INTRODUCTION
L’histoire de la musique de l’An Mil au XVIème siècle est l’histoire de la polyphonie qui rompait au tournant du millénaire avec le chant monodique grégorien (voir BMA /Tome 1/Vol 2 Musique). L’histoire de la musique de la Renaissance est, elle, une double histoire, l’histoire d’une polyphonie qui atteint à son apogée dans sa complexité et sa subtilité voire sa ferveur religieuse, et l’histoire de formes profanes, danses et mélodies anciennes et populaires qui vont être remises au goût du jour, remodeler, ‘prises en mains’ par les meilleurs musiciens dont les compositions tendront de plus en plus à un retour progressif vers la monodie.
Ce retour à la monodie[1] dans la musique savante, déjà sensible au XVème siècle chez Guillaume Dufay (†1474), devient significatif chez Gilles de Binche, dit Binchois (1400-1460) qui, à la Cour du Duc de Bourgogne, Philippe le Bon (1467), met en musique des poèmes du prince et poète Charles d’Orléans (†1465), et chez Antoine Busnois (c.1433-1492) qui œuvre à la Cour de son successeur Charles le Téméraire (†1477). A la même époque, Laurent le Magnifique (†1492) écrivait (chantait) des poèmes largement inspirés de la chanson courtoise.
Entre le XVème et le XVIème siècle, il n'y a pas de rupture franche. Messes, motets et chansons populaires sont maintenus et gardent une place importante.. la Chanson de Cour de polyphonique va devenir monodique avec la Chanson Française dite aussi Chanson Parisienne. La progression vers une écriture verticale et non plus horizontale va triompher la fin du siècle. La Chapelle Sixtine restera la seule à pratiquer l'acapella. Le faux-bourdon (voix parallèles au plain-chant) qu'ont toujours affectionné particulièrement les musiciens anglais (faburdon) va se maintenir au-delà du siècle; on en retrouve des traces chez Marc-Antione Charpentier († 1704).
Au XVIème siècle, les nouvelles formes musicales qui vont apparaitre renforceront cette tendance vers la monodie avec un usage de l’harmonie et non plus du contrepoint. Le système tonal remplace le système modal.
La mise en valeur de la voix mélodique (vocale ou instrumentale) va amener à l’élaboration d’un accompagnement musical non plus en ‘simple’ contre-chant comme dans la polyphonie, mais en harmonie avec ce qui était devenu au fil des siècles la voix principale en polyphonie, la voix supérieure. Ce nouvel accompagnement qui, instrumental va devoir être structuré, aboutira à la basse continue. La mise en place de cette basse continue ou continuo va obliger, permettre, aux musiciens de développer des formes musicales instrumentales qui finiront par acquérir leur propre autonomie. C’est l’accompagnement tel que nous le connaissons aujourd’hui d’un chanteur qui ‘s’accompagne’ ou est ‘accompagné’ à la guitare ou au piano.
La musique instrumentale (profane) va profiter et du rôle dévolu à l’accompagnement et de la mise en avant de la voix seule. La voix instrumentale seule va être mis en valeur et trouver chez le compositeur et dans le public (de cour) le même intérêt qu’avait jusque-là susciter la partie vocale. Des pièces pour luth, pour clavier (orgue et clavecin), pour viole de bras et vihuela vont s’imposer. Des écoles se forment qui se perpétueront à travers les siècles : écoles du luth anglais, de l’orgue allemand, du clavecin français. Les interprétations instrumentales à corde donneront lieu à ce que l’on appelle aujourd’hui des concerts soit d’un instrument seul, soit de plusieurs et mêmes instruments, soit de différents instruments.
En Angleterre, la musique pour luth de J. Dowland marque une étape déterminante dans le développement de la musique instrumentale avec ses variations (ou fancy, fantaisies). Tandis que dans l’Allemagne luthérienne, le développement de la basse continue pour accompagner toute du long les différentes parties vocales laisse place à l’improvisation qui va permettre à l’instrumentiste de ‘s’individualiser’ en créant un répertoire de formes nouvelles, notamment , et à l’orgue, toccata, ricercare, variations.
Une phase importante qui va donner à la musique un nouveau et tout autre caractère est sa sortie du cadre strictement scientifique dans laquelle elle était. Les compositeurs de la période médiévale considéraient la musique comme d’abord et avant tout une science en exercice, une application de la mathématique. Elle faisait partie du corpus universitaire du quadrivium (partie scientifique) dont les trois autres matières étaient la mathématique, l’astronomie, la géométrie. Elle va être déplacée vers trivium, qui relève, lui, de tout ce qui a rapport avec l’expression : la dialectique, la rhétorique et la grammaire. Elle va pouvoir ainsi devenir un art du plaisir et du divertissement, un art d’agrément, autrement dit devenir expressive.
La musique savante avait régné pendant toute la période médiévale dans les cours et les églises. Et les poèmes chantés du fin’amor s’adressaient à la noblesse. A la Renaissance, les compositeurs savants, formés dans les maitrises des chapelles, notamment en Europe du Nord ( villes riches des Flandres par exemple), vont prendre à leur compte dans un besoin de renouveau, dans la recherche de nouvelles sources d’inspiration, les mélodies et les danses qui avaient jusqu’alors constituaient le répertoire de la musique profane, celle que le peuple chantait et jouait pour les fêtes privées et paroissiales. Un exemple des plus représentatifs est celui de madrigal ancien qui remodelé à Florence par le compositeur français Philippe Verdelot (1552) va faire l’objet dans toute l’Europe (exceptée la France) d’un véritable engouement et devenir une forme musicale incontournable pour tout musicien qui se respecte.
Cette avancée vers la monodie est concomitante au souci de donner au texte plus de clarté et plus d’expressivité. En France, L’École Parisienne de Musique qui commence à se développer à partir de 1525 en fera un programme avec la Chanson Parisienne. Programme musical que préconisera également l’Académie de Musique et de Poésie fondée par le poète Antoine du Baïf en 1571 et que Pierre de Ronsard illustrera en 1578 par le supplément musical qu’il donne à la fin de ses Sonnets pour Hélène. Cette mise en valeur du texte donnera naissance dès le milieu du siècle en France à l’Air de Cour qui inspirera les anglais pour leur arie, chant accompagné au luth. L’air d’opéra n’est pas encore embryonnaire mais déjà alors en gestation.
En Italie, les recherches de la Camerata Fiorentina à Florence dans le dernier quart du siècle auquel participe Jacopo Peri, de Jacopo Corsi à Rome- les tous premiers compositeurs de Favola préfigurant l’Opéra- de Monteverdi se portent sur l’expressivité musicale qui doit rendre toutes les nuances émotionnelles du texte. Leur recherche d’un chanter-parler démonstratif, animé, donnera naissance au recitar cantando. « Ce mode de récitation [parlée-chantée], le recitar cantando, devait se dissocier plus tard en deux genres distincts : récitatif et air. » (M.C. Beltrando-Patir Op. Cit.)
En musique comme en peinture, ce serait par trop schématique d’opposer à la Renaissance, le Nord et le Sud. Certes d’un côté, il y a la précision, la minutie flamande, la rigueur d’un contrepoint basé sur la technique du cantus firmus, et de l’autre, le lyrisme, la couleur italienne, les recherches sur l’harmonie des proportions à l’instar de l’architecture, et la volonté d’une expression sensible du texte. Mais, les musiciens comme les artistes vont voyager et être au service de cours étrangères, et plus au XVIème siècle qu’au XVème. Les courants, les idées, les techniques vont s’échanger, s’influencer. L’imprimerie en plein développement au XVIème siècle va permettre une large circulation des ouvrages et des partitions. Les premières éditions musicales vont voir le jour, notamment en Italie et puis en France avec un rôle important des éditeurs-imprimeurs de musique non seulement dans la diffusion des formes nouvelles mais dans les possibilités qu’ils trouvent pour les transcrire sur partition. Il en sortira l’écriture, la transcription musicale toujours en cours à notre époque.
Notes
[1] Pour les termes techniques voir Annexe/ Formes Musicales
[2] Le poète Martin Le Franc dans son célèbre poème, Le Champion des Dames (1442), fait référence à la « contenance anglaise » faite d’accords moins rigides, écrits pour la «plaisance » plus que pour les résultats d’une austère écriture mathématique.
[3] « Ottaviano Petrucci (1466 1539 était un imprimeur italien. Son Harmonice Musices Odhecaton [1501], un recueil de chansons imprimées en 1501, est souvent considéré à tort comme le premier livre de partitions imprimé à partir de caractères mobiles. En réalité, cette distinction revient à Missale Romanum de l’imprimeur romain Ulrich Han de 1476. Néanmoins, le travail ultérieur de Petrucci fut extraordinaire en raison de la complexité de sa notation mensuelle blanche et de la petitesse de sa police ». (https://en.wikipedia.org/wiki/Ottaviano_Petrucci). Il n’en fut pas moins le premier imprimeur de musique pour luth. A noter également que les livres imprimés avant 1501 sont des incunables, c-à-d. que bien qu’utilisant des caractères mobiles (depuis Gutenberg 1455), ils imitent la forme manuscrite : double colonne de texte, initiales peintes, décor d’en-têtes etc., et pas de pagination apparue en 1499. (Mary K. Duggan,
Musique italienne Incunable Los Angeles, 1992).
[4] Michel de Menehou (actif entre 1557 et 1568), compositeur et théoricien au service du Cardinal Jean du Bellay, fut le premier à utiliser le terme ‘accord’ dans son traité paru en 1558 : Nouvelle instruction familière, en laquelle sont contenus les difficultés de la musique, avec le nombre des concordances, & accords ; ensemble la manière d'en user .
Au XVème siècle, les musiciens suivent les déplacements de la cour à laquelle ils appartiennent, ou suivent leur maître, ducs ou/et condotierri dans leurs opérations militaires. Mais comme les penseurs, les poètes, les artistes, ils se déplacent aussi parce qu’un temps au service d’un roi de France, d’un duc de Bourgogne, d’un duc d’Italie ou du pape, ils peuvent être invités à d’autres cours ou bien être nommés Maître de Chapelle (chef de chœur qui enseigne et dirige le chant) ou Maitre de Musique ( compositeur et directeur musical) d’une cathédrale. Ainsi, sillonnent-ils de plus en plus l’Europe, de la Flandres à l’Italie en passant par la Bourgogne, de l’Espagne au Royaume de Naples, de l’Allemagne à la France, et rencontrent d’autres musiciens. Ces échanges, ses émulations aboutiront à l’unification des tendances et des goûts en un art européen.
Au XVème siècle, dans le Nord, les maîtrises des cathédrales qui forment les jeunes chanteurs en leur donnant une éducation musicale solide sont les bouillons de cette nouvelle culture musicale : Cambrai, Tournai, Bruges, Anvers... Le style musical franco-flamand se propagera au XVIème siècle à Rome à la Chapelle Sixtine, en Avignon, territoire pontifical, à la cour papale, en France à la Chapelle Royale, à Madrid à la Capella Flamenca.
La florissante Cour de Bourgogne (Philippe le Bon, Charles le Téméraire) connaît un essor économique. Des musiciens d’horizons différents bourguignons, anglais, français s’y retrouvent avec les musiciens flamands. Les nouveautés qu’ils apportent s’inscrivent avec les peintres flamands dans la Renaissance Artistique. Si la technique du cantus firmus reste et restera encore pour longtemps dans la tradition flamande, les constructions par trop complexes, tendront à être abandonnées au profit de compositions simplifiées tout en restant savantes.
En Italie, l’Ars Nova avait déjà tendu à une simplification d’écriture, à une plus grande légèreté des courbes mélodiques, à une plus grande expressivité de la mélodie avec un Johannes Ciconia I (1335-1412), compositeur à la charnière de l’Ars Nova et du Style Franco-Flamand comme à la jonction de la France et de l’Italie (voir Tome1/Musique). L’écriture contrapunctique va privilégier le syllabisme ( une note pour une syllabe) au mélisme (plusieurs notes sur une syllabe, vocalise).
Les dernières découvertes polyphoniques apportées par l’Ars Nova[1] au XIVème siècle (voir Tome 1) n’ont pas traversé la Manche. L’Angleterre insulaire n’a pas suivi l’évolution de la musique du continent. Pour autant, c’est peut-être avec elle que la polyphonie continentale va commencer à sortir de son cadre contrapunctique strict de la période médiévale pour aller vers plus d’harmonisation et d’expression mélodique. Et ce de par l’influence qu’eut sur le continent, le musicien John Dunstable.
Les musiciens italiens de par leur tradition médiévale et de par une liberté créatrice, une inventivité, qui leur est propre, étaient déjà portés à cette nouveauté. Mais pour ce qui concerne les compositeurs nordiques mais aussi particulièrement ceux de la France, J. Dunstable fut le premier à leur faire découvrir cette nouvelle orientation. Avec G. Dufay, il peut être considéré comme l’un des précurseurs de la Renaissance en musique.
John Dunstable (ou Dunstaple, 1390-1453) est né à Bedford dans le comté du Bedfordshire (sud-est) dont Jean de Lancastre (†1435), frère du roi Henri V, sera le 1er Duc. Il va suivre le duc quand celui-ci va s’instaurer régent de France. Le Traité de Troyes (1420) a donné à la mort de Charles VI survenue en 1422 la couronne de France à son gendre Henri V. Celui-ci meurt quelques mois plus tard. La couronne de France revient (théoriquement) à son fils Henri VI alors mineur. Jean de Lancastre, son oncle, va alors venir s’imposer comme régent de France de 1422 à 1429. Il sera de même Capitaine Général de Normandie jusqu’à sa mort avec l’épisode que l’on connaît d’une Jeanne d’Arc mettant fin à ses ambitions territoriales à Orléans. Elle est brulée vive (sans étranglement) en 1429 à Rouen, ville anglaise où le duc, lui aussi, mourra en 1435.
Ce séjour en France sera l’occasion pour Dunstable d’entrer en contact avec les musiciens français et peut-être les italiens. Il est peu probable qu’il ait rencontré Dufay qui ne quitte pas l’Italie avant 1437 pour entrer au service du Duc de Bourgogne, Philippe III le Bon. Mais il a pu rencontrer à Paris Gilles Binchois qui était au service du Duc de Bedford avant d’entrer au service de ce même duc de Bourgogne où le rejoindra Dufay. Il n’a pu rencontrer Ockeghem né en 1420.
Son influence sur la musique française est certaine. Comme l’écrit Martin le Franc dans le Champion des Dames (1442)[2], si le sens de la mélodie propre à la musique italienne se fit sentir chez des compositeurs comme Dufay et ses successeurs, ce même souci de ‘soigner’ la mélodie, de donner une « mélodie ample et décorative, apparenté à l’improvisation » est caractéristique des compositions de Dunstable. Suivant la tradition anglaise, il a le goût des sonorités souples, du son agréable à l’oreille qui l’éloigne des constructions rigoureuses de la polyphonie flamande aux quartes et tierces austères, parfois rudes. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une parfaite maîtrise du contrepoint et de l’isorythmie (répétition d’un même module rythmique).
De Dunstable, musicien mais aussi astronome et mathématicien, il ne nous reste après que Henri VIII a vendu en 1536 les bâtiments des monastères qui ont été dissouts, que 45 œuvres comprenant messes, motets et chansons dans lesquels il utilise les formes polyphoniques les plus variées. Les musiciens anglais contemporains de Dunstable furent nombreux à être de qualité mais sans avoir l’influence qu’il aura eu en Europe.
« Dans sa volonté de donner à sa musique ce bain d’angelic sweetness et d’accorder au superius une prépondérance sur les autres voix, Dunstable n’avait pas encore réalisé l’harmonieuse combinaison des voix. Ce fut l’œuvre de Dufay. (M.C.Beltrando-Patier Opus cité)
Il est à remarquer au sujet de l’influence de Dunstable sur les musiciens français, que « Tandis que les seigneurs anglais installent en pays conquis [la France] leurs théoriciens, leurs chantres, leurs instrumentistes, nos musiciens s’en écartent pour chercher fortune dans les régions plus accueillantes ».(Émile Vuillermoz Dictionnaire de La Musique)
C’est en Flandres qu’entre 1420 et 1430 apparaît la nouvelle génération de musiciens qui constitueront l’École Franco-Flamande et que débutera l’âge d’or de la polyphonie.
On peut décomposer pour fixer les idées, l’École-Franco-Flamande en cinq générations :
L’École Franco-flamande trouve son origine dans les maîtrises des villes opulentes de la Belgica Regia (Benelux et Flandre maritime française). C’est-à-dire là où les enfants de chœur reçoivent leur formation musicale. Depuis déjà longtemps, un souci de perfection s’est développé à l’égal de celui de la peinture. Ces villes en plein essor économique et artistique organisent de fastueuses fêtes religieuses mais aussi mondaines et la musique y tient une place de choix. Philippe le Bon qui a déplacé sa cour de Bourgogne en Flandres en 1419 et ensuite son fils Charles le Téméraire ‘recrutent’ les meilleurs éléments pour leurs chapelles qui deviendront pendant ces deux siècles de la Pré-Renaissance flamande et de Renaissance humaniste des XVème et XVIème siècles de véritables centres musicaux.
S’y développera un art savant qui doit tout à la combinaison des voix, autrement dit à l’équilibre à trouver entre chaque voix dans leur parcours mélodique horizontal et la verticalité de leur concordance, de leur indépendance, de leur résonnance générale avec les autres voix, constituant l’écriture contrapunctique. Cet art du contrepoint polyphonique à son apogée donnera même lieu à des excès. Ockeghem n’ira-t-il pas jusqu’à composer pour trente-six voix ? Le maître incontesté du contrepoint à l’Âge Baroque sera Jean-Sébastien Bach. Et Mozart, au temps de la musique dite ‘galante’, ira l’étudier consciencieusement en Italie auprès du Père Martini pour l’employer ‘encore’ dans certaines de ses compositions.
Les écoles précédentes avaient développé cette science polyphonique en combinant le cantus firmus, le chant ferme, tenu, (à peu près l’équivalent du ténor) et les voix supérieures ou inférieures. Mais l’École Franco-Flamande augmentera le nombre de voix poussant la complexité des combinaisons jusqu’à cet « ars perfecta ».
Certains historiens considèrent que l’école se termine aux alentours de 1530 dès l’arrivée du nouveau style français (voir École Française). D’autres la prolongent jusqu’en 1580. Mais à cette époque, ce sont les maitres vénitiens de la chapelle de St Marc et ceux de la Chapelle Sixtine qui tiennent le haut du pavé et non plus les flamands, sauf encore Rolando Lassus et sans oublier l’espagnol Tomás de Vittoria.
L’âge d’or de la polyphonie s’étendra sur les deux siècles de la Renaissance. Et malgré l’apparition ‘révolutionnaire’ à la fin de la Renaissance d’un autre mode d’écriture initiée par des innovateurs comme Claudio Monteverdi et les musiciens de la Camerata Fiorentina, qui font appel à la basse continue et à l’harmonie, ce n’est qu’après que la musique baroque aura trouvée sa vraie affirmation et ses règles que la polyphonie disparaîtra du ‘champ’ musical européen après avoir été pendant des siècles la forme d’écriture et d’expression unissant tous les compositeurs d’un bout à l’autre de l’Europe.
Johannes Tinctoris (Jean Teinturier ou Jean de Vaerwere ou Jehan Taintenier du nom de son père, ca.1435-1511) prend place dans l’histoire de l’École Franco-Flamande et de la musique européenne plus comme théoricien que comme compositeur. Il est le premier à avoir écrit un dictionnaire des termes musicaux Terminorum musicæ diffinitorium erminorum musicæ diffinitorium (1487). Il est également l’auteur d’un traité sur la hauteur des sons et la notation rythmique, Expositio manus et Proportionale musices (1473) et d’un traité sur le système modal, Liber de natura et proprietate tonorum.
Après un bref passage à la cathédrale de Cambrai, il fait des études de droit à Orléans dont il dit avoir été chef de chœur (d’enfants). Vers 1470, il est à la cour de Ferrante 1er, roi de Naples où il exerce les fonctions de chantre, chapelain, professeur et instrumentiste. Peut-être à Rome en 1492, à Bua (Budapest) en 1493. Il est de retour à Naples en 1495. On ne sait quasiment rien du reste de sa vie.
Guillaume Dufay (du fa-i, 1397/1400-1474) est né près de et est mort à Cambrai, riche ville du St Empire grâce à sa production de drap et de toile de lin et donc conséquemment important foyer culturel qui se signale déjà par sa maitrise. Dufay y entre en 1409. L’évêque, qui participe au Concile de Constance (1414-1418), l’amène dans sa suite. Le prince Malatesta, seigneur de Rimini, le prend à son service en 1419. De chanteur, il devient compositeur. Il entre à la chapelle pontificale puis au service de Nicolas III d’Este à Ferrare avant de revenir à Rome de 1428 à 1433. Il est appelé dans les cours de Savoie, de Florence, à Genève et Lausanne où il est accueilli avec honneurs et reçoit de bons revenus.
En 1436 pour l'inauguration de la coupole du duomo de Florence, construit par Brunelleschi, Dufay compose le motet isorythmique à quatre voix Nuper rosarum flores (Fleurs de roses tardives). En 1437, il est à la cour de Philippe III, duc de Bourgogne où il rencontre Gilles Binchois. En 1445, il revient définitivement à Cambrai.
Guillaume Dufay ouvre la première génération de ces compositeurs qui entament une rupture avec la tradition polyphonique médiévale. Cette première génération, qui se concentre à la cour des Ducs de Bourgogne, a été appelée École Bourguignonne. On y rencontre des compositeurs comme Antoine Busnois (†1492) et Gilles Binchois (†1460). Mais Dufay ni séjournera que de 1437 à 1445 après son long séjour en Italie, ses voyages en Suisse, voire en Hongrie.
