans le rendu des matières, dans le paysage et quelques formules de composition et d'iconographie. Il restera marqué de façon décisive par l'influence des œuvres de maturité de Hugo Van der Goes, auxquelles il emprunte, outre la couleur claire et froide et le dessin aigu de ses débuts, son modelé dense et éclairé de reflets, certains types de visages et l'allure générale de ses personnages, qu'on retrouvera au long de sa carrière ». (Dictionnaire de La Peinture, Édit. Larousse)
Antoine le Moiturier (1425-1497), né en Avignon et mort à Paris, est formé par son oncle, le sculpteur Jacques Morel (1459),actif dans la première moitié du XVème siècle à Lyon et à Angers mais aussi actif entre 1429 et 33 en Avignon, puis entre 1441 et 45 (Antoine est alors en âge d’être formé). Antoine travaille aux côtés de son oncle au Tombeau de Charles 1er de Bourbon et d’Agnès de Bourgogne, respectivement duc de Bourbon et d’Auvergne et fille de Jean-Sans-Peur.
En 1461, il est de retour en Avignon où il exécute le retable du maître-autel de l’église St Pierre dont il ne reste que deux anges. Dans la même période, il travaille au grand portail ( voussure) de l’Abbatiale de Saint-Antoine-l ‘Abbaye (Isère) et en bourgogne travaille pour l’Abbé de Cluny Jean de Bourbon qui fonde à la fin du XVème siècle l’Hôtel de Cluny dans le Quartier Latin, actuel Musée du Moyen-Âge.
De 1466 à 1494, il vit à Dijon où il achève par les deux gisants du Tombeau de Jean St Peur et de sa femme Marguerite de Bavière entre 1466 et 69, commencé par Juan de la Huerta (voir Sculpture Espagne) qui avait pris la fuite en 1456. Pour cette œuvre dont il ne reste que les masques et les mains (l’ensemble a été reconstitué en 1819-27), il a été recommandé au Duc Philippe le bon par sa sœur Agnès de Bourgogne qu’elle savait être le neveu de Jacques Morel qui avait réalisé le tombeau de Charles de Bourbon et d’elle-même dans l’église de Souvigny (près de Moulins).
« La rupture avec l'art de Jean de La Huerta, tout en courbes et en délicatesse, apparaît dans la conception des volumes : Le Moiturier construit ses figures selon des formes géométriques très simples, qu'il juxtapose les unes aux autres : triangle, rectangle et cercle. Ce parti pris est souligné par l'extrême simplicité des drapés ; l'artiste n'a pas recherché les effets de lumière ». (Alain Erlande-Brandenburg, Encyclopédie Universalis)
En 1477, il est appelé à Beaune comme maître d’ouvre du jubé de la Collégiale Notre-Dame. En 1490, il exécute la Mise au Tombeau de la Collégiale Notre-Dame de Semur en Auxerrois. Il meurt à Paris sept ans plus tard en « povre homme non marié ».
Les deux œuvres dont on est certain qu’ils sont de sa main sont le Tombeau de Jean-sans-Peur et le retable de l’ Abbatiale Saint Antoine en Viennois[4] dont l’ornementation a été grandement détruite en 1562 par le célèbre Baron des Adrets et sa troupe de 12000 huguenots. Il est fort probable que Le Moiturier ait exécuté les 87 statuettes de la voussure du porche central dans le style propre à l’École de Bourgogne fondée par le sculpteur Claus Sluter (1355-1406, voir Tome I, Art Gothique/Sculpture).
L’attribution du Tombeau de Philippe Pot (†1493), Grand Sénéchal de Bourgogne, reste incertaine.
La naissance du comté de l’Anjou remonte au 10ème siècle. Aubas Moyen-âge, il est au cœur de l’empire des Plantagenêt qui s’est étendu aussi sur les comtés du Maine et de Tours. En 1202, Philippe Auguste confisque les territoires de Jean-Sans-terre, roi d’Angleterre. En 1204, le comté est intégré au domaine royal.
Son petit-fils, Louis IX (St Louis †1270) confie le comté à son frère, le Roi de Naples et de Sicile, qui devient Comte d’Anjou sous le nom de Charles 1er. En 1360, Jean II le Bon érige le comté en duché et le donne en apanage (concession royale) à son deuxième fils, Louis (†1384) qui devient Louis1er d’Anjou. Son frère cadet Charles (1416) reçoit en apanage le duché de Berry et leur plus jeune frère Philippe le Hardi (†1404) sera duc de Bourgogne.
Le duché va plonger dans la tourmente de la Guerre de Cents Ans qui verra les troupes anglaises inlassablement envahir, détenir et perdre des territoires du duché, jusqu’à la victoire française de la Bataille de Castillon en 1453 qui sonnera la fin des combats de la Guerre de Cent Ans.
Dans les premières décennies, le duché est exsangue économiquement et démographiquement. Le petit-fils de Louis 1er, le Bon Roi René (1409-1480), aux multiples titres, entre autres roi de Naples, comte de Provence et duc de Lorraine, devient Duc d’Anjou en 1434. Il va redonner vie au duché, notamment par une politique de grands travaux, la restauration et la rénovation de nombreux châteaux -de Baugé, de Plessis–Bourré, de Montsoreau , de Lude, de Plessis-Malacé)- développant ainsi une ambitieuse politique culturelle.
Amoureux des arts, il embellit ses résidences de Lorraine, de Provence (Aix, Avignon) et en Anjou, ses châteaux et pavillons de chasse où il fait dessiner des parcs. Il s’entoure de musiciens, de poètes et passe commande à des peintres–enlumineurs des ateliers parisiens qu’il fait venir en Pays de Loire.
Il aura soutenu durant la guerre, Charles VII qui reprendra Paris au Anglais en 1436 (voir Événements Majeurs).
A Paris, un atelier de peinture était fort actif. Il comptait des enlumineurs.
Actif dans la première moitié du XVème siècle, il illumina le Bréviaire à l’Usage de Salisbury pour le Duc de Bedford, Jean de Lancastre, qui, occupant Paris, fut Régent de France pour le compte de son frère Henri V Plantagenêt de 1422 à sa mort en 1435. Le Maître de Bedford, pourrait être Jacquet Lescuyer, le seul des enlumineurs à être resté à Paris alors que la capitale était occupée par les Anglais et les Bourguignons de 1420 à 1436.
Après avoir quitté son atelier de Paris, le même que celui du Maître de Bedford, il enluminera les Heures de René d’Anjou (1434-35) dont une des miniatures serait de Jean Fouquet.
Actif de 1447 à 1460, formé à Paris, il enlumine dans la seconde moitié du XVème siècle, en plusieurs exemplaires, le Livre d’Heures pour l’Usage d’Angers. Il formera à Angers un groupe avec notamment le Maître du Boccace de Genève et le Maître du Boèce . Certaines des œuvres qui lui étaient attribuées sont reconnues actuellement comme étant de J. Fouquet jeune.
Le Mosan (Bords de Meuse hollandaise) Barthélemy d'Eyck, actif à sa cour de 1444 à 1470, enlumine plusieurs manuscrits dont un écrit par le roi René dans le genre courtois, Le Livre du Cœur Épris. Ce peintre pourrait être une descendance de Jan van Eyck (1390-1441) originaire lui aussi du Pays Mosan.
Une de ces entrées est celle de Claude de France, épouse de François 1er. Il pourrait être Jean Coene IV, actif dans le premier quart du XVIème siècle, dont l’abondante production de livrets, quasiment en série, entacha la qualité d’exécution.
Actif à Paris de 1434 à 1466, il fut le principal collaborateur du Maitre de Bedford. Il doit son nom à son enluminure des Heures de Dunois pour le Comte de Jean Dunois (Jean d’Orléans †1466), neveu de Charles VI, compagnon d’armes de Jeanne - d’Arc. Plus proche des Primitifs Flamands que son maitre Bedford, on sent chez lui leur influence dans les plis cassés des draperies mais aussi dans « les paysages [qui] présentent différents plans dégageant une perspective atmosphérique typique de la peinture flamande. (Wikipedia).Il pourrait être Jean Haincelin (documenté en 1444-1449), enlumineur parisien qui a travaillé pour Charles, duc d'Orléans, et Prigent de Coëtivy, amiral de France.
Au milieu du XVème siècle, la Guerre de Cent Ans une fois terminée dans les faits en 1453 par la victoire écrasante des Français à la Bataille de Castillon, la paix s’installe. Monté sur le trône en 1461, Charles VIII déplace la cour de Bourges à Tours sur ces bords de Loire où un demi-siècle plus tard vont commencer à s’élever les châteaux qui feront de la Touraine, le « Jardin de la France », et où naitront deux poètes qui deviendront amis, Joachim du Bellay et de deux ans son cadet, Pierre de Ronsard.
Alors qu’il fallait remonter au règne de Charles V (†1380) pour trouver des peintres français sur panneaux et murs comme Girard d’Orléans et son fils Jean (voir Bas Moyen-âge/peinture/France), Tours va devenir un centre artistique rayonnant où vont être réalisés enluminures, peintures sur panneaux, sculptures, tapisseries. Ses plus illustres représentant vont être :
Jean Colombe (1430-1496), né et mort à Bourges, fils d’un sculpteur de l’École de Bourges et frère de Michal Colombe, lui aussi sculpteur, installé à Bourges travaillera pour les notables locaux mais aussi pour la cour de France et pour le Duc de Savoie dans les années 80. Sa production est abondante, sans doute un peu trop, pour en assurer la qualité. Entre 1465-70, il réalise les miniatures du Livre d'Heures de la bibliothèque de Moulins. Entre 1480-90, finit d’achever le célèbre manuscrit des Très Riches Heures du duc de Berry des Frères Limbourg (Tome 1/École de Bourges). On lui doit aussi parmi ses meilleures réalisations : Les Heures de Louis de Laval, la Vita Christi, le Romuléon (Bibliothèque nationale, Paris). S’il n’est pa étranger au ‘classicisme’de Fouquet, il reste attaché au mouvement, à l’abandonce des éléments ; ce qui pour certains est minoratif et pour d’autres la marque « un grand sens de l'art du mouvement et de l'expression des émotions. » (L’Encyclopédie de Bourges)
Jean Fouquet (ca. 1420-1478/81), né sans doute à Tours, pourrait être le fils d’un prêtre, mais nous ne savons rien de sa jeunesse sinon qu’il a pu séjourner à Paris et être formé dans les ateliers des Frères Limbourg de par la ressemblance de la facture et des sujets (les monuments de Paris) dans ses premières œuvres ; ou bien formé par le Maître de Bedford.
Dans son Traité d’Architecture (1465), Le Filarète (Antonio di Pietro Averlino, 1400-469) énumère aux côtés de Jan van Eyck et de van der Weyden, J .Fouquet comme bon dessinateur, qui a peint un portait d’Eugène IV, pape de 1431 à 47. Le séjour de Fouquet à Rome a dû se faire aux alentours de 1445. On pense qu’il a pu rencontrer Fra Angelico à Florence, voire même travailler avec lui. Il a pu aller aussi à Ferrare comme peut en témoigner Le bouffon Gonella (v. 1445, huile sur bois), bouffon de la cour du Duc d’Este. Lorsqu’il revient à Tours en 1448, il a acquis une renommée européenne. Il devient Peintre du Roi sous Louis XI. « Grâce à lui, la Touraine a été le seul Pays de France à connaître l’art du Quattrocento. » (Charles Sterling, L’Art du Val de Loire, Édit. Musées Nationaux, 1952).
Dans ses Heures d’Étienne Chevalier (vers 1450), et ses Antiquités Judaïques (de Flavius Joseph 1er siècle, 1458), il applique les leçons qu'il a retenues de son voyage en Italie. On peut y déceler l’influence de Fra Angelico. La disposition en étagement des scènes annonce l’intérêt particulier qu’il apportera dans son œuvre ultérieure à la composition, à la prise d’espace, à la mise en scène, dont son rôle d’organisateur et créateurs[5] de bals costumés à la cour royale et des cortèges publics, lui permettra d'en avoir une approche concrète. Sa vision s’amplifiera en éliminant l’étagement des plans pour placer la scène soit en prise directe avec le spectateur lui aussi dans la même rue (ce qui ne va pas sans faire penser au Masaccio de Saint Pierre guérissant de son Ombre,1426), soit en la plongeant dans un vaste panoramique qui occupe toute la surface peinte.
Dans son Portrait du Roi Charles VII (c.1450-55), il reprend l’initiative de son contemporain Jan van Eyck de présenter le visage de trois-quarts et non plus de profil. Formule qui fera florès tout au long de la Renaissance. (Da Vinci placera le visage de la Joconde entre ¾ et de face et en demi-figure).
Études de l’intérieur et de l’extérieur simultanées d’un édifice, études des cheveux en raccourcis et en mouvements, mélanges complexes des points de fuite sont quelques uns des domaines sur lesquels ce peintre, ô combien innovant, porta ses recherches et fera par cela évoluer la peinture vers une maîtrise toujours plus grande de l’espace et de la représentation en trois dimensions optiques. La composition de ses tableaux s’inscrit souvent dans un cercle principal (généralement central) coupé d’un second cercle plus petit qui renferme la partie significative, le motif principal. Il se sert également du rapport dit du nombre d’or équivalent à ≈1,618[6] pour en utilisant soit la mesure de la largeur soit celle de la longueur du cadre ainsi tracer des lignes fictives qui délimitent une zone du tableau à mettre en valeur.
Le Diptyque de (l’église Notre-Dame de) Melun (1452-1458, 185x85cm) montre Étienne Chevalier, trésorier du roi, en rouge, présenté sur fond architectural avec soin de la perspective qui a pour point de fuite le cou de la vierge à laquelle il est présenté par St Étienne (volet de gauche), en bleu. Sur le panneau de droite, sur fond bleu, le sein nu, la Vierge à l’Enfant, et des anges rouges ; peut-être le portrait le plus connu de Fouquet. Les tons pales de sa peau, de sa cape et de la chair de l’enfant contrastent avec les valeurs soutenues de bleu et de rouge en arrière-plan. Sa composition est résolument rondoïde, de même que l’ensemble des personnages s’inscrit dans un demi-cercle.
La Pietà de Nouans (1450-65). Pour cette huile sur bois qui est son plus grand tableau (146 × 237 cm.)
« Fouquet a choisi une iconographie très originale. La scène représentée est à mi-chemin entre une Pietà et une Descente de croix. Une Piéta figure généralement la Vierge tenant le corps de son Fils mort sur ses genoux, épisode qui se situe chronologiquement entre la Descente de Croix et la Mise au Tombeau. Or, ici ce n’est pas la Vierge mais Nicodème et Joseph d’Arimathie qui tiennent le corps du Christ. Ces derniers le déposent doucement sur les genoux de sa mère. Le seul autre exemple connu de cette iconographie rare est une Descente de Croix de Hugo van der Goes. » (https://lesyeuxdargus.wordpress.com/2015/09/10/la-pieta-de-nouans-de-jean-fouquet/)
« On ne dira jamais assez, ce qu’il doit à l’Italie de Fra Angelico et à la séculaire expérience française de la sculpture monumentale. Ce sont les grandioses agencements des portails des cathédrales et la tranquille densité des statues qui ont permis à Fouquet de saisir le profond accord entre l’espace et les corps, entre la forme et la lumière, toute cette vision organique du monde et cette fascinante poésie plastique des volumes purs que les Florentins venaient de découvrir » (Charles Sterling, L’Art du Val de Loire, Édit. Musées Nationaux, 1952).
Jean Bourdichon (1456/57- 1520/21), né et mort à Tours, est un peintre-enlumineur formé à l’atelier de Fouquet. L’un des deux fils de ce dernier Jean ou François, connu sous le surnom du Maître du Livre de Boccace de Munich aura sur lui une forte influence. Il travaillera pour Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François 1er. Enlumineur très réputé de son temps, son œuvre maitresse est l’enluminure des Grandes Heures d'Anne de Bretagne (Horace ad usum Romanum Heures à l’usage de Rome) qui lui demandera cinq ans de travail, de 1503à 1508. En 43 pleines pages, ce manuscrit est considéré comme le plus célèbre des manuscrits enluminés français. Il contient outre le nécessaire calendrier des heures, un herbier de 330 plantes, fleurs et fruits de France, mais aussi d’Amérique et d’Asie, qui se trouvent en bordure de chaque page.
On lui doit également des scènes religieuses dont notamment Le Triptyque de La Vierges avec les deux Jeans (Triptyque de Naples) et des portraits de vierges (en oraison), de christs.
Jean Poyet (ou Poyer †1503/04 ?), est actif à partir de 1483 à Tours. Proche de Bourdichon, il n’en a pas moins été un des peintres les plus importants de son époque. On lui attribue un groupe d’œuvres dont notamment le Triptyque de Liget (ou de Loches, le Christ Portant sa Croix, la Crucifixion et l'Ouverture du Tombeau,1485), les Heures Anonymes (ca.1485, musée Teyler de Haarlem), son chef-d'œuvre, les Prières d'Anne de Bretagne (ca.1492), les Heures de Charles VIII (ca.1495, New York, P. Morgan Library), et les Heures de Jean Lallemant (ca.1498, Londres, British Library). On lui attribue aussi The Hours of Henry VIII (ca. 1500).
« Sa maîtrise de la perspective, son utilisation subtile de la couleur et de la lumière et sa représentation convaincante de la figure humaine montrent une rupture avec le style gothique tardif. Les influences des peintures de la Renaissance sont perceptibles: Poyet s'est rendu en Italie et a découvert les œuvres d'artistes tels que Andrea Mantegna [Mantoue]et Giovanni Bellini [Venise] … dans sa période de maturité à partir de 1490], il a commencé à utiliser une palette plus claire et plus pastel, appliquant ses couleurs avec des touches de plumes, presque impressionnistes»
(https://www.wga.hu/bio_m/p/poyet/biograph.html).
« La Provence, voisine de l’Italie, n’a jamais vraiment profité des leçons du Quattrocento. Ce qui restait en Avignon de l’enseignement de Simone Martini n’était que Siennois et par conséquent aux trois quarts gothique. Lorsqu’au milieu du XVème siècle la Provence prend conscience de son propre génie plastique aucun reflets de l’art italien ne se discerne dans ses chefs-d’œuvre, à peine surprend on quelques traits toscans dans les paysages de Froment… Tandis que vers 1500, [avec] la présence de nombreux peintres secondaires [italiens], on assiste à un métissage de l’art provençal et italien… A l’encontre de Fouquet, aucun des grands peintres provençaux n’a nourri sa vision des capitales nouveautés toscanes. La Provence à l’abri des malheurs de la guerre a accueilli de très nombreux peintres de toutes les régions de France, surtout du nord. Ceux-ci ont introduit l’esthétique gothique, française et flamande tout opposée à l’esthétique italienne. Les Grands chefs-d’œuvre [de Quarton, Froment] sont des interprétations de l’art du Nord réalisés dans un milieu provençal qui impose son sens d’une lumière décidée et d’un volume simplifié ». (Charles Sterling, L’Art du Val de Loire, Édit. Musées Nationaux, 1952).
« La manière provençale avait introduit d’autres caractères, en particulier une solennité de la composition et une simplification des formes…La production artistique napolitaine reflète en effet certains échos de l’art de Jean Fouquet et du Maître de l’Annonciation d’Aix, mêlés à des imitations plus littérales de la peinture flamande connue par ses originaux ». (http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Antonello_de_Messin)
A la fin de la première moitié du XVème siècle, une œuvre marquera d’une pierre blanche l'histoire de la peinture provençale : Le Triptyque de l’Annonciation, seule œuvre de l’anonyme Maître d’Aix, peint en 1443. Si les éléments picturaux (manteau, vase) en sont flamands - L'influence de Robert Campin se ferait sentir (http://www.larousse.fr//encyclopedie/peinture/Witz/154955)- Sa signification touche au surnaturel avec ce rayon de lumière divine venant se poser sur la tête de la Vierge tandis qu’un mystérieux singe dans la pénombre assiste à la scène. Cette dimension surréelle est toute latine. Les deux panneaux latéraux sont tout aussi remarquables pour la manière expressive des deux prophètes et le traitement en nature morte des objets qui les entourent[7].
Enguerrand Quarton (ou parfois Charronton, ca. 1412-1466), originaire de Picardie, formé à Laon, n’a pu ignoré dans sa jeunesse les grands maîtres flamands de Bruges, de Lièges et notamment de Tournai où Robert Campin (1378-1444) a son atelier dans lequel est formé son contemporain Roger de la Pasture (Rogier van der Weyden, 1400-1464), originaire de la ville.
Il ne reste de sûr, de lui, que le Couronnement de La Vierge (Musée de Chantilly) et La Vierge de Miséricorde (Villeneuve-lès-Avignon) de 1452/53, en collaboration avec Pierre Villate. Quant à la Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, elle lui a été depuis longtemps attribuée par certains et par d’autres toujours contestée. Si Charles Sterling la lui attribue sur la base de « la typologie de la disposition des mains, des visages, des plis ou la structure des rochers » (Wikipédia/ E. Quarton), Pour P. Francastel « les mérites de l’œuvre vont dans le sens opposés à ceux d’Enguerrand : ils sont d’ordre affectifs et sentimental plutôt que pictural, et révèlent un tempérament affectif très différent… Chacune de ses figures s’entoure d’un climat psychologique qui lui est particulier. Or, ce souci est entièrement étranger aussi bien à Quarton qu’à Villate sur la typologie de la disposition des mains, des visages, des plis ou la structure des rochers».
Enguerrand a pu de même collaborer avec le peintre d’origine mosane (bords de la Meuse), Barthélemy d'Eyck (voir ateliers Enluminures), peintre entre 1444 et 1470 à la cour du Roi René, duc d’Anjou, aussi Comte de Provence. Quarton a peint une Sainte Marthe destinée à l’église de Tarascon. Or, on sait que parmi les villes que le Comte voulu embellir outre Aix et Avignon, il y avait Tarascon dont il fit finir la construction du Château commencée par son Père Louis II d’Anjou en 1400 et achevée en 1449.
La peinture de Quarton reste dans la veine gothique. La perspective, bien qu’il ne l’ignore pas, ne le préoccupe pas. Le préoccupe l’intériorité de ses personnages traduite par leur expressivité dramatique qui le rapproche avec sa Piéta (1554-56) du van der Weyden de la Piéta de 1435. Là aussi, le sentiment religieux s’incarne dans le tragique de la condition humaine.
Enguerrand fut aussi (bien sûr) enlumineur. Il pourrait être mort après 1466 de l’épidémie de peste qui sévissait dans le Sud.
Nicolas Froment (actif 1461-86) originaire d’Uzès (Gard) s’est formé en Flandres.
Pour P. Francastel, son œuvre majeure, Le Buisson Ardent (1476), commandée par le Roi René, « dans laquelle se retrouve l’idée d’Enguerrand de peindre le paysage provençal, se détache fortement de la production locale. Nicole Reynaud (Encyclopédia Universalis) y voit « l'influence de la rigueur et de la monumentalité de la grande peinture provençale ».
Froment n’hésita pas à une peinture plus facile que celle de son maître Quarton. Il eut de nombreux élèves dont les œuvres laissent planer un doute sur celles qu’on lui attribue; Du maître ou des élèves, le Diptyque Matheron (René d'Anjou et Jeanne de Laval sa femme, 1475), le Triptyque de l’Ascension (1480), les Miracles de Saint Mitre (Cathédrale St Sauveur, Aix en Pce), et de Saint Siffrein (Cathédrale de Carpentras), la Résurrection de Lazare ? (Louvre).
L’École d’Avignon s’ouvrira par un des chefs d’œuvre de la peinture du XVème siècle, le Couronnement de la Vierge : Puissance et équilibre de la composition, complexité du système de la coloration, luminosité méridionale, précision flamande, synthèse parfaitement maîtrisée. Ce tableau peint en 1452 par Enguerrand Quarton influencera fortement des maîtres régionaux de moindre importance: Retable de Boulbon, Piéta de Tarascon, Saint Jérôme en Oraison. Josse Lieferinxe
Josse Lieferinxe (†1508), appelé longtemps le Maitre de Saint Sébastien, originaire de Cambrai (Hainaut), actif en Provence à la toute fin du XVème siècle et début du XVIème siècle, peint pour l’église Notre-Dame-des-Accoules (Marseille), un important Retable de la Vie de Saint Sébastien, polyptique en huit panneaux (7 dispersés et 1 perdu). Dans les panneaux de l’Annonciation et de Saint Michel, une Piéta, un Mariage de la Vierge, une Adoration de l’Enfant dans lesquels on retrouve cette alliance d'éléments flamands et italiens, constitueront un ensemble remarquable de liberté, d’aisance, de curiosité où l’architecture romaine côtoie les intérieurs bourguignons. La grande diversité des costumes révèle un art plaisant.
Nicolas Dipre (ou d’Ypres) d’une famille de peintres et miniaturistes, né à Paris, actif en Avignon de 1495 à 1532 marque la fin l’École de Provence. On retient surtout de lui, outre des commandes de retable dans le Comtat Venaissin, un fragment de retable représentant La Rencontre de Joachim et de Saint Anne à la Porte Dorée dans lequel le peintre fait montre d’un talent qui pourrait rivaliser avec celui de Quarton qui avait ouvert l'école quelque cinquante ans plus tôt, une Présentation au Temple (Louvre), une Échelle de Jacob (Avignon) et un Mariage de La Vierge (Musée de Denver, Colorado).
« L'originalité de Dipre réside dans l'accent rustique des figures trapues et sévères, l'importance donnée aux contrastes de lumière et aux ombres portées ; c'est la dernière expression, mineure mais particulièrement caractérisée, de l'école d'Avignon. » (http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Nicoals Dipre).
Le XVème siècle est un siècle économiquement favorable pour la Castille et l'Aragon. Les deux royaumes sont réunis par le mariage en 1469 de leurs souverains, Isabelle 1ère de Castille (1451-1504) et Ferdinand II d’Aragon (1452-1516), surnommés les Rois Catholiques[8]. Avant la fin du siècle, en 1492, le dernier émir nasride de Grenade, déjà vassal du roi, abdique. La Reconquista est complète. Les grandes expéditions maritimes commencent du moins en Espagne, Henri le Navigateur (1461), prince du Portugal, les avaient déjà entreprises dès la première moitié du siècle.
Les commandes artistiques, notamment architecturales sont essentiellement royales, mais les ateliers artisanaux profitent d'une aisance générale de la population. Les grandes familles Castillanes tirent de grands profits de leur commerce de la laine.
Les Espagnols, tout en ayant toujours été attachés au style gothique, l'ont continument adapté aux styles antérieurs et locaux (Mudéjar, Mozarabe), aussi bien dans l'emploi des matériaux que pour l'ornemental, donnant des styles originaux comme le Gothique Catalan[9]. L'histoire de la construction des grandes cathédrales de Tolède, de Séville et de Burgos (Castille) où la dépouille du Cid (Rodrigo Diaz de Vivar,1043-1099) sera transférée, retrace l'histoire du gothique en Espagne.
Au XIIIème siècle, l'évêque Don Mauricio a ramené de France des plans du nouvel art à partir desquels seront construits les grandes cathédrales gothiques.
La construction de la Cathédrale de Tolède entreprise en 1226 par Rodrigo Jiménez de Rada se poursuivra jusqu'au XVème siècle par Hannequin de Bruxelles. La Cathédrale de Burgos, capitale de la Castille, commencée en 1221 sur des plans gothiques ramenés par don Mauricio se poursuit encore en 1402 par Alonso de Carthagène, Jean de Cologne et Gil de Siloé. En 1316, était construite la salle capitulaire avec des nervures en étoiles que l'on retrouvera dans le cimborio[10] de la Cathédrale de Saragosse construit vers 1403-1409 ; cimborio qui, détruit, sera remplacé par un nouveau cimborio sur des plans établis par Enrique Engas (van der Eycken) en 1504[11].
La Cathédrale de Séville qui date du XVème siècle maintient la tradition en empruntant des éléments décoratifs à l’art islamique des styles Mozarabe et Mudéjar. Son clocher, La Giralda, est très représentatif de ce mélange de culture gothique et mudéjar : Après la Reconquête, profitant de l’effondrement de la Grande Mosquée, la cathédrale fut bâtie à sa place et son minaret, la Giralda ayant échappé au désastre fut aménagée avec des éléments gothiques pour devenir le clocher. A la Renaissance, il y sera ajouté une lanterne à deux niveaux.
Dans la première moitié du siècle, l'évêque Alonso de Carthagène (†1456) ramène du Nord (Rhénanie, Flandres, Bourgogne) non plus des plans mais des architectes et des sculpteurs:
Le gothique tardif de la seconde moitié du XVème siècle en Espagne évolue en adoptant les nouvelles formules du Nord, tout en conservant sa veine musulmane. Ce style nouveau est désigné selon les historiens comme Style Hispano-Flamand ou Style Isabélin.
Chronologiquement parlant, le Style Hispano-Flamand ferait suite au Gothique International dans la deuxième moitié du XVème siècle sous les règnes des Rois Catholiques, Ferdinand II (1452-1516), roi d'Aragon et de Sicile, et Isabelle 1er (1451-1504), reine de Castille. L'art espagnol trouve à ce moment-là un nouvel essor avec les venues d'artistes du Nord, Flamands, Bourguignons et Rhénans, qui laisseront une empreinte durable dans la tradition artistique locale.
Mais le Style Isabélin porte à controverse. Dernier jalon du passage de l'art du Moyen-Âge à celui de la Renaissance, les historiens de l'art sont partagés entre lui attribuer une réelle caractéristique de style ou le considérer comme la première partie du Style Plateresque, lui-même alors divisé entre le Style Isabélin qui couvrirait la période de1480 à1520 et la Renaissance Plateresque de 1520 à 1560.
Il est à noter qu'en faisant débuter le Style Isabélin aussi tardivement, il ne peut être chronologiquement assimilé au Style Hispano-Flamand, qui en fait commencerait, lui-même, légèrement avant le milieu du siècle puisque des artistes du Nord étaient déjà à l'œuvre avant le milieu du siècle: le Rhénan Jean de Cologne (1410/20-1481) était déjà enregistré à Burgos en 1442, les Flamands Egas et son frère Hannequin de Bruxelles étaient actifs à Tolède en 1442, et le Breton Juan Goas (1430/33-1496) travaillait dès 1450 à la Cathédrale de Tolède.
Quoiqu'il en soit, ces artistes, et parfois leur descendance, installés à Tolède ou à Burgos, sont considérés comme représentatifs du Style Isabélin ou Style Isabelle qui s’éteindra dès la mort d’Isabelle de Castille en 1504. Ce style fut appliqué dans les royaumes du Léon, d’Aragon et de Castille mais aussi dans le sud du Portugal.
Les architectes du style sont :
à Tolède:
à Burgos :
L’architecte rhénan Jean de Cologne (1410-1481) travaille à partir de 1440 à remanier et développer les anciennes élévations gothiques en mêlant le 'nouveau' gothique flamboyant, en fait tardif, à l’art islamique comme il le fait notamment à la Cathédrale de Burgos. Son fils Simon réalisera dans cette même cathédrale la Chapelle du Connétable que décorera Diego de Siloé, assisté du bourguignon Felipe Vigarny (voir XVIème s./ Espagne. Architecture-Sculpture/ Siloé). Elle est un pur exemple de Style Isabélin avec notamment son retable en bois polychrome en fort relief, œuvre commune des sculpteurs de Burgos.
Jean aura aussi conçu les nouveaux plans de la Chartreuse de Miraflores.
Le breton Jean Goas, hispanisé en Juan Guas (1430-1496)sera nommé maître d’œuvre de la Cathédrale de Tolède en 1471 et aura la charge de construire le monastère San Juan de Los Reyes (1476), tombeau des époux royaux Ferdinand et Isabelle. Il en fera un des plus beaux joyaux du style. On y retrouve le mélange du Gothique Tardif, du Style Mudéjar et des éléments de la Renaissance.
A la fin du XVème siècle, Íñigo López de Mendoza, deuxième Duc de l’Infantado (titre honorifique) lui demande de construire Le Palais de l'Infantado (Palais de l’Apanage) à Guadalajara dans lequel on y retrouve ce traditionnel mélange de Gothique Tardif dans la structure et de Style Mudéjar dans l’ornementation, entre autres les Plafonds à Caissons (Voir XVIème s/Introduction).
Ces artistes du Gothique Tardif, notamment Engas et Goas, feront s’ouvrir des ateliers qui, de générations en générations, perpétueront leur manière.
Les peintres représentatifs de cette période ont été actifs dans la seconde moitié du siècle en ‘mordant’ sur le siècle suivant. Ils ont allié pour certains la tradition flamande aux nouveautés italiennes ou/et ont adapté cette tradition à l’esprit ibérique par une dramatisation des scènes et un apport d’ornementation dans les parties qui pourraient avoir été considérées comme vides. Si des peintres flamands sont venus travailler en Espagne, des peintres espagnols sont allés se former soit en Flandres comme le peintre Lluís Dalmau qui, actif à Valence de 1428 à 1438 et à Barcelone de 1438 à 1460, fut envoyé par Alphonse V dans l’atelier de van Eyck, appelé à Valence en 1427 ; soit ils ont fait le voyage en Italie comme Pedro Berruguete.
Andrès Marsal de Sas, actif de 1393 à 1410, d’origine germanique, for probablement de saxe comme son nom semble l’indiquer est connu pour sa collaboration à Valence avec d’autres peintre, notamment avec peintre Pedre Nicolau (actif 1390-1408). On conserve de lui un fragment de retable de saint Thomas à la cathédrale de Valence. On s'accorde pour lui attribuer également le grand retable de saint Georges du Victoria and Albert Museum de Londres.
« Cette oeuvre, et d'autres qui en sont rapprochées, témoignent d'une inépuisable verve narrative et d'une violence expressionniste, voire caricaturale, qui reflète bien l'art germanique du temps. Avec Marsal de Sas, un monde nouveau de formes et de sentiments pénètre à Valence. L'importance de ce ferment pour toute la peinture espagnole au temps du 'gothique international' ne saurait être sous-estimée » (Ministère de la Culture https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/ joconde/ M0491000378).
On ne sait rien de sa vie. On peut seulement supposer de par son nom qu’il aurait été natif d’Angleterre, et de par sa manière, formé dans les Pays-Bas Bourguignons[12] . Sa peinture doit beaucoup à Robert Campin (1378-1444), mais aussi au van der Weyden du Polyptyque de Beaune (1443-1452). Actif dans la seconde moitié du siècle, il est le premier à introduire le réalisme du Nord en Espagne. Il exécuta un Retable des Anges sur lequel figure le commanditaire et son épouse, Inigo López de Mendoza, premier marquis de Santillana (voir Littérature).
Il influença Fernando Callego, le Maître de Sopetrán qui lui succèdera comme peintre de la maison du Marquis de Santillana, en restant dans la veine flamande.
Fernando Gallego (ca.1440-ca.1507), est probablement né à Salamanque, mais sa date de naissance comme sa date de décès reste
inconnues. Ces œuvres peuvent situer ses périodes et ses lieux d’activité sans apporter de précisions sur sa vie. On le sait actif de 1466 à 1506 en Castille et Estrémadure (S.O Espagne).
En 1473, il peint les 6 retables perdus de la cathédrale de Coria (Estrémadure). Entre 1478 et 1490, il travaille à l'église S. Lorenzo de Toro (Province de Zamora) et au retable de Ciudad Rodrigo. A partir de 1495, il peint le grand retable de la cathédrale de Zamora (Castille- León.). Sa dernière œuvre est la décoration de la tribune de l'université de Salamanque.
Les critiques sont partagées sur l’origine de l’influence flamande de sa peinture ; pour certains, elle tient à un voyage en Flandre, pour d’autre, elle lui aurait été transmise par le peintre et enlumineur Jorge Inglés. Sa Piéta (Prado) est nettement inspirée par celle de Roger van der Weyden. « On peut également déceler par le sentiment dramatique et la manière particulière de draper les étoffes certains rapports avec Conrad Witz [Voir Outre-rhin/Peinture] » (Ency. Larousse). On peut également ressentir une influence italienne dans le choix de sujets mythologiques pour la décoration de la voûte de l’université de Salamanque (début XVIème s.).
Si Gallego est le peintre « flamand » de cette seconde moitié du siècle en Espagne. Pour autant « en s'implantant dans la péninsule Ibérique, cet art septentrional se transforme cependant profondément. Les peintres espagnols s'ingénient à en reproduire les formes, mais sans jamais en pénétrer l'esprit. Telle est la conclusion qu'impose l'étude de l'œuvre de Fernando Gallego » (Ency. Universalis).
Il eut notamment pour élève son frère Francisco Gallego, qui travailla toujours à ses côtés, auteur du Retable de Sainte Catherine (1500-1501, Salamanque), et Pedro Bello qui a exécuté plusieurs panneaux du musée diocésain de Salamanque. Certaines sources donnent aussi P. Berruguete comme ayant aussi été formé par lui.
Bartolomé de Cárdenas dit Bartolomeo Bermejo (ca.1440-1501) dont on ne connaît de sa vie itinérante que par ses œuvres et les documents qui s’y rapportent la vie, serait né à Cordoue et mort à Barcelone.
Il a été actif à Valence à partir de 1468. On trouve dans la peinture de sa première période valenciennoise, l’influence d’abord de Petrus Christus (†1476), celle certaine de Roger van der Weyden que l’on retrouve dans son Saint Michel (Londres Nat. Gal.) de 1486 et dans sa Dormition de la Vierge, et celle également de Memling. S’il s’y manifeste le souci de la précision flamande, les nouveautés italiennes se feront ultérieurement sentir par son approche de la perspective au travers notamment des raccourcis. Il sera le premier à introduire la technique de la peinture à l'huile et plus de réalisme dans les sujets.
Il travaille en Aragon de 1474 à 1477 où il exécute notamment le retable de Santa Engracia (1476, Boston) et le retable de Santo Domingo de Silos, « grandiose figure solennelle, hiératique et ruisselante d'or, d'une majesté paisible rarement égalé » (Ency. Univers). Il a pu séjourné en Italie, en Flandre et en Avignon.
De 1481 à 1485, il retourne à Valence où il reçoit commande du marchand génois Francesco della Chiesa, le triptyque de la Vierge de Montserrat pour la cathédrale d'Acqui Terme (Italie).
Il a ensuite été actif à Barcelone de 1486 à 1495, où sa Pietà avec Saint Jérôme et le Chanoine Desplà (de la cathédrale de Barcelone) de 1490, son œuvre maitresse, dénote une influence italienne marquée de par l’importance donnée aux paysages - ou selon L’Encyclopedia Britannica, l’influence de R. van der Weyden par son « paysage sous un ciel orageux »-. Au demeurant, « une œuvre puissante, profondément originale par la vigueur expressive des figures et le traitement fantastique du paysage » (Ency. Univers).
Sa peinture est de facture ‘encore’ primitive, pour notamment ses fonds or de sa première période qui vont disparaître progressivement. Son Saint Michel Combattant le Mal (1468) sur fond d’or montre étonnamment le Mal sous la forme d’un grylle, cet animal à tête grotesque posée sur n’importe quoi faisant office de corps et dont J. Bosch peuplera ses tableaux.
« Sa virtuosité technique et son univers visuel suggestif sont deux des aspects qui définissent Bartolomé Bermejo » (Exposition au Prado 2019)
« La figure du donateur que l'on voit à genoux à gauche du groupe central [Piéta] est considérée comme l'un des plus beaux portraits peints en Europe à cette période. Certains érudits ont attribué le caractère unique de la peinture à l'influence du chanoine Desplá, un humaniste » (Ency. Bitannica).
« L'œuvre qui démontre le plus clairement sa connaissance de l'art italien est la Pietà de 1490 (cathédrale de Barcelone). Les fonds d'or que l'on trouve dans les œuvres précédentes sont remplacés ici par un double paysage : à gauche un ciel orageux domine des collines, à droite une ville se déploie sous un ciel serein, ce qui évoque l'art de Van der Weyden et son expressivité » (Ency. Universalis).
Cette piéta signée OPUS BARTOHOLOMEI VERMEIO CORDUBENSIS (Œuvre du Rouge Cordouan) indique que Bermejo aurait été roux ou aurait eu le teint rougeaud. Un document le désigne comme Bartholomeu de Cardenas alias Vermexo, or, « vermeio/vermexo » qui se traduit par vermillon/vermeil (Espagnes Médiévales, https://espagnesmed. hypotheses.org/tag/bartolome-bermejo).
Pedro Berruguete (1450-1504) est un peintre de transition, mais il n’en est pas moins le plus important du Gothique International de la péninsule dans la seconde moitié du XVème siècle. Il fut anobli par Philippe 1er Le Beau de Habsbourg, roi consort de Castille et d’Aragon de par son mariage avec Jeanne La folle en 1496. On dit que son œuvre a subi l’influence de van Eyck mais son San Sébastian est à fortement rapprocher du Martyr Saint Sébastien d’Aigueperse peint en 1480 par Andrea Mantegna (1431-1506), peintre qui influença le peintre de la Première Renaissance Italienne, Melozzo da Forlì (1438-1494), maître de l’École de Forli (Émilie) et dont Berruguete eut tout loisir de voir les œuvres lors de son séjour d’une dizaine d’années à la cour du Duc de Montefeltro à Urbino (Marches, Italie Centrale).( Voir Renaissance/ Quattrocento/Peinture/ Lombardie).
De retour dans son pays natal, Berruguete exerça un art précieux, sans oublier ce qu’il avait appris en Italie sur l’espace et la lumière. En 1488, il entreprend une partie de la décoration de la Cathédrale de Tolède qu’il termine en 1495, date à laquelle il commence la décoration du cloître (1495-1497) avec entre autres pour assistant Juan de Borgoña (Jean de Bourgogne). Il poursuivra ensuite le décor de la cathédrale avec pour rival, son ancien élève Juan Borgoña qui achèvera le travail après sa mort.
Il forma son fils Alonso (1490-1561) à la peinture, celui-ci qui devint le grand sculpteur de la Renaissance Espagnole (voir 1500/Espagne).
Jean de Bourgogne (Juan de Borgoña,1470-1533/36), né en Bourgogne, est connu actif à partir de 1494 à la Cathédrale de Tolède et jusqu’à la mort de son archevêque, le Cardinal Cisneros († 1517, voir Vol. 1/Réforme Catholique/Espagne), régent du royaume jusqu’à la montée sur le trône de Charles 1er (Charles-Quint) en 1516[13].
En 1495, avec Perez Villoldo, et plus de vingt artistes, il assiste Berruguete dans le décor du cloître de la cathédrale. Mais le maître estimant que l’élève lui fait de l’ombre, le congédie rapidement. Borgoña ne réapparait dans les documents de l’époque que quatre ans plus tard en 1499. « D’après sa manière et l’étude de ses premières productions », il a certainement fait pendant ce temps un voyage à Florence où il a découvert notamment Cimabue et Giotto et « tous ces peintres primitifs qui perfectionnaient l’art encore grossier de la peinture unicolore, importée de Grèce à Florence par les soins de la famille Gondy [14]».
Néanmoins, son talent reconnu, à son retour, assisté de Ferdinand el Rencon et de nombreux autres artistes, il décore en trois ans les 3000 mètres carrés de murs de la Cathédrale de Tolède en y réalisant son chef-œuvre, le maître-autel de la Chapelle Arabe. Berruguete avait commencé le décor de la cathédrale. Borgoña poursuivra un temps le travail en concurrence avec lui, puis l’achèvera avec ses assistants après la mort de son rival en 1504.
A partir de 1508, avec les Transfiguration, Annonciation, Nativité, Présentation au Temple et Descente aux Limbes, il achève le retable de la cathédrale Davila, laissé également inachevé par Berruguete. On lui doit également, et entre autres, le retable du maître-autel de l'église de Camarena (province de Tolède) ; le retable de Francisco Ruiz, évêque d'Avila, au Monastère San Juan de la Penitencia de Tolède.
L’importance de ses commandes l’amena à prendre des assistants comme Juan de Villoldo (1516-1562,voir Renaissance), le neveu de Perez (qui aurait été aussi son élève ou son assistant), Pedro de Cisneros, Antonio de Comontes, Lorenzo de Ávila. De ce fait, il créa un atelier qui restera en activité après sa mort. Il a aussi formé son fils Joan de Burgunya ou Borgunya le Jeune, actif en Catalogne entre 1510 et 1525.
Très renommé de son vivant, Borgoña est considéré comme le plus grand peintre de Tolède de cette période. Selon les sources, il serait mort en 1533 après avoir décorer a fresque la librairie de la cathédrale, ou en 1536, après avoir peint à Cuerva (province de Tolède), une œuvre aujourd’hui perdue. Sa peinture est influencée au début par Cimabue et Berruguete, mais dans une facilité d’exécution comparable à ce dernier, il sut acquérir une manière propre alliant la manière florentine et la manière tolédane.
Il a aussi peint des portraits d’évêques et de cardinaux qui ne vont pas sans évoquer Holbein et surtout A. Dürer et Lucas de Leyde, ses contemporains.
Diego de La Cruz, actif à Burgos de 1482 à 1500, reste encore énigmatique aux yeux des historiens. Pour certains, né vers 1460, il serait le premier des peintres originaires des Flandres à avoir été actif en Espagne avant Jean de Flandres ; pour d’autres, il serait espagnol d’origine et aurait subi l’influence de peintres flamands (??) installés en Espagne et ayant eux-mêmes reçus l’influence de Roger van der Weyden (1399-1464). On peut penser à Jorge Inglés.
Deux œuvres de lui sont authentifiées : Cristo de Varón de Dolores entre la Virgen y San Juan ( Le Christ (comme) Homme de Douleur entre la Vierge et Saint Jean, 1475-80, Prado) et l’Estigmatización de San Francisco de Asís ( La Stigmatisation de Saint François d’Assise, 1487-89, Église San Esteban de Burgos).
Dans le Cristo de Varón peint pour l'église de Torre de los Molinos (province de Palencia), « Le manteau encadrant la figure présente des plis angulaires de style flamand, dans un rouge vitreux produit par l'utilisation d'un pigment laqué [garance ?]. Mais la caractéristique la plus remarquable est l'étude quasi scientifique de la figure humaine, dans laquelle la structure osseuse et les muscles sont fidèlement représentés au moyen de couleurs mélangées et d'une mise en forme soignée, tirant pleinement parti des qualités techniques de la peinture à l'huile[15]. Le peintre a réussi à capturer l'effet au moyen duquel les zones ombrées reçoivent parfois de la lumière réfléchie de leur environnement, comme nous pouvons le voir dans le bord inférieur de la main et du bras gauche du Christ. » (Web Gallery of Art : https://www.wga.hu/html_m/c/cruz/c_mercy.html)
Jean de Flandres (Juan de Flandres 1460-1519), natif des Flandres, est le premier des peintres flamands (authentifié) a avoir été actif en Espagne, à moins que Diego de La Cruz ne l’ait précédé. On ne sait quasiment par rien de sa vie si ce n’est par ses œuvres. Dès 1496, il est mentionné à Burgos, date à laquelle il devient peintre d’Isabelle de Castille. La mention de Juan Astrat au dos d'une de ses œuvres peut laisser supposer qu’il s’appelait Jan van der Straat. Certains historiens pensent qu’il pourrait s’agir au contraire de Jan Sallaert, maître à Gand en 1480 de qui sa peinture se rapproche.
En 1505, il travaille à l’université de Salamanque. On peut supposer qu’il travailla aux côtés, comme collaborateur ou assistant ( ?), du renommé Fernando Gallego qui, à la fin de sa vie (†1507) avait en charge le décor de la voûte de cette université.
En 1508-09, il peint à Palencia où il meurt en 1519, deux retables pour l’Église St Lazare et la Crucifixion pour la cathédrale. On lui doit également les portraits de Jeanne La Folle (†1555), fille des Rois Catholiques, de son époux de Philippe le Beau (1506), parents eux-mêmes de Charles-Quint, et aussi le portrait de Catherine d’Aragon (1536), sa sœur?première épouse d’Henri VIII.
« Ses œuvres montrent le style gantois des premiers Pays-Bas adapté au goût et aux paysages espagnols, notamment les exigences pour des groupes de scènes compartimentées pour les retables. Sa coloration est raffinée, "avec une préférence pour des teintes plutôt acides", et "alors que son sentiment d'espace et de lumière est sophistiqué", une tendance à diviser l'espace en une succession de plans minces devient un maniérisme dans ses dernières œuvres » (John Oliver & Martha. Wolff, Early Netherlandish Painting, N.G.Washington (catalogue, 1986).
Juan de La Huerta ( 1413-1462), aragonais d’origine, dont on ne sait pratiquement rien de sa vie, a été surtout actif dans le Duché de Bourgogne.
Entre 1439 et 41, il apparaît dans les documents pour la commande par le Prince d’Orange, Louis de Chalon, de « trois tombes avec trois pleureuses » ; ce qui expliquerait sa venue en Bourgogne alors qu’il était formé en Espagne à la sculpture funéraire burgo-flamande.
En 1439, Le sculpteur hollandais Claus de Werve (1380-1439), dont la puissante œuvre de son oncle Claus Sluter (voir Tome 1/ École de Bourgogne) avec qui il travailla à la Chartreuse de Champmol, oblitéra la reconnaissance de la sienne, meurt. De La Huerta termine le tombeau de Jean-Sans-Peur († 1419) et Margarita de Bavière (†1423), commandé par leur fils Philippe Le Bon ; le sculpteur hollandais l’ayant commencé ou du moins conçu.
En 1456, après avoir cassé par deux fois les blocs d’albâtre destinés au tombeau, il choisit de s’enfuir de Dijon chez les carmélites de Mâcon ou de Chalon. En 1457, il a aussi des problèmes avec le presbytère judiciaire de Besançon au sujet de tombes. On perd sa trace en 1462. En 1461, le sculpteur avignonnais, Antoine Le Moiturier (1425-1497) sera chargé de poursuivre l’exécution de la tombe ducale ; mais le plus grand nombre de personnages restent de la main de La Huerta.
Jusqu’en 1462, La Huerta aura travaillé aussi pour divers commanditaires bourguignons dont la famille du chancelier Nicolas Rolin à Autun, entre 1449 et 1450. Il aurait séjourné en Avignon en 1446 (?). On a pu penser un temps qu’il serait retourné à Daroca (Province aragonaise de Saragosse) d’où il serait originaire. A l’appui de cette hypothèse, « l'historienne de l'art María del Carmen Lacarra a attribué à Juan de la Huerta la paternité de la statuette (38 cm) de la Virgen del Pilar vénérée dans la basilique Nuestra Señora del Pilar de Saragosse [31] (réalisée entre 1434 et 1443) . De même, Juan de la Huerta était responsable des bas-reliefs qui ornent la chapelle des Corporales de Daroca[16] ».
Son œuvre ne sera reconnue qu’à la fin du XIXème siècle. Personnalité surprenante, il lui est arrivé de quitter ses chantiers pour partir chercher de l’or. Il avait obtenu de Philippe Le Bon (†1467), la licence exclusive pour la recherche d’or et d’argent.
Gil de Siloé, appelé parfois Gil d’Anvers, ville où il est né, est reconnu actif à Burgos pour une période relativement courte, de 1470/86 à 1501/05. Il est néanmoins à l’origine d’un renouveau de la sculpture espagnole qui depuis un demi-siècle produisait dans le style du gothique tardif du flamboyant flamand mais tout en conservant son attrait pour l'exubérance décorative hérité du Mudéjar
Il sculpte avec une très grande finesse à la Chartreuse de Miraflores (Burgos) un tombeau en une albâtre particulièrement translucide pour les cendres de Jean II de Castille et d’Isabelle du Portugal, et un tombeau de l’infant Alfonso de Castille, tous trois commandés par leur fille et sœur, Isabelle la Catholique.
Son Christ en Croix (1496-99 Chartreuse de Miraflores) est considéré comme son chef-d’œuvre ; avec son Retable de L’immaculée Conception (Cathédrale de Burgos), ils sont deux des plus beaux retables de la Renaissance. Diego (1495-1563), son fils, poursuivra dans la voie ouverte par son père (Voir XVIème S./Espagne).
« Son art joint à une grande fermeté plastique le goût du détail pittoresque et la sensibilité poétique » (Encyclopédie Larousse).
« Les gisants du roi et de la reine sont entourés d'une foule de figurines distribuées dans un univers de baldaquins, de pinacles et d'autres éléments architecturaux, qui décomposent les surfaces en d'innombrables facettes et produisent dans la lueur de l'albâtre un effet quasi magique. » (Encyclopedia. Universalis)
On peut considéré Gil de Siloé comme le dernier grand sculpteur de cette période hispano-flamande-isabélin qui couvre la seconde partie du XVème siècle et le tout début du XVIème.
Le style gothique en Espagne s’implanta sur une terre déjà profondément marquée par le Style Mudéjar qui s’y sera manifesté du XIème siècle au XVIème siècle. Il en subit immanquablement l’influence, notamment au plan décoratif. On appelait Mudéjars (de ‘domestiquer’ , ‘apprivoiser’ en arabe),autrement dit les domestiqués ou moins péjoratif les apprivoisés[17], les musulmans de langue castillane restés vivre en Castille après sa reconquête par les rois chrétiens. Le Style Mudéjar prolonge le Style Mozarabe qui est le style inventé par les chrétiens vivant précédemment dans l’Espagne andalouse (Al Andalus) et dont nombre d’entre eux parlaient, eux, l'arabe.
Les architectes du Style Mudéjar, héritiers des grands styles andalous (omeyade, almohade, nasride) participèrent à l’édification des monuments religieux et publics de l’Espagne chrétienne en mettant en œuvre aussi bien leur technique que leurs matériaux. Aussi selon les périodes, on parle de style Roman-Mudéjar ou de Gothique-Mudéjar.
Le Style Mudéjar se caractérise par :
Ce style donna ses plus belles réalisations:
côtés. L'intérieur est surmonté de voûtes en croisée d'ogives et en berceau brisé. L'ajout des bas-côtés date du XVe siècle » ; et l’église Santa Maria Magdelena
avec sa remarquable tour du XIVème siècle ;
Villa (XIIIème s.) aux tours tout aussi remarquables.
Dans la période du Spätergotik , du Gothique Tardif du XVème siècle, au cours du Style Gothique International finissant du premier quart du XVème siècle, l'Allemagne et l'Autriche voient apparaître un style nouveau d’une délicatesse, d’une douceur traduites en lignes fluides et courbes, souples, qui coulent de la main des artistes.
En peinture, l’École de Cologne sera très représentative de ce Weicherstyl, équivalent de l’Art de la Détente du Val de Loire, avec le Maître de la Vie de Marie, le Maître de Saint Séverin, le Maître de Sainte Ursule et Maître Stefan de Cologne (1410-1451).
Des peintres du Style Doux de Westhphalie, inscrits dans le courant du Gothique International (voir tome 1), comme Conrad von Soest (1370-1422) mais aussi Stefan Lochner (Meister Stephan ou Maître Stefan de Cologne) vont s’ouvrir néanmoins à la peinture du Nord et également au langage de la peinture italienne. Nombre d’entre eux effectuèrent au cours de leur formation soit des séjours en Flandres soit des séjours en Italie du Nord.
Les ateliers de sculptures vont produire des madones au déhanchement caractéristique de la statuaire gothique du XVème siècle, appelées « belles madones » pour leur allure gracieuse, leur air doux, rêveur voire langoureux, s’adaptant ainsi à leur manière au doux Weicherstil. Les principaux représentant de ce style en sculpture sont le Souabe Veit Voss et Bernt Notke originaire de Poméranie.
« On voit naître vers le milieu du XVe siècle toute une génération de sculpteurs aux productions prestigieuses : les stalles du chœur de la cathédrale d'Ulm, par Jörg Syrlin le Vieux, les danseurs mauresques d'Erasmus Grasser à Munich (1480), le retable de Michael Pacher pour l'église de Sankt Wolfgang (achevé en 1481), les œuvres de Gregor Erhart à Blaubeuren et d'Adam Krafft à Nuremberg, celles, enfin, de Riemenschneider, qui atteint le sommet de l'art du retable de bois sculpté avec son Assomption de la Vierge de Creglingen (1505) ». (Encyclopédie Larousse)
L’architecture reste traditionnellement gothique. Il faudra attendre 1519 pour voir s’élever premier exemple de l’architecture de la Renaissance en Allemagne la chapelle funéraire des banquiers Fugger dans l’église St. Anne à Augsbourg.
Conrad von Soest (1370-1422) est donné comme né à Dortmund mais son nom peut laisser supposer qu’il est né à Soest, proche de Dortmund où il a pu être formé par le Maître de l'Autel Berswordt vivant dans cette ville de la Rhénanie-Westphalie. Il a pu séjourner en Bourgogne, à Prague, à Paris, à Gand ou encore à Bruges. Par rapport à son Retable de Marie de Dortmund (1420), un triptyque de l'autel de Marie dans la Marien Kirsche de Dortmund, qui conserve une manière traditionnelle empruntée aux maitres enlumineurs français, son œuvre majeure, le Triptyque de Bad Wildungen, (1403), un retable en 13 panneaux, est plus représentatif du Style Doux avec ses formes flottantes. Il montre « une grande forme monumentale caractérisée par un équilibre harmonieux et une composition symétrique. Les couleurs deviennent plus intenses, les détails des gestes, des robes et des visages plus généreux » (https://www.deutsche-biographie.de/sfz44466.html).
Von Soest exerça une profonde influence sur la génération suivante.