La nouveauté, Dufay va l’apporter dans ses messes par lesquelles il va progressivement rompre avec la dialectique de la polyphonie ’ancienne’ qui consistait à la mise en avant soit de la voix supérieure (superius) soit du ténor ( du cantus firmus) auquel il aura commencé par donner sa préférence. Il va traiter les voix d’un même équilibre et leur donner, sous l’influence italienne, un caractère plus mélodique dont la messe La Mort de Saint Gothard est un bel exemple. Il n’hésite pas à l’instar des Anglais à faire emploi du faux-bourdon (faburdon) comme dans sa messe Missa Sanctificationis de 1427. Il place le faux-bourdon deux à trois voix parallèles au plain-chant; Il fait aussi usage et de l’imitation (répétition du thème aux différentes voix)
« Chez Dufay, la mélodie et le sentiment de la monodie grégorienne priment sur les conceptions architecturales et verticales, bien qu’apparaisse la future notion de tonalité ». (Beltrando-Patier, Histoire de La Musique/ Dufay, Bordas 2004)
Si les messes sont la part essentielle de son œuvre, Dufay sera apprécié aussi pour ses compositions profanes, rondeaux, ballades, virelais et chansons ainsi que pour ses motets qui sont souvent des pièces de circonstances. Deux types de motets chez Dufay, le motet isorythmique dont les thèmes sont souvent historiques, et le motet-cantilène où « la mélodie du superius est dominante et qui s’apparente à la chanson profane ». Il nous reste plus de 150 de ses compositions.
On attribue à Dufay L’Homme Armé, célèbre chanson (profane) utilisé par les compositeurs comme base structurante de l’ordinaire[5] de la messe. Mais les origines de cette chanson sont incertaines et plusieurs en sont données : soit c’est le nom de la Taverne près de laquelle habitait Dufay à Cambrai, soit c’est le titre de l’hymne de l’Ordre de la Toison d’Or, ordre fondé en 1430 par Philippe le Bon et dont les chevaliers avaient pour devoir de défendre la chrétienté et de ce fait appelèrent à une croisade contre les Turc qui s’étaient emparés en 1453 de Byzance (Constantinople), prise que l’Occident chrétien vécut comme une catastrophe.
Nombreux seront les compositeurs à introduire la structure de cette chanson dans leurs messes, outre Dufay, Ockeghem, Josquin des Près…(voir partition Tome 1/Musique/Ars Nova).
Gilles Binchois (Hennuyer Gilles de Binche ou Gilles de Bins ou de Binche, 1400-1460), né à Mons, eut une « jeunesse de soudard » dit dans sa déploration Ockeghem. Il est d’abord au service du Duc de Suffolk à Paris comme homme d’arme (armé d’une arbalète). Il se rend peut-être en Angleterre. Il se fait moine et entre à la chapelle de Philippe III le Bon en 1430. En 1452, il se retire à Soignies (Hainaut) où jusqu’à sa mort en 1460, il demeure le prévôt (supérieur) du chapitre de Collégiale Saint-Vincent.
Binchois a eu une vie sédentaire et n’a pas connu les déplacements d’un Dufay, d’un Josquin des Prés ou d’un Cyprien de Rore qui allaient de cours en cours. C’était une personne simple, sans grande culture musicale. Son œuvre, essentiellement faite de chansons, essentiellement à trois voix, le plus souvent gaies ou lyriques, parfois empreintes de gravité, n’en démontre pas moins un sens de l’innovation. Ses recherches montrent un sens de l’audace. La musique religieuse est moins à sa portée. Il fut néanmoins le premier à écrire des turbæ ( multitude, foule>chœur :« parties interprétées par le chœur dans le chant de La Passion) pour la Pâques. Il n’écrit pas comme ses contemporains les textes de ses chansons mais il est le premier à choisir des poèmes qui ne sont pas écrits pour être mis en musique. Christine de Pisan († 1430), Charles d’Orléans (†1465), Alain Chartier († 1430) sont ses ‘paroliers’ préférés. Ses chansons eurent un tel succès qu’on en fit le rival de Dufay.
Antoine De Busne connu sous le nom d’Antoine Busnois (1433-1492), né dans le Pas-de-Calais, sera le chef de l’École Bourguignonne à la mort de Binchois en 1460, et non à la mort de Guillaume Dufay (†1474) retourné à Cambrai en 1445. Compositeur à la cour de Bourgogne, il fut également poète et ami du Grand Rhétoriqueur, Jean Molinet (Voir Littérature/Poésie). Certaines sources le donnent pour avoir rencontrer en 1465, Jehan Ockeghem à Tours alors que celui- ci n’a été le trésorier de la Cathédrale Saint Martin que de 1456 à 1459. En 1466, sans raison avérée, il quitte Poitiers où il a pu être nommé maître de chœur (des enfants du chœur) et entre au service du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, comme compositeur et chanteur, fonctions qu’il occupera jusqu’en 1476, date à laquelle il passe au service de Marguerite d’York († 1503), sœur d’Édouard IV et de Richard III, et troisième épouse du Téméraire. Le décor des noces nuptiales qui eurent lieu à Bruges en 1468 fut peint par Hugo van des Goes (voir Art/Peinture). Marguerite, la plus puissante, sans doute la plus belle mais certainement la plus dévote des duchesses d’Europe, eut la ‘bonne idée’ à la mort de son époux de marier sa belle-fille, l’unique enfant de Charles, Marguerite de Bourgogne († 1482), au futur empereur du St Empire, Maximilien d’Habsbourg. Le couple, au mariage réussi, aura pour fils Philippe le Beau qui marié à Jeanne La Folle aura pour fils Charles-Quint.
Marguerite décède en 1482, date à laquelle on perd la trace de Busnois. Date aussi à laquelle commence la Guerre de Succession de Bourgogne (voir T2-Vol.1/Événements Majeurs/Guerre de Succession de Bourgogne) qui durera dix ans et verra le roi de Frances Charles VIII (qui entamera les Guerres d’Italie) et l’empereur Maximilien 1er se partager les États Bourguignons, Duché pour le roi de France, les Dix-Sept Provinces (du Nord) et en 1512 le Comté de Bourgogne, pour Maximilien, régent des états pour le compte de son fils le futur Philippe Le Beau (1478-1506).
On ne sait rien des dix dernières années de la vie de Busnois sinon qu’il meurt dans la capitale des Provinces du Nord, Bruges.
Contemporain d’Ockeghem -certaines sources le donnent comme ayant été son élève (?)- il fut de son temps aussi célèbre que lui mais jamais n’atteint sa qualité émotionnelle. Auteur principalement de chansons, qualifiées « d’alertes et vivantes » et pour lesquelles il fit fréquemment appel pour leur texte à la mythologie antique, il laissa également 9 motets qui font montre d’une réelle habileté et de la recherche d’effets variés. Son motet le plus fameux, In Hydraulis, est d’une vraie liberté d’écriture. Les paroles évoquent Pythagore faisant ses premières découvertes musicales. Pour l’occasion, l’auteur rend hommage à Ockeghem comme ayant été son maitre.[6]
Josquin des Prés (ca.1440/50-1521/24) est sans doute né à Beaurevoir dans l’Aisne (Picardie) qui fait alors partie des États-Bourguignons. Mais des Pays-Bas à la Toscane, on se disputa l’honneur d’être sa patrie. Et le considérer comme faisant partie de l’École Franco-Flamande serait limiter son importance, car tant à cheval sur les deux siècles que de par sa musique et sa vie, il est en musique le compositeur emblématique de la Renaissance.
Sa vie, d’ailleurs, porte à conjectures. Certains le donnent chantre à la cathédrale de St Quentin (Aisne) en 1460, alors que d’autres le donnent chantre à la chapelle du Dôme de Milan de 1459 à 1472. Quoiqu’il en soit, il se déplaça beaucoup entre la péninsule italienne et la France passant au service de différents seigneurs, ducs et rois pour terminer sa vie à Condé sur l’Escaut non loin de Valenciennes, capitale historique du Hainaut alors sous domination des Habsbourg.
En 1474, il est au service du condottiere Duc de Milan, Galeazzo Sforza. Deux ans plus tard, il passe à celui de son frère, le Cardinal Ascanio Sforza. Après quelques années passées à la chapelle papale, de 1489-1494 (ou jusqu’en 1499 ?), il revient à Milan. Il est en France en 1500 où selon les sources, il aurait soit été au service de Louis XII, soit n’aurait eu que « quelques contacts » avec le roi.
En 1503, il est au service d’Hercule 1er Duc de Ferrare qui, grand mécène et mélomane, a fait de sa cour un foyer musical de renom : Le Flamand Obrecht (1457-1505) y séjourna par deux fois en 1487 et en 1505 ; ce dernier séjour lui aura été fatal puisqu’il mourra de la peste qui sévissait alors dans la ville. Le Français Antoine Brumel (1460-1515) y sera maitre de chapelle pendant près de dix ans.
Josquin revient définitivement dans sa région natale en 1505 pour s’installer à Condé-sur-l’Escaut où il occupera jusqu’à sa mort la fonction de prévôt (supérieur) de la collégiale.
Sa renommée n’aura cessé de grandir. Renommée qui fut facilitée par l’impression et donc la large diffusion de ses partitions, notamment grâce au travail du premier des imprimeurs de musique, le vénitien Ottaviano Petrucci (1466-1539, voir note pg.9) qui appréciait particulièrement sa musique.
En Italie, sous l’influence d’une musique qui se soucie de clarté, de simplicité et d’expressivité plus que de développer une musique savante, plus soucieuse de sensibilité que de science, Josquin commença à composer autres choses que des chansons. A la cour des Sforza, il se tournera vers la musique profane et composera des frottola. A la Chapelle Papale, il développera sa science polyphonique.
Dans ses messes, motets et chansons, Josquin gardera toujours un esprit de liberté, ne se pliant pas forcément aux formes fixes, telles la ballade ou le rondeau. Certaines de ses messes sont des messes parodies, messes qui utilisent et développent une pièce déjà existante (motet, chanson) en partie ou en totalité. A l’instar des anglais, il use volontiers de l’imitation. Et il utilise un procédé qui lui fut propre le sogetto cavato qui veut que les notes employées correspondent par assonances aux syllabes d’un nom. L’exemple le plus cité est celui de sa Missa Hercules dux Ferrariae
Her cu les Dux Fer ra ri æ
Ré ut ré ut ré fa mi ré
Dans ses messes parodiques (paraphrases) sur le cantus firmus, Josquin aime écrire en contrepoint mélismatique (plusieurs notes pour une syllabe). Dans les motets, la liberté du texte laisse plus d’aisance à son imagination créatrice et lui permet de traiter plus aisément les voix de manière égale.
De celui qui fut appelé le « prince de la musique » et dont le génie musical fut comparé à celui en art de Michel-Ange, nous avons vingt messes, cent motets et de nombreuses chansons
« Un génie primesautier chez qui le don naturel et l’instinct n’ont jamais été étouffés par les disciplines d’écritures».
Pierre de La Rue (ou Pierchon, 1450/60 -1518) est né à Tournai, alors cité indépendante sous le bailliage français de Charles VI. Elle ne sera intégrée au Pays-Bas Bourguignons (des Habsbourg) qu’en 1521 par Charles-Quint.
De La Rue est de ces polyphonistes franco-flamands qui ont eu une vie itinérante, engagé qu’il a été dans différentes chapelles, d’abord à Bruxelles, puis à Gand, Cologne, Bois-le-Duc, et au service de l’empereur Maximilien 1er (†1508), puis de son fils, Philippe le Beau qu’il suivra en Espagne lorsque celui-ci deviendra roi consort de Castille en épousant en 1496 Jeanne de Castille dite La Folle. Le couple royal aura pour enfant Charles Quint. A la mort de Philippe en 1506, il reste au service de la reine Jeanne. Mais en 1508, Jeanne est écartée du pouvoir et restera enfermée jusqu’à sa mort. ll entre alors au service de Marguerite d’Autriche (ou de Bourgogne), régente du royaume pour le compte de son neveu, le futur Charles Quint. Il se rendra également en Angleterre.
Marguerite de Bourgogne, petite fille du Téméraire par sa mère Marie de Bourgogne, et par son frère Philippe Le Beau, tante à l’âge de 20 ans du futur Charles-Quint qu’elle a quasiment élevé, va exercer en deux temps la régence des Pays-Bas Espagnols pour le compte de son neveu. Régente d’abord avant la montée de Charles 1er sur le trône d’Espagne de 1507 à 151 ; régente ensuite de 1519 jusqu’à sa mort en 1530, une fois qu’elle aura fait de son neveu, devenu roi d’Espagne, un empereur en achetant les (grands) électeurs.
Richissime mécène, une des plus grandes fortunes d’Europe par ses héritages et ses deux mariages avec Jean d’Aragon et Philibert de Savoie, elle s’est entourée à sa cour de Malines, de poètes tel que le Grand Rhétoriqueur Jean Lemaire († 1515) qui s’était déjà illustré à la cour de Maximilien 1er, de peintres comme Joachim Patinir (†1524), Jan Gossaert (†1532) ou encore Bernard van Orley (1541), et de musiciens comme Pierre de La Rue (†1518), Loyset Compère (†1518). Poétesse elle-même, esprit raffiné – elle a reçu une éducation savante à la cour de France où elle a passé une partie de son enfance- mais de nature plutôt sombre, son souci sera de recréer en ce début de XVIème siècle le rayonnement culturel qu’avait connu la cour de Bourgogne du temps des Ducs à Dijon et à Bruges.
De La Rue qui finira par se retirerait définitivement à Courtrai, fut apprécié de son temps au point que nombre de ses œuvres figurent dans d’importants codex et incunables.
Son œuvre comprend 31 messes, une trentaine de motets, une quarantaine de chansons (textes français et flamands), 8 Magnificat. Si elle n’atteint pas à la hauteur d’expression et à l’invention de son contemporain Josquin des Prés, elle n’en montre pas moins une similitude dans la recherche d’une souplesse mélodique qui évite les heurts d’un cantus firmus trop appliqué, une mise en valeur du texte, un souci de clarté, de simplicité, d’expressivité. A l’inverse de Josquin, il reste très attaché à l’écriture contrapunctique alors que Josquin est naturellement porté à l’homophonie (voix à l’unisson ou à l’octave).
Jacobus Barbireau (1455-1491) n’a pas vraiment la place qu’il mériterait dans l’histoire de la polyphonie de la Renaissance. A cause tout à la fois du fait qu’il soit mort jeune à 36 ans d’une santé par trop fragile et que ses œuvres ont en grande partie disparu en 1556 dans l’incendie de la bibliothèque de la Cathédrale d’Anvers[7] sa ville natale et dont il fut le maître de chapelle de 1484 jusqu’à sa mort. Très apprécié dès le début de sa carrière de compositeur, il est remarqué par le futur empereur Maximilien 1er. En 1489, il séjourne à Bois-le-Duc où Jérôme Bosch est né 39 ans plus tôt. Puis, il se rend à Buda (-Pest) où la reine le présente comme un familier de Maximilien. Il revient à Anvers en 1491 où il décède après avoir soigneusement prévu er préparé sa mort prématurée.
Ami de l’humaniste et musicien Rodolphe Agricola (voir Tome 2-V1/Humanisme du Nord), nous avons de lui de lui un motet resté fameux, Osculetur, un kyrie, deux messes dont une prévue pour dix voix, d’une écriture inhabituelle, et une chanson (profane) à trois voix qui fut reprise et arrangée dans toute l’Europe.
La France du XVème siècle demeure encore très médiévale en ses arts et sa culture. Même si un Jean Fouquet (1420-1478 ?) apporte des nouveautés, notamment dans sa conception de l’espace, la peinture française est toujours ancrée dans la tradition plastique et iconographique du Moyen-âge avec sa production des livres d’heures qui atteignent l’acméee du genre dans les ateliers des enlumineurs de Paris et de Tours. La jonction qu’elle opère entre écoles du Nord et d’Italie, dont les meilleurs représentant sont à la cour papale d’Avignon (voir Arts/France) marque la fin et l ’aboutissement d’une période. « La peinture française à la fin du XVème siècle est une peinture gothique ». (P. Francastel Histoire de La Peinture Française, Édit. Gonthier 1955)
Dans le domaine littéraire, ce sont ses « artisans du verbe », les Grands Rhétoriqueurs qui occupent le siècle. Il faudra attendre, malgré leurs jeux savants de la langue, que s’ouvre le siècle suivant pour que la poésie engage le vers sur une voie nouvelle, et que des genres nouveaux comme l’essai apparaissent. Il en va de même en musique, le XVème siècle reste traditionnellement polyphonique. Des Flandres va arriver un polyphoniste de génie qui occupera tout le devant la scène musicale française Jean Ockeghem . A noter que vers 1430, le virelai va être remplacé par la bergerette d'inspiration pastoral, dite grande, moyenne ou petite selon qu'elle possède cinq, quatre ou trois strophes; dans ce dernier cas, elle ne se distingue du rondeau que son couplet du milieu qui change de rythme. Le rondeau,lui, remplace la Ballade.
Jean Ockeghem (ca.1420-1497) est né près de Mons (Hainaut). Il a peut-être été l’élève de Gilles Binchois, natif de la ville. Il passe la première partie de sa vie à Anvers où il est chantre à la cathédrale. A la trentaine, il est engagé comme premier chapelain à la cour de Charles VII, le « roi sans terres » ou le « roi de Bourges » monté sur le trône en 1422. Il restera définitivement en France et deviendra successivement maitre de chapelle des rois Charles VII, Louis XI et Charles VIII, qui le comblèrent de faveurs et fortes prébendes. Il fut un temps trésorier de la Cathédrale St Martin de Tours. Sa renommée fut très grande. Son enseignement musical fut suivi par de nombreux compositeurs. Certains dont Josquin des Prés, écriront des pièces pour lui rendre hommage. Il nous reste une cinquante d’œuvres, messes motets, chansons.
Johannes Tinctorus en fera le compositeur de référence dans ses traités.
« On honorait en lui l’auteur de motets religieux d’une grande beauté de pensée et d’expression…On observe chez ce musicien, qu’aucun tour de force n’intimidait, une grande variété d’effets, un sens harmonique assez subtil, un goût nouveau des vocalises sensibles [8]»
« Sa Missa cuiusvis toni (Messe dans tous les tons) s'appelle ainsi car on peut la lire dans les quatre tons ecclésiastiques (protus ou mode de ré, deuterus ou mode de mi, tritus ou mode de fa et tetrardus ou mode de sol). Au lieu de la clef habituelle, qui indique un son fixe, est placé, en début de portée, un signe de congruence [d’adaptation] permettant au chanteur de placer la finale du ton dans la portée, c'est-à-dire la note sur laquelle le ton doit s'achever. Ainsi la même notation sera lue dans quatre échelles différentes, c'est-à-dire avec une disposition différente des demi-tons, avec un résultat sonore fort différent. » (Wikipédia/Ockeghem). Certains historiens considèrent que l’École Franco-Flamande se terminera dès 1535 avec l’arrivée du nouveau style français de l’École Parisienne.
Jean Hollingue dit Mouton (1460-1522) est né dans le Pas-de-Calais et mort en Picardie. Il est formé à la maitrise de Saint Quentin en même temps que Josquin dont il sera l’ami. Devenu maitre des enfants de chœur, il obtient un poste à Nesle (nord de la France) où il est ordonné prêtre. Il est nommé ensuite à Amiens puis à Grenoble où il quitte de lui-même ses fonctions en 1502.
En 1509, il décide d’entrer au service d’Anne de Bretagne, épouse de Louis XII. En 1514, Anne morte, il passe au service du roi, puis de François 1er. Sa renommée comme musicien officiel de la cour est grande. Compositeur favori du pape Léon X,
en 1513, ses œuvres entrent au répertoire de la chapelle papale. Ses œuvres seront publiées de son vivant par les deux grands éditeurs de musique, Ottaviano Petrucci à Venise et Pierre Attaingnant à Paris. Il se retire jusqu’à la fin de sa vie à Saint Quentin où il est chanoine à la cathédrale. Il eut pour élève à Paris Adriaan Willaert.
Son œuvre n’est pas immense : 25 messes, 120 motets et une vingtaine de chansons.« Sa musique s’éloigne de l’ancien style, qui se divise en sections claires, et insiste plutôt sur un flux continu de lignes vocales du début à la fin, avec une imitation mélodique omniprésente. Il était un maître de la technique du canon ». (Encyclopedia Britannica)
Juan de Anchieta (1462-1523], né et mort à Azpeitia, est issu d’une grande famille basque. Sa mère était la grand-tante d’Ignace de Loyola (1491-1556), le fondateur de la Compagnie de Jésus. En 1489, il est nommé à la chapelle de la reine Isabelle de Castille. En 1495, il devient maestro di capilla de son fils Jean, Prince des Asturies. En 1497, à la mort de celui-ci qui n’avait que 19 ans, il retourne au service de la reine. En 1504, à la mort de celle-ci, il reste maître de chapelle mais au service de la nouvelle reine, Jeanne La Folle. Il passe les dernières années de sa vie dans le couvent franciscain qu'il avait fondé à Azpeitia.
« Juan de Anchieta a beaucoup voyagé. Proche de la reine Isabelle[ 1ère de Castille], puis de Jeanne la Folle, il fut éloigné du pouvoir par Charles V [jugé trop âgé âge]. Celui qui finit simple curé [de sa ville natale] fut surtout un compositeur de génie. Il révolutionna le chant polyphonique religieux, ou profane. Il fait partie des pères fondateurs de la musique de la Renaissance. Son Con Amores La Mi Madre , confidences d’une jeune paysanne à sa mère, en est un témoignage.
« Il est né à Azpeitia (Guipúzcoa), vers 1462 dans une famille importante qui vit aussi naître Ignace de Loyola. Nul ne sait où il a suivi ses études musicales et sacerdotales. Étroitement lié à la chapelle musicale d'Isabelle la Catholique, il passa au service de Jeanne la Folle à la mort de la Reine. Ensuite, il intégra la chapelle de Ferdinand le Catholique jusqu'à la mort du monarque. Il a composé de la musique profane, en castillan, et de la musique religieuse, en latin. Il a subi l'influence de Francisco de Peñalosa. Ses mélodies austères et l'alternance entre la polyphonie et le style grégorien joueront un rôle important dans la musique espagnole, et son style perdurera jusqu'à la période baroque. Il est mort à Azpeitia le 30 juillet 1523». (http://www. spainisculture.com/fr/ artistas_creadores/juan_de_anchieta.html)
On a gardé de lui deux messes complètes, deux Magnificat, un Salve Regina, quatre décors de la Passion.
Ne pas confondre avec le sculpteur du même nom qui né en 1540 et mort 1588, exerça son art maniériste inspiré de Michel-Ange à Valladolid et Pampelune.
Juan del Fermoselle (1468-1533), issu d’une famille pauvre, est connu sous le nom de Juan del Encina du nom de sa ville natale supposée, située dans en Castille-et-León. Il entre d’abord comme enfant de chœur à la cathédrale de Salamanque avant d’en devenir le maitre de chapelle. Il entre ensuite au service du frère du duc d'Albe dont le soutien lui permet d’obtenir un baccalauréat en droit de l'Université de Salamanque[9].
Il se rend ensuite à Rome où chantrs à la chapelle papale, il bénéficie des faveurs du pape Léon X. En 1519, ayant reçu l’ordination, il se rend en pèlerinage en Terre Sainte. À son retour, il s’installe définitivement en Espagne. Il est nommé aumônier et chantre à la cathédrale de León et le restera jusqu’à sa mort en 1523.
Il est rattaché à la fameuse École Polyphonique Castillane à laquelle ont appartenu des musiciens renommés comme Juan de Anchieta (1462-1523).
Ses œuvres, villancicos (chants, cantiques de Noël), romances, frottola, qui, au dire même de son auteur, ont toutes été composées avant l’âge de 25 ans, se trouvent réunies dans le Cancionero Musical del Palacio qui compile des œuvres du dernier tiers du XVème siècle et du début du XVIème ; ainsi que dans le Cancionero de Segovia, et dans le Chansonnier d’Upsal (Venise 1556).
Le poème du berger Rodrigo Martinez qui se trouve dans le Cancionero del Palacio, est chanté sur le thème de La Folia. Le poète portugais Gil Vicente s’en servira pour plusieurs musiques de ses poèmes avant que ce thème ne passe en Italie et qu’il ne devienne un des 'best-sellers' de la musique occidentale. Tous les grands compositeurs avec des variantes l’ont par la suite utilisé.
El Cancionero de Segovia (1496) réunit des compositions de jeunesse. Cette édition bénéficie pour sa diffusion des nouveaux procédés de l'imprimerie post incunable. L’ensemble de ses œuvres musicales conservées, 68 au total, sont rassemblées en 1890 sous le titre Cancionero musical Barberini (Recueil de Chansons de Barberini)[10].
Del Encina a mis nombre de ses poèmes dramatiques et lyriques en musique. Et de ce fait, il privilégie dans sa musique l’expression dramatique dans le sens d’une simplification de la composition. Ce qui préfigure les recherches des poètes et musiciens de la fin de la Renaissance Italienne, ceux de la Camerata Fiorentina entre autres.
El Encina fut également un poète dramaturge dont l’importance fut égale à celle du musicien (voir Théâtre/ Espagne)
Juan del Encina tient donc une place doublement importante dans l’évolution du théâtre et de la musique. Au plan littéraire, ses poèmes dramatiques joués lors des fêtes religieuses annoncent les autos sacramentals (voir aussi Âge Classique). Et, d’un point de vue musical, outre sa recherche sur l’expression dramatique en musique, ses villancicos (Chants de Noël) dans leur évolution donneront naissance ultérieurement à la zarzuela, forme d’opérette apparue dès le XVIIème siècle, qui n’est pas à confondre avec un autre classique ibérique du même nom, mais dans un tout autre registre, celui de l’art culinaire catalan, le plat à base de poissons, de moules, de gambas, agrémenté du ‘picada’ (amandes, ail, persil), et du ‘sofrido’ (sauce préparée avec des oignons, du safran , du piment doux, du coulis de tomate et l’eau de cuisson des moules) .
Francisco de Peñalosa (1470 ?-1528), né à Talavera de la Reina (province de Tolède) et mort à Séville était le fils de Pedro Díaz de Segovia. Comme pour nombre compositeurs de son temps, on ne sait que peu de chose de sa vie. Rien sur son enfance ni sur son adolescence.
En 1498, il est documenté comme chantre au service de Ferdinand II de Catalogne et d’Aragon. En 1506, il est chanoine de la Cathédrale de Séville. En 1511, il en devient le maitre de la chapelle. Il a certainement formé Cristobal de Moralès (1500-1553) qui lui succèdera à ce poste. En 1516, à la mort du roi Ferdinand II, il se rend à Rome invité par Léon X et entre à la chapelle pontificale. Si les documents prouvent qu’il a été chantre à la chapelle pontificale, aucun n’atteste qu’il en a été le Maître de Chapelle (selon Wikipedia). Il revient définitivement à Séville en 1521 pour retrouver son canonicat. Il avait été préalablement maitre de chapelle à la cathédrale de Burgos.
de Peñalosa fut l’historien officiel de Ferdinand II de Catalogne et d'Aragon, son chanteur préféré et son maitre de chapelle de 1511 à 1516 Il fut le compositeur le plus cultivé et le plus prolifique de son temps, le plus influent parmi ses successeurs polyphonistes du XVIe siècle … Le texte liturgique a généralement des mélodies profanes d'origine française ou espagnole comme base musicale. Il utilise le contrepoint et le cantus firmus comme base de la texture… Dans les motets, Peñalosa se distingue par son style raffiné. Dans les six magnificat, Peñalosa couronne la période de floraison typique du cantique marial en Espagne et ouvre la période à laquelle succédèrent immédiatement Cristóbal de Morales, Francisco Guerrero et Tomás Luis de Victoria. En effet, partant des caractéristiques communes du magnificat du XVe siècle, Peñalosa montre la voie vers la saturation grégorienne en polyphonie, l'absence du fabordón et l'alternance des vers . (Biographie complète : le musicologue Josep María Llorens Cisteró (†2019) : http://dbe.rah.es/ biografias/27739/francisco-de-penalosa-).
Nous avons aussi de lui six messes complètes et trois lamentations. de Peñalosa, qui n’a pour ainsi dire pas quitté son pays, n’a pas de ce fait pu profiter des services des grands imprimeurs de musique du Nord, Anvers entre autres, et ses œuvres n’ont pas pu bénéficier de la grande diffusion que permettait alors l’imprimerie, contrairement à nombre de ses contemporains européens ;, et de ce fait, il n’aura pas connu la même renommée qu’eux bien qu’ayant été un des grands compositeurs de la Renaissance.
Notes
[1] Une des grandes nouveautés apportées par le compositeur et théoricien de l’Ars Nova au début du XIVème siècle, Philippe de Vitry sera l’introduction de la note ‘sensible’, la septième de la gamme qui se situe ½ ton diatonique en dessous de l’octave (le si naturel dans la gamme d’ut majeur suivi de l’ut à l’octave) induisant la notion de mode majeur et mode mineur, les deux seuls modes qui, dans la musique moderne, subsisteront des sept modes médiévaux.
[2] Dufay et Binchois « on pris pratique : de faire frisque [vive] concordance/Et on pris de la contenance anglaise et ensuite Dunstable/ Pour quoi merveilleuse plaisance rend leur chant joyeux et notable. ». Faut-il comme certaines sources le font, faire de cette ‘contenance anglaise’, de cette manière anglaise, une école du début du XVème siècle basée sur la polyphonie primaire de l’organum (gymel anglais) utilisant comme plus agréable à l’oreille tierce et sixte et non pas quarte et quinte. L’emploi des intervalles de tierces et quintes datent l’École de Notre-Dame-de-Paris (voir Tome 1/ Musique). Le souci d’euphonie et l’imitation sont caractéristiques de la musique anglaise.
Martin Le Franc (†1461) : Le Champion des Dames, plaidoyer en faveur de la gente féminine, est sont œuvre principale (voir Tome 1/Littérature).
[3] La date de naissance généralement donnée de Josquin des Prés (Deprez à l’origine) est de 1450. Des découvertes récentes montrent qu’il serait né une quinzaine d’années plus tôt, à Condé-sur l’Escaut (Flandres françaises). La date certaine la plu ancienne que l’on connaisse de lui est 1459, date à laquelle il entre comme chanteur à la cathédral de Milan où il y restera jusqu’en 1472.
[4] L’empereur passa tellement de temps en selle au cours de son long règne, que cela lui provoquera de telles hémorroïdes qu’elles seront une des causes de son affaiblissement et de sa mort.
[5] Chants de l’ordinaire : Kyrie eleison, gloria, credo, sanctus, agnus dei. L’ordinaire est invariable contrairement aux chants du propre qui suit le calendrier liturgique dont les deux temps forts sont la Noël et Pâques.
[6] Texte du motet : https://antoinebusnoys.wordpress.com/text-and-subject: «Il y a longtemps, alors que Pythagore s'interrogeait sur les mélodies d’orgues à eau [orgues à eau ou hydraules] et sur les sons de marteaux contre des surfaces, il a découvert l'essentiel de la musique à travers les inégalités de poids des rappeurs [heurtoirs]. Les proportions de l'épithète ainsi que de l'hémiolia, de l'épogdoum et du duple, car elles conduisent non seulement à l'harmonie du diatessaron et du diapente, mais également à celle des phthongos et du diapason, tout en reliant les espèces du monochorde [« un instrument pour esprouver la varieté & la proportion des sons de Musique. Il est composé d'une règle divisée & subdivisée en plusieurs parties, sur laquelle il y a une corde de boyau médiocrement rendue sur deux chevalets. » A.Furetière †1688].Toi, Ockeghem, chanteur en chef avant tout au service du roi des Français, renforcez la pratique juvénile de votre race en examinant, à un moment donné, les résultats de ces aspects dans les salles du duc de Bourgogne, dans votre patrie. À travers moi, Busnoys, musicien indigne de l'illustre comte de Charolais, permettez-vous d'être accueilli, pour ainsi dire, comme "Cephas", en tant que premier compositeur. Adieu, vraie image d'Orphée! »
[7] Patrick De Rynck, La Cathédrale Notre-Dame d'Anvers, Ludion, 2005 :« La plus grande église gothique des Pays-Bas (5 nefs originellement, portées au nombre de 7 » sera consacrée Cathédrale de la ville d’Anvers en 1559.
[8] Émile Vuillermoz (Histoire de la Musique, Fayard 1973) : « Son Deo Gratias en quatre canons à neuf voix forme un échafaudage de 36 parties » !
[9] L’université de Salamanque comme les dites’ universités’ de son époque dont elle était la plus importante avec quatre collèges était en fait constituée de différents Colegio Mayor d’enseignement supérieur, chacun, indépendant spécialisé dans une matière.
[10] Le Cancionero Musical del Palacio Cancionero est aussi appelé Cancionero de Barbieri ou Barberini, du nom du musicien Francisco Asenjo dit Barbieri (1823 1894) qui a retrouvé à la Bibliothèque Royale et a fait imprimé à ses frais le Recueil de chansons musicales des XVe et XVIe siècles (www.cervantesvirtual.com › obra-visor › html.), manuscrit espagnol qui contient de la musique de la Renaissance, des œuvres rassemblées sur environ quarante ans » (https://es.wikipedia.org/wiki/Cancionero_ de_Palacio).
Introduction - L'École Franco-flamande -La Polyphonie à Venise - La Musique de la Contre-Réforme -
Le Madrigal à Florence - L'École Parisienne - La Seconde Pratique en Italie - La Musique en Angleterre -
La Musique en Espagne - La Musique Outre-Rhin - la Musique aux Pays-Bas
La polyphonie compte parmi ses plus brillants compositeurs ceux de la fin du XVIème siècle en s’achevant à Rome sur l’œuvre d’un des plus célèbres d’entre eux sinon le plus connu, Palestrina, et à Venise avec la magnifique chapelle de la Basilique St Marc. Néanmoins, diverses tendances et recherches vont conduire la musique de la Renaissance vers un point de non-retour, là où la monodie et la basse continue supplantent l’art vocal polyphonique, où le mode tonal (la tonalité) la musique modale (modalité), renvoyant le contrepoint aux instrumentistes, et faisant de l’instrumental l’égal du vocal. A partir de là, de nouvelles formes vont être inventées, et, ce qui va de soi, de nouveaux instruments fabriqués. Ce sera l’entrée dans la période baroque de la musique européenne et de façon plus générale l’apparition de la composition musicale telle que nous la connaissons de nos jours.
Ces recherches et tendance nouvelles se manifestent
Plus encore qu’au siècle précédent, les musiciens du XVIème siècle vont se déplacer au gré de leur nomination ou des déplacements des empereurs, rois, ducs et cardinaux à la chapelle desquels ils appartiennent. Le centre musical qu’était la cour des ducs de Bourgogne disparaitra à la mort du dernier des grands ducs de Bourgogne, Charles Le Téméraire (†1477). Après la Guerre de Succession de Bourgogne (1477-1482) les États Bourguignons seront partagés entre Maximilien 1er d’Habsbourg, marié à l’unique enfant du Téméraire, Marie de Bourgogne, devenu empereur en 1486 (†1477) et Charles VIII, roi de France en 1483.
S’ils sont itinérants comme Cyprien de Rore ou Orlando Lassus, certains restent sur leur terre natale des Pays-Bas comme Clemens non papa ou y reviennent ; d’autres entrent et pour longtemps dans les chapelles comme celle des Habsbourg à Vienne tel Philippe de Monte ou celle de Charles-Quint à Madrid tel Nicolas Gombert. Certains feront l’essentiel de leur carrière en Italie comme Adriaan Willaert.
La tradition polyphonique se poursuit mais les maitres bien que toujours pour la plupart natif des Pays du Nord (Flandres, Hainaut…) composent sous d’autres cieux et leur polyphonie prend une autre couleur avec notamment la Chanson Polyphonique en réaction contre le formalisme contrapunctique qui ne laisse pas assez la part belle au sens et à l’expression des textes. Leurs compositeurs « se servent d’entrées plus aérées, d’imitations plus déliées, une articulation syllabique vive et découvrent souvent des effets d’harmonie pure ». (E. Vuillezmoz Histoire de La Musique)
Au siècle précédent, la musique était sortie du quadrivium, l’enseignement des sciences, pour être intégrée au Trivium, l’enseignement de l’expression. Déjà se manifestait le souci de sortir la musique des contraintes de lois scientifiques qui étaient le fondement de la musique depuis Pythagore. Ces lois régissaient la production de sons par vibrations et les organiser, les tempérer selon certains intervalles (tierce, quarte, quinte, octave). Cette tendance à donner à la composition musicale plus de liberté, plus de souplesse, plus d’aisance, va se renforcer au XVIème siècle jusqu’à ce que la musique devienne ce qu’elle est depuis restée, un art d’agrément.
Des théoriciens comme Gioseffo Zarlino (†1590), élève de Adriaan Willaert publie un traité, Le istitutioni harmoniche, dans lequel il donne les basses acoustiques de l’harmonie et de la construction méthodique des accords. Il sera le premier à affirmer comme fondement de l’harmonie la tierce majeur (faite de deux tons tels do mi soit trois degrés). Son ouvrage eut un très grand retentissement dans toute l’Europe. Il est toujours considéré comme une texte fondamental de la musique de la Renaissance posant les bases de la musique moderne notamment par le ‘réglage’ d’un nouveau tempérament (altération du rapport des fréquences de deux de notes) : « plutôt que de considérer la gamme do ré mi fa sol la si comme système de quintes, il la considère comme un système de trois accords parfaits: do mi sol, fa la do, sol si ré».
Jacques Clément (1510-1555) s’appela de lui-même Clemens non papa pour éviter d’être confondu avec un poète contemporain Jacob Papa né comme lui à Ypres (Flandre Néerlandaise). Mais il est arrivé qu’on le confonde avec le pape Clément VII (†1535), ce qui pourrait être moins déshonorant vu que celui-ci malgré ses rapports parfois houleux avec l’impétueux Michel-Ange, commanda en grand mécène qu’il était au sculpteur des Esclaves, le Jugement Dernier de la Chapelle Sixtine (1534). L’on ne sait quasiment rien de la vie de Clemens. Est-il né en Belgique ou au Pays-Bas ? Documents et interprétations varient.
Son nom est documenté pour la première fois par le grand imprimeur français Pierre Attaingnant (voir La Chanson Française/Édition Musicale) en 1530 pour l’impression de ses chansons.
En 1544, Clemens, déjà ordonné prêtre, est maître de chant à Bruges. En 1550, il est chantre et compositeur à Notre-Dame de Bois-le-Duc où Jérôme Bosch est né un siècle plus tôt. Il meurt de mort violente en 1555 à Dixmude (Flandre Néerlandaise) où il était maître de chapelle.
Son œuvre, surtout religieuse, est quantitativement d’importance au vu de sa relative courte existence, et sa renommée devait être grande au vu du nombre de ses pièces recueillies dans de nombreuses collections. Il a écrit 14 messes, 210 motets, 8 Magnificat, 85 Chansons Françaises.
Il réalise des compositions plutôt exceptionnelles avec ses Souterliedekens (Chansonnettes de Psaumes) : Tous les psaumes sont traduits en flamand et mis en musique sur des mélodies populaires à trois voix. Son écriture est essentiellement basée sur l’imitation avec des thèmes courts, une ligne mélodique qui s’échappe volontiers du contrepoint note à note et un souci de l’expressivité par l’alternance des rythmes. Mais de manière générale, le style de Clemens est difficilement classable tant il passe facilement de la plus grande sobriété à la plus extrême fantaisie. On pourrait essayer de résumer sa musique en parlant de recherche d’effets expressifs, d’audace rythmique et d’une liberté de la ligne mélodique qui vocalise sur plusieurs voix.
« Une certaine nervosité mélodique et rythmique fait oublier un langage largement fondé sur des formules préexistantes qui expliquent peut-être sa fécondité ». (Dictionnaire de la Musique Larousse/C. non Papas).
Cyprien de Rore (1515/16-1565) est né à Renaix (Ardennes Flamandes). On ne sait quasiment rien de ses origines ni de sa formation musicale. Il aurait peut-être été en 1533 dans la suite de la fille naturelle de Charles-Quint, Marguerite de Parme (d’Autriche, †1586)[1], lors de son voyage à Naples en vue du mariage de celle-ci avec Alexandre Le Maure, 1er Duc de Florence, qui sera assassiné en 1537 par son cousin Lorenzo de Médicis (le Lorenzaccio de Musset).
Il aurait été l’élève d’Adriaan Willaert à Venise…?[2] En 1542, il est à Brescia (Lombardie) où il publie un recueil de madrigaux et un de motets. En 1547, il entre au service d’Hercule II d’Este à Ferrare comme maître de chœur. En 1559, à la mort du duc, il entre (enfin) au service de la Duchesse de Parme (Marguerite d’Autriche †1586) qui, à Bruxelles, est gouvernante des Pays-Bas. En 1562, il a le privilège d’être nommé au poste important de Maitre des Chœurs à la Basilique St Marc. Mais deux ans plus tard, il démissionne pour s’installer à Parme où il meurt l’année suivante.
De Rore a écrit 5 messes, 65 motets, une Passion, des Magnificat. Mais c’est dans ses compositions profanes, notamment le madrigal (4 à 5 voix) qu’il donne le meilleur de lui-même. On retrouve chez lui le souci de l’expression
Ses contemporains l’avaient surnommé « Omnium Musicorum Princeps » (Le Premier Parmi les Musiciens) ou encore « le divin furieux » ; et Monteverdi dira qu’il fut une de ses principales sources d’inspiration.
« Rore est le père de cette "génération de compositeurs inquiets, mélancoliques et géniaux, lesquels, forts d'une nouvelle pharmacopée musicale, multiplient par dix les vertus efficaces de tous les ingrédients de l'écriture musicale: dissonance, modulations déviantes, fausses relations, vertiges chromatiques. Tout est permis au nom de l'expression du texte poétique » (Brenno Boccadoro, Université de Genève).
Philippe de Monte (1521-1603) est né à Malines, capitale flamande néerlandophone où Marguerite d’Autriche (la tante de Charles Quint) exerça la Régence des Pays-Bas Espagnols jusqu’à sa mort en 1530. Avant 1542, on ne sait quasiment rien de sa vie sinon qu’il fut enfant de chœur à St Rombault de Malines. Il apparaît à cette date comme précepteur des enfants d’un banquier napolitain. Il se rend à Rome. En 1554 paraît son premier libre de madrigaux (à 5 voix) à Rome (?). Cette année-là, il serait retourné à Anvers (Encyclopedia Britannica)
La même année et l’année suivante, il appartient à la Chapelle de Philippe II d'Espagne, époux de Marie Tudor La Catholique, à la cour d'Angleterre[3]. Il revient à Naples où il a pu être au service du cardinal Orsini[4]. Entre 1567 et 68, il mène une vie itinérante en Italie, vivant de son enseignement, notamment à Rome où il a certainement rencontré son contemporain, Palestrina.