Lukas Moser (1390-1434), né dans le Sud de l’Allemagne, à Weil der Stadt, près de Stuttgart, est connu pour son Retable de la Madeleine (1432, 300x240 cm) à Tiefenbronn (Bade-Wurtemberg). Ce triptyque, peint sur parchemin marouflé sur bois, une technique qui n’est pas rare à l’époque, à la forme très particulière de l’arc brisé sous lequel, il prend la place d’une fresque. Si l’œuvre conserve une manière du Style Doux, elle n’en démontre pas moins que dans ses recherches le peintre était informé des nouveautés flamandes. Il s’écarte de la déformation expressionniste du gothique, pour être plus réaliste, soucieux d’entrer même en tâtonnant dans le monde tel qu’il est, à trois dimensions, avec ses jeux de lumière et ses ombres. Moser ouvre véritablement une nouvelle voie à la peinture germanique.
« La célèbre inscription " Crie, art, crie et plains-toi amèrement de ce que personne désormais ne te désire plus, hélas ! ", portée sur le cadre, a suscité de nombreux commentaires. On tend à y voir non pas la protestation d'un peintre traditionnel hostile aux nouveautés, mais bien plutôt la plainte d'un artiste conscient de sa valeur et de sa modernité dans un milieu ne pouvant l'apprécier. » (Ency. Larousse)
Konrad Witz (1400-1446) né en Souabe, installé à Bâle où siège le concile dans le deuxième quart du siècle, donne avec son triptyque du maître-autel de la Cathédrale St Pierre de Genève (1444) un des grands chefs-d’œuvre de la peinture médiévale. La partie centrale détruite au temps de la Réforme, sans doute sculptée, était encadrée par deux volets : ouverts, l’Adoration des Mages et le donateur, et fermés La Pêche Miraculeuse.
« Le volet de La Pêche Miraculeuse est considéré aujourd’hui comme le premier paysage réaliste de l’histoire de la peinture occidentale : le lac de Génésareth est transposé dans les environs de Genève et la scène se déroule devant le lac Léman et les monts de Haute-Savoie. » (Caroline Blondeau-Morizot (http://onditmedievalpasmoyenageux.fr/konrad-witz-et-geneve/)
La carrière de Witz fut courte de même que sa production connue est faible. Pour autant, très rapidement renommé, il mena une vie aisée, et son influence fut importante sur la peinture suisse. Il dominera toute cette première moitié du XVème siècle avec des œuvres où l'ampleur spatiale a peu été égalée par les peintres du Nord. Il est influencé par la nouvelle peinture de la Pré- Renaissance Flamande, notamment par celle de Robert Campin. On trouve dans ses œuvres un décor riche et précis, des effets de lumière, un sens marqué de la nature. Chez lui, la composition dénuée de tous artifices à la limite de l’abstraction met en évidence des personnages placés dans un environnement dépouillé.
Outre le triptyque de Genève, celui de Bâle (1435) et une Annonciation à Nuremberg (1440-45) sont particulièrement à retenir.
« L'art de K. Witz rejoint celui du Maître de l'Annonciation d'Aix, lui aussi imprégné de l'exemple de Robert Campin, par sa force synthétique, le rôle simplificateur donné à la lumière et la calme monumentalité de l'expression plastique. » (http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Witz/154955)
Stefan Lochner (1410-1451) dit Meister Stephan ou Maître Stefan de Cologne (Rhénanie-Westphalie) est peut-être né à Meersburg, ville frontière des bords du lac de Constance. Sans doute formé par un maître Rhénan, il pourrait avoir rencontré les Frères Limbourg (voir T/, Gothique International/École Franco-flamande) et avoir travaillé aux côtés de Robert Campin[18]. De 1442 à 1451, Lochner sera actif à Cologne, « la plus importante et la plus riche du Saint-Empire romain germanique » (Rivages de Bohême). Les documents attestent que, renommé et riche, il devint bourgeois de Cologne.
En 1451, une épidémie de peste frappe la ville et l’on perd sa trace et celle de sa femme.
Aucune de ses œuvres n’étant signées, il ne sera connu et reconnu qu’au XIXème siècle par l’historien allemand Johann Jakob Merlo (1810-1890) à partir d’une annotation de A. Dürer dans son journal évoquant ‘’Maister Steffan’.
Lochner aura été sensible aux nouveautés des grands peintres de la Pré-Renaissance Flamande, notamment quant à la composition et le traitement des volumes. Nouveautés qu’il transmettra avec la technique à l’huile aux peintres rhénans. Son œuvre majeure est Le Retable des Saints Patrons (Cologne, 260x285 cm, technique mixte huile -tempera).
« L’œuvre de Stefan Lochner apparaît comme l’alternative nordique à celle de Fra Angelico. Cet art transitoire entre le gothique international et l’art de la Renaissance conserve l’ingénuité du style ancien mais cherche cependant à utiliser les innovations autorisées par la technique de la peinture à l’huile. Certaines œuvres de Robert Campin et de Jan Van Eyck étaient connues à Cologne dès 1440 et ont suscité l’admiration. » (Rivages de Bohême).
Martin Schongauer (1440/45-1491), né à Colmar d'un prère orfèvre natif de Shongau, proche d'Augsbourg (Bavière) et mort à Breisach am Rhein (Bade-Wurtemberg) se formera de façon itinérante. D’abord formé au métier par son père puis probablement passage de 1562 à 65 à l'atelier du peintre de Colmar Caspar Isenmann (1430-1480, ensuite études à l'université de Leipzig, séjour chezle peintre de Nuremberg Hans Pleydenwurff; peut-être au Pays-Bas où il a pu rencontrer les Primtifs Hans Memling, Dirk Bouts, Rogier van der Weyden...
C'est à peu près tout ce que l'on sait de sa vie sinon que de retour à Colmar vers 1470, il achète en 1477 la maison dite 'Au Cygne' et qu'an 1488, il quitte Colmar pour Breiscah am Rhein où il mourra après y avoir peint un Jugement Dernier dans l'église.
Schongauer est la grande figure de cette seconde moitié du siècle et sa renommée fut européenne et devance celle d'A. Dürer, qui l'admirait, dans la réputation de graveur. Son activité de peintre est relativement secondaire par rapport à celle de graveur, pourtant son retable de la Vierge au Buisson de Roses (1473) peut être considérée comme une des œuvres maîtresses de l’art allemand avec le Retable de Jean d'Orlier (Retable de La Vierge).
Sa peinture montre "un style pictural joignant l’expressionnisme et l'idéalisme du gothique international au naturalisme de la Renaissance nordique." (Wikipédia).
« Martin Schongauer appartient à un courant de la fin du 15e siècle qualifié d’École du Haut-Rhin. Caspar Isenmann et Schongauer, son élève, sont les deux plus grands peintres de ce courant, caractérisé par l’alliance de la grâce du Gothique international et du réalisme des primitifs flamands. » (https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/ peinture-15-16e-siecles/martin-schongauer.html)
Mais son œuvre picturale ( 7 tableaux authentifiés) est relativement secondaire par rapport à sa production de sculpteur qui comptent quelque 155 gravures exécutées gravure au burin sur bois et surtout sur cuivre en une dizaine d'années (1470>80). On peut citer La Tentation de saint Antoine, dont Michel-Ange s'inspire pour Le Tourment de saint Antoine, et qui reproduit en peinture certaines de ses gravures ; Saint Martin partageant son manteau ; Le Grand Portement de Croix; Deux Hommes marchant de compagnie, gravure au burin sur cuivre...
Sa gravure fit école et influença des artistes comme Albrecht Dürer (1471-1528), Michel-Ange (1475-1564), Gérard David (1450-1523).
Michael Pacher (1430-40-1498) est probablement né dans la région septentrionale de l’Italie, l Haut-Adige germanophone. Peintre et sculpteur, c’est à Padoue en Vénétie qu’il s’initie aux découvertes italiennes sur la coloration vive, la mise en place architecturale ‘à la’ Mantegna et notamment aussi sur l’effet de perspective par lequel il put alléger une architecture gothique restée un peu lourde. Découvertes qu’il fera connaître dans sa région natale, le Trentin-Tyrol, et au-delà. Ses influences majeures sont celles de Jacopo Bellini et Andréa Mantegna, et en sculpture de Donatello.
Pacher est plus souvent considéré comme peintre que comme sculpteur mais son atelier fournissait des retables sculptés et peints pour les églises tyroliennes et de Belles Madones.
Ses œuvres maitresses sont le retable de Saint Wolfgang (1471-1481) à Sankt Wolfgang im Salzkammergut (Haute- Autriche) et le Retable de Salzbourg (1484-1498)
« Les divergences stylistiques entre les parties peintes et les partis sculptées ont pu faire croire que Pacher n’était pas à la fois peintre et sculpteur comme on l’estime aujourd’hui généralement. Alors que les scènes vues en perspective sur les panneaux de St Wolfgang trahissent des contacts précis avec la peinture italienne, en particulier les œuvres de Jacopo Bellini et Andrea Mantegna, témoignant de conceptions spatiales qui relèvent déjà de la Renaissance, le luxuriant Couronnement de la Vierge qui occupe la caisse est l’un des grands chefs d’œuvres du Gothique Tardif ». (S. Guillot de Suduiraut, La Sculpture/ Le Flamboiement Gothique/Gothique Tardif Édit Taschen 2002)
Deux autres peintres ont illustré le Weicherstill, Le Maître du Jardinet du Paradis (de Frankfort, c.1410/20) et Lucas Cranach (1472-1553) (voir XVIème siècle/Outre-rhin/Peinture).
Bernt Notke (1435-1509), fils d’armateur né à Lassan en Poméranie (N.E Allemagne) est d’abord formé dans l’intense centre culturel de Tournai, dans l'atelier du tisserand de tapisserie Pasquier Grenier où il apprend à travailler sur de grandes dimensions. Sa première œuvre connue est d’ailleurs une Danse Macabre, tapisserie de 2 m de haut sur 26 m de long (1463-66), détruite lors du bombardement en 1942 de Lübeck, ville où il s’installe en1460..
Dans la ville hanséatique il laissera aussi un gigantesque Calvaire (1477) en bois doré de 17 m de haut dans la nef de la cathédral. A Talinn, capitale de l’Estonie il achève en 1483 le retable de l’Église du St Esprit ; La Danse Macabre de Tallin ( 7m de long) pourrait être un fragment de celle de Lübeck. Il est à Stockholm de 1491 à 1497[19] où il exécute un non moins impressionnant Saint Georges et le Dragon (1489/90) à l’Église St Nicolas. Il retourne à Lübeck en 1497 et y meurt en 1509.
Comme tous les sculpteurs de son temps, Notke travaillait avec son atelier qui comprenait non seulement des sculpteurs mais aussi des peintres, ou encore des menuisiers. Tout ce beau monde réalisait tapisseries, sculptures sur bois, peintures mais essentiellement des retables. Notke fut le sculpteur le plus important de l’Allemagne du Nord et de la Baltique dans la seconde moitié du siècle.
« Le langage plastique de Notke montre des accents singuliers dont la force expressive et tempérée, comme dans le Calvaire de Lübeck par la douceur des physionomies et des gestes retenus même dans la douleur, par le raffinement des détails sculptés et de la polychromie et la somptuosité des éléments ornementaux » (S. Guillot de Suduiraut, La Sculpture/ Le Flamboiement Gothique/Gothique Tardif Édit Taschen 2002)
Veit Voss (1448 ?-1533), né à Horn sur Neckar (Souabe, Bavière), établit d’abord son atelier à Nuremberg qu’il quittera pour Cracovie en 1477 où il restera jusqu’en 1490. Dans l’ancienne capitale de la dynastie des Jaguellon, rois de Pologne, il réalise notamment le Retable de la Basilique Saint Marie (1477-1489) et le tombeau en marbre rouge du roi polonais Casimir IV. En 1496, il revient à Nuremberg en même temps que A. Dürer (1471-1528), (Voir XVIème siècle Outre-Rhin), et poursuit son activité dans la même veine que son Retable de Sainte Marie dans lequel s’exprime une « emphase dramatique, une intensité des expressions, auxquelles concourent les mimiques des personnages…Les corps disparaissant sous de tumultueuses envolées de draperie…[avec] une attention extrême accordée aux visages et aux mains, ciselés avec la prodigieuse virtuosité qui est propre au maître ». (S Suduirot Op. Cit.)
Si Voss, qui travaille sur le tilleul, a privilégié d’abord « une polychrome raffinée », ses goûts se sont ultérieurement portés sur de simples rehauts locaux comme sur son Annonciation de l’Église St Laurent (1517), laissant en valeur le bois à nu. Technique qui aura les faveurs du public dans ce début de XVIème siècle. Voss a également taillé dans le grès pour les trois scènes de la Passion de l’Église Saint Sébald (1499).
Auteur de gravures dans lesquelles une certaine nervosité est plus marquée que dans ses peintures, il restera insensible aux nouveautés italiennes apportées à Nuremberg par son concitoyen, le grand maître de la gravure.
Père de cinq enfants, Voss a été un personnage influent à Nuremberg et a reçu plusieurs distinctions, mais impliqué dans une affaire d’escroquerie concernant notamment l’acquisition de la maison d’un juif -les juifs furent expulsés de la ville en 1498- il fut reconnu coupable. Et bien que gracié, il reçut néanmoins la peine infamante d’avoir les deux joues transpercées au fer rouge.
Peter Vischer l’Ancien (c.1420-1472), né et mort à Nuremberg, est essentiellement un bronzier. Il eut un atelier prospère dans la ville, et réalisa des tombeaux et statues de prélats et de princes.
Peter Vischer (1487-1528) issu de la famille des bronziers , Vischer fait un premier un voyage en Italie en 1507-1508, où il est enseigné à la technique de la fonte à cire perdue,. De retour à Nuremberg, sa ville natale, reçoit commande de tombeaux. Il retourne en Italie en 1512-1513, où il fait la rencontre d’Andrea Riccio à Padoue « et adopte une esthétique plus épurée, avec des statues aux silhouettes élancées ». ( Les Arts Graphique/ Vischer Le Jeune)
Comme dessinateur on lui doit trois scènes de l'Histori Herculis (1512-14) et des sujets mythologiques. Il se convertit au protestantisme.
Tilman Riemenschneider (1460-1531), né selon les sources à Osterode am Harz en Bavière, Basse-Saxe (archives de Würzburg, Ency. Universalis et Britannica) ou à Heiligenstadt en Thuringe, (diverses sources reprises par Wikipédia) est formé par le sculpteur sur bois d’Ulm Michael Erhart (XVème s./Outre-Rhin.Sculpture), qui, lui-même issu d’une famille de sculpteurs sur bois, était actif dans cette ville de 1469 à 1522. Tilman a œuvré essentiellement à Wurtzbourg où il est devenu maître, et pour un an bourgmestre en1520. Il se bâtit une importante renommée dans la production d’autels, de statues d’apôtres et de Vierges, travaillant la pierre, le marbre, l’albâtre, le bois : Adam et Eve (grès 1493), tombeau du Prince Rudolf von Scherenberg (Nuremberg,1499); Tombeau de l’empereur Henri II (Bamberg), Retable du Saint-Sang (Rothenburg,1505)
Il va progressivement se libérer des conventions, et acquérir une originalité, une maturité faite de souplesse dans les drapés et d’une expressivité dans les visages tout en évitant tout expressio nisme.
« Son style est facile à caractériser. Ainsi ses figures féminines présentent toutes une stature gracile (buste étroit), membres frêles, mains fines, une chevelure aux ondes paisibles, un doux visage… » (S.Suduirot Op. Cit.)
Comme dans tous les ateliers à grande production, ce sont les mêmes modèles, les mêmes types, les mêmes procédés qui chaque fois sont utilisés. On peut supposer que les grands ateliers de sculpture, souvent aussi de peinture, étaient organisés de la même façon que ceux de peintures, notamment au XVIème siècle, dans lesquels les collaborateurs du maître, eux-mêmes assistés selon une stricte hiérarchie étaient spécialisés dans la figure, le corps, le paysage ou l’accessoire,
Voss sera arrêté et torturé pour avoir soutenu la Guerre des Paysans de 1524-25 (voir Vol. 1 Réforme /Réforme Radicale).
Jörg Syrlin l'Ancien fut actif à Ulm (Souabe) de 1449 à 1491comme sculpteur sur bois. Les Stalles de la cathédrale d’Ulm sont son œuvre maitresse (1469-1474). Syrlin fait ‘déjà’ se côtoyer les figures de philosophes de la Grèce antique avec celles de l’ancien testament. Voir aussi les Bois Polychromes/ Erhart père et fils
Nicolas Gerhaert de Leyde * (Nikolaus Gerhaert van Leyden 1420/30-1473) n’est sans doute pas né à Leyde (Hollande). Il a probablement été formé dans la tradition de l’École de Bourgogne(voir Tome I/ Art Gothique/Sculpture ) marquée par sa tendance au réalisme.
Il œuvra d’abord en Allemagne, à Trèves où il est signalé pour la première fois en 1462 alors qu’il achève le tombeau de l’archevêque Jacob von Sierck. En 1467, il recevra commande d’un Crucifix. pour la collégiale de Baden-Baden.
En 1459, à Strasbourg, il travaille au portail de la chancellerie dont il reste de 1463, une Tête de Sybille et son pendant la Tête d’Homme Barbu ou Prophète. Strasbourg est alors une ville autonome au sein du St Empire, gouvernée par les bourgeois d’une ville prospère, riche de nouvelles églises et de nouveaux monastères, et où Gutenberg installe son atelier en 1434. En Autriche, Gerhaert réalise le tombeau de l’empereur Frédéric III (†1493) dans la cathédrale de Vienne.
Il recevra aussi des commandes religieuses de personnages influents, de chanoines de villes comme Cologne, Constance ou encore à nouveau Strasbourg. Son œuvre la plus connue est son Buste d’un Homme Accoudé (avant 1467) en grès rose. Sa tête inclinée épouse le mouvement de spirale que crée ses bras repliés l’un sur l’autre. Il réalisera plusieurs statues sur ce thème iconographique. Bien qu’il n’en soit pas l’inventeur, « ce motif du "buste accoudé", représentation d'un personnage en fort relief appuyé à un élément d'architecture, connaîtra à sa suite une très grande faveur dans tout le sud de l'Empire. » (https://www.musees.strasbourg.eu/oeuvre-musee-oeuvre-notre-dame/-/entity/id/318081)
Malgré le peu d’œuvres que l’on connaît de lui, onze authentifiées au total, il est considéré comme un des plus importants sculpteurs de cette période entre fin du Moyen-âge et début de la Renaissance. Reconnu surtout pour « sa capacité à saisir les physionomies », pour « ces figures de caractères, aux traits forts aux drapés massifs aux mouvements courts mais denses » (Persée), son influence ne dépassera pas le monde germanique. En 1473, alors qu’il est au service de Frédéric III (†1493), il meurt au sud de Vienne, à Wiener Neustadt où l’empereur Maximilien 1er, qui sera roi des Romains en 1486, est né vingt ans plus tôt.
* Base de la documentation :
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2013_num_157_3_95184 http://onditmedievalpasmoyenageux.fr/nicolas-de-leyde-sculpteur-du-xve-siecle-un-regard-moderne/
Les arts du XVème siècle anglais ne présentent pas d’innovations majeures. En architecture, le Gothique Flamboyant trouve sa dernière expression en un Gothique Perpendiculaire, dernière phase du Decorative Style après celles du Geometrical Style (1300-1325) et du Curvilinear Style (1325-1350). Ce style qui débute au milieu du XIVème siècle avec la construction du Chœur de la Cathédrale de Gloucester en 1340 souligne fortement, notamment en façade des édifices religieux, les lignes verticales et horizontales. Il se prolongera jusqu’au premier quart du XVIème siècle (Voir Tome 1/Art Gothique : Architecture Religieuse) : Chapelle du King’s College (1446-1515, Cambridge), Chapelle Saint Georges (Windsor 1477-1528), Chœur de la Cathédrale d’York (1472).
La sculpture sur bois, pierre ou albâtre offre une production artisanale appliquée, voire virtuose dans son soin porté aux détails. Il reste peu d’œuvres sculptées de cette période et quasiment pas d’œuvres peintes.
[1] Grand argentier du roi, il tombera en disgrâce en 1440, sans doute par jalousie- Jacques a pu être l’amant de la favorite de Charles VII, Agnès Sorel. Arrêté, il s’évadera pour se réfugier à Rome où il aura le soutien du Pape. Il meurt en 1456 dans l’ile grecque de Chios (mer Égée) au cours d’une expédition contre les Ottomans qu’il finance et dont il commande la flotte. La Maison Jacques Cœur, construite de 1443 à 1451 à Bourges est un bel exemple du gothique finissant.
[2] Citations et pour en savoir plus sur la sculpture en Val de Loire au XVème siècle : Jean-Marie Guillouët: La sculpture du Val de Loire au XVe siècle : une école introuvable? 303/art, recherche, création, 2003,<halshs-00564926>
[3] Ne pas confondre le Cardinal Jean Rollin (ou Rolin, 1408-1483), évêque d’Autun où il est né avec son père Nicolas Rollin (ou Rolin, 1376-1462), chancelier du Duc de Bourgogne, Philippe Le Bon, et représenté par Jan van Eyck dans La Vierge d’Autun ou Vierge au Chevalier Rollin (1435).
[4] Sur cette abbatiale voir J.J. Marquet de Vasselot, Persée 1986 n°3-2. Et sur Le Moiturier voir Michèle Beaulieu , Persée 1973 n° 131-4
[5] Certaines sources l’avancent comme musicien et danseur…
[6] Le nombre d’or est un rapport entre deux grandeurs et égal à environ 1,618 soit proche du rapport 8/5; en géométrie ce peut être le rapport entre deux segments de droite ou les côtés d’un rectangle; en algèbre, il se rapproche de la suite de Fibonacci qui se définit comme une suite de nombres entiers commençant par 0 et 1 et qui se poursuit par un nombre égal à la somme de deux nombres qui le précède : 0 1 1 2 3 5 8 13 21 34 55 89 …
[7] Base de la documentation P. Francastel, Histoire de la Peinture Française, Édit Meddens, Bruxelles 1955
[8] Isabelle ne deviendra reine qu’en 1474. Son demi-frère Henri IV, s’opposant aux dispositions de leur père Jean II de Trastamare, avec l’appui des grands Nobles, monte sur le trône en 1454. La fille présumée de Henri IV, Jeanne II La Beltraneja (†1530) s’opposera à la montée sur le trône de sa tante. Période de la Guerre de Succession de Castille 1475-79.
[9] Entre le 13ème et le 15ème siècle, ce gothique plutôt massif qui cherche à équilibrer la largeur avec une hauteur non exhaustive rayonna à Barcelone et en Catalogne du Nord.
[10]Cimborio ou cimborrio: Tour-Lanterne. "Coupole sur nervures, d'ascendance islamique, à la croisée de certaines églises et cathédrales espagnoles du Moyen Âge" (Dict. Larousse). Ne pas confondre avec le ciborium, « mobilier, destiné à protéger et mettre en valeur un autel ou, spécifiquement, l'armoire où est déposé le ciboire » (Wikipédia)
[11] Javier Ibanez Fernández in Gothique, tradition constructive et masque 'al romano'.http://www.academia.edu/4227010/Gothique_tradition_constructive _locale_et_masques_al_romano_._Les_cimborrios_aragonais_du_XVIe_si
[12] Les Pays-Bas Bourguignons sont alors sous domination des Habsbourg. Mais Philippe-Le-beau, fils de l’empereur Maximilien 1er devint roi consort de Castille de par son mariage en 1496 avec Jeanne 1ère de Castille (Jeanne la folle). Le fils sera roi d’Espagne en 1516 sous le nom de Charles 1er et Empereur en 1519 sous le nom de Charles-Quint.
[13] Citation et base de la biographie Étienne Huard Vie complète des Peintres Espagnoles et Histoire de la Peinture Espagnole, Édit. Duccessois, Paris 1832
[14] Gondy ou Gondi, famille noble et de banquiers de Florence qui participa à la gouvernance de la république bien qu’alliée aux Médicis, et qui fournit notamment un ambassadeur en Espagne, Francésco Marìa Gondi. Les ducs de Retz son descendants de Guidobalo Gondi (†1569) qui fut proche de Catherine de Médicis; Giròlamo Gondi, fils de Francésco Marìa, né à Valence, s’installe à Lyon. Fait Chevalier par Catherine de Médicis, il est à l’origine de l’autre branche française des Gondi, la branche des barons Gondi Codun.
[15] A rappeler que Jan van Eyck (1390-1441) qui a été le premier a employé de façon systématique (et non l'inventeur de) la peinture à l’huile était au Portugal et en Espagne autour de 1430.
[16] Citation et socle de la biographie http://diccionario.sensagent.com/Juan de la Huerta/es-es/
[17] « Un autre terme avec la même racine, ahl al-dajn («les gens qui restent»), a été utilisé par des écrivains musulmans » . Citation et pour le style, voir https://www.hisour.com/fr/mudejar-29403/. Ils écrivaient el espagnol en utilisant les caractères arabes.
[18] Les historiens débattent toujours pour savoir qui de Robert Campin qui de Roger van der Weyden est le Maitre de Flémalle (voir Pré-Renaissance Pays-Bas/ Primitifs)
[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Bernt_Notke. L’Encyclopedia Britannica le donne de façon intermittente à Stockholm entre 1481 et 1490. Elle le dit aussi graveur.
Introduction - Les Primitifs Flamands - La Sculpture
Les ducs de Bourgogne, de Philippe le Hardi (†1404) à Charles le Téméraire (†1477), ont rassemblé tout au long du XVème siècle par la force ou par alliance tant de duchés, de comtés et de provinces s’étendant de la Bourgogne jusqu’à la Mer du Nord que les historiens les ont réunis sous le vocable commun d’ États Bourguignons.
Philippe le Bon va déplacer sa capitale de Dijon à Bruges en 1519 et à Bruxelles en 1540. Les villes du Nord vont voir l’essor économiques qu’e déjà elles connaissaient d’autant s’accroitre de cette proximité du pouvoir central. A la mort de Charles le Téméraire en 1477, sa fille, Marie de Bourgogne, hérite de toutes les terres de son père. Elle se marie l’année de la mort de celui-ci avec le fils de l’empereur Frédéric III de Habsbourg, le futur Maximilien 1er. Louis XI va s’opposer à cette succession. Le conflit entre l’Empire et la France va se conclure par le Traité d’Arras signé le 21 septembre 1482. Marie est morte en mars de cette même année 82. Philippe Le Beau, qui deviendra Roi Consort de Castille en épousant Jeanne 1ère de Castille dite La folle, n’aura hérité donc de la totalité des États Bourguignons que pour quelques mois. Il va devoir en céder une partie, la partie française à Louis XI, le Duché et le Comté de Bourgogne, autrement dit l’ancien apanage. Il reçoit, lui, les Provinces du Nord, les Pays-Bas Bourguignons. Louis va marier son fils, le futur Charles VIII, à la fille de Maximilien, sœur de Philippe, Marguerite d’Autriche (†1530). Elle sera régente des Dix-sept Provinces du Nord pour le compte de son neveu Charles 1er d’Espagne, futur Charles-Quint, fils de Philippe et d’Isabelle.
Après la signature du traité, les riches villes des dix-Sept Provinces (du Nord) seront pour certaines favorables à l’empereur soit opposées. En 1488, Maximilien, régent pour le compte de son jeune fils Philippe, né en 1478, est fait prisonnier par les Bruxellois avant qu’une paix ne soit signée la même année. Mais la guerre civiles entre les villes récalcitrantes au pouvoir impérial et l’empereur durera jusqu’en 1492. Près d'un siècle plus tard, dix des dix-spet provinces, celles du Nord, les futurs Pays-Bas, vont acquérir une autonomie de fait et constituées les Provinces-Unies reconnues officiellement au Traité de Westphalie en 1648. Les provinces méridionales, la Belgica, resteront espagnoles jusqu'au XVIIème siècle.
Quand commence la Pré-Renaissance artistique comme mouvement annonciateur de la Renaissance dans le domaine des arts et de la culture? Certains historiens de l'art la font commencer aux peintres italiens du Quattrocento voire du Trecento ; d'autres, plus en amont, aux primitifs du Duecento. Autrement dit, des peintres tels que Ducio ou Daddi seraient pré-renaissants alors que d'autres historiens qualifient Giotto, historiquement parlant, de premier peintre gothique. Un tel élargissement de la notion de pré-renaissance non seulement intègre le Gothique International, mais fait quasiment remonter cette Pré-Renaissance à la Renaissance Culturelle du 12ème siècle, tout en la faisant succéder à l'Art Byzantin qui, de fait, se survivra jusqu'à la chute de Constantinople en 1453.
Le commencement et la fin des mouvements artistiques et culturels ne se font jamais sans phases transitoires, sans que des artistes ou des penseurs, tout en maintenant la tradition dans laquelle ils ont été formés et qui leur sert toujours de référence, ne s'aventurent dans de nouvelles recherches esthétiques ou intellectuelles et ne commencent à mettre en place un système de valeurs esthétiques ou intellectuelles qui aboutira à un nouveau courant d'art ou de pensée, qui s’affirmera en sa pleine expression dans sa phase classique puis, se cristallisant dans des stéréotypes, s’achèvera par une phase académique.
La Renaissance[1], apparue tout d’abord en Italie, peut se définir brièvement mais solidement par un retour à l'Antique dans les domaines de l'architecture et de la pensée, à un emploi systématique de la perspective en peinture, à une approche scientifique et non plus symbolique de la nature en posant la question fondamentale du rapport de l'art et de la nature. Et si l'on veut bien considérer que des individualités comme le peintre Gentile da Fabriano, le poète Pétrarque ouvrent des voies nouvelles sans être les fondateurs d'un courant nouveau avec ses tenants et ses aboutissants, nous pouvons alors considérer que l'Italie n'a pas connu de courant pré-renaissant et que la révolution culturelle qui a entrainé dans son sillage toute l'Europe fut rapide et radicale, à telle enseigne que l'on pourrait en donner des dates comme point de repères dans le temps, telle la sortie du Grand Schisme en 1417 et l'appel d'artistes à Rome par le nouveau pape Martin V ou encore en peinture la partie de la décoration de la Chapelle Brancacci à l’église Santa Maria del Carmine à Florence par Masaccio (†1428), de 1424 à 1428.
Dans les autres pays, le Gothique a tenu bon et pour longtemps encore. En musique, les XVème et XVIème siècles voient jusqu’à la fin du XVIème siècle (Giovanni Gabrieli meurt en 1593, Palestrina en 1594), l’apogée de la polyphonie alors que se développent dans son dernier quart des camere (Florence, Rome, à Mantoue avec Monteverdi) à la recherche d’une seconde manière (pratique) de chanter. La France XVème siècle ne connaît pas de Pré-Renaissance malgré les nouveautés apportées par un Jean Fouquet et il lui faudra 1530 pour que la 1ère École de Fontainebleau emprunte au XVIème siècle italien plus son maniérisme que son classicisme, les premiers signes d’un certain classicisme à l’antique sur le modèle italiens étant apparus en architecture sous Louis XII.
La tradition médiévale se maintient au travers des écoles qui s'y rattachent, dans les duchés des frères du Roi de France Charles VI (†1422), et sous les règne de Charles VII (†1461) et de Charles VIII (†1498), même si en fond de décor des peintures de l'Art Courtois[2], la figuration du petit peuple dénote une 'aspiration' à un réalisme social. Un art de cour qui sans être décadent, mais affecté, continue de développer, comme Outre-Rhin, un gothique finissant dans ses extrêmes raffinements et fioritures.
L'Espagne a fait appel à des artistes flamands et rhénans dont l’art et les manières, nouveaux pour le pays mais anciens pour le reste du continent, devront s’intégrer à la tradition mudéjar vivace.
Sur les terres des Philippe de Bourgogne et Flandre, il en va tout autrement. Le réalisme dans la sculpture en Bourgogne initié par Claus Sluter (†1406) et en peinture, dans la (grande) Belgique, par les Primitifs Flamands, marque un tournant décisif. Non seulement parce que l’emploi devenu systématique de la technique à l'huile révolutionne l'art pictural comme le tube de pigment à l'huile prêt à l'emploi entrainera la naissance de l'Impressionnisme, mais aussi et surtout, parce que c’est une nouvelle approche de l'homme qui se met en place, une nouvelle place dans le monde qui lui est accordée par et au travers de ce souci de réalisme, celle d'un humanisme naissant. Dans les grandes et riches villes, les maitrises, jouent un rôle important en formant la plus part des grands polyphonistes qui mettent la musique populaire et profane au même plan que la musique savante, sacrée comme à la Cour de Philippe le Bon, avec la Chanson (bourguignonne). Gilles de Binche, dit Binchois (1400-1460) en est le meilleur représentant. Il mettra en musique des poèmes du prince et poète Charles d’Orléans (1394-1465), neveu de Charles VI (voir Tome 1/Poésie).
Si l’Humanisme en référence à une certaine conception de l’homme et de sa place dans l’univers est apparue en Italie au début du XVème siècle, une nouvelle vision du monde dans les Pays-Bas Bourguignons a également été portée par des humanistes comme Rodolphus Agricola (1444-1485) et plus tardivement Didier Érasme (1464-1536), par certains artistes précurseurs tels Jan van Eyck. Une évolution artistique va se produire dans la Belgica bourguignonne à une époque d’expansion économique de sa classe bourgeoise que constituent les habitants des bourgs et des villes ; classe qui, s’enrichissant développe un nouvel esprit d’entreprise basé non seulement sur le commerce mais aussi sur la finance et la spéculation avec l’apparition des premières places financières que nous appelons de nos jours les bourses[3]. Esprit d’entreprise qui va de pair avec un besoin de représentation dans l’affirmation de la réussite sociale ; ce qui suscite de nombreuses commandes passées aux artistes dont les thèmes, bien que restant essentiellement religieux, mettront de plus en plus en avant l’aspect humain par rapport au fait religieux lui-même. Cette prospérité se traduira aussi au plan musical, les villes riches et moins riches, les maitrises traditionnelles prendront de l’importance et deviendront un véritable vivier de compositeurs et de chanteurs qui se répandront dans les Grandes Chapelles d’Europe (voir Tome 3/Musique).
En 1419, Philippe le Bon (1396-1467) est devenu Duc de Bourgogne en succédant à son père, Jean-Sans-Peur, assassiné sur ordre du Dauphin, futur Charles VII. Le nouveau duc transfère la capitale du duché de Dijon à Bruges. Au territoire immense dont il hérite s'ajoute le Comté de Namur, le Limbourg, le Luxembourg. Le Gueldre et la Lorraine seront annexés par son fils Charles le Téméraire (1433-1477) qui lui succédera à sa mort en 1467 (voir Tome I/Événement Majeurs/Grands Ducs de Bourgogne).
Les villes de l’actuelle Belgique qui connaissaient déjà une économie florissante, fruit du commerce de leur propre production artisanale, particulièrement du textile[4], vont voir leur puissance financière et leur rayonnement artistique accrus du fait de ce déplacement du pouvoir dans leur province.
Dans ce cadre économique porteur du XVème siècle, s’ouvrent entre autres à Arras et à Tournai mais aussi à Bruxelles et Anvers, des ateliers de sculpture qui inondent l’Europe de leurs Vierges du Brabant. En bois polychrome, elles sont produites de manière quasi industrielle, dans des ateliers où, sous la direction du maître, la main d’œuvre se spécialise, l’artisan se consacrant à telle ou telle partie de la statue. Il en sera de même dans les ateliers de peintures en Italie, comme celui par exemple de Raphaël, où les nombreux assistants du maître auront en charge l’exécution de telle ou telle partie (paysage, mains etc.). Cette production de statues, d’un goût ancien mais d’un métier sûr dont s’écartent les grand maîtres, est exportée en Italie, Espagne, Suède, Saxe… En trouve encore une production de Vierges à l’Enfant, en tilleul polychromé, qui s’étale dans la région rhénane jusqu’à un XVIème siècle avancé.
De même, des ateliers de tapisseries d'une production du même acabit, s'ouvrent en profitant du déclin des ateliers parisiens à la mort d'un de leurs principaux commanditaires, le Duc Jean du Berry (†1416). A partir de la seconde moitié du XVème siècle, ces ateliers de tapisseries, notamment les plus productifs, ceux d’Arras et de Tournai, diffuseront un travail de meilleure qualité voire de haute qualité. Bien que les scènes soient toujours, et même étonnamment dans le style courtois, la précision du dessin, le choix de tonalités vives marquent alors un net changement par rapport d’avec les tapisseries des ateliers de Paris qui avaient commencé à décliner quelque vingt cinq ans plus tôt.
Les peintres aussi appartenaient à des ateliers dirigés par un peintre qui ayant fait ses preuves passait maître après avoir dû être reconnu bourgeois de la ville. Il entre alors à la guilde (corporation) des peintres de la ville[5].
L’esprit nouveau au début du XVème siècle ne se traduit pas en architecture par un vrai changement de la grammaire architecturale. Le Gothique Flamboyant continue de développer, faute d’apports nouveaux, son ornementation en dentelle. Les constructions religieuses s’achèvent avec le temps en préservant l’unité de ce style.
Par contre, l’architecture civile va faire montre de quelque évolution à l’occasion de la mise en œuvre d’un nouvel urbanisme. Les villes les plus riches vont procéder à un grand toilettage par lequel quelques nouveautés font apparaitre au travers de cette réorganisation urbaine. Ce sont les édifices publics nouvellement élevés, beffrois, hôtels de ville, halles, qui manifesteront de façon d’autant plus ostentatoire ces innovations que la ville sera opulente. Un souci d’équilibre dans l’assise de ses édifices tranche avec leurs verrières encore à baies géminées et leur remplage ajouré en flammèches dans la tradition gothique.
Hôtel de ville de Bruxelles (Brabant, 1402-1455) sur la Grand-Place (classée au patrimoine mondial) ; Hôtel de ville de Louvain (Flandre 1447-1463) par Mathieu Layens (-1486) ; Beffroi de Bruges (Flandre1483-87, puis reconstruit).
S’il est convenu de désigner les peintres italiens des XIIIème et XIVème siècles sous le vocable de ‘primitifs’ que certains historiens de l'art intègrent dans une Pré-Renaissance Italienne, il est également convenu d'attribuer le même qualificatif, toujours dans le sens de 'premier', aux peintres flamands du XVème siècle, tout en affirmant par ailleurs que certains de ces peintres sont déjà renaissants dans le sens où cela s’entend pour le Quattrocento italien. Comme leurs confrères florentin, ils ont la même approche nouvelle d’une perspective qui n’est plus de dignité (grandeurs des personnages en fonction de leur importance sociale et/ou dans le sujet), mais linéaire, scientifique. Par ailleurs, ils apportent une nouvelle technique qui va modifier totalement l’art pictural en tant qu’ars (métier) mais aussi en tant que mode d’expression, celle de la technique à l’huile qui va s’imposer bon gré malgré à toute l’Europe, bon gré malgré car un artiste aussi important dans l’histoire de la Renaissance artistique que fut Michel-Ange, était de ceux qui considéraient que peindre à l’huile était une facilité dans la recherche des effets, dans le rendu et ne pouvait convenir qu’à des peintres au talent médiocre[6].
Les peintres flamands du XVème siècle dirigeaient ou appartenaient à des ateliers. Et les grandes villes comme Bruges, Louvain, Gand, Tournai pour ne citer que celles-là avaient toutes leur atelier de peinture qui formaient des écoles dont chacune se distinguaient de ceux des autres villes. Les œuvres attribuées au maître sont en fait des œuvres de collaboration, préparées, suivies, voire finalisées par ce dernier. Ces ateliers ne seront pas influencés comme ceux d’Italie par l’art et la pensée antique. Leurs thèmes seront toujours principalement religieux mais les préoccupations apparaitront bien humaines. L’homme reste au cœur du dispositif divin et l'artiste ne s’aventure pas dans une approche scientifique du monde et de sa représentation mathématique comme en Italie. Mais la condition humaine, l’existence au quotidien du bourgeois comme du paysan, loin de lui être étrangère tendra de plus en plus à devenir son sujet de prédilection en s’éloignant du thème religieux. Les peintres flamands n’ignorèrent pas l’Italie : Roger van der Weyden (Roger de la Pastoure 1400-1444), élève de Robert Campin (1378-1444), nommé maître en 1435 à Bruxelles, a pu se trouver à la cour du Duc de Ferrare en 1450 ou/et la même année, à Rome où il est avéré qu’il y était pour le jubilé. Il faudra quand même attendre 1517 pour que la culture antique pénètre les Pays-Bas avec la fondation à Louvain du Collège des Trois langues.
Plus que par l’architecture, c’est par la peinture et précisément avec Jan Van Eyck (1390-1141) que se manifestèrent les premiers signes de la Renaissance du Nord. Moins d’un quart de siècle après que Masaccio a décoré la Chapelle Brancacci (Église Santa Maria del Carmine, Florence), Jean van Eyck apporte autant de nouveautés picturales au plan artistique avec le retable de L’Agneau Mystique de 1432, qu’au plan technique par son emploi de l'huile dans la préparation des teintes, déjà parfois employée au Moyen-Âge mais qui de par sa renommée va se répandre et finir par prévaloir dans toute l'Europe jusqu’au milieu du XIXème siècle. C’est à Jan van Eyck et à Hans Memling (1435/40-1494) qu’étaient attribués tous les tableaux de cette période de la peinture flamande (voir ci-après Van der Weyden et le Maître de Flémalle) .
Jan van Eyck (1395-1441) est peut-être né dans le Limbourg, province néerlandophone. On ne sait rien de lui en ce qui concerne ses jeunes années et sa formation. Âgé de quelque vingt ans, il commence sa carrière au service de Jean III de Bavière, Comte de Hollande-Zélande, comme son valet de chambre et peintre-enlumineur, suivant en cela les traces des Frères Limbourg. En 1425, à la mort du comte, il est nommé valet de chambre en titre de Philippe le Bon pour qui il accomplit des missions diplomatiques, dont une peut-être jusqu’à Jérusalem, une à la cour de d’Alphonse V d’Aragon qui lui achètera de ses peintures, une autre au Portugal en vue du mariage du duc avec Isabelle du Portugal qui aura lieu à Dijon en 1430..
Après avoir vécu à Lille, ville résidentielle du duc, il s’installe définitivement à Bruges en 1428. Il a la trentaine.
En 1432, il achève à Gand les douze panneaux commencés six ans plus tôt et qui constitueront le très grand polyptyque à deux niveaux de L’Agneau Mystique que l’on considère comme son chef-d’œuvre et comme la première peinture de la Renaissance Flamande. Cette œuvre sera condamnée par la Devotia Moderna (voir T1/Mystique du nord/Geert Groote) qui, par ailleurs a condamné, aussi une œuvre au musicien Guillaume Dufay (†1474) qu’elle va jugée trop exubérante et trop riche. Le souci que le peintre apporte au rendu des volumes, à la sensation de l’espace, au jeu de la lumière pour rendre plus réel les uns et les autres est une vraie révolution dans l’univers pictural flamand.
Il y a un avant et un après van Eyck. L’artiste prendra non seulement soin de signer son œuvre, ce qui était alors très exceptionnel mais, qui plus y est, ajoutera sa devise, "fais pour le mieux ". Cette précaution infirme-t-elle la paternité de l'œuvre, l'artiste n'étant pas le seul à réaliser ce polyptique ou au contraire la confirme-t-elle, l’artiste étant conscient de la nouveauté de son travail? A partir d’une inscription apocryphe que le polyptyque porte sur le côté du cadre, certains historiens de l'art pensent qu’il fut commencé par son frère ainé Hubert van Eyck (c.1366-1426) dont l’existence ne serait d’ailleurs pas tout à fait certaine (?)
Peintre ‘religieux’, Van Eyck exécuta de nombreuses vierges: La Vierge au Chevalier Rolin[7] (1435), La Vierge au Chanoine Van der Paele (1436) sont remarquables par le traitement d’une grande ampleur de l’espace.
En bon peintre flamand, V. Eyck porte toujours un grand soin à la matière, une attention particulière au détail. C’est dans cet esprit du souci véridique qu’il peint en 1434 le fameux portrait des Époux Arnolfini que le marchand italien installé à Bruges, lui a commandé. Si tant est qu’il s’agisse bien de ce marchand et de son épouse et non comme on en est venu à le penser du frère de celui-ci avec une jeune femme. Ici, l’artiste joue avec la lumière et l’espace : la lumière indirecte entre par la fenêtre, éclaire le derrière de la scène, se reflète sur les métaux, les verres et dans un miroir qui, au fond de la pièce, matérialisant le point de fuite, là où la composition est au plus profond de l’espace, renvoie toute la scène en miniature dans une construction en abysse qui fait voir plus qu’on ne peut voir ; le peintre lui-même peignant tout ce qu’il voit devant lui mais invisible au regard du spectateur. Van Eyck prend une fois encore le soin d’écrire en flamand au-dessus de ce miroir en guise de signature « Jan Van Eyck fut ici ». Dans la symbolique de la peinture flamande, le chien au pied du couple signifie leur mutuelle fidélité.
Chez van Eyck, tout le travail sur la lumière, l’espace, la matière imprègne à ses œuvres une solennité qui confère à l’homme comme au paysage qu’il peint une dignité, une éminence restituée, recouvrée. En cela, Jan van Eyck ouvre la voie à l’humanisme flamand qui ne se réfère en rien à l’histoire passée mais saisit l’humain dans l’instant sacré de sa condition sur terre.
Van Eyck, influencera des peintres tels que Petrus Christus (1410-1473) et Roger Campin (1370/78-1444) dont l’évolution entre son Adoration des Bergers de 1425 et sa Sainte Barbe de 1438, par un approfondissement de la perspective, une lumière plus réelle, le rapproche du Maitre de l’Agneau Mystique.
A sa mort à Bruges en 1441, après avoir mené une vie très aisée de par la rente à vie que lui accorda le duc, parrain de son fis, et avoir reçu par ailleurs de nombreuses commandes, il laisse son atelier à son frère Lambert van Eyck. Son hypothétique frère ainé, Hubert van Eyck, aurait exercé toute sa carrière de peintre à Gand.
Le compatissant Rogier van der Weyden (Roger de la Pastoure, ca.1400-1464) est le fils d’un coutelier de Tournai[8]. Sa peinture de jeunesse évoque celle de son maître Robert Campin (1378-1444), dans l’atelier duquel il entra très jeune. Il a peut-être ensuite travaillé à Bruges avant d’être reçu maître en 1435 à Bruxelles[9].
Bruxelles, en plein essor économique est devenue la capitale des Pays-Bas Bourguignons, lorsqu’en 1430 Philippe le Bon ajoute le duché du Brabant à son immense territoire des Pays-Bas Bourguignons, véritable royaume que Charles le Téméraire agrandira fortement dans le but, auquel il parviendra, de relier la Bourgogne et la Belgica (Belgique et Pays-Bas) pour former ce que les historiens ont appelé l’État Bourguignon. Philippe le Bon (et non Charles le Téméraire) fait ajouter l’immense salle qui constitue l’aile droite de hôtel-de-ville, construit lui préalablement de 1401 à 1421. C’est Guillaume Vogel, l’architecte de la ville, qui entreprendra les travaux en 1452 (Alexandre Henne, Alphonse Guillaume Ghislain Wauters, Histoire de la Ville de Bruxelles, Tome 3,Page 320, Google Books). Cet hôtel de ville est une des plus belles réussites de l’architecture civile de la Renaissance du Nord.
A partir de la mort de Van Eyck († 1441), van der Weyden recevra régulièrement des commandes de Philippe le Bon et de son entourage, notamment du Chancelier Rolin pour lequel il exécutera Le Jugement Dernier (vers 1445-1449).
Certaines sources l’indiquent comme s’étant rendu en 1459 à la cour du Duc de Ferrare qui possédait une collection de peintres flamands dont des œuvres de van der Weyden. Il aurait alors rencontré Piero delle Francesca qui travaillait au Château d’Este jusqu’en 1448 et Pisanello qui y travaillait encore. D’autres sources l’indiquent, comme s’étant plus certainement, rendu en 1450 au jubilé (Année Sainte) à Rome où à la basilique du Latran il admira les fresques du grand peintre courtois Gentile da Fabriano (1370-1427). Fra Angelico qui meurt à Rome en 1455 a pu « le confirmer dans sa tendance à composer rigoureusement autour d’un axe de symétrie comme en témoigne sa Mise au Tombeau (Les Offices) inspirée par La Madone des Médicis[10] de 1460. (https://www.larousse.fr/encyclopedie/ peinture/Weyden/154926). Mais en tout cas, et en retour, il est celui des peintres du Nord de la Pré-Renaissance qui aura le plus influencé la peinture du Sud.
Van der Weyden a bien évidemment peint de nombreux retables, dont parmi les plus fameux, le Triptyque de l’Adoration des Mages (Retable de Sainte Colombe de l’église St Colombe (Cologne,1440-45)
« L’œuvre fait partie, avec le Triptyque des Rois Mages de Lochner[11] (vers 1440-1445), des premiers triptyques de l’histoire de la peinture européenne dans lesquels ce thème est développé comme scène principale ». (https://www.aparences. net/ecoles/les-primitifs-flamands/rogier-van-der-weyden/)
van der Weyden est un excellent portraitiste comme le montre trois huiles sur bois datant des environs de 1460 : Portraits de Charles le Téméraire (†1477), de son demi-frère, Antoine de Bourgogne, bâtard de Philippe III, et de François, fils du marquis de Ferrare, Lionel d’Este, qui envoyé par son père à la cour de Bourgogne pour faire son éducation, jouera un rôle important auprès de Charles–le-Téméraire avec qui il fut élevé, ainsi qu’auprès de Louis XI (†1483). Autre portrait, le Portrait de Jeune femme de 1460, d’une élégance rare chez le peintre. Tandis que la délicatesse de son visage par la finesse de ses traits et l’ourlet prononcé de ses lèvres dégage une sensualité certaine, son regard penché vers le sol en signe d’intériorité empreint la dame d’un mystère. Un fragment sauvegardé d’un retable représente Marie-Madeleine lisant la Bible (1438), richement vêtue d’un brocart d’or qu’une cape d’un vert lumineux couvre en partie.
« A côté d’elle se trouve son symbole, le pot à onguent, qui contient le précieux parfum avec lequel elle oindra les pieds du Christ. Son isolement et sa concentration se dégagent également de la forme semi-circulaire donnée par le peintre à son contour. » (https://www.aparences.net/ecoles/les-primitifs-flamands/rogier-van-der-weyden/)
Comme portraitiste, il est aussi à l’origine des portraits en diptyque du donateur et de la Vierge.
L’immense polyptyque du Jugement Dernier (1446-1452), son œuvre maitresse mais aussi une des œuvres majeures de toute la Renaissance, est une commande du Chancelier Rollin pour l’hospice de Beaune que celui-ci avait fondé en 1443. Il ne mesure pas moins de 5,60 m x 2,15 m et comprend 15 faces peintes.
Polyptyque ouvert : 9 panneaux : un panneau central et quatre volets de chaque côté :
Polyptyque fermé : Trois panneaux, six volets: un panneau central et un panneau de chaque côté aux deux tiers de sa hauteur :
Couvrant le panneau central sur ses deux tiers inférieurs, deux volets: St Sébastien et Antoine le Grand, et sur le tiers supérieurs, deux volets : l’ange de l’annonciation et la Vierge Marie. Sur les côtes du panneaux central au deux tiers de sa hauteur: un volet à gauche représentant le commanditaire, et un volet à droite son épouse.
Ce polyptyque inspira de nombreux peintres du Jugement Dernier, notamment le Jugement Dernier de Hans Memling, peint entre 1467 et 1471.
Un autre œuvre d’importance dans la carrière du peintre est sa première grande exécution, La Descente de la Croix (1430-1435, Musée du Prado, anciennement à l’Escurial) dans lequel on représente, chose rarissime sinon unique, la vierge évanouie.
Parmi ses nombreux triptyques, les triptyques de la Famille Braque de St Jean (1452), des Sept Sacrements, de la Nativité… Ses œuvres sont en fait difficilement datables.
La touchante Marie-Madeleine lisant (National Gallery) est un des trois fragments sauvegardés d’un retable peint à l’huile sur bois au milieu des années 1430. A ne pas confondre avec la Ritratto di donna in veste di Maddalena, peinture à la tempera sur bois de chêne en 1490 par Pietro di Cosimo (1462-1522) de l’École Florentine.
Van der Weyden mit sa parfaite maitrise technique, son sens de la rigueur au service d’une expression dramatique où « la forme atteint alors à une sorte de crispation que l'on peut qualifier de " maniérisme gothique » (https://www.larousse.fr/encyclopedie/ peinture/ Weyden/154926)
Deuxième grand peintre du XVème siècle dit 'flamand', son atelier florissant aura été de renommée européenne.
Il fallut attendre qu’en 1854 l’archiviste Génard découvre les premiers documents relatifs à l’activité de Roger de la Pasture à Tournai et que l’archiviste A. Pinchart découvre quelques temps plus tard, en 1867, les document relatifs à l’activité à Bruxelles (Brabant) de ce peintre, devenu un peintre non officiel mais apprécié du Duc de Bourgogne sous le nom flamingant de Roger van der Weyden pour que Van Eyck ne soit plus le seul peintre flamand connu. Se posa alors la question de la formation de ce peintre nouvellement apparu. Les recherches et les études de ses œuvres firent le rapprocher d’un autre peintre, Nicola Flémalle. Van der Weyden et ce maître étaient-ils la même personne[14] ?
On rapprocha van der Weyden et le Maître de Flémalle à partir de l’Annonciation de Mérode (du nom de leur propriétaire). Au début du XXème siècle, le Maître de Mérode fut redésigné du nom de la ville d’où provenaient les panneaux du triptyque, le Maitre de Flémalle. D’abord considéré comme élève puis contemporain de van der Weyden, ce Maître finit par être identifié comme étant ce dernier par certains historiens. D’autres avancèrent Robert Campin (1406-1444) comme étant le Maître de Flémalle, peintre à qui l’on ne peut attribuer formellement aucune œuvre. Par ricochet, il devint difficile de distinguer de Campin et de van der Weyden, de qui étaient telles ou telles des œuvres. Un hypothèse fut à l’honneur : les peintures de Campin, autrement dit du Maître de Flémalle ne seraient autres que les œuvres de van der Weyden d’avant 1432, date à laquelle il apparaît
inscrit à la guilde de Tournai. A moins que Campin n’ait été le formateur de van der Weyden[15].
Dans les années 1930, le collectionneur Renders et l’archiviste de Smedt avanceront qu’il y a deux Roger de la Pasture, tous deux originaires de Tournai, tous deux contemporains. Le premier, Rogelet de la Pasture, plus décorateur que peintre, entre dans l’atelier de Campin en 1427 et sera maître en 1432. Le second est le grand Roger de la Pasture-van der Weyden. Celui-ci né vers 1400 est déjà maitre en 1426. Cette communauté de nom et prénom ne semble pas au vue des archives de la guilde de cette époque être une exception. Renders poursuivant ses recherches affirmera l’identité du Maître de Flémalle et de van der Weyden et dont la Descente de Croix (du Prado) est une des toutes premières et meilleure œuvre connue de lui, peinte dans la quarantaine. Ce qui bat en brèche la thèse selon laquelle Campin et le Maître de Flémalle seraient une seule et même personne.
Selon les sources, la Nativité de Dijon (entre 1425 et 1430) est attribuée à l’un ou à l’autre, de même que le Triptyque de Mérode. A l’appui du travail de Renders, J.Lavalleye affirme que « l’œuvre du Maître de Flémalle, depuis ses premières œuvres -La Nativité de Dijon- jusqu'aux dernières –Vierge Glorieuse d’Aix en Provence, le Triptyque Werl (2 volets, Prado) - et les œuvres de Van der Weyden de La Descente de Croix du Prado jusqu’à sa mort sont biens unes ».
Par ailleurs, G. van Oest affirme, lui, au sujet du Maître de Flémalle que : « découvert par MM. Hymans et A.-J.Wauters, définitivement lancé par M. von Tschudi en 1898… son archaïsme est plus marqué que celui de Roger et dépourvu de passion dramatique ; exception faite pour sa Madone grandiose de l’Institut Staedel, on ne lui voit nulle part le lyrisme tout en béatitudes et en surhumaines passions du peintre insigne des Dépositions de Croix. Ses mérites sont dans une facture ferme, positive, d’une plasticité toute sculpturale… ils sont aussi dans une charmante intelligence du décor et des accessoires. Primitif par la composition et l’ordonnance, il est plus moderne que Roger van der Weyden par l’atmosphère de réalité et de vie pittoresque de ses intérieurs…Sa célèbre Annonciation de la collection de Merode à Bruxelles, nous livre à cet égard tous les secrets de son tempérament ; c’est autour d’elle qu’on groupe ce que l’on croit avoir conservé de sa production ou de son école ; c’est elle que l’on évoque avant tout en abordant l’étude de son œuvre. » (G. van Oest, 1909, Le Maitre de Flémalle,(volume 1 : les créateurs de l’art flamand et les maîtres du XVe siècle ; Écoles de Bruges, Gand, Bruxelles, Tournai., p. 61-71)[16].
A l’occasion de l’exposition rétrospective de Bruxelles de 1902, « faisant l’état actuel de [nos ]connaissances sur l’école flamande du XVe et du XVIe siècle », La Vierge à l’Écran d’Osier (Vierge de Somzée du nom du collectionneur) est attribuée au Maître de Flémalle, avec entre parenthèse : (Jacques Daret ?). Sur Wikipédia (article consacré à ), ce tableau est attribué à Robert Campin dit Le Maître de Flémalle. Archivistes et historiens de l’art ne semblent pas aussi affirmatif sur l’identité Campin/Flémalle, situant plutôt le débat entre Flémalle et van der Weyden.