En 1568, il est à Vienne, maitre de la chapelle impériale de Maximilien II (neveu de Charles Quint, †1576). Il remplace Jacobus Vaet[5] et garde ce poste, qu’il aura occupé pendant 35 ans jusqu’à sa mort. Tout en assumant son poste, il est fait trésorier de la cathédrale de Cambrai en 1572, puis chanoine de cette même cathédrale en 1577.
Rodolphe II († 1612, petit-fils de Charles Quint par sa mère, Marie d’Autriche) garde les artistes et les musiciens de son père Maximilien II à qui il succède. En 1583, il fait de Prague sa capitale et fait de sa cour un des foyers artistiques de l’Europe où vivront des poètes, des musiciens comme le compositeur Hans Leo von Hassler et des peintres et sculpteurs, comme Arcimboldo, Spranger, de Vries. Le poète Sir Philip Sidney y sera ambassadeur d’Angleterre. de Monte qui avait plus apprécié la cour du père qu’il n’appréciait celle du fils qui portait peu d’intérêts à ses musiciens, le suit néanmoins et maintient une production importante jusqu’à sa mort en cette ville.
« Compositeur prolifique, à la technique parfaitement maîtrisée mais relativement conventionnelle, Philippe de Monte excelle dans les contrastes subtils de rythmes, l'élaboration de longues lignes mélodiques, l'alternance de groupes de voix, le mélange savant de polyphonie et d'homophonie. Ses 38 messes – pour la plupart des messes parodies, c'est-à-dire des adaptations de modèles existants – et les quelque 250 motets qui nous sont parvenus soutiennent la comparaison avec les œuvres de Palestrina. Philippe de Monte, l'un des derniers maîtres « néerlandais » du madrigal italien, publiera 42 recueils contenant plus de 1 200 madrigaux » (Encyclopedia Universalis).
De Monte reste connu autant pour ses madrigaux (34 livres, 1200 pièces environ) que pour son œuvre sacrée qui comptent 40 messes et 250 motets tous marqués non d’une grande innovation mais d’élégance. Il a mis en musique 18 sonnets de Ronsard et 22 Chansons Françaises. Ses œuvres furent très tôt mises en tablature de luth.
Roland de Lassus (1532-1594) est né à Mons. Il était doté d’une voix exceptionnelle à cause de laquelle il faillit plusieurs fois être kidnappé. Il chante d’abord dans sa ville natale à l’église St Nicolas. A l’âge de 13 ans, il entre au service de Ferdinand de Gonzague, vice-roi de Sicile ( en 1501, Ferdinand d’Aragon, le Roi Catholique, avait réunifié les royaumes de Sicile et de Naples). De 1535 à 1546, Ferdinand 1er de Gonzague (1507-1557)[6], Comte de Guastalla et général de Charles Quint, fut sur ordre de l’empereur, vice-roi de Sicile (gouverneur) avant d’être gouverneur du Duché de Milan où le suit Lassus. Il découvre le madrigal avec Hoste da Reggio (1520-1569) qui, également au service de Gonzague, fera toute sa carrière dans la ville de La Scala.
« Comme Charles Quint ne se déplaçait point sans ses chantres, qui devaient chaque jour célébrer le divin office, Lassus suit son protecteur en France, et rencontre ainsi à Fontainebleau les musiciens de la chapelle de France, Claude Sermisy et Pierre Certon. On pense qu'il quitte le service de Gonzague lorsqu'il perd sa voix enfantine. C'est un adolescent qui suit alors [vers 1550] à Naples Constantino Castrioto, chevalier de Saint Jean de Jérusalem, grand amateur de musique. Il réside chez le marquis della Terza, humaniste distingué et poète à ses heures; auprès de lui, il s'imprègne de culture italienne ». (http://www. ecoles.cfwb.be/argattidegamond/ Cartable musical/Lassus/LassusBio.htm)
En 1553, il est maitre de chapelle à la Basilique Majeure de St Jean de Latran (Rome). Il n’y restera qu’un an. Il n’en rencontrera pas moins Palestrina alors maitre de la Cappella Giulia[7]. Palestrina qui, pour s’être marié, sera transféré en 1555 à Latran, comme magister puerorum, c.à.d. maitre (de chœur) des garçons, maitre qui a en charge leur formation musicale mais aussi leur éducation et leur enseignement. Palestrina obtiendra quand même d’avoir le titre, plus honorifique, et les revenus qui vont avec, de maître de chapelle.
Le voyage d’Orlando en France et en Angleterre aurait eut lieu en 1554, année sur laquelle on ne sait rien de sûr. Ce voyage est donc généralement placé après son passage à Rome et non avant. Pour avoir suivi en Angleterre, un douteux personnage qui voulait approcher à des fins politiques la reine Marie Tudor, il est jeté comme lui en prison. Il revient à Mons en 1555 pour apprendre que ses parents sont décédés. Il passe l’année à Anvers et dans le courant de l’année suivante, en 1556, alors qu’il est déjà célèbre, le Duc Albert V de Bavière l’appelle à sa cour pour qu’il occupe le poste prestigieux de ténor de la chapelle. Il s’installe définitivement à Munich. Il se marie en 1558 avec une jeune fille de la cour qui lui donnera six enfants. En 1560, il est nommé maître de chapelle. Il restera au service du duc et de ses successeurs jusqu’à sa mort, refusant toutes les propositions qui lui seront faites par les rois et duc de venir à leur cour. Mais il voyagera à plusieurs reprises en Italie en 1562, 67, 74, 78 et 1585 pour recruter des chanteurs ; et invité par Charles IX, une fois en France de 1571 à 1574 ayant dirigé les violons durant la représentations en 1573 du Ballet des Polonais de Balthazar Beaujoiseulx (voir École Parisienne/Ballet de Cour). Selon certaines source, il ne serait arrivé en France qu’après la mort du roi en mai 1574. Il y fréquente bien sûr les musiciens français et découvre leurs innovations.
Celui que l’on a surnommé ‘le divin Orlando » ou « le prince de la Musique » (Ronsard), d’une très grande renommée, est anobli par Maximilien 1er en 1570, fait exceptionnel pour un musicien. En 1574, le pape le fait chevalier de l’Ordre de l’Éperon, un ordre créé pour distinguer ceux qui ont contribué à la gloire de l’Église et à la propagation de la foi. Polyglotte, il entretient une vaste correspondance en écrivant tout aussi facilement en français, allemand, italien, latin, passant quand il écrit aisément d’une langue à l’autre et faisant des jeux de mots. Nombreux sont les jeunes compositeurs qui viennent à Munich prendre des leçons auprès du maitre comme Giovanni Gabrieli dont l’oncle André en 1562 avait déjà fait le voyage.
Vers 1590, il est frappé par un AVC et commence ses crises de neurasthénie (fatigue chronique, déprime). Il décède à l’âge de 62 ans très affaibli moralement et physiquement. Mais ses dernières œuvres comptent quand même parmi ses œuvres majeures, notamment ses 21 madrigaux dédiés au pape Clément VIII, recueillis post mortem sous le titre Les Larmes de Saint Pierre.
Derniers des grands polyphonistes avec Giovanni Gabrieli à Venise et Palestrina à Rome, Lassus ne fit pas plus preuve d’un souci d’innovation que le Vénitien ni de la sérénité que le Romain, mais maitrisant parfaitement et sachant enrichir tous les styles et toutes les formes qu’avaient élaborés ses prédécesseurs, il fut aussi à l’aise dans la musique sacrée, messes et motets, que dans le madrigal, la chanson et la villanelle. Son œuvre est immense. Il n’écrira pas moins d’une cinquantaine de messes essentiellement des messes parodiques et 700 motets où se révèle le plus sa personnalité, où sa sensibilité prédomine sur tout intellectualité. Son souci du texte l’amène à donner à sa musique toutes les inflexions nécessaires à en saisir toutes les nuances. Œuvres auxquelles il faut ajouter 175 madrigaux et villanelles, 150 chansons françaises et 90 lieder. Seul fait défaut la musique purement instrumentale. Rien n’est jamais systématique dans son écriture qui au contraire fait montre d’une grande liberté dans ses contrastes, ses ruptures, ses lignes mélodiques inattendus, son emploi du chromatisme (½ tons par ½ tons) donnant au contrepoint comme en bouquet final toute sa richesse d’expression.
De Lassus achève seulement six semaines avant sa mort ces 21 madrigaux spirituels à 7 voix sur un poème en octosyllabes de Luigi Tansillo (†1568). Le thème en est le remord de l’apôtre d’avoir renier le Christ. Lassus fait varier la texture musicale pour s’adapter au sens du texte. Il emploie le double chœur à l’instar de son contemporain Giovanni Gabrieli à Venise.
« Pénitentiels et pessimistes, les Lagrime sont à la fois un emblème de la sévérité religieuse de la Contre-Réforme et éventuellement un reflet de la prise de conscience par le compositeur de sa propre mort imminente… Lasso réalise l'unité musicale de ce long travail en créant une arche tonale ou un système unificateur de relations tonales entre les 21 madrigaux séparés. La musique représente le summum du style contrapuntique complexe de Lasso [8]».
Adrian Willaert (1490-1562) est probablement né à Bruges sinon à Rumbeke au sud de Bruges. On ne sait rien de ses premières années. Il aurait commencé des études de droit puis les aurait abandonnées pour devenir l’élève de Jean Mouton (voir France XVème siècle). En 1515, il est à Rome où il a une double surprise : non seulement son Verbum Bonum et suave est inscrit au répertoire de la chapelle papale mais encore il est attribué à Josquin des Prés. L’épisode est révélateur de l’influence de Josquin sur le jeune compositeur qui voit son motet retiré du répertoire une fois que l’œuvre lui est reconnue. Révélateur sans doute aussi de l’esprit de la chapelle papale qui a pu se sentir dévalorisée à chanter un inconnu qui n’était pas encore mais qui le deviendra le Maitre de la Chapelle de St Marc et un des plus grands polyphonistes et madrigalistes de son temps.
En cette même année 1515, il entre comme chantre au service du cardinal Hippolyte 1er d’Este à Ferrare avec lequel il séjourne en Hongrie. Le cardinal mort en 1520, il entre au service du duc de Ferrare, Alphonse 1er qui a succédé à son père Hercule 1er d’Este et qui a épousé Lucrèce Borgia (†1519), fille du cardinal Rodrigo Borgia, futur pape Alexandre VI, et protectrice des arts et des lettres[9].
Cinq ans plus tard, Willaert entre au service du cardinal Hippolyte II neveu du 1er. Il le suit à Milan. Sa réputation est déjà grande dans la péninsule, mais elle atteindra une dimension européenne à partir du moment où le doge de Venise, Andrea Gritti le fait nommer en 1527 maître de la chapelle de la Basilique St Marc. De nombreux musiciens viendront à Venise pour recevoir son enseignement. Et son œuvre restera d’une grande importance pour les générations suivantes. Il meurt en la ville en 1562 après avoir écrit 65 chansons françaises, 70 madrigaux, 350 motets, 9 messes et autres hymnes et psaumes. Le théoricien Gioseffo Zarlino qui avait été son élève à partir de 1540 prendra sa succession.
Il aura été le premier à écrire de manière fréquente pour deux chœurs utilisant ainsi la possibilité offerte par les deux tribunes de la basilique qui se faisaient face. Bien que déjà usitée en Italie du Nord, Willaert n’en sera pas moins celui qui aura été à l’origine du renouveau du Style Antiphonal qui évoluera vers le Style Polychoral (voir Gabrieli).Il se distinguera particulièrement dans son écriture de madrigaux mettant en avant la qualité du texte poétique et faisan l'
emploi du chromatisme. Certaines de ses compositions furent adaptées pour luth et vihuela.
« Willaert était l'un des compositeurs les plus polyvalents de la Renaissance, écrivant de la musique dans presque tous les styles et toutes les formes. Fort de sa personnalité, et avec sa position centrale de maestro di cappella à Saint-Marc, il est devenu le musicien le plus influent en Europe entre la mort de Josquin et l'époque de Palestrina »
Nombreux furent ses élèves : à de Rore, Zarlino et les Gabrieli, on peut ajouter : Claudio Merulo (1533-1604) qui, au jeu plein d’effervescences, est à Venise le grand organiste de la fin du siècle (voir Orgue). Giovanni Gabrieli l’eut aussi pour maitre.Costanzo Porta (1528-1601), musicien d’importance, maître de chœur à Padoue et Ravenne, est essentiellement compositeur de motets sacrés. Polyphoniste d’une rigueur contrapunctique toute flamande. Il a su laisser au texte toute son audibilité et ne dédaigna pas à l’encontre des instructions tridentines les grandes compositions.
La grande période de la polyphonie vénitienne correspond à la toute aussi importante École Vénitienne en peinture. Et l’éclat, le sens décoratif que donneront à cette musique les Gabrieli, oncle et neveu, est en parfaite adéquation avec le colorisme et les somptueux décors d’un Titien, Tintoret ou Véronèse.
Andréa Gabrieli (1533-1585/86), d’abord chantre au chœur de la Basilique St Marc que dirige Adriaan Willaert, est nommé organiste dans le quartier Cannaregio de la ville. Puis en 1550, il entreprend un long périple qui le mène à Munich où il rencontre Rolando de Lassus dont l’œuvre aura une forte influence sur la sienne. Il le reverra à nouveau lorsque le musicien belge, appelé par toutes les cours d’Europe, séjournera à Venise. Ensuite Andrea se rend à Augsbourg où il trouve la protection de la riche famille de banquiers Fugger, puis en Autriche, Bohème et Hongrie.
En 1554, de retour à Venise, il obtient le poste d’organiste aux petites orgues de St Marc, menant en parallèle une carrière de professeur reconnu. Il a pour élève notamment son neveu Giovanni et Leo Hassler (voir Allemagne) et le théoricien Ludovico Zacconi. En 1584, il remplace Claudio Merulo aux grandes orgues, poste qu’il conserve jusqu’en 1585, date à laquelle son neveu le remplace. Il meurt un an plus tard.
Auteur de musique vocale sacrée (messes, motets) et profane (plus de 100 madrigaux), de musique instrumentale (ricercari, canzoni), il aura donné au Style Polychoral une forme concertante ajoutant une partie orchestrale aux chœurs. Comme l’illustre son Magnificat à trois chorales et orchestre.
Giovanni Gabrieli (1554/56-1612), né et mort à Venise, étudia d’abord auprès de son oncle Andrea avant de partir entre 1575 et 1579 pour Munich où il est lui aussi l’élève d’Orlando Lassus. De retour à Venise, il remplace son oncle aux grandes orgues en 1585, après avoir été comme lui aux petites orgues. Il assume ce poste avec la double fonction d’organiste et de principal compositeur.
Gabrielli a développé le Stile Concertato qui se caractérise par le partage en alternance, d’une mélodie généralement accompagnée d'une basse-continue (1587, recueil des Concerti). Il donne ainsi à la Basilique St Marc tout son éclat au Style Polychoral dans ses compostions à deux chœurs faisant jouer à la polyphonie tout son rôle spatial.
Il a apporté un soin particulier à équilibrer les parties vocales et instrumentales. C’est une des caractéristiques de son œuvre. Son madrigal Lieto Godea (1587) en est un bon exemple qui porte d’ailleurs la mention « per cantar et sonar ».
« Gabrieli est considéré comme une figure importante de la transition entre la musique de la Renaissance et la musique baroque. On trouve dans ses œuvres les débuts de l'utilisation de la basse continue et dans sa Sonata pian e forte, quelques-unes des premières indications de nuances (c'est-à-dire à donner des indications dynamiques précises, des indications sur le fait de jouer plus ou moins fort). Dans ses dernières œuvres, il donna souvent à l'orgue un rôle de continuo. Il fut aussi l'un des premiers à utiliser des parties instrumentales à l'intérieur d'œuvres chorales. Utilisant comme point de départ une facture polychorale, Gabrieli confia certaines parties, puis des chœurs tout entiers, aux instruments (il appela ses pièces instrumentales "canzones" et "sonates") » (http://www.ecoles.cfwb.be/argattidegamond/Cartablemusical/GabrieliGiovanni/GarieliGiovanniBio.htm)
Également professeur de grande renommée, on venait de toute l’Europe pour recevoir son enseignement. Heinrich Schütz (1585-1672) entre autres fut un des ses élèves de 1609 à 1612, sans doute le plus grand musicien allemand du XVIIème siècle et grand prédécesseur de J.S. Bach.
Il reste une trentaine d’œuvres religieuses toutes composées avant 1600 développant particulièrement les cori spezzatti (les chœurs brisés, séparés ). Son œuvre instrumentale est réunie dans les Sacrae symphoniae (1597) et les Symphoniae sacrae (1617). Il eut le souci de faire publier les œuvres de son oncle, parfois avant les siennes.
« Les pièces du premier recueil se distinguent surtout par la recherche du résultat sonore, de l’effet, qui doit alors primer sur la technique d’écriture. En cela, Giovanni se montre un réel précurseur de la musique baroque naissante. En revanche, les pièces du recueil posthume montrent les germes de la musique baroque moderne, telle qu’elle le sera représentée par Monteverdi, Schütz ou Cavalli. Parmi les grandes caractéristiques auxquelles il ouvre la voie, il utilise déjà un langage harmonique plus complexe et plus audacieux, n’hésitant pas à user des dissonances, d’accents chromatiques. Le texte redevient un élément important, voire primordial sur la musique : la déclamation se retrouve au centre de ses préoccupations. Surtout, les voix et les instruments dialoguent, définissant ainsi le style concertato».
Don Carlo Gesualdo di Venosa (1566-1613) est né en Basilicate, région méridionale de la péninsule que borde la mer ionienne entre la corne des Pouilles et la botte de la Calabre, et qui fait partie du Royaume de Naples sous domination espagnole depuis que Ferdinand II d’Aragon le Catholique, sous le nom de Ferdinand III[10] s’en est fait le roi en 1503. Issu d’une famille noble dont les ancêtres étaient normands, il est le fils du Prince Fabrizio Gesualdo et le neveu par sa mère du cardinal et archevêque de Milan Charles de Borromée[11]. Il passe son enfance à la cour de Naples où vit sa famille. Gesualdo est très tôt initié au luth et à la composition.
En 1586, à dix-huit ans, il fait un mariage obligé, avec sa cousine Maria, de quatre ans son ainée, afin d’assurer la descendance de la famille car de par le décès de son frère ainé, il est devenu héritier des titres et terres des Gesulado. Ils auront un fils.
Mais en 1590, Gesualdo assassine son épouse et son amant le Duc de Carafa. Sa légende noire est née. Son ami Le Tasse consacrera plusieurs poèmes sur ce « crime d’honneur » qui scandalisa toute l’aristocratie napolitaine mais pour lequel de par ses privilèges seigneuriaux la cour de Haute Justice ne condamna pas ce mari qui avait lavé l’honneur des Gesualdo. Il n’en dut pas moins se retirer sur ses terres de Gesualdo en Campanie (capitale Naples). Son père meurt un an plus tard, il accède au titre de Prince de Venosa.
En 1594, à 28 ans, il épouse Éléonore d’Este, âgée de 33 ans, sœur de Cesare d’Este, duc de Modène Le couple s’installe à Ferrare où le Duc Alphonse II d’Este avait fait exécuter son épouse Lucrèce de Médicis pour la même raison que Gesualdo[12]. Gesualdo publie ses deux premiers livres de madrigaux. Du mariage né un second fils dont il est dit que l’enfant souffrant de fièvre fatale, son père aurait lui-même achevé sa souffrance en l’étouffant. Ce qui ne fit qu’amplifier sa sinistre légende.
Quoiqu’il en soit, Gesualdo fut très marqué par la mort de son second fils comme celle de son petit fils né de son premier fils. Est-ce pour expier ses fautes que cet esprit pieux s’adonna à la flagellation ? Est-ce l’effet masochiste d’un esprit pervers qui choisissait de jeunes adolescents pour le fouetter ? Ou bien était-ce à l’instar de son oncle le cardinal Borromée qui dans une volonté de purification et d’ascétisme mourut pauvre sur un lit de cendre, que Gesualdo voulut se conformer à cette pratique prescrite par la Contre-Réforme ?
En 1597, il se retire à nouveau à Gesualdo où séjourne par intermittence son épouse Éléonore, qui ne fut pas plus vertueuse que lui et à qui on prête des relations fraternelles coupables avec Cesare. En 1611, paraît un livre de madrigaux à six voix, Tenebrae Responsoria (Répons des Ténèbres).
En 1613, son premier fils meurt d’une chute de cheval comme était mort son propre frère. Il se retire dans la chambre dite du clavecin est meurt dix huit jours plus tard sans héritiers. Sa mort mystérieuse sinon sinistre ne fera qu’alimenter la légende noire du double meurtrier: Il aurait été retrouvé mort, nu, tué (volontairement ?) sous les coups de fouets des adolescents.
Gesualdo est le seul musicien de la Renaissance à n’avoir eu de compte à rendre de sa musique à personne. Il était son maître et qui plus est un prince. Il a composé pour son plaisir sans souci que ses compositions soient aussi une façon de gagner sa vie. En contrepartie, il eut vis-à-vis des musiciens professionnels des difficultés à être reconnus comme un véritable musicien. Certains peuvent expliquer la complexité de son écriture comme une façon d’ ‘être pris au sérieux’. Mais cette complexité peut aussi bien s’expliquer par les méandres complexes d’une âme tourmentée, hypersensible.
Bien que n’en étant en rien obligé, Gesualdo a composé de la musique sacrée : Sacræ Cantiones, deux livres parus à Naples en 1603 de deux fois neuf motets à 5 voix. Mais son œuvre est essentiellement profane faite de madrigaux. Il n’a jamais souhaité publier ses pièces instrumentales peu importantes, ce qui peut surprendre de la part du luthiste émérite qu’il était.
« Ses madrigaux étonnent par leur écriture riche en chromatismes, en dissonances et en ruptures rythmiques et harmoniques. Ses madrigaux étonnent par leur écriture riche en chromatismes, en dissonances et en ruptures rythmiques et harmoniques. Il s’attache aux moindres détails du poème, l’accompagne littéralement « mot à mot » et peut passer en quelques notes d’un extrême à l’autre (de la lumière à l’obscurité, de la joie à la tristesse)… avec les changements adéquats au niveau de l’harmonie et du tempo. Il utilise fréquemment des formules en oxymore comme « jour ténébreux », « suave douleur », « martyres bien-aimés », « douloureuse joie ».Il s’attache aux moindres détails du poème, l’accompagne littéralement « mot à mot » et peut passer en quelques notes d’un extrême à l’autre (de la lumière à l’obscurité, de la joie à la tristesse)… avec les changements adéquats au niveau de l’harmonie et du tempo. Il utilise fréquemment des formules en oxymore comme « jour ténébreux », « suave douleur », « martyres bien-aimés », « douloureuse joie ». » (https://www.symphozik.info/carlo+gesualdo,64.html) Tombée dans l’oubli, la musique de Gesualdo a retrouvé une nouvelle jeunesse au XXème siècle.
Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594), né à Palestrina, près de Rome, est issu d’une famille aisée. Sa formation se fait à la maîtrise de la basilique romaine de Ste Marie Majeure. Organiste de 1544 à 1551 à la Cathédrale St Agapit à Palestrina, il enseigne également aux enfants de chœur. Le futur Jules III en est le cardinal-évêque.
En 1547, il épouse Lucrezia Gori qui lui donne trois enfants. En 1550, en plein Concile de Trente, Giammaria Ciocchi del Monte devient pape sous le nom de Jules III. Il nomme Palestrina pour diriger le chœur des enfants de St Pierre.
En 1555, pour s’être marié, le nouveau pape Marcel II, le fait déplacé à St Jean de Latran, la plus ancienne des églises de Rome, cathédrale de la cité éternelle et l’une des quatre basiliques majeures avec Ste Marie, St Pierre et St Paul-hors-les-Murs. Nommé magister puerorum (maître des enfants), il obtiendra quand même d’avoir le titre, plus honorifique, et les revenus de maître de chapelle. Orlando de Lassus a quitté le poste un an auparavant en n’y étant resté qu’un an. Palestrina garde le poste cinq ans, puis va diriger la chapelle de St Marie Majeur.
En 1571, Pie V (†1572) qui met alors en œuvre les décisions du concile tridentin de la Contre-Réforme clôturé en 1563, le rappelle à Saint Pierre pour diriger la Cappella Giulia -du nom de Jules II qui la réorganisa en 1513 avec un chœur de douze hommes et de douze enfants intervenant pour tous les offices (liturgies quotidienne) et les messes, sans la présence du Pape réservée à las Chapelle Sixtine : Les meilleurs d’entre eux seront intégrés au chœur de la Sixtine et chanteront en présence du pape.
En 1580, il perd successivement sa femme, ses trois fils et ses trois frères, mort de la peste. En 1581, il se remarie avec une riche veuve, Virginie Dormuli, dont il gère efficacement son commerce de peau. Il crée la Vertuosa Compagna dei Musici avec pour vocation de soutenir les musiciens. Il mène une vie aisée mais meurt subitement en 1594.
Musicien par excellence de la Contre-Réforme, Palestrina n’innove pas particulièrement. Son œuvre condense toutes les techniques polyphoniques du XVème et XVIème siècles, privilégiant la technique du cantus firmus plutôt délaissée par les compositeurs du XVIème siècle lui préférant la messe parodie, messe qui utilise et développe une pièce déjà existante (motet, chanson) en partie ou en totalité. Son écriture savante eut quelque peu de mal à se plier aux exigences tridentines. Mais, il parvint à allier tous les effets qu’il pouvait tirer d’une écriture polyphonique recherchée à une simplicité qui donne au texte liturgique une claire audibilité, ne laissant qu’une part très secondaire à la partie instrumentale. A la clarté et à la simplicité qui étaient les directives données par le concile aux compositeurs, Palestrina y ajouta de la sérénité.
Auteur de madrigaux, son œuvre est essentiellement de musique sacrée. Il composa plus de cent messes et un millier de motets et autres hymnes, lamentations et psaumes….
La Contre-Réforme voulut faire des arts et de la musique un moyen de réaffirmer la foi catholique tout en leur donnant mission de relever le prestige de l’Église romaine, prestige sérieusement mis à mal par la, les Réformes(s) implantée(s) avec plus ou moins d’ampleur mais définitivement en Allemagne du Nord et Centre, (le sud de l’Allemagne restant pour bonne part dans le giron romain), en Suisse, en Europe de l’Est (Bohême-Moravie), et en Scandinavie.
Aussi, au sortir du concile tridentin, le pape Pie V donna ses consignes. De même que l’on déposa les jubés qui séparaient le chœur de la nef et de même qu’on éleva des chaires au milieu de la nef pour que l’officiant soit au plus près de ses ouailles, il fut demandé aux musiciens de composer avec une simplicité d’écriture qui permette une très bonne audience du texte liturgique. Tout cela devait renforcer la dévotion.
L’année 1565 marque le début la mise en œuvre de ce programme musical. Il fut demandé à Palestrina de composer une messe qui servirait de référence aux compositeurs et maitres de chapelles. Ce sera la messe Papae Marcelli.
« L'idée que la musique peut rehausser les cérémonies, favoriser la dévotion et attirer les fidèles est rapidement acquise par les acteurs principaux de la Réforme catholique. Au sein d'une idéologie centrée sur le pouvoir émotionnel de l'art, les Oratoriens ou « Fillipini » (du nom de leur fondateur [voir Contre-Réforme]) font de la musique un procédé central dans leur œuvre de catéchisme, en rapport avec l'importance dont ils dotent le mot et donc le son ». (Émilie Corswarem, Université de Liège, http://culture.uliege.be/jcms/prod_94518/ lamusique- sacree-au-lendemain-du-concile-de-trente)
Le cadre restreint dans lequel les compositeurs romains étaient amenés à composer barrer le champ des innovations qu’apportaient par ailleurs Florence et Venise ou encore la France et l’Angleterre. De manière générale, ces innovations eurent tendances à se faire plutôt dans la musique profane que cultivera particulièrement l’époque baroque avec ses opéras et ses pièces instrumentales.
De leur côté, les réformateurs, dans leur ensemble, en faisant d’emblée du chant une partie intégrante du culte avec la participation directe voire exclusive des fidèles dans le temple, ouvraient la voie à une musique nouvelle dont ils avaient besoin de façon quasi identitaire. Avec Heinrich Schütz qui était allé récolter les découvertes de son maitre vénitien Giovanni Gabrieli s’ouvrait une nouvelle ère de la musique allemande (Voir Allemagne).
Les sources ne convergent pas sur la vie de Philippe Deslouges. Certaines sources le font naître à Verdelot aux hameau des Loges en Seine-Maritime, ce qui expliquerait son nom (?) d’autres à Caderousse près d’Orange. Dans les deux cas, il aurait passé une partie de son enfance dans le Comtat Venaissin. Pour certains, il naît en 1474 pour d’autres en 1580 ou 1585. Certains le donnent mort lors du siège de Florence, ce qui ferait remonter sa mort en 1530 ; d’autres pensent qu’il aurait pu s’enfuir, sa mort aurait eu lieu au plus tard en 1552, date à laquelle il est mentionné mort par l’écrivain Ortenzo Landi.
Il pourrait avoir été à Rome vers 1515 à la chapelle papale (?). De 1523 à 1527, il est à Florence maitre de chapelle au Baptistère puis au Duomo. En 1526, il participe aux côtés de Machiavel (voir Littérature) à la mise en scène d’une farce, La Madragola écrite en 1518 par l’auteur du Prince. C’est à cette occasion que Verdelot aurait commencé à écrire ses premiers madrigaux.
Auteur d’une centaine de madrigaux à 4 et 5 voire 6 voix, très populaires de son temps, celui que Willaert considéré comme le « père du madrigal », est au moins l’un de ses ‘inventeurs’ sous la forme que prit ce genre musical au XVIème siècle. Il poursuit dans cette tendance apparue au XVème siècle de donner une valeur aussi importante aux autres voix qu’au superius. Les ornements polyphoniques traditionnels comme le mélisme sont remplacés par une mise en scène des voix qui dialoguent ou qui déclament. On parle alors de syllabisme déclamatoire ( Voir Annexe/ Formes Musicales/ Le Madrigal).
Les musiciens français au XVIème siècle auront une tendance de plus en plus marquée à s’éloigner de la grande science de l’écriture contrapunctique développée par leurs prédécesseurs pour aller vers une composition certes toujours polyphonique mais basée principalement sur l’imitation et non plus sur la technique du cantus firmus, et vers un traitement égal des voix qui tendra à l’homophonie. Écriture plus simple et d’inspiration fortement littéraire et profane sous l’influence des humanistes ;
La première génération (1ère moitié du siècle) compte Clément Janequin (1485-1558) et son élève Pierre Certon († 1572), chantre à la Ste Chapelle en 1532, ami de Claude de Sermisy (1495-1562), musicien, lui, à la Cour de Henri II. La seconde génération compte parmi ses plus illustres représentants deux réformés : Claude Goudimel (1520-1572) qui gravite dans l’entourage de l’éditeur Nicolas du Chemin, particulièrement actif aux alentours de 1550 à diffuser les idées humanistes venues d’Italie, et Claude le Jeune (1520-1600) qui fréquente l’Académie de Musique et de Poésie fondée par le poète Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) en 1571. Mais encore, Eustache du Caurroy (1549-1627), Guillaume Costelay (1531-1606) qui met en musique Mignone, allons voir si la rose de Ronsard (1524-1586), et Jacques Mauduit (1557-1627). Tous ces compositeurs auront eu pour maître en la matière Josquin des Prés (1450-1521) avec ses 62 chansons. Et le Wallon Jacques Arcadelt (1507-1568) y trouve sa place car il sera le premier compositeur à publier un recueil de ses chansons chez l’éditeur Attaingnant à Paris en 1547.
Attaingnant, Leroy & Ballard, Nicolas Duchemin sont des éditeurs qui ont joué un rôle important dans la diffusion des compositeurs humanistes, c’est-à-dire de ces compositeurs plutôt accès sur la musique profane, et également des compositeurs huguenots qui, tel Goudimel, font entrer dans la Chanson Spirituelle (psaume), les formes nouvelles, à savoir la Chanson puis l’Air en Forme de Cour, puis avant la fin du siècle l’Air de Cour.
En 1581, à l’occasion du mariage du Duc Anne de Joyeuse et de la demi-sœur de la reine (Louis de Lorraine Vaudémont, épouse d'Henri II) est monté Le Ballet Comique de la Royne, second ballet de cour après le Ballet des Polonais de 1773.Deux ballets de Baldassare de Beaujoyeulx. Cette représentation marque d’une pierre blanche l’histoire du ballet et de l’opéra français. Il contenait en autres « des passages de récitatif chanté accompagnés d'accords simples, un style pleinement développé (avec plus de puissance émotionnelle) dans les premiers opéras italiens » (Encyclopedia Britannica). La musique était composée par les violonistes Salmon et Beaulieu (ou le violoniste Lombard?) et la chorégraphe écrite par Balthazar de Beaujoyeulx (Baldassare de Belgiojoso 1535-1589 voir ci-après Chanson en Forme d’Air, Air de Cour /Beaujoyeulx).
C’est grâce à la Chanson Parisienne que la musique française pourra faire montre d’une originalité, d’une inventivité qui n’aura rien à envier aux autres cours d’Europe, d’autant qu’elle va largement participer à la naissance de la monodie qui se développera dans la musique baroque à travers l’opéra ou l’oratorio, et le chant avec accompagnement et basse continue.
Déjà entre 1528 et 29 étaient parus huit volumes de Chansons Parisiennes. Parution de laquelle on fait débuter la naissance du genre alors qu’à la même époque le français Philippe Verdelot réinvente le madrigal italien à Florence. Cette période des années 30 est celle en art de la Première École de Fontainebleau (voir Arts/ France) et celle où les humanistes français vont amener François 1er à fonder le Collège des Lecteurs Royaux (futur Collège de France) indépendant de l’Université et son rival (voir Humanisme/France).
La Chanson Française, genre nouveau, forme allégée du motet polyphonique, généralement à 3 ou 4 voix, imitatif, syllabique (pour la clarté du texte) va prendre deux orientations différentes :
Bref, tout est alors jeu et prétexte à chanson. Clément Janequin dont l’œuvre religieuse est perdue, nous aura laissé plus de 275 chansons, Claude de Sermisy environ 150 chansons et Pierre Certon 200 et plus.
Au tournant du demi-siècle, la Chanson va évoluer. Quittant délibérément la forme polyphonique, elle va privilégier l’homophonie pour devenir une Chanson (ou Air) en Forme d’Air, forme monodique qui place la voix au superius avec accompagnement. Les poètes de La Pléiade, épris de nouveauté vont tout de suite faire leur cette nouvelle forme et c’est Pierre de Ronsard qui, en parallèle de son recueil Les Amours, va en formaliser les règles dans son Abrégé de l’Art Poétique Français, paru en 1552. Une des particularités de la Chanson en Forme d’Air est que tous les couplets sont chantés sur le même thème musical.
Le terme d’Air de Cour apparait dans un livre publié en 1571 par A. Leroy consacré à des chansons accompagnées du luth mais pour voix seule (ce qui ne veut pas dire qu’une seule voix chante). Il va conserver les caractéristiques de l’Air en Forme de Cour pour voix seule avec accompagnement, polyphonique ou non. La voix est au superius pour la clarté du texte (par rapport à l’accompagnement). Ce genre s’inscrit dans le programme de l’Académie de Musique et de Poésie fondée la même année. Le genre Air de Cour et ses publications vont se développer jusqu’au premier quart de XVIIème siècle puis disparaîtra.
La base chiffrée aura définitivement pris le dessus, la partition indiquant les accords et non plus comme dans la tablature la position des doigts.
Le Ballet de Cour trouve son origine dans la mascherata italienne (de masqué, mascarade), danse costumée et pantomime entrant dans les parades du carnaval, qui prendra la forme d’un intermezzo (voir Angleterre/Mask). Un divertissement spectaculaire déjà en vogue sous Laurent de Médicis (†1492). Arrivé tardivement en France, sous Henri III, la mascherata se transformera en Ballet de Cour. Le genre allie en un spectacle donné pendant les entremets[14] d’un festin, dans un esprit festif de parade costumée, la danse, la comédie et la chanson.
Jacques Arcadelt (Archadelt, 1504/07-1568) est né à Namur en Wallonie, territoire des Pays-Bas des Habsbourg, mais de langue romane comme Condé sur Escaut où Josquin des Prés qui s’y est retiré en 1505 a pu l’avoir pour élève. On ne sait rien de ses origines. On le trouve en 1530 au service des Médicis à Florence mais il a pu arriver à Florence bien avant. Certaines sources le donnent alors proche du compositeur français, Philippe Verdelot avec qui il aurait fait un voyage à Lyon en 1532 bien que l’on considère généralement que Verdelot, le « père du madrigal », serait mort en 1530 au cours du siège de la ville. Arcadelt fut de fait un des premiers à composer dans ce genre. En 1537, à la mort d’Alexandre Le Maure, duc de Florence, il se rend à Rome. En 1538, paraît une première édition d’un livre de madrigaux augmentée l’année suivante de trois autres volumes.
En 1538, il entre à la chapelle de la Basilique St Pierre ou à la Capella Gulia (?). Cette même année, un an qu’il ne meure, l’important éditeur de Venise où il a pu séjourner, Ottaviano Petrucci, publie quatre livres de madrigaux dont Il primo libro di madrigali qui connaitra pas moins de 45 éditions. Pour ses madrigaux, il a recours à deux sonnets de Michel-Ange avec qui il est en relation, à des sonnets de Pétrarque, des poèmes de Boccace et des poèmes du poète de l’Arcadie, Jacopo Sannazzaro († 1530, voir Littérature). Petrucci sera dès le début du XVIème siècle le premier imprimeur à imprimer des livres de musique pour luth.
Le passage d’Arcadelt à Venise lui donne l’occasion de rencontrer Adrian Willaert alors maitre de Chapelle St Marc depuis 1527. En 1539, il est chargé de former le chœur des enfants de la Chapelle Sixtine.
Après un premier voyage à Paris en 1547, il y revient en 1551. Il est dit qu’il devient maitre de Chapelle du Cardinal de Lorraine mais celui-ci est mort un an plus tôt (?). C’est à partir de cette période qu’il se consacre à la chanson. Il en aura composé 126. En tout cas, un recueil de messes qui paraît en 1557 le mentionne comme membre de la chapelle royale de Henri II (†1559). Poste qu’il occupe de 1554 à 1562. Il n’aura composé que trois messes et quelques motets. En France, il se consacre à la composition de Chansons.
Il est le premier à faire publier à Paris en 1547 chez l’éditeur Attaingnant un recueil de Chansons Françaises en Forme d'Air, genre qui sera porté à son apogée par Pierre Certon, quelques années plus tard. Sa ligne mélodique très souple, pleine de charme le fera surnommé il bianco e dolce cigno du titre d’un de ses madrigaux. Il exerça une profonde influence sur Palestrina. Il meurt à Paris.
En 1557, il rédige et publie un livre de messes qu'il dédie à son maître Charles de Guise[16]. Il n’est pas impossible qu’il ait pu écrire pour Charles IX et Henri II sans pour autant être à leur service (la question fait débat).
Il fait imprimer par Le Roy et Ballard (voir Édition Musicale), motets et Chansons.
Il meurt le 1’ octobre 1568 à Paris sans qu’on en connaisse la raison. Il laisse 125 chansons, 200 madrigaux.
« Il a expérimenté divers styles tels que les styles polyphoniques et les styles «frottola». La plupart de ses madrigaux avaient une texture syllabique et polyphonique. Selon ses disciples, ses madrigaux représentaient le mieux la phase « classique » de la musique. Il impliquait souvent la peinture de mots, des situations réelles, l'écriture en quatre parties et la virtuosité dans sa musique. Après être devenu immensément populaire en Europe, il a écrit d'innombrables tabulations pour des instruments tels que la viole, la guitare et le luth. Pour faire ressortir les styles de musique expressionnistes dans ses œuvres, il s'est souvent inspiré de poètes classiques tels que Pétrarque, Bembo et Sannazzaro, qui l'ont souvent aidé à définir le tempo et le ton de sa musique » (https://www.thefamouspeople.com/profiles/jacques-arcadelt-537.php).
Clément Janequin (1485-1558) est né à Châtellerault, ville au bord de la Vienne dont le vicomté à la mort de Charles V d’Anjou en 1482 a été intégré au domaine royal. Formé à la maitrise de la ville, il entre en 1505 au service de Ladislas (ou Lancelot) du Fau, président des enquêtes au Parlement et vicaire général (second de l’archevêque) de l'archevêché de Bordeaux, évêque de Luçon en 1515, mort en 1523. Jean de Foix, archevêque de Bordeaux, prend alors sous sa protection Janequin qui, son noviciat terminé, est ordonné prêtre et reçoit quelques bénéfices ecclésiastiques (bénéfices des paroisses) qui lui assurent sa subsistance. Il fréquente le milieu culturel de Bordeaux (né en 1533, Montaigne ne sera au parlement de Bordeaux qu’en 1556). Il fait connaître ses premières compositions. L’éditeur de musique parisien Pierre Attaingnant les estime suffisamment de qualité pour les publier dès 1529. On y trouve ses premières chansons descriptives qui le rendront célèbres.
Jean de Foix meurt en 1529. Janequin se trouve démuni. Il quitte Bordeaux. On le trouve en 1531 (33 ? 34 ?) chez son frère à Angers où il devient maitre de la ‘psallette’ (de psalmodier, chœur des enfants) de la cathédrale. Il écrit 125 chansons dans le style imitatif, qui seront publiées en quatre livres. Il quitte son poste en 1537, mais on le sait toujours à Angers en 1548 par les cours qu’il suit. On le trouve cette année-là curé de la paroisse d’Unverre, petite ville dans le Perche à mi-chemin entre Angers et Paris.
En 1549, alors qu’il a près de 65 ans, il est à Paris où le Duc de Guise, chef de la Ligue Catholique en aurait fait son chapelain (?). Ce n’est qu’en 1555 à 70 ans, qu’il fait partie de la chapelle royale dirigée par Claude de Sermisy avec le titre honorifique de chantre ordinaire de la chapelle royale. Dans son testament, il se dit Compositeur Ordinaire du Roi.
La vie modeste de Janequin ne fut pas à la hauteur de sa gloire. S’il fut connu et reconnu de son temps dans toute l’Europe, il n’en tira aucune fortune. Il n’occupa jamais de poste important, vivant des bénéfices de quelques paroisses ou de la protection d’un noble. Dans son testament, il demande à ses héritiers de s’acquitter des gages que sa servante attendait depuis deux années.
Si la Chanson Française (ou Parisienne) peut-être amoureuse ou grivoise, avec Janequin elle fut avant tout descriptive. Il fait bon usage de l’onomatopée ; évocatrice, elle a fonction proche de ce qu’on appelle aujourd’hui le bruitage. Sur 400 compositions, 250 sont des chansons. Il laisse également des motets, des chansons spirituelles, deux messes parodies (c-à-d. à partir d’une œuvre préexistante).
Claudin de Sermisy (1495-1562) né à Sermaize (région parisienne) est enfant de chœur à la Ste Chapelle en 1508. Deux ans plus tard, il est chantre à la chapelle de la reine Anne de Bretagne (†1514), épouse de Charles VIII puis de Louis XII avec qui elle aura en premier Claude de France (†1524) future épouse de François 1er. Anne se sera entourée de Grands Rhétoriqueurs comme Jean Lemaire de Belges et Jean Marot, de musiciens comme Ockeghem et Loyset Compère. A son décès, Claudin entre à la chapelle royale de Louis XII puis de François 1er.