Petrus Christus est né à Bar-le-Duc, comme un siècle plus tard Peter Breughel, près de Breda dans le Brabant néerlandais du Nord. On suppose que dans une fourchette large, il pourrait être né entre 1410 et 1420 ou 25. Sa formation s’arrêterait au début des années 1430.
« Vers 1430-1434, il aurait fait un voyage en Italie et serait passé, comme le suggère Charles Sterling, par l'Allemagne rhénane : la manière dont un Conrad Witz simplifie les volumes de ses personnages se rapproche tellement du style de Petrus Christus qu'on ne peut guère l'expliquer que par un contact direct entre les deux artistes » (Encyclopédie Universalis).
Il s’installe ensuite à Bruges. Bruges, place forte du Nord des banquiers Médicis représentés par le riche marchand Giovanni di Nicolao Arnolfini (1400-1472) dont van Eyck a fait un célèbre portrait avec son épouse en 1434, est devenue sous Philippe Le Bon, en 1440, capitale du Duché. Centre de la Ligue Hanséatique au XIVème siècle, la ville est un centre économique où se retrouvent tous les marchands d’Europe. En 1444, Christus y est élevé au rang de bourgeois de la ville. Ce qui lui permettra d’exercer le métier de peintre, ce qu’il n’aurait pu faire avant. Il est un membre actif de la ville par son appartenance à la guilde des peintres et avec sa femme à celle à la Confrérie Notre-Dame de l'Arbre Sec qui rassemble tout le haut du pavé de la ville. Il meurt dans la ville entre 1475 et 1476. Chronologiquement, des trois grands peintres ayant œuvré à Bruges, Chritus (†1475) se situera au milieu entre Van Eyck (†1441) et Memling (†1494).
Sa peinture est marquée par celle de van Eyck qui meurt en 1441 à Bruges sans qu’il est eu le temps d’être son maître. Mais l’influence que le Maitre de l’Agneau Mystique exerce sur lui tient fort probablement à une approche directe de son œuvre. Aurait-il achevé certains de ses tableaux pour que Vasari le présente comme son élève ?
Sa production, des huiles sur bois, peu importante, une trentaine d’œuvres, une vingtaine signées, se répartit en tableaux de petits formats et tableaux de grands formats. Dans les premiers, il conserve la tradition de la peinture miniaturiste aux pinceaux fins. Dans les seconds, il est moins à l’aise. Les peintures sont « composées de personnages raides, conçus géométriquement, comme « fabriqués sur un tour » (Maryan W. Ainsworth et Maximilian P. J. Martens, Petrus Christus Metropolitan Museum of Art, 1994 )
Bien qu’il n’ait pas eu une grande production de portraits, contrairement à van Eyck, son talent dans le genre est reconnu. Deux de ses portraits célèbres sont le Portrait d’un Chartreux de 1446 et Le Portrait de Jeune Fille de 1470.
« Il s’intéresse particulièrement à la perspective et réussit magistralement à représenter l’espace par des arrière-plans percés de vastes fenêtres nous laissant apercevoir le décor extérieur. Quant aux portraits de Christus, ils dépassent ceux de son maître [van Eyck ?] par le traitement de la lumière. La psychologie des personnages ne le concerne pas vraiment. Ce qui le passionne, c’est la magie de l’ombre et de la lumière qui sculpte les visages. De ce point de vue, il est un lointain précurseur de Vermeer. » (Rivages de Bohême)
Dirk Bouts, ou Dieric Bouts (le Vieux, 1415-1475) serait né à Haarlem, mais on sait peu de chose de sa vie si ce n’est par Carl Mander qui le dit probablement né dans cette ville. En 1448, il est documenté à Louvain par son mariage avec la riche Catharina Van der Brugghen. En 1468, il est nommé peintre officiel de la ville où il mourra.
Peintre essentiellement de scènes religieuses, il révèle un sens de la perspective qui lui permet d’y placer ses personnages avec aisance comme en donne l’exemple de la Dernière Cène du Retable du Saint Sacrement. Une autre de ses œuvres importantes est le triptyque du Martyr de Saint Érasme. Commencé en 1460 pour la chapelle de la collégiale Saint-Pierre, il représente sur le panneau central un Érasme allongé sur une planche de bois, supplicié et d’un visage pourtant étonnamment inexpressif :
« C’est là, une fois encore, un exemple de la réserve caractéristique du style de Dirk Bouts… Dirk Bouts est considéré comme un cas un peu à part dans le mouvement des Maîtres flamands étant donné qu’il s’obstinait à éviter toute dimension dramatique dans ses œuvres. Son style caractéristique, tout en retenue, a valu à Dirk Bouts le surnom de Peintre du silence. » (Museum Leuven https://www.mleuven. be/ fr/dirk-bouts#)
Sa peinture se situe dans la lignée de van der Weyden et de Peter Christus.
Huygue van des Goes (c.1440-1482) est né à Gand. On ne sait rien de sa formation. En 1467, il est nommé franc maitre à la guilde. En 1482, alors qu’il n’a qu’une quarantaine d’années, il meurt atteint depuis un an de troubles mentaux à l’Abbaye du Rouge-Cloître, près de Bruxelles, où il était entré comme convers (frère lai) cinq ans plus tôt et où le futur Maximilien 1er lui avait rendu visite. Son activité tient en une quinzaine d’année mais il sera incontestablement le plus grand peintre de cette fin du XVème siècle
C’est dans ce cloître dépendant de la Congrégation de Windesheim (voir T1/Geert Groote/Frères de la Vie Commune pg 366) qu’il peint une Adoration des Bergers dans laquelle le réalisme des bergers et leur mise en mouvement contrastent avec l’immobilité recueillie de la Vierge et des anges entourant au centre le berceau de l’Enfant Jésus de facture, eux, encore quelque peu gothique.
van der Goes est dans la même lignée que celle de van der Weyden, Dirk Bouts (1415/20-1475) et Juste de Gand (Joos van Wassenhove 1409/10-1476) qui le patronna à la guilde. Entre 1475 et 1577, il exécute le tout autant grand que célèbre Triptyque Portinari, commandé par ce banquier des Médicis demeurant à Bruges où van der Goes travaille alternativement. Ce triptyque, peint vers 1472, mesure 2,53m sur 5,86m. Le centre du panneau central est occupé par la vierge en adoration devant l’enfant Jésus qui tend à se soustraire au regard tant l’œil est attiré par les deux pots avec blé et fleurs placés par le peintre au tout premier plan, au centre inférieur de ce panneau. Cette nature morte aux deux pots avec blé et fleurs est souvent reproduite en détail. Tommaso Portinari (1428-1501), qui a eu pour ancêtre la Béatrice de Dante, est représenté dans le volet gauche et sa femme Maria Maddalena Baroncelli sur le volet droit. Née en 1456, elle meurt en 1482, année où le tableau arrive à Florence. Ce triptyque aura une influence certaine sur les peintres florentins de la période classique.
Van der Goes met la rigueur du détail flamand, la fluidité d’un dessin qui suggère plus les volumes qu’il ne les définit au service d’une forte sensibilité, d’une profondeur psychologique. Bien qu’on lui ait attribué de nombreuses œuvres, notamment des portraits, peu ont été authentifiées et conservées : Le triptyque et l’Adoration, seules peintures documentés, le Triptyque du Calvaire (1465, Gand), le Péché originel et la Déploration du Christ (tous deux 1465-68, 33x23cm, Vienne), le Retable de Monfort (1470), la Mort de la Vierge (1480, Bruges).
« Étoile filante de la peinture flamande du xve siècle, Hugo Van der Goes est, avec Dirk Bouts, le peintre le plus original de la génération qui suit directement les premiers Primitifs flamands. Fortement empreint de l'art de Jan Van Eyck et de Van der Goes, il développe un style expressif très personnel qui aura un impact durable bien au-delà des Pays-Bas » (Ency. Universalis).
« Prolongement des œuvres de van Eyck et van der Weyden, qui sont incontestablement ses grandes références, il accentuera encore l’intensité émotionnelle qu’avait recherchée Van der Weyden, avec des compositions très personnelles et tourmentées. En observant attentivement ses œuvres et en particulier les personnages, on verra que nous sommes en présence d’un réalisme poétique construit à partir de toute une symbolique spirituelle » (Rivage de Bohême).
Hans Memling (1435/40-1494) est originaire de Rhénanie, mais on ne sait rien de ses jeunes années. Ses premières œuvres dénotent une nette influence du peintre Stephan Lochner (dit Meister Stephan,1410-1451 peintre de Cologne de la période du Spätergotik (voir XVèmePeinture/Outre-rhin), représentatif du Weichrstile (Style (doux) qui subira ensuite lui-même l’influence des maîtres flamands. (voir aussi Tome 1/Le Gothique International/ Outre-rhin).
A une date ignorée, Memling serait rentré dans l’atelier bruxellois de van der Weyden (†1464) dont la production survole celle des autres villes par la quantité et la qualité. Vers 1465, il s’installe dans la très prospère Bruges qui, ancienne capitale des Pays-Bas Bourguignons, tout aussi riche que la nouvelle capitale Bruxelles, à son long passé de ville marchande internationale avait ajouté au XIVème siècle une activité boursière autour de laquelle se groupaient les ‘’nations’’ ou ‘’consultats’’ tels les exportateurs anglais de la laine ou les marchands de la Ligue Hanséatique qui aura uni du XIIème au XVIIème siècle les grandes villes marchandes côtières de la Baltique. Le ville connaitra une véritable guerre civile ; en 1488, Maximilien est fait prisonnier, et une épidémie de peste en 1489.
Memling va se spécialiser dans le portrait et avec bonne renommée fera ceinture dorée. Ses commanditaires sont les riches bourgeois marchands et commerçants, belges, anglais et italiens dont Tomaso Portinari, gérants des affaires des Médicis pour les Pays-Bas Bourguignons.
« L’œuvre de Memling est l’aboutissement de tous les apports du 15e siècle flamand. Qu’il s’agisse des polyptyques, des scènes religieuses ou des portraits, son aisance est exceptionnelle. Il excelle particulièrement dans l’art du portrait. Ceux de ses débuts se rattachent à la tradition, avec un fond sombre. Puis, il se libère de cette contrainte formelle et place ses personnages devant une fenêtre au travers de laquelle se découpe un paysage. Le portrait acquiert ainsi une profondeur inédite et permet des effets de lumière innovants. »(https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-15-16e-siecles/hans-memling.html)
« Redécouverte à l'époque romantique dans le cadre d'une Bruges déjà idéalisée, son œuvre apparaît tout au long du xixe siècle comme l'incarnation parfaite de la mystique du Moyen Âge finissant. La facilité apparente de son art, l'exaltation qu'il suscite auprès des profanes, la révélation progressive de l'œuvre de ses grands devanciers détourneront peu à peu de lui l'intérêt des "connaisseurs".
« L'œuvre de Memling n'échappe que lentement à cet ostracisme. Une approche plus objective commence seulement d'en dévoiler les richesses. Elle se présente aussi de plus en plus comme le couronnement du siècle des Primitifs flamands, comme un temps de classicisme avant la grande tourmente formelle qui écartèlera l'école flamande au cours du siècle suivant. » (https://www.universalis.fr/encyclopedie/hans-memling/).
Memling tient une place à part dans cette Pré-Renaissance flamande. Non seulement parce qu’il est le dernier né de cette génération de peintres restée dans l’histoire mais parce que son œuvre est faite d’une tranquille assurance qu’il devait sans doute autant à sa situation de notable aisé de la ville de Bruges où son atelier était très productif, qu’à son tempérament allemand. Sans doute, est-ce de cette tranquillité que de ses portraits émane une douceur, une délicatesse d’expression et d’attitude qui les rendent attachants.
A la mort de Memling, Gérard David (1460-1523) sera le peintre le plus important de ‘’l’école’’ de Bruges. A l’inverse de son prédécesseurs dont la renommée lui faisait jusqu’alors ombre, David donnera une peinture plus rigoureuse mais aussi plus ‘’épurée’’ en ce sens qu’elle s’éloigne « des atmosphères enchantées, des pauses savantes, des subtilités sentimentales qui caractérisaient l’art de Memling » (Du Gothique à La Renaissance, Hachette 1963).
Parmi les œuvres importantes de Memling :
Jérôme Bosch, (Hiéronymus van Aaken ou Haken, dit 1450/55-1516) est né à Bois-Le-Duc dans le Nord-Brabant (le sud des Pays-Bas) d’une famille de peintres-enlumineurs d’Aix-La-Chapelle qui arrive dans la ville en 1423. Bois-Le-Duc est alors une grande et prospère ville de Hollande. Le jeune Bosch est formé par son père avec qu’il travaille jusqu’à environ 25 ans. Son frère Goessen tiendra l’atelier à la mort de leur père en 1478.
En 1480, il fait un riche mariage en épousant Aleid van de Meervenne qui possédait et gérait ses propres terres et biens. Ils menèrent une vie aisée et dans une bonne entente. Ils n’auront pas d’enfant. En 1486, il entre dans la Confrérie de Notre Dame vouée au culte de la Vierge. Son frère meurt en 1497. Il prend alors sa succession à la direction de l’entrepris familiale. Le succès de sa peinture entraine un développement de l’atelier.
En 1504, Bosch reçoit en commande un tableau qui sera l’Enfer et Le Paradis pour lequel il prend officiellement le pseudonyme de Bosch (Bois de Bois-le-Duc). Le commanditaire en est Philippe le Beau, qui revient de Tolède où son épouse Jeanne et lui ont reçu l’hommage des Cortés de Castille et d’Aragon. Ils deviendront reine et roi consort de Castille et d’Aragon à la mort Isabelle de Castille en 1504.
Bosch va acquérir à partir de là une renommée qui dépassera les frontières des Pays-Bas. En 1499, il se rend à Venise. Il meurt dans sa ville natale de la peste en 1516.
Bosch eut de nombreux suiveurs et les historiens continuent à chercher parmi toute la production boschienne si tel ou tel tableau est de sa main ou non.
Le fantastique si particulier qui va caractériser son œuvre apparaît dès ses premiers tableaux : Saint Jean Baptiste (1474), la Tentation de Saint Antoine (1482). Déjà L’Adoration des Mages (1472) laisse percevoir que l’univers du peintre était transgressif avec un Melchior ressemblant plus à une femme qu’à un homme, une tête couronnée épiant la scène à demi dévêtu, à moitié cachée dans une étable dont le délabrement, sur le point quasiment de s’effondrer rend la venue de l’Enfant Divin, plutôt maigrichon, porteuse d’un avenir plus inquiétant que salvateur. Alors que celle de 1468, quatre ans plus tôt seulement était encore ‘acceptable’, respectueuse de la tradition évangélique.
L’œuvre de Bosch pourrait être répartie en deux catégories de tableaux. Ceux qui sont d’une représentation directement lisible et qui n’offrent pas une vision fantasmagorique, comme L’Ecce Homo (1485, Frankfort), Le Triptyque du Martyre de Sainte Julie (1497 ?), Saint Jérôme en Prière (1505 ?).
Un deuxième groupe est constitué par les tableaux et triptyques dans lesquels la lecture est symbolique et dans lesquels l’imagination du peintre déborde dans un monde onirique qui tend au cauchemar. Le pieux Bosch se fait moraliste : les Vices mènent à la damnation. Le Triptyque du Jugement Dernier (1482, Vienne), La Tentation de Saint Antoine (1495), le Jardin des Délices (1495-1505) font partie de ce groupe où les grylles représentent « selon Michel Foucault, l’image de l'âme prisonnière de la bête, monstre qui dénonce l'avilissement de l'esprit et la folie du péché[17] ».
D’autres tableaux se situent entre la vision banale et la vision délirante (onirique). Le fantastique ne s’exprime pas de manière ouverte mais les personnages ne sont pas pour autant des hommes et des femmes ordinaires, leur physionomie relève plus de l’allégorie que de la psychologie. Ce sont souvent des trognes inquiétantes, cruelles. Ce sont les humains dans ce qu’ils peuvent avoir de plus hideux. Entre humains et grylles comme dans La Nef des Fous (1485), le Portement de Croix (Gand,1515) et Le Chariot de Foin (1498) qui symbolise l’avidité selon un adage médiéval et où l’on voit au panneau de gauche Adam et Eve chassés du paradis ; au panneau du centre toutes les vices et la cruauté des humains avec un cortège d’évêque, de princes et seigneurs en convoi solennel mais en retrait, impuissants et/ou indifférents à endiguer les instincts humains ; au panneau de droite l’enfer pour ceux qui par leur vices se sont éloignés de dieu.
Les tableaux de Jérôme Bosch ne répondent pas aux exigences d’une géométrique linaire telle qu’elle apparaîtra au XVIème siècle en Italie. Elle correspond bien souvent encore à la perspective de dignité (symbolique ou signifiante) par laquelle personnages ou scènes sont représentés plus ou moins grands selon leur importance. La composition n’est pas une mais se décompose en plusieurs scènes. Chacune constituant une illustration du thème et pourrait à elle seule faire l’objet d’un tableau. L’ensemble donne toujours l’impression d’un foisonnement voire d’un grouillement, au moins d’une agitation pour ne pas dire d’une fébrilité. L’humain est un être fébrile en proie à l’agitation des ses passions et de ses vices.
Le dessin relève toujours d’un trait fin. La couleur dominante est souvent l’ocre que viennent rehausser des bleus profonds, des rouges, et des orangés vifs, parfois des jaunes acidulés et souvent des blancs. Bosch poursuit une tradition apparue avec les premiers primitifs flamands qui intègrent les gens du peuple dans les scènes religieuses et pas seulement profanes.
Nombre de sources attribuent la vison phantasmatique de Bosch au climat social et religieux de l’époque : Chasse au sorcière, lutte farouche contre l’hérésie ou encore à un Bosch imprégné de mysticisme. Mais si la source d’inspiration du peintre était d’ordre aussi général, il n’aurait sans doute pas été jusqu’à faire figurer de manière aussi ostensible ce que l’on considère comme un surréalisme avant l’heure ; et même sous une forme moins ‘délirante’, un climat d’angoisse voire de terreur se reflèterait chez les artistes contemporains. Or cette période dans les provinces du Nord est une période de prospérité, d’enrichissement des classes moyennes. Les troubles sociaux ne sont ni plus ni moins importants et relèvent d’une opposition à l’emprise des Habsbourg et Trastamare[18] plus que d’une réprobation du clergé. Ils ne sont pas plus importants que dans la période précédente et le bouleversement des mentalités qu’entrainera la Réforme n’est même pas encore en germe si ce n’est du côté de la Bohême. Le rapport avec une Église qui s’est empêtrée dans ses conciles de Constance et de Bâle dans la première moitié du siècle semble bien plus être une prise de distance, une de prise d’autonomie qu’une franche opposition comme cela se manifestera progressivement à partir du rejet des indulgences au début du XVIème siècle. L’univers du peintre Jérôme Bosch semble pouvoir plus vraisemblablement s’expliquer par sa nature inquiète et… artistique.
L’univers inquiet, onirique, moraliste de Jérôme Bosch marque une rupture totale avec ce qui le précède. Ses délires picturaux qui traduisent sans doute des hallucinations perçues sous effet de l’ergot de seigle, puissant psychotrope qu’il consommait, lui donne une place intemporelle dans l’histoire de la peinture. Ce peintre de la folie (la Nef des fous,1490-1500), rejoint à travers le temps tous les artistes qui tout en projetant l'anxiété, les incertitudes de leur époque projettent sur la toile l’angoisse existentielle la plus pure et tout autant le besoin d’un monde apaisé par le respect d’une morale qui nous préserve de l’égoïsme, de la cupidité, de la vanité, de tout ce qui nous replie sur nous-même et nous met face à nos cauchemars, tout ce qui nous permet de croire en l’existence d’un Jardin des Délices terrestres (1504). Ses thèmes comme sa manière auront une influence certaine à la fois sur Brueghel l’Ancien pour ses scènes où foisonnent les personnages et dans des tableaux comme Die Dulle Griet (Margot la Folle, 1562), et sur le peintre anversois Joachim Patinir (1483-1524) pour les paysages.
Geerart Janszoon (Gérard David, c.1460-1523) est né à Oudewater près d’Utrecht (centre des Pays-Bas actuels). Il a pu être formé à Harlem avant d’aller travailler dans l’atelier de Memling à Bruges. Il entre dans la Confrérie de St Luc[19] en 1484. Il en deviendra le doyen. En 1496, il se marie avec la fille du doyen de la guilde des orfèvres. Il entre également en 1507 dans la riche Confrérie de l’Arbre Sec[20] qui se consacre au culte de la vierge ; signe d’une consécration sociale. En 1515, on le trouve inscrit à la Guilde St Luc d’Anvers, sans qu’on en sache véritablement la raison.
Il meurt après avoir mené une vie bourgeoise à Bruges sans
avoir, semble-t-il, atteint à une renommée qui aurait dépassée les Pays-Bas, malgré la commande d’un triptyque de l’Annonciation en 1506 pour l'abbaye de La Cervara en Ligurie. Son œuvre sombrera dans l’oubli avant d’être redécouverte au XIXème siècle.
En 1494, Memling mort, il sera resté seul à dominer la peinture brugeoise. A l’inverse de son prédécesseur dont la renommée lui faisait jusqu’alors ombre, David donne une peinture plus rigoureuse mais aussi plus ‘’épurée’’ en ce sens qu’elle s’éloigne « des atmosphères enchantées, des pauses savantes, des subtilités sentimentales qui caractérisaient l’art de Memling » (Du Gothique à La Renaissance, Hachette 1963). L’œuvre du dernier grand primitif flamand s’inscrit dans une sage et raisonnée tradition flamande, loin des nouveautés d’un van der Weyden à Bruxelles, d’un van der Goes († 1494) à Gand, d’un Jérôme Bosch à Bois-le-Duc et surtout de son prédécesseur à Bruges Jan van Eyck, mort dans la ville en 1441 après s’y être installé définitivement en 1430 et avoir peint en 1432, L’Agneau Mystique (1432), œuvre qui marque l’entrée des provinces du Nord dans la Pré-Renaissance.
On doit notamment à David Une Crucifixion (1490) ; le diptyque du Jugement de Cambyse (1498), son tableau le plus connu qui représente à droite le roi de Perse, Cambyse II (-520) rendant son jugement, et à gauche le juge corrompu, en train d’être écorché vif ; deux Adorations des Mages (1500 et 1515), le Baptême du Christ ( ou Triptyque de Jan des Trompes (1505-08) ; deux Crucifixion (1490-1515); Le Mariage Mystique de Sainte Catherine (1505-10) ; Le Christ Cloué sur la Croix (1481) ; le Triptyque de la Famille Sedano (1495-1498) ; La Vierge entre les Vierges (Rouen), dont « dans cet ensemble dense, la vierge au verticalisme accentué, inhabituel chez le peintre et d’une grande solidité statuaire, semble répondre à la Madone de Bruges [1504] de Michel-Ange arrivée dans la ville en 1506 ». (Musée des Beaux-Arts de Rouen http://mbarouen.fr/fr/ œuvres/la-vierge-entre-les-vierges); auxquels il faut ajouter deux Fuites en Égypte (1510 et 1515).
Après ses œuvres de jeunesse, « L'évolution de sa palette est ensuite significative: apparaissent des couleurs plus suaves, et une harmonie plus subtile, un traitement mieux maîtrisé de la lumière. Il est aisé de s'en apercevoir en comparant des tableaux traitant le même thème à deux époques différentes, par exemple L'adoration des mages de 1500 et L'adoration des mages de 1515, ou encore la Crucifixion de 1490 et la Crucifixion de 1515. Mais certaines constantes demeurent, en particulier le goût du paysage, qui apparaît presque toujours à l'arrière-plan et qui conquiert un statut privilégié dans les œuvres les plus tardives : Le repos durant la fuite en Égypte, de 1510 et 1515 ». (Rivages de Bohème/Gérard David).
David fut également un enlumineur réputé. Il a participé à l’enluminure du fameux Manuscrit de Grimani (commanditaire inconnu) réalisé entre 1515 et 1520, notamment avec une Marie Madeleine Pénitente. Par ce travail, David se relie à l’École Ganto-Brugeoise, regroupant les enlumineurs flamands du dernier quart de siècle.
« Le style de cette école remplace celui qui présidait jusqu'alors à la cour des ducs de Bourgogne où les manuscrits comprenaient généralement une miniature initiale de dédicace, peinte en pleine page, suivie de décorations marginales florales stylisées, représentant généralement des acanthes. Au cours des années 1470-1480, un nouveau style apparaît. Il exprime la recherche d'un plus grand naturalisme dans la représentation des individus, des intérieurs ou des paysages. Les enlumineurs prennent l'habitude de peindre les personnages (commanditaires ou non) sous la forme de portraits de grande dimension, en pied ou à mi-corps. » (Wikipédia)
« Il restera sans doute toujours un voile mystérieux sur les origines de l'art hollandais. Peut-être Gérard David, que l'on croit être né à Ouwater en 1460, apprit-il à Haarlem les éléments de son art, car ce centre fut aussi important que Bruges même. Sans doute aussi Jacob Jansz ou Cornelisz van Oostzanen (1450-1512 ?), portraitiste de grand talent selon Van Mander[21] et qui, dans les collections allemandes, devient l'apocryphe Jacques Van Assen, ou Jacques de Haarlem, ou même Jacob van Amsterdam, fut le premier maître de Schoreel et collabora avec lui pour les fonds. Engelbrechtsen peut aussi avoir étudié chez lui, et J. Mostaert fut disciple d'un Jacques Jansz qui, malgré le changement de nom patronymique, semble devoir être le même artiste».[22]
[1] Le mot fut employé pour la première fois par Giorgio Vasari (1511-1574) dans Les Vies (Le Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori,1550-1568) mais en référence à la période classique du 16ème siècle italien.
[2] Courtois en référence à la cour royale mais aussi à l’esprit courtois des troubadours. Pour rappel au XVème siècle, la poésie courtoise restait en vogue et Laurent de Médicis en fut un des meilleurs représentant.
[3] La première bourse a été ouverte à Bruges au début du XIVème siècle et que la première bourse de valeurs a été créée, elle, en 1460 à Anvers (voir Introduction/Économie).
[4] Au début de la Guerre de Cent Ans, mettant en conflit la France et l'Angleterre pour la succession au trône de France, à la mort de Charles IV survenu en 1328, Édouard III Plantagenêt (1312-1377) avait bloqué en 1336 l'arrivée de la laine par la mer aux filatures flamandes pour forcer à se rallier à lui Louis 1er, Comte de Flandres*. Sous la menace d'un péril économique, le comte s'était rallié, "lâchant" le roi de France. Fort de cet appui, Édouard, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, se couronnait alors roi de France. Pas plus que Richard Cœur de Lion, Édouard III ne parlait l’anglais car depuis Guillaume le Conquérant (†1087), les héritiers de la couronne d’Angleterre étaient élevés en France et ne parlaient pas l’anglais mais le français qui a été la langue officielle (plus exactement le franco-anglo-normand) jusqu’à l’ouverture de la cession du parlement de 1363 où le discours se fit en anglais (moyen-anglais).
* La Flandre devient bourguignonne en 1384
[5] Créée en Italie au XIVème siècle, la Guilde de St Luc est une confrérie de peintres, de sculpteurs et de graveurs qui étendit ses ramifications aux Pays-Bas Bourguignons, en Rhénanie puis en France. Les guildes des peintres, des orfèvres, des lainiers etc. étaient constituées sous le patronage d’un saint dont elles devaient célébrées le culte.
[6] L'huile, généralement de lin, doit être chauffée avant usage. A cette époque et pour longtemps, chaque peintre garde jalousement le secret de sa préparation des teintes qui doit pouvoir permettre le rendu souhaité mais aussi assurer à celles-ci une grande stabilité. L’histoire montrera que le développement de la technique à l’huile, après la Flandre, à Venise, puis dans toute l'Europe, entraînera en deux siècles la disparition des techniques a tempera et a fresca. La raison en est double: non seulement d'un point de vue pictural pour la profondeur du rendu par la superposition des couches de glacis sur lesquels est déposé un vernis de finition pour supprimer les embus (mats), mais aussi pour des raisons pratiques de transport en corrélation avec l’usage de plus en plus répandu de la peinture sur une toile toujours préparée à l’enduit souple, et alors désolidarisée de son panneau de bois. La toile a le grand avantage de pouvoir être roulée.
[7] Ne pas confondre le Chevalier Rollin (ou Rolin †1426), chancelier de Philippe le Bon avec son fils le Cardinal Jean Rolin (†1483) évêque d’Autun où il est né et représenté par Jean Hey dans sa Nativité de 1480.
[8] Tournai se trouve dans le Hainaut, province qui se situait dans l’actuelle zone frontalière de la Belgique et de la France. Elle ne faisait pas partie de la Flandre mais de ce que l’on appelle aujourd’hui la Wallonie. Le Hainaut sera rattaché aux Pays-Bas Bourguignons en 1433 par Philippe le Bon.
« La Belgique de l'époque est celle des 17 provinces. Le fait que Rogier de la Pasture, natif de Tournai, ait été durant le courant du 19ème siècle inclus dans "les primitifs flamands" suite à une exposition, ne fait pas de lui un Flamand. Sont Flamands (et non la Flandre actuelle) les peintres de la Flandre orientale, occidentale et la Flandre Française. Tournai est dans le Hainaut, province Wallonne. Alors Van der Weyden est un peintre belge, oui, flamand non.
Cette fausse appellation vient de la cour de Madrid à la fin du moyen-âge qui donnait comme nom de tout ce qui venait du nord de vocable flamand. Au 19ème siècle, le Roi Léopold 1er a lancé ce mouvement romantique, tant dévolu à l'architecture qu'aux tapisseries, peintures etc. de flamandes... » (Étienne Matagne, http://www.artliste.com/rogier-van-der-weyden/). Van de Weyden, né à Tournai est mort à Bruxelles (Belgique)
[9]D’autres sources comme http://www.academie-sabl-dijon.org/ celebration/ deces-de-rogier-van-der-weyden/, le donne reçu maitre par la Guilde de Tournai en 1432.
[10] En fait, la Vierge à l'Enfant et Douze Anges (1430) au musée Städel de Francfort où se trouve également La Madone des Médicis de Van der Weyden (1460-1464).
[11] Voir ci-après Outre-rhin / École de Cologne
[12] Psaume :15 89-16 : « Heureux le peuple qui connaît le son de la trompette ; Il marche à la clarté de ta face, ô Éternel ! » La trompette symbolise dans la Bible, l’avertissement ou l’éveil à la parole de Dieu.
[13] Pour en savoir plus sur ce polyptyque, cf. l’article de Jean-Yves Cordier qui s’appuie sur l’étude approfondie de « la publication de Nicole Veronee-Verhaegen, L'Hôtel Dieu de Beaune, (1973), treizième monographie du Centre National de recherches "Primitifs Flamands" ». (http://www.lavieb-aile.com/2016/09/le-polyptyque-du-jugement-dernier-1445-1450-de-rogier-van-der-weyden-aux-hospices-de-beaune-a-la-loupe-ii-les-visages.html)
[14] Cf sur cette question, notamment J. Lavalleye, Le problème Maître de Flémalle - Rogier Van der Weyden (https://www.persee/doc/rbph_0035-0818_1933_num_12_3_1416)
[15] L’innovation de Campin serait d’avoir introduit un réalisme certain voire cru dans des peintures religieuses tel que la représentation de sage-femme dans sa nativité. Les peintres italiens de la Première Renaissance ont également introduit du réalisme dans leurs peintures, mais si Campin et les primitifs flamands s’attachent à une description parfois très minutieuse de la vie quotidienne, les peintres italiens auront plutôt tendance à placer leur réalisme dans une représentation humaine des personnages religieux. La vierge, par exemple, est parfois montrée sous son aspect maternel ou d’humilité, représentations qui l’éloigne de la Maestà (en majestémajeste) de la peinture médiévale
[16] van Oest indique comme premier nom donné au Maître de Flémalle celui du « Maitre de la Souricière » en référence au St Joseph du Triptyque de Mérode qui fore des trous dans une souricière. Le nom de Flémalle viendrait selon lui de par le fait que M. von Tschudi, (1851-1911), historien d’art. croyait que les document déposés à l’Institut Staedel provenait de l’abbaye de Flémalle (Wallonie, province de Lièges. Hugo von Tschudi (1851-1911), historien d’art.
[17] Présentation de Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault, Édit Gallimard 1961.Dans l’Antiquité, le grylle est une tête grotesque avec n’importe quel objet ou forme faisant office de corps. Ces représentations étaient gravées sur des pierres de petite taille.
[18] 1496 Mariagemariage de Philippe le Beau, fils de Maximilien 1er de Habsbourg, avec et Jeanne de Castille (La Folle) de Trastamare, fille des Rois Catholiques, Ferdinand II d’Aragon et d’Isabelle de Castille. Leur fils Charles sera roi d’Espagne en 1516 et empereur en 1519.
[19] Créée en Italie au XIVème siècle, la Guilde de St Luc est une confrérie de peintres, de sculpteurs et de graveurs qui étendit ses ramifications aux Pays-Bas Bourguignons, en Rhénanie puis en France. Les guildes des peintres, des orfèvres, des lainiers etc. étaient constituées sous le patronage d’un saint dont elles devaient célébrées le culte.
[20] Référence à l’Arbre de la Connaissance qui a séché après qu’Adam et Eve ont été chassés du Paradis. Petrus Christus (†1576) a peint vers 1460, une célèbre Madone à l’Arbre Sec représentant Marie portant l’enfant, juchée au haut d’un tronc d’arbre dont les branches épineuses font une arche qui l’enveloppe.
LE RETABLE POLYCHROME - L'ENLUMINURE - LA GRAVURE
Le retable sculpté polychromé existait bien avant le XVème siècle, mais au cours de ce siècle non seulement sa production mais aussi sa surface, sa complexité, son montage vont prendre une ampleur assez considérable. Constitué de la caisse centrale, la huche et de deux volets latéraux qui se rabattent sur elle pour la fermer, il est sculpté le plus souvent dans du bois de tilleul, et souvent peint. Plusieurs corps de métiers participent à sa construction, le menuisier pour la huche, le ou les sculpteurs pour les scènes, le peintre pour la polychromie, le doreur pour la dorure.
Pour compenser ce qu’il ne peut pas gagner en profondeur de champ visuel, le retable le compense par le nombre de ses personnages qui augmente, de même que ses éléments d’architectures (colonnettes, gâbles, pinacles, fenêtres) et par avec un agrandissement de sa surface qui n’est plus rectangulaire mais en croix, et parfois surélevé en son centre, et dans ce cas deux autres petits volets viennent fermer la partie supérieure.
Les personnages sont dans des positions de plus en plus expressives, leurs costumes sont de plus en plus détaillés et l’ensemble des scènes, bibliques ou vies des saints, regorgent de détails. Une nouveauté est aussi le montage du retable. Les personnages sont sculptés à part et placés en suite sur le retable (comme une sorte de crèche) dont la base (le sol) est généralement en pente pour pouvoir les disposer en meilleure vue en haut relief voire ronde bosse.
On peut noter parmi les plus remarquables La Crucifixion (1390, Chartreuse de Champmol, Dijon) sculptée par Jacques de Baerze et peinte par Melchior Broederlam, qui ouvre la période de ce genre de retables ; La Crucifixion et les Douze Apôtres (1420, Dortmund) ; le Retable de la Passion dit de Brimo de Laroussilhe du nom du galeriste (Bruxelles, 1450-60) ; Le Retable de Ternant (France, au pied du Morvan), un Retable de La Passion (vers 1454) commandé par Charles Ternant, chancelier et ami d’enfance de Charles le Téméraire ; le Retable de Saluce (1510, Bruxelles); Le Retable du Couronnement de la Vierge de l’église Saint Wolfgang (1471-78, Mickhausen, Souabe) de Michael Parler ; l’immense Retable de la Collégiale St-Étienne de Breisach sur Rhin (1526) ; le Retable de la Passion (Rumilly-le-Vaudes, Champagne,1533) en pierre polychrome qui ne compte pas moins de 70 personnages en haut relief.
L’Espagne où nombre des architectes, sculpteurs et artistes vont au XVème siècle venir de divers horizons va voir se développer sous l’influence du Nord une production importante de retables aux dimensions monumentales qui, sans volets, s’élèvent au fond du chœur comme des murs derrière l’autel. Le Retable Majeur de la Cathédrale de Séville, le Christ en Croix (1496-99 Chartreuse de Miraflores) et le Retable de L’immaculée Conception (Cathédrale de Burgos) ; ces deux derniers du sculpteur d’origine flamande Gil de Siloé, sont parmi les meilleurs exemples.
Parmi les sculpteurs les plus représentatifs de l’art du retable, il faut retenir :
Veit Voss (1448-1533), sculpteur d’origine Souabe (voir sculpture), mort à Nuremberg a réalisé le plus grand retable d’Europe (13x11m) à la Basilique Ste Marie de Cracovie ( ou de Notre-Dame de Cracovie) ville où il travailla beaucoup et une Salutation Angélique à l'église Saint-Laurent de Nuremberg (1517-1518.
Son Pentaptyque de l’Arbre de Jessé (généalogie de la Vierge) réalisé entre 1477 et 1489 est composé de cinq parties : Le panneau central illustre la Dormition et l’Ascension de la Vierge. Les trois volets superposés de gauche illustrent l'Annonciation, la Nativité, et l'Adoration des Mages ; les trois de droite la Résurrection, l'Ascension, la Pâques.
Michael Erhart, issu d’une famille de sculpteurs sur bois, est actif dans la ville d’Ulm de 1469 à 1522. Il forme son fils Gregor et Tilman Riemenschneider. Sa pièce maitresse est le retable de l'église de l'ancienne abbaye bénédictine de Blaubeuren (1490-94, Bade-Wurtemberg).
Gregor, fils de Michael, actif de 1470 à 1540, sera aussi sculpteur d’abord à Ulm, puis à Augsbourg où en 1494 il obtient la citoyenneté. Deux ans plus tard, il est inscrit comme maitre-sculpteur. Il sculpte le retable de l'abbatiale de Weingarten à Ravensburg (après1485) que peint Holbein L’Ancien. Vers 1540, il meurt à Augsbourg, ville restée célèbre pour la confession des luthériens présenté à l’empereur en 1520.
Niklaus Wechkman (1481-1526) de Ulm. On lui doit une
Nativité et une Adoration des Mages de 1515 et le retable de l’église Thalheim (Ulm, 1510).
Gil de Siloéné d’origine anversoise est reconnu actif à Burgos pour une période relativement courte, de 1486 à 1501 (05 ?)
Giovanni Bellini (1425/33-1516), de la famille vénitienne des Bellini, peint la célèbre Pala di Pesaro entre 1471 et 83. En fait de retable, il s’agit plutôt d’une huile sur bois dans une cadre, lui-même encadré d’une architecture à l’Antique contenant sur ses côtés et sur son socle saints et religieux, et scènes bibliques.
(Voir aussi Tome 1/ Peinture Romane et Peinture Gothique)
L’enluminure survivra en Italie durant la Renaissance. Les tout derniers représentants de l’enluminure y seront
Deux sortent de gravures apparaissent au XVème siècle : La manière large et la manière fine, qui se distinguent non seulement par l’épaisseur de la taille mais aussi par l’ampleur du dessin : la manière douce ou fine donne un dessin plus serré, peut-être moins lisible, tandis que la manière large donne de l’espace à la représentation. Antonio Pollaiuolo est une maître de la 'maniera larga'.
« La gravure au burin apparait en Allemagne au début du XVème siècle…dans un contexte gothique… les estampes [de la Renaissance italienne] sont plus larges, d'une atmosphère plus ouverte et de sujets classiques et exotiques.» (https://fr.wikipedia. org/ wiki/Manière _fine_et_large).
La première gravure sur bois est le Bois Protat, du nom de celui qui la découvert au XIXème siècle. Plusieurs sources donnent l’apparition de la gravure vers 1370-75, ce qui semble confirmer la datation de ce bois, entre 1375 et 1380, que fait l’historien de la gravure de la seconde moitié du XIXème siècle, Henri Bouchot.
La gravure sur métal (notamment le cuivre) apparaitra un demi-siècle plus tard. Elle utilise la méthode dite de la taille douce qui consiste à l’inverse de la taille d’épargne à mettre en creux le motif. Le colorant, à l’exclusion de la surface restée plane, occupe les sillons gravés. La taille douce est un dérivé du travail de l’orfèvre et les premiers graveurs sur métal seront des orfèvres.
Avec l’imprimerie, les livres (et non plus les codex) seront imprimés avec des caractères mobiles en relief selon le procédé de la gravure en relief à lettres amovibles (dit à caractères mobiles) mis au point par Gutenberg en 1450, et seront illustrés par le procédé de la taille d’épargne (Tome 1 / Le M.A./ la Gravure au XIVème siècle ). Les livres imprimés entre 1450 et 1500 sont appelés incunable de incunabala qui signifie à la fois la langue du nouveau-né, son emmaillotage ou encore le berceau (Dictionnaire Gaffiot).
Notes
[1] Ne pas confondre avec Carlo Crivelli (1430/35-1493/95) originaire de Venise, peintre ‘précieux’ qui « représente à merveille la forte inclination décorative et plastique du derniers tiers du XVème siècle.» ibidem
LA RENAISSANCE DANS L' EUROPE DU XVIème SIÈCLE (hors l'Italie)
Au plan politique, en ce XVIème siècle auront régné Henri VIII (1491-1547), Marie Tudor et Élisabeth 1ère (1558-1603) (1509-1547), François 1er (1515-1547), Henri II (1519-1559) et Henry IV (1553-1610), Charles-Quint (1516-1558) et Philippe II. Durant ces règnes, auront eu lieu;
- Les Guerres d’Italie de 1499 à 1559 avec au milieu la victoire anglaise de Pavie en 1525 et l’emprisonnement de François 1er ;
- Les Guerres de Religions de 1568 à 1589 ; la défaite de l’Invincible Armada en 1588.
- Les Grandes découvertes et La Conquête du Nouveau Monde avec ses conquistadores et l’apparition des premiers corsaires et flibustiers.
- La fin de la dynastie des Valois et le début des règnes des Bourbons avec Henri IV en 1594; la fin de la dynastie des Tudor avec l’arrivée des Stuart à la mort de la Reine Vierge.
Au plan religieux, se tiennent le Vème Concile de Latran (1512-1517) et le Concile de Trente (1542-1563) en même temps qu’ à partir de 1517 s’annoncent et vont prendre de l’ampleur les réformes Luthérienne et Calviniste et Anglicane qui font finir par s’imposer tout autant qu’à partir de 1563 la Contre-Réforme lance son programme de reconquête liturgique et artistique des âmes.
Au plan culturel, contemporains des grands artistes qui ont traversé ce grand et brillant siècle de la Haute Renaissance, des auteurs, des penseurs, des musiciens ont eux aussi laissé leur nom à la postérité.
Les Auteurs :
B. Castiglione 1478 -1529 Le Tasse 1544-1595 Marguerite de Navarre1492-1549 Clément Marot 1496-1544
Louis Labé 1526-1565 ( ?) Pierre Ronsard 1524?-1585 Joachim du Bellay 1522?-1560
Rabelais 1494-1556 Montaigne 1530-1592 Nostradamus 1503-1566
Sir Thomas Wyatt 15Le Tasse 1544-159502-1542 Edmund Spencer 1552 –1599 Sir Philip Sidney 1559-1586
John Donne 1572-1631 Marlowe 1564-1593 William Shakespeare 1564-1616 Benjamin Jonson 1572/73-1627
Fernandos de Rojas 1474-1541 Miguel Cervantes 1547-161 Juan Boscán 1485-1553
St Jean de La Croix 1542-1591 Luis de Camões 1524-158
Les Humanistes et Les Religieux :
Jean Dorat 1508-1588 Jacques Amyot 1513-1593 Pierre de La Ramée 1515-1572
Gilles de Viterbe 1469-1532 Giordano Bruno 1548-1600
Francis Bacon 1561-1626
Paracelse 1493-1541 Corneille Agrippa 1486-1535
Martin Luther 1483- 1546 Mélanchthon 1497-1560
Hulrych Zwingli 1484-1531 Sébastien Franck 1499-1542 C. Schwenckfeld 1490-1561
Jean Calvin 1509-1564 Théodore de Bèze 1519-1616 Martin Bucer 1491-1551
Térèsa Dávila 1516-1582 Jean de La croix 1542-1591 Isabelle de la Cruz
Catherine de Gênes 1447-1510 M.M. Pazzi 1566-1607
Les Musiciens
Clément Janequin 1485-1558 Nicolas Gombert 1500-1556 Jacques Arcadelt 1500-1568
Clemens non papas 1510-1555 Claude Godimel 1520-1572
Claude le Jeune 1530-1600 Philippe Verdelot 1485-1552
Palestrina 1525-1594
Michel Praetorius 1571-1621
Thomas Morley 1557-1602 John Taverner 1490-1545 Thomas Tallis 1505-1585
William Byrd 1540-1623 John Dowland 1563-1626
Cyprien de Rore 1515-1565 de Lassus 1532-1594 Adrian Willaert 1490-1562
Carlo Gesualdo 1566-1613 Monteverdi 1567-1643 Jacopo Corsi 1561-1602
Jacopo Pri 1561-1633 A. Gabrieli 1533-1585 G. Gabrieli 1554-1612
Luis de Victoria, 1548-1611 A. de Cabezón 1510-1566
Au XVIème siècle, les nouvelles conceptions et les nouvelles valeurs qui avaient animées la vie intellectuelle et artistique de la péninsule italique au siècle précédent gagnent l’Europe entière en s’amplifiant. Deux vecteurs politiques par les échanges et les déplacements qu’ils entrainèrent et par une redistribution des territoires, conduisirent à ce remodelage de l’art et de la culture européens : au Sud, les Guerres d’Italie, dont le Royaume de Naples fut un enjeu primordial, au Nord, dans le dernier quart du XVème siècle, la répartition entre les Habsbourg du St Empire et d’Espagne et la France des États Bourguignons qui, eux aussi, avaient innové dans le domaine social et artistique.
Les relations économiques qui avaient été étroites entre les marchands et banquiers du Sud (les Médicis, les Vénitiens, notamment), et les villes portuaires de la mer du Nord et leur centres financiers avec les nouvelles bourses se poursuivirent et ne ralentirent pas loin s’en faut.
De même, à elles liées, les relations entre artistes du Nord et du Sud qui déjà avaient été soutenues tout au long du Quattrocento. Les Flamands avaient apporté leur technique à l’huile, leur rigueur du détail et leurs goûts des paysages, les Italiens avaient apportés leur sens de la couleur et de la lumière, la construction de l’espace à partir de la perspective linéaire.
Dans cette évolution politico-artistique, que l’on peut considérer comme naturelle qui fit entrer l’Europe dans les Temps Modernes, vinrent s’engouffrer dans un tourbillon des consciences et des mentalités, les Réformes.
La France pour découvrir cette Première Renaissance avait dû attendre que ses rois, Charles VIII (1470-1498) le premier, poussés par des ambitions territoriales et des prétentions aux trônes, envahissent la péninsule du Duché de Milan au Royaume de Naples.
L’Espagne, elle, après avoir fait appel à des artistes du Nord, architectes et sculpteurs comme Gil de Siloé, Jean de Goas qui avait
commencé à intégrer des éléments classiques dans un gothique bien tardif, entamera sa Renaissance en optant définitivement pour un certain classicisme plutôt pour un certain ‘baroquisme’ avant l’heure, tant elle préserva voir renforça son goût prononcé pour l’ornementation héritée des styles mauresques. Les règnes de Ferdinand II d’Aragon (1452-1516) et d’Isabelle de Castille (1451-1504) dits les Rois Catholiques, seront des règnes de transition culturelle au cours desquels le Style Isabelin et la Renaissance dite Plateresque se manifesteront.
Au Portugal, sous le règne de Manuel 1er (1469-1521), le style auquel il donne son nom est imprégné de traditionalisme. En architecture, les structures restent gothiques voire romanes et comme en Espagne, les styles mudéjar et mozarabes continuent de prévaloir dans l’ornementation. L’apport italien apparaîtra sous le règne de son fils Jean III qui règnera jusqu’en 1557.
Outre-Manche, l’Angleterre de par sa situation insulaire tardera à accueillir les nouveautés artistiques qui la sortiront de la fin de la période médiévale qui pour elle n’est significative d’aucune création majeure, se contentant en architecture de prolonger en Gothique Décoratif, un Gothique qui en son temps avait fait preuve de plus originalité. En peinture et en sculpture, elle s’en tiendra à une production plutôt restreinte. Il faudra attendre la fin de la rivalité des York et des Lancastre, de l’affrontement de la Rose Blanche et de la Rose Rouge avec la montée sur le trône de la nouvelle dynastie des Tudor qui va s’étendre du couronnement Henri VII en 1485 à la mort d’Élisabeth 1ère en 1603, pour que, sans une pré-renaissance comme l’ont connue le Provinces du Nord voire la France, sans transition, commencent à se manifester les changements religieux, les nouveautés culturelles et artistiques. Henry VIII, roi en 1509, mort en 1547, aura mis son pays au diapason de la Renaissance Européenne en faisant venir à sa cour des artistes flamands et italiens.
Outre-Rhin, si la sculpture et la peinture ont fait montre au XVème siècle d’une activité certaine, sinon toujours d’une grande créativité, l’architecture comme dans les autres pays d’Europe, exception faite de l’Italie, est restée cantonnée dans ses formes médiévales. C’est le peintre Albert Dürer (1471-1528) qui marque en Allemagne la véritable rupture d’avec le passé, portant la peinture germanique et la gravure à des hauteurs qu’elle aura rarement atteints dans son histoire.
« Vasari datera tout naturellement l’âge nouveau [La Haute Renaissance] de l’apparition de Léonard de Vinci.
L’importance artistique de Léonard de Vinci fera oublier l’échec de la grande synthèse art-science. C’est par la séparation croissante et définitive du savoir scientifique et de l’activité artistique que se définira l’âge moderne. » (André Chastel, Dictionnaires des Peintres, Encyclopedia Universalis 2016).
Au XVIème siècle, alors que l’Europe commence tout juste à découvrir le nouveau langage artistique et les valeurs humanistes élaborés depuis près d’un siècle dans la péninsule italique, la Renaissance Italienne, au Cinquecento, atteint sa phase classique, que d’aucuns considèrent comme son apogée. Non que les innovations des artistes du Quattrocento n’aient pas été foncièrement classiques, elles sont bel et bien inspirées de toute l’antiquité dite classique, mais le premier quart du XVIème siècle est comme l’aboutissement de toutes ces nouvelles recherches et leur codification en une syntaxe que les grands architectes, peintres et sculpteurs font définitivement adopter. Raphaël en est l’exemple même qui fait quasiment coïncider sa période d’activité avec cette période de la Haute Renaissance. Et sa manière de peintre synthétise tous les acquis précédents.
Florence fut l’épicentre de la Première Renaissance au Quattrocento. Rome sera celui de la Renaissance Classique qui débute à la toute fin du XVème siècle et s’achève pour fixer les idées, au sac de Rome par la soldatesque de Charles-Quint en 1527. Deux artistes, Michel-Ange et Raphaël vont illustrer de leur génie ce moment relativement court mais un des plus brillants de l’histoire européenne de l’art, précédés qu’ils ont été par celui à qui d’aucuns accordent le rôle d’avoir ouvert cette Haute Renaissance, l’adulé Léonard de Vinci (1452-1519) qui, initiateur de cette période, a comme Albrecht Dürer en Allemagne, fait entrer définitivement l’Europe artistique dans les Temps Modernes. L’impétueux Michel-Ange (1475-1564) déjà maniériste, va survoler les trois domaines de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, et « le divin » Raphaël (1483-1520), neveu et disciple de l’architecte maitre du classicisme de la Première Renaissance, Donato Bramante (†1514), va porter à son sommet en peinture comme en sculpture ce classicisme fait d’harmonie des couleurs, de clarté de la composition, d’équilibre des proportions.
« Le terme de maniérisme apparaît pour la première fois chez 'historien Luigi Lanzi (1792) pour désigner le style qui règne dans la peinture italienne pendant la période s'étendant du sac de Rome (1527) à l'avènement des Carrache aux environs de 1600. L'adjectif «maniériste» est plus ancien et se rencontre d'abord chez un Français, Fréart de Chambray (1662). Ces deux termes dérivent du mot italien maniera (la «manière», le «style»). L'emploi de ces deux termes est alors nettement lié à une interprétation entièrement négative du style de cette époque perçu comme une exagération stylistique s'effectuant au détriment de l'imitation de la nature… Le maniérisme est né à Rome à la suite d’évènements qui ébranlèrent profondément les esprits : la Réforme protestante à partir de 1517, le Sac de Rome par les troupes de Charles Quint en 1527». (http://mba.caen.fr/sites/default/files/uploads/van_haarlem-venus_et_ adonis- xviie_siecle-caen-mba-2014.pdf d’après Les Mouvements dans la peinture, Larousse, 1999, Nadeije Laneyrie-Dagen)
Le Maniérisme prolonge donc la Renaissance Classique et occupe au moins jusqu’en 1580 le Cinquecento. Le passage de la période classique à la période maniériste n’est bien évidemment pas franc dans le temps. Il est apparu à Rome, mais aussi à Florence qui redeviendra après l’intermède de Rome le foyer culturel qu’il a été. Et le va-et-vient entre Florence et Rome de Michel-Ange, ce classique maniériste avant l’heure, est bien significatif et de cette interpénétration des deux styles et de l’effervescence artistique de ces deux cités dont l’une se voulait éternelle et l’autre intemporelle. Le maniérisme se fait déjà sentir chez certains artistes considérés comme classiques. Il est parfois désignée comme Renaissance Tardive. Mais certains historiens considèrent ce mouvement plus annonciateur du Baroque que phase finale de la Renaissance Classique. Le lien entre ces deux approches pourrait être fait par la figura serpentina de Michel-Ange (1475-1554) que le Greco (1541-1614) pourrait bien avoir assimilé dans son trait sinueux comparable à une flamme.
Certains voient dans le Maniérisme le signe avant-coureur du Baroque plutôt qu’une ultime floraison de la Renaissance.
« C’est une façon de raffiner sur l’exemple des grands maîtres. Ce qui, chez eux, étaient encore naturel et spontanéité n’est plus qu’une ‘’manière’’ chez leurs imitateurs. Le geste de Michel-Ange avec sa figure serpentine, c’est là le début, la flamme du Gréco, l’idéalisation des choses en symboles, ce sont avant tout des ‘’manières’’ picturales». (A. Marvell, poète anglais †1678)
Mais le Maniérisme peut aussi être vu comme « L’art d’une élite, de visionnaires qui osent être agressifs et excentriques, qui ne visent point à une imitation de la nature mais bien au monde des Idées ». (Jules van Ackere, L’Europe de la Renaissance baroque et du Rococo, Édit.Meddens ,1969) Pg.113)
« Ce style expressif rompt avec les règles classiques de la Renaissance : l’harmonie, l'équilibre, la cohérence spatiale, le beau platonicien. »
« À la fin des années 1580, Cornelis [van Haarlem 1562-1638] adopte les poses contorsionnées et les musculatures en volume des tableaux de Spranger [Bartholomeus 1546-1611] gravés par Goltzius [Hendrik 155 !-1617], inversement le graveur copie les tableaux de Cornelis. Les nus de dos figurant au premier plan, presque systématiques dans ses œuvres de cette époque, rappellent à la fois les contorsions maniéristes des tableaux de Spranger mais aussi certains antiques et des figures allégoriques en vogue dans les tableaux italiens. » (Musée de Caen Ref.Cit.)
On peut donner du maniérisme, qui trouve son domaine de prédilection en peinture - le clair-obscur parfois associé au ténébrisme d’un Tintoret est significatif à cet égard - une définition qui peut se révéler comme celle inversée du classicisme.
Dans le sac de Rome, en 1527, les mercenaires (lansquenets) de Charles Quint ( voir VIIème Guerre d’Italie) périrent pour moitié, et la population romaine passa de 50000 à 10000 habitants. Le nombre de cadavres à évacuer fut tel qu’il entraina une épidémie de peste. Ce pillage et cette hécatombe ébranlèrent fortement les consciences dans leur certitude de pouvoir atteindre à un monde humaniste fait de sagesse des idées et d’équilibre des formes. Le climat de tension instauré par la Réforme, accentué par la Contre-Réforme, alimentera ce sentiment d’inquiétude des consciences qui se généralisera à toute l’Europe avec les guerres religieuses qui jalonneront le siècle.
Après la mort du dernier grand maître de la Renaissance Classique italienne, Raphaël (†1520), la dévastation de la capitale des arts sape ce projet civilisateur dont les fondements étaient la rigueur classique et l’aspiration humaniste. A la place, un sentiment d’insécurité, d’instabilité se généralise. D’autre part, la période de la Renaissance voit l’apparition de grands états constitués et par là la disparition de petits pouvoirs locaux. Le besoin se fait alors sentir dans le deuxième quart du siècle d’un art qui réunifierait les goûts et leur expression, d’un langage commun à toutes les cours d’Europe.