En 1515, il a pu effectuer un voyage en Italie avec le roi, ce qui expliquerait son contact avec Alphonse 1er, duc de Ferrera à qui il fournira des chantres.
A partir des années 20, il sera successivement chanoine à Noyon, à Rouen, puis à Abbeville, dont il tire subsistance.
En 1528, Pierre Attaignant le découvre et le publie. Il revient à Paris en 1532 (33 ?) pour occuper le poste de sous-maître de la chapelle royale qu’il gardera jusqu’à ce qu’il meure trente ans plus tard au cours d’une épidémie de peste qui fera 25000 morts dans la capitale[17].
Son œuvre compte treize messes, huit Magnificat, une Passion, soixante motets, plus de 150 chansons.
« Dans ses compositions sacrées, Claudin conserve le style traditionnel (messe-parodie), dans l'esprit de Josquin ; toutefois, il écrit un contrepoint plus aéré, il multiplie les passages homophoniques, et la déclamation syllabique met davantage en valeur la compréhension du texte latin». (Encyclopedia Universalis).
« L’écriture souple et élégante reste essentiellement polyphonique, les emprunts au style homophone sont rares… Assez conservateur dans ses premières messes où il reste fidèle à l’esprit de Josquin, Claudin de Sermisy adopte peu à peu de nouveaux critères stylistiques : ceux de ses propres chansons. Le syllabisme déclamatoire tend à remplacer l’imitation mélismatique car l’illustration du texte devient une des préoccupations du musicien » (Georgie Durosoir Histoire de la Musique, MC. Beltrando-Patier, Bordas 1982).
Pierre Certon (1510/15-1572) serait-il né à Melun ou à Namur ? Il est en tout cas clerc des matines à Notre-Dame de Paris en 1529, à l’âge de 15 ou 19 ans. En 1532, il est clerc à la Ste Chapelle. Il publie ses premières compositions chez Attaingnant. Il reçoit la tonsure. Et en 1536, il est maitre du chœur de la Ste Chapelle, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort. Il aura entretenu une très proche relation avec Claude de Sermisy pour lequel il écrira une déploration à sa mort en 1562. Contrairement à son ami, Certon échappa à l’épidémie de peste de 1562 parce les enfants de chœur avaient été amenés hors de Paris et leur maître avec.
Certains événements qui égrènent une vie plutôt terne sont inscrits dans les archives de la Ste Chapelle comme, par exemples, en 1548 le bénéfice qu’il commence à percevoir au titre de chapelain, son canonicat à la Collégiale Notre-Dame de Melun (sa ville natale ?) ou encore en 1570 dans son recueil les Melansges, il se dit « compositeur de musique de la chapelle du Roy ».
Avec Janequin et Sermisy, Certon fait partie de la première génération de l’École Parisienne. Ronsard qui avait demandé entre autres à Janequin et Goudimel d’harmoniser des sonnets des Amours, le demanda aussi à Certon qui lui écrivit en 1552 J'espère et crains et Bien qu'à grand tort.
« La même année, suivant la voie tracée par Jacques Arcadelt (†1547), il publie des chansons en forme de « vaudeville » (air gai et satirique) dont l'influence fut très grande (Premier Livre de chansons) ; l'écriture en est simple, à forme syllabique, homophonique et de structure strophique » (P.P. Lacas Encyclopédie Universalis)
« Avec lui, se confirment les principales tendances de l’école religieuse française : dépouillement et clarté d’écriture imitative où l’ornement a peu de place…refus de tout effet spectaculaire, esprit de gravité et mise en œuvre de techniques d’écritures variées qui vont du contrepoint josquinien à la toute nouvelle homophonie ». (Grégorie Durosoir Op. Cit.)
Il est à noter que dans ce Premier livre des Chansons, la musique est composée sur des paroles du poète et luthiste Mellin de Saint Gelais (1487-1558) qui exerça entre autres comme fonctions celle de "Garde de la Librairie Royale de Blois", bibliothèque qu'il géra si bien qu'elle contenait 1800 volumes à son départ en 1544. Elle sera transportée à Fontainebleau puis à Paris, actuelle BNF (voir Humanise/France/2ème génération). Lorsque Du Bellay publia en 1548, sa fameuse Défense et Illustration de la Langue Françoyse en réponse à l’Art Poétique de Thomas Sébillet, s’élevant contre cette ‘ancienne poésie’ que Sébillet et Mellin[18] représentaient, l’auréole de ce dernier se ternit quelque peu bien qu’il continua d’organiser les divertissements de la cour de Henri II.
Pierre Certon laisse 8 messes, 50 motets, 31 psaumes dont nombre traduits par Clément Marot dès 1533, avait commencé la versification des Psaumes de David qu’il poursuivit à Genève en 1542 et 1543, au total 49, avant d’aller, fuyant la répression, mourir à Turin en 1544. Après son départ de Genève, Théodore de Bèze, chef de file des Réformés, successeur de Calvin, poursuivra cette traduction avec 34 autres psaumes. En 1551, à Genève, parurent sous le titre Octante-trois psaumes comprenant les 49 traduits par Marot et les 34 par Bèze. Les psaumes s’accumulant l’ensemble finira par compter 450 psaumes édités sous le titre du Psautier de Genève. Loys Bourgeois (1515-1561) arrivé de Paris à Genève en 1545 prit la succession de Guillaume Franc et Pierre Davantès, compositeurs actifs à Genève qui avaient commencé la mise en musique de ces psaumes traduits. Les polyphonies des 150 (dont ceux de Marot et Bèze) Psaumes de David, écrites après 1562 (64 ?) sont une autre version harmonisée par Claude Goudimel.
On doit également à Certon aussi bien évidement des chansons, plus de 200 (300 ?) dont son dernier recueil publié chez Nicolas Duchemein, Les Meslanges (1570) en contient plus de « quatre vingt dict tant cantiques que chansons spirituelles » de 5 à 13 voix.
« Il n'est pas impossible que le poète Salomon Certon[19], contemporain de Malherbe et d'Agrippa d'Aubigné, ait été le fils du musicien. Certon sut tisser un solide réseau d'amitiés : disciple et ami de Claudin de Sermisy, il entretint une sorte de "correspondance musicale" en écrivant des arrangements de chansons des musiciens qu'il estimait ». (http://choeurardent.e- monsite.com/pages/ compositeurs/ pierre-certon.html).
Académie de Poésie et de Musique de Paris
L’Académie de Poésie et de Musique de Paris est fondée en 1571 (67) ?) par le poète Antoine de Baïf (1532-1589), co-fondateur avec Ronsard et du Bellay de La Pléiade. Avec un programme culturel et politique très ambitieux, cette académie ne visait pas moins que « l’invention de l’œuvre d’art total … dans laquelle rythme musical et mètre poétique doivent constituer un seul et unique langage … [au point que] la brève et la longue deviennent la blanche et la noir ». (G. Durosoir) La notation musicale rejoignant ainsi la métrique. Pour cela, la langue française subit le même découpage métrique que le grec et le latin dans l’Antiquité. Le rythme musical et le mètre poétique doivent obéir aux mêmes règles. Mais de cette astreinte syllabique, le musicien pouvait s’en échapper en décomposant la note, autrement dit la syllabe, par des vocalises (mélismes).
Au sein de ce cénacle où poètes et musiciens se côtoient, la musique continue de s’ouvrir aux idées humanistes venues d’Italie. Comme le groupe réuni autour de l’éditeur de musique Nicolas du Chemin (Goudimel, Costeley) et comme avant lui, dès la première moitié du XVIème siècle, celui de l’éditeur Pierre Attaignant (Janequin, Sermisy), les membres de l’académie abordent la problématique de la musique et du texte en tentant de prendre exemple sur un pseudo modèle antique et précisément un « chant orphique » ; pseudo modèle, car leurs recherches ne pouvaient être comme ce fut le cas pour la Camerata Fiorentina que théorique et en rien archéologique.
Cette académie reste une étape importante tant au point de vue poétique que musical dans la Renaissance Française. Joachim Thibault de Courneville (1535-1581) et Claude Le Jeune (1520-1600) laisseront avec le successeur de Baïf à la direction de l’académie, Jacques Mauduit (1557,1627) leur nom attaché à cette académie dont les aspirations furent tant spirituellement qu’artistiquement élevées.
Jacques Mauduit (1557-1627), né et mort à Paris, fait des études littéraires et philosophiques avant de se rendre en Italie où il retournera à plusieurs reprises. De retour à Paris, il reprend la charge de son père comme greffier des requêtes du Palais Royal. Puis, il obtient le poste de secrétaire ordinaire de la reine.
Il poursuit en parallèle une carrière de luthiste et de compositeur et devient membre de l’Académie de Musique et Poésie fondée en 1571 par Antoine de Baïf, un des fondateurs de La Pléiade. A la mort de celui-ci, il prendra sa succession, orientant celle-ci vers plus de recherche musicale. Il collabora d’ailleurs pour la partie musicale à des ouvrages du pénitent (ordre de St François de Paule †1507) et mathématicien Marin Mersenne (†1648) connu pour ses travaux sur l’acoustique et la gravité à la suite de Galilée (†1642). Il sera l’ami de Ronsard pour lequel à ses funérailles sera joué son Requiem à 5 voix. Ses œuvres profanes, Air de Cour et Ballet de Cour sont interprétées pour des cérémonies officielles ou des festivités sous Henri IV et Louis XIII.
Très apprécié de son temps comme musicien et comme humaniste, il fut un compositeur d’une grande inventivité. Auteur de messes, motets, hymnes, fantaisies instrumentales, Air de Cour et Ballets de Cour et, mesurés à l’antique, de psaumes et de Chansonnettes sur des poèmes de de Baïf. Il introduisit en France les concerts de violes et ramena de Venise, le Style Polychoral. Ces œuvres, notamment religieuses, sont en grande partie perdues. On ne conserve de lui que 1 fragment de messe de Requiem à 5 voix, 5 psaumes de de Baïf, 4 motets latins, 2 pièces religieuses sur des paroles françaises, les Chansonnettes 2 airs publiés dans le 5e Livre de G. Bataille (1614).
« Grand amoureux du chant, Ronsard n’a cessé de prôner l’union de la musique et de la poésie. Il l’évoque tour à tour dans différentes odes (à son luth, à sa lyre, à sa guitare) et dans son Abrégé de l’Art Poétique. A travers le sonnet, son ambition était de retrouver le lyrisme des Anciens et c’est ainsi qu’il conçoit ses vers pour être "mesurer à la lyre" » (Georgie Durosoir, L’Air de Cour 1571-1666, Édit. Mardaga 1991).
Voir Ronsard/Littérature/Poésie/France
Balthasar de Beaujoyeulx (Baldassare de Belgiojoso, ca. 1535-1587), né en Lombardie, suit en France en 1555 Charles Ier de Cossé, comte de Brissac, Marchal de France, commandant des troupes françaises en Piémont, brillant chef de guerre aux nombreuses victoires et Grand Panetier, en charge du « service de bouche comprenant hâteurs de rôt, potagers, écuyers et enfants de cuisine (appelés galopins) » Mémoire Olivier de La Marche (†1502), chroniqueur de la Cour de Bourgogne ). L’Encyclopedia Britannica le donne comme recommandé par le Maréchal de Brissac et « envoyé en France à la tête d’une bande de violons ».
Il entre au service d’Henri II comme valet de chambre, puis en 1567 (?) conserve sa charge auprès de Catherine de Médicis et ensuite auprès de ses fils pendant 30 ans. Jouissant toujours des faveurs des Valois, il est fait Écuyer du roi en 1587.
Selon les sources, il aurait participé à l’élaboration en 1572 du Paradis d'Amour ou en aurait été l’auteur, mascarade donnée pour le mariage d’Henri de Navarre, futur Henri IV et de Marguerite Valois, la Reine Margot. En 1573, à l’occasion de la montée sur le trône de Pologne du Duc Henri d’Anjou futur Henri III, est donné aux Tuileries en présence des ambassadeurs de Pologne son Ballet des Polonais qui connut un vif succès. Sous les illuminations, on a pu entendre castrat et chanteur accompagné au luth, concert de violons dirigés par Rolando de Lassus (†1594) et final avec un ballet de nymphes.
Son œuvre la plus célèbre est "Le Ballet Comique de la Royne faict aux noces de Monsieur le duc de Joyeuse et Madamoyselle de Vaudemont sa sœur [de Louise de Lorraine-Vaudémont, épouse d’Henri III] , par Baltasar de Beauioyeulx, valet de chambre du Roy, et de la Royne, sa mère ". Commandé par Henri III pour son favori, le ballet donné dans la grande salle du Petit-Bourbon (voir Littérature/Théâtre/France) dura 5 heures 1/2 et aura coûté 3 600 000 francs-or. Beaujoyeulx a collaboré avec Nicolas Fulleul pour le livret (publié l’année suivante), les musiciens Salmon et Beaulieu en ont écrit la musique et Jacques Patin a assumé le décor peint.
« Le ballet dépeint la défaite de Circé par le roi de France. Considéré comme le premier ballet dont il existe un compte rendu imprimé complet, il comprenait de la poésie, des dialogues parlés, du chant et de la musique orchestrale ainsi que de la danse. Il contenait également des passages de récitatif chanté accompagnés d'accords simples, un style pleinement développé (avec plus de puissance émotionnelle) dans les premiers opéras italiens. La chorégraphie de Beaujoyeulx, interprétée par des membres de la cour, incorporait des motifs structurels généraux et une disposition géométrique des danseurs » (Encyclopedia Britannica)
Dans Le Ballet Polonais (1573), Beaujoueylx avait déjà utilisé la danse en forme géométrique (triangles et carrés), mais cette fois-ci, il y a une harmonisation plus serrée entre déclamation, musique et danse correspondant au projet de l’académie de du Baïf d’un spectacle total.
Aux règles esthétiques de L’Académie de Musique qu’il a adoptés, Beaujoyeux aura apporté une vivacité italienne qui ne va pas sans évoquer la Compagnia dei Gelosi (La Compagnie des Jaloux… de leur art), cette troupe de la Commedia dell’arte que Catherine de Médicis a fait venir à Paris en 1577 (voir Littérature/Théâtre/France)
Dans Le Ballet Polonais (1573), Beaujoueylx avait déjà utilisé la danse en forme géométrique (triangles et carrés), mais cette fois-ci, il y a une harmonisation plus serrée entre déclamation, musique et danse correspondant au projet de l’académie de du Baïf d’un spectacle total. A noter que la troupe de Gelosi de la Commedia dell’arte ( voir Littérature/Théâtre/France), invitée par Catherine de Médicis en 1570, pratiquait déjà cette danse géométrique dite dans horizontale qui donnait son plein effet vue des galeries supérieures.
Aux règles esthétiques de L’Académie de Musique qu’il a adoptées, Beaujoyeux aura apporté une vivacité italienne qui ne va pas sans évoquer la Compagnia dei Gelosi (La Compagnie des Jaloux… de leur art), cette troupe de la Commedia dell’arte que Catherine de Médicis a fait venir à Paris en 1577 (voir Littérature/Théâtre/France).
«Il a tenté de synthétiser les pas de danse avec chaque note et phrase musicales. Suivant la croyance pythagoricienne-platonicienne selon laquelle le principe sous-jacent de l'univers se trouve dans les nombres, il a créé sa chorégraphie selon des motifs mathématiques et géométriques au sol qui avaient des significations mystiques et symboliques. Ces motifs ont été conçus pour être vus d'en haut, afin que leur signification puisse être clairement comprise. Il a décrit la danse comme les arrangements géométriques de plusieurs personnes dansant dans un groupe, à l'harmonie variable de plusieurs instruments…La chorégraphie de Beaujoyeulx était envisagée comme une expression visuelle de cette musique céleste, une imitation des mouvements des sphères célestes, dans laquelle les dames courtoises exhibaient l'ordre et l'harmonie cosmiques sur terre. L'accent était mis sur la précision du timing et la précision absolue dans l'utilisation des modèles d'espace et de sol. Les qualités stylistiques étaient celles de la grâce, du charme et de l'élégance du mouvement. » (https://www.encyclopedia.com/history/ encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/ balthasar - de-beaujoyeulx)/).
« Il a été un des promoteurs de la danze horizontale ou géométrique, dans laquelle les danseurs dessinaient sur le sol des figures géométriques susceptibles d’être mieux appréciées quand on les regardait à partir des galeries de la salle, et chargées d’une signification allégorique. » (wikipedia.org/ wiki/Balthazar_ de_Beaujoyeulx)
Violoniste et chorégraphe, considéré comme l’inventeur du Ballet de Cour de Beaujoyeulx se retira de la scène en 1584 et mourut à Paris vers 1587.
Au siècle suivant, de manière plus élaborée, avec plus de continuité, plus de lien entre les ‘numéros’, ces spectacles iront en se complexifiant avec un accroissement des participants, des arguments dramatiques plus étoffés et l’apport de décors et de déguisements (momerie). Sous Mazarin, l’influence de la musique italienne arrivée par Catherine de Médicis, se poursuivra et l’Opéra commencera à supplanter le Ballet de Cour. Mazarin fera découvrir de nombreux artistes transalpins, dont Luigi Rossi et son Orfeo (1647). Et en 1640, avec Pierre de Nyert revenu d'Italie, va développer une synthèse de la chanson française et de la « manière » italienne. Pour autant, le Ballet de Cour avec son importance accordée au ballet restera l’obstacle majeur à l’implantation de l’opéra à l’italienne sous Louis XIV, lui même, excellent danseur.
Les éditeurs de musique accomplirent au XVIème siècle un travail remarquable. La premier maison d’édition musicale fondée en France fut celle de Pierre Attaignant (†1552). En adaptant la méthode de Gutenberg à caractères mobiles[20], il mit au point un procédé qui permit d’imprimer pour la première fois en 1515 les partitions diffusées jusqu’alors sous forme manuscrite. En 1534, il édite une première grande collection de motets qui compte pas moins de 397 motets en 13 livres de compositeurs divers mais quasiment tous appartenant à la première École Française auprès desquels Josquin fait figure d’ancien. Dans les années qui suivront ce seront des recueils de messes, essentiellement des messes-parodies, la technique du cantus firmus étant quasi abandonnée.
L’éditeur de musique Adrian Leroy (1520-1598), natif de Montreuil/Mer, arrivé de Douai à Paris en 1545, se marie et travaille pour son beau-père le libraire Jean de Brouilly dont il aurait pris la succession. En 1551, il s’associe avec son cousin Robert I Ballard pour fonder une des maisons d’éditions de musique des plus importantes de la Renaissance Française La maison Adrian Leroy-Robert Ballard. Ouverte en 1551, elle prendra au titre d’Imprimeur du Roi en Musique, la succession de la Maison Attaingnant. Leroy et Ballard menèrent un travail considérable avec notamment leur première grande collection anthologique de chansons commencée en 1554 et achevée au 25ème livre en 1584. Mais Leroy était d’abord un compositeur pour instruments à cordes pincées (luth, guitare, cistre) pour lesquels il écrivit les méthodes dont Breve et facile instruction pour apprendre la tablature, à bien accorder, conduire et disposer la main sur le cistre. Ses tablatures furent évidemment publiées par ses soins dont notamment en 1571 un Livre d’Airs de Cour mis sur Luth.
Robert I (1575 ?-165 ?) eut trois fils : Robert II, compositeur et célèbre luthiste en son temps, Léon (†1649) aussi luthiste de la Chambre du Roi et Pierre I (1580-1639) qui, avec sa mère, veuve de Robert, maintiennent la maison d’édition à l’enseigne de "Veuve Robert Ballard et son fils Pierre Ballard" avec la charge de ‘seul imprimeur du Roy pour la Musique’. La descendance Ballard fera perdurer la maison jusqu’au XIXème siècle. En 161, Pierre édita le Premeir Livre de Luth de son frère Robert II.
Nicolas Duchemin (†1576), autre important éditeur de musique pour la période, fut également graveur de caractères. Le compositeur Claude Goudimel (1520-1572) engagé d’abord comme employé devint son associé.
Les types de caractères créés par Attaingnant et successivement améliorés par Leroy-Ballard et notamment par Duchemin furent adoptés dans une bonne partie de l’Europe.
Mais Robert Granjon (1513-1589) apporta une grande nouveauté à l’impression. Pour l’impression musicale, il remplaça la forme carrée des notes par la forme ronde que nous connaissons encore aujourd’hui. Pour l’impression de texte, il inventa les ‘caractères de civilités’, caractères rappelant l’écriture gothique mais sous forme manuscrite très utilisés au siècle suivant.
La famille Ballard (la dynastie Ballard) voulut apporter au XVIIème siècle des améliorations à l’impression, mais le résultat en fut piètre qui les obligea à revenir aux caractères en losange. Le caractère suranné de leurs partitions accentua le passage de l’impression à la gravure dont les premiers essais furent fait à Rome pour une œuvre de Girolamo Frescobaldi (1583-1643)[21].
Claude Goudimel (1520-1572) est né à Besançon. Sa carrière se place à Paris dans l’entourage de l’éditeur Nicolas du Chemin, particulièrement actif aux alentours de 1550-70 à diffuser les idées humanistes venues d’Italie. Il travaille pour lui comme correcteur avant d’être son associé. Il fréquente le milieu humaniste et en 1552, participe au Supplément Musical des Amours de Ronsard.