Au début des années 1530, Florence, qui retrouve la stabilité politique une fois instaurée en Duché par le pape et l’empereur et les Médicis en la personne d’Alexandre III, redevient initiatrice, innovatrice. La ville où a tant œuvré Michel-Ange va être la première à traduire artistiquement cette inquiétude spirituelle qu’avait déjà manifestée et que continuait de manifester le créateur du non-fini, de l’inachevé. Cette anxiété, cette incertitude des temps vont s’exprimer dans ce style que l’on qualifiera de maniériste (de maniera, style) car son expression, à l’opposé d’un souci d’harmonie, d’équilibre qui caractérisait le classicisme de la Haute Renaissance, tendra à conduire les maniéristes à renoncer à toute tranquillité intérieure et à toute expression simple. La sérénité de la certitude classique évanouie, il ne s’agit plus d’exprimer ‘clairement’ ce qui est vu et ressenti, mais de manière parfois onirique dans des attitudes inattendues, des couleurs surprenantes, irréelles, de traduire par l’allégorie, le symbole, ce tourment intérieur, cette perplexité nouvelle sur le monde. L’artiste maniériste, tout en gardant les acquis du langage classique, cherchera à rendre les formes plus exaltées et l’expression plus symbolique, penchant vers une conception élitiste de la création artistique qui tend à faire de lui un visionnaire qui ne cherche pas (plus) à imiter la nature.
Dans certains domaines, hors des grands centres artistiques, le maniérisme fit souvent directement suite à un gothique très tardif comme le montre dans son allongement des formes le sculpteur flamand Jacques Dubroeucq (†1584) d’Amiens .
Dans le domaine architectural, les éléments empruntés ou inspirés de l’art antique au siècle précédents qui continueront à être employés sont :
L’Ordre Colossal qui est « une ordonnance de hautes et imposantes colonnes qui embrasse plusieurs niveaux d'habitation et unifie la façade par la puissance de son rythme et de ses proportions». L’Arc Surbaissé, aussi appelé arc segmentaire car formé d’un segment de cercle, ne doit pas être confondu avec l’arc appelé arc en anse à panier. La Fenêtre à Meneaux ou Fenêtre à Croisée qui contient dans son ouverture un meneau, support vertical qui renforce le linteau de la fenêtre subissant la charge du mur. Un croisillon horizontal vient renforcer les embrasures latérales (ou jambage) qui subissent la même pression. Le Plafond à Caisson qui présente à vue ce qui constitue la structure saillante du plancher du niveau supérieur. Il était déjà employé sous l’Antiquité, généralement dans le débordement de la corniche en saillie de l’architrave. L’Ouverture Palladienne (ou Serlienne) qui consiste en une baie en plein cintre sur colonnes, encadrée par deux baies à linteau supporté par un double jeu de colonnes.
Voir Quattrocento/Première Renaissance –Florence/Architecture
LA RENAISSANCE ARTISTIQUE EN FRANCE
Introduction - Architecture - Peinture - Sculpture
Les Guerres d’Italie commencent à la fin du règne de Charles VIII, en 1494, se prolongent sous ceux de Louis XII et François 1er pour se terminer sous celui d’Henri II en 1559 par le traité de Cateau-Cambrésis (voir Événements Majeurs). De quelque mouvementés qu’ils soient, les rapports entre la France et les Duchés italiens ne vont pas se limiter à un affrontement militaire. Les rois français successifs vont découvrir chacun à leur tour, dans les cours ducales, cour des Gonzague à Milan où travaillait Léonard de Vinci, cour de Ferdinand 1er d’Aragon à Naples, à Florence où est né l’humanisme, un art de vivre raffiné et le goût italien pour l’Antiquité. De là, ils vont lentement mais sûrement s’engager dans la rénovation des demeures royales et la construction de nouvelles résidences dépourvues de tout caractère militaire des anciens châteaux, et dans lesquelles, au contraire, lieux d’agréments, il fait bon vivre dans l’apparat.
Charles VIII (1470-1498), ramène dans sa suite, de retour de la première (1494-1497) des Guerres d’Italie dont il est à l’origine, à son château d’Amboise qu’il a fait rénover les premiers artistes italiens renaissants. Jusqu’alors d’italien, il n’y avait généralement en peinture que des tableaux d’un gothique tardif exposés dans les châteaux, exécutés par de petits maîtres italiens, originaires notamment du Piémont et de la Lombardie. L’influence italienne se limitait aussi aux motifs décoratifs en ornement d’architecture (pilastres, colonnes à l’antique, putti) dans les commandes des riches bourgeois attirés par l’ ‘’exotisme ‘A sa mort, en 1498, Louis XII (15462-1515), fils du poète Charles d’Orléans, alors âgé de 27 ans, devient le nouveau roi et quitte la résidence royale d’Amboise pour s’installer dans l’ancien château de Blois qu’il vient de faire remanier.
C’est dans le contexte d’un humanisme bien partagé qu’un Lefèvre d’Étaples (1450-1536) ou un Guillaume Budé (1467-1540) étudient et traduisent les travaux de leurs congénères italiens tels ceux de Marsile Ficin (†1494) ou de Pic de la Mirandole (†1499).
Cet intérêt pour l’humaniste n’est pas nouveau. Une première génération d’humanistes, celle de Guillaume Fichet (1433-1490 ?) et
du flamand Robert Gaguin (1434-1501) (Voir Humanisme/France)[1], sera à l’origine d’un humanisme français qui s’affirmera définitivement aux créations des Collège de France et Bibliothèque Nationale sous François 1er.
La musique ne sera pas en reste dans le déploiement de toutes ses nouveaux. La Chanson Française avec les Clément Janequin, Claude Lejeune et autres Claude de Sermisy sera sans oublier Pierre Ronsard, L’Académie de Musique et Poésie d’Antoine du Baïf et à l’approche de fin du siècle la représentation du premier Ballet de Cour, mettront la musique française à l’avant-garde de ce nous appelons de nos jours la modernité.
On divise généralement la Renaissance Artistique Française en trois périodes bien que leurs délimitations historiques soit quelque peu difficile compte tenu qu’elles se chevauchent et que les dates concernant les différents domaines, architecture, sculpture, peinture, ne sont pas forcément les mêmes.
De la même manière qu’au XVIIème siècle, le style baroque sera assimilé au classicisme pour former un temps le style français baroco-classique, le Maniérisme sera rapidement assimilé à la pourtant courte période Classique, laissant entendre que cette dernière se serait prolongée au moins jusqu’au règne de Henri IV.
De la fin du XVème siècle au premier quart du XVIème va prédominer une architecture qui conservera dans ses structures le savoir-faire gothique réservant l’italianisme aux façades, à quelques
éléments et aux ornements comme à l’ancien Château de Blois et au nouveau de Chambord. C’est la période où sont entrepris ou remaniés les châteaux de la Loire.
Dans le second quart du siècle et jusqu’à la fin du règne d’Henri II, les architectes, mieux formés à l’esprit classique, vont tendre à le traduire mais dans un goût qui reste français. Cette seconde période débute en architecture par le remaniement en 1524 du Louvre quand François 1er vient s’y installer, quittant Blois à la mort de son épouse Claude de France, et par celui du Château de Fontainebleau en 1527 où s’ouvre en peinture la Première École de Fontainebleau, déjà maniériste avec Le Rosso et Le Primatice.
La troisième période est maniériste. Elle a déjà commencé sous le règne d’Henri II, roi à la mort de son père en 1547. Elle va s’étendre jusqu’à la fin du siècle donnant naissance, notamment à Fontainebleau à une architecture pré-baroque et en peinture à la Seconde École de Fontainebleau.
La première manifestation d’une architecture civile italianisante est apparue en Auvergne. Il s'agit du Pavillon d’Anne de Beaujeu, aile en prolongement du château ducal de Moulins, capitale du Bourbonnais. En 1495, revenant de La Première Guerre d’Italie, Charles VIII fait halte à la cour de sa sœur, la Duchesse Anne de Bourbon et de son époux, Pierre II de Bourbon, fait duc deux ans plus tôt. Le couple est régent du royaume lors des campagne du roi. En 1497, les époux ont déjà fait agrandir d’une aile en gothique flamboyant, côté nord, leur château de Moulins construit dans la dernière moitié du XIVème siècle par Louis II de Bourbon. Ils décident de faire construite une aile supplémentaire, en perpendiculaire, le Pavillon dit d’Anne de Beaujeu par l’architecte bourbonnais Marceau Rodier,[2] dont le père Mathieu avait été l’architecte du château ducal et de la cathédrale de Nantes. La nouvelle construction est alors en Style Renaissance aménagé : pilastre à cannelure, feuilles d’acanthe, arcs surbaissés, cornes d’abondance. Cet édifice est le premier de ce style en France, juste avant le Château Gaillon, ancien château-fort de Normandie rénové dans le goût italien entre 1502 et 1509 en résidence princière par Cristoforio Solario (voir Quattrocento/Architecture/Lombardie) sur une commande de George d’Amboise, cardinal d’Amboise, vice-roi du Milanais pendant les Guerres d’Italie menées par Charles VIII et Louis XII.
A Toulouse, un dénommé Jean de Bernuy, originaire de Tolède, qui fait dans la ville le commerce du pastel (couleur bleue très recherchée et très utilisée en peinture et teinture) fait construire son hôtel particulier en 1503. Des éléments classiques y apparaissent déjà. Mais l’on considère qu’il s’agit-là d’un bâtiment d’inspiration plateresque (voir Espagne), style lui-même fondé sur certaines bases de l’architecture Lombarde.
Les rois revenant d’Italie veulent dans des résidences luxueuses développer l’art de vivre raffiné qu’ils ont découvert dans les duchés italiens. C’est tout naturellement dans le Val de Loire des demeures royales, patrie de Ronsard et Du Bellay, que la première phase de la Renaissance Architecturale Française va se développer.
Charles VIII (1470-1498) est né à Amboise et y est mort accidentellement 28 ans plus tard. A sa mort, en 1498, Louis XII (15462-1515), fils du poète Charles d’Orléans, alors âgé de 27 ans, devient le nouveau roi et quitte la résidence royale d’Amboise pour s’installer dans l’ancien château de Blois qu’il vient de faire remanier.
L’Aile Louis XII est la première manifestation officielle de cet engouement pour le goût italien. François 1er, qui est né à Amboise trois ans plus tôt, en 1494, s’installera aussi à Blois à sa montée sur le trône en janvier 1515. Il réaffirme ainsi le château comme résidence royale à laquelle il fait ajouter en 1525-24, une aile au célèbre escalier extérieur. Les travaux du Château de Chambord, commencés en 1524 s’achèveront en1544 pour le corps du bâtiment central.
Fra Giocondo da Verona (Jean Joconde † Rome 1515), connu pour avoir édité De Architectura de Vitruve, fait partie de la suite de Charles VIII retour d’Italie. Il travaille à différentes constructions et notamment au domaine royal de Château-Gaillard en s’inspirant d’une villa napolitaine, la Villa de Poggioreale (Naples hors les murs), célèbre pour ses jardins auxquels a travaillé l’architecte-paysagiste, Pacello da Mercogliano (Pierre de Mercollienne, †Naples 1534), qui, également venu dans la suite royale, sera le premier concepteur du Jardin Français de la Renaissance, en aménageant ceux du Château d’Amboise, puis de Blois pour Louis XII en 1499. Il travaillera aussi au Château de Gaillon à partir de 1506.
Guido Mazzoni dit Messer Guido (†Modène 1518), peintre et enlumineur et sculpteur que le roi a rencontré à la cour de Ferdinand 1er de Naples fait également partie de la suite royale. Il travaille avec Fra Giocondo à Amboise et ensuite travaillera pour Louis XII au Château de Blois. On lui doit la statue équestre du roi, détruite à la Révolution reconstituée au XIXème siècle.
Monté sur le trône en 1498, Louis XII a décidé avec son épouse Anne de Bretagne de faire du Château de Blois sa résidence principale en place d’Amboise et de le rénover en alliant le style gothique au nouveau style italien. L’Aile Louis XII (1498-1503) avec ses arcatures en arcs surbaissés au niveau inférieur et ses chiens-assis en toiture est exemplaire de cette alliance que l’on nommera Style Louis XII.
Quant à François 1er, jeune roi qui maitrise parfaitement l’italien, il a reçu de par sa mère, Louise de Savoie, très férue de culture italienne, une éducation humaniste. Il veut que sa cour soit aussi brillante que sa victoire à Marignan a été éclatante (il en sera autrement à Pavie en 1525); une cour qui soit capable de rivaliser avec celles qu’ont été les cours de Maximilien 1er d’Autriche († 1519) et de Ferdinand II d’Aragon (†1516), celles de ses royaux contemporains, Henri VIII d’Angleterre qui mourra la même année que lui en 1547 et Charles-Quint qui abdiquera officieusement pour son fils Philippe en 1555, et celles toujours brillantes des duchés de la péninsule italique où il a séjourné.
Au Château de Blois, toujours résidence royale, c’est à l’architecte italien Dominique de Cortone, disciple de Sangallo le Jeune (Cinquecento/Architecture), qu’il fait appel, pour la construction d’une aile nouvelle résolument classique : fenêtres à meneaux, pilastres et le fameux escalier à vis, ouvert en saillie sur l’extérieur, aux balustres en garde-corps finement ouvragées, orné de statues et achevé en 1524. Cortone mourra à Paris en 1549.
Le Plafond-à-Caissons en maçonnerie ou bois y fait son apparition comme on peut le voir dans la Grande Salle. Il est tout aussi richement décoré que le Plafond-à-la-Française (voir Fontainebleau) dont le plafond de la chambre du roi est un bel exemple.
Le Château d’Orion près de Poitiers (ne pas confondre avec celui dans le Pyrénées) offre à la vue dans sa grande salle un Plafond-à Caissons au décor enchanteur : en bois quadrillé, les carrés délimités par la structure sont occupés de paniers de fruits, de jetées de fleurs, d’oiseaux, de musiciens champêtres, d’armoiries et autres armures dans des tons pastels savamment équilibrés.
A la mort en 1524 de son épouse, Claude de France, Duchesse de Bretagne, fille d’Anne de Bretagne et de Louis XII, François 1er va délaisser Blois et faire de Fontainebleau sa résidence principale. S’il ira s’installer au Château du Louvre en 1527, c’est en fait pour amadouer la population à qui il va imposer de nouvelles taxes mais aussi sous la pression du Parlement de Paris.
Le Château de Chambord fera l’admiration de Charles-Quint qui n’y passera qu’une nuit en 1539. Il est le plus ambitieux des projets de construction des Châteaux de la Loire. Les travaux, commencés en 1524, achevés en 1544 pour le corps de bâtiment, se prolongeront avec ailes et aménagements jusqu’au XVIIème siècle. Dominique de Cortone travaille à ses plans depuis 1519 de concert avec un Léonard de Vinci qui, âgé de 63 ans, en est aux tout derniers mois de sa vie. Arrivé à Blois en 1516, le Maitre de La Joconde meurt trois ans plus tard. (voir Léonard de Vinci) au moment où le roi donne officiellement son aval au projet et à la construction du château qui ne sera jamais ‘qu’un’ relais de chasse où il ne séjournera que de passage. Bien que Chambord ne soit pas de style classique, on peut situer la fin de la période classique à la date à laquelle seront achevés ses travaux, soit en 1544. François 1er meurt trois ans plus tard d’une septicémie.
« Les plans en croix des appartements sont de Dominique Cortone, mais les maitres d’œuvres français vont modifier son plan initial en volées droites de l’escalier et lui substituer un plan en vis à double spirale, ouvert avec balustres et ordre comme à Blois. Léonard de Vinci avait déjà dessiné les plans d’un tel escalier pour le château de Romorantin. Les plafonds des salles sont de voûtes à caissons ».
« L’escalier de Chambord est un excellent exemple de cette association de domaines [art et sciences], puisqu’il s’agit d’un modèle architectural basé sur l’étude de la circulation du sang dans l’organisme. » (http://leonardevinci.e-monsite.com/pages/le-scientifique/l-ingenieur.html)
Le trésorier du roi Gilles Berthelot, trésorier du roi et maire de Tours, fait entreprendra de 1518 à 1523 la construction du Château d’Azay-le-Rideau.
« Après la défaite de Pavie et à son retour de captivité à Madrid, François Ier fit condamner et exécuter en 1527 le puissant trésorier Jacques de Beaune de Semblançay[3], cousin de Berthelot. Gilles Berthelot, condamné et démis de ses fonctions, s'enfuit à Metz. Il mourut quelques mois plus tard en 1529 à Cambrai, laissant le site du château d'Azay inachevé. » (http://www.azay-le-rideau.fr/en /Explore/Gilles-Berthelot# J
Ile château reste d’un aspect ‘ancien’ avec ses échauguettes, ses faux mâchicoulis et ses chiens-assis à pinacles, mais trouve un aspect classique par ses façades - dont l’une se mire totalement dans l’Azay - qui s’allongent par une double corniche en son centre séparant deux niveaux de fenêtres à meneaux, encadrées qu’elles sont de pilastres à chapiteaux, chapiteaux étonnamment animaliers et non à ordre. Le château restera pourtant inachevé.
Thomas Bohier, receveur des finances sous Charles VIII, Louis XII et François 1er fait rebâtir en place d’un manoir et d’un moulin banal, sauvegardant le seul donjon (appartenant au seigneur), un nouveau château de 1513 à 1521. Accusé de détournement de fonds royaux, il fut dessaisi par François 1er de son bien qui devint domaine royal en 1535.
Il sera surnommé le Château des Dames car ses propriétaires et maîtres d’ouvrages qui se succédèrent, furent toutes des femmes. La première propriétaire, Catherine Briçonnet, femme de Bohier, dirigea réellement les travaux, son mari suivant les troupes en Italie. Puis, ce fut Diane de Poitiers qui, gouvernante et maitresse d’Henri II plus jeune qu’elle de vingt ans, devint propriétaire des lieux en 1547. En 1556, elle fait construite, suivant les plans tracés du temps des Bohier, par Philibert de l’Orme le pont en arcades qui enjambe le Cher. Catherine de Médicis sera la troisième maitresse des lieux. A mort de son époux Henri II en 1559, elle exigera de Diane qu’elle lui ‘rende’ le château. Elle fait de même avec ses bijoux, ce qui était une tradition. Elle fera apporter à partir de 1576 à son architecte Jean Bullant d’importantes modifications de plan et d’ornements (cariatides de la façade) et lui demandera de (faire) construire la double galerie au-dessus du pont.
Sous Charles IX, roi en 1561, succédant au très bref règne de son frère François II, Chenonceau devient un lieu de fêtes, de mascarades, de feux d’artifices, de combats navals sur le fleuve au cours desquelles sirènes et nymphes sortent de l’eau, satyres des bosquets, parfois dans la nudité la plus complète. Vint ensuite, Louise de Lorraine des Maisons des Guise[4] et de Loraine. Après l’assassinat de son royal époux Henri III, par Jacques Clément en 1588, elle se retira en le château et prit le deuil en blanc selon l’étiquette royale, d’où son surnom de ‘La Dame Blanche’. La dernière occupante fut sa nièce Françoise de Lorraine, belle-fille d’Henri IV. Au XVIIIème siècle, le fermier général Dupin en fit l’acquisition et sa femme tint un salon où les célébrités se pressaient. J.J. Rousseau fut précepteur de leur fils.
A l’intérieur, le château d’un plan classique par sa sobriété, est représentatif du goût nouveau par l’introduction d’un escalier à volées droites (dit aussi à rampe droite), véritable innovation importée de l’architecture italienne comme son plan régulier et symétrique.
La deuxième phase de la Renaissance Française est marquée par la décision de François 1er de quitter les bords de Loire en 1524 à la mort de Claude de France et de venir s’installer au Louvre en 1527 dont le remaniement se fera tardivement un an avant la mort du roi qui va se plutôt consacrer à la rénovation du Château de Saint Germain en Laye et du Château de Fontainebleau, là où va se former la Première École maniériste de peinture par Le Rosso et Le Primatice.
La troisième phase, la Seconde École de Fontainebleau couvrira règne d'Henri et annoncera le Baroque.
Le Château de Fontainebleau couvre plusieurs chapitres de l’histoire de l’architecture française. François 1er veut faire de ce nouveau château qui remplace la place forte médiévale, un pavillon de chasse. Le roi le fait construire par l’architecte français Gilles Le Breton en 1528 et n’hésite à faire appel pour son décor à des sculpteurs et peintres, venus pour la plupart d’Italie, qui formèrent la première École de Fontainebleau (voir Peinture).
Une seconde phase de travaux commence en 1540 à la mort du Rosso. Elle est menée par Le Primatice (†1570) dans la cour ovale, la salle de bal, la chambre de la Duchesse d’Étampes, le portique Serlio ; et dans la cour de la fontaine : le Pavillon des Poëles (détruit), et l’aile de la Belle-Cheminée (chef d’œuvre du Primatice). Sebastiano Serlio, architecte et théoricien italien (1475-1555, mort à Lyon ou Fontainebleau ?) y travaille après 1541. L’architecte Jacopo Barozzi dit le Vignole (1507-1573) avant de devenir à Rome l’architecte de la Contre-Réforme en construisant notamment l’Église du Gesù, y travaille de 1541-1543.
On peut faire commencer la période maniériste à partir de cette seconde phase de travaux. Pendant 30 ans, Le Primatice aura la charge de Surintendant des œuvres Royales. C’est à Philibert Delorme, que l’on doit l’Escalier en fer à cheval (1550).
Henri IV contribuera largement à l’aménagement et à l’agrandissement du château de 1593 à 1609 en appelant une nouvelle génération d’artistes qui constituèrent le Seconde École de Fontainebleau (1590-1517) avant que ne s’ouvre au XVIIème siècle la période classico-baroque. Le Bon Roi Henri fera entre autres construire le Jeu de Paume et La Galerie aux Cerfs (1602).
Cette galerie, ainsi nommée à cause des têtes de cerfs en plâtre peint accrochées aux murs, présente un très bel exemple de plafond à la française avec ses poutres et solives en décor peint. Le plafond-à-la-française ou plafond-plein-vide est un type de construction des plafonds qui date du XIVème siècle et qui se caractérise par l’emploi de solives reposant transversalement sur des poutres qui reposent elles sur des corbeaux et selon leur longueur sur des piédroits intermédiaires. Les solives sont espacées d’une distance égale à leur section. L’ensemble est décoré de motifs à couleurs vives. Le Salon Henri II et la Galerie François 1er, plus sobre, donnent de beaux exemples de Plafond-à-Caissons.
En même temps que Fontainebleau, François 1er fait construire un autre rendez-vous de chasse, Le Château de Madrid (ou de Bologne) où « il s’y livrait à l’étude des sciences et des arts en société d’un petit nombre de savants et d’artistes distingués ». Henri II en poursuivra les travaux. Il est construit sur trois niveaux par l’architecte Gambiges qui travailla à tous les chantiers de François 1er. Détruit au XVIIIème siècle, il présentait sur ses façades un décor en bas-relief de terres cuites émaillées (terracotta invertriata= terre cuite vitrifiée) réalisées par Girolamo della Robbia de la famille des sculpteurs florentins Luca et Andrea della Robbia, Une façade dans le goût italien présentait sur deux niveau deux loggias. Il faut imaginer les rendez-vous de chasse comme Fontainebleau et Boulogne entourés d’une forêt sauvage, particulièrement giboyeuse.
Ayant quitté les bords de Loire, François 1er qui réside au Louvre fait rénover dans le style italien de 1539 à 1550 par Philibert Delorme sur des plans de Pierre Chambiges l’ancien Château de Saint Germain en Laye où est préservée la chapelle Saint-Louis, chef-d'œuvre du Gothique Flamboyant. On appellera cette nouvelle structure le Château Vieux pour la distinguer du Château Neuf, sorte de résidence privée dont la construction en 1550 sera confiée par Henri II et Catherine de Médicis à Philibert Delorme (†1559). Il sera achevé sous Henri IV en 1600.
La même année 1539, est entreprise la rénovation du Château de Villers-Cotterêts qui se signale par une inspiration des plus classiques avec colonnes cannelées dans sa chapelle. Pour autant, le ‘besoin’ maniériste n’y est pas absent par sa riche ornementation de guirlandes, de frises et de la salamandre de feu, emblème du roi[5].
François 1er vient habiter au Louvre en 1527, sur instance du Parlement de Paris et/ou pour amadouer le peuple de Paris pour lequel il prévoyait de nouvelles taxes. En un premier temps, le vieux château de Charles V se voit allégé de son donjon et agrémenté de jardins en place des remparts. L’enceinte Philippe-Auguste sera progressivement détruite. Mais trois côtés sont préservés. La transformation du château en palais s’amorcera véritablement en 1546. Un an avant qu’il ne meure, le roi décide de faire reconstruire dans le goût italien les ailes sud et sud-ouest de l’ancien château. L’architecte qu’il a désigné, Pierre Lescot (1510-1571) mènera les travaux sous les rois Valois jusqu’à sa mort en collaboration étroite avec le sculpteur Jean Goujon (1510-1566) qui était aussi architecte et qui exécuta le très élégant ornement sculpté de la façade intérieure sud-ouest qui formera un de côtés de la Cour Carrée de Louis XIV.
« C’est l’ordonnance la plus classique qui ait été réalisée en France au XVIème siècle. Les divisions verticales et horizontales sont nettement indiquées, les ordres classiques sont employés avec science. Les proportions sont justes et sensibles». (Architecture et Sculpture, La Renaissance, Édit Hachette 1971)
On doit également à Pierre Lescot, la Fontaine des Innocents (aussi Fontaine des Nymphes) achevée en 1549 pour l’entrée d’Henri II à Paris. De facture classique avec sur chaque face une arche en plein cintre bordée de deux jeux de pilastres et surmontée d’une haute architrave. Les sculptures entre les pilastres et aux écoinçons de Jean Goujon, nymphes et naïades, en parfait accord avec le thème de l’eau aux formes sinueuses et allongées, n’en présentent pas moins un aspect maniériste certains. Placée à l’origine à l’angle de la rue St Denis, près du Charnier des Innocents qui était entouré d’une enceinte sur laquelle figurait une Danse Macabre disparue en 1669 (voir Bas Moyen-Âge/Littérature), elle a été ensuite déplacée quand le cimetière fut supprimé (une partie des ossement est aux Catacombes). Elle est actuellement place Joachim-du-Bellay, quartier des Halles, non loin de la Rue de La Ferronnerie où Henri IV sera assassiné en 1610.
En 1563, Catherine de Médicis décide la construction du Palais des Tuileries. Trois plus tard, elle prévoit de relier les deux châteaux par une galerie sur le modèle de celle qui relie les Palais des Offices et la Palais Pitti (Voir Vasari). Est construite en perpendiculaire à la Seine, la Petite Galerie par Pierre II Chambiges sur les dessins de Pierre Lescot ou Philibert Delorme.
En 1594-94, Henri IV fait surélever d’un étage cette petite galerie qui est appelée Galerie des Rois. Il commande la construction de la Galerie du Bord de l’Eau (1595-1610), qui reliera la Galerie des Rois au Palais des Tuileries. D’une longueur de 500 mètres, elle est construite en deux parties par les architectes Louis Métezeau et Jacques II Androuet du Cerceau. Le Pavillon de Flore qui faisait la jonction entre les deux partie Jacques II Androuet du Cerceau. Après l’incendie et l’explosion du Palais des Tuileries par les révolutionnaires, « « en 1861- 1870, Lefuel démoli et reconstruit la partie de la Grande Galerie construite par Jacques II Androuet du Cerceau ainsi que le pavillon de Flore qui faisait parti du palais des Tuileries» (https:// pierrebourru.wordpress.com/2010/11/16/la-galerie-du-bord-de-leau-seine-louvre-paris/). Pendant nord du Pavillon de Flore (ou de Pomone), le Pavillon Marsan, face à lui, sera construit au milieu du XVIIème siècle par Le Vau. Le Palais du Louvre ne cessera de s’agrandir sous Louis XIII, Louis XIV, Napoléon 1er et Napoléon III.
Le Maniérisme, troisième période de la Renaissance Française va historiquement se manifester au-début du règne d’Henri II et s’étendre à travers les Guerres de Religion qui aboutiront à fin du règne de la branche capétienne des Valois pour ouvrir celle non moins capétienne des Bourbons, avec la montée sur le trône d’Henri IV en 1589.
En architecture, on pourrait distinguer deux phases en cette période. La première commencerait dès 1540 quand Le Primatice, sous le règne de François 1er, prend la direction des travaux au Château de Fontainebleau. Par deux fois, le roi le chargera d’aller chercher des artistes en Italie. Serlio, arrivé à la cour en 1541 donnera les plans du Château d’Ancy-Le-Franc ; et deux ans plus tard, arrivera Le Vignole qui après quatre ans repartira sans avoir reçu de commandes. Le sculpteur, Benvenuto Cellini arrivé, lui, en 1540 dans la suite du Cardinal Farnèse, va donner avec sa pièce maitresse, La Nymphe, l’exemple du maniérisme qui fera école. La seconde période correspondrait au règne d’Henri IV de 1589 à 1610, dont le style tend à déborder le Maniérisme vers le pré-baroque.
Diane de Poitiers a reçu au veuvage de son mari Louis de Brézé, sénéchal (bailli) de Normandie, le Château d’Anet (Normandie). Favorite et confidente d’Henri II après avoir été sa préceptrice de 20 ans son ainée, férue de Lettres, protectrice de Ronsard,elle est aussi amatrice d'art. Elle a fait nommer de L’Orme surintendant des bâtiments royaux et fera appel à lui en 1548 pour faire construire le nouveau château sur les ruines de l’ancien. Également architecte du Roi, de l’Orme a déjà travaillé à Fontainebleau, à St Germain et à Villers-Cotterêts. Il aura aussi en charge la construction du Palais des Tuileries. Il va réaliser à Anet une de ses plus belles réalisations sinon son œuvre maitresse.
Diane fait appel aussi au sculpteur Jean Goujon, qui avait déjà travaillé avec de l’Orme, pour la Salle des Cariatides au Louvre, et au peintre Jean Cousin, ainsi qu’au peintre-émailleur-graveur Léonard Limosin. En 1559, devant rétrocéder Chenonceau à Catherine de Médicis, elle viendra y finir ses jours et y mourir sept ans plus tard âgée de 66 ans. Les témoignages affirment qu’elle était restée d’une grande beauté.
Ce château est la première architecture du règne Henri II. Ce qu’il reste de l’immense château, originellement sur un plan en ‘U’ (ou ‘Fer-à-Cheval’), l'aile ouest de la demeure et l’avant–corps, sont représentatifs de cette phase ambivalence entre classicisme et maniérisme.
La complexité de l’avant-corps relève d’un maniérisme affirmé. Dans son arche centrale, au tympan, se trouvait la Nymphe de Cellini (actuellement au Louvre). De part et d’autre du portail central deux portes sous arche de plein cintre sont flanquées de deux colonnes surmontées d’une architrave à triglyphes. L’ensemble supporte sur les ailes en terrasse deux sarcophages témoins du deuil éternel de Diane. Ils sont surmontés d'une horloge encadrée de deux niches à cul-de-four. Au-dessus, se tient un groupe animalier de quatre chiens entourant un cerf. A l’origine ces animaux étaient mobiles: le cerf remuait la tête et les chiens tapaient avec leur patte arrière gauche pour marquer les heures[6]. L’automate fut détruit à la Révolution. Il s’agit actuellement d’une reproduction immobile. Ce groupe a longtemps été attribué à Jean Goujon qui en fait, l’avait trouvé dans les caves du château (voir Jean Goujon).
Par contre, à l’intérieur, de l’Orme introduit l’art antique avec l’emploi structurel de pilastres et de colonnes, alors que jusque-là l’apport italien se limitait particulièrement à l’ornementation en façade. Ce qui permet de dire qu’Anet appartient toujours (aussi) à la phase classique de la Renaissance Française. La belle volée d’escalier date du XVIIème siècle.
Dans la cour, la chapelle à plan en croix avec dôme est la première réalisée en France. Elle est remarquable par l’illusion optique que créent les losanges en caissons du dôme qui semble être ainsi en mouvement comme la voûte céleste. Le sol, non moins remarquable, en spirale de mêmes losanges est l’œuvre des Compagnons.
Le poète Joachim du Bellay, fondateur de La Pléiade, ami de de l’Orme, louera dans les Regrets « la belle architecture, les marbres animés, la vivante peinture, (…) le jardin tapissé d’éternelle verdure et la vive fontaine à la source immortelle ».
Henri II est fatalement blessé lors du tournoi qui a lieu dans l’actuelle rue St Paul pour célébrer le double mariage de sa fille Élisabeth de France avec Philippe II d’Espagne et de sa sœur Marguerite de France avec le Duc de Savoie. Catherine de Médicis quitte alors à sa mort le Château des Tournelles (Place des Vosges) où résidaient les époux royaux et s’installe avec le jeune roi François II au Louvre.
En 1563/64, elle charge Philibert Delorme de construire le Palais des Tuileries sur l’emplacement d’anciennes tuileries. Détruit à la révolution, il était situé à l’ouest du Louvre, au-delà du Jardin du Carrousel qui porte toujours son nom, et des dernières fortifications. Delorme réalise là une prouesse technique en construisant au centre du palais un pavillon surmonté d’un dôme occupé par un escalier suspendu A la mort de de Delorme en 1570, l’architecte Jean Bullant (1515-1578) qui avait construit auparavant le Château d’Ecouen (actuel Musée de la Renaissance) prend la relève. Catherine n’habita jamais le palais.
Le Palais des Tuileries sera détruit en 1871 par les Communards. Après avoir placé des barils de poudre aux étages, le palais explosé, ils en incendieront les ruines. Seul le Pavillon Marsan sera reconstruit en 1874.
Le Château d’Écouen ne saurait être passé sous silence non seulement parce qu’il est le Musée de La Renaissance Française et contient des collections importantes d’œuvres de cette époque, mais encore parce qu’il peut être dit ‘Château de La Renaissance’ en ce que de Style Renaissance, il fusionne à lui seul classicisme et maniérisme. Appartenant au connétable Ann de Montmorency, intime de François 1er, très proche d’Henri II, et qui possédait pas moins de 130 châteaux un peu partout en France, demande dès 1538 à l’architecte Jean Bullant (1515-1578) de construire dans le goût italien qu’il avait découvert lors des Guerres d’Italie, une résidence princière en place de l’ancienne forteresse sise dans le Val d’Oise à une vingtaine de kilomètres au nord de Paris. La partie classique, époque François 1er y fait référence directe aux châteaux de la Loire tandis que la partie plus maniériste, époque Henri II, se retrouve dans les décors comme celui du Portique des Esclaves. Ce portique, situé à l’aile sud, avait été élevé par Jean Bullant pour contenir dans ses niches les Esclaves de Michel-Ange, offert à Henri II par le connétable.
Philibert de l’Orme travailla également à Écouen. Le décor fut confié à Jean Goujon, au peintre-enlumineur Léonard Limosin et à Bernard Palissy dont nombre de ses œuvres y sont exposées.
Jean Bullant (1515-1578), premier des architectes du château, son œuvre majeure, construisit l’entrée monumentale (aujourd’hui fragments à l’École des Beaux-Arts) et les deux avant-corps aux ailes nord et sud, celle-ci étant le premier exemple en France de l’ordre colossal. Après 1570, il poursuivit les travaux de de l’Orme aux Tuileries. En 1576-77, il réalise la galerie du Château de Chenonceau sur le pont construit sous Diane de Poitiers en 1556 par Philibert de l’Orme. Aimant théoriser sur l’art, il publia en 1561 un traité d’architecture.
Philibert de l’Orme ou Delorme (1515-1570), originaire de Lyon, apprend le métier par son père avec qu’il séjourne longuement à Rome où Paul III lui confie certaines réalisations dans des églises. C’est avec le cardinal du Bellay, oncle du poète (voir Littérature/ Poésie/France) qu’il revient à Lyon et avec qui il ira à Paris pour construire son Château de Saint Maur. Remarqué par le roi, François 1er, il est nommé en 1545 « maistre architecte et conducteur général des bastiments et édifices, ouvrages et fortifications » en Bretagne. Son talent reconnu, sur les instances de son frère Jean Delorme (contrôleur général des Bâtiments de France), Henri II le nomme surintendant des bâtiments (palais) royaux de France. Il participera ainsi à toutes les entreprises royales et notamment celle du Château de Fontainebleau en sa seconde phase, quand Le Primatice, à la mort du Rosso en dirigera les nouveaux aménagement (voir Fontainebleau).
Il tombe en disgrâce à la mort de Diane. Catherine lui retire ses charges au profit de son rival et ennemi juré, Le Primatice. Elle n’en acceptera pas moins les plans de son Palais des Tuileries. Désœuvré, il se consacre à la rédaction d’un Traité Complet de l'Art de Bâtir et un autre sur de Nouvelles Inventions Pour Bien Bâtir et à Petits Frais. Il n’aura pas le temps d’achevé sa somme sur l’architecture. Il aura vécu des menses de différentes abbayes
Travailleur infatigable, doté d’un fort tempérament, courtisan avisé, se créant de nombreux ennemis, ses réalisations sont nombreuses dont notamment, le Château-Neuf de St Germain en Laye, les châteaux de Thoiry, de Montceaux, de Meudon, de Villers-Cotterêts (de 1547-1559). Défenseur d’un style à la française qui le fit parfois accusé de chauvinisme, doté d’une forte énergie, il voulut aller au-delà de l’imitation italienne et prit à son compte les leçons directes de l’Antiquité pour arriver à créer un style qui soit proprement français.
Son apport est important dans l’architecture française. Il a été le premier à donner une structure classique à ses bâtiments (Château d’Anet). Il apporta un souci majeur de sobriété des moyens, d’allégement des charpentes et de la toiture, et de la fonctionnalité des pièces. La demeure que Delorme se fit construire dans le nouveau quartier du Marais pourrait avoir inspiré l’architecte inconnu qui construisit en 1575, non loin de là, l’élégant Hôtel de Donon (1575) qui est un remarquable exemple de charpente à la structure allégée par combinaison des entraits (poutre horizontale de la ferme) et des jambes de force [7].
Concernant l’architecture de la Renaissance Française, on ne peut passer sous silence Jacquette de Montbron († 1598) qui fut l’épouse d’André, frère aîné de l’écrivain Brantôme (Voir Littérature/Mémoires) et dame d’honneur de Catherine de Médicis. Pour faire construire son Château de Marta (Charentes-Maritimes), elle suivit les directives de l’architecte et théoricien Serlio (Arts/ Italie/Renaissance) qui construisit le Château d'Ancy-le-Franc (1538-46). Grâce à un don de la reine, elle entreprit de faire construire un autre château dans le style classique à Bourdeilles (Dordogne, non loin de Brantôme) dont elle fut à la fois la maitresse d’ouvrage et la maîtresse d’œuvre. Elle est la seule femme architecte de la Renaissance Française.
La seconde phase couvre le règne d’Henri IV et un peu plus : C’est la période de la Seconde École de Fontainebleau. Plus que maniériste, elle annonce la période baroque et se termine avec l’affirmation de celui-ci en 1614. L’entrée de la cour ovale à l’arrière du Château de Fontainebleau est très significative de cette amorce baroque. Henri IV fait plus appel aux artistes flamands qu’italiens. La peinture à l’huile sur bois et plâtres remplace la fresque. En décor, le bois naturel rehaussé de filets d’or remplace souvent le bois peint.
En ce qui concerne l’architecture religieuse, les constructions, même dans le siècle avancé, restent de tradition gothique comme en témoigne la Cathédrale Saint Gatien à Tours achevé en 1547. Certaines églises comme la Cathédrale St Pierre de Caen, l’Église St Eustache à Paris se contenteront de se voir habiller d’éléments de la nouvelle architecture. Les structures gothiques restent intactes et se voient rajoutées des d’arcs cintrés, les modifications étant essentiellement d’ordre décoratif telles que l’ajout de vases aux pinacles, de balustrades… Un bel exemple de structure gothique et d’ornementation Renaissance est le jubé de l’église Notre-Dame-Du-Mont, construction anonyme de 1530, dernier jubé visible dans la capitale (voir Tome 1, Les Bas-Moyen-âge, Grammaire Architecturale/Jubé). Les sculptures aux écoinçons de la grande arche en sont de Pierre Briard (1559-1609 voir sculpture manièrisme)
Il faudra attendre le début du XVIIème siècle pour qu’un édifice religieux relève d’une conception classique. La façade de l’Église Saint Gervais à Paris, construite au début du XVIIème siècle, par l’architecte Salomon de Brosse entre 1616 et 1621, est d’un classicisme des plus affirmés avec ses colonnes géminées qui, dans la pure tradition antique, vont faire se succéder les trois ordre classiques, dorique, ionique et corinthien. Leur décollement du mur et la forte saillie des entablements du premier et du second niveau sont eux d’inspiration baroque.
A son retour d’Italie d’où il a ramené des œuvres, notamment de Naples, Charles VIII ouvre à Amboise un grand atelier de décoration. Viennent y travailler nombres d’artistes italiens. Préfiguration de Fontainebleau. Mais la peinture française du premier quart de siècle reste encore dans le style gothique. Les influences italiennes en seront minimes, bien que Jean Fouquet (1420-1480), né à Tours et dont la valeur fut unanimement reconnu- Le Filarète le cite dans sont Traité d’Architecture (1465)- avait rapporté de son séjour en Italie (Florence ? Mantoue ?) toute la science nouvelle de l’espace et des volumes mise en place dans la perspective linéaire florentine. De quoi bouleverser la peinture française, mais il ne fit pas école.
En 1506, un petit tableau de Léonard de Vinci est admiré à la cour de Louis XII avant que le maître n’arrive à Amboise dix ans plus tard, déjà très affaibli. Au Clos Lucé (autrefois le Manoir du Cloux), Vinci (†1519) continue à travailler à La Joconde, commandée en 1506 et qu’il n’a pas donnée à son commanditaire mais a emporté toujours avec lui (voir Trois Génies/ Vinci). Pendant, les trois dernières années de sa vie, dans l’incapacité de tenir un pinceau mais seulement de pouvoir dessiner, il ne donne aucune œuvre remarquable en rapport de son génie. Son influence sera restreinte. Seuls deux peintres vont en capter les effets : Jean Clouet (1480/85-1541) a pu entre 1515 et 1519 le connaître et Jean Bourdichon (1457-1521), peintre-enlumineur qui a tant soit peu reçu de Vinci mais qui reste dans la tradition des enlumineurs de la période médiévale bien qu’avec une tendance plus naturaliste.
En juin 1518, le florentin Andrea del Sarto (†1530, voir Italie/Classicisme Florentin) arrive à la cour invité par François 1er. Il en repartira un an et demi plus tard. Il ne va peindre que quelques tableaux pour le roi : un portrait du dauphin et un Saint Jérôme, aujourd'hui perdus, et La Charité (Louvre) caractéristique de l’École Florentine par la perfection de sa composition (en triangle) ; ainsi que quelques tableaux au Château de Moimoitiers pour l’intendant Jacques de Beaune, baron de Semblançay[8] à Tours. Sans doute est-ce lui qui recommanda son élève Le Rosso à François 1er. Il rentre à Florence en octobre 1519 ; Vinci est mort en mai. Il dépensera dans l’achat d’une maison la somme d’argent que lui a donné le roi pour acheter des œuvres d’art. Il faudra attendre une bonne dizaine d’années pour que François 1er invite d’autres peintres italiens de renom.
Le portrait du roi Charles V le Sage (†1380), Portrait du Roi Charles V lui-même, avait marqué un tournant irréversible dans l’histoire de la peinture. Ce tableau a été non seulement la première des peintures sur chevalet donc transportable, déplaçable facilement, de dimensions relativement grandes pour une figure : 60x40cm, mais encore, c’est le premier portrait de l’histoire de la peinture. Non que l’on n'ait jamais représenté auparavant figure humaine mais jamais non seulement en buste mais dans l’intention de présenter l’identité du personnage entendue comme à la fois pouvant être reconnu de tous mais en quelque de découvrir sa singularité d’individu, d’homme et non de roi.
L’art du portrait dont les peintres français sont à l’origine va acquérir sa pleine autonomie. La tradition en avait été préservée avec des peintres comme Jean Fouquet (1420-1481) dont le portrait de Charles VII est une innovation pour son interprétation psychologique, et plus en aval maintenue par l’œuvre de portraitiste de Jean Perréal (actif 1483_1530). Les flamands Jean Cousin père (1490 ?-1560 ?) et par Jean (Janet) Clouet (1480/85-1541) seront les maitres du portrait au XVième siècle. Leur travail évoluera dans le sens maniériste sous l’influence des italiens de Fontainebleau. Avec des peintres comme Jean Perréal (1455 ?-1530) et plus tard Corneille de Lyon (1510 ?-1574), la peinture française va se maintenir à un haut niveau artistique.
Au point que le chef-d ‘œuvre de Jean Cousin l’Ancien, qui atteindra à une renommée internationale, Eva Prima Pandora (c.1550), premier nu de la peinture française, est considéré comme une œuvre majeure du Maniérisme Français. Son fils Jean Cousin Le Jeune (1522-1595) suivra les traces de leur père.
Quant à Jean Clouet, qui est soit né à Bruxelles en 1480, soit né en France juste après l’arrivée de son père en 1485, il est considéré comme le grand peintre de la première période de la Renaissance Française. Luis sont attribués le célèbre Portrait de François 1er, le Portrait du Duc de Guise, le portrait de Marguerite d’Angoulême, le Portrait du Dauphin François. Mais deux seuls tableaux de lui sont sûrement de sa main par copie ou gravure. Ses 130 dessins (Musée de Chantilly) sont des dessins préparatoires dont on ne peut être sûr de leur destinataire. « Jean Clouet a réellement introduit dans l'art du portrait français une finesse nouvelle et fondé en fait une école de portraitistes officiels qui, par Nanteuil et Rigaud, devait assurer la suprématie française dans ce domaine pendant plus de deux siècles. » (Encyclopédie Universalis). Son fils François lui succèdera à la charge de peintre officiel de la cour (voir Maniérisme) .
Une belle collection de ses portraits est exposée en permanence au Château d’Ecouen, musée de la Renaissance Française, où l’on peut également admirer le travail du maître de l’émail français Bernard Palissy (1510-1590) .
Jean Perréal dit Jean de Paris, ( 1455/60-1528/30) actif de 1483 à 1528/30, né à Paris et mort à Paris ou à Lyon, architecte-urbaniste, ingénieur militaire, peintre-enlumineur, décorateur et poète, fut au début de La Renaissance Française, après avoir travaillé pour Charles de Bourbon, pour Pierre II de Bourbon et Anne de Beaujeu (voir Architecture France), le peintre officiel et valet de chambre des rois Charles VIII, Louis XII et François 1er.. Il organisa entre autres pour eux leurs entrées princières à Lyon, ville où il fonda une famille et exerça l’essentiellement de son art, tout en travaillant dans d’autres villes princières d’Europe.
On lui doit des enluminures, des scènes allégoriques à fond de paysages, des patrons de sculpture et d’orfèvrerie. Mais il s’est essentiellement consacré au portrait miniature, ouvrant la voie à Jean Clouet qui donnera au genre son autonomie. De par la renommée qu’il était la sienne de son temps, en partie due à ses relations, on lui a longtemps attribué nombre d’œuvres comme les œuvres du Maitres de Moulins, en fait Jean Hey (voir France/Art de la Détente).
Il ne reste plus de son abondante et diverse production que les dessins des patrons de sculptures des tombeaux des ducs de Bretagne à Nantes, qu’exécutera le sculpteur Michel Colombe et ceux pour l'archiduchesse Marguerite d'Autriche, fille de Maximilien 1er et régente des Pays-Bas à Malines pour son neveu Charles-Quint ; ainsi que des portraits sur chevalet et miniature, connus souvent par leur copie, notamment celui de Charles VIII connu par copie et celui de Louis XII. Son l’enluminure de son long poème Complainte de la Nature à l’Alchimiste Errant (1516) qu’on attribuait auparavant à ‘l’augmenteur’ du Roman de La Rose, Jean de Meung mort en 1305 (?) dénonce son goût pour l’alchimie et l’ésotérisme.
L’étude de ses portraits, directe ou par des copies, montre une influence de la peinture flamande et particulièrement de Van der Weyden tout en adoptant le caractère héroïque florentin (voir Quattrocento/ Florence). Son influence italienne, il l’a tient de son séjour dans la péninsule en 1500.
Il connut bien évidemment le médecin humaniste lyonnais Symphorien Champier (c.1472- ca.1531voir Tome I1/Humanisme/France). Mort en 1530, il n’a pu connaître Rabelais arrivé à Lyon en 1532 mais fort probablement l’École de Lyon groupée autour de Maurice Scève (1501-1564), l’existence réelle de Louise Labé étant plus que douteuse (voir Tome III/France/Poésie/ Louis Labé et suivants) et l’humaniste Pierre Sala (†1529) dont il fit le portrait et à qui l’on doit des poésies galantes et des romans courtois.
Giovanni Lacopo dit Fiorentino Rosso, le Petit Florentin Roux (1494-1540) est appelé en 1531 par François 1er qui avait ordonné la restauration de Fontainebleau depuis deux à trois ans. Le Rosso a eu pour maitre del Sarto, arrivé lui pour deux ans à la cour en 1518. (Voir Italie/ Peinture/Le Maniérisme à Florence)
Francesco Primaticcio dit Le Primatice (1504-1570) (voir Le Maniérisme à Florence) arrive à la cour deux ans plus tard. Ces deux peintres seront à l’origine de la Première École de Fontainebleau. Dix ans après le Rosso, Niccolò dell'Abbate (1509-1571) travaillera à Fontainebleau comme assistant du Primatice. L’orfèvre Benvenuto Cellini (1500-1571) est arrivé, lui, en 1540.
Ces peintres sont ‘déjà’ des artistes maniéristes même s’ils ont connu sur leur terre d’origine les œuvres de leurs grands prédécesseurs classiques. Autrement dit, la France n’a pas véritablement connu comme cela s’est produit aux Pays-Bas une Pré-Renaissance ni comme en Italie directement une Première Renaissance dont elle reçoit les acquis tardifs. Néanmoins, L’École de Fontainebleau va jouer un rôle prépondérant dans la diffusion du maniérisme en Europe.
Si Le Rosso et Le Primatice apportent tous les deux en peinture la nuova maniera en France et constituent, cette Première École de Fontainebleau, c’est sans doute au Primatice qu’il revient d’avoir apporté à Fontainebleau l’usage du stuc qu’il a appris aux côtés de Jules Romain au Palais du Té, avec un usage en alternance de la peinture et de la sculpture moulé en stuc. En son décor, Fontainebleau est déjà maniériste :
« Élongation des proportions, élégance recherchée, contours purs et sinueux, intention allégorique, irréalisme, fantaisie et imagination, originalité délibérée pour briser les cadres traditionnels et transformer les motifs classiques dans un esprit anticlassique ». (Architecture-Sculpture Op.Cit)
Le Rosso et Le Primatice porteront le décor en stuc à un degré encore inégalé. Le Rosso, qui meurt à Paris en 1540 (suicidé selon Vasari), donne entre 1533 et 1537 sa plus belle réalisation dans le décor de la Grande Galerie François-Ier ou Grande Galerie, pour lequel il utilise toutes les ressources de la décoration : la fresque, le stuc et le cuir et, de manière tout à fait innovante , le stuc en haut relief combiné à la fresque au-dessus d’un lambris de bois sculpté réalisé par le menuisier italien Scibec de Cari. La salamandre emblème royal de François 1er, alors que celui de Louis XII était le hérisson (« qui s’y frotte s’y pique ») en est le motif récursif.
Le Primatice qui a été l’assistant de Jules Romain au Palais du Te, travaille sous les ordres du Rosso particulièrement à la Galerie d’Ulysse et de 1533-1535 à La Chambre du Roi sur des dessins de Jules Romain[9]. Mais il ne va pas attendre la mort du peintre roux pour affirmer sa forte personnalité. Organisateur et grand décorateur des fêtes de la cour, il obtient les faveurs du roi. Après 1540, sous les rois qui vont se succéder et jusqu’à sa mort en 1570, il obtiendra les charges officielles les plus hautes et aura la main mise sur les Beaux-Arts (voir Architecture). Le Primatice aura été pour les beaux-arts sous la Renaissance Française, ce que Lully sera pour la musique sous Louis XIV, un potentat.
Niccolò dell’Abate (1509/12-1571) arrive à la cour d’Henri II en 1552 (voir Maniérisme Florentin). Sous la direction du Primatice, il travaille notamment au décor de La Salle de Bal et la Chambre du Roi, et dans la Grande Galerie exécute quarante huit histoires d’Ulysse (ou 60 ??) selon toujours des dessins du Primatice. Il mourra à Fontainebleau après avoir par son originalité, son sens du décor, profondément marqué l’École. Moins classique, dit-on, que Le Primatice qu’il assista pendant plus de vingt ans, il influencera les artistes de son entourage.
Jean Cousin fils(c.1522-1594), sans avoir le génie de Dürer auquel on le compare parfois, laissera un Jugement Dernier et surtout un traité édité après sa mort, le Livre de Pourtraicture (1571), remarquable pour ses illustrations anatomiques.
François Clouet (1505/10-1572) à la mort de son père en 1541 non seulement reprendra sa charge de peintre officiel de la cour, mais aussi tout en héritant de la peinture de son père toute son élégance, prendra la relève comme le plus célèbre des portraitistes français du XVIème. Il est parfois difficile de reconnaître du père et du fils est l’auteur de tel ou tel portrait. Le Bain de Diane est de 1565. La Dame au Bain de 1571 est remarquable par la succession en profondeur de quatre plans : la dame au bain, derrière elle la nourrice allaitant l’enfant, nettement en recul dans la pièce, une servante , derrière elle un fond de paysage.
Antoine Caron (1521-1599) développera lui le thème constant de Diane (Diane au Bain, Diane Chasseresse), thème récurrent à l’époque, déjà traité par François Clouet et le Primatice qui fit un bronze d’une Diane antique dont celle de Caron s’inspire. Il est à noter que le thème de Diane qui circule dans tout le château ne fait pas nécessairement référence à Diane de Poitiers mais à la déesse antique, chasseresse car le Château de Fontainebleau comme le Château de Chambord, le Château d’Anet et comme plus tard sous Louis XIII, Versailles avant d’être Versailles, sont à l’origine des pavillons de chasse.
Corneille de la Haye dit Corneille de Lyon (c.1500-1574) sera lui le portraitiste d’ Henri II et de Catherine de Médicis. Il répond au Style Maniériste par de petits portraits facilement transportables et présentables, des miniatures sur bois à l’huile dont les fonds plus soutenus mettent en évidence les chairs aux tonalités plus claires.
La Seconde École de Fontainebleau
L’école s’ouvre à la fin du siècle à l’avènement en 1589 du « bon roi Henri », dans la continuité maniériste. Ses peintres, Toussaint Dubreuil, Martin Fréminet ou encore Ambroise Dubois, sont les plus notables mais n’ont jamais atteint à la notoriété de leurs prédécesseurs.
Martin Fréminet (1564-1619), né et mort à Paris en est un de ses meilleurs représentants. Il a été formé en Italie où il séjourna 6 ans, de Rome à Turin en passant par Venise et Parme. Très influencé dans son dessin et le mouvement donné à ses personnages par Michel-Ange, c’est au travers de l’École Vénitienne qu’il trouve sa palette, et c’est au Caravage qu’il doit son clair-obscur comme on peut le voir dans son Adoration des Bergers (Musée de Gap). Il commence en 1608 le décor entre autres de la chapelle de la Trinité au Château de Fontainebleau, son œuvre maitresse qui, achevée à sa mort en 1619, sera jugée sévèrement par la critique :
« Le génie assurément n’est pas ce qui lui manque ici, mais l’art délicat de s’en servir » (L. Dimier).
« La volonté de Fréminet de rompre avec le style bellifontain, tout de grâce et de douceur, qu’avait imposé Le Primatice, fut excessive : elle prélude sans charme au baroque » (S. Béguin).
« L’œuvre a le mérite de l’ambition mais manque à la fois de force expressive et de séduction. » (B. Jestaz)» . (Dominique Cordelier, Martin Fréminet, Persée, N° 81,1988)
Ambroise Bosschaert dit Ambroise Dubois (Anvers 1543-La Haye 1614), dont la femme épousa à sa mort Martin Fréminet, peignit à partir de 1595 de nombreux décors dont la Galerie de Diane, le Salon dit de Louis XIII, la Chambre de la Reine.
Toussaint Dubreuil (1561-1602), né et mort à Paris, travailla aux décors de Fontainebleau et de Saint Germain en Laye. Sa Toilette et Lever d’une Dame nous montre des femmes aux attitudes affectées mais non dépourvues d’élégance sous un trait sûr.
Bernard Palissy (1510-1590) est le maître de la peinture sur émail aussi bien que sur céramique. Il brûla ses meubles pour percer le mystère de l’émail (déjà connu des italiens), et inventa ce qu’il appela des « rustiques figurines » du roi (vases, plats, bassins, statuettes…).
Les ateliers de tapisserie sans sortir une production aussi raffinée que ceux de Flandre maintiennent un haut niveau de qualité.
De retour d’un de ses séjours en Italie, Le Primatice a amené avec lui en 1543, l’architecte Jacopo Barozzi de Vignola (1507-1573) connu en France sous le non de Vignole. Durant deux ans, Vignole va avec le fondeur Francisque Ribon couler les bronzes des moulages réalisés en Italie pour orner le parc. En collaboration avec Le Primatice, il réalise en 1543 une copie de l’Apollon du Belvédère qui sera placé dans la Galerie des Cerfs.
La tendance est au classicisme dans la sculpture de la Première École de Fontainebleau.
Jean Duvet (1485-1573), orfèvre et graveur tout autant que sculpteur, fut surnommé (lui aussi ?) le ‘Dürer français’. Il fut le premier graveur à se servir d’un burin[10]. Médailleur et graveur de monnaie sous François 1er et Henri II, il est surtout connu pour deux séries, celle de l’Apocalypse, 24 planches de 1546 à 1555, et celle de L’Histoire de la Licorne, 6 planches (1560). Il participe à ce rayonnement du goût français qui prit naissance à cette période et instaura en France sa tradition du raffinement et du luxe.