Goudimel adhère aux idées de la Réforme tout en continuant à composer pour les deux confessions chrétiennes. Dans la seconde partie de sa vie, en 1557, il quitte Paris et abandonne l’écriture profane telle les Odes d’Horace. Il s’installe à Metz[22] pour dix ans. Il fréquente la communauté protestante et se consacre particulièrement à l’harmonisation de psaumes : 8 livres de psaumes en forme de motets.
En 1569, les protestants seront chassés de la ville, mais deux ans auparavant Goudimel l’a déjà quittée pour se rendre à Besançon et Lyon, villes où il passera les cinq dernières années de sa vie. Il est assassiné à Lyon lors de la Saint-Barthélemy en 1572 et son corps et jeté dans le Rhône.
Dans sa période parisienne, Goudimel a écrit 8 messes, 10 motets, un premier livre de psaumes ; en musique profane : les Odes à Horace (1553, perdues) et 69 chansons. Dans la période après Paris, il publie les livres 2 à 8 de psaumes, les psaumes homophoniques en 1562, puis en 64, et les 150 Psaumes de David, en collaboration avec Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621, voir Pays-Bas), conçus en trois versions : sous forme de motets à 4 voix, en contrepoint syllabique et en contrepoint fleuri (mélismatique) qui furent publiés en 1564 (68 ?).
« Goudimel n’a pas créé les mélodies des psaumes, mais des versions polyphoniques à quatre voix ou plus. Il n’est d’ailleurs pas le seul musicien à avoir harmonisé les psaumes. Mais son harmonisation à quatre voix la plus simple, favorisant la compréhension du texte, (dite aussi note contre note) a connu un tel succès qu’elle a éclipsé un peu les autres. Il est d’ailleurs le seul à avoir harmonisé la totalité du psautier, c’est-à-dire les 150 psaumes mis en vers par Clément Marot et Théodore de Bèze. » (https://www.museeprotestant.org/notice/ claude-goudimel-v-1520-1572/)
On a pu reproché à ses chansons de ne pas avoir la légèreté d’un Janequin, d’un Sermisy, peut-être par souci de trop d’expressivité des voix, mais ses messes parodies connurent un réel succès.
Goudimel fut très apprécié de son temps et profondément regretté à sa mort. Il est cité avec ses contemporains dans les livres de musiciens de Rabelais et de Ronsard.
Claude le Jeune (1520-1600) est natif de Valenciennes[23] où il a pu être formé par la maitrise de la ville. Ses premières chansons sont publiées en 1552 à Louvain. Il est probable qu’il ait ensuite séjourné à Venise où il a pu avoir des contacts avec le célèbre maitre de la Chapelle St Marc, Adrian Willaert (†1562) que nombre de jeunes compositeurs venaient rencontrer. En 1560, il est à Paris.
Il devient maître de concert à l’Académie de Musique et de Poésie fondée par le poète Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) en 1571. L’année suivante, ses convictions protestantes l’obligent à quitter Paris juste après le Massacre de La St Barthélémy (voir Guerres de Religions/Événements Majeurs). De 1579 à 1582, il succède au luthiste Vaumesnil comme maistre des enfans de musicque à la cour de François, duc d'Anjou et frère d'Henri III. Mais ses prises de position contre la Ligue Catholique à la tête de laquelle se trouve le Duc de Guise (assassiné en 1588) le forcent à nouveau à la fuite. Jacques Mauduit (1557-1627), musicien catholique, l’aidera, lui le huguenot, à s’enfuir.
De retour à Paris, il doit à nouveau s’enfuir pour La Rochelle, maintes fois assiégée, et dernière place forte du calvinisme. Il écrit un premier livre des Meslanges en 1585. Livre qui sera publié en 1598. Un second livre des Meslanges paraitra en 1612.
Entre 1596 et 1600 (certaines sources avancent dès 1594), il apparaît comme compositeur ordinaire du roi Henri IV.
Le Jeune, qui appartient à la seconde période de l’École Française, fait le lien entre la chanson française de Janequin et les recherches de l’Académie. Dorénavant l’harmonie suivra la métrique. « Le but était de « représenter la parole en chant accomply de son harmonie et mélodie » » (Gérard Pernon, Dictionnaire de La Musique/ Le Jeune, Édit Ouest-France 1984). Précepte par lequel, la rythmique tient une place prépondérante et qu’il appliquera à ses psaumes harmoniques pour le culte protestant et aux chansons profanes du Printemps (1603) écrites en « vers mesurés » à l‘Antique.
Parmi toutes, Le Printemps, d’une écriture entièrement harmonique est l’œuvre de référence des vers mesurés à l’Antique. Mais des compositeurs comme Eustache du Caurroy (1549-1627), Guillaume Costeley (1531-1606), Jacques Mauduit (1557-1627) font aussi preuve dans le vers mesuré à l’Antique d’aisance dans une écriture élégante et pleine de fraicheur.
Dans ses psaumes antérieurs, polyphoniques (Dodécacorde, 1595), le souci du texte est présent. Le ‘placage’ de la musique au texte entraine des changements brusques de rythmes, et la mélodie ne cesse de surprendre ; ce qui donne beaucoup vie à la composition de même que l’alternance systématique polyphonie-homophonie.
La virtuosité d’écriture de Claude Le Jeune, son aisance dans tous les genres auront fait de lui le rival de Roland de Lassus, installé à Munich.
Philibert Jambe-de-Fer (1515-1566), originaire de la Franche-Comté, arrive à Lyon en 1545. Il y mourra quelque vingt ans plus tard. A part une vingtaine de chansons profanes, il consacra l’essentiel de son œuvre à la mise en musique de psaumes dont on retient 150 psaumes dédiés au roi Charles IX en 1563, et, acquis à la
Réforme, sa collaboration au Psautier de Lyon qui reprend des psaumes de Marot auxquels sont ajoutés les psaumes de Jean Poitevin (1520-1565), chantre et poète originaire du Poitou pour lesquels il écrit les mélodies.
Des recherches vont être menées parallèlement à Florence et Mantoue puis à Rome qui vont aboutir un nouveau style musical, le stile rappresentativo (rappresentare, représenter) ou canto rappresentativo ou musica rappresentativa, genere rappresentativo. Ce Style Représentatif ou Style Dramatique veut représenter musicalement, mettre en évidence, en expression, les affects dans une combinaison du chant et de la déclamation. Il est à l’origine du récitatif, chant à une voix (monodie et non polyphonie) accompagnée d’un instrument. L’expression de l’âme donne au compositeur une grande liberté de rythme, du phrasé (mouvement et inflexions de la voix parlée ou musicale), des intervalles (écart de hauteur entre deux notes) inhabituels, propres à susciter l’émotion.
A la fin de la Renaissance, des musiciens au sein de camerate semblables à la Camerata Fiorentina à Florence ou celle de Jacopo Rossi à Rome ou encore de manière indépendante comme Monteverdi à Mantoue, mèneront les mêmes recherches « révolutionnaires » sur les relations de la parole et du chant. Recherches qui inscriront au début du XVIIème siècle la musique dans le mouvement baroque naissant. Mais ce n’est qu’après que cette musique nouvelle, baroque, aura trouvé sa vraie affirmation et ses règles que la polyphonie disparaîtra du ‘champ’ musical européen après avoir été durant des siècles la forme d’écriture et d’expression unissant tous les compositeurs d’un bout à l’autre de l’Europe.
A tout début des années 1570, à Florence, des musiciens, des poètes, des lettrés, des hommes de théâtre se réunissent régulièrement au palais du Comte Bardi. Giovanni Bardi ou Giovanni de' Bardi, comte de Vernio (1534-1612), tout à la fois compositeur de madrigaux et de divertimenti, fut un brillant militaire aux côtés du Grand Duc de Toscane, Cosme 1er de Médicis[24], tout en contribuant par ses écrits à la théorisation des idées nouvelles. La rencontre de ces artistes et hommes de plume, les amitiés qu’ils nouent, l’intérêt que chacun porte à découvrir et mieux comprendre les autres formes d’expression de ceux qui l’entoure et qui comme lui sont animés d’un esprit de nouveauté, aboutira à l’émergence d’un courant qui ira sans cesse s’amplifiant jusqu’à se répandre en Italie puis en Europe, le Baroque. Ce courant nouveau pour l’époque porte la singularité de vouloir plus que jamais associer la parole et le chant en une expression unique. Pour cela, la partie musicale doit se simplifier, sortir de la polyphonie complexe.
Dans l’esprit toujours humanisant de la Renaissance, ces nouveaux théoriciens, vont chercher dans les anciens traités grecs ce qui pourrait être un modèle du chant antique.
« A Florence dans la fin du 16ème siècle existe la Camerata Bardi à laquelle participe Jacopo Peri, Caccini, fantastique chanteur, Otavio Renucini et Girolamo Miei. Celui-ci est humaniste helléniste. Il sait lire les traités grecs dans leurs langues originales mais il sait aussi lire les rares partitions de musique grecque. Il en vient à la conclusion qu’une mélodie doit être capable de susciter des passions, imiter les inflexions de la parole. Le texte doit rester intelligible. Dégagé du théâtre antique chanté, il forge les principes qui vont permettre à l’opéra de naître…[25] »
En 1587, le Comte Bardi, tombe en disgrâce auprès du Grand Duc de Toscane (et non plus seulement de Florence), Ferdinand Ier de Médicis. En 1592, il s’exile à Rome et se met au service du pape Clément VIII. Les portes de la Camerata Fiorentina se ferment à Florence. C’est trois ans plus tard, en 1600, que le compositeur romain Jacopo Corsi la dénomma ainsi.
Les musiciens issus de cette camerata qui ont créé par la suite les œuvres les plus représentatives des recherches de cette camerata sont Jacopo Peri (1561-1633) et Giulio Caccini (1551-1618), tous deux par ailleurs madrigalistes et chanteurs, et Emilio de’Cavalieri (c.1550-1602).
Jacopo Peri (1561-1633) crée en 1597 (98) une favola in musica, Daphné, qui annonce le genre opéra. Son Euridice à la composition duquel participa Caccini, sur un livret de Riniccini, d‘après les Métamorphoses d’Ovide (†17) est considéré par certains comme le premier opéra avant l’Orféo de Monteverdi en 1607 ; le premier dont on est la partie musicale et le livret en entier. Cet œuvre fut créé le 6 octobre 1600, à l’occasion du second mariage d’Henri IV avec Marie Médicis à Florence en présence du Grand Duc de Toscane, Ferdinand 1er de Médicis et de son épouse Christina de Lorraine, seconde fille d’Henri II, mais en l’absence du royal marié. Henri IV étant retenu à Annecy à cause de la guerre contre le Duché de Savoie, le mariage fut fait par procuration.
Giulio Caccini (1551-1618) publie en 1601, Le Nuove Musiche, recueil d’airs accompagnés traduisant ce recitar cantando dont il est proprement à l’origine et qui doit exprimer les mouvements de l’âme par l’expressivité de la musique autant que par l’expression de la parole. A cette expressivité musicale, Caccini, qui ne se contente pas d’être un compositeur et un intellectuel aimant à spéculer sur l’Art Antique, est aussi un chanteur virtuose. Il ajoute ainsi à ses compositions dans un but expressif, une richesse d’ornementation d’une richesse extraordinaire. Il est le premier à avoir employer en sous titre de l’Euridice l’expression de « composta La rappresentazione di anima e di corpo in stile rappresentativo». Il a participé à l’Euridice de Peri publié en 1602 avec un Orféo[26].
A Mantoue, Claudio Monteverdi (1567-1643 voir Âge Classique/Musique/Italie),né à Mantoue, mort à Venise, chanteur et jouer de viole, défrichait lui aussi ce terrain nouveau de la basse continue (avec changement selon le chanteur) dans son 3ème livre des madrigaux de 1592, et du récitatif dans ses 4ème de 1603 et 5ème livre de madrigaux de 1604. Dans son 5ème Livre de Madrigaux, il exposera la Seconda Prattica ou Stile Moderno en remplacement de ce qu’il appelle la Prima Prattica qu’avait traité Gioseffo Zarlino (1517-1590) dans son traité Le istitutioni harmoniche (voir Vers la Monodie/ École Franco-Flamande/ Introduction). A cette Seconde Pratique ou Stile Rappresentativo dont il est l'innovateur du moins dans la dénomianation, style qui veut mettre en expression musicale les émotions, Monteverdi associe son Stile Concitato (Style Agité) qui, par le frottement rapide de l'archet sur les cordes du violon amplifie la dramatisation de la scène. Il a aussi utilisé le Stile Concertato qui joue sur l'opposition des voix et instruments, style du début du baroque qui ne lui est pas propre.
Jusqu'à son arrivée à Venise en 1613 et où il s'installera non sans des retours dans sa ville natale, et mourra (sans doute d'une cirrhose), au vu de sa production, on peut avancer que Monteverdi appliqua ses recherches sur la Seconde Pratique essentiellement au madrigal dans sa période de Mantoue. Ses livres de madrigaux de 1 à 5 sont composés à Mantoue entre 1587 et 1604;. Le 6ème en 1614, le 7ème contenant le célèbre Lamento d'Arianna en 1619, eet le 8ème, Madrigali guerrieri e amorosi, en 1638 seront composés à venise. Le 9ème posthume est publié à venise en 1651.
"Monteverdi utilise le madrigal comme laboratoire pour ses innovations en matière d’écriture musicale. Ainsi, au fil de ses publications, on peut percevoir l’évolution de son style : depuis les premiers madrigaux polyphoniques, uniquement vocaux, on voit progressivement apparaître une basse continue dans le Livre V (1605), puis l’accompagnement instrumental prend de plus en plus d’ampleur à mesure que la monodie accompagnée s’impose, triomphante dans le Livre VIII (1638)."(https://pad.philharmoniedeparis.fr/0039773-biographie-claudio-monteverdi.aspx#).
Ses deux premiers opéras date pour Orfeo, favola in musica, de 1607, et pour L'Arianna , tragedia in musica sur un livret de Rinucci, de 1608.
Donnée en 1607, sous l’égide de l’Accademia degli Invaghiti ( L’Académie des Amoureux… de la musique) fondée en 1562 à Mantoue, son Orfeo (Orphée) développe un récitatif arrivé à maturité.
Dès 1613, arrivée à Venise, bien que n'abandonant ni le madrigal et ni la musique sacrée ( Vespro della Beata Vergine (Les Vêpres de la Bienheureuse Vierge Marie 1610, Selva morale e spirituale (Forêt morale et spirituelle Venise 1640/41), Monteverdi va donner une place des plus importantes à l'écriture opérique. Plusieurs de ses opéras ont été perdus comme Le Nozze di Teti e di Peleo ( Les Noces de Thétis et Pélée Mantoue, 1617), Andromeda ( Andromède Mantoue, 1620), La Finta Pazza Licori ( La fausse folle Licori 1627 ), Proserpina Rapita (L' Enlèvement de Proserpine, Venise 1630) ou encore Armida Abbandonata, ( Armide abandonnée, madrigal en style représentatif d'après le poème du Tasse 1627 ). Quant à ses opéras majeurs, conservés, ils sont reltivement tardifs: Il combattimento di Tancredi e Clorinda (Le Combat de Tancrède et Clorinde, représentatif du Stile Agitato ) de 1624, Il ritorno d'Ulisse in patria, tragedia di lieto fine (Le Retour d'Ulysse dans sa Patrie) de 1640/41 et L'incoronazione di Poppea ( Le Couronnement de Poppée dont l'attribution n'est pas forcément certaine ) de 1643.
Si Monterverdi a contribué largement a affirmer, à imposer l'opéra, c'est pourtant après l' École Florentine qu'avaient représentés notamment Jacopo Peri , Julio caccini, Jacopo Corsi puis De Cagliano, que Rome va devenir avec Stefano Landini et l'ouverture d'un opéra de 3000 places, le centre de cette forme qui va devenri traditionnelle, que l'on qualifie d'art total et que l'on définit comme "Ouvrage dramatique mis en musique, composé de récitatifs, d'airs, de chœurs avec accompagnement d'orchestre". L'École napolitaine prendra naissance dans la seconde moitié du siècle avec Francesco Provenzale et Alessandro Scarlatti.
Après l’exil du Comte Bardi en 1592, les membres de la Camerata Fiorentina se réunirent chez le Comte (ou marquis selon les sources) Jacopo Corsi (1561-1602), lui-même musicien et théoricien. Celui-ci avait déjà collaboré avec Jacopo Peri, proche de Bardi, à la composition de Dafné (1598). Les dissensions, paraient-il très fortes entre les deux camerate semblent de par cette collaboration n’avoir pas été si importante et n’écartèrent pas toute reconnaissance de valeur et tout respect si ce n’est d’attribution des œuvres.
Emilio de’ Cavalieri (c.1550-1602), poursuivant un temps les mêmes recherches passant d’une camerata à l’autre, se targua par lettre d’être, lui et non J.Peri, d’être « le véritable rénovateur du style grec…chanté» ( !?). Il créa à Rome en 1600 La rappresentazione di anima e di corpo, œuvre, il est vrai, emblématique de ce style nouveau dit style représentatif, (style rappresentativo) qui bouleversa l’art lyrique. L’œuvre est considérée comme le premier oratorio.
Deux règnes vont constituer entre les deux longs règnes d’Henri et d’Élisabeth, un intermède qui ne favorisa en rien la stabilité du pays ni son essor culturel. D’abord, le court règne de l’anglican Édouard VI, roi de 1547 à 1553, qui connut d’importantes émeutes et la guerre contre l’Écosse. Ensuite, le non moins court règne de Marie 1ère Tudor dit La Catholique mais encore Bloody Marie, fille unique d’Henri VIII, demi-sœur d’Édouard, reine de 1553 à sa mort en 1558, qui réprima, elle, les réformés.
Sous le règne de Henry VIII (1491-1547), la cour se délecte de l’exubérance des ‘spectacles’ des masques, équivalent des mascarades et carnavals italiens. La musique se compose et se pratique dans des milieux aristocratiques privés propres à favoriser en ‘formation légère’, la musique profane d’où naitra ultérieurement les écoles de clavecin et de luth. Henri VIII est musicien, peu ou prou chanteur. Il sera le premier à constituer ce que nous appelons un orchestre de chambre et à faire donner par ses musiciens des ‘consorts’ par un ensemble d’un même instrument (flute ou viole essentiellement) ou des ‘broken consorts’ réunissant des instruments de deux familles différentes. En 1520, il emmena au Camp du Drap d’Or[27]. , installé près de Calais, entre terre française et terre anglaise, pour sa rencontre avec François 1er, une kyrielle de musiciens et les membres de sa chapelle. Chacun des deux rois voulant faire montre de sa suprématie, politique et militaire, en impressionnant par le faste déployé (d’où son nom), la magnificence du décorum, le talent et le nombre de ses musiciens.
Les chapelles seigneuriales faisaient florès jusqu’à ce que les musiciens aient à pâtir des dissidences de l’Église anglaise d’avec la catholique romaine. Et la dissolution des monastères décidée par Henri VIII en 1539 (voir Réforme/ Angleterre), obligea nombre d’entre eux à parcourir l’île en quête d’un noble à servir. Si l’isolement insulaire écartait des nouveautés du continent, il leur donnait l’avantage de devoir créer une musique qui leur soit propre et un répertoire qui va avec.
En musique sacrée, l’anthem était propre à l’Église anglaise avant la Réforme anglicane. A la Réforme, il va prendre la forme du motet polyphonique. L’écriture vocale sous l’influence des luthériens se veut claire et simple, compréhensible pour les fidèles qui participent en certaines circonstances aux chants.
En musique profane, l’écriture instrumentale, pour le luth essentiellement mais aussi pour le virginal, va de plus en plus s’étoffer.
Sous Élisabeth 1er qui accède au trône en 1558, l’Angleterre s’ouvre au continent notamment au madrigal. Musica Transalpina paru en 1588 est un recueil de 46 madrigaux italiens pour 4 voies non accompagnées. Cette publication par l’éditeur Yonge fera écho chez les compositeurs. Notamment chez Thomas Morley (1557-1602) qui, plus porté vers musique ‘légère’, adaptera le madrigal au goût anglais. Et également, chez W. Byrd (1542-1623), dont la musique usant des grounds (basse obstinée, basso ostinato) dénote déjà une grande maîtrise de l’harmonie.
John Taverner (1490-1545), Christofer Tye (1500-1578), Thomas Tallis (1505-1585) seront les grands représentants de la musique anglaise de la première génération.
William Bird (1540-1623), Thomas Morley (1557-1602), John Dowland (1563-1626) seront les musiciens les plus importants de la période élisabéthaine.
Thomas Morley, John Dowland (1563-1626) et Michael Cavendish (1565-1628), ces deux derniers virtuoses du luth, loin de la musique spéculative du ricercare sauront mêler l’écriture contrapunctique en imitation à l’harmonie pour donner une musique raffinée, délicate, pleine de charme et de fantaisies (fancies). Les compositeurs anglais tels Thomas Morley ont souvent composé pour les deux confessions[28].
John Taverner (1490-1545) est né dans le Lincolnshire (n.o.) bordé par la Mer du Nord. On ne sait rien de son enfance. En 1524, à 34 ans donc, il est maître de chapelle à Tattershall, ville du même comté. Deux ans plus tard, on le trouve à Oxford comme maitre de chœur au Cardinal’s Collège (Christ Church) fondé par Thomas Worsley (voir Réforme/ Angleterre). En 1528, subissant la répression contre les luthériens, il est mis un temps en prison. Après la fin tragique en 1530 de Wosley qui fut premier conseiller d’Henri VIII avant de se voir accusé de haute trahison (en fait pour s’être opposé au divorce du roi d’avec Catherine d’Aragon) et décapité, Taverner disparaît pendant 7 ans pour réapparaitre dans son Lincolnshire natal à l’église de Saint Botolph de Boston comme commis non professionnel (lay clerk[29]), poste qui pourrait avoir consisté à être instructeur pour le chœur. Il est en tout cas mentionné comme faisant partie de la Corpus Christi Gild de Boston.