Jacques Androuet du Cerveau (1510-1584) ouvre toute une dynastie de graveurs. Libre dans ses interprétations du classicisme comme pour s’y opposer, il annonce la période baroque plus par les maisons qu’il grave dans ses recueils de gravure et qui serviront de modèle aux hôtels parisiens du siècle suivant que comme architecte ; le peu qu’il a construit en tant qu’architecte a disparu. (Cf. Renaissance Française in Architecture et Sculpture, Nathan 1971)
Jean Goujon(1510-1566), surnommé le « Phidias français » ou encore « le Corrège de la sculpture », est un architecte mais avant tout un sculpteur, le sculpteur de la fluidité. D’abord sculpteur des Montmorency au Château d’Écouen, actuel château de la Renaissance Française, il obtint, le titre de sculpteur du roi en 1547 année de la mort de François 1er . Il travailla en étroite collaboration avec Pierre Lescot, notamment au Louvre où il œuvra plus de quatorze ans. On peut y voir ses allégories en bas-relief sur la Façade François 1er de la Cour Carrée (1549-55), dont l’élégance, la souplesse révèlent toute sa sensibilité maniériste ; et à l’intérieur du palais, ses Caryatides de la salle pourtant leur nom (1550). La Diane au Cerf (1549) surmontant l’entrée du Château d’Anet, n’est pas selon ce que l’on croit souvent une œuvre de Goujon, mais c’est une sculpture plus ancienne, animée, réalisée pour célébrer le thème de la Chasseresse et non particulièrement Diane de Poitiers. Goujon la retrouva dans les caves et la plaça à cet endroit; Sur des plans de P. Lescot, il exécutera les sculptures de la Fontaine des Innocents (1547-49), déplacée de la Rue Saint Denis à son emplacement actuel du quartier des anciennes Halles-de-Paris.
Germain Pilon (1535-1590), parisien, sculpteur également médailleur, a parfaitement intégré la manière italienne en travaillant aux côtés du Primatice. Il se spécialisa dans la sculpture des tombes royales à l’instar de Pierre Bontemps (1507-1568) qui le forma ; notamment pour la pierre : Tombe Royale d’ Henri II et Les Trois Grâces surmontées de l’urne contenant le cœur d’Henri II (1563>65) ; Tombeau de Valentine Balbiani (sur le flan, lisant un livre, son chien à ses côtés 1572) en marbre; tombeau auquel au-dessus sera ajouté en 1584, celui de de son époux le chancelier René de Birague en bronze, constituant une seul monument funéraire. Les deux tombeaux du cardinal René Birague et de sa femme où la monumentalité ne le dispense pas de donner au portrait de l’homme d’état que fut Birague une dimension psychologique. L’effet de draperie dans sa surabondance de plis annonce déjà la période à venir. Pilon aura dominé la sculpture de la période Henri IV.
Philippe Vigarny (ou Biguerny Felipe 1470-1542) est originaire de Langres, à l’époque un important foyer culturel qui bénéficie de la proximité de Dijon, capitale du duché. Il dit avoir été en Italie. En 1498 sur le Camino Frances du Chemin de Compostelle, il fait une halte définitive à Burgos où il commence par exécuter trois grands reliefs dans la cathédrale. « La composition des scènes, les costumes et les types humains demeurent gothiques, mais le volume des corps, le modelé et l'idéalisation de certains visages sont déjà dans l'esprit de la Renaissance. » (Ency. Universalis).
Dans les années 20, il travaille en collaboration avec Diogo de Siloé (1495-1563), notamment aux retables de la fastueuse Chapelle du Connétable. En 1539 et jusqu’à sa mort quatre ans plus tard à Tolède, il se consacre au côté ‘évangiles’ des stalles de la Cathédrale de Burgos. « Son tempérament calme et paisible contraste avec la véhémence douloureuse dont fait preuve Alonso Berruguete dans la partie symétrique, du côté de l'épître » (Ency.Univers.).
L’orfèvrerie sous l’impulsion de Benvenuto Cellini (Italie/Sculpture) venue de Florence, et l’ameublement dont le mobilier sculpté relève d’un savoir sûr et d’une grande originalité dans l’interprétation des formes antiques sont des arts qui au cours du XVIème siècle trouveront s’épanouir pleinement en conféran par le raffinement et le goût t à la France un statut privilégié dans l’art de vivre qu’elle ne perdra plus.
Les sculpteurs de cette période oscillent entre classicisme et maniérisme aussi bien dans les grandes compositions à l’exemple des tombeaux des grandes familles que dans les petits bronzes.
Elle verra se produire des sculpteurs tels que
Mathieu Jacquet (1545-1611), né en Ile-de-France, fils du sculpteur Antoine Jacquet, on lui doit la grande cheminée en marbre de la Salle des Gardes à Fontainebleau (1600) avec figure équestre du roi.
« En 1597, Henri IV commanda à Mathieu Jacquet une cheminée monumentale de six mètres de large sur sept de haut, pour l'extrémité de l'aile construite par Primatice au château de Fontainebleau. Achevée en 1600, elle suscita une admiration unanime, qui lui valut le nom de "Belle Cheminée". Elle fut démontée en 1725, lorsque Louis XV décida de transformer la galerie en salle de théâtre. Le bas-relief de La Bataille d'Ivry était au centre, au-dessous du grand bas-relief d'Henri IV à cheval (Fontainebleau), point focal de la composition.
Par le style, la Belle Cheminée est très proche de la cheminée du château de Villeroy, exécutée une décennie plus tôt. Henri IV, invité régulier de son ministre Nicolas Neufville de Villeroy, l'avait sans doute admirée.»(https://www.louvre.fr/ œuvre -notices/la-bataille-d-ivry-et-la-reddition-de-mantes)
Pierre Franqueville (1548-1615), né à Cambrai, se rend à Florence où il a pour maitre Jean de Bologne et travaille à ses côtés pour la réalisation de L’ Enlèvement des Sabines. Connu en Italie sous le nom de Pietro Francquavilla, il réalise en 1574 une série de sculptures à la Villa Bracci. Son Orphée et Cerbère sculpté en Italie est aujourd’hui au Louvre. Elle succiste son invitation par Henri IV à sa cour. Il sera sculpteur du roi sous Louis XIII.
Auteur de rondes-bosses à thème mythologique ou allégorique , il tend vers le maniérisme et la figure serpentine comme le montre son David Vainqueur de Goliath (Louvre). Il laisse une œuvre sculptée très importante.
Barthélémy Tremblay (1568-1629), né en Île-de-France, travailla à Fontainebleau et au Louvre. Il exécuta les tombeaux de Martin Fréminet (†1619) et du Maréchal d’Ornano ainsi que les statues en pied d’Henri IV ( Château de Pau) et de Louis XIII.
Barthélémy Prieur (1536-1611) d’origine champenoise, protestant, travailla au Louvre mais surtout pour les Montmorency. Il réalisa pour eux deux gisants en marbre et deux priants en bronze, aujourd’hui disparus. Son style est plus classique et montre une tendance au naturalisme comme chez son contemporain Pierre Biard l’Ainé (1559-1609) à qui l’on doit les sculptures aux écoinçons de la grande arche du magnifique jubé à spirales de l’Église Saint Étienne-du- Mont (1530 Paris) dont le sculpteur, anonyme, a savamment mêlé style gothique et style Renaissance. (Jubé, voir Tome 1/ Art Roman/ Architecture /Grammaire Romane).
[1] Deux étapes importantes marquent l’implantation définitive de l’humanisme en France: La création en 1522 par François 1er de la « Librairie du Roi » (Bibliothèque de Fontainebleau) à partir du fond de « la « Librairie de Blois » de Louis XII (voir Vol.1/ Humanisme/ France) et en 1530, la fondation du Collège des Lecteurs Royaux (Collège de France) indépendant de l’université
[2] Sur le pavillon voir Étude de l’Histoire de l’Art offertes à Jacques Thirion,Pg 163,Écoles de Chartres 2001.
https://books.google.fr/books?id=xJa6vqu8to4C&pg=PA167&lpg=PA167&dq=Marceau+Rodier&source=bl&ots=xBVGjLubr&sig=ACfU3U3nUrhMmrhwSVYolJyiGpjjI6hcFA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwizq7qhyYbgAhWFy4UKHUguCp8Q6AEwAHoECAEQAQ#v=onepage&q=Beaujeu&f=false
[3] Semblaçay sera pendu au gibet de Montfaucon en 1527 suite à un procès que lui a intenté Louise de Savoie en l’absence de son fils François 1er. Elle fit dénoncer le superintendant pour créances au roi, mais en fait pour se venger de lui : "Le roi, informé [ de la perte du Milanais et] que la défaite est liée à la démobilisation d’une partie de ses troupes qui n’avaient pas reçu leur solde, demande à son ministre des finances de lui expliquer où sont passés les 400 000 écus qui étaient destinés à l’armée d’Italie. Celui-ci avoue les avoir remis à Louise de Savoie qui exigeait cette somme en remboursement d’une créance qu’elle avait envers la couronne". La reine-mère ne lui pardonna jamais.
[5] La salamandre est un animal amphibien qui vit sur terre et sur eau mais qui a le pouvoir de ‘résister’ au feu. C’est du moins l’impression qu’elle donne quand elle sort des souches où elle hiberne quand elle sont mises dans l’âtre. L’animal est représenté plus de 300 fois à Chambord.
(https://www.jaimemonpatrimoine.fr/fr/module/81/751/la-salamandre-de-francois-ier)
[6] Certaines sources indiquent que « les chiens aboyaient et le cerf frappait du pied ! »
[7] La ferme d’une charpente, triangulaire, est constituée de l’entrait, sa poutre horizontale formant la base de son triangle et deux arbalétriers, obliques, formant les côtés de son angle ; La partie verticale qui prend assise au centre de l’entrait, la hauteur du triangle, étant le poinçon. La jambe de force prend appui sur les murs gouttereaux ou les piliers sur lequel repose l’entrait (ou tirant) et renforce celui-ci par en-dessous.
[8] Celui-là même que François 1ER fit pendre au gibet de Montfaucon en 1527. Voir Architecture/Les Prémices/ Azay-le-Rideau
[9] Claude Mignot Fontainebleau Revisité : La Galerie d’Ulysse, Persée Revue de l'Art Année 1988 pp. 9-18
[10] Du moins en France, la gravure au burin apparait en Allemagne au début du 15ème siècle
LA RENAISSANCE ARTISTIQUE EN BELGIQUE ET PAYS-BAS
Introduction - Peinture et Gravure : École d'Anvers - École de Bruxelles - Pays-Bas
En 1477, à la mort de son père, Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne hérite de toutes ses possessions. Couvrant un territoire aussi grand que le royaume de France, elles avaient fini par constituer Les États Bourguignons qui englobaient au sud le Duché de Bourgogne, et le Comté de Bourgogne (Franche Comté), au nord la Belgica (Belgique, Nederland, Luxembourg) et les territoires intermédiaires. Par son mariage avec Maximilien, futur empereur, les états passent un temps aux mains des Habsbourg. Mais Louis XI, contestant la succession, obtient un accord en 1482 au Traité d’Arras. L’ancien apanage que Jean Le bon avait donné à son fils Philippe Le Hardi en 1361, partie française de états, retourne dan le giron royal. Maximilien conserve la Belgica (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Flandres Françaises).
La fille de Marie et de Maximilien, Marguerite d’Autriche (1480-1530) par délégation de son père devient régente de la Belgica en 1507 en attente que son jeune neveu, le fils de son frère Philippe Le Beau, le futur Charles Quint, alors âgé de 6 ans et qu’elle élève, n’en hérite à sa majorité en 1515. Ainsi, par l’accession sur le trône d’Espagne en 1516, du petit-fils de Charles le Téméraire, Charles 1er d’Espagne de Habsbourg (1500-1555), né en Flandres, la Belgica devient alors possession de la couronne espagnole, affranchie de la juridiction du St Empire. Marguerite restera néanmoins gouvernante jusqu’à sa mort en 1530 avec un bref intermède pendant lequel son neveu, qu’elle soutiendra toute sa vie, notamment face à François 1er, l’aura écartée du pouvoir puis rappelée à la tête des Pays-Bas, une fois que, monté en 1519 sur le trône du Saint Empire Romain Germanique, il règne sur les Pays-Bas dit espagnols, l’Espagne, l’Autriche, l’Italie, et l’Allemagne. La Cour est à Malines (Flandre anversoise). Marie de Hongrie ou d’Autriche (1505-1558), sœur Charles-Quint, sera à son tour régence des Pays-Bas Espagnols jusqu’à sa mort.
En 1558, Philippe II succédant officiellement à son père Charles-Quint, devient souverain des Pays-Bas Espagnols. Le Soulèvement des Gueux ou Guerre de Vingt ans (1568-88) va aboutir à une révolte générale menée par l’ancien stadhouder (gouverneur) au service de l’Espagne Guillaume d’Orange dit le Taciturne[1] qui prend la tête des catholiques et des calvinistes coalisés contre le pouvoir royal.
La proclamation en 1579 de l’Union d’Utrecht permet la constitution des Provinces-Unies. Autonomes, elles comprennent les sept provinces du Nord sur les dix sept provinces qui constituaient les Pays-Bas Espagnols. Cette indépendance de fait des Provinces-Unies, réformées, sera entérinée officiellement en 1648 au Traité de Westphalie. Les autres provinces, qui représentent un territoire équivalent aux actuels Belgique, Luxembourg, et Flandre française vont constituer les Pays-Bas du Sud ou Belgica Regia et resteront sous la domination espagnole, catholique, puis des Habsbourg d’Autriche jusque, après avoir subi toutes les guerres européennes, ils acquièrent leur indépendance dans la période révolutionnaire de 1789.
Les Pays-Bas Espagnols (Pays-Bas et Belgique), avant et après leur scission, connaissent tout au long du siècle une prospérité économique comparable à celles des duchés de la péninsule italique. Les cités marchandes des provinces du sud, du Brabant, du Hainaut, de la Flandre, Bruxelles, Anvers, Bruges, Gand et bien sûr Malines entretiennent des relations commerciales et culturelles avec des villes comme Rome, Florence, Venise. A partir de l’Union d’Utrecht en 1579 les Provinces du Nord (les Pays-Bas), reconnues autonomes, vont connaître un essor économique, dû en bonne partie au commerce, particulièrement maritime, qui au siècle suivant , donnera naissance du capitalisme.
La tradition artistique en ces provinces était suffisamment forte et rayonnante et particulièrement dans la Flandre depuis le XVème siècle pour que les commanditaires institutionnels et privés n’éprouvent pas le besoin de faire appels à des artistes étrangers. C’est plutôt les artistes, notamment les peintres, qui influenceront par leur technique et leur manière ceux d’Italie, d’Espagne et de France. Mais, certains d’entre eux n’en feront pas moins le voyage dans la péninsule pour se former à la manière nouvelle, tels les peintres liégeois Lambert Lombard ou l’anversois Jan Mabuse qui apporta à Anvers le goût italien. Ils font partie de ces peintres dits romanistes pour être allés se former à Rome et de manière plus générale en Italie. Le goût nouveau pour l’antique ne leur resta pas étranger, et c’est de façon tout à fait courante qu’il se fit d’abord sentir dans les arts ornementaux.
La culture antique commencera à se répandre dans les dix-sept provinces espagnoles à partir de la fondation à Louvain, en 1517, du Collège des Trois langues par l’ami d’Érasme, Jérôme de Busleyden, Dans ce Collegium trium linguarum ou []Collegium Buslidianum, en quelque sorte université autonome étaient enseignées les valeurs humanistes par l’apprentissage du grec, du latin et de l’hébreu au travers des grands auteurs anciens. A son instar, en 1530, François 1er sous l’impulsion des humanistes de son entourage dont Guillaume Budé, décidera de la création du Collège des Lecteurs Royaux Royal, actuel Collège de France où seront enseignées ces mêmes trois langues et non encore l’arabe (comme le prétendent certains écrivains politiques actuels), langue qui n’entrera dans le cursus que sous Louis XIII en même temps que treize autres chaires.
Au plan artistique, le peintre, sculpteur et architecte Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), né à Alost, entre Bruxelles et Gand, est l’éditeur de Vitruve et le traducteur du traité d’architecture de Serlio, Tratado d'Arquitectura. Formé par Bernard van Orley, de l’École d’Anvers, il jouera un rôle important dans la diffusion des conceptions italiennes. Il est de ces premiers artistes dont l’œuvre traduit une tendance au maniérisme. Peintre romaniste, il a séjourné à Rome et même à Constantinople. Il fut le maître de Pieter Bruegel (1525-1569).
Bien que la Flandre ait connu au XVème siècle une Pré-Renaissance particulièrement rayonnante, le passage de la période moyenâgeuse à celle de la Renaissance proprement dite se fait en Flandres autour de 1520. Au Palais de Savoie à Malines (Province d’Anvers,) que fit construire la régente Marguerite d’Autriche en 1517, l’influence italienne se fait nettement sentir. La même année et dans la même ville, la construction de la maison bourgeoise ‘In den Gootenzalm’ (‘Au grand Saumon’), est significative du développement économique d’une ville où la cour a ses habitudes comme à Gand et Bruxelles.
Le goût pour l’antique va progressivement s’implanter et de manière générale, plus au plan ornemental que proprement structurel. L’élévation reste d’esprit traditionnel, généralement une étroite façade à pignon pour les édifices privés, qui s’orne de pilier, de niches, de consoles remplaçant alors les degrés du fronton. Il faudra attendre le milieu du siècle pour qu’avec l’architecte et sculpteur, Corneille de Vriendt l’architecture prenne un tournant décisif.
Jean Mone ou Jehan de Mone (1500-1548), natif de Metz, réalise entre 1535 et 1537 la façade blanche du Greffe du Franc à Bruges, châtellenie du Comté de Flandre[2]. Avec son traditionnel pignon mais à volutes et non en espalier, elle est encadrée de frontons brisés, occupées de fenêtres à meneaux bordées de pilastres rehaussés d’or à leur piédestal. Une architrave médian la traverse, tandis qu’elle est parcourue en son sommet de statues dorées. Jehan de Mone, mort en 1548 à Malines, aura été aussi un des principaux propagateurs de l’art renaissant dans la sculpture du Nord : Retable de la Basilique Notre-Dame de Halle (1533).
Lancelot Blondeel (1498-1561), né à Poperinge (Flandre Occidentale) fut un peintre doté d’un grand sens décoratif, connu de Vasari. Il trouve en 1528, à l’occasion du concours pour la réalisation d’une cheminée pour la salle renaissance du Greffe du Franc, l’opportunité de présenter son projet qui sera retenu : une cheminée en marbre noir et albâtre et au-dessus sculpté en bois, la statue de Charles-Quint en hommage à sa Victoire sur les Français à Pavie (1525, 6ème Guerre d’Italie). L’empereur est montré entouré des notables de la ville. Le projet est exécuté par divers sculpteurs et peintres et achevé en 1531. Il fut un ces premiers artistes à développer le goût italien dans le Nord.
Corneille II de Vriendt dit Floris (1514-1575), né à Anvers, construit entre 1561-1565, l’Hôtel de Ville d’Anvers. Si le pignon placé au centre de la façade relève encore de la tradition flamande, son élévation sur trois et quatre niveaux avec colonnades et ouvertures en plein cintre, son alignement de pilastres le long du premier et du deuxième niveau, son bossage au niveau inférieur sont tout à fait italianisants ; et les statues qui ornent le pignon dans ses niches ou en son extérieur sont particulièrement maniéristes. La même année dans la même ville est construite la Halle-aux-Draps.
En 1574, de Vriendt réalise le Jubé de la Cathédrale de Tournai. Il est d’inspiration classique avec ses trois arches sur double jeu de colonnes et son haut niveau supérieur semblable à une architrave. Mais l’emploi de marbre de couleurs, d’une ornementation en bas reliefs de stuc, ses pendentifs sous les statues en saillies du niveau supérieur dénote une volonté d’aller au-delà du maniérisme, vers une exubérance décorative déjà baroque.
En 1584, la Maison de la Vieille Arbalète ou Liaison des Corporations sur la Grand-Place d’Anvers laissera voir tout en haut de son pignon un saint Georges dressé sur son cheval et terrassant le dragon.
Une génération plus tard plus tard, l'Église Saint-Charles-Borromée d'Anvers construite entre 1615 et 1621 par l’architecte bruxellois François d’Anguillon sera elle d’un baroque très affirmé.
Jacques Dubroeucq (1505-1584), né à St Omer (Pas-de-Calais), tient une place importante parmi les artistes de la Renaissance des Pays-Bas. Architecte et sculpteur, après avoir voyagé en Italie, il s’installe en 1539 dans le Hainaut, à Mons, où il fait carrière et y meurt. Architecte, il tracera les plans du portail de La Collégiale Sainte-Waudru comme ceux de l’Hôtel de Ville d’Anvers et de l’Hôtel de Ville de Beaumont. Il travaillera au Château de Binche dans le Hainaut. Sculpteur, il y réalisera entre autres les sculptures du Jubé de la Collégiale Sainte-Waudru.
Jean de Bologne ou Giovanni Bologna dit Giambologna (1529-1608), né à Douai, d’origine flamande, réalisera quasiment toute sa carrière à Florence où il mourra (Voir Cinquecento/Italie Sculpture).
Adriaen de Vries (1545-1625) fut élève de Giambologna. Il travailla aussi bien au Danemark qu’à Prague où il mourut, tout en contribuant ainsi à diffuser le maniérisme dans l'Europe du Nord. Il réalisa des fontaines comme les Fontaines de Mercure et d'Hercule à Augsbourg (Bavière).
En 1581, après la proclamation de l’Union d’Utrecht, la force économique s’inverse et passe du Sud aux Provinces du Nord. Regroupées en les Provinces-Unies, l’actuel Nederland acquiert une autonomie de fait vis-à-vis de l’Espagne. Amsterdam prend alors le pas sur Anvers et commence le formidable développement économique de ce nouveau pays, essor dû en particulier à la création de comptoirs et à des conquêtes au-delà des mers qui formeront l’empire colonial néerlandais. Période que l’on appelle le Siècle d’Or Néerlandais.
Les Provinces-Unies opteront dans l’esprit calviniste pour une architecture sobre à l’ornementation dépouillée. Il faut attendre la seconde moitié du siècle pour que certains bâtiments, notamment des hôtels de ville soient édifiés en prenant exemple sur ceux du Sud. L’Hôtel de Ville de Leyde (1597) comme celui de La Haye (1564) qui prend exemple, lui, sur celui d’Anvers, montrent une architecture solide.
Hendrick de Keyser l'Ancien (1565-1621), né Utretch, mort à Amsterdan, issu d’une famille de menuisiers charpentiers, est formé par l’architecte et sculpteur Cornelis Bloemaert l’Ancien, père du peintre Abraham Bloemaert, fondateur de l’École Maniériste d’Utrecht (1564-1661 voir Tome III).
En 1591, il ouvre un atelier à Amsterdam. Architecte, sculpteur, médailleur, décorateur d’intérieur et de tombeaux, ses multiples activités font de lui un personnage central de la vie artistique d’Amsterdam. Il se rendra à Londres en 1606.
Sculpteur, médailleur mais aussi maitre maçon de la ville d’Amsterdam, Keyser développe dans cette ville un style original aussi bien dans les édifices publics que religieux. On lui doit « ces alignements, au bord des canaux de maisons de brique sombre, étroites et hautes, sommées de pignons décorés, d'une simplicité qui n'est pas sévérité, quoi qu'on en ait dit, et qui constituent un décor urbain d'une originalité rare, parfaite expression d'une mentalité. » (J.J Dythoy, Encyclopedia Universalis)
Il fonde une école qui fera sentir son influence en Allemagne, au Danemark et en Angleterre. Son œuvre maitresse est en marbre noir et blanc, le monumental, Mausolée de Guillaume Le Taciturne à Delf (1614-21).
« L'œuvre la plus célèbre de Hendrick de Keyser (avec la collaboration de son fils Thomas) est le fastueux mausolée de Guillaume le Taciturne, dans le chœur de la Nieuwe Kerk de Delft, de marbre noir et blanc (1614-1621) : figures allégoriques, double représentation du mort selon la formule des monuments funéraires français du xvie siècle, décoration abondante. L'architecte a conçu, pour le culte protestant, trois églises d'Amsterdam, la Zuiderkerk (1603-1611), la Noorderkerk (1620, plan central) et, du moins pour les plans, la Westerkerk (1620-
1638) [dont notamment les maisons de la Compagnie des Indes Orientales, De Gecroonde Raep (Le Navet Courronné), De Dolphijn (La Dauphin)] ». (Jean-Jacques Duthoy Sculptures/ Renaissance/ Édit).
En 1496, pendant la Première Guerre d’Italie , Philippe 1er Le Beau, né à Bruges, fils de Maximilien 1er, petit-fils de Charles le Téméraire par sa mère Marie de Bourgogne, est reconnu roi consort de Castille et de León, par son mariage avec Jeanne de Castille (Jeanne La Folle, † 1555), fille d’Isabelle de Castille. En 1504, le couple s’installe à Bruxelles (Brabant). Mais à sa mort, deux ans plus tard, en 1506, sa sœur, Marguerite d’Autriche (ou de Bourgogne, † 1530) prend la régence de ce qui est devenue la Belgica et installe sa cour à Malines où elle élève son neveu, le futur Charles-Quint, né six ans plus tôt à Gand. Bruxelles et Anvers, situées dans le Brabant, vont devenir les deux grands centres économiques et culturels en place de Bruges et de Gand en Flandre. Anvers qui sera le centre de la peinture baroque au XVIIème siècle est au XVIème, la première ville du Nord où se fait sentir l’influence italienne dans la période du dernier quart du XVème et du premier quart du XVIème siècle, de Léonard de Vinci à Raphaël. Si Quentin Metsys, Peter Bruegel, Barend Van Orley et Jan Gossaert (dit Mabuse) ou encore Jacopo de' Barbari et Joachim Patinir, sont les plus connus des maitres, d’autres peintres de cette époque ont laissé leur nom dans l’histoire de la peinture belge. Tous œuvrèrent à Anvers et pour certains à la cour de Marguerite d’Autriche à Malines.
« Dès que dans les Flandres, la peinture se détache de l’enluminure, de la fresque et du vitrail, elle se tourne vers l’homme presque autant que vers Dieu, non pas vers l’être humain en tant que créature anonyme, aux idées et aux sentiments abstraits mais vers l’homme individuel avec sa personnalité… Dans le Nord, rarissimes sont les peintres de scènes religieuses, mythologiques ou de genre qui ne furent à la fois d’éminents portraitistes à telle enseigne que toute l’histoire de la civilisation flamande du XVème au XVIIIème siècle nous est raconté sans discontinuité dans une sorte de vaste galerie des ancêtres…Ces portraits sont autant de facettes qui reflètent fidèlement une société, une époque, une culture ». (Émile Langui, Portraits Flamands, Albin Michel 1969).
Carel van Mander ou Karel van Mander I (1548- 1606), bien que peintre, est surtout important pour son étude biographique des peintres néerlandais et allemands de son siècle et du siècle précédent parue en 1604: Het Schilder-Boeck (Le Livre de Peinture ou Livre des Peintres). Si Spranger est l'instigateur de l’École de Haarlem et Goltzius le graveur et Van Mander en est le théoricien.
Quentin Metsys (1466-1530), né à Louvain, est issu d’une famille de forgerons, métier qu’il exercera jusqu’à l’âge de vingt ans avant de l’abandonner pour des raisons de santé. Il s’établit à Anvers en 1491 où il fonde l’École d’Anvers. Bien que sa production s’étale sur tout le premier quart du XVIème siècle, ce peintre montre par un style resté très enraciné dans le gothique à quel point les traditions peuvent être vivaces. On le considère comme le dernier des grands Primitifs Flamands. Néanmoins, son œuvre relève d’une grâce, d’une intimité qui doivent tout à l’exemple de Vinci. Il laisse à l’histoire de la peinture quelques chefs d’œuvres comme Le Triptyque de la Légende de Saint Anne (1509) qui, de ses tableaux, est sans doute sa pièce maîtresse, mais aussi celui qui par la fluidité des attitudes, le recueillement intime des poses, la tonalité générale fait le plus penser au Maître de Sainte Anne au Rocher. Son tableau le plus connu est néanmoins Le Prêteur et Sa Femme (1514), qui ne peut aller sans évoquer le Van Eyck des Époux Arnolfini (1434) avec une allusion au peintre par le miroir sur le comptoir.
Il restera très apprécié en pleine époque baroque. Deux fils de ses treize enfants issus de deux mariages, Jan (1509-1573) et Cornelis (1510-1562) furent tous deux des peintres honorables. L’ainé, Jan, séjourna en Italie et à Fontainebleau.
Jan Gossaert (dit Mabuse 1478-1532), né à Maubeuge, probablement formé à Bruges, entre à la guilde d’Anvers en 1503. Il fait partie de la suite de Philippe de Bourgogne-Blaton (†1524), fils illégitime du premier Duc de Bourgogne Philippe III le Bon (Bruges †1467), et qui sera son protecteur pendant des années. Lors son séjour à Rome de 1508 à 1509, à une période où sont actifs Michel-Ange et Raphaël, il copie les antiques. Il est ainsi le premier néerlandais des peintres romanistes. De retour à Anvers, ses peintures vont être une juste alliance de la tradition flamande et des motifs italiens, notamment les nus mythologiques. Il décore dans cette veine pour son protecteur le Château de Suytburg (ou Zuytborch) où il rencontre un milieu intellectuel et artistique que fréquentent Érasme (1465-1536) et le peintre vénitien Jacopo de Barberi (†1516) et Mabuse.
Mabuse travaille également pour la cour de Marguerite d’Autriche, tante de Charles-Quint qui sera parmi ses commanditaires. Outre Anvers, il sera actif à Utrecht (au centre des Pays-Bas actuels) où son protecteur Philippe de Bourgogne-Blaton sera nommé évêque en 1517, et à Bruxelles. A la mort de Philippe, il quitte sa résidence et s’installe à Middlebourg, capitale historique de la Zélande située au sud côtier des Pays-Bas, où il entre au service d’Adolphe de Bourgogne († 1540) fils d’Antoine Le Grand Bâtard de Bourgogne (†1504), lui-même autre fils illégitime de Philippe III Le Bon et frère de Philippe de Bourgogne-Blaton). C’est là que le peintre liégeois Lambert Lombard (1505-1566) devient son élève.
Si avant son voyage à Rome, sa peinture s’inscrit dans le maniérisme du Gothique International (Voir Tome 1/Art Gothique) comme le montrent son Mariage Mystique de Sainte Catherine et sa Vision de l'Empereur Auguste, ses peintures ultérieures avec entre autres l’importance nouvelle donnée à l’architecture et l’abandon des fioritures ‘flamandes’, révèlent une orientation italianisante plus marquée : L'Hercule du Capitole en contre-jour et raccourci, et plus tard le Triptyque Malvagna (Palerme), L'Adoration des Mages (Abbaye de Grammont), Neptune et Amphitrite (1516, Berlin), Hercule et Déjanire (1517, Birmingham), la Métamorphose d'Hermaphrodite et de la nymphe Salmacis (1520, Rotterdam,) Vénus et l'Amour (Bruxelles).
« Gossaert a occupé une place très importante dans l'art des Pays-Bas, où, au début du XVIème s. il a introduit l'esprit et les formes de la Renaissance italienne. Il reste cependant un peintre de transition influencé toujours par la tradition nordique ; même si dans ses dessins, par exemple, il s'efforce de traiter les thèmes et d'employer les formes de la Renaissance italienne, son graphisme très nerveux et minutieux demeure dans le ton du maniérisme gothique septentrional et subit l'influence décisive de Dürer. » (Ency. Larousse)
Lambert Lombard (1505-1566), né et mort à Liège, a eu pour maître Jan Mabuse. Et deuxième des romanistes, il a été un homme de la Renaissance en ce qu’il a développé son intérêt dans différents domaines comme l’histoire, la numismatique, l’archéologie. En 1537, dans la suite de l’évêque de Liège, il est à Rome où chargé de réunir une collection d’œuvres d’art, il découvre celle de l’antiquité et de la Renaissance Italienne. Participant en tant qu’architecte au réaménagement de la ville wallonne, il introduit des éléments de l’architecture classique.
En 1539, de retour à Lièges, il ouvre plus qu’un atelier, une académie des arts. Il a été littéralement encensé de son vivant et le billet de banque belge de 100 francs a longtemps été à son effigie. Son influence fut grande dans le milieu culturel wallon et au-delà. Il eut pour élève entre autres Frans Floris[3]
Joachim Patinir (ou Patinier, c.1480- 1524) nait à Bouvines (Meuse) ou à Dinant, près de Namur, dans l’extrême sud des Pays-Bas Espagnols. Il aurait été formé par Gérard David à Bruges. En 1515, il est inscrit à la Guilde St Luc des peintres d’Anvers (voir note Léonard de Vinci) où il mourra. Entre 1515 et 1520, il séjourne aux Baux de Provence d’où il ramènera nombre de ses futurs sujets (Ency. Larousse).
De retour à Anvers, ami de Metsys, il se lie également d’amitié avec Albrecht Dürer qui séjourne dans la ville où la Guilde St Luc a accueilli celui-ci avec grands honneurs. Dürer fera deux portraits de lui et sera présent à son second mariage en 1521.
Patinir meurt quatre ans plus tard. Le succès qu’il connut de son vivant eut pour conséquence que nombre de tableaux furent peints à sa manière. Mais en fait, on ne compte qu’une vingtaine de tableaux authentifiés dont seulement deux sont signés. Parmi eux, les plus notables sont la Fuite en Égypte (musée d'Anvers), Saint Jérôme (musée de Karlsruhe), le Baptême du Christ (Vienne, K. M.), Saint Jérôme (Prado), la Tentation de Saint Antoine (Prado).
Patinir portera toutes les recherches sur le paysage entreprises pendant la pré-renaissance flamande à leur plein aboutissement. Il est reconnu comme l’un des plus grands sinon le plus grand des paysagistes flamands.
« Patinir semble avoir subi l'influence de Bosch, son aîné d'une trentaine d'années, dans sa façon de voir le paysage à vol d'oiseau. Comme chez Bosch, les personnages du premier plan paraissent étrangers à la nature environnante, car le sujet religieux n'est plus qu'un prétexte pour abriter la description d'un monde merveilleux. En homme de la Renaissance, Joachim Patinir fait en effet du paysage l'essentiel de son œuvre à une époque où l'on se passionne pour la découverte de terres lointaines et la conquête de nouveaux marchés. » (Ency. Larousse)
« L’œuvre de Patinir, présentée comme nettement en avance sur son temps, serait annonciatrice du paysage comme überschauweltlandschaft, traduisible comme « paysage panoramique du monde », véritable représentation cosmique et totalisante de l’univers visible… L’ampleur [du paysage] présente un double caractère : l’espace figuré est immense (du fait d’un point de vue panoramique situé très haut, presque « céleste »), en même temps qu’il englobe, sans souci de vraisemblance géographique, le plus grand nombre possible de phénomènes différents et de spécimens représentatifs, typiques de ce que la terre peut offrir comme curiosités, parfois même des motifs imaginaires, oniriques, irréels, fantastiques … A part cette perspective panoramique, Patinir fait appel à la perspective aérienne — théorisée à l’époque par Léonard de Vinci grâce à un découpage de l’espace en trois plans couleur : brun-ocre pour le premier, vert pour le plan moyen, bleu pour le lointain ». (Karel Vereycken, Joachim Patinir et l’invention du paysage en peinture : https://www.solidariteetprogres.org/ documents-de-fond-7/culture/Joachim-Patinir-invention-du-paysage-enpeinture.html)
Pieter Aersten (1508-1575), dit Lange Pier (Pierre le Long) pour sa haute taille, est originaire d’Amsterdam. Fils d’un artisan cardeur, il arrive à Anvers à l’âge de 17 ans ou 22 ans (?). Il est maître à 25 ou 27 (?) ans. Il épouse en 1542 Kathelijne Beuckelaer dont le neveu, Joachim Beuckelaer (1534-1574) deviendra son élève. Aertsen se spécialise dans les scènes de genre et plutôt de natures mortes tout en répondant aux commandes d’églises du Brabant et de Hollande. En 1557, riche, propriétaires de deux maisons dont la « Maison Brabant », il revient dans sa ville natale avec sa femme et ses trois fils, où il mourra[4]. Il est considéré comme le précurseur de Pieter Brueghel l’Ancien (1525-1569).
On lui doit l’Étal du Boucher (1551), La Laitière (1553), La Dame aux œufs (1557), Les Mangeurs de Crêpes (1560), Les Cuisinières (1559-62), l’Éplucheur de Légumes (1569). On lui doit aussi dans le registre religieux les Joies de la Vierge et Les Douleurs de la Vierge.
Les famille van Cleve, originaire de Cleve ( variante de Cleef ou Kleef, Clèves en Rhénanie) traverse les XVème, XVIème et XVIIème siècles. La branche de Hendrick I occupe essentiellement le XVième siècle et la branche Gérars de Cleve le XIIIème siècle (Voir Généalogie sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_van_Cleve).
Hendrick van Cleve I dit l’Ancien (actif 1489-1519), est inscrit à la Guilde anversoise de St Luc en 1489. Sa parenté n’est pas certaine avec
Willem van Cleve I (actif 1518-1543), devenu maître en 1518, membre de la guilde en 1551 a pour frère le peintre paysagiste et d’architecture Hendrick Cleve II qui rejoint la guilde en 1534, et pour fils
Hans Vredeman de Vries ou Jan de Vriese ou Friedman de Frise (1527?-1604) est né à Leeuwarden, ville néerlandaise mais il s’établit dès 1565 à Anvers où il deviendra architecte de la ville et y mourra. Ce n’est pas vraiment un artiste maniériste, mais il fut actif pendant cette période et la date de sa mort marque la fin de la période maniériste du Nord. Peintre-graveur et architecte, s’il retient l’attention, c’est par sa maîtrise de la perspective, notamment de la perspective centrale étudiée dans les ouvrages de Serlio et dont il fait un usage systématique au point d’en devenir le spécialiste aux Pays-Bas. Ses recueils de gravures, exemplaires d’une perspective linéaire dans ses représentations architecturales, eurent une grande influence sur toutes les écoles du Nord. Il travailla à Hambourg, Prague, Dantzig, Amsterdam
Son intérêt pour la perspective géométrique se manifeste dans de grandes compositions architecturales d’extérieur et d’intérieur de palais et d’églises sortis de son imagination. Graveur reconnu, ses gravures eurent un grand succès de son temps.
Paul Vredeman de Vries(1567-1617), fils de Hans Vredeman, travaillera avec lui en Allemagne (Aix La Chapelle,Frankfort) et s’installera à Anvers en 1600. Comme lui, il se spécialise dans les grandes vues architecturales.
Adrien de Vries (ou Adriaen de Vries 1546-1626), fils de pharmacien, est né à Lahaye et mort à Prague. Spécialisé dans le bronze, il est le dernier représentant du Maniérisme du Nord en sculpture. Il est à Florence en 1580, élève de Giovanni da Bologna. Après avoir travaillé un temps à Rome puis à Turin, au service du Duc de Savoie, il entre au service de l’empereur Rodolphe II en 1593 pour lequel il commence par exécuter Mercure et Psyché, Psyché enlevée par des putti. Il poursuivra dans le bronze avec des sculptures comme Caïn tuant Abel, Apollon, Bacchus...
Entre 1599 et 1602, il réalise à Augsbourg ses deux œuvres maitresses, également en bronze, la Fontaine de Mercure et la Fontaine d'Hercule. En 1601, il est nommé sculpteur de la cour impériale où il poursuit sa production. A la mort de Rodolphe II en, 1612, il travaille pour son successeur Mathias 1er qui mourra en 1516. Il orne de sculptures le jardin du palais baroque du chef de guerre Albert de Wallenstein, construit entre 1623 et 1630. Il meurt à Prague.
Frans Ier de Vrient ou de Vriendt dit Frans Floris (1519 1570) est né et mort à Anvers est issu d’une longue lignée de tailleurs de pierre bruxelloises. Au milieu du XVème siècle, un Jan Florisz. de Vriendt a quitté Bruxelles pour Anvers. Floris est devenu le nom patronymique de famille
Frans est le fils du tailleur de pierre Cornelius I Floris et frère du sculpteur et architecte Cornelius II de Vrient (voir Architecture/ Belgique) et tout naturellement sa première formation est celle de sculpteur. Mais il se rendra à Liège pour être l’élève de Lambert Lombard qui avait rencontré son frère Cornelis en 1538 à Rome. Floris rentre à la guilde d’Anvers en 1539-40.
Romaniste, il se rend à Rome en 1541où il tout autant séduit par l’œuvre de Michel-Ange que de celle de Raphaël et admire en connaisseur tout autant la sculpture classique. De retour à Anvers en 1545, il ouvre un atelier sur le modèle italien (une Bhogetta), atelier ouvert sur la rue au public qui ne comptait pas moins de 120 assistants et élèves. Il sera le premier a ouvrir un atelier avec une production et une reproduction (formes stéréotypes des corps…) d’œuvres aussi importante Aussi importante que celle plus tard de Paul Rubens (1577-1640). Ses commandes viennent des princes, comtes et riches banquiers. Il fréquente le cercle humaniste des Abraham Ortelius, Christophe Plantin, Lucas de Heere, Lambert Lombard, Dominique Lampson et Hieronymus Cock.
Son frère Cornelis, lui, construit un palais à Anvers dont il conçoit lui-même la façade.
« Il a peint la façade avec sept personnifications symbolisant les qualités et les compétences d’un artiste: Précision (Diligentia), pratique (usus), Travail (travail), Diligence (Industria), Expérience (Experientia), Praise (Lauda) et architecture (Architectura) . Au-dessus de la porte de la maison un relief décrit les sciences (les sept arts libéraux ainsi que la peinture et architectures) comme les principales composantes de la société humaine. ». (Source de la biographie https://www.hisour. com/fr/frans-floris-15734/)
Frans se spécialisa dans les sujets historiques, mais son plus célèbre tableau reste une scène religieuse, La Chute des Anges Rebelles, peinte en 1554 pour la guilde des escrimeurs anversois. De ces portraits , on retient Femme Âgée (musée de Caen) et Le Fauconnier (musée de Brunswick), tous deux de 1558
« Dans son plus célèbre tableau, La Chute des anges rebelles, on perçoit les réminiscences romaines dans la composition tumultueuse où s'affrontent des créatures infernales, inspirées de Jérôme Bosch et des personnages à la vigueur michelangelesque. Toutefois, l'artiste ne s'affirme ni originalement flamand ni franchement italianisant, et cette ambiguïté a fait généralement préférer ses portraits ». (Encyclopédie Universalis)
De ses deux fils qu’il forma, Baptiste mourut jeune et Frans connut une carrière honorable de peintre en Italie. Floris a été surnommé « le Raphaël Flamand ». sa devise était « Quand je travaille, je vis: quand je joue, je meurs. »
Il mourra alcoolique, fortement endetté par son addiction au jeu mais aussi sous l’effet d’une dépression que provoqua la destruction de ses œuvres durant la période de ce que l’on appelait la Furie de l’Iconoclasme ou Beeldenstorm (tempête des images, Iconoclasme ) qui a donné son nom au mouvement calviniste apparut en 1556 dans les Provinces Espagnoles au moment où Philippe le Beau accède au trône d’Espagne. Dans un esprit pur et dur de la Réforme, des anabaptistes et des mennonistes qui se sont toujours manifestés comme réformés radicaux (voir T2, Vol 1) prononcent des sermons véhéments d’abord en Flandre (aujourd’hui Française, Dunkerque) dans lesquels ils prêchent l’interdiction de toutes représentations sculptées qui sont des formes détournées l’idolâtrie. Des édifices catholiques sont pillés, des prêtres assassinés. Même si le mouvement est bref, la régente Marguerite de Parme (ou d’autrice, fille de Charles-Quint) sera contrainte d’autoriser le culte réformé.
Barend Van Orley (1489/90 -1541), né et mort à Bruxelles vient à 25 ans, en 1515, travailler à Anvers. Sous l’influence de Jan Gossaert et de son prédécesseur Jacopo de' Barbari (1445-1516), il est un des premiers à promouvoir les nouveautés italiennes à la Cour de Marguerite d’Autriche en tant que peintre officiel dont il obtint la charge en 1518. En 1514, il aurait voyagé en Italie et rencontré Raphaël dont il a pu de toute façon découvrir les cartons de tapisserie comme d’ailleurs ceux de Léonard déposés à Bruxelles (Pascal Goffaux Un Primitif Flamand Touché par La Renaissance, RTBF 2019). Il a pu aussi rencontrer Albrecht Dürer venu à Gand et Bruxelles en 1520.
« Bernard van Orley se laissa tenter par le protestantisme, bien que sa protectrice Marguerite d’Autriche soit catholique. En 1527, il doit affronter un procès en hérésie au cours duquel il est considéré comme le protagoniste principal, sans doute du fait de sa position importante à la cour de Bruxelles. Enfermé un temps à la prison de Louvain, van Orley devra attendre 1532 pour retrouver les faveurs de la cour… Sa réputation et ses réalisations picturales dans le domaine religieux l’ont probablement sauvé du bûcher. » (Rivages de Bohême/ peinture-15-16e-siecles/bernard-van-orley.html)
Au service alors Marie d’Autriche[5] (de Hongrie † 1555), sœur Charles Quint, successeuse de leur tante Marguerite d’Autriche, il devient à nouveau peintre officiel de la régence. Il reste dans le cadre traditionnel flamand pour le traitement du décor, le choix des sujets. Il peint essentiellement des portraits et des scènes religieuses : Portrait de Marguerite d’Autriche et de Portrait Charles V, Portraits des enfants de Philipe 1er de Savoie (dont Charles-Quint) ; Triptyque de Saint Thomas et Saint Matthieu, (v. 1512-1515), Jugement Dernier (1525).
Entre 1520 et 1530, il se spécialise dan la peinture de cartons de tapisseries dont le plus célèbre est La Chasse de Maximilien (1533) qui ne fait pas moins de 25m2 (voir Tapisseries). Il reçoit aussi commandes de bourgeois, fonctionnaires, médecins.. .
« Le Portrait de Georges Van Zelle (1519, Bruxelles, M. R. B. A.), médecin de Charles Quint. Ce tableau illustre déjà la nouvelle conception de l'art du portrait au XVIe s. Le modèle nous est présenté d'une façon directe, presque de face, dans son entourage quotidien. Les tons chauds et intenses rappellent encore ceux des Primitifs, mais la mise en page est tout à fait moderne » (Dictionnaire de la Peinture, Édit Larousse).
Pieter Bruegel ou Brueghel dit l’Ancien (1525/30-1569) serait né à une date incertaine, non loin de Breda, à Bruegel[6] dans le Brabant Septentrional, cette partie nord de la province du Brabant qui lors de la création des Provinces-Unies (futurs Pays-Bas) sera intégrée à ceux-ci, tandis que la partie méridionale restera sous domination espagnole. C’est lui-même qui, en 1559, orthographie son nom Bruegel, sans même que l’on puisse dire que ce soit un patronyme (Jacques Dopagne, Bruegel, Hazan éditeur1976).
Il a pu être, sous toute réserve, formé par Pieter Coecke d'Alost (voir Belgique/Introduction) chez qui il se serait consacré en un premier temps à la gravure[7]. Il travailla en tout cas dans son atelier de Malines en 1550 où il fit la connaissance de sa future femme, la fille de son maître. «Atelier où se pratiquait l’aquarelle sur toile, technique dans laquelle il devait exceller par la suite : Le Misanthrope, la Parabole des aveugles. » (J. Dopagne op.cit.)
En 1551, vers les 27 ans, il devient indépendant et est inscrit à la Guilde de Saint Luc d’Anvers. Il part aussitôt pour Rome où il séjourne jusqu’en 1552. Il se déplace pendant cette année-là à Naples, Messine, patrie d’Antonello da Messine (vers 1430-1479), et poursuit sans doute jusqu’à Palerme et Constantinople (?). De par son voyage à Rome, il fait partie des Peintres Romanistes.
A partir de 1555, il vit pendant sept ans à Anvers où il réalise une série de dessins à la plume et encre inspirés des paysages italiens et sept d’inspiration boschienne pour les Sept Pêchés Capitaux. L’éditeur Hieronymus Cock va diffuser ces dessins sous formes d’estampes qui connaitront un vif succès. Il devient l’ami de l’historien Abraham Œrtel qui l’introduit dans le cénacle des humanistes de la ville, disciples d’Érasme.
Il se consacre alors à la peinture. De ses dessins ramenés d’Italie il tirera entre autres deux tableaux, La Chute d'Icare (1558) et le Suicide de Saül (1562). Ce dernier tableau est aussi très imprégné de sa forte impression que les Alpes du Tyrol ont faite sur lui lors de son retour sur Anvers. D’autres œuvres portent cette même forte impression comme La Conversion de Saint Paul (1567). Il sera un des premiers à peindre des paysages de neige après ceux qu’avaient peints les Frères Limbourg dans les Riches Heures du Duc de Berry au début du XIVème siècle. Pour son effet de blancheur, il utilisait la céruse, dite aussi blanc de plomb ou blanc de Saturne. En mélange avec les pigments de couleurs, la céruse accélère le séchage (saponification) de la peinture (voir détrempe).
En 1562, en vue de son mariage, il s’installe à Bruxelles où il se marie l’année suivante avec Marie, la fille de son maître P. Coecke. C’est sa future belle-mère qui l’obligea à venir s’installer dans la ville pour « lui faire oublier sa maitresse anversoise » (J. Dopagne). Un an plus tard nait son premier fils, qui deviendra un peintre connu sous le nom de Pieter Bruegel le Jeune ou Bruegel d’Enfer (1564-1636) en opposition à son frère cadet Jan Bruegel l’Ancien dit de Velours (1568-1625). Le fils de ce dernier, Jan Brueghel le Jeune (1601-1678), ami et associé du peintre anversois van Dyck (1559-1641), sera un peintre baroque reconnu et poursuivra la tradition de la peinture de fleurs. (voir XVIIème siècle /Arts).
L’on ne sait quasiment rien de sa vie à Bruxelles. Il meurt jeune, à l’âge d’environ 35-40 ans.
Carel van Mander a écrit : « C'était un homme tranquille, sage, et discret ; mais en compagnie, il était amusant et il aimait faire peur aux gens ou à ses apprentis avec des histoires de fantômes et mille autres diableries»
Bruegel va s’inscrire en porte à faux avec la tendance italianisante et le maniérisme ambiant qui a gagné l’Europe. Point de recherche de beauté idéale ni d’attitude affecté, bien au contraire un réalisme ancré dans la vie de la terre, la vie des campagnes. Réalisme et comme chez Bosch dont s’inspirent ses premières œuvres, moralisme. Mais il ne fait pas appel, lui, à une imagination délirante ; au contraire, il peint des paysans, de petites gens, même dans ses quelques scènes bibliques, sous un angle pessimiste. Même si ses hommes et ses femmes ont un visage disgracieux, une certaine compréhension lui permet de les peintres dans des attitudes et avec des détails qui nous font comprendre combien il les connaît. Un tragique de la condition humaine que peint Brueghel au travers de ses personnages qui semblent toujours solitaires, isolés, dans le silence assourdissant de ces tableaux.
« Brueghel interpréta librement la technique traditionnelle : étalée sur le panneau ou sur la toile, une couche de préparation servait de support à une fine couche picturale et intensifiait çà et là l'effet de la couleur (un procédé admiré par Rubens et appliqué systématiquement par lui dans ses esquisses à l'huile). Cette méthode permit à Bruegel d'obtenir une légèreté de touche qui, surtout dans les derniers paysages, a pu être comparée à celle des impressionnistes. L'usage de la toile chez lui est d'ailleurs assez rare. » (Dictionnaire des Peintres Belges)
« Dans ses tableaux, il ne cherche pas la netteté des contours et il n'a jamais modelé les formes comme le faisaient ses contemporains d'après l'exemple des Italiens. C'est par la rencontre des tons différents et par le contraste de silhouettes qu'il crée son univers. La facture de l'artiste est très variée. Certaines œuvres sont brossées d'une manière large et d'autres sont exécutées très soigneusement par petites touches minces. Tantôt les couleurs sont très diluées, et tantôt elles forment une pâte grasse. Bruegel a peint non seulement à l'huile, mais également à la détrempe. » (Dictionnaire de La peinture ; Éditions Larousse)
Parmi ses œuvres les plus connues :
Le terme de Tüchlein, de l'allemand Tüch (tissu », et Lein ( lin )
« est généralement utilisé pour décrire une peinture exécutée avec un médium à base d’eau sur une fine toile de lin : elle était préparée avec une simple couche d’encollage et occasionnellement un lavis pigmenté. (Aurélie Minet, Les tüchlein et les succhi d’erba https://doi.org/10.4000/ ceroart. 1737)
« Le terme est utilisé par Albrecht Dürer dans son journal de voyage aux Pays-Bas. En 1520, lors d’un séjour à Anvers, il affirme avoir vendu, pour deux florins rhénans, à l’aubergiste chez qui il logeait, « une image de Marie peinte sur toile » (« auf ein Tüchlein ein gemalt Marienbild »). Comme toutes les toiles réalisées par le maître allemand, cette image devait être peinte à la détrempe sur un support de lin peut-être dépourvu de toute préparation et qui présentait un aspect mat. La présence de traces de couleurs au revers de la toile, L'Adoration des mages de Brueghel, indiquerait que celle-ci n’était pas encollée préalablement. À la fin du Moyen Âge, les tüchlein étaient largement répandus dans le nord de l’Europe, mais aussi en Italie et en Espagne» (Wikipédia).
Proche du Tüchlein est la technique des Succhi d’erba (Jus d’Herbe ), succi étant le pluriel de succo (jus)
« technique de peinture utilisant une couleur préparée à l’aide de colorants végétaux, avec de préférence l’alun comme mordant et appliquée sur un support toile non préparé, généralement en lin ou en soie ». (Aurélie Minet)
Ces techniques étaient répandues au XVème et XVIème siècle dans le Nord et particulièrement en Flandres et en Allemagne. Dans les inventaires italiens, le Tüchlein est mentionné comme a guazzo (à la gouache). Les succi d’erba étaient utilisés au Moyen-âge en remplacement des cartons de tapisserie et de pièces brodées. Utilisés au XVIème siècle pour les décors de théâtre, ils devinrent des décors d’intérieurs à part entière. (A. Minet)
Ces deux techniques relèvent de la traditionnelle technique de la Détrempe (a tempera) utilisée tout au long du Moyen-âge. Elle consiste à lier les pigments au jaune d’œuf (émulsion naturelle) ou à la colle de peau (émulsions artificielle), puis à les utiliser en solution aqueuse.
L’âge d’or de la peinture hollandaise qui donna des noms aussi célèbres que ceux de Rembrandt, Franz Hals, Johannes Vermeer, Jacob van Ruisdael, s’étend de la fin du XVIème siècle au début du XVIIIème. (Voir Tome III/ Peinture/ Hollande). Le XVIème siècle est largement occupé par la rébellion contre la domination espagnole et l’activité artistique s’en trouve amoindrie. Nombre d’artistes partirent exercer leur art en Italie. Certains ont néanmoins marqué cette période de la peinture des Pays-Bas du Nord, le plus connu étant Lucas de Leyde.
Jacob Cornelis van Oostsanen (1470-1533), né à Oostzaan, au nord d'Amsterdam, est issu d'une famille de peintres de père en fils. On sait très peu de chose de sa vie. La technique de ses premières peintures indique une formation à Haarlem. On avant de s’installer à Amsterdam où il achète une maison en 1500. Il est considéré comme le dernier des représentants des Primitifs qui n’a reçu aucune influence italienne. Sept ans avant sa mort, il cesse de peintre et se consacre à la direction de son atelier et à former des élèves dont le plus connu est Jan van Scorel (1495-1562). Peu d'œuvres de lui ont été conservées, 27, mais on possède 200 gravures.
« Dans la composition, Cornelisz était naturel et exprimait un sentiment agréable à la manière de l'ancienne école flamande; ses couleurs sont riches et chaudes; ses arrière-plans affichent un paysage attrayant. Mais outre les erreurs de dessin, un réalisme laid nuit souvent à son travail. » (Catholic Encyclopedia, Volume 4)
Lucas Jacobsz (1489/94-1533), natif de Leyde (Hollande) est d’abord formé par son père Hugo Jacobsz puis par le peintre du Gotique Tardif, Cornelis Engelbrechtsz.
En 1508, il réalise sa première gravure Le Moine Sergius Égorgé et L'Ivresse de Mahomet, qui révèle déjà une technique accomplie. Deux ans plus tard, en 1510, sa Laitière fait de lui le précurseur d’un genre nouveau, la scène de genre. Pieter Aertsen (1508-1575) de l’École d’Anvers et Cornelis Cornelissen (1562-1638) de l’Académie d’Haarlem poursuivront dans cette veine.
En 1520 (21 ?), à Anvers, il rencontre Albrecht Dürer (1471-1528) qui lui achète toute son œuvre gravée. Dürer, graveur « aux tendances lyriques », et Lucas, graveur « qui relève tant de traits de la vie familière » (G. Gaillard) sont les deux plus grands graveurs du XVIème siècle. Ils ont en commun le même sens de l’observation et la même force d’invention… mais de leurs caractères différents diffère leur langage.
« On imagine mal Luca concevant des illustrations de l’Apocalypse telles que Dürer les a exécutées. Par contre on ne voit pas Dürer relevait autant de traits dans la vie journalière » (Catalogue de l’exposition à Paris 1938, cité par G. Gaillard Persée N°164/1959).
En 1522, Lucas voyage en Flandre avec Mabuse (1478-1532) qui de Bruges s’est installé à Anvers en 1503.
Il a moins de 40 ans quand il meurt épuisé par la maladie. De son vivant, il fut entouré d’une renommée telle que « l’Italie attribuait à Luca d’Olanda toutes productions septentrionales de quelque mérite » (G. Gaillard). Mais, il n’aura pas de suiveurs à même d’égaler sa perfection technique comme graveur au burin en taille douce ou à l’eau-forte (gravure toujours en creux mais par l’acide). Il inspirera par contre Rubens qui fera un dessin d’après un de ses portraits. Il a pu aussi inspiré Rembrandt pour son célèbre Ecce Homo (1655).
Il sera resté un peintre d’ascendance gothique ne s’ouvrant à l’influence italienne qu’en 1530, trois avant sa mort. (Georges Gaillard, Revue du Nord 1959)
Son œuvre peinte compte 35 tableaux et retables, et son œuvre gravée 200. Datées de 1508 à 1530, avec pour les dernières une influence italienne au travers de Jan Gossaert, elles restent peu connues du grand public. Son œuvre maitresse est le Triptyque du Jugement dernier de Saint-Pierre (1526)
Carel van Mander dira de lui « qu’il est venu au monde le pinceau et l’outil de graveur à la main ».
Ne pas le confondre avec Maitre Lucas de Hollande, Lucas van Nevele ou Luca Neuli, né et mort à Bruges (1508-1566) maitre tapissier qui aura réalisé la série des Mois (dit de) Lucas mais dont Lucas de Leyde pourrait avoir peint les cartons (selon Edith van Standen, Drawings of The Months of Lucas, Tapestry Serie, Master Drawings Association https://www.jstor.org/stable/1553120?seq=1#page_scan_tab _contents).
Carel van Mander (1548- 1606) bien que peintre est surtout notable pour son étude biographique des peintres néerlandais et allemands de son siècle et du siècle précédent, Het Schilder-Boeck (Le Livre de Peinture ou Livre des Peintres), terminé en 1604.
Si Spranger est l'instigateur de l’École de Haarlem et si Goltzius en est le graveur, Van Mander en est le théoricien.
Bartholomeus Spranger (1546-1611) est né à Anvers et mort à Prague. Son père, commerçant séjournait longtemps à l’étranger et notamment à Rome. Son talent précoce reconnu, on le fit former par le peintre d’Haarlem installé à Anvers, Jan Mandijn (†1560) suiveur de Jérôme Bosch (†1516) puis par Frans Mostaert et Cornelis van Dalem, peintres spécialisés dans le paysage.
En l565, il est à Paris où il travaille dans l’atelier de Marc Duval ou Du Va dit Bertin (†1584), natif du Mans peintre-graveur de Charles IX, d’excellente réputation, « l’un des plus excellents de nostre temps pour le crayon, & pour le burin ou graveure en taille douce, & encore pour la peinture en huille[8] ».
Puis, il se rend en Italie, à Milan, à Parme où il travaille au dôme de la Santa Maria della Steccat et ensuite à Rome où il travaille avec le peintre-miniaturiste Giulo Clovo (†1578) surnommé de son vivant le « Raphaël de la miniature » et auprès de qui a également travaillé El Greco qui est arrivé à Rome en 1570 et y restera six ans ayant été inscrit à la Guilde St Luc en 1572 comme miniaturiste (!). Spranger rencontre à Rome Karel van Mander. En 1570, le pape Pie V le nomme peintre de la cour papale.
En 1576, il arrive à Vienne au moment ou l’empereur Maximilien qui l’a invité meurt. Mais son successeur Rudolf II le prend à son service. Le peintre suivra l’empereur quand il déplacera sa cour à Prague[9] et y mourra. Prague où Arcimboldo (1527-1593), arrivé à Prague en 1562, travailla pendant deux ans pour l’empereur Ferdinand 1er, puis pour Maximilien II (†1576) avant de travailler pour son fils Rudoph II (†1612) jusqu’en 1587. Il fournira à ses maitres des scènes mythologiques (souvent tirées des Métamorphoses d’Ovide) à caractère érotique et non sens quelques références ésotériques, des peintures exaltant l’empereur et l’empire et quelques sculptures. Il se marie avec la fille d’un riche joaillier praguois en 1582. En 1611, année où le sculpteur Adriaen de Vries arrive à Prague il meurt riche et ennobli.
Excellent dessinateur, on lui doit des études à la pierre noire ou à la plume. Son œuvre de Spranger marque la fin du maniérisme du Nord.
« Bartholomeus Spranger doit à sa formation flamande de réussir des petits tableaux de cabinet, peints sur cuivre (Hercule et Omphale, Vulcain et Maïa, Vienne, K. M.), dont les couleurs ont l'éclat et la préciosité des émaux. Son goût du détail pittoresque et raffiné s'affirme surtout dans ses premières œuvres pragoises : casques, boucliers, glaives richement décorés, meubles sculptés, bijoux et pièces d'orfèvrerie (Mars et Vénus, Ulysse et Circé, Vienne, K. M.). De la même époque date Hercule et Déjanire (id.), peinture d'un violent sensualisme, où le cadavre du centaure Nessus, vu dans un raccourci saisissant, gît au pied des deux époux enlacés ». (https://www.larousse.fr/encyclopedie/ peinture/ Bartholomeus_ Spranger/154496)
Cornelis Corneliszoon van Haarlem ou Cornelis Cornelissen ou Corneille de Haarlem (1562-1638) est né à Haarlem, ville que ses parents ont du fuir dix ans après sa naissance à cause du siège de la ville par les troupes impériales. Haarlem faisait partie alors des villes et villages, qui révoltés contre la domination de l'Espagne, ont constitué l'Assemblée des États de Dordrecht[10]. En 1579, l’Union d’Utrecht proclamera l’indépendance des Provinces-Unies (actuels Pays-Bas) vis-à-vis de la domination espagnole.
Cornelis est formé à Amsterdam par Pierre Aarzten. A 17 ans, il est en France, sans aller jusqu’à Fontainebleau dont il ne connaitra les ouvres que par les gravures. A Anvers en 1580, il étudie sous la direction du peintre flamand Gilles Coignet (1542-1599). En 1582, il revient ensuite dans sa ville natale que les Espagnols ont quitté en 1577. Sa première grande commande en 1583, Le Banquet de la Brigade de Jan Adriaensz van Veen de la Milice de Haarlem, entame une production de grands sujets historiques et religieux. Sa Charité de 1585 montre une souplesse dans la manière encore toute influencée par L’École de Fontainebleau.
En 1583 (87 ?) avec Hendrik Goltzius et Carl van Mander, il fonde l’Académie d’Haarlem à l’instar de l’académie des Carrache fondée à Bologne à la même époque. Le Baptême du Christ de 1588, marque dans sa peinture un tournant maniériste : allongement des lignes, tensions, poses affectées.
« À la fin des années 1580, Cornelis adopte les poses contorsionnées et les musculatures en volume des tableaux de Spranger gravés par Goltzius, inversement le graveur copie les tableaux de Cornelis. Les nus de dos figurant au premier plan, presque systématiques dans ses œuvres de cette époque, rappellent à la fois les contorsions maniéristes des tableaux de Spranger mais aussi certains antiques et des figures allégoriques en vogue dans les tableaux italiens. » (http://mba.caen.fr/ sites/default/files/uploads/van_haarlem-venus_et_adonis-xviie_ siecle-caen-mba-2014.pdf)
« En 1589, il peint la Famille de Noé (musée de Quimper), surprenante étude de nus boursouflés parodiant la grande sculpture antique et, en particulier, l'Apollon du Belvédère. Le Massacre des Innocents (1591, Haarlem, musée Frans Hals) est le type même de la peinture maniériste, violente jusqu'à l'outrance, visant à créer un véritable choc visuel » (Encyclopédie Larousse).
Son Adam dans Adam et Eve Entourés de Leurs Fils (1592) marque sa tendance à peindre le nu (comme Spanger), non sans s’inspirer de l’antique. Inspiration antique qui l’éloignera progressivement du maniérisme de Bartholomeus Spanger dont il s’était initialement imprégné. Son maniérisme va s’adoucir avec son Baptême du Christ de 1593 en lequel les formes sont plus harmonieuses et dont la palette ne va pas sans évoquer l’École Vénitienne. Sa Bethsabée à sa Toilette (1594) dans la même veine offre un contraste saisissant entre les chairs pâles de Bethsabée et de sa dame de compagnie encadrant celle au centre de la servante noire.
A l’entrée du nouveau siècle, il est considéré comme l’un des plus grands peintres de Provinces-Unies si ce n’est le plus grand. Il sera régent de l’hospice des Vieillards entre 1613 et 19, avant d’être nommé en 1630 peintre de la ville. Il continuera à peindre scènes de genre, mythologiques et religieuses.
« Coloris peu vrai, manque d’ensemble. Ordonnance riche et spirituelle. Figure dessinée avec soin et expression. » (Dictionnaire des Peintres de tous les Temps)
Principales œuvres : Les Compagnons de Cadmus Dévorés par un Dragon (1588), Le Massacre des Innocents (1591), Avant le Déluge, Le Baptême du Christ, (1588), Adam et Eve entourés de leurs fils. Vénus et Adonis, thème que le peintre ne reprendra pas moins de huit fois en 1600 et 1630 ; Le Jugement de Pâris (1628). Hendrix Goltzius a gravé nombre de ses tableaux.
Au XVIème puis au XVIIème siècle, Haarlem a été un des grands centres culturels des Provinces-Unies avec Amsterdam et Leyde. C’est en 1583 (87 ?) que s’ouvre dans la ville la première académie artistique du Nord, semblable au Accademia de Rome, de Florence et de Bologne.
Spranger en est l'instigateur, Goltzius le graveur et Van Mander le théoricien.
Si van Mander est le théoricien de l'académie et Goltzius le graveur, Bartholomeus Spanger en est à l’initiative et en inspire largement l'esthétique. Spranger qui travaille à la cour du Roi de Bohème, l’empereur Rodolphe II, donne une peinture qui de maniériste avec des compositions complexes, un effet chromatique des contrastes, va évoluer vers le classicisme en se spécialisant dans l’étude de nus ; que les modèles soient empruntés à l’antiquité gréco-romaine ou à l’œuvre de Michel-Ange. Les thèmes en sont l’histoire religieuse et la mythologique.
« Ils voulaient représenter le corps dans sa réalité volumétrique la plus parfaite. L'étude du nu d'après le vivant et une parfaite maîtrise du dessin devaient donner une apparence de naturel à la représentation de la figure humaine mais un naturel idéalisé, c'est-à-dire vu à travers le prisme des antiques. Il s'agissait avant tout d'une recherche passionnée de la beauté humaine à partir des modèles proposés par la statuaire antique et les maîtres italiens, au premier rang desquels figurait Michel-Ange. » (http://mba.caen.fr/sites/default/files/uploads/van_ haarlem- venus_ et_adonis-xviie_siecle-caen-mba-2014.pdf)
Hubert Goltz dit Hubert Goltzius (1526-1583) né à Venlo (Limbourg), peintre et médailleur, sera d’abord l’élève de Lambert Lombard à Liège avant de voyager en France et en Allemagne. Entre 1546 et 58, il s’installe à Anvers où il devient peintre de la cour de des Habsbourg d’Espagne. Marie d’Autriche–Hongrie sœur de Charles-Quint est régente des provinces du Nord Espagnoles jusqu’en 1555. Philippe II accède au trône d’Espagne officiellement en 1558. Après un voyage en Italie de deux ans, Hubert s’installe en 1560 à Bruges où actif comme graveur (taille douce) mais aussi comme imprimeur, il y mourra. Il est le cousin d’Hendrik.
Hendrik Goltz dit Goltzius (1558-1617), né dans le Limbourg et mort à Harlem, est issu d’une longue lignée d’artisans peintres, sculpteurs ou encore verriers. Il sera handicapé à vie de sa main droite qui a été accidentellement brulée alors qu’il était au berceau. Il commence sa carrière comme graveur et ne se mettra que tardivement à la peinture. Il s’installe à Harlem en 1577 où son habileté de graveur lui confère la renommée. Cinq ans plus tard, il fait un riche mariage et ouvre son propre atelier. Il rencontre à Prague le peintre-sculpteur Bartholomeus Spranger (ci-après) qui œuvre à la cour de Rodolphe II († 1612), empereur du St Empire et Roi de Bohème-Hongrie en 1576 (voir Réforme Radicale). Prague où Rodolphe, bon vivant, amateur d’art, versé dans l’ésotérisme a transporté sa capitale de vienne en 1583. Et rencontre certainement aussi le peintre maniériste milanais Arcimboldo qui travaille aussi pour les empereurs successifs à Vienne puis à Prague depuis 1562.
Le maniérisme de Spranger a une influence certaine sur son œuvre. Il se lie d’amitié avec Carl van Mander qui écrira sa biographie et avec le peintre Cornelis Cornelissen. Tous trois fondent l’Académie de Haarlem.
En 1590, il voyage en Italie : Venise, Bologne, Florence où il réalise une série de dessins d’antiques dont certains deviendront des gravures, puis Rome où il dessine le célèbre portait du sculpteur Giambologna (1591), et enfin Naples.
De retour à Haarlem un an plus tard, il se met à la peinture. Ses huiles d’inspiration très maniériste aux motifs mythologiques seront représentatives du style de l’École de Haarlem. Et ses gravures participeront à la diffusion du maniérisme dans le Nord. Son œuvre maitresse est connue sous le nom du « chef-d'œuvre de Goltzius », une série de six gravures de la Vie de la Vierge et de L’Enfant Christ (1593-94) à la manière d’autres grands graveurs comme Dürer et de Leyde, de grands peintres comme Le Parmesan et Raphaël (1594). Sa peinture verse essentiellement dans le thème mythologique comme Danaé, 1603, Adonis mourant, 1609, Mercure, 1611 Minerve, v.1611 Vertumne et Pomone, 1613 Hercule et Cacus, 1613, Cadmos tuant le dragon, v.1616, ou bibliques comme Adam, v.1613, Ève v.1613, Loth et ses filles, 1616.
Abraham Bloemaert (1564-1651), fils de l'architecte et sculpteur néerlandais Cornelis Bloemaert arriva très jeune avec sa famille à Utrecht où il fit une carrière de peintre et graveur. Fortement influencé par le caravagisme à ses débuts, il évolua progressivement vers plus de classicisme.
De 1581 à 1583, il est à Paris où il est l’élève de Hieronymus Francken I, dit le Vieux († Paris 1610) de l’École d’ Anvers, élève de Frans Floris et qui a travaillé de 1566 à 1572 au Château de Fontainebleau. Bloemaert travaillera quelque peu au château.
En 1594, à Utrecht Bloemaert est doyen de la Guilde des Selliers (qui intègre les peintres. Il sera un des fondateurs de Guilde de Saint-Luc, guilde des artistes fondée à Florence au XIVème siècle qui eut des ramifications dans les Provinces du Nord. En 1612, fonde une académie de dessin.
Au cours de carrière, sa peinture fut marquée par celle de Cornelis van Haarlem et de Goltzius l’Académie de Haarlem. Ces thèmes de prédilection sont des scènes mythologiques et religieuses aussi bien que des scènes pastorales mais au début des années 1660, il se met au thème des Vanités jusqu’alors plutôt réservé aux peintres de Leyde (Thierry de Maigret, Commissaire_Priseur).
Il eut de nombreux élèves dont ses fils Cornelius (1603-1680) et Frederik (1614-1690) qui furent de très bons graveurs. Il est considéré comme le père de L’École d’Utrecht.
Éclipsé par les maitres hollandais du XVIIème siècle, il fut pourtant très célèbre de son temps et Rubens qui le visita, admirait son dessin.
Jan van Scorel (1495-1562), né à dans la Hollande du nord, à Schrool, mort à Utrecht, étudit jusqu'à l'âge de quatorze ans à Alkmaar à 30km au nord d’Amsterdam. Puis, il entre en apprentissage chez Cornelis Willemsz à Haarlem, et ensuite chez Jacob Cornelisz Van Oostsanen. Entre 1515 et 1518, il se rend chez Gossaert à Utrecht, où il demeure très peu de temps. Il séjourna à Cologne, à Spire, à Strasbourg, à Bâle et à Nuremberg, où, selon Van Mander, il aurait rencontré Dürer (Ency. Larousse). S’il est bien à Nuremberg en 1519 (Wikipedia), il a pu très vraisemblablement souhaiter rencontrer Dürer bien que celui-ci était assez itinérant. Il se trouve à la Diète d’Augsbourg en 1518 et en mission diplomatique à Zurich en 1520.
Scorel part ensuite pour l’Autriche avant de se rendre à Venise puis à Rome où en 1522, à 27 ans le pape hollandais Adrien IV, dont il fit un portrait, le nomme Conservateur des Antiquités, charge qu’occupa Raphaël jusqu’à sa mort en 1520. Ce qui indique une réputation déjà certaine. Un an plus tard, le pape mort, il revient à Utrecht où il finira ses jours.
Il est considéré comme le premier romaniste. Or Mabuse (Jan Gossaert, 1578-1532) se trouvait à Rome en 1508-09, alors que Scorel qui a pu être un temps son élève était encore adolescent. A rappeler que pour ce qui des premiers découvreurs de la peinture italienne, Durer se trouvait à Venise en 1494 où il se liait d’amitié avec Giovanni Bellini. Scorel n’en reste pas moins un des grands propagateurs des nouveautés italiennes.
On ne lui confia rien moins que la restauration de l’Agneau Mystique (1435) de van Eyck.
« L'un des plus éminents chefs de file du mouvement romaniste dans la peinture des Pays-Bas du xvie siècle. Humaniste accompli, chanoine lettré, versé dans la musique autant que dans les arts plastiques, Jan van Scorel est pour la Hollande l'équivalent des grands maîtres de la Renaissance italienne et, avec un Lucas de Leyde…Son œuvre, fortement originale, est bien caractéristique de la tendance foncière à l'expressionnisme des artistes des Pays-Bas septentrionaux ; par l'éclairage brutal, les attitudes crispées, les couleurs acides à la limite de la stridence, il fut l'instigateur d'une véritable école (https://www.universalis.fr/encyclopedie/jan-van-scorel/).
Le Ténébrisme est une manière picturale qui consiste à créer un effet contrasté de la lumière entre les zones claires et les zones sombres sans gradation de la luminosité. Le fond du tableau, l’arrière-plan, étant généralement obscur. C’est le peintre Caravage (1571-1610) qui en utilisant systématiquement cette technique pour la décoration de la Chapelle Contarelli à l’église Saint Louis des Français (1599-1600)) l’a portée au-devant d’un courant qui allait faire école, bien qu’elle ait été déjà connue avant lui.
La technique du ténébrisme est une variante de celle du clair-obscur en ce qu’elle s’appuie toujours sur un effet de contraste lumineux mais le passage entre les parties claires et sombres se fait de façon abrupte et non par un assombrissement progressivement tandis que le sombre tend à l’éclaircissement. Ce passage direct de l’ombre à la lumière peut donner parfois un effet de halo autour des parties claires, notamment des sources de lumières vives comme la chandelle ou un foyer de brandons. La dominante de l’arrière plan dans le ténébrisme reste sombre, la lumière est réservée à certaines zones mettant en valeur visages, mains ou objets choisis par le peintre.
Le Sfumato est un clair-obscur très adouci. Voire très très adouci. C’est à de Vinci que l’on doit cette façon d’étaler, pourrait-on dire, la lumière, d’estomper les ombres. Le sfumato du peintre de La Vierge au Rocher est en parfait accord avec son souci de faire disparaître la touche comme s’il n’y avait aucune intervention de la main du peintre, de la main humaine. Cents fois sur la surface, il passait et repassait la marte sur la marte pour en effacer son passage.
Le ‘nocturne’, terme du 19ème siècle emprunté aux nocturnes de Chopin, est un tableau représentant un paysage ou un intérieur de nuit avec une faible lumière diffuse ou répartie artificiellement. Tandis que dans le ténébrisme, forme sombre, ténébreuse, du clair-obscur, la lumière n’est pas non plus diffuse mais les zones de clarté et d’obscurité, de forte pénombre sont nettement tranchées. Le Caravage a tant utilisé de manière systématique la technique du ténébrisme qu’on lui en attribue parfois la paternité. Le Tintoret est un autre peintre du XVIème siècle du Ténébrisme
Il est à noter que la technique de la peinture à l’huile qui consiste à passer couche sur couche un glacis à base d’huile et de médium favorise ces manières de peindre.
Outre Le Caravage et Vinci, les peintres, ayant usé de l’une ou de l’autre de ces manières sont entre autres Le Tintoret, Jacopo Bassano , El Greco, Zurbaran, Georges de La Tour, Rembrandt et les peintres d’Utrecht.
Notes
[1] A ne pas confondre avec son homonyme Guillaume III d’Orange-Nassau (1650-1702) qui devint roi d’Angleterre en 1689 mettant fin au bref règne de Jacques II Stuart par la Révolution Glorieuse. Pour autant la dynastie Stuart va se poursuivre par Anna, sœur de Marie, épouse de Guillaume III, jusqu'en 1714, cédant à sa mort le trône à Goerges 1er de Hanovre. En 1707, par l'Acte d'Union réunissant Angleterre et Écosse, Anne devient le première reine de Grande-Bretagne.
[2] Au Moyen-Âge et encore à l’époque, une châtellenie était le bâtiment officiel qui dans la ville regroupait les fonctions administratives, juridiques et militaires. Le Franc de Bourges dans la capital de Flandres était une impotante châtellenie.
[3] Pour une vie détaillée de Lombard, voir Jules Helbig : Biographie nationale T.XII, publiée par l'Académie royale des sciences, des lettres et des Beaux-arts de Belgique, Bruxelles, 1897. http://perso.infonie.be/liege 06/09neuf03.htm
[4] Biographie détaillée : Dictionnaire des peintres belges/ Aertsen, Pieter
[5] Ne pas confondre avec Marie d’Autriche (†1603), impératrice, première fille de Charles –Quint, épouse de Maximilien II d’Autriche (1576). Ne pas la confondre non plus avec Marie d'Autriche (1531-1581), archiduchesse d’Autriche, fille de l'empereur Ferdinand 1er (1564).
[6] Ce que nous pouvons savoir de la vie de Bruegel, nous le devons comme pour beaucoup d’autres peintres flamands de cette période, pour bonne part à Carel Van Mander (1548-1606), peintre maniériste médiocre qui laissa son nom non pour sa contribution à l’art flamand mais comme le Vasari du Nord. Dans son ouvrage Het Schilder-Boeck (Le livre des Peintres) publié en 1604, il relate la vie des peintres de son temps à l’instar de celui de Vasari, Les Vies (des peintres) paru en 1550. Des historiens donnent Bruegel comme étant né à Grote Brogel, village près de Brée dans le Limbourg belge mais néerlandophone. Peu de distance sépare les deux lieux de naissance qui font encore débat.
[7] Selon Alberto Martini, Renaissance et Maniérisme, Hachette 1963
[8] Sur la vie de ce peintre et plus sur la Renaissance Française, monnaie, vêtements, peinture voir Alexandra Zverova http://www.portrait-renaissance.fr/ Artistes/ marc_du_val.html.
[9] Sur Prague capitale voir Maniérisme Lombard/Arcimboldo/note
[10] Voir Renaissance/ Réforme/ Convergence-Divergences/ Controverses Doctrinales/ Gomararius vs Arminius/ Canons de Dordrecht. 1619
Architecture - Peinture - Sculpture
Outre-Rhin, l’architecture de cette période ne présente pas un intérêt majeur. La Renaissance pénètrera difficilement et tardivement, les bâtisseurs poursuivant dans la tradition d’un gothique tardif. Si nouveautés, il y a, c’est plus dans l’architecture civile que religieuse qu’elles se manifestent. Le Château de Heidelberg en est un des rares exemples. Les édifices publics, les habitations adoptent le modèle des Provinces du Nord dans une optique austère avec des façades à pignons rectangulaires pas toujours en escaliers et le plus souvent dépouillées.
Il faudra attendre la Contre-Réforme et la deuxième moitié du XVIème siècle pour que les jésuites apportent leur nouveau type d’église comme l’Église Saint Michel à Munich qui, capitale de l’Allemagne catholique, prend la relève de Nuremberg. Peter Flötner 1490-1546) plus orfèvre et ornementiste qu’architecte y apporte les formes décoratives italianisantes.
Augsbourg, située en Bavière, était dans la première moitié du XVIème siècle, avant d’être supplantée par Munich, le centre économique et culturel le plus important d’Allemagne avec la ville franche de Nuremberg qui comptait à l’époque 20000 habitants. La patrie des peintres Hans Holbein, de la très riche famille de Fugger et du père de Mozart est restée dans l’histoire pour avoir été avec Worm et Spire la ville où se tenaient les diètes de l’empire, dont la plus célèbre fut celle de 1530 au cours de laquelle les réformés présentèrent à Charles-Quint leur Confession dite d’Augsbourg (voir Réforme).
En 1509, les frères Fugger font rajouter à l’Église Saint Anne du monastère des Carmes (1321), une chapelle qui porte leur nom. Elle est construite par le sculpteur et architecte Sebastian Loscher (1482-1551) dans le style italien. C’est la première manifestation architecturale de la Renaissance en Allemagne. Au début du XVIIème siècle des constructions dans le style palladien vont apparaître à Augsbourg, par exemple l’hôtel de ville construit par Elias Holl (1573-1646).
A Cologne, la Loggia de l’Hôtel de ville, construite par Wilhem Vernicke entre 1569 et 1573, est l’exemple du plaquage d’un élément architectural Renaissant sur un bâtiment ancien.
Frédéric Sustris (1540-1599), né à Padoue, mort à Munich, peintre et architecte, fils du peintre flamand Lambert Sustris, a été élève de Vasari (1551-1574) à Florence de 1564 à 1567. De 1567à 69, il est au service des Banquiers Fugger à Augsbourg ; Il décore la Banque mère.
En 1573, il entre au service du Duc Albert V de Bavière ( et non Guillaume V, duc à la mort de son père en 1579).
En 1577, il rénove le château Trausnitz à Landshut
En 1580, il est nommé Architecte en Chef de la Cour du Duc Guillaume V, Il supervise tous les projets artistiques. Il construit l'aile droite de l'Antiquarium, résidence ducale, conçue à l'origine pour contenir la collection des Antiques d'Albert V. Il réalise les dessins de la grotte, et décore l’intérieur.
De 1581 à 86, il réalise de nouveaux bâtiments au Palais, exécute des dessins pour des orfèvres, des tapissiers, des sculpteurs et des stucateurs aux motifs "légers, riches et élégants". Il organise une équipe de peintres pour décorer les intérieurs du palais.
De 1583 à 99 , il dessine les nouveaux plans de l'église Saint-Michel de Munich : élargissement du Transept et ajout du chœur.
En tant que peintre, Sustris "mêle les apports néerlandais et italiens, tels ceux de Vasari ou encore de Francesco Salviati (1510-1563), dont il s’inspire pour peindre des personnages aux poses contournées, dans l’esprit du maniérisme de l’époque. A retenir sa Naissance d'un Enfant (1563) et son Adoration des Bergers, un temps attribuée au Parmesan.
Construite par le duc de Bavière Guillaume V pour le service religieux du collège des jésuites, sa conception marque le passage de la Renaissance Maniériste au Baroque, tant pour sa façade que pour son intérieur.
La façade est à trois niveaux : le niveau inférieur présente deux arches d’entrée encadrées de pilastres et surmontées d’un arc brisé par un fronton carré à verrière circulaire, les deuxième et troisième niveaux sont longés de sculptures sous niches et un fronton avec les volutes caractéristiques des églises jésuites sur le modèle de la première, celle du Gésu, surmonte l’ensemble.
A l’intérieur, Sustris a ajouté un chؘœur et élargi le transept, quasi inexistant à l’origine; la voûte centrale est d’une largeur qui pourrait rivaliser avec celle de Saint Pierre de Rome.
La Crypte a servi de nécropole à la famille régnante des Wittelsbach jusqu’à la mort du dernier roi de Bavière ’en 1916, Othon Guillaume Léopold Adalbert Valdemar de Wittelsbach.
« L’art majeur en [Allemagne] n’est pas l’architecture mais la gravure et l’ornement. Rares sont les ordonnances régulières. La clientèle, bourgeoise ou princière, aime le détail fouillé, la virtuosité technique, la surcharge du décor qui tend à vivre pour lui-même au détriment de l’ensemble. » (Architecture et Sculpture/Renaissance en Europe Centrale, Nathan 1971).
Peter Flötner (1490-1546), né en Suisse à Thurgovie, mort à Nuremberg, plus orfèvre, ornementiste et graveur qu’architecte apporte les formes décoratives italianisantes. Il est Formé orfèvre à Augsbourg où il y décore de pièces d'orfèvrerie la chapelle des banquiers Fugger. En 1522, il fait citoyen de Nuremberg.
Il travaille à l'ornementation (sculptures) de demeures et peut-être participe à l'ornementation du château de Heidelberg. De 1535 à 40. Il réalise des plaquettes en bronze sur le thème des Sept péchés capitaux.
Il a fait se répandre le style italianisant en tant que designer: ses gravures, ses estampes et ses plaquettes servaient aux artistes de modèles à reproduire sur différents supports, cartes à jouer, panneaux décoratifs, pièces d'orfèvrerie.
Hubert Gerhard (Rupprecht Erhardi, avant 1550 – env.1620), né à Bois-Le Duc (Brabant Hollandais, patrie de Jérôme Bosch 1450-1516), fait dans sa jeunesse un voyage en Italie. Son œuvre sera marqué de l’influence de Jean de Bologne (1529-1608). En 1584, il s’installe à Munich et travaille pour les riches banquiers Fugger. En 1589, il exécute sa pièce maitresse commandée par la ville d’Augsbourg, l'Augustus Brunnen (La Fontaine d’Auguste) érigée en l'honneur de l'empereur romain fondateur de la cité. « Cet ensemble imposant, comprenant une douzaine de statues colossales, librement inspirées dans leur disposition de la Fontaine de Neptune de d’Ammanati, à Florence, fut achevé en 1598 » (Jean-René Gaborit Jean-René GABORI Encycl. Univers.). Parmi ses œuvres majeures : la fontaine monumentale en bronze représentant Mars, Vénus et l'Amour qu’il réalise au Château de Kirchheim, construit dans les Alpes souabes par le Duc Christophe de Wurtemberg ( ne pas confondre avec le château du même nom situé dans les Voges, en Alsace), le mausolée de Louis Ier le Noir de Bavière (1424-1489), Duc palatin, et quatre rondes-bosses dédiées aux quatre saisons.
Les cinq électeurs palatins successifs firent édifier une aile à ce château, le plus connu des châteaux de la Renaissance allemande, au bord du Neckar. Les façades à l’origine d’un classicisme détourné présentaient au niveau inférieur un ordre ionique à pilastres bosselés et au niveau supérieur un ordre corinthien à pilastres ornés de grotesques. Elles ont toutes été surchargées de sculptures dans des niches. L’ensemble est disparate et lourd. Les ruines du château qui a été incendié par les troupes de Louvois ont fait rêver les poètes romantiques allemands.
Le XVIème siècle est l’Âge d’Or de la peinture Outre-Rhin. La première moitié du siècle, en peinture, porte les grands noms de Mattias Grünewald (1460-1528), d’Albrecht Dürer (1471-1528), du peintre de la Réforme, ami de Luther, Lucas Cranach le Vieux (1472-1553), de Hans Burgkmair l'Ancien (1473 - 1531), d’Albrecht Altdorfer (1480-1538)- et encore d’Holbein le Jeune (1498-1543) -issu d’une famille de peintres, qui offrira son talent à la Cour d’Henri VIII d’Angleterre. Tous ces peintres qui ont vécu dans le centre-sud de l’Allemagne, entre Rhénanie, Bavière et Franconie, s’ouvrirent aux nouveautés stylistiques et techniques italianisantes venues de la péninsule ou des Pays-Bas Espagnols, mais ils surent en acquérir suffisamment la maîtrise pour pouvoir les replacer dans le contexte politique et religieux du plein bouleversement de la Réforme.
Jacopo de' Barbari (1445-1516), peintre et graveur né à Venise où il est actif au moins jusqu’en 1497, fut un des premiers artistes italiens à voyager et séjourner dans le Nord. Il ira sur le tard de sa vie, à 55ans, rejoindre à Nuremberg, Albrecht Dürer qu’il avait déjà connu lors du séjour du peintre allemand à Venise qui y avait séjourné deux ans à partir de 1494. L’influence des deux graveurs fut réciproque de l’un sur l’autre. Dürer sera plus sensible à ses sujets qu’à sa technique.
Il devient portraitiste et miniaturiste à la cour de l’empereur Maximilien Ier à Nuremberg pendant trois ans. Puis de 1503 à 1505, il est à Weimar, au service de Frédéric le Sage, électeur de Saxe. Il travaille avec Mabuse au château de Zuytborch de Philippe de Bourgogne-Blaton († 1524), fils illégitime du Duc de Bourgogne, Philippe III Le Bon (†1467). En 1510, de' Barbari devient le valet de chambre et peintre officiel de Marguerite d’Autriche à Malines (1480-1530). Qui, après la montée sur le trône impérial en 1519 de son neveu Charles Quint, redevient, après un bref intermède, régente des Pays-Bas Espagnols (la Belgica passée sous juridiction de la couronne espagnole).
« Peintre, graveur et dessinateur sur bois, Jacopo de’ Barbari fut l’un des premiers à imposer l’art de graver à Venise, non seulement avec ses cuivres, d’un style et d’une technique très personnels, mais aussi avec ses bois… Sa manière se différencie de celle de ses contemporains par l’élégance des formes, très recherchées, annonçant le maniérisme[1] ».
Mathis Nithart ou Mathis Gothart (1460 ?-1528 ?), dit tardivement au XVIIème siècle Mattias Grünewald, est sans doute né à Wurtzbourg. Il apparaît dans les archives en 1505 comme étant au service de l'archevêque de Mayence pour des constructions bien matérielles comme le percement d'un puits ou l'installation d'une pompe. Il réside et travaille à Aschaffenburg (Bavière). Après 1510, on le trouve peintre de retables pour avoir peint les deux panneaux du Triptyque de Keller, Dürer ayant peint le panneau central (perdu) en 1509. Il exécute ensuite le fameux Retable d’Issenheim (1516). Entre 1515 et 1525, le nouvel archevêque lui commande le triptyque de La Rencontre de Saint Érasme et Saint Maurice (panneau central perdu).
Il quittera le service de l’archevêque pour travailler en indépendant aussi bien comme peintre que comme hydraulicien dans différentes villes dont Frankfort.
Grünewald va consacrer son œuvre peinte uniquement à des sujets religieux à l’encontre du courant nouveau et en portant plus de soin à l’expression dramatique qu’à la recherche d’un idéal de beauté. D’une très grande expressivité dramatique, sa peinture nous montre loin de la sérénité classique, des personnages en proie au tourment, à la douleur ou à la maladie. Par son réalisme, il s’éloigne tout autant de la tradition médiévale.
La profonde affliction dont témoigne son œuvre, lui donne une place à part dans la peinture de la Renaissance. Pour autant, Grünewald est considéré par certains historiens de l’art comme le plus grand peintre allemand de cette période. Tombée dans l’oubli pendant des siècles, il aura fallu attendre le milieu du XXème siècle pour que son œuvre retrouve un regain d’intérêt et soit considérée, bien que peu abondante, comme une des plus importantes du XVIème siècle.
Une de ses peintures les plus importantes, sinon sa pièce maitresse, est le Retable d’Issenheim (1512-16) mesurant 269 de haut pour 307 cm de large commandé par les moines antonins d'Issenheim (près de Colmar).
Il est composé de trois scènes, La Crucifixion, le Triomphe de la Vierge et La Glorification de Saint Antoine qui sont exposées en fonction du calendrier des fêtes religieuses:
Une première ouverture du double panneau central laisse voir
Lorsque les pèlerins et malades venaient vénérer St Antoine qui avait le don de guérir du "feu ardent" (maladie de l'ergot de seigle), ces panneaux centraux étaient ouverts dégageant au centre la sculpture d'origine du Strasbourgeois Nicolas Haguenau ( ou Haguenauer) 1445/60-1538) en bois doré représentant St Antoine siégeant sur un trône, entouré en cadres latéraux, de l'évêque d' Hippone, St augustin ( les antonins étaient augustiniens) et de Guy Guers, précepteur de la commanderie de 1490 à 1516;
Une seconde ouverture du double panneau central, laisse voir
La face peinte de la prédelle, qui représente la Déposition, était alors retirée laissant apparaitre, sculptés, les porteurs d'offrandes, St Jérôme, Le Christ et les apôtres.
L’œuvre dans son ensemble est on ne peut plus maniériste avec ses contrastes entre la brillance de ses ors et les zones d’un sombre angoissant. A ce contraste de clair-obscur vient s’ajouter le contraste entre l’impression d’irréalité que produit la lumière comme scénographique et le réalisme dans la précision du détail. La tension dramatique est extrême. Dans La Crucifixion, le corps du Christ convulsé est piqueté de taches noirâtres, Madeleine à genoux au centre implore le ciel les doigt croisés tordus de douleur, la Vierge dans une ample mante blanchâtre, le visage livide, les yeux fermés, enfouie au fond d’un douleur devenue inexprimable défaille soutenue par un Saint Jean au visage déchiré. Le bois sculpté en 1500-1505 par Nicolas de Haguenau , sculpteur peu connu de la période renaissante, relève d'un gothique tardif.
Hans Holbein Père (1460-1524), né à Augsbourg (Bavière) et mort à Issenheim (Alsace) aura été un peintre dans la tradition du Gothique Tardif (Gothique International) mais qui aura reçu l’influence de flamands comme Roger van der Weyden (1399-1464).
Hans Burgkmair (1473-1553) est actif à Augsbourg dans la première moitié du XVIème siècle. Il fut rival d’Holbein père tout en travaillant avec lui. Il fait un voyage en Italie et en rapporte les nouvelles idées de la Renaissance qui le sortent du maniérisme décoratif de la peinture courtoise du Gothique Tardif. Il tend alors vers plus de rigueur constructive. Ce qui amène Holbein Père à chercher lui aussi une nouvelle forme d’expression, et s’orienter vers plus de réalisme.
Abraham Bloemaert (1564-1651), fils de l'architecte et sculpteur néerlandais Cornelis Bloemaert arriva très jeune avec sa famille à Utrecht où il fit une carrière de peintre et graveur. Fortement influencé par le caravagisme à ses débuts, il évolua progressivement vers plus de classicisme.
De 1581 à 1583, il est à Paris où il est l’élève de Hieronymus Francken I, dit le Vieux († Paris 1610) de l’École d’ Anvers, élève de Frans Floris et qui a travaillé de 1566 à 1572 au Château de Fontainebleau. Bloemaert travaillera quelque peu au château.
En 1594, à Utrecht, il est doyen de la Guilde des Selliers (qui intègre les peintres. Il sera un des fondateurs de Guilde de Saint-Luc, guilde des artistes fondée à Florence au XIVème siècle qui eut des ramifications dans les Provinces du Nord. En 1612, fonde une académie de dessin.
Il eut de nombreux élèves dont ses fils Cornelius (1603-1680) et Frederik (1614-1690) qui furent de très bons graveurs. Il est considéré comme le père de L’École d’Utrecht.
Au cours de carrière, sa peinture fut marquée par celle de Cornelis van Haarlem et de Goltzius l’Académie de Haarlem. Ces thèmes de prédilection sont des scènes mythologiques et religieuses aussi bien que des scènes pastorales mais au début des années 166à, il se met au thème des Vanités jusqu’alors plutôt réservé aux peintres de Leyde (Thierry de Maigret, Commissaire Priseur).
Éclipsé par les maitres hollandais du XVIIème siècle, il fut pourtant très célèbre de son temps et Rubens qui le visita, admirait son dessin.
Albrecht Dürer (1471-1528) nait et meurt à Nuremberg en Franconie (Sud-est Allemagne).
Libre depuis 1443, en plein essor économique, et qui compte alors compte 20000 habitants, la ville de Nuremberg est alors une des villes les plus ouvertes aux idées nouvelles venues d’Italie, et ce de par ses relations politiques et commerciales étroites avec la péninsule.
« Grande ville de l’imprimerie naissante, Anton Koberger (v. 1445-1516) y fait tourner jusqu’à 24 presses à lui seul avec une centaine de compagnons. Friedrich Peypus, imprimeur des humanistes, y publie le grand platonicien Érasme de Rotterdam (1469-1536). » (Karel Veyrecken, Albrecht Dürer contre la Mélancolie néo-platonicienne)
En 1453, le père de Dürer[2], Albrecht Dürer l’Ancien, originaire d’Ajtos en Hongrie, s’est installé dans la ville où il termine sa formation d’orfèvre chez Hiéronymus Holper. Il prend le patronyme de Dürer qui a la même signification qu’Ajtos. Il épousera la fille de Hiéronymus Holper et aura dix-enfants d’elle. Albrecht est le troisième de ses fils. Son père va d’abord le former au métier d’orfèvre. Mais tourné vers le dessin, « il est formé au dessin à la pointe d’argent ‘’auprès des grands maîtres’’ flamands, spécialisés dans cette technique complexe[3]. » (K. Veyrecken). En 1484, il exécute à la pointe d’argent son célèbre autoportrait.
A partir de 1486, il sera pour trois ans en formation chez le peintre Michael Wolgemut (†1519). En 1490, il entame ses « années d’errance » dont on ne sait pas exactement où elles l’ont mené. Probablement aux Pays-Bas en 1492, à Colmar chez le graveur Martin Schongauer (1440-1491, Voir XIVème siècle/ Outre-Rhin/Peinture), mort un an plus tôt et que Dürer admirait, notamment sa Vierge au Buisson de Roses (1473) qui peut être considérée comme une des œuvres maîtresses de l’art allemand. Puis il va à Bâle, ensuite à Strasbourg où il peint un autoportrait en 1493. Tout au long de son périple, Dürer a été amené à rencontrer des humanistes et des imprimeurs importants.
En 1494, de retour à Nuremberg, il épouse Agnès Frey, fille d’un riche commerçant, créatrice, inventrice entre autres de montres de poche et de fontaines portatives. De l’automne 1494 au printemps 95, il effectue son premier voyage en Italie : Venise, Padoue, Pavie. Il est un des premiers artistes allemands à se rendre en Italie. Il étudie les antiquité classiques, Mantegna, le frères Bellini et rencontre Jacopo de' Barbari (1445-1516, voir Peinture à la Cour de Marguerite d’Autriche).
De retour à Nuremberg, il ouvre son atelier qui en plus de la peinture a d’autres productions : orfèvrerie, vitraux, bijoux, illustration de livres. Le Prince Électeur de Saxe, Frédéric III, lui commande une Mater Dolorosa (Munich) et le Retable de Dresde. Il publie de lui-même et avec grand succès quinze gravures de L’Apocalypse de St Jean. De cette période, notamment : Portrait d'Oswald Krell, encadré de deux Hommes Sauvages (1499) L’Homme de Douleur (1493), Portait de l’Artiste au Chardon (1493), Portrait de Frédéric III le Sage (1496), Autoportrait aux Gants (1496), Polyptique des Sept Douleurs (1500), Autoportrait à 28 ans (1500), Adoration des Mages (1506)
Il est alors connu dans toute l’Europe. En 1505, la peste sévit à Nuremberg. Dürer pour des motifs commerciaux repart en Italie avec un attelage sur lequel il transporte certaine de ses œuvres pour les vendre. En cours de route, il s’arrête à Augsbourg où les riches banquiers Fugger lui commandent la Fête du Rosaire pour le Fondaco dei Tedeschi à Venise (l’Entrepôt des Tudesques, voir Le Titien).
A Venise, il fréquente les Bellini et leurs élèves Giorgione et Le Titien. Il s’intéresse plus que jamais aux justes proportions et à la perspective. Il rencontre Fra Luca, auteur de Devina Proportione. Il ne peut avoir rencontré Vinci qui a quitté Venise au plus tard en 1502. Il commence à écrire des textes théoriques. Il se rend à Bologne puis à Mantoue en 1506, espérant rencontrer Mantegna, mais celui-ci vient de mourir. De retour à Venise, il refuse la pension que lui propose La Sérénissime pour le retenir.
En 1507, il est à Nuremberg où il peut rembourser ses dettes avec l’argent gagné en Italie. A partir de ce second voyage, Dürer, qui a déjà assimilé toutes les nouveautés sur la couleur et la perspective va porter ses recherches sur une lumière qui dépasse le chiaroscuro (clair-obscur) qui lui paraît être encore un effet et non un élément naturel. Il va aussi approfondir une organisation de l’espace plus mathématique : Adam et Ève (1507, Prado), qui marque l’entrée de la Haute Renaissance dans la peinture allemande, est un des chefs-d’œuvre du peintre et de la peinture allemande. Très différents de l’Adam et Ève gravés en 1504, ici les fonds sont nus, unis, dépourvus du bestiaire symbolique du Paradis auquel seul l’arbre au serpent sur le panneau d’Ève fait référence. La nudité du corps d’homme et du corps de femme n’en est que plus mise en évidence. Avec ces deux nus, de grandeur nature, peints séparément, contrairement à la gravure où ils étaient réunis, Dürer met en application sa théorie des proportions.
« Point culminant de ces recherches : Adam et l'Ève (1507, Prado). L'idéal classique de la seconde Renaissance apparaît en effet dans ces premiers grands nus de la peinture allemande, si différents de la gravure de 1504 par leur allure dansante et leur plénitude titianesque, et il se marque aussi dans la sobriété pathétique de la Mort de Lucrèce (1508, Munich).
Parmi son importante production, il grave entre 1513 et 14, trois de ses pièces maitresses: Le Chevalier, La Mort et Le Diable, Saint Jérôme dans sa Cellule, Melancolia I. En tant qu’illustrateur, il participe au monumental Arc de Triomphe (3,40x 2,92) commandé par l’empereur Maximilien 1er qui avait pour lui une grande estime et en avait fait son artiste de prédilection. Il y travaillera trois ans sans que le projet, par la mort de l’empereur en 1519, n’aboutisse. En 1515, il coordonne l’élaboration du Livre des Heures de Maximilien, très importante série de gravures auquel il participe. En 1518, il part à Augsbourg où se tient la Diète (voir Réforme) afin de rencontrer Luther qui l’impressionne. Sans succès. La ville de Nuremberg lui supprime sa pension.
Pour récupérer sa pension, il part avec femme et servante pour Aix-La-Chapelle où Charles-Quint doit être couronné. Il passe par Bomberg, Anvers où il est accueilli avec honneurs par la Guilde et visite l’atelier de Quentin Metsys, de même à Bruxelles où van Orley, lui offre un festin de roi et où il découvre les tableaux de van der Goes, de van der Weyden et de van Eyck (l’Agneau Mystique). A Bruges, il découvre la sculpture de la Vierge à l’Enfant que Michel-Ange a réalisée en 1503. Il découvre une collection d’objets Aztèques (voir Les Grands Voyages, Le Nouveau Monde). Des Pays-Bas Espagnols, il revient en 1521 avec sa pension à vie que l’empereur lui a restitué avec les arriérés, et les portraits de Bernard von Resten et de Lorez Sterck.
En 1525, il publie l'Art de Mesurer; instruction sur la manière de mesurer à l'aide du compas et de l'équerre les lignes, les plans et les solides. Édition qui comprend de nombreuses gravures et dans laquelle il donne entre autres des instructions sur l’usage du compas et comment tracer des ellipses et d’autres figures géométriques. « Le pentagone de Dürer est un pentagone régulier, construit avec une seule ouverture de compas ». Il continue de se passionner pour la perspective mais sa production diminue. Il est très affecté par les remous de la réforme et par la Guerre des Paysans de 1524-25. Il peint ses derniers chefs-d’œuvre: Portraits de Jacob Muffel et de Hiéronymus Holzschuber et Les Quatre Apôtres. Il meurt subitement en 1528, dans sa cinquante septième année, la même année que Mathias Grünewald. Son Traité des Proportions du Corps Humain restera inachevé.
Dürer confia à Mélanchthon : « Lorsque j'étais jeune, je gravais des œuvres variées et nouvelles ; maintenant, je commence à considérer la nature dans sa pureté originelle et à comprendre que l'expression suprême de l'art est la simplicité »
Quelques œuvres :
Portrait du Père (1497), La Grande Touffe d’Herbe (1503), La Grande Passion (150411, gravures) Retable Jabach (1504), Adam et Eve (1505, gravure), La Fête de Rosaire, La Vierge au Serin, Portrait de Jeune femme sur Fond de mer (1505 les trois), Adam et Eve (1508, Prado),La Petit Passion (37 gravures et Vie de la Vierge (1511), Vierge à l’Œillet et Portrait de Wolgemut (1516), Autoportrait (1522, le dernier).
Dürer aura laissé plus de mille dessins, gravures sur bois ou cuivre et seulement une centaine de tableaux, gouaches et aquarelles. Il possédait toutes les techniques des arts graphiques. S’il s’est autant adonné à la gravure, c’est qu’elle a l’avantage d’être reproductible ; plus rapide à exécuter qu’un tableau dont la réalisation prend au moins un an, elle se vend plus vite. Mais aussi parce qu’il était un excellent dessinateur, ce que mettait plus en valeur ses gravures et eaux-fortes.
Dans sa recherche d’un idéal de beauté formelle, Dürer a été confronté à son propre imaginaire habité de « visions inquiètes ». Il tenait quand même à conserver à ses figures une dimension humaine ancrée dans la réalité dans le respect de la tradition du Nord. Ses paysages dénotent toujours ce même souci d’un profond réalisme.
« L’opposition douloureuse entre son aspiration au goût italien et le réalisme local engendre le drame de toute la vie de Dürer qui ne sut pas toujours maîtriser ses deux impulsions, l’une méditée et intellectuelle, l’autre spontanée et naturelle. » (Alberto Martini, Renaissance, Nathan 1963)
« Bien que Dürer tienne l’essentiel de sa réputation à des très nombreuses gravures à thème biblique sur bois et sur cuivre (Apocalypse, Petite Passion, Grande Passion, etc.), aujourd’hui on l’admire surtout pour ses études minutieuses de la nature (Le lièvre, La grande touffe d’herbe, etc.)…L’aspect le plus énigmatique de son travail dans lequel il aborde un des défis majeurs de son époque et qui reste d’une brûlante actualité : comment donner aux penseurs, chercheurs et autres artistes, l’entière et saine maîtrise des processus créateurs de l’esprit humain, en évitant tout autant les procédés formels et stérilisants que les dérapages ésotériques et irrationnels, fuites confortables vers une douce folie ? Voyant sombrer son meilleur ami et tuteur Pirckheimer, exposé aux théories « néo-platoniciennes » très en vogue à l’époque, Dürer fait appel au « vrai » Platon pour élaborer en 1514, avec une grande ironie, sa gravure Melencolia I. » (K. Veyrecken)
Lucas Muller (ou Moller ou Maler, dit Lucas Cranach l’Ancien, 1472-1553), fils d’un peintre de renommée locale, est né à Cronach, petite ville près de Nuremberg et Witzbourg dans la province de Franconie d’où il tire son surnom. Formé d’abord par son père, il poursuit sa formation à la peinture et à la gravure à Vienne où il se trouve entre 1500-1504. Il entre ensuite au service du Prince Électeur Frédéric III de Saxe qui sera un des grands défenseurs de la Réforme Luthérienne. Il s’installe à Wittenberg où séjourne la cour quand elle n’est pas à Prague et où, en 1517, Luther aurait placardé ses 95 thèses à la porte de l’Église de La Toussaint (selon la version de Mélanchthon), date à laquelle on fait débuter Réforme ( Voir Réforme.)
Il atteint rapidement la renommée notamment avec des œuvres comme le Martyre de Sainte Catherine (1506). En 1509, il est anobli. Il restera jusqu’à sa mort peintre officiel des princes successifs en exécutant des portraits des princes eux-mêmes, de Charles-Quint, des grands de la cour et plusieurs de Luther. Il épousera d’ailleurs les thèses luthériennes dès l’affichage ( ?) des 95 propositions de Luther Il peint également des retables et des sujets mythologiques qui sont l’occasion pour lui d’être plus novateur que dans les thèmes religieux comme on le voit dans sa Vénus de 1526 et ses Trois Grâces de 1531 (Louvre). Ses nus ont un caractère érotique qui décoraient les intérieurs bourgeois et aristocratiques comme en témoigne Le Jugement de Paris de 1513 et celui de 1527, traités sans réalisme et tenant plus du Maniérisme Courtois que du Maniérisme Renaissant, et La Nymphe à La Fontaine dont les sujets féminins sont présentés avec un côté aguichant, ou encore L’Âge d’Or (1533), véritable danse érotique. Cranach ne semble pas avoir été embarrassé par lui-même et par son entourage protestant de peindre des sujets aussi opposés au rigorisme moral luthérien. N’était-il pas censé répondre à la demande d’une clientèle désireuse d’acquérir des sujets mythologiques ? Il traitera près d’une cinquantaine de fois le thème d’Adam et Ève. Par contre, ses gravures illustres les thèses de la Sola Scriptura (L’Écriture Seule [=La Bible seule compte]).
Le meilleur de lui-même, Cranach l’aura donné avant que sa production d’atelier ne prenne le pas sur sa véritable créativité. Une énorme production qui comptera en quelques cinq milles œuvres des scènes profanes et mythologique, des portraits pour la clientèle bourgeoise et des scènes religieuses pour les protestants. Production très réfléchie donc, de plus en plus conventionnelle à laquelle participèrent ses deux fils, Hans et Lucas Le Jeune (1515-1586), et ses nombreux assistants qui finirent par restés seuls à peindre, sans le maître qui finit par ne mettre que rarement la main au pinceau. Non seulement, ils imitaient sa manière mais reproduisaient aussi les toiles à partir d’un système de calque et de fusain.
Soucieux de satisfaire à de telles abondantes commandes, la qualité de son œuvre bien sûr en souffrit. La tension dramatique, l’émotion de la première période disparurent au profit d’une peinture froide, appliquée. Mais par contre, sa créativité fut telle à la trentaine (toute ces œuvres avant 1500 ont disparu) que Cranach peut figurer sans conteste parmi les grands peintres de la Renaissance. En témoigne sa Crucifixion de Schleissheim de 1503 d’une composition ingénieuse et à l’intense expression dramatique.
Un temps bourgmestre de sa ville (1537-40), devenu riche, il achètera une imprimerie qui éditera entre autres les écrits de Luther et des traductions de la Bible. Il achètera aussi une pharmacie.
En 1547, Jean-Frédéric 1er de Saxe (1503-1554) à la tête de la Ligue de Smalkalde est battu par les troupes impériales à la bataille de Mülhberg. Il est fait prisonnier et Cranach le suit dans son exil. Puis le prince, libéré en 1552, il le suit à nouveau à Weimar où il s’installe.
Son voyage aux Pays-Bas Espagnols où il rencontrera à Anvers Metsys (†1530) et Mabuse (†1530) ne changera pas sa manière mais lui aura fait découvrir de nouveaux motifs.
« Grâce à ses relations avec les milieux humanistes, Cranach a été comblé d'éloges par quelques écrivains qui ont sauvé son nom de l'oubli à l'époque classique (la première monographie qui lui a été consacrée date de 1726). Aussi a-t-il été longtemps tenu pour le plus grand peintre allemand de la Renaissance après Dürer. On apprécie mieux aujourd'hui la distance qui le sépare de Dürer, ainsi que de Grünewald. Si l'on excepte les œuvres de la période viennoise, découvertes à la fin du xixe siècle, et qui sont depuis lors l'objet d'une admiration jamais démentie, la place qu'on lui assigne relève en grande partie d'une appréciation subjective. » (Ency. Universalis)
Hans Holbein Le Jeune (1497-1543) est né à Augsbourg (Souabe, Bavière) où son concitoyen, Hans Burgkmair, de 27 ans son aîné, rival de son père, avait ramené de son voyage en Italie du Nord, l’esprit nouveau de la Renaissance. Et en 1510 (15 ?), le sculpteur et architecte Sebastian Loscher construit dans le gout italien la chapelle des banquiers Fugger.
En 1514, Holbein s’installe en Suisse, à Bâle, et l’on ne possède aucune œuvre de lui antérieure à cette date. Les œuvres de cette époque conservent le style d’Augsbourg: Jugement de Salomon, Calvaire (1515), Portrait du Bourgmestre Meyer et sa Femme (1516) à l’imposante architecture classique. On a penser un temps pouvoir attribuer à son père Le Calvaire de 1515, première grande composition.
En 1517, il est à Lucerne pour décorer la façade du Palais Hertenstein dont il ne reste rien. En 1518, il se rend en Italie, sans doute d’abord à Milan où il découvre les tableaux de Léonard de Vinci dont on sent l’influence dans son décor des volets des Orgues de la Cathédrales (vierges et anges) ; ensuite peut-être à Venise. Il retient de ce voyage « la fonction du mouvement, les lois de la composition [desquels il tirera] une vision objective du monde.» (Werner Cohn, Hans Holbein, Hatier 1957).
En 1519, de retour à Bâle, il travaille dans l’atelier de son frère. Un an plus tard, il obtient la citoyenneté bâloise par son mariage avec la fille d’un tanneur. Son père s’étant retiré à Issenheim, il découvre à cette époque le célèbre retable que Matthias Grünewald a peint là entre 1512 et 1516. Véritable révélation que celle de l’univers fantastique de Grünewald. Dans ses tableaux des années 19-20, « le mouvement sinueux des figures, l’enroulement des plis, l’extrême vivacité des couleurs ne s’expliquent pas sans une connaissance approfondie et directe des peintures du maitre rhénan » (W. Cohn Op.Cit.).
Mais, Holbein va revenir à son acquis italien comme le montre la composition équilibrée de l’Autel de la Famille Oberried à Fribourg (1521).
En 1524, il se rend en France où il y apprendra à Tours « la technique « des trois crayons », auprès de Jean Cousin (1490-1560) qui fut le premier à utiliser la sanguine (hématite contenant de l’oxyde fer). Cette technique consiste à exécuter les portraits à la pierre noire (l’ampélite, schiste pyriteux, et non à l’encre noire) pour les traits et les ombre, à la sanguine pour les tons chauds et à la craie blanche pour les rehauts. Il y rencontrera aussi les peintres Jean Perréal et Jean Bourdichon. Dans les œuvres de 1521-26 qui vont suivre, « les proportions des figures sont désormais élancées, la construction renonce à toute décoration qui ne soit pas indispensable et les couleurs prennent le brillant émail qui restera caractéristique. » (W.Cohn). Nombre de ses décorations de salles et de façades vont disparaître avec le temps qui relèvent d’un art de l’illusion que l’on a comparé aux maitres de Pompéi.
En 1526, il croit devoir quitter la ville de Bâle. Bâle où Érasme séjournait depuis 1521 et aura fait publier une grande partie de ses livres, où lui-même mourra est alors en pleine tourmente de la Réforme. Il se rend à Londres. Une recommandation d’Érasme l’introduit auprès de son grand ami l’humaniste Thomas Moore qui depuis trois ans est Chef du Parlement (Speaker). Durant les deux ans que dure son séjour, il peint deux portraits qui ont fait de lui l’un des plus grands portraitistes de la peinture européenne. : Le Portrait de l’Archevêque de Cantorbury, William Warham (1527), et le Portrait de l’Astronome Kratzer (1528)
De 1528-32, il est de retour à Bâle. Il termine le décor des salles de l’hôtel de Ville qui sera également détruit. En 1532, il retourne en Angleterre. Il reçoit des commandes de portraits de toute la gentry londonienne et des gros marchands.
En 1533, l’ambassadeur français lui commande un de ses plus célèbres tableaux, Les Ambassadeurs. L’on peut voir sur ce tableau, un de ces tapis que l’on a appelés Tapis d’Holbein car Holbein a rendu célèbres ces tapis d’origine anatolienne, à motifs géométriques, représentés déjà avant lui dans la Messe de Saint Gilles du Maître de Saint Gilles 1500). Ces tapis recouvraientrecouvrait en décor tables et meubles. On peut voir également le plus célèbre exemple d’une anamorphose en peinture. La forme bizarroïde qui se trouve au bas du premier plan apparaît être un crâne, mais si l’on regarde le tableau non de face mais de côté, à partir d’un certain angle de vue. Les visages de deux ambassadeurs deviennent amincis et prennent une couleur cadavérique.
En 1536, il devient peintre officiel de la cour d’Henri VIII. Il atteint le sommet de son art de portraitiste avec notamment les Portraits d’Anne de Clèves (1539), de Christine de Danemark, celui d’Henri VIII et de Robert Cheseman avec son faucon. Ses peintures monumentales de cette période pour des décors de salles officielles ou privées ont aussi disparu; il n’en reste que les dessins. Il meurt de la peste en 1543 à l’âge de 46 ans.
Holbein Le Jeune aura aussi réalisé des études pour des vitraux et des bijoux. On peut pense que si nombre de ses œuvres notamment de décor n’avaient pas disparues, Holbein serait probablement considéré et mis au rang du Raphaël de la Farnesina. Restent ses dessins à la pointe d'argent ou à la plume, souvent rehaussés de lavis pour en comprendre toute sa valeur du peintre autre que le grand portraitiste que l’on connaît.
Sa renommée, très grande de son vivant, au cours des siècles suivants se prolongera jusqu’à le placer au sommet de l’art européen jusqu’au XIXème siècle qui se détournera de lui. Excellent dessinateur, qui a intégré les peintures du Nord et du Sud, les œuvres de Grünewald et de Léonard de Vinci, il maîtrise toutes ces influences pour en donner une synthèse qui font de lui l’un des peintres essentiels de la Renaissance.
« Le drame de Holbein fut d’être contraint par les hasards de la politique à travailler pour des mécènes qui ne s’intéressaient qu’au portrait. Cela fit de lui l’un des plus grands portraitistes de tous les temps, mais ce fut néanmoins une lourde restriction à son génie ». (https://www.aparences.net/periodes/la-renaissance-nordique/hans-holbein-le-jeune/)
Hans Baldung Grien (1480-1545) fut d’abord l’élève de Dürer avant d‘être attiré par l’expressionisme de Grünwald. Il arriva à faire la synthèse des deux plus grands peintres de la Renaissance Allemande en ajoutant à sa manière une symbolique tirée de la littérature de l’époque, moraliste et réformiste. Il réalisa de belles gravures sur bois dans lesquelles il a plus volontiers laissé libre court à une imagination qui pouvait le déborder. Sa nature inquiète se révèle dans ses Nativités.
Baldung Grien sera à l’origine de l’École Suisse à tendance maniériste dont les meilleurs représentants seront
Notes
[1] Citation et pour en savoir plus sur de’Barbari : Gisèle Lambert Les Premières gravures italiennes du Quattrocento début du Cinquecento, Éditions BNF 1999)
[2] Socle de la biographie : Dürer, auteur-éditeur Henri Scrépel, Collection Le Peintre et L’Homme, Bologne 1919.
[3] La pointe d'argent est un outil de dessin constitué d'une fine tige d'argent pointue, de dimensions variables, fixée sur un manche ou un support de type porte-mine. On l'utilise comme un crayon pour dessiner sur un support obligatoirement préparé, papier ou parchemin, enduit d'une substance blanche ou colorée à l'origine à base de poudre d'os appelée à la Renaissance carta tinta. La carta tinta peut être remplacée par une préparation de type gesso de gouache. Le terme désigne aussi bien l'outil, la technique associée que l'œuvre.
« Dans le monde des arts, c'est l'explosion. Pour assouvir un immense besoin de créer, la Castille s'abreuve à toutes les sources. Elle accepte sans complexe la coexistence des langages artistiques. Un maître comme Rodrigo Gil de Hontañón propose une magistrale interprétation du langage gothique, mais il applique aussi le nouveau répertoire de la Renaissance pour deux constructions civiles: le palais Monterrey à Salamanque (1539) et la façade de l'université d'Alcalá de Henares… Une phase de rigueur succéda à ce déferlement de liberté dans la création. Philippe II intervint dans le domaine de la culture artistique, à laquelle il imprima un changement complet de direction avec la construction de l'Escorial.» (https://atthalin.fr/louvre/histoire_art/renaissance/renaissance13.html)
La Renaissance Espagnole débute sous le règne double de Charles-Quint, roi d’Espagne en 1516 et empereur 1519. Elle s’ouvre avec ou sur le Style Plateresque, selon l’on fasse ou non débuter ce style selon les sources avant 1551 comme seconde partie du Style Hispano-Flamand ou Gothique apparut sous le règne d’Isabelle 1ère de Castille (1450-1511 voir XIVs./Espagne) ou après sa mort.
Ce style qui tire son nom de ‘platero’, l’orfèvre qui travaille l’argent. après 1511 est particulièrement représenté par la façade sculptée de l’Université de Salamanque (1526-29) sur laquelle prolifèrent cartouches, médaillons, rinceaux de fleurs, et la façade de l’Église Saint Étienne de Salamanque (1524-1610) sur laquelle arches et pilastres ne sont que prétextes à ornementation. Ces deux façades maintiennent tout en rappelant effectivement le Style Isabelle de la période du gothique flamboyant, le goût traditionnel espagnol pour une ornementation qui ne laisse aucune place à la simplicité, à l’expression des volumes qui mettraient en évidence l’équilibre architectural.
Le Colegio Santa Cruz de Valladolid est considéré comme le premier édifice de la Renaissance Espagnole. Il est devenu le Palacio Santa Cruz, siège du rectorat de l’université de Valladolid.
Le fondateur de ce collège ouvert aux étudiants sans ressources en 1484, est le Cardinal Don Pedro González de Mendoza. On y ignore qui est l’architecte qui entrepris l’édification en 1486/87 du bâtiment qui est parfois attribuée à Enrique Engas (1455-1534) et/ou à Juan Guas (1430-1496) (voir XIVème s/Espagne/Architecture). A moins qu’ils n’en aient été que les maîtres d’œuvres si l’on doit les plans à « quatre professeurs de l'école hispano-flamande de Tolède. [Et] e bâtiment est achevé vers 1491, selon l'inscription conservée dans le couloir du bâtiment, bien que les travaux complémentaires durent encore quelques années. » (https://www. urbipedia.org/hoja/ Lorenzo_Vázquez_de_Segovia).
On sait que les tailleurs de pierre Pedro Polido et Juan de la Riba ont d’abord élevé la façade principale, en ouvrant quelques fenêtres gothiques primitives. Le cardinal fit démolir ce qui avait été fait et demanda en 1490 à l’architecte, Lorenzo Vázquez de Segovia est chargé « de ‘rattraper’ ce qui avait ce qui était déjà fait en y adaptant le nouveau style, ce qu’on appelait« le style romain ». Les travaux sont achevés en 1491 selon la plaque commémorative et inaugurée l’année suivante. ( sur la base de Fernando Toribio » (https://valladolidmonumental.blogspot. com/2012/08/colegio-mayor-de-santa-cruz.html ). Sa façade (1489-1491), plaquée alors sur l’ancienne façade gothique montre un bossage de pierres et un dessin des fenêtres aux modénatures (moulures, corniches) à l’antique de pure inspiration classique.
Lorenzo Vasquez (1450-1515), né à Segovia, surnommé le « Brunelleschi espagnol », probablement formé en Italie, à Bologne, introduit en Castille à cette occasion les nouveautés italiennes. Il utilisera les modèles florentins du Quattrocento pour le Palais Medicacelli à Cogolludo (1495-95) inspiré du Banco Mediceo à Milan attribué d’abord à Michelozzo et récemment au Filarète (voir Première Renaissance/Architecture/Introduction).
Le Colegio de San Gregorio de Valladolid est construit entre1488 et 1496 est encore de Style Isabelin (voir XVème Siècle/ Espagne). Y ont travaillé Gil de Siloé à la façade et Juan Guas à la cour dans le dernier quart du XIVème siècle.
Hospital de los Reyes Católicos (Hôpital Saint Jacques de Compostelle 1501-11) fut construit sur ordre des Rois Catholiques pour recevoir les pèlerins à la mérelle. L’architecte en est le tolédan Enrique Engas (Egas Cueman, van der Eycken, 1495-1534) qui développe là un nouveau genre d’hôpital, indépendant, non plus rattaché à l’église, un hôpital civil, mais qui du point de vue stylistique reste encore dans la tradition du Style Isabélin (Hispano-flamand) avec la prédominance de flèches et d’une ornementation symbolique. L’Hôpital des Rois Catholiques de Grenade construit sur les plans d’Engas en 1504, sera modifié selon la volonté de Charles-Quint pour lui donner un caractère plus Renaissant.
L’Hôpital de Santa Cruz de Tolède a été fondé à la fin du XVème siècle par le cardinal Pedro Gonzalès de Mendoza (†1495), mais les sources divergent quant à l’attribution de sa construction. Certaines sources l’attribuent à Enrique Enges (http://fr.fundacion medinaceli. org/monumentos/hospital/index.aspx), d’autres à Alonso Covarrubias vers 1515. Il serait surprenant que l’édification d’un ouvrage de cette importance ait été confiée à l’élève alors âgé d’à peine 27 ans et non à son maitre (†1534). Il est certain que Covarrubias a réalisé la façade vers 1515. Cette façade répond à cette nouvelle exigence classique et écarte définitivement les réminiscences gothiques. Sa façade puissamment maniériste montre un travail longuement ouvragé.
Le portail cintré contient un tympan à dos rond historié sous arche représentant la Lignum crucis de Sainte Hélène[1]. Il repose sur une architrave à écusson. Il est encadré de colonnettes et colonnes non moins ornées. Au niveau supérieur deux verrières sur le même modèle que le portail avec colonnettes et fronton encadrent une niche sous arche contenant le relief de la Visitation, elle-même sur architrave et encadrée de deux niches habitées. Cet ensemble sculpté central reprend en fait le la structure de la façade en plus petit. Le niveau le plus haut est un bâti à parement de briques ocre jaune à quatre ouvertures rectangulaires encadrées de colonnes que surmonte un fronton triangulaire orné. Aux extrémités deux niches à dos rond. L’emploi permanent du motif de candélabre[2] et la forte ornementation l’illustre l’esprit plateresque.
A l’intérieur, Engas réalise les deux patios sur les quatre prévus, encadrés sur leurs quatre côtés d’une arcature à deux niveaux. Covarrubias achèvera un des patios.
Le Colegio Mayor San Ildefonso, situé à Alcalá de Henar (périphérie de Madrid) a été commandé par le cardinal Cisneros (voir Réforme/Espagne) à l'architecte Pedro de Gumiel (Pedro de la Cotera,1460-1519). Les travaux ont débuté en 1499, la chapelle Saint Ildefonsus a été achevée en 1510. En 1516 a été commencé la construction du Paraninfo (Auditorium). En 1537, Rodrigo Gil de Hontañón entreprend la façade principale (Certaines sources indiquent 1543 ?) qu’il achèvera en 1553. Maitre d’œuvre et architecte reconnu, il était en 1526 maitre d’œuvre de la Cathédrale de Ségovia. Il sera maitre d’œuvre de la nouvelle Cathédrale de Salamanque en 1538. Il travaillera aussi entre autres au Palais de Monterrey et à St Jacques de Compostelle. Son style marque une intéressante transition du Gothique Tardif au Style Renaissant.
Sa structure classique emploie ordres, frontons et surfaces nues, mais ces éléments architecturaux n’en restent pas moins habillés d’une abondante décoration. L’usage du langage classique est adapté à la tradition ancienne qui remonte au Style Mudéjar caractérisé par un goût prononcé pour l’ornementation comme le montre particulièrement cette façade, la plus belle œuvre plateresque de Rodrigo Gil.
« Elle est conçu sous la forme d'un retable à trois corps inégaux en hauteur, avec une façade monumentale et des ordres qui se chevauchent. Chacun des corps sur la façade a un programme iconographique qui correspond à un état de connaissance, avec la théologie comme épicentre, représenté par les représentations sculpturales des Pères de l'Église (Saint Augustin, Saint Jérôme, Saint Ambroise et Saint Grégoire), placé à l'intérieur de quatre médaillons, l'œuvre du sculpteur Claudio de Arciniega, sur chacune des quatre fenêtres du premier niveau. Avec ces médaillons, les sculptures des Atlantes, des hallebardiers et une grande galerie supérieure avec des fenêtres, réalisées par l'artiste imaginaire Claudio entre 1542 et 1548 ». (Castillo Oreja, Miguel Ángel, L'éclo
sion de la Renaissance: Madrid entre tradition et modernité, (Madrid: Communauté de Madrid, Ministère de la Culture, Fundación Colegio del Rey, 1986).
La Grande Chapelle - il y en a plusieurs dont celle au chevet la Chapelle Idephonse[3]- a été achevée en 1510/13. Elle a été commandée par Íñigo López de Mendoza y Quiñones pour contenir le tombeau de son frère Diego Hurtado de Mendoza (†1502), cardinal archevêque de Séville et neveu du Cardinal Pedro González de Mendoza (†1495)[4]. Elle a un plafond à caissons de style mudéjar et une décoration plateresque.
Le sépulcre, Diego Hurtado, à gauche de la chapelle est une des premières œuvres de la Renaissance Espagnole adoptant le style italianisant. Et pour cause, il est attribué à l’architecte florentin Domenico Fancelli (1469-1519), parent de Luca Fancelli (voir Maniérisme Florentin/Ammannati) qui monta le tombeau qu’il avait sculpté à Florence en marbre de Carrare, à son arrivée à Séville en 1509. Construite par Gumiel, la chapelle fut achevée par Bartolomé Ordóñez. Le Cardinal Cisneros, lui, est enterré dans la cathédrale magistrale d’Alcalá de Henares achevée également par Ordóñez. La dénomination de "magistrale" signifie que tous les chanoines doivent être des docteurs en théologie.
La Cathédrale de Grenade est représentative de la tendance vers un classicisme plus pur. Commencée par Enrique Engas, elle est achevée en 1563 par le fils du sculpteur Gil de Siloé, Diego (1495-1563 voir sculpture). Formé au classicisme de la Renaissance, sans doute lors d’un séjour en Italie, après avoir travaillé à la Cathédrale de Burgos, Diego apporte à celle de Grenade, une rigueur classique et une sobriété plus grande dans les trois arches monumentales à deux niveaux, en renfoncement de la façade.
Juan de Álava (1480-1537), né au Pays Basque, voyage en Italie en 1502 et découvre l’architecture de la Renaissance. De retour en Espagne, il va travailler dans la ville de Salamanque. Il n’en reste pas moins l’un des architectes des plus représentatifs du Style Plateresque avec son œuvre maitresse l'église du monastère de San Esteban, qu’il commence en 1524.
Les travaux seront poursuivis par un des frères du monastère fray Martin de Santiago et puis par Rodrigo Gil de Hontañón († 1577) et achevé en 1610) Si l’intérieur de l’église ‘reste’ gothique’, la façade est un des chefs-d’œuvre du style plateresque. Elle est « conçue comme un retable extérieur , en forme d'arc de triomphe sous la voûte en berceau duquel se déploie l'abondant décor caractéristique de ce style. Le martyre Saint Sébastien est représenté dans le tympan , avec un calvaire au-dessus, les deux reliefs exécutés par Juan Antonio Ceroni au début du XVIIe siècle.
Le portique, composé d'arcatures, s'inspire des loggias de la renaissance italienne, son ornementation sobre contrastant avec l'exubérance décorative de la façade de l'église. Il a été exécuté par Juan Ribero Rada entre 1590 et 1592, mais les médaillons d’allèges [parties triangulaires entre le sommet de l’arcature et son encadrement] sont l'œuvre du sculpteur Martin Rodríguez » (Wikipédia/ Convento de San Esteban Salamanca).
Le célèbre Cloître des Rois, attenant à l’église, est l’œuvre de Fray Martin de Santagio. Il est un bel exemple de fusion entre Styles Gothique et Renaissance. Les éléments Renaissance tendent à prédominer sur les éléments gothiques.
On doit également à Álava entre autres le cloître de la cathédrale de St Jacques de Compostelle et la chapelle (de l’université de Salamanque et le Colegio Mayor de Santiago el Zebedeo à Salamanque[5] fondé en 1519 par Alonso de Fonseca, archevêque de St Jacques de Compostelle.
Achevé en 1578, Diego de Siloé et Rodrigo Gil de Hontañón. Y ont travaillé. La Chapelle a contenu un retable du peintre, sculpteur d’Alonso Berruguete (1490-1561).
Datée de 1526-1529, cette façade est le chef-d‘œuvre de l’ornementation plateresque.
« Un bestiaire salmantin où voisinent chiens, colombes, araignées et abeilles, entre autres hippogriffes, sirènes et tritons, trois animaux sont plus célèbres que les autres : le taureau du pont romain, le coq girouette de la vieille cathédrale et la grenouille de l’université (Laurence Motoret, La Grenouille de Salamanque , in Sigila (revue franco-portugaise) 2013/32/ Cairn)».
Le batracien (grenouille ou crapaud ?) qui se trouve sur un des trois crânes ornant la partie basse du grand pilastre de droite et qui reste une énigme, pourrait avoir symbolisé « la métamorphose vers la plénitude ou bien la représentation du péché de la luxure et de la mort avec son association au crâne »
Au style qui peut être dit maniériste par la prédominance du décor sur la rigueur architecturale sera opposé une volonté de la part de certains architectes de s’en tenir à plus de sobriété, de vouloir appliquer les leçons du classicisme tel qu’il a été importé d’Italie. Les Cathédrales de Malaga, de Jaén et de Grenade, toutes situées en Andalousie respectent le modèle classique des ordres de Vitruve.
Pedro Machuca (1490 ?-1550), né à Tolède mort à Grenade,
avait séjourné à Florence et avait été disciple de Michel-Ange quand il se vit confier la construction du premier des plus importants édifices du Classicisme des Habsbourg, le Palais de Charles Quint. Après son mariage avec Isabelle de Portugal qui eut lieu à Séville en 1526, l’empereur voulut le situer dans l'Alhambra de Grenade comme symbole de l’implantation définitive du christianisme en Andalousie. L’architecte andalou dessina un plan carré de 60 m de côté contenant une cour intérieure circulaire de 30 m de diamètre, élevée sur deux niveaux avec une colonnade dorique en bas et une ionique en haut. Resté inachevé, il est représentatif d’un classicisme puisé de la manière la plus directe et la plus sobre chez Vitruve[6]. Classicisme qui ira avec Philippe II succédant à son père en 1555, jusqu’à une austérité qui se veut grandiose au Monastère Royal de Saint-Laurent à l'Escorial (nord de Madrid) commencé en 1563 par Juan Bautista de Toledo et achevé en 1584 par Juan de Herrera qui lui avait succédé en 1567.
Juan Bautista de Toledo (1515-1567) qui avait entre autres travaillé à Naples et à Rome à la cour intérieure du Palais Farnèse entre 1534 et 1541 sous la direction de Sangallo Le Jeune[7], introduisit à l’Escurial cet esprit majestueux tout de dépouillement qui s’imposera à l’architecture espagnole pendant près d’un siècle ; une architecture qui ignore la tradition décorative des siècles antérieurs et se conforme à l’esprit d’austérité de la Contre-Réforme. Élevé pour célébrer la victoire du roi sur Henri II à la bataille de Saint Quentin (Voir Événements Majeurs 11ème Guerre d’Italie), ce grandiose et complexe édifice de 208x162m comprend la résidence royale, l’église, un séminaire, un centre universitaire avec bibliothèque et musée. Juan Fernandez de Navarre (†1579) en sera un des principaux décorateurs. El Greco (†1614) y travaillera peu ou prou mais sans attiré à lui les faveurs de Philippe II qui n’appréciait pas sa manière.
Juan Herrera (1530-1597), né près de Santander en Cantabrique, commence ses premiers travaux d’architecture en 1563 comme assistant de Bautista après avoir suivi son protecteur le Prince Philippe d’Espagne à travers l’Europe de la Renaissance et avoir combattu pour l’empereur. En 1572, nommé Maitre des Œuvres Royales il prend à l’Escurial, non pas directement la succession de son maître, mais celle de l’italien G.B. Castello de Bergame [8] en poursuivant dans la même continuité de ce « classicisme puissant et idéologique » (Ency. Univers.), poussant la rigueur et la sobriété à un point tel que non seulement toutes traces de maniérisme en sont écartées mais aussi tout ce qui dans le classicisme florentin pouvait épargner une impression d’immobilité, de symétrie statique, donnant naissance à une nouvelle architecture connue sous le nom d’herreriano ou École Herreriana. S’éloignant de toutes références espagnoles, Phillipe II, commanditaire de cet ensemble monastique, imposa tours pointues et toits d'ardoises, réminiscences flamandes qui lui venaient sans doute de son père né à Gand.
Herrera a apporté d’importantes modifications à l'Alcazar de Tolède (Façade sud et grands escaliers, 1571) après celles de Alonso de Covarrubias et traça les plans de la Cathédrale de Valladolid et de la Plaza Mayor à Madrid.
Alonso de Covarrubias (1488-1570), né à Tolède, est formé par Enrique Engas qui construisit Hôpital de Santa Cruz de Tolède, dont Alonso exécutera la façade vers 1515. Après différentes constructions comme la chapelle royale de Tolède, il est nommé maitre d’œuvre de la Cathédrale de Tolède achevée dans la deuxième moitié du XVème siècle dan le Style Isabelin par Hannequin de Bruxelles, puis nommé Architecte de Alcazars Royaux. Il intervient dans la construction de nombreux édifices dont notamment à Tolède, capitale impériale, le Palais de l’Archevêché, et L’Hôpital de Tavera.
Hospital de Taverz ou Hôpital Juan Bautista) commandité par le cardinal Juan Pardo Tavera « ouvert pour ceux qui étaient "touchés par différentes maladies" » est dédié au tant à St Jean-Baptiste qu’à son commanditaire. Cet hôpital est considéré comme « le premier édifice totalement classique de Castille », quoiqu’il ait été précédé pour la façade du Colegio Santa Cruz de Valladolid (1491). « Cet hôpital, aujourd’hui important musée, a été commencé en 1541 et achevé en 1603 en englobant l’Hôpital de la Cruz (1515) attribué à Enrique Engas, il est reconnu comme étant de Covarrubias » (http://fr.fundacionmedinaceli.org/monumentos/hospital/index.aspx voir ci-dessus Hôpital de la Cruz)
« Sa construction, en 1540, ouvre le programme de rénovation architecturale et urbanistique que le cercle d'humanistes qui entourèrent l'Empereur Charles Quint projeta pour mettre l'image de Tolède en accord avec son rôle de Capitale Impériale. » (Ref. citée)
Rodrigo Gil de Hontañón (1500-1577), issu d’une famille de maîtres maçons de la région madrilène, sera formé par son père, Juan Gil avec qui il commence par travailler à la cathédrale de Salamanque. En 1525 Juan Gil prend en tant que maître d’œuvre la direction des travaux de la nouvelle cathédrale de Ségovie qui doit remplacer de l’ancienne cathédrale romane. A la mort de son père, l’année suivante, il prend sa succession. Écarté du chantier en 1529, il y revient travailler en 1542 jusqu’à sa mort et notamment terminer le chevet à chapelles rayonnantes. Il est enterré dans la cathédrale.
Entre temps, il a pu exprimer son goût pour l’architecture romaine en travaillant au Château de Monterrey à Salamanque, construit à partir de 1539 en collaboration avec Martìn de Santiago : Ouvertures encadrées de pilastre et surmontées de frontons, corniche courant sur la largeur de l’édifice, loggia au nouveau supérieur, triple arcature au sommet des tours, tout concours à un souci esthétique dans le goût italien. De même au Colegio Mayor Saint Ildefonse dont il entreprend les travaux en 1537 mais où pour la façade il revient à l’ornementation plateresque. (voir Architecture Plateresque). Il aura aussi travaillé à une façade du cloître de la Cathédrale de Saint Jacques de Compostelle.
Rodrigo Gil aura été une architecte des plus représentatifs de l’adaptation de la nouveauté classique à la tradition plateresque.
La sculpture espagnole du XVIème siècle est maniériste par l’exacerbation du réalisme, justement qualifié de « réalisme ardent », par la tension nerveuse des courbes et une surcharge des formes qui annoncent l’âge baroque pour ne pas dire qu’elles sont déjà ‘barroco’ L’art espagnol est d’ailleurs en son essence baroque.
Dans la première moitié du siècle, la sculpture s’est largement manifestée sur les façades, gisants, retables et bois polychromes en bas ou moyen relief mais non tant dans le rond-de-bosse. Comme pour l’architecture, à la fin du siècle, la Contre-Réforme imposera ses impératifs de clarté et de modération. Le retour à un classicisme, à une expression plus modéré des sentiments, sera la conséquence de la venue en Espagne de nombreux sculpteurs italiens appelés par l’austère Philippe II. D’ailleurs, les marbres arrivaient déjà sculptés d’Italie. (Architecture-Sculpture, Édit, Nathan).
Alonso Berruguete (1483/88 -c.1561), fils de Pedro (voir 1400. Espagne), né à Paredes de Neva (Castille) peintre et architecte, peut être considéré comme le grand sculpteur de la Renaissance Espagnole. Berruguete qui exerça aussi une activité de peintre en Italie entre 1506 et 1516 est donné de retour en Espagne en 1517(18/19).
En 1517, il est peintre de Charles-Quint à Saragosse. Mais déçu de ne pas recevoir d’importante commandes, en 1523, il s’établit à Valladolid où il ouvre un atelier international et engage nombre d’étrangers pour répondre aux importantes demandes des églises en quantité et en surface. Il se spécialise dans la sculpture sur bois. Il travaille à l’Alcazar de Madrid et à la cathédrale de Grenade où il mourra.
Il donne des œuvres dans un style inspiré des exacerbations des maniéristes italiens aussi bien que de la puissance expressive de Michel-Ange dont il découvrit les œuvres à Florence. Avec une certaine exubérance, son travail n’est pas éloigné de celui de Diego de Siloé, mais n’atteint pas le paroxysme des sculptures d’un Gaspar de Becerra (voir Peinture).
De son chef-d’œuvre, le Retable de San Benito, il ne reste que des morceaux. Ses « figurent peintes, allongées préfigure El Greco et par son expressionisme passionné. Son Sacrifice d’Abraham évoque Donatello plus que Michel-Ange » (Sculpture/Renaissance, Espagne, Édit Nathan 1971). Parmi ses meilleurs œuvres sculptées, on retient le grand retable du collège des Irlandais à Salamanque et des stalles côté épître de la cathédrale de Tolède, et le sépulcre du cardinal Sevagio à Saragosse.
Diego de Siloé (1495-1563), est d’abord formé par son père sculpteur flamand Gil de Siloé, actif en Espagne de 1486 à 1501 (Voir XVème s/Le Style Hispano-Flamand/ Sculpteurs). En 1512, il part parfaire sa formation à Naples où il travaille aux côtés de Bartolomé Ordóñez au retable de Caraccioli (1514-1515, San Giovanni a Carbonara).
Il revient dans sa ville natale castillane de Burgos en 1519 et prend la succession de son père. Il entre au service des évêques et du chapitre de la cathédrale.
Formé au classicisme de la Renaissance, il commence par réaliser l'escalier doré de la cathédrale, l’Escalera Dorada (Escalier Doré, 1519-23) puis le Retable de la Présentation pour lequel il est assisté d’un sculpteur d’origine bourguignonne, Philippe Bigarny (ou Felipe Vigarny voir France /Sculpture) qui travaillera aussi avec A. Beruguete au retable de Saragosse en 1519.
Sculpteur, ses œuvres maitresses sont le Tombeau de l'Évêque Acuña (1519) et l'ovale de La Sainte Famille avec Saint Jean.
Architecte, après avoir travaillé à la Cathédrale de Burgos, il prend en 1528 la succession d’ Enrique Engas (†1534) à la Cathédrale de Grenade où il travaillera essentiellement et y mourra. Il associe de façon originale une rotonde à un plan basilical, et apporte une rigueur classique et une sobriété plus grande dans les trois arches monumentales à deux niveaux, en renfoncement de la façade. Cet important édifice de la Renaissance Espagnole, servira de modèle enter autres pour la cathédrale de Málaga.
Le Monastère de San Geronimo de Grenade fut commencé en 1496 (1504 ?) par l’architecte florentin Jacobo Torni dit Florentino. Plusieurs architecte y travaillèrent.
Juan de Aragón, Juan Bautista Vázquez el Mozo, Pedro de Orea et Pablo de Rojas, les trois derniers de l'école grenadine. Après la mort deFlorentino en 1526
Diego achève l'abbatiale du Monastère . Il participe à la construction du Palais de la Chancellerie (1531-1587) en réalisant une façade très maniériste.
Juan de Aragón, Juan Bautista Vázquez el Mozo, Pedro de Orea et Pablo de Rojas, les trois derniers de l'école. grenadine.
Il meurt à Grenade en léguant tous ses biens aux pauvres.
« Sa sculpture est considérée comme le point culminant de la plateresque [ gothique+Mudéjar] de Burgos; sa cathédrale de Grenade est considérée comme le plus beau de tous les bâtiments plateresques et l'une des plus magnifiques de toutes les cathédrales ». (Encyclopedia Britannica)
Bartolomé Ordóñez (1490-1520) est natif de Burgos comme Diego de Siloé avec qui il collabora en 1517 à Naples au retable de la famille Caraccioli à L’église San Giovanni a Carbonara. En 1518, il est à Barcelone où il travaille aux stalles de la cathédrale.
Il aura en charge d’achever les tombeaux du cardinal Cisneros à Alcalá de Henares et ceux de Philippe Le Beau (†1506) et ante mortem (?) de Jeanne La Folle †1555, les parents de Charles Quint, à la Chapelle Royale (Capilla Real) de Grenade, commencés par Domenico Fancelli (voir Italie/Architecture) et que lui-même, mort prématurément n’aura pas le temps terminer. Mort à trente ans, il aura privé l’Espagne d’un de ses grands sculpteurs de la Renaissance.
Damiàn Forment (1480-1540), né à Valence, est issu d’une famille de sculpteurs. Il a été formé par son père Paul et par le sculpteur Jaime Vicente. Il pourrait avoir suivi une formation en Italie, ce qui expliquerait qu’il soit considéré comme un des premiers sinon le premier sculpteur à avoir introduit la Renaissance en Aragon. Mais l’influence italienne se fera mieux sentir chez Alonso Berrugete.
Actif dès 1504, il ouvre dans sa ville natale un atelier dont la production sera importante. Il s’installe avec son épouse à Sargosse en 1509 pour achever le retable en albâtre de la Basilique Notre-Dame du Pilier (Le Pilar). Il sculpte d’autres retables à Saragosse où il a ouvert un deuxième atelier. A Huesca, il réalise un retable pour la cathédrale pour lequel malgré l’exigence faite du respect de la tradition gothique, « il insiste sur la densité plastique des figures et la liberté des éléments décoratifs au nombre desquels son autoportrait et le portrait de sa femme entourés de feuillage représentant leur patronyme, blé et peuplier. » (La Sculpture, Le Maniérisme/Expression Espagnole, Édit Skira Genève 1987).
Il adopte le style Renaissance à partir de 1527, peut-être sous l’influence de ses assistants italiens avec qui il travailla à l’exécution de l’immense retable d’albâtre du monastère de Poblet en Catalogne ; Ce retable dont certains contestent l’attribution est à plusieurs niveaux : Premier niveau des scènes de la Passion incluses dans des niches ; au deuxième niveau dans trois autres niches profondes une Vierge à l’Enfant monumentale est entourée d’un évêque et d’une sainte ; au troisième niveau les Mystères Joyeux du Rosaire[7] avec quatre statues en saillie, surmontés du Christ et des apôtres. La Crucifixion couronne un ensemble où l’abondance du décor floral encadrant les niches ne laisse aucun repos à l’œil.
L’influence de Berrugete et son apport renaissant et certain. Apport qui sera encore plus marqué dans sa dernière grande œuvre à l’Église Sant Dominigo de Calzada (1537-1540) « où le bois doré, animé de décor profane à l’antique, permet d’assouplir les figures.» ( Ref. cit. La Sculpture).
A partir de 1442, le Royaume de Naples et le Royaume de Sicile, un temps réunis de 1442 à 1458 par Alphonse V d’Espagne sous le nom de Royaume de Deux Sicile, resteront sous la domination espagnole jusqu’au XVIIème siècle que ce soit par les rois d’Aragon ou par les rois Habsbourg d’Espagne, avant que Naples ne deviennent directement possession des Habsbourg d’Autriche. En 1458, la Sicile revient au frère d’Alphonse Jean II, roi d’Aragon et par alliance de Navarre ; Naples revient Ferdinand (ou Ferrante)1er, fils illégitime d’Alphonse V.
Entre l’Espagne et ces deux royaumes, les liens culturels furent étroitement liés aux liens politiques et les échanges se firent dans les deux sens. Le réformateur espagnol Juan de Valdès († 1541) inquiété par l’inquisition espagnole se refugiera tout naturellement à Naples où il mourra (Voir T1/Réforme /Espagne). Les artistes espagnols se rendaient à Naples et dans d’autres cours de la péninsule et revenaient acquis aux nouveautés de la Renaissance. A partir de 1580, Philippe II fera venir des peintres italiens dont entre autres ,en 1567, le peintre, sculpteur et architecte annonciateur du Baroque, Giovanni Battista Castello (1500/09-1569/79) né près de Bergame (8 Nord Lombardie) d’où son surnom de Il Bergamasco (le Bergamasque) qui travaillait auparavant à Gênes et qui assumera la charge d’Architecte des Palais Royaux. Selon les sources, il meurt deux ou dix ans plus tard.
Juan de Villoldo est probablement né vers 1516 et serait mort entre 1562 et 1570. On a aucun document direct sur son lieu et sa date de naissance. Un document administratif daté 1548 lui donne 32 ans. Il est formé par son oncle le peintre Perez de Villoldo qui fut longtemps l’assistant de Juan de Borgoña (voir 1400/Espagne), notamment en 1498 dans le cloître de la cathédrale de Tolède et à la Chapelle Arabe de la cathédrale de Tolède en 1508. Le critique d’art Ceán Bermúdez (†1829) n’ayant semble-t-il pas fait la distinction entre les deux Villoldo, ce qui laissent interrogatives certaines sources. Pour la concordance des travaux de l’un et de l’autre.
En 1540, Juan se rend à Madrid où il reçoit de nombreuses commandes. A partir de 1547, dans la cathédrale, il peint dans la grande chapelle que l’évêque de Plaisance avait faite construire. En dix ans, il aura exécuté pas moins de quarante grandes fresques qui établirent définitivement sa réputation.
Bien qu’il ne garde pas la renommée d’un Greco ou d’un Becerra, Juan de Villoldo reste un peintre important de la Renaissance Espagnole dont les œuvres, nombreuses pour des monastères, montrent une étude approfondie de la nature. Sans doute parce que sa peinture ne fait pas référence à l’École Florentine et ne fait pas usage du clair-obscur, sa renommée est restée locale. Ses compostions, bien équilibrées n’en montrent pas moins une forte imagination créatrice.
Gaspar Becerra (1520-1568), né à Baeza, près de Jaén, est fils d’un peintre modeste. Il part très jeune pour l’Italie où il travaille aux côtés de Michel-Ange, de Vasari avec qui il collabore en 1546, à la décoration à Rome du Palais de la Chancellerie (apostolique) et avec Volterra (voir Michel-Ange) au décor de la Chapelle Rovere (église Sainte Trinité du Mont).
Il revient en 1557 en Espagne où on apprécie fortement sa manière très marquée par les fortes musculatures de Michel-Ange. Également sculpteurs, son talent est reconnu après son exécution du retable du maitre-autel de la cathédrale d'Astorga (1558 -62).
En 1562, il entre au service de Philippe II qui le fait participer au décor à fresque de l’Alcazar de Madrid et au Palais du Prado où il donne en 9 scènes l’histoire de La Fable de Persée fortement inspirée de celles de la Sixtine. En 1563, il est nommé peintre du roi et travaille en collaboration avec Le Bergamasque. Son œuvre est très influencée par Michel-Ange.
Outre le Retable d’Astorga, on lui doit notamment le retable du Monastère des Desclazas Reales de Madrid et le peintures de la Tour de la Reine au Palais du Prado.
Juan Fernandez Navarette (ou de Navarre, 1538-1579), dit El Mudo (Le Muet, il était aussi sourd) est le peintre le plus important du règne de Philippe II. Les hiéronymites du monastère de La Estrella (Navarre) l'aident à entreprendre son voyage en Italie : Rome, Florence, Naples et surtout Venise où il a pu travailler dans l’atelier du Titien.
Il a été actif à l’Escurial dans la période de la Contre-Réforme
à partir de 1568. Il y travaillera jusqu’à sa mort quelque dix ans plus tard. Il introduit des nouveautés vénitiennes de style et de technique. On l’a d’ailleurs appelé le ‘Titien Espagnol’. Mais son clair-obscur ou plutôt son ténébrisme est directement influencé par celui du Tintoret. Ses ‘nocturnes’ (voir notes page 343) sont traversés d’éclairs et les visages baignent dans la lumière des torches. Très apprécié de Philippe II, il sera nommé Peintre du Roi avec toujours la rente qui s’en suit. Sur les 72 retables en cours, il n’en aura achevé que 8 avant sa mort. Sa peinture est du niveau de celle d’un Ribera, d’un Vélasquez, d’un Murillo.
Domenico Theotopoulos dit El Greco (1541-1614) est né à Héraklion en Crète alors sous domination espagnole. Il reçoit une formation de peintre d’icône, traditionnelle pour un peintre byzantin. On conserve de cette période La Dormition de la Vierge à l’église de la Dormition sur l’île de Syros. Entre 1567 et 76, il séjourne en Italie, d’abord à Venise dans l’atelier du Titien. Mais il aura surtout été marqué par les manières de Jacopo Bassano et du Tintoret (Voir Maniérisme Vénitien). Il est à Rome en 1570 où s’il n’a aucune attirance pour le peinture Michel-Ange d’une esthétique opposée à celle qu’il a acquise à Venise, mais il admire le sculpteur pour son sens de la monumentalité.
Ayant été informé qu’un grand chantier était ouvert pour la décoration de l’Escurial, il serait venu s’installer à Madrid après 1576 à 35 ans passé. Un an plus tard, il reçoit la commande d’un retable pour le monastère Santo Domingo el Antiguo à Tolède où son fils naturel Jorge-Manuel nait en 1578 Il ne s’installera définitivement à Tolède qu’en 1585 où il mourra à l’âge de 73 ans.
Sa peinture que l’on juge trop vive, trop « excentrique », ne répond pas aux codes esthétiques de la Contre-Réforme et plusieurs de ses tableaux commandés par Philippe II sont rejetés comme Le Martyre de Saint Maurice (1582).
En 1586, il reçoit la commande par l’Église Santo Tomé de Tolède, de son œuvre la plus connue L’Enterrement du Comte d’Orgaz, scène à la fois religieuse pour sa portée spirituelle et scène historique : il s’agit de l’enterrement de don Gonzalo Ruiz de Toledo, seigneur de la ville d'Orgaz. On voit Saint Augustin et Saint Étienne descendre pour porter le mort au tombeau, selon les indications précises du commanditaire. Contorsion des formes, profusion des personnages, allongement des figures, atmosphère d’irréalité, opposition entre la lumière qui dans la partie supérieure éclaire les anges, le Christ, et l’obscurité de la partie inférieure dans laquelle baigne l‘enterrement du corps entouré au premier plan des saints, du clergé, du fils du peintre, et en arrière plan de toute la noblesse, dont Philippe II au centre et le peintre à sa gauche. Tout concours à faire de cette œuvre plus qu’une œuvre maniériste, une œuvre ‘’déjà’’ baroque.
A partir de 1595, « Sa peinture n'est plus alors composée que d'ébauches colorées et coups de brosse qui montrent une liberté créative rarement atteinte dans l'histoire de l'art. El Greco, de par ce style abouti, va devenir le fondateur de l'école picturale espagnole, révélant ses priorités : une peinture où la tache de couleur prime sur la ligne (la peinture par rapport au tracé), une mise en avant de l'essentiel dans la composition et une austérité chromatique qui va même parfois jusqu'à la monochromie. »
(http://www.moreeuw.com/histoire-art/biographie-el-greco.htm)
El Greco a apporté une autre nouveauté à l’Espagne, le fonctionnement de son atelier et la façon qu’il avait de commercialiser son œuvre. En 1580, face à un nombre important de commandes, il emploie de nombreux assistants qui, pour satisfaire aux couvents, aux églises et aux particuliers, vont reproduire en série les mêmes thèmes d’un catalogue bien établi. Il exécutait la tête de série que ses assistants reproduisaient. L'Expolio (1581-86, Le Partage de la Tunique du Christ) est le tableau le plus connu de cette production : un tableau autographe suivi de plusieurs copies en série.
Autre nouveauté, toujours dans ce même esprit de reproduction d’une œuvre et sa commercialisation, le recours, au début du XVIIème siècle, à la gravure, procédé plus rapide d’exécution qu’un tableau et facilement diffusable. Son graveur fut le flamand Diego de Astor. Les œuvres gravées des peintres de renom étaient largement diffusées en Europe, particulièrement dans le Nord.
El Greco est la grande figure de la peinture du XVIème siècle espagnol. De l’art byzantin dans lequel il a baigné toute son enfance, il retient le hiératisme, l’économie de moyens, le sens du sacré ; de l’art italien, et particulièrement de l’art vénitien, il apprend l’essentiel de l’art pictural : le placement des formes qui rend la sensation spatiale, les variations de tons qui fait le jeu de la lumière ; au style maniériste, il emprunte la sinuosité, l’effet de surprise dans la composition, les ‘dissonances’ chromatiques qui traduisent si bien son tempérament fiévreux, son ardeur spirituelle. C’est par cette quête intérieure que le Greco intégrera l’esprit religieux espagnol et en deviendra la figure de proue. C’est l’époque de Sainte Thérèse d’Avila qui séjourna à Tolède et de Saint Jean de La Croix (1591) qui y aura été emprisonné. C’est cette Espagne mystique qui nourrit la peinture du Greco. Ascètes et saints peuplent son univers pictural.
« La recherche de ce peintre très original ne s'oriente pas vers la représentation idéalisée de la nature, la beauté classique de Raphaël et de Michel-Ange. Il s'agit de suggérer une intériorité inquiète avec des couleurs pures (rouge, jaune), sur fond sombre, et une lumière semblant provenir de l'au-delà. » (Rivage de Bohème)
Si son influence est certaine sur Vélasquez et Goya, son œuvre, considérée comme par trop « bizarre », n’ira pas sans un certain rejet jusqu’au Romantisme et au Néoclassicisme compris. Sa valeur ne sera vraiment reconnue que par les peintres du début du XXème siècle, notamment par Picasso, et révélée au public par l’ouvrage de l’écrivain Maurice Barrès, Greco ou le Secret de Tolède paru en 1910, la même année où s’ouvre à Tolède le musée qui lui est consacré . Parmi ses principales œuvres : Le Chevalier à la Main sur la Poitrine (1570-80) - La Anunciación (1572) -L’Espolio (1577-79)- L'Allégorie de la Sainte Ligue ou le Triomphe du nom de Jésus (1578)- Una Fábula (1580)- Le Martyr de Saint Maurice (1582) - L’Enterrement du Conte d’Orgaz (1586) - Vue de Tolède (1599) - L’Ouverture du Cinquième Sceau de l’Apocalypse ou La Vision de Saint Jean (1610-14) - La mort de Laocoon (1614), sa seule œuvre mythologique.
NOTES
[1] Lignum crucis de Sainte Hélène, la Croix en Bois de Ste Hélène : L’invention (la découverte) de la Vraie Croix a été ou aurait été faite par Hélène, mère de l’empereur Constantin qui officialisa le christianisme, plus exactement la branche minoritaire de Rome au premier Concile de Nicée qu’il décida lui-même en 325, faisant des autres branches du christianisme, les arianistes alors majoritaires, les nestoriens et autres monophysites ou eutychiens tous des hérétiques.
[2] Le candélabre désigne un motif ornemental fait de divers éléments (vases, masques, palmettes, feuillages, rinceaux, objets divers…) superposés symétriquement le long d'un axe vertical. Ce motif ascendant est courant dans le style renaissance (Jean Delumeau, La Renaissance, Seuil, 1996).
[3] Contrairement à ce qu’indiquent certaines sources, cette chapelle Ildephonse, à l’abside, ne contient pas le tombeau du Cardinal Cisneros mais celui au centre du Cardinal Gil Carrillo de Albornoz (†1364), légat pontifical, ministre de Alfonso XI et fondateur du Collège Español de Bolonia. (sur les différentes chapelles voir https://www.catedralprimada.es/fr/info/capillas/ capilla-mayor/)
[4] A ne pas confondre avec Diego Hurtado de Mendoza y Lemos (1468-1536) deuxième fils du cardinal Pedro González de Mendoza, comte de Melito, ni avec Diego Hurtado de Mendoza y Pacheco (1503-1575), poète et diplomate, proche de Ste Thérèse d’Avila et qui pourrait être l’auteur de La Vie de Lazarillo de Tormes ( Voir Renaissance/Littérature / Espagne). Ne pas confondre non plus Íñigo López de Mendoza y Quiñones, frère de Diego Hurtado avec Íñigo López de Mendoza y de la Vega, marquis de Santillane (1398-1458) dont Pedro González de Mendoza (1428_1495) est le cinquième enfant.
[5]Étymologiquement Salamanque vient du grec salamanca qui désignerait les arts divinatoires ; la nécromancie (divination par l'évocation des morts) étant une pratique traditionnelle dans cette ville…
[6] Nombre de sources le disent inspiré du maniériste naissant en Italie (?).
[7] Certaines sources indiquent qu’il aurait travaillé pour Michel-Ange. Celui-ci n’a travaillé au palais qu’après la mort de Sangallo en 1567.
[8] Architecture et Sculpture vol. 3 Page 372, Éditions Fernand Nathan 1971
[9] Avec les Mystères Lumineux, Douloureux, Glorieux, les Mystères Joyeux forment quatre groupes de méditations ou prières consacrées à la Vierge et comprenant chacun cinq mystères ; soit au total vingt mystères ou prières du Rosaire. On prie un Mystère par jour du chapelet du rosaire. Le rosaire étant la guirlande de roses dont les représentations mariales couronnent la Vierge Marie.
LA RENAISSANCE ARTISTIQUE AU PORTUGAL
Introduction - Architecture et Sculpture - Peinture
Les Portugais avaient été les premiers à s’engager à la fin du Bas Moyen-âge dans les explorations maritimes. Henri le Navigateur (1396-1460), fils du roi du Portugal Jean le Grand (1357-1385-1433) et grand maître des Chevaliers de l’Ordre du Christ (ordre successeur des Hospitaliers, Voir Tome 1/Les Croisades) avait le premier pris l’initiative des Grands Voyages (voir T2/ V1/Introduction)
Le Portugal, conquérant des mers, atteint alors le faîte de sa puissance au XVIème siècle. Des monceaux d’or provenant des territoires colonisés sont investis dans un vaste programme de constructions et de rénovations d’édifices religieux tout au long des trois périodes stylistiques qui correspondent aux règnes de trois rois :
Celui d’abord de Manuel 1er dit Le Valeureux règne de 1495 à 1521. Il se faisait appeler « Roi du Portugal et des Algarves, d’En-deçà et d’Au-delà des Mers ». Il se positionne comme un nouvel empereur digne d’un César de l’antiquité Romaine à la tête d’un empire colonial. Se prétendant le Premier Propagateur de la Foi, il établit un vaste programme politico-culturel au sein duquel la figure royale est centrale. Il entreprend la rénovation et la construction de monastères, cathédrales et églises.
Son fils, João (Jean III dit Le Pieu) lui succède en 1521 et meurt en 1557. Il poursuit la politique de son père. Les liens entre Portugal et Espagne sont étroits. Manuel a épousé Marie d’Aragon, fille des Rois Catholique. João épouse en 1525 Catherine de Castille, la sœur de Charles Quint qui fut longtemps enfermée avec sa mère Jeanne La Folle, retenue, elle, enfermée de 1509 à sa mort 1555 par son père Ferdinand II le Catholique (†1516) et par son fils ensuite Charles-Quint qui n’ira jamais la voir. La fille du couple royal portugais, Marie-Manuelle du Portugal, épouse en 1543 le fils de Charles Quint, Philippe, roi d’Espagne de 1555 à sa mort en 1598.
João-Manuel, fils de João III, se marie avec l’archiduchesse Jeanne d'Autriche (Jeanne de Habsbourg). Fille de Charles-Quint et de Isabelle du Portugal,celle-ci gouvernera l’Espagne entre 1554 et 1559, en l’absence du roi Philippe II. João-Manuel, né en 1537, meurt avant son père en 1554. Mais de Jeanne d’Autriche, il a eu un fils, Sébastian né en 1554 et roi en 1557 à la mort de son grand-père Charles-Quint ayant arbitré entre sa sœur Catherine et sa fille Jeanne, c’est Catherine qui assure la Régence jusqu’en 1562. Sébastian 1er meurt en 1578 à la Bataille des Trois Rois, à Ksar El Kébir lors de sa tentative d’invasion du Maroc. Plus qu’une défaite militaire, un effondrement de la suprématie portugaise. Le royaume est ruiné mais doit financer la rançon de milliers de prisonniers. Un conflit de succession va suivre mettant en conflit de nombreux prétendants à la couronne et parmi eux français et anglais, mais aussi de faux Sébastian, le corps du roi n’ayant pas été retrouvé. Malgré le très bref règne du dernier roi de la dynastie des Aviz, Henri 1er, oncle de Sébastian et cardinal sans descendance, cette période de profond désordre politique conduira à l’Union Ibérique par le rattachement du Portugal à l’Espagne en 1580 par Philippe II (†1598) qui se fait roi du Portugal sous le nom de Philippe 1er du Portugal.
Le Portugal sera pendant plus d’un demi-siècle sous gouvernance espagnole, jusqu’à la Guerre de 1640 par laquelle le pays reconquerra son indépendance et une partie de ses colonies dont nombreuses ont été perdues lors de la guerre entre l’Angleterre et l’Espagne (Événements Majeurs. L’Invincible Armada 1588) et l’expansion maritime des Hollandais (Compagnie néerlandaise des Indes occidentales).
Au Style Plateresque d’Espagne correspond au Portugal le Style Manuélin, nom qui sera donné au XIXème siècle à cet art de la décoration murale. Sous le règne des grandes découvertes, celui de Manuel 1er (1469-1521) dit Le Valeureux ou Le Fortuné, qui donnera son nom au style, l’architecture reste traditionnelle dans ses structures toujours gothiques voire romanes. Mais c’est au plan ornemental, que le Portugal va trouver son originalité en développant à l’excès une décoration. Les architectes-sculpteurs les plus représentatifs de l’Art Manuélin ont souvent travaillé de concert et souvent sur différents chantiers en même temps. Il s’agit d’une période très riche en développement architectural et ornemental. L’ornementation va puiser sont inspiration à différentes sources. Aux motifs traditionnels mudéjars et mozarabes, va être progressivement substituée une abondance décorative inspirée des thèmes maritimes et de la faune et flore des régions découvertes mais aussi empruntés aux pays colonisés. Et vont aussi être adoptés petit à petit des motifs végétaux, ceux des lombards qu’ont apportés par des sculpteurs français, probablement venus de chantiers de Rouen et du Château de Gaillon (Eure, Normandie).
La référence à l’architecture indienne que Mateus Fernandes (†1515) donne au portail monumental du Monastère de Balatha (Monastère Santa Maria da Vitória) est sans doute la première véritable manifestation du style nouveau ouvert au nouveau monde.
Sous le règne de Jean II (†1495) auquel succèdera son cousin et beau-frère Manuel, Diogo Boitac (1460-1528), gendre de Fernandes construit à partir de 1490 l’église du Monastère de Jésus au sud du pays, à Setúbal sur une élévation d’église-halle (même hauteur des trois nefs). Ses piliers sont torsadés et les arc et nervures de ses voûtes présentent un motif de cordage, motif qui sera repris dans tout le pays. Un autre motif maritime est la sphère armillaire[1] qui apparaît à La Tour de Belém, chef-d’œuvre du Style Manuélin, construite ente 1515 et 1519, près de Lisbonne, sous Manuel 1er par Francisco de Arruda (†1547). Aux contreforts de cette même tour, le décor de grotesques manifeste déjà une influence italienne.
Diego de Arruda (1470-1531), frère de Francisco réalise lui la fameuse Fenêtre au Couvent du Christ à Tomar.
Diogo Boitac construit de 1501/02 à 1516 sans doute le monument le plus imposant du Portugal, le Monastère des Hiéronymites à Belém. João de Castilho (1470-1553) prend sa suite en 1520.
Les sculpteurs Diego de Castilho (1490-1574), frère de João, Jean de Rouen, le plus renaissant d’entre eux et Nicolas Chantereine œuvreront en étroite collaboration avec ces architectes au décor des grands édifices religieux et civils.
On peut noter que selon Pedro Dias in L’art Manuélin, (Kindle Edition MWNF 2017)
« dans cette décoration [manuéline] féérique n’est pas fait référence explicite à l’expansion portugaise et aux Découvertes. Les cordages qui enflammèrent la fantaisie des historiens de l’art d’autrefois, apparaissent aussi bien sur les bateaux que sur les chars à bœufs ; les ancres que les architectes du néo-manuélin du 19ème siècle reprirent sur tant de façades ne se trouvent sur aucune construction vraiment manuéline ; les voiles ne sont que dans l’imagination d’auteurs peu attentifs à la réalité ».
Le monastère commence à être édifié à partir de 1386 pour célébrer à la bataille d'Aljubarrota la victoire anglo-portugaise sur les troupes du roi Juan 1er de Castille, victoire qui ôte à la Castille toute prétention à la couronne portugaise et confirme Jean 1er sur le trône. Sa construction s’étalera sur deux cents ans. Comme le Mosteiro Santa Maria de Alcobaça, il est de style gothique, plutôt rare au Portugal qui ne viendra que tardivement au Gothique Tardif, fidèle qu’il a longtemps été au Roman, contrairement à sa voisine l’Espagne. Mais alors que le monastère d’Alcobaça reste sobre, celui de Batalha donne ’déjà’ une place importante à la décoration. Sous le règne de Jean Iᵉʳ, (1357-1433), le premier architecte, Afonso Domingues, lui donne sa structure de gothique rayonnant, puis Maître David Huguet (catalan ou français ?) prendra sa suite entre 1402 et 1438, époque où le Portugal est la plus grande puissance maritime au monde.
Les toutes premières manifestations de ce qui sera l’art manuélin apparaissent sur les Chapelles Imparfaites, une rotonde funéraire en forme d’octogone commencées sous le règne d’Édouard 1er (1391- 1433-1438), fils de João 1er et restées inachevées.
Mateus Fernandes le Vieux poursuivra les travaux à partir de 1490 jusqu’à sa mort en 1515. On lui doit notamment le portail monumental de la rotonde et les remplages des arcades du cloître royal, en collaboration avec Boytac qui travaille en parallèle au Monastère des Hiéronymites de Belém.
La construction du Mosteiro Santa Maria de Alcobaça, entre Lisbonne et Porto, fut commencée en 1178 par les moines cisterciens venus de France sous le règne du premier roi du Portugal, Alfonso Henriques. Il revêt encore pour l’essentiel les aspects caractéristiques de l’ordre. La façade de son église, L’Église de la Real Abadia de Santa Maria de Alcobaça a été rénovée dans le Style Baroque au XVIIIème siècle mais conserve une rosace gothique. Mateus Fernandes en est maitre d’œuvre en 1502. Il a été reconnu comme septième merveille du Portugal et l’Unesco l’inscrit en 1989 au patrimoine de l’humanité.
João de Castilho (1470-1552) réalise la porte de la sacristie de l’église du monastère, une de ces portes manuélines qui se caractérisent par « des arcs en accolades ou en étoile, des candélabres [voir note page 495] lombards, des colonnettes torses, des troncs ébranchés » (Architecture-Sculpture, Renaissance, Éditions F. Nathan 1971)
Le couvent renferme les tombes du roi Pedro 1er (1320-1367) et d’Inès de Castro dont les amours tragiques ont suscité de nombreuses œuvres littéraires, notamment, au Portugal, le poète Luis Camões (1525-1580) l’évoque dans les Lusiades et en France Henri de Montherlant (1895-1972) en a fait le sujet de sa pièce La Reine Morte écrite en 1942.
L’Art Manuélin se manifeste à l’étage supérieur du cloître. Il est appelé Cloître du Silence construit lui entre 1308 et 1311, sous le règne du roi Dinis. Il tient son nom de l’interdiction qui ait faite d’y parler. En cette période, le couvent qui a toujours était un centre culturel important, ouvre une imprimerie ; peinture et sculpture s’y développent. La première histoire du Portugal y est écrite.
En 1502, à l’embouchure du Tage, près de la tour commémorative de l’expédition de Vasco de Gama, à l’emplacement de l’Ermida do Restelo, la chapelle où Vasco de Gama et son équipage passèrent des heures à prier avant d’entamer leur voyage », est entreprise la construction du pharaonique Monastère des Hiéronymites de Belém par l’architecte sans doute d’origine française Diego Boytac Si la structure reste dans le Style Gothique Tardif, l’ornementation qu’il y apporte avec des motifs de végétaux le fait considérer par certains comme l’initiateur du Style Manuélin bien que les apports nouveaux de son aîné Mateus Fernandes avec qui il a travaillé au Monastère de Balatha peuvent donner à ce dernier l’antériorité.
Diego Boitac ou Boitaca (1460-1528) avait auparavant construit l’Église du Monastère de Setúbal, au sud-est de Lisbonne, à laquelle il avait donné la forme d’une église-halle (même hauteur des bas-côtés et de la nef). Il travaillera au monastère jusqu’en 1516 puis ira œuvrer sur d’autres chantiers commandités par le roi. Il a pu être appelé pour la réalisation de la riche décoration de La Tour de Belém, dans laquelle l’influence mauresque se fait sentir. La tour est construite entre 1514 et 1519/21 par l’architecte militaire Francisco de Arruda (†1547) pour protéger l’entrée de l’embouchure du fleuve et la capitale.
João de Castilho (1470-1552) construisit les cloîtres et nouveaux bâtiments monastiques sous João III Il était en1515 maître d'œuvre du Couvent de l'Ordre du Christ de Tomar et de l’ensemble des rénovations manuélines avant de rejoindre Boytaca à Belém.
En 1517/20, il prend la suite de Boytac au monastère. Il rajoute au niveau inférieur du cloître qui entoure la cour, devant les arcatures géminées au jeu complexe de remplages et supportées par des colonnettes décorées construite par Boytac, des voûtes-porches en arc surbaissé reposant sur de solides contreforts. Au niveau supérieur, il reprend mais allégées les arcatures géminées. Il arrondit les contreforts ornés de moulures torses contenant un motif d’oves, les fait devancer par des personnages religieux sous dais, et les surmontent de pinacles donnant l’illusion de torchères. Garde-corps et écoinçons sont surchargés de motifs végétaux, fruits, guirlandes…. L’ensemble de la surface bâtie en calcaire très clair ne laisse aucune place au repos de l’œil tant elle est ornée. Ce cloître est représentatif de l’Art Manuélin.
Cette décoration est d’inspiration lombarde sur le modèle de la Première Renaissance, premiers signes de l’influence italienne. Cette influence lombarde, aux fins motifs décoratifs, a sans doute été amenée par les sculpteurs français ayant travaillé au Château du Gaillon, comme Jean de Rouen (João de Ruão, 1480/1500 ? - 1580). A Tomar où il construit en 1515 la fameuse fenêtre typiquement manuéline du couvent, il ne fut pas insensible comme à Belém à l'influence italienne. Le travail s’est poursuivi au cours de la seconde moitié du XVIe siècle.
Il décore également la nef de l’Église Santa Maria du Monastère des Hiéronymites construite par Boytac. Les nervures en étoiles des voûtes reposent en descendant en palmiers sur des colonnettes latérales à pan coupés, richement décorés. Cette église conserve les tombeaux de Vasco de Gama (1469-1524, voir Événement Majeurs), du poète Luís Vaz de Camões, (dit Le Camoëns, 1525-1580, voir Littérature), de Marie d’Aragon (1482-1517), fille des Rois Catholiques, épouse de Manuel 1er, de Jean III (1502-1557), fils de Manuel 1er auquel il succéda en 1521, et, véritable nécropole, les membres de la famille royale. Dans une partie du cloître se trouve le tombeau du poète Fernando Pessoa (1888-1935).
Nicolas de Chantereine ou Chanterene (1470 - 1551), sans doute originaire de l’Est de la France arrive au Portugal en 1517 après avoir parfait sa formation en Italie. Il fait partie avec Jean de Rouen, Jean Longuin et Philippe Oudart - qui apporte au Portugal la nueva maniera avec sa Cène en terre cuite à l’Église de Santa Cruz - de ces sculpteurs français arrivés au Portugal dès le premier quart du XVIème siècle (Deshoulières François Les Sculpteurs Français au Portugal, Persée 1993) .
Nicolas commence aussitôt à travailler à Bélem où on lui doit le portail de l’Église Santa Maria. Il se rend ensuite en 1518 à Coimbra où il travaillera au Monastère de La Sainte Croix. En 1528, il sculpte les figures de la façade de l’Église Santa Cruz dont Diogo de Castilho, frère de João, a dessiné les plans. Ils travailleront en collaboration une bonne partie de leur vie active. Chantereine réalise aussi les tombeaux de Sanchez 1er roi du Portugal de 1189 à 1211, et de Alphonse Henriques dit le Conquérant, comte puis premier roi du Portugal de 1139 à sa mort en 1185. Il sculpte les stalles en bois dans un style renaissance. Il réalisera en 1534 à Sintra (nord de Lisbonne) un remarquable retable en albâtre pour l’église du Monastère de Notre-Dame de Pénade. Entre 1536 et 1540, à Evora où Juan III a établi sa capitale en 1531, il exécutera trois monuments funéraires.
Diego de Casthiho (1490-1574) frère cadet João, originaire comme lui de la Cantabrie (extrême nord est de l’Espagne, Bilbao) va travailler avec son frère ainé à Bélem, avant d’être appelé en 1524 à Coimbra, grand centre culturel, par le roi Jean III qui venait d’ordonner la reconstruction du Monastère de Santa Cruz et la construction des collèges religieux, celui de Saint Jérôme et celui des Arts. Le roi le nommera en 1524 Maître du Palais Royal[2].
Architecte autant que sculpteur, en 1530, Diego rénove le chœur de l’église du monastère et lui donne une voute en étoile. Il commence la reconstruction des voûtes de la nef. « Ce fut sa dernière œuvre d'inspiration gothique, puisqu'à partir de ce moment-là, il s'est converti au classicisme ». (https://www.infopedia.pt/$diogo-de-castilho). Diego travaillera également au palais royal, à la célèbre université de Coimbra et au Collège Saint Jérôme. Il est un des architectes et sculpteurs de cette période qui s’orientera le plus vers le Style Renaissance.
Jean de Rouen (João de Ruão, actif de 1520 à 1572), sculpteur formé à Rouen dans les derniers achèvements de la Cathédrale Notre-Dame (voir Tome 1/Art Roman) dont la fameuse Tour de Beurre [3], arrive à Coimbra en 1517, appelé par Manuel 1er. Il travaillera toute sa carrière en collaboration avec Diogo de Castilho, frère de João. Il est actif au centre du pays à Coimbra de 1530 à 1580 où il rénove la Porta Especiosa de la Cathédrale Vielle et sculpte le retable. Après 1550, il sculpte le retable de La Guarda en calcaire de Ança (non loin de Coïmbra), calcaire blanc, particulièrement lumineux sous le soleil et qui a été employé dans à la plupart des édifices de cette période. Ces deux retables sont de facture nettement italienne. Avec Diogo il travaillera à la construction du Monastère Serra do Pilar à Vila Nova de Gaia (près de Porto). On lui doit également, notamment, le retable de Jean-Baptiste au couvent de Celas en Galice et dans un style plus sévère, de 1559 à 1565, la décoration de la Chapelle du Trésorier à l'Église de São Domingos à Lisbonne, reconstruite en 1536 après son effondrement lors du tremblement de terre de 1531. En 1530, Jean de Rouen exécute la chaire, très réputée, de Santa Cruz à Coimbra. Une autre de ses pièces maitresses est le Retábulo du Couvent de Santa Clara (1540-1550, Coimbra)
« Le Normand Jean de Rouen établit à Coimbra le plus dynamique atelier de sculpture du Portugal au XVIe s. Travaillant toujours le calcaire régional, sa production se distingua par un traitement anatomique du corps associé à des motifs ornementaux issus de plusieurs sources, allant de pair avec un exercice scientifique de perspective et une spatialité en accord avec les bases théoriques de l’Humanisme chrétien. » (Colloque Jehan de Rouen, http://equipe-histara-ephe.fr/atelier - jean -de-rouen)
« Son travail est généralement divisé en deux phases distinctes, avec une expression classique et une harmonie prédominante dans la première (1530-1540); le second a une plus grande austérité (depuis 1540). Son premier travail documenté au Portugal était le portail Renaissance de l'église de l'église Matriz d'Atalaia do Ribatejo. En plus de la sculpture, il a réalisé d'importants travaux architecturaux tels que la Porta Especiosa da Sé Velha; le cloître Manga (monastère de Santa Cruz); ou la chapelle du trésorier (pour l'église de São Domingos de Coimbra,) » (Portuguese Art from Past to Present, https:// aarteemportugal.blogspot.com/2018/12/joao-de-ruao-1500-1580.html.)
A la même période, le peintre Vasco Fernandes (Grão Vasco 1475-1542) peint quatre retables pour le monastère, mais dont il ne reste que le Pentecôte.
L’Église fortifiée a été construite au milieu du XIIème siècle par les templiers qui en avait fait la place forte la plus sophistiquée du royaume. Elle résista aux assauts du célèbre calife berbère Abu Yusuf Yaqub dit " Al-Mansour ", le ‘’Victorieux’’. C’est une imbrication de 7 cloîtres au milieu desquels se trouve la Charola, une splendide chapelle octogonale de style byzantin décorée d’or et de fresques datant du XIIIème siècle. Elle s’est vue rajouter une nef sous Henri le Navigateur (†1460). Manuel 1er la fait refaire par Diego de Arruda (1470-1531) entre 1510 et 1513. Elle est à deux niveaux. Le niveau inférieur appelé sacristie contient sur sa façade la fameuse fenêtre typiquement manuéline, construite par lui. João de Castilho a pris la relève en 1515. Diego de Arruda travaillera aussi aux palais royaux notamment celui d’Évora. En 1525, Jean III le nommera architecte des Palais Royaux.
Diogo de Torralva (1500-1566) reprend les travaux du cloître principal, le Claustro dos Felipes (cloître des Philippes) quand, en 1557, Catherine de Castille (†1578), sœur de Charles-Quint devient régente du Portugal. Le cloître est achevé à la fin du siècle sous le règne de son neveu, roi d’Espagne, Philippe II d’Espagne (†1598, roi du Portugal en 1580 sous le nom Philippe 1er du Portugal). Les façades sont rythmées par une ordonnance d’ouvertures serliennes (palladiennes) sur deux niveaux d’ordres, le toscan et au-dessus le corinthien. . C’est un renouvellement architectural en opposition avec le Style Manuélin.
Diogo, sans doute originaire d’Espagne, épousera la fille de l’architecte Francisco de Arruda. A Évora où vit sa belle-famille et ou João III a établi sa cour en 1531, il a construit l'église Nossa Senhora entre 1531 et 1537 du couvent de Graça dont « la façade est « michelangélesque par sa puissance et aussi par sa fantaisie baroque » (Émile Bertaux). Elle comprend un portique à pilastres et à colonnes, un décor de grands disques de part et d'autre de la niche centrale et, aux angles, des géants que surmontent des sphères. » ( Encyclopedia Universalis.)
Le Couvent du Christ comprend 6 autres cloitres : Claustro da Lavagem (cloître de lavage), Claustro do Cemitério (cloître du cimetière), Claustro da Hospedaria (cloître de l'Hôtellerie), claustro de cuervos (cloître des corbeaux) Claustro das Necessárias (cloître des nécessaires), Claustro da Micha (cloître de Micha). Un cloître n’est pas seulement un espace ouvert entouré d’un préau, il réunit les salles fonctionnelles et permet leur communication entre elles. Chaque cloître a donc une fonction précise au sein de la vie du monastère. Diego de Torralva aura été un des architectes qui, au Portugal, aura le plus imprégné le pays de l’esprit de la Renaissance Classique.
« La part des maîtres flamands dans cet apogée de la peinture portugaise fut importante. [Les relations commerciales et diplomatiques étaient très importantes entre Portugal et Flandre]. En 1425, Jan Van Eyck se rend au Portugal pour faire le portrait de la princesse Isabelle, future épouse de Philippe II le Bel. La duchesse de Bourgogne offre au monastère de Batalha, panthéon royal, untriptyque de Rogier van der Weyden, aujourd’hui disparu… L’admiration pour l’art des Flandres se généralise au tournant du XVIe siècle ; on l’observe dans l’importation croissante de peintures, qui atteint parfois un niveau impressionnant, comme par exemple avec le retable de la cathédrale d’Évora [1495], Certains des principaux peintres étaient alors flamands, tel Francisco Henriques, peintre du roi, et peintre préféré de Manuel Ier, Frei Carlos, moine hiéronymite qui travailla au couvent d’Espinheiro, près d’Évora, en 1517, et l’anonyme « Maître de Lourinhã ». Parmi les principaux peintres de l’entourage royal, quelqu’un comme Jorge Afonso, premier peintre de Manuel Ier, a dû bénéficier d’un apprentissage dans les Flandres... c’est à Anvers que se trouvent deux peintres (Simão et Eduardo) qui vont devenir des maîtres, le premier faisant son apprentissage dans l’atelier de Van der Weyden et le second chez Quentin Metsys[4] ».
Il ne reste que très peu d’œuvre de cette période de la peinture portugaise.
Jorge Afonso (1470/75-1540), beau-frère du peintre Francisco Henriques, est mentionné actif à partir de 1504. En 1508, quatre ans plus tard, il est nommé « contrôleur et administrateur de toutes les entreprises de peinture royales », charges qui lui furent confirmées par Jean III en 1529. Il ouvre un atelier à Lisbonne
« où travaillent notamment son neveu Garcia Fernandes, son gendre Gregorio Lopes, Cristovão de Figueiredo, Pedro et Gaspar Vaz, ainsi que Vasco Fernandes. Bien qu'on ne connaisse pas d'œuvres signées par le peintre ou documentées avec précision, on lui a attribué récemment, en raison de son importance, deux des meilleurs ensembles d'œuvres royales non identifiées qui semblent contenir en germe le style de son atelier. Il s'agit des peintures monumentales de la rotonde des Templiers (v. 1510, Tomar, couvent du Christ) et du grand retable de l'église de la Madre de Deus (Lisbonne, Xabregas), daté de 1515, sur le panneau de l'Apparition du Christ à la Vierge. On reconnaît également le style du maître dans le retable de l'église du Jesu (v. 1520, musée de Setubal) et dans la série dite " du Maître de São Bento " (v. 1528, Lisbonne, M. A. A.), où sont évidentes, comme à la Madre de Deus, la collaboration de disciples de son atelier, parmi lesquels ceux qu'on a appelés " les Maîtres de Ferreirim " [Nord Portugal]. Ces œuvres témoignent d'un art sobre et vigoureux, éclectique et monumental, de caractère national. Elles furent déterminantes pour l'orientation de la peinture portugaise et confirmeraient avec la plus grande vraisemblance le rôle privilégié de Jorge Afonso, tant pour les charges qu'il exerça que pour l'atelier où il dirigea quelques-uns des meilleurs peintres de la génération suivante.» . (Ency. Larousse).
Vasco Fernandes (ca.1475- ca.1542), connu sous le nom de Grão Vasco, (Grand Vasco) apparaît dans les registres en 1501 à l’occasion de la réalisation du retable de la cathédrale de Viseu (Portugal Centre) dont la réalisation en collaboration avec Henriques prit six ans.
De 1506 à 1511, il est chargé de l’exécution du retable de la cathédrale de Lomago, près de Viseu (centre-nord) qui serait sa ville natale. Pour ce retable, il a des sculpteurs flamands sous ses ordres.
Entre 1520 et 1535 il peint les 16 panneaux du retable de l’église de Freixo de Espada à Cinta qui comprennent la Vie de la Vierge, L’ Enfance et La passion.
Vers 1530, il peint quatre retables au Moistero de Santa Cruz à Coimbra dont il ne reste que le Pentecôte.
Après 1535, il revient définitivement à Viseu où il se consacre à la peinture de retables pour la cathédrale et le palais épiscopal.
Considéré comme un peintre de transition, Vasco serait plutôt représentatif de l’évolution de la peinture portugaise du XVIème siècle. Si ses premières œuvres sont dans le Style Manuélin, la seconde période de Cinta montre des « compositions, plus aérées et plus savantes, empruntées aux maniéristes néerlandais » d’un Lucas de Leyde notamment. Dans la période de Coimbra et ensuite de Viseu se manifeste une influence italienne sans doute due à sa fréquentation de l’’humaniste Miguel da Silva qui lui a fait découvrir le classicisme italien.
Pour autant, Vasco atteindra un style personnel.
« À partir du mythe d'un " Grão Vasco " légendaire, auquel étaient attribuées la plupart des peintures primitives portugaises, s'est confirmée, peu à peu, l'existence d'un peintre remarquable qui fut appelé Grão Vasco et vécut à Viseu (Beira Alta), où il dirigea le plus important des ateliers provinciaux établis au Portugal durant la première moitié du XVIe s.
Le triptyque de la Dernière Cène du palais épiscopal de Fontelo (v. 1530-1535,Viseu), l’une des œuvres les plus éclectiques de Grão Vasco, tant par le style que par la facture, et la célèbre Pentecôte (1535, Coimbra, sacristie de S. Cruz), dont l'intensité dramatique et l'agitation des formes définissent une nouvelle étape dans la carrière de V. Fernandes, qui, désormais, soumet sa peinture à de grands schémas maniéristes. La grande activité de ses dernières années (1535-1542) semble avoir été décisive pour le développement de l'école de Viseu, qui prend, à cette époque, son véritable caractère régional. Les œuvres de cette période expriment, à travers les influences éclectiques les plus variées (le Christ chez Marthe et Marie [en collaboration avec G. Vaz], Viseu, musée Grão Vasco), un tempérament qui devient plus profondément personnel, une imagination créatrice progressivement libérée de tout formalisme. Les 5 grands retables et leurs prédelles, d'importance capitale, exécutés en dernier lieu pour la cathédrale de Viseu (Saint Pierre, le Calvaire, id.) sont l'aboutissement de l'expérience artistique de Grão Vasco, qui fut, par l'imagination, l'intensité expressive des formes et des draperies et le naturalisme rude des types physiques et des paysages, le premier grand maître de l'école portugaise pendant la Renaissance manuéline. » (Dict. Peint. Larousse)
En 1916, a été créé le Musée National Grão Vasco situé au Paço dos Três Escalões, à côté de la Seu (siège, cathédrale) de Viseu. Son surnom indique la considération dont il jouissait de son vivant.
Francisco Henriques (†1518/19), d’origine flamande, apparait pour la première fois dans les archives en 1509 pour la restauration de l'église S. Francisco d'Évora. En 1512, il est envoyé en Flandre pour recruter des assistants pour le décor de la Cour de Justice de Lisbonne (Relação), alors qu’il était considéré comme « le meilleur officier de peinture en ce temps ».
Il meurt de la peste ainsi que certains de ses assistants alors qu’ils travaillent à la Cour de Justice
« En 1510, le roi Manuel, au sujet des œuvres qu’il a commandées au peintre flamand établi au Portugal, Francisco Henriques, dit qu’il les aime parce qu’elles « sont richement peintes […] comme on peint dans sa patrie d’origine », preuve du goût royal, comme de sa connaissance de la peinture flamande. Certains des principaux peintres étaient alors flamands ». (http://legrandatelier.canalblog.com/archives/2011/11/
28/22833451.html)
Francisco de Holanda (1517-1585), né et mort à Lisbonne, est le fils de l’enlumineur du roi, ganto-brugeois, António d'Holanda qui commencera par le former à cet art. Dans sa jeunesse il est successivement au service de différentes maisons royales dont notamment celle du cardinal-Infant D. Afonso dont il fut « page » (moço da câmara, garçon de chambre) à Évora. De 1538 à 1540 (47 ?), il séjourne en Italie où il fréquente à Naples le réformateur espagnol exilé, Juan des Valdès (voir Tome 2/vol1/Réforme Espagne) et le cénacle qui l’entoure, la Comtesse et poétesse Vittoria Colonna[5], la belle-sœur de celle-ci Giulia Gonzana, Marcantonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius 1498 - 1550), poète humaniste italien et le réformé Siennois Bernardino Ochino (1487-1564), et Michel-Ange.
En 1539-40, il exécute une série de Croquis des Antiquités (Antigualhas). De retour au Portugal, il s’installe à Évora où João III a placé sa capitale en 1531. Il reçoit des commandes du roi et de l’archevêque.
Entre 1543 et 1573, il exécute l’œuvre que l’on retient essentiellement de lui, De aetatibus mundi imagines (Images des Âge du Monde) (1543-1573). Traitées d’abord à la gouache en couleurs vives pour chaque image de la Semaine de La Création puis au lavis pour le reste des images qui inclus des textes et des tondis (tondo = forme ronde=bois circulaire de faible diamètre sculptés ou peint en vogue en Italie dès le XVème siècle, généralement entouré d’un cadre carré= quadrature du cercle= perfection ; à l’origine petit bouclier).
Également théoricien de l’art, il écrit en 1548 Da Pintura Antiga (De la Peinture Antique) suivi d’une seconde partie Diálogos de Roma. Sous la forme de dialogues entre Michel-Ange et Vittoria Colonna et entre Michel-Ange et l’auteur lui-même, il développe les conceptions classiques telles que l’imitation de la nature, la symétrie qui s’inspire de Vitruve, et le naturalisme du poète romain Pline l’Ancien (29-73), mort enseveli dans les cendres de Pompéi.
Holanda fut « l’un des représentants les plus importants de la théorie de l’art à la Renaissance au Portugal et en Europe » (Sylvie Deswarte-Rosa Nascimento de um artista humanista em Évora, et De aetatibus mundi imagines, Persée 1983 n° 66)
Notes
[1] « Une sphère armillaire est un instrument anciennement employé en astronomie pour modéliser la sphère céleste. Elle était utilisée pour montrer le mouvement apparent des étoiles et du soleil et de l’écliptique autour de la terre. Le système de référence est alors le système géocentrique dit aussi « système de Ptolémée » [terre immobile au centre de l’Univers] » (Wikipédia)
[2] Cf http://www.arqnet.pt/dicionario/castilhodiogo.html. D’autres sources indiquent Diego de Arruda comme Architecte des Palais Royaux en 1525.
[3] « Une partie des frais de sa construction ayant été couverte par le produit d'une aumône de carême payée par les habitants de Rouen pour pouvoir manger du beurre en cette période de jeûne, les historiens s'accordent plus volontiers à trouver dans cette aumône l'origine de son nom particulier. » (Copyright Jean Tanguy 2002 https://www.rouen-histoire.com/Cathedrale/ tour_de_beurre.htm).
[4] Article publié en 2010, par Joaquim Oliveira Caetano dans le catalogue de l'exposition Primitivos Portugueses, 1450-1550. O Século de Nuno Gonçalves, traduit du portugais par Mireille Perche.
[5] Certaines sources indiquent que Vittoria de Colonna , morte à Rome mais qui vécut longtemps à Naples, lui aurait fait rencontrer Le Parmesan, hors celui-ci, mort en 1540, était de retour dans sa ville natale dès 1531 en ayant quitté Bologne ; ainsi que Jean de Bologne qui, né en 1529 à Douai, n’arrive à Rome qu’en 1555. Holanda a pu rencontrer Michel-Ange qui s’établit définitivement à Rome en 1534.
Vittoria de Colonna (†1547), marquise de Pescaire (Abruzzes) est issue de la très ancienne famille romaine des Colonna (voir Michel-Ange /1534).
LA RENAISSANCE ARTISTIQUE
OUTRE-MANCHE
Introduction - Architecture - Sculpture - Peinture
La Renaissance Outre-manche au XVIème siècle couvre les règnes de la seule Maison Tudor : Celui de Henry VII qui monte sur le trône en 1485 après sa victoire sur Richard III d’York qui met fin à la Guerre des deux Roses (voir Tome 2/V1) et ouvre la dynastie ; celui d’Henri VIII, roi de 1509 à 1547, qui fera venir des artistes d’Italie mais qui devront quitter le pays après 1536 ; celui d’ Édouard VI de 1547 à 1553 ; celui de Marie Tudor dit La Sanglante de 1553 à 1558, qui instaurera un bref retour au catholicisme ; celui d’Élisabeth 1er, reine de 1558 à 1603 ; règne qui ouvre ‘déjà’ à la période baroque.
Bien sûr le siècle sera fortement occupé par la naissance de l’Anglicanisme, les décapitation des femmes d’Henri VIII et de ses Premiers Conseillers, par le catholicisme intransigeant de The Bloody Queen Maire et le long règne de près d’un demi-siècle (1558-1603) de la Reine Vierge qui sut se faire redouter de toutes les grandes puissances européennes tout en aménageant à l’intérieur du pays une savante politique mi-chèvre mi-chou avec les catholiques et les anglicans.
L’ile avait su réorienter dans la seconde partie du XIVème siècle son économie et profiter de la venue dans les villes d’une paysannerie décimée et sans ressources après l’épidémie de la Grande Peste qui avait fait dans le pays plus de ravage que dans d’autres pays d’Europe. Mais dans la dernière moitié du XVème siècle, La Guerre des Deux Roses (York et Lancastre) avait particulièrement affaibli le pays tant du point de vue économique que dans sa politique extérieure. Sous l’impulsion de Henri VII (†1509), l’Angleterre va retrouver un embellissement économique. En parallèle du développement de nouvelles industries (charbon, la fonte) des mesures sociales seront prises en faveur des travailleurs et des pauvres.
A la fin du siècle, les corsaires comme sir Francis Drake, qui fit le tour du monde entre 1577 et 1580, sir Walter Raleigh, John Hawkins et Thomas Frobisher qui sillonnent les mers vont ouvrir les premières pages de la légende d’une Angleterre maîtresse des mers.
Les nobles vont faire du mécénat et protéger les auteurs. De grands compositeurs comme Taverner, Tallis, Byrd, Dowland avec leurs écoles de luth et de clavier verront le jour. Le règne Élisabeth 1ère sera celui de grande période du Théâtre Élisabéthain avec la construction de son célèbre Globe Theater.
La noblesse anglaise va éprouver le même besoin ressenti sur le continent de demeures confortables, plus résidences princières que places fortes. De manière générale, les édifices nouveaux ou rénovés adoptent un même plan d’appartement circulant autour d’un hall ou d’une cour centraux. Les plafonds sont décorés de stuc.
A l’extérieur, l’attrait pour le « perpendiculaire » hérité du Gothique Perpendiculaire (voir Tome 1/ Architecture Gothique) n’est pas délaissé mais les façades, à l’évolution plus lente, s’ouvrent de hautes et nombreuses verrières : les bay (bow) -windows font leur apparition sur le modèle des bretèches médiévales, encorbellements anciennement défensifs à la différence, signe des temps que ces oriels à pans coupés sont vitrés. Les balustres aux toits montrent une influence directe de la Renaissance Italienne.
Des édifices importants, essentiellement civils, jalonnent la Renaissance Anglaise au XVIème siècle, que l’on peut architecturalement diviser en deux phases, celle d’Henry VIII et celle de sa fille ainée Élisabeth 1ère :
Le plus important château d’Henry VIII qui voulait rivaliser avec ceux de François 1er est le Sans Pareil. Ce Palace of Nonsuch, construit entre 1538 et 1547, au sud de Londres, inspiré de Chambord, fut élevé comme modèle sur un parc immense et vierge de tout édifice. Le traité qui y fut signé en 1585 entre la toute jeune République des Provinces-Unies proclamée en 1581 et Élisabeth 1er qui les soutenait face à la domination espagnole, fut une des causes de l’envoi de l’Invincible Armada sur l’Angleterre par Philippe II en 1588 (voir Événements Majeurs).
Dans son court règne Édouard VI (537 -1547-1553) envoie l’architecte John Shute († 1563) en Italie où il étudie Serlio et les ruines romaines. Il publie The First and Chief Groundes of Architecture (1563), premier traité du genre en Angleterre dans lequel il rapporte ses études sur Serlio mais aussi sur Vitruve. Avec lui se fait sentir un esprit italianisant
Sous Élisabeth 1er, ce sont les influences du Nord, Pays-Bas, Allemagne, qui se font sentir avec un surcroit d’ornementation parfois lourde.
« Ces tentatives élisabéthaines dues à des architectes nationaux sont intéressantes mais imparfaites. Elles préparent les ordonnances classiques et palladiennes d’Inigo Jones [ 1573-1652, voir Âge Classique/ Architecture Outre-Manche]»
Les édifices religieux de cette période ne sont pas nombreux et ne présentent pas de nouveautés particulières. Deux chapelles marquent l'époque : la Lady Chapel[1], la Chapelle Henry VII (1457-1485-1509) dans l’Abbaye de Westminster (1202-1272), construite par Wile Orchard entre 1502-1512. Le plafond orné d’or se reflète dans un miroir posé sur un meuble au centre. Ses voûtes en éventail reprennent le Decorativ Style du gothique anglais. Et la Chapelle du King’s Collège de Cambridge aux motifs du jubé et des stalles réalisés par des artistes italiens.
A la fin du siècle, un retour vers un esprit plus classique se fait sentir qui annonce Inigo Jones (1573 –1652). Pour la première fois à Wollaton Hall (1580-1588), à Nottingham, apparaissent les alignements de pilastres mais à usage décoratif. Le corps central encadrés de deux corps latéraux en avancée conserve un aspect médiéval avec ses échauguettes bien que reliées par une balustrade. La façade principale conserve un esprit du Gothique Perpendiculaire avec ses architraves surmontées de fortes corniches comme en réponse à l’élévation des pilastres, et avec les croisements des hauts meneaux de ses grands baies vitrées.
Les sculpteurs, pour la plupart italiens, se consacrent à l’exécution de tombeaux.
Benedetto de Rovezzano (Benedetto Grazzini 1474- ca.1552), sculpteur et architecte originaire de Canapale, un hameau de Pistoia en Toscane, tire son surnom du quartier à l’est de Florence où il passa son enfance.
On lui doit notamment à Florence : Les sculptures de l'église Saint-Jean Gualbertus (1505 ) en partie détruite en 1530 ; le Mausolée de Giovanni Vettorio Soderini (1526-1596), adversaire des Médicis, auteur de traités sur l’agriculture, la vigne, les arbres, le potager ; et le lavabo de l'église San Michele in San Salvi. Douze médaillons en terre cuite commandés par le pape Léon X pour le cardinal et premier conseiller d’Henry VIII, Thomas Wolsey (1476-1530). A Londres, arrive en 1524 les quatre bronzes du tombeau du Thomas Wolsey (Albert Museum). « Rovezzano aurait acquis la prospérité en Angleterre. Il est revenu à Florence plus tard dans la vie et a enduré de longues années de cécité avant sa mort » (Catholic Encyclopedia).
Pietro Torrigiano (1472- 1528)[2], né à Florence, a d’abord été formé par Bertoldo Giovanni qui eut aussi pour élève Michel-Ange, et qui, formé lui-même par Donatello, en retint particulièrement la technique du ’schiacciato’’ ou [‘’stiacciato’’], bronze de très faible relief (voir Donatello).
« Alors qu'ils copiaient ensemble les fresques de Masaccio à la Chapelle Brancacci, Michel-Ange lui fit une remarque désobligeante. Torrigiano en réponse lui donna un coup de poing sur le nez qui lui déforma le nez, de sorte que dans les portraits de Michel-Ange, nous voyons toujours cette déformation. Pour ce coup de poing, Lorenzo de Médicis exila Torrigiano de Florence ».(https://boowiki.info/art/sculpteurs-italiens-du-xvie-siecle/pietro-torrigiano.html#)
A Rome, il travaille avec Pinturicchio à la réalisation de décor en stuc pour les papes Nicolas V et Alexandre III. A Sienne, il sculpte un St François d’Assise. En 1509-10, il travaille à Anvers pour Marguerite d’Autriche (†1530), régente des Pays-Bas, tante du futur Charles-Quint qu’elle aura élevé[3].
En 1510, il arrive à Londres. En 1511, il commence le tombeau de la mère d’Henri VII, et 1512, dans la Lady Chapel de Westminster, ceux en bronze aux figures allongées d’Henri VII et de son épouse Élisabeth d’York, qu’il achève en 1517 (18 ?). Il commencera le tombeau d‘Henri VIII mais ne le terminera pas. Il ne cherchera pas à revenir vivre à Florence ni à Rome, villes où celui qu’il considère comme son rival, Michel-Ange, donne le meilleur de lui-même. Il reviendra néanmoins à Rome pour chercher des collaborateurs. Il sollicitera Benvenuto Cellini qui déclinera son invitation, refusant de « vivre avec ces bêtes d’Anglais ».
Pour Henri VII et Henri VIII, ainsi que pour d’autres personnages importants, il exécutera également des bustes en terre cuite polychrome, comme il en avait déjà exécutés à Florence tel ce Rédempteur de la sacristie de Santa Trinita (Florence) et des bustes en plâtre peint comme celui de l’humaniste John Colet (voir Vol 1/Humanisme) de 1518.
Son disciple Antonio di Nunziato décorera le Palais du Sans-Pareil (détruit).
En 1521, il est en Espagne. Après Grenade, il est à Séville où il sculpte le buste d’Isabelle du Portugal (†1539), cousine et épouse de Charles-Quint, ainsi que pour le monastère de San Jerónimo de Buenavista, la Vierge de Bethléem et un Saint Jérôme Pénitent en terra cotta polychrome, technique traditionnelle en Italie mais qui n’est apparue en Espagne qu’au XVème siècle. Cette sculpture eut une influence durable sur la sculpture espagnole mais aussi italienne.
« Selon Vasari, il semblerait qu'il avait été accusé d'iconoclasme parce qu'il avait rompu avec son ciseau une statue de la Vierge qu'il avait sculpté pour le duc d'Arcos, qui alors ne lui avait pas payé de la manière convenue ».
Il serait mort de faim en prison en 1522. Mais, selon sa femme, mort à Florence en 1528 comme en atteste un acte de la Cour.
La peinture Outre-Manche du XVIème siècle ne relève pas d’un intérêt particulier. Ce sont des peintres étrangers comme l’Allemand Holbein le Jeune (1497-1543), à qui l’on doit le célèbre portrait d’Henri VIII, et le Flamand Antonis Mor (1519-1577), à qui l’on doit un portrait de Marie Tudor en 1554, qui feront découvrir les nouveautés de la peinture Renaissante sans pour autant qu’ils servent d’exemple aux peintres locaux encore trop épris du raffinement du Gothique International de plus en plus tardif.
Nicolas Hilliard (1548 ?-1619), portraitiste miniaturiste, enlumineur, orfèvre réputé, est envoyé en 1578 et 79 par la reine à Paris auprès du Duc d’Alençon, éventuel prétendant. Il y exécute le portrait du philosophe empiriste Francis Bacon (1571-1620) alors attaché d'Ambassade.
De retour à Londres, il ouvre un atelier par lequel il accroit le succès qu’il connaissait déjà. Il continue de recevoir des commandes de portraits, de pièces d’orfèvrerie (médaillons) et d’enluminures de la reine et de la cour. La reine renferme ses portraits dans un cabinet réservé à cet effet. En 161, il laisse son atelier à son fils et se retire de la vie publique.
« Il a introduit un arrière-plan caractérisé par la présence d'un rideau plissé en velours au lieu du traditionnel fond bleu exécuté à l'aquarelle » .Il aura néanmoins obéit encore à cette tradition de l’élégance, de la gracieuseté du gothique de cour.
Son élève Isaac Oliver (1565-617) né à Rouen, fils d’une famille d’huguenots émigrés en 1568, sera ouvert à plus de réalisme, dans ses portraits à plus de psychologie sous l’influence des flamands. Reconnu comme portraitiste de talent, il recevra des commandes de la cour et deviendra le peintre de Jacques Stuart (1566-1625), roi d’Écosse en 1567 sous le nom de Jacques VI et qui succèdera sur le trône d’Angleterre à Élisabeth en 1603 sous le nom de Jacques 1er.
Famille Quesnel : Pierre Quesnel (1502-1574), peintre de Marie de Guise la suit en 1538 à Édimbourg pour son mariage avec Jacques V d'Écosse. En 1543, né son fils François. En 1544, il peint le portrait de la reine. En 1545, il retourne en France. Ses trois fils, François, Jacques et Nicolas seront peintres.
François Quesnel (1543-1619), né à Édimbourg, sera le peintre de Jacques 1er d'Écosse puis de Marie-Stuart. En 1572, il peint le Portait de Mary Ann Waltmann. Il s’installe en France. En 1582, il exécutera le célèbre portrait d’Henri III . Également peintre de scènes de cour, il a aussi été réputé comme dessinateur.
Notes
[1] Une Lady Chapel ou Chapelle Notre-Dame est une chapelle dédiée à la Vierge Marie et située à la partie la plus centrale, la plus importante du déambulatoire dans le système des chapelle rayonnantes, soit derrière l’autel . Celle de Westminster très représentative du Gothique Perpendiculaire, construite sous Henri VII entre 1503 et 1519 est particulièrement remarquable pour son plafond vouté en éventail. Elle est aussi appelée Chapelle Henri VII.
[2]Citations et base de la biographie : https://boowiki.info/art /sculpteurs-italiens-du-xvie-siecle/pietro-torrigiano.html
et https://www.italyonthisday.com/2017/11/pietro-torrigiano-italian-art-sculptor-when-born-michelangelo.html qui indique sa mort en 1528
[3] A ne pas confondre avec Marguerite d’Autriche (Marguerite de Parme †1586), sa petite-nièce, fille naturelle de Charles-Quint et qui sera jusqu’à sa mort gouvernante des Pays-Bas pour le compte de son frère Philippe II qui lui donne les pleins pouvoirs à Gand en 1559.
LA TAPISSERIE ET LE VITRAIL À LA HAUTE RENAISSANCE
La Tapisserie - Le Vitrail
La production de tapisseries s’était nettement développée au XVyyème >a siècle dans les ateliers de France, d’Anjou, et particulièrement des Flandres, au point qu’en Italie on les appelées des ‘arrazi’ comme venant toutes d’Arras. Cette production va se poursuivre au XVIème siècle. Les ateliers d’Arras, de Tournai produisant à une cadence quasi industrielle.
Les ateliers de Bruxelles vont se développer avec les commandes royales et princières et vont devenir les plus importants. Des ateliers de Bruxelles sortent en 1515 la Tenture de David et Bethsabée, en 1540 Les Chasses de Maximilien commandées par Charles-Quint. Les Guise en demanderont une reproduction qui est actuellement au Louvre. Ce thème devint un motif courant plusieurs fois reproduit par la Manufacture des Gobelins où en 1662 Colbert décida de réunir l’ensemble des ateliers parisiens.
En France, en 1505, la série des tapisseries de La Dame à La Licorne clôturent la période médiévale. Et c’est en Touraine, dans cette région où s’élève les châteaux de la Renaissance que la production va se localiser essentiellement.
En Italie, les grands noms de la peinture peignent des cartons préparatoires au tissage, qui sont très recherchés par les collectionneurs amateurs d’art.
Les fameux dix cartons du Cycles des Apôtres peints en 1515-16 par Raphaël (†1520) et ses assistants seront envoyés à Pieter Coecke van Aelst (voir Cinquecento/Belgique/Introduction) à Bruxelles pour être tissés et renvoyés pour meubler ( de meuble, qui peut être retiré) les murs de la Sixtine. Achevées entre 1517 et 1519 (/21). Elles font en moyenne 5x3,5 m. Deux autres cycles de ces tapisseries furent tissés à la demande de François II Gonzague, marquis de Mantoue, et de François-Marie Ier della Rovere, Duc d’Urbino, qui empruntèrent les cartons.
Un École Florentine se crée au milieu du XVIème siècle à partir de cartons notamment du Bronzino, mais aussi du Pontormo et de Salviati. L’Histoire de Joseph et une autre tapisserie à décor de ‘grotesques’ seront en 1549 tendues au Palazzio Vecchio où les Médicis se sont installés depuis 9 ans. Les Chasses tissées pour la Villa Poggio à Cajano en 1574 sont une des dernières grandes réalisations de cette école.
Les prochains centres importants seront Naples puis Mantoue. Urbino et Pérouse ne seront pas en reste.
Le vitrail a été inventé au IXème siècle en Perse. Il arrive en Europe dans la première moitié du XIIème siècle, période à laquelle apparait l’Opus Francigenum, l’Art Français, autrement dit l’Art Gothique avec la construction de la Cathédrale de Sens et la rénovation de l’Abbatiale de St Denis, toutes deux commencées entre 1130 et 35 , date à laquelle est refaite la façade de Chartre dans le style français. (voir Tome 1/Art Gothique).
Au Moyen-Âge, le vitrail était un art sacré inspiré d’une véritable théologie de la lumière. Art sacré dans le lieu sacré, église ou cathédrale, réceptacle du divin. L’abbé Suger conçut le chœur de la nécropole de St Denis comme une véritable fête de la lumière divine. Livres de prières, livres en images, les vitraux racontaient la Bible aux fidèles analphabètes dans un but didactique mais aussi dans un but attractif.
Au XVème siècle, le vitrail conservera sa place dans les nouveaux lieux de cultes, mais le vitrail civil va prendre de plus en plus d’importance aussi bien dans la construction des édifices publics comme les hôtels de ville, qu’à la rénovation des anciens châteaux. Et de ce fait, les thèmes ne sont plus nécessairement religieux. Le paysage prend de l’importance.
La technique varie quelque peu par rapport au savoir-faire médiéval. Apparaît « le sertissage en « chef d’œuvre », c’est-à-dire l’incrustation d’un verre, souvent rond, tenu par un plomb, à l’intérieur d’un autre verre plus grand et de couleur différente. On pouvait dessiner les blasons des donateurs ou le décor de vêtements. Le développement de la gravure de verres plaqués permettra au peintre-verrier de changer le coloris d’un motif sans avoir besoin des plombs » (Atelier Vitrail d'Elise, Lyon). L’usage de la grisaille et du camaïeu se fait plus fréquent, tandis qu’une nouvelle couleur apparait : le violet obtenu par plaquage de verres rouges et bleus.
Dans la première moitié du XVIème siècle, les maîtres verriers vont poursuivre une même production mais en y intégrant des éléments nouveaux sous l’influence italienne. « Le décor et le goût italiens sont très prisés : chimères, coquilles, guirlandes, Cupidons… Les scènes deviennent de plus en plus réalistes. » (Atelier Vitrail d'Elise, Lyon).
L’émail sur verre fait son apparition au milieu du siècle. Couleur vitrifiable, « l’émail présente une couche superficielle colorée, brillante, translucide à transparente… Les émaux sur verre les plus anciens représentés dans des vitraux sont visibles dans les verrières de l'église paroissiale Saint-Pierre de Montfort-l'Amaury (78490), ils datent de 1532 » (https://infovitrail.com/index.php/fr/les-emaux-sur-verre).
La sanguine, pigment de couleur rouge obtenu à partir de l’hématite, roche minérale contenant de l’oxyde de fer, aurait été utilisée pour la première fois par le peintre Jean Cousin (1490-1560) ce qui expliquerait qu’on ait parfois désigné ce pigment de son nom.
Les premiers vitraux de la Renaissance dans l’ordre de la primauté seraient dus à Lorenzo Ghiberti (1378-1455) pour le Duomo de Florence.
INDEX DES ARTISTES
INDEX DES ARTISTES DU XVème SIÈCLE
Gothique Tardif - Pré-Renaissance en Pays-Bas Bourguignons - Quattrocento : Première Renaissance
École de Paris-Anjou 1er moitié du siècle : Enluminures :
Maitres des Entrées Parisiennes
Maître de Rohan
Maitre d’Aix †1443
Bourges : Jean Colombe ca. 1430-1493
École de Tours- Val de Loire :
Fouquet 1415-1480
Jean BelleGambe Douai 1467/70-1533
Jean Colombe 1430-1493
Jean Poyet (ou Poyer †1503/04 ?),
Jean Bourdichon, 1456/1457 - 1520/1521
École d’Avignon Cour papale :
XIVème siècle : Les Siennois : Simone Martini 1284-1344
Le Maître du Codex de Saint-Georges
Matteo Giovannetti actif 1335-1366
XVème siècle : Enqueran Quarton ou Charonton Laon, 1410-1466
Nicolas Froment 1425-1483
Le Maître d’Avignon
Villate Limoge, actif de 1497 à sa mort 1505
Josse Lieferinxe (†1508
Nicolas Dipre (ou d’Ypres) actif 1492-152
Cour des Ducs de Bourbons : Maître de Moulin actif de 1480 à 1500
Cour royale : Jean de Roupy dit Cambrai † 1438
Cour du Duc Jean du Berry : Antoine Le Moiturier 1425- 1480
Bourges : Michel Colombe ca. 1430-11515
École de Tours: Jean Poyet (ou Poyer †1503/04 ?),
Jean Bourdichon, 1456/1457 - 1520/1521
Bernat Martorell 1424 à 1452
Juan Mates actif de 1392-1431
Pedro Beruguette 1450-1504
Bartoloméo Bermejo 1467-1498
Style Hispano-flamand
Tolède : Hannequin de Bruxelles †1494
Jean Goas (1430/33-14969),
Enrique de Egas 1455-1534
Burgos : Jean de Cologne (1416-1481),
Simon de Cologne (1450-1512), son fils et
Francisco de Cologne, son petit-fils.
Tiefenbronn : Lukas Moser 1390-1434
Bâle : Konrad Witz 1400-1446
Cologne : Stefan Lochner 1410-1451
Hans Pleydenfurff 1420-1472
Maître de la Vie de Marie actif Cologne de 1460 à 1490
Maître de Sainte Ursule
Maître de Saint Severin
Michael Pacher 1430-1498
Dortmund : Conrad von Soest (1370-1422)
Colmar : Martin Schongauer 1440-1491
Nuremberg : Albrecht Dürer 1471-1528
Ulm : Niklaus Wechkman 1481-1526
Poméranie : Bernt Notke (1435-1509)
Nuremberg : Veit Stoss 1448-1533
Peter Vischer l’Ancien c.1420-1472
Peter Vischer Le Jeune 1487-1528
Taddeo Crivelli 1425-1479
Bartolomeo della Gatta (Pietro di Antonio Dei) 1448–1502
Attavante degli Attavanti 1452-1525
Giorgio Giuolo Clovio 1498-1578
Architecture Sculpture Peinture
Voir Renaissance: Quattrocento 1400 – 1470
Tournai : Maître de Flémalle (Robert Campin) 1378-1444
Bruges:
Jan van Eyck c.1390- 1441
Hubert van Eyck c.1366-1426
Petrus Christus 1410- 1473
Gérard David 1460 –1523
Hans Memling 1435 –1494
Bruxelles : Roger van der Weyden (Roger de la Pâture)
Gand : Hugo van der Goes 1420 - 1482
Anvers : Metsys 1466 –1515
Jean Gossaert dit Mabuse Maubeuge 1478 -1532
Bois-le Duc : Gérôme Bosch 1450 – 1516
Haarlem : Thierry (Dirk) Bouts 1415 - 1475
Jansz actif vers 1490
Jan Mostaert 1474-1552 son élève
Cornelisz van Oostzanen dit Jacques Van Assen,
ou Jacques de Haarlem, ou Jacob van Amsterdam ca.1470-1533
Urbino : Juste de Gand (Joos van Wassenhove) 1409/10-1476
Louvain : Mathieu Layens actif de 1433 à sa mort 1483/6
Famille Keldermans :
Jan 1375-1445 actif aussi à Louvain, Malines, Bruxelles
Antoon Keldermans l’Ancien actif aussi à Haarlemn et
Middelburg 1440-1512 et fils
Sulpice van der Vorst †1439
Bruxelles : Jan Borman L’ Ancien 1479 -1520
Ulm (Souabe) : Jörg Syrlin l'Ancien actif à de 1449 à 1491
Michael Erhart actif 1469 à 1522.
Veit Voss 1448?-1533
Gregor Erhart actif de 1470 à 1540
Würzburg : Riemenschneider 1460-1531
Strasbourg : Gerhaert de Leyde1420/30-1473
Florence :
Filippo Brunelleschi 1377-1446
Michelozzo di Bartolomeo, dit) 1396-1472
Le Filarète (Antonio Averlino ‘Celui aime la vertu’) 1400- 1469
Leone Batista Alberti 1404-1472 > Mantoue
Maiano 1442- 1497
Il Cronaca (Simone Del Pollaiolo, dit) 1457-1508
Lombardie :
Les Solari : Marco 1355-1405
Francesco 1405-1469
Guiniforte 1420-1481
Pietro Antonio 1445-1493
Christoforo 1460-1509
Giovano Andrea 1460-1523
Giovanni Amadeo 1447-1522
Bramante (Donato d’Angelo, dit) 1444-1514, Milan >Mantoue>Rome
Émilie : Ferrare : Biagio Rosseti 1447-1516
Rome : Giulano da Sangallo (Giuliano Giamberti, ) 1445-1516
Urbino : Luciano Laurana 1420-1479
Benozzo Gozzoli 1420-1497
Pisano (Antonio di Puccio Pisano ouda Cereto, le Pisan) 1395-1455
Alessio Baldonivetti 1425-1499
Gentile da Fabriano 1370-1427
Francesco Squarcione 1397-1468, Padoue, maître de Mantegna
Florence:
Fra Angelico (Guido di Pietro, Fra Giovanni, Le Frère des Anges ou le peintre des Anges dit ) 1395-1455
Masaccio (Tommaso di Giovanni Cassai) 1401-1428
Fra Filippo Lippi (Fra Filippo del Carmine dit ) 1406-1469
Uccello (Paolo di Dono di Paolo dit) 1397-1475
Andrea del Castagno 1419 –1457 > Venise
Veneziano 1405/10-1451
Piero della Francesca c.1420-1492
Antonio Pollaiuolo 1429-1498
Andrea di Michele Cioni dit Andrea del Verrocchio 1435-1488
Sandro Botticelli ( Alessandro Filipepi dit ) 1445-1510
Domenico Ghirlandajo 1449-1494
Filippino Lippi 1457-1504
Luca Signorelli 1450-1523
Émilie :Ferrare : Cosme Tura c.1430-1495
Francesco del Cossa 1436-1478
Ercole de Roberti 1456-1496
Rome : Le Sodoma 1477-1549 > Sienne
Lombardie : Mantoue : Andrea Mantegna 1431 –1506
Pavie : Ambrogio Stefani da Fossano (Bergognone ,leBourguignon) actif de 1472 à 1523
Venise : Les Bellini : Jacopo Bellini 1400-1470
Gionanni Bellini ( dit Giambellino)1430-1516
Gentile Bellini 1429-1507
Les Vivarini : Antonio Vivarini 1415-1476/80
Bartolomeo Vivarini 1430-1499
Alvise Vivarini 1445-1526/29
Carpaccio (Vittore Scarpazza )1465-1526
Milan : Leonardo da Vinci 1452-1519 > Rome> Blois
Ombrie - Pérouse : Le Pérugin ( Pietro di Cristoforo Vannucci ) c.1445/48 1523/24
Naples-Messine : Antonella da Messine c.1430-1479
Colantonio (Niccolò Antonio dit) actif entre 1440 et 1470
Florence: Jacopo della Quercia c. 1374- 1438
Donatello (Donato di Niccolò di Betto Bardi dit) 1386-1466
Luca della Robbia (di Simone di Marco della Robbia) 1400-1428
Andrea della Robia 1435 -1525
Le Verrocchio (Andrea di Michele di Cione) 1435-1488>
Pollaiuollo (Benci dit) 1432-1492 > Rome
Lombardie : Pavie-Milan : Giovanni Amadeo 1447-15
Piero Jacopo Alari Bunacolse 1460-1528
Campanie : Naples : Francesco Laurana c.25-1502> Marseille
Émilie : Modène : Guido Manzoni 1450-1518 > France
INDEX DES ARTITES DU CINQUECENTO
HAUTE RENAISSANCE
Bramante (Donato di Angelo di Pascuccio) 1444 –1514
Sebastiano Serlio, architecte et théoricien 1475- 1555
Florence : Niccolo Tribolo
Bernardo Buon talenti
Bartoloméo Ammannati
Rome : Baldasare Peruzzi 1481-1536
Le Vignole ( Jacopo Barozzi dit )1507-1573
Les Fontana : Domenico Fontana 1543-1606
Giovanni Fontana 1546 -1614
Giacomo Della Porta 1533-1602
Mantoue : Jules Romain (Giuolo Pippi ou Romano dit) 1499-1546
Venise : Giovanni Maria Falconetto 1468-1535
Michele Sanmichel (1484-1559)
Jacopo Sansovino (Jacopo Tatti)1486-1570
Palladio (Andrea di Pietro della Gondola dit) 1508-1580
Urbino : Giovani Sanzio ou Santi 1435-1494
Raphaël (Raffaello Sanzio) 1483-1520 > Rome
Florence : Michel-Ange (Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni )1475-1564 > Rome
Fra Bartoloméo (Baccio della Porta)1472-1517
Andrea del Sarto 1486-1530
Lorenzo di Credi 1459- 1537
École de Bologne : Les Carrache
Ludovic Carrache 1555-1619 > Rome
Agostino Carrache 1557-1602
Venise : Giorgione 1477-1510
Le Titien (Tiziano Vecellio) 1488-1576
Florence : Giorgio Vasari 1511-1574
Le Pontormo 1494-1557
Il Bronzino 1503-1572
Bartolomeo Ammananti 1511- 592
Italie>France : Le Rosso 1494-1540
Le Primatice 1504-1570
Niccolò dell’Abate 1509/12-1571
École de Venise : Les Bassano dal Ponte del Grappa:
Jacopo Bassano l'Ancien 1510-1592
Francesco le Jeune 1549-1592
Giovanni Battista 1553-1613
Giambattista Gerolamo 1566-1621
Leandro 1557-1622
Le Tintoret (Jacopo Robusti, dit Tintoretto) 1519-1594
Véronèse (Paolo Caliari dit ) 1528-1588
Sebastiano del Piombo ( Luciani dit) 1485-1547
Rome : Les Zuccari :
Taddeo Zuccaro 1529-1566/69
Federico Zuccaro 1542/43-1609 >Espagne
Lavinia Fontana 1552-1614
Le Caravage 1571-1610
Lombardie : Mantoue : Jules Romain 1492-1546
Giuseppe Arcimboldo 1527-1593
Émilie : Pavie : Il Bergognone (Ambrogio Stefani da Fossano dit
Borgognone (le Bourguignon) ) actif 1472 – 1523
Parme :
Le Corrège (Antonio Allegri da Correggio ) 1489/81-1534
Le Parmesan (Girolamo Francesco Mazzuoli ou Mazzola, el Parmigianino) 1503-1540
Rome :
Benedetto de Rovezzano 1474- ca. 1552
Piero (ou Pirro) Ligoro 1500-1583
Daniel Riciarelli de Voltera 1509-1566
Fontainebleau :
Domineco del Barbieri dit Le Florentin 1501/06-1570
Venise :
Alessandro Vittoria 1525-1608)
Florence :
Benvenuto Cellini 1500-1571>France>Italie
Bartolommeo Ammannati 15 11-1592
Gianbologna (Jean de Bologne, de Douai) 1529-1608
Giovanni Caccini 1556-1613
Taddeo Landini 1557/58-1596
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