Selon la plupart des historiens, Taverner quitte toutes ses fonctions en 1537 et mène alors une vie de notable. « Il n'a jamais été prouvé qu'il soit devenu par la suite ce fanatique religieux qui, selon certains, aurait contribué, sous Thomas Cromwell[30] (1485-1540), successeur de Wolsey dans la grâce du roi, à mettre à sac églises et monastères » (Encyclopédie Universalis).
Mais Robert Cummings précise : En 1538, Taverner est nommé agent de la Couronne lorsqu'il « commence à travailler pour Thomas Cromwell. De nombreux
historiens de la musique ont décrit le rôle du compositeur au cours de cette période comme un fanatique voué à la disparition de diverses congrégations et ordres religieux, du fait de leur fidélité à Rome. Il semble toutefois que Taverner était un défenseur compatissant de la part de ceux que Cromwell avait mandatés pour céder leurs biens à la monarchie [ce qui laisse quand même sous-entendre qu’il y a participé]. En janvier 1539, il écrivit une lettre à Cromwell pour le prier de renoncer à tout effort pour forcer le dessaisissement des avoirs de nombreuses maisons religieuses à Boston. En 1540, il démissionna de ses fonctions d'agent de la Couronne. L'année suivante, Taverner est devenu trésorier du Corpus Christi Gild, restant à ce poste pendant au moins trois ans [1541-44], à la suite de quoi les dossiers de Gild ont cessé. En 1545, Boston devint un arrondissement et Taverner y servit d'échevin [genre de juge de pais] » [31]
Taverner est essentiellement un compositeur de musique sacrée, auteur notamment de 7 messes dont trois grandes à six voies (Corona spinea, Gloria tibi Trinitas et O Michael), de 23 motets et 8 antiphons votifs (antiennes votives). Sa messe Western Wind est particulièrement remarquable et servira d’exemple à ses successeurs parce qu’il adopte pour le cantus firmus un chant profane et non un chant grégorien à l’exemple des messes parodies déjà adoptées sur le continent. Sa musique du En nomine Domini du benedictus de sa messe Gloria tibi Trinitas a servi d’exemple pour un grand nombre de pièces instrumentales qui seront connues désormais sous le nom de En nomines.
Taverner est considéré comme le plus grand compositeur de la période Henri VIII. On pense que la plus grande partie de son œuvre a été composé entre 1520-1530 dans les périodes où il était à Tattershall et à Oxford.
Christofer Tye (1498/1500/1505-1571-73) apparaît dans les registres pour l’obtention de son baccalauréat de musique à Cambridge en 1536. L’année suivante, il est mentionné comme chantre au King’s Collège. Puis en 1541, il est maitre de chœur à la Cathédrale d’Ely (au n.o. de Cambridge). Il occupera le poste pendant 20 ans. De 1559 à 1581, l’évêque de la cathédrale en est Richard Cox, théologien proche d’Henri VIII et son conseiller dans le mouvement réformateur. S’il reste comme le roi sensible au catholicisme, il n’en défend pas moins des positions anglicanes. Tye épousera la réforme anglaise et sera pasteur en 1560. Il entreprendra de remplacer le latin par l’anglais dans la liturgie anglicane à l’instar de la liturgie de Thomas Cranmer[32]. Cette nouvelle liturgie sera chantée par la Chapelle Royal à Westminster dès 1548. L’année suivante, il est nommé recteur de Doddington-cum-Marche (diocèse d’Ely). Il sera maitre de musique d’Édouard VI.
« Il contribue à établir le modèle de l'anthem, dans un style simple et direct, presque populaire, modèle que les compositeurs de musique d'église adopteront sous le règne d'Édouard VI et dans les débuts de la période élisabéthaine ».
Il n’écrivit pas de musique vocale profane, mais il est l’auteur de motets (3 à 7 voix) et de compositions instrumentales notamment pour un ensemble de violes ; ce qui était une nouveauté. Il ne reste essentiellement de lui que deux messes et surtout Les Actes des Apôtres de 1533, recueil d’une partie de ses anthems (à 4 voix), dédié à Édouard VI, ; recueil qui le rendit célèbre. Son style est proche de celui de Thomas Tallis. Il fut également organiste.
Henri VIII aurait dit de lui : « L’Angleterre a un dieu, une vérité et, pour l’art de la musique, un docteur—et c’est le Docteur Tye.» (cité par Jeremy Summerly, https://www.hyperion-records.co.uk/c.asp?c=C705).
Thomas Tallis (1505-1585) est né dans le Leicestershire (centre, Midlands). En 1537, il est organiste dans le petit prieuré de Douvres puis, en 1536, à l’abbaye de Waltham dans l’Essex (deux institutions qui, sous l’effet de la Réforme Anglicane, furent dissoutes en 1539 alors qu’il y travaillait). Il part ensuite chanter à la cathédrale de Cantorbéry. Il sera nommé en 1545, nommé (Gentleman Gentilhomme, Maître) et organiste de la Royal Chapel à Londres, poste qu’il occupera pendant plus de quarante ans. En 1570 (72 ?), W. Byrd, qui a peut-être été son élève, le seconde à la Royal Chapel. En 1575, de la Reine Vierge, il obtient de concert avec Byrd, le monopole de l’impression et de l’édition musicales. Les sources n’indiquent plus rien après cette date sinon qu’il meurt dix ans plus tard, en 1585, à Greenwich.
Si les noms de Tallis et Byrd sont souvent associés, leur personnalité comme leur style sont pourtant différents, le catholique Byrd offrant un caractère et une musique moins austère que ceux de l’anglican Tallis.
Comme Thomas Morley, Tallis écrivit de la musique religieuse pour les deux confessions, aussi bien sous les anglicans Henri VIII, Édouard VI et Élisabeth 1ère que sous la catholique Marie Tudor. Comme Christopher Tye, si ces premières œuvres sont écrites sur des textes en latin, après 1547 et la liturgie de Cranmer, il mettra en musique des textes en langue vernaculaire.
Tallis, le meilleur représentant de l’école d’orgue anglaise à cette époque. Il est l’auteur de 3 messes à 4 et 7 voix (en latin), 29 motets de 4, 5,6 voix, dont Spem in Allium pour 8 chœurs à 5 voix (un monument!), 2 Magnificat, 2 Lamentations de Jérémie (dont une restée fort célèbre), des cantiques et anthems (en anglais et latin), et des pièces pour orgue. Outre ce motet à 40 voix réelles[33] (8 chœurs à 5 voix), ses sept Miserere Nostri sont « un extraordinaire exploit de l'écriture canonique, impliquant un mouvement rétrograde associé à plusieurs degrés d'augmentation.» (Encyclopedia Britannica).
Son œuvre se répartit en : Musique pour Henri VIII,
Musique de la Réforme, Musique pour la Reine Mary, Musique pour l’Office Divin, Musique pour une Église Réformée, Musique pour la Reine Élisabeth, Lamentations et Contrafacta, Musique Instrumentale et Vocale. A l’instar d’un Philippe de Vitry (1291-1361, Ars Nova), d’un Guillaume de Machaut (1300-1377) ou d’un Ockeghem, Tallis use volontiers du hoquet. Son contrepoint et pur et léger et il n’ignore pas l’homophonie.
William Byrd (1540-1623) est né ou à Lincoln (Littoral Mer du Nord) ou à Londres[34]. En 1563, il est organiste à la cathédrale. En cette même année, Élisabeth promulgue les Trente-Neuf Articles qui affermissent la confession anglicane (voir Réforme Angleterre). Mais elle sait ménager les susceptibilités des anglicans comme des catholiques. Elle fait de Byrd le catholique son protégé.
Élève de Tallis (?), selon l’oxonien antiquaire et historien du XVIIème siècle, Antony a Wood, il le seconde comme organiste à la Chapel Royal en 1570 (72 ?). En 1575, ils obtiennent de concert de la Reine Vierge, elle-même musicienne, le monopole de l’impression et de l’édition musicales. Marié deux fois, père de cinq enfants, il se retire en 1580 à Stondon (Essex) où il passera les quarante dernières années de sa vie. Par ailleurs, sa biographie ne relève d’aucuns intérêts particuliers.
Composant, bien que catholique, pour la reine dont il était le protégé, et pour les deux rites, ce contemporain de Shakespeare fut appelé de son temps « le père de la musique ». Brillant compositeur de musique sacrée et profane, on retient surtout le Byrd compositeur de musique pour le clavier (virginal) dont il sera pour longtemps même après sa mort le meilleur représentant.
Ses 120 pièces pour clavier : fantaisies (de forme libre d’une écriture savante du contrepoint), danses (allemandes, gaillardes, pavanes…), variations (mélodiques, harmoniques, rythmiques) et ground (sur la base d’une base obstinée) sont réunies au tournant du siècle dans le Fitzwilliam Virginal Book (My Ladye Nevells Booke (1591) et le Parthenia (1611-13), ce dernier contient 21 pièces de virginal dont certaines de J. Bull (1562-1628, cf. note pg 105) et O. Gibbons (1583-1625)
« Byrd peut être considéré comme le père de la première technique virtuose du clavier, qui sera développée, mais non surpassée, par la génération suivante : celle de Thomas Morley, Thomas Tomkins, Orlando Gibbon et Jon Bull » (G. Durosoir, opus.cité)
« Il est vrai qu'il a fondé le style du virginal… Nul avant lui, au clavier, n'avait secoué la vieille écriture horizontale, privilégié des accords verticaux, émancipé la mélodie accompagnée ; nul n'avait donné cette force persuasive au rythme, à son accentuation régulière ; l'une et l'autre nouveauté tirées des luthistes, et du chant populaire… Ce style du virginal, [il] l'a saturé d'émotion, de tendresse, de grâce rêveuse ». ( Guy Sacre, La musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998).
Il composa pour le consort (ensemble d’un seul instrument) tout un répertoire de pavanes, grounds, fantaisies pour la viole. Et pour la voix, madrigaux et canzonetta pour 2, 5 ou 6 voix. Voir aussi Annexe/ Instruments/Orgue et Clavecin à La Renaissance.
Thomas Morley (1557/58-1602) est né à Norwich (Norfolk, East-Anglie). Jeune chanteur à la cathédrale, en 1583, il en devient l’organiste. Il est bachelier ès musique à Oxford en 1588 et la même année, il est organiste à l’église St Giles de Londres et deux ans plus tard à la cathédrale St Paul. En 1592, il est fait Gentelman (Gentilhomme, Maître) de la Chapelle royale. Son professeur W. Byrd qui a été aussi son ami et qui l’a précédé à ce poste s’était retiré à Stondon douze ans plus tôt. Et T. Tallis qui a également occupé cette fonction mourra trois ans plus tard à l’âge de 80 ans. Il quittera le poste en 1602 donc peu de temps avant sa mort prématurée.
En 1597, il dédit à W. Byrd son important traité A Plain and Easy Introduction to Practical Music (Une introduction simple et pratique à la pratique musicale). Il a eu quatre enfants de ses deux mariages. Cette même année, il s’installe dans le quartier de St Helen où il a pour voisin Shakespeare. Le musicien et le dramaturge ont du se connaître. It was a lover and his lass (C'était un amoureux et sa petite fille), paru dans le First Booke of Ayres[35], est chanté par les deux pages de Comme il vous plaira (1599). Et O Mistress Mine, une des plus fameuses pièces des Consort Lessons, est chantée par le bouffon d’Olivia dans la Nuit des Rois (Twelfth Night,1602). En 1598, la reine lui octroie à la suite de Tallis et Byrd le monopole de l’impression et de l’édition des œuvres de musique.
Si Morley composa quelques pièces de musique sacrée, il est surtout connu pour son apport au madrigal avec notamment The Triumphs of Oriana qu’il publia en 1601. Oriana désignait la reine Élisabeth mais certaines sources pensent qu’il s’agissait d’Anne de Danemark († 1619) épouse de Jacques VI Stuart, roi d’Écosse à un an en 1567 et roi d’Angleterre sous le nom de Jacques 1er en 1603 (il succède à Élisabeth). Ce recueil réunit outre de ses pièces, des œuvres de 22 autres compositeurs dont O. Gibbons.
Morley composa pour les consorts et broken consorts et un livre d’airs, The first book of ayres (1600).
Le madrigaliste bolonais Alfonso Ferrabosco (1543-1588) arrive à Londres en 1567 et entre au service de la reine. Son jeu, ses compositions très techniques sont très appréciés de la noblesse anglaise. Il devra retourner dans sa ville natale après 1575 (son fils nait à cette date à Greenwich) où il mourra. T. Morlay placera dans son recueil de 1598 certaines de ses œuvres les estimant écrites avec une profonde compétence (a deep skill).
En 1588, l’éditeur Nicholas Yonge publia un recueil de madrigaux italiens, sous le titre de la Muscica Transalpina qui comprenait outre des pièces de Ferrabosco des œuvres du grand madrigaliste italien Lucca Marenzio (1553-1599) qui écrivit quelque 500 madrigaux des plus légers au plus graves, faisant appel au figuralisme et au chromatisme. Monteverdi ‘partira’ de son œuvre pour amener le madrigal à son parachèvement en y intégrant le style rappresentativo (expressif) et le stile concitato (agité, vigueur et fébrilité des sentiments par trilles et trémolo).
L’Angleterre fut prise d’un véritable engouement pour le genre donnant. Un élan lui fut donné qu’il n’avait pas jusque là connu au point que cette même année une École du Madrigal se constitua qui jusqu’en 1625 donnera une production importante de madrigaux. Le madrigal anglais était à ses débuts calqué sur son modèle italien mais chanté a capella de 3 à 6 voix. Mais l’importance qu’avait prise le sonnet pour sa forme avait aussi favorisé par sa forme, sa métrique et ses rimes cette éclosion du madrigal.
Avec T. Morley, les compositeurs les plus importants dans le genre sont Thomas Weelkes (1576- 1623), organiste auteur de madrigaux et de services (compositions pour choral ou orgue accompagnant certaines parties de la liturgie anglicane) et John Wilbye (1574-1638), le plus connu des madrigalistes avec T.Morley, et qui a fait toute sa carrière au service d’une famille de nobles récusants (chrétiens réfractaires à l’anglicanisme) du Suffolk (East Engand) d’où il était originaire.
Après le premier quart du XVIIème siècle, le madrigal se verra supplanté par l’Air (Arye) toujours autonome mais s’inscrivant dans une œuvre (opéra, cantate, oratorio), chanté avec ou sans accompagnement instrumental, et par la musique représentative (seconde pratique). Quasiment tous les compositeurs du dernier quart du XVIème siècle et du premier quart du XVIIème ont composé des madrigaux. Par mi eux, sont restés célèbres ceux de Orlando Gibbons (1583-1625), John Dowland (1553-1626). Thomas Tomkins (1572 – 1656) en fut le dernier représentant.
Deux techniques caractérisent essentiellement le madrigal anglais : La peinture par mots et le figuralisme.
John Dowland (1563-1626) serait né à Westminster (Londres) ou à Dublin (Irlande). De 1579 à 1584, au service de l’ambassadeur d’Angleterre, il vit à Paris où il découvre l’Air de Cour. Période qui correspond exactement au règne du dernier des Valois, Henri III (1551-1574-1589). Au cours de son séjour en France, Dowland se fait catholique. De retour en Angleterre, en 1584, il se marie. En 1588, il obtient son diplôme de Bachelor of Music et entre à la chapelle de la cathédrale Christ Church, qui est aussi la chapelle du Christ Church Collège, le collège le plus important de l’université d’Oxford.
En 1594, n’ayant sans doute pu obtenir un poste de luthiste à la cour, peut-être à cause de ses convictions catholiques (ce qui ne ressemblerait pas à l’attitude de tolérance qu’eut la reine pour ses musiciens), il se rend ensuite à la cour du duc de Brunswick. Puis, il se rend en Italie, à Rome auprès du grand madrigaliste Luca Marenzio (1553-1599, puis à Venise et à Florence. Il revient en Allemagne et séjourne à Cassel, à la cour du landgrave de la principauté de Hesse-Cassel (Allemagne Centre), Maurice de Hesse. Le landgrave est un homme érudit versé dans la théologie, la littérature, les mathématiques. C’est aussi un musicien qui a composé pour le luth. Il a donné une bourse au jeune H. Schütz pour aller étudier à Venise auprès de Giovanni Gabrieli.
En 1596, parait son recueil le plus célèbre Lachrimæ, or seaven teares, sept pavanes et autres pavanes et gaillardes et allemandes pour cinq luths, violes ou violons, dont il extrait Flow my tears all from your springs, un air pour luth publié en 1600 dans son Deuxième Livres pour Ayries. Cette pièce dont Dowland écrivit les paroles est son œuvre la plus célèbre.
« La chanson commence par un motif de larme qui tombe, commençant par un A et descendant vers un E par étape sur le texte "Flow, my larmes". Cela a peut-être été emprunté à un motet d’O. de Lassus ou à un madrigal de Luca Marenzio (ce type de motif était courant dans la musique élisabéthaine pour signifier le chagrin), en plus d'autres emprunts de la pièce ». (https://en.wikipedia.org/ wiki/Flow,_my_tears)
Il séjourne à Nuremberg avant de revenir en 1597 à Londres où il espère être nommé musicien à la cour et pouvoir bénéficier de l’appui de son protecteur Henrici Noel à qui il dédie le même année ses Lamentatio pour soprano, alto, ténor et basse, écrites pour le chœur de l’ Abbaye de Westminster. Cette même année est publié The First Booke of Songes or Ayres comptant 21 aryes et chansons.
Mais son protecteur meurt peu après son retour. De 1598 à 1606, il est musicien à la cour du roi de Christian IV de Danemark.
En 1603 est publié un Troisième Livre de Chansons. Et en 1612 son recueil de chansons A Pilgrimes Solace qu’il dédie au noble au service duquel il est entré à son retour en Angleterre. Cette même année, il est enfin nommé musicien de cour. A partir de là, pendant les quatorze années qu’il lui reste à vivre, il ne composera plus.
Par rapport aux musiciens anglais de la Renaissance, Dowland aura eu une existence plutôt itinérante qui passa la moitié de sa vie à l’étranger. Il ne connut pas le succès de son vivant et encore moins la gloire d’un Taverner, d’un Byrd, d’un Tallis. Il ne fut vraiment reconnu qu’au XXème siècle. Il n’en est pas moins considéré aujourd’hui comme le plus grand compositeur de la seconde moitié du siècle et du début du siècle suivant avec W. Byrd.
Sa musique est une musique douce mélancolie. Chanteur et luthiste qui écrivait pour son propre usage comme le ferait une chanteur-compositeur de nos jours, il composa plus de 200 fantaisies, et danses (pavanes, gaillardes, allemandes (almains) où l’on ne trouve que quelques passages d’une polyphonie qui se limite à ce que peut en jouer un luth.
Il eut un fils Robert (vers 1586-1641) qui lui succéda comme ‘musician for the lutes’.
«Si, au début de sa carrière, son style est bel et bien anglais et élisabéthain, dans ses dernières pièces, il adopte toutes les nouvelles techniques baroques : les trilles, l'appoggiature, le style brisé venu de France, de nouveaux rythmes de danse. Sa musique, qui se situe entre le style de la Renaissance et celui du baroque sans appartenir vraiment à aucun, est d'une ambivalence fascinante. Dowland a aussi fusionné différents styles nationaux : la tradition polyphonique anglaise, le style flamboyant et virtuose italien [style déclamatoire et chromatisme] comme l'élégance du premier baroque français se fondent chez lui pour donner lieu à un langage tout à fait personnel. » (O'Dette Paul, luthiste et musicologue contemporain)
« Les œuvres instrumentales de Dowland ont une importance particulière. Ses compositions pour ensemble de violes de gambe avec accompagnement de luth marquent dans l'histoire de la musique européenne un premier point culminant du développement d'une musique instrumentale indépendante ». (http://choeurardent.emonsite.com/pages/compositeurs/johndowland.html)
Sur le luth et son histoire voir Annexe/ Instruments de la Renaissance.
C’est au milieu du XVIème siècle que s’achève en Espagne la prédominance de l’école polyphonique flamande. Car n’oublions pas que Charles de Habsbourg a passé son enfance dans les Flandres, élevé par une mère et une tante autrichiennes, et qu’il ne parlait pas un mot d’espagnol lorsqu’il arriva en Espagne en 1516 pour monter sur le trône à l’âge de 16 sous le nom de Charles 1er. Deux ans avant sa mort, en 1556, celui qui régna sur « un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais » mettra fin à son règne et dissoudra « la plus brillante chapelle de la chrétienté », la Capilla Flamenca. Avec son fils qui lui succède, Philippe II (†1598), né lui à Valladolid, la musique espagnole sera composée non plus par des Néerlandais mais d’Espagnols.
« Quel que soit le domaine de création, musique sacrée ou profane, musique de théâtre, polyphonie, chant à la vihuela, l’expression de l’âme est le caractère dominant du génie espagnol » (Georgie Durosoir op.cit.).
Ce trait du génie espagnol se traduira dans la musique religieuse au travers de l’œuvre du meilleur représentant de l’École Andalouse, Cristobal de Morales (1500-1553) qui est loin d’ignorer les leçons de la polyphonie savante voire artificielle de ses prédécesseurs néerlandais, mais préfère une musique plus inspirée, plus proche de l’âme. Le sévillan Francisco Guerrero (1527-1599) va suivre les traces de son maître. L’école compte aussi notamment Francisco de Peñalosa, Fernando de Las Infantas, Juan Navarro et Rodrigo de Ceballos.
L’École Castillane, l’autre grand pôle de la musique espagnol de la Renaissance, donne à l’Espagne avec Tomas Luis de Victoria (1548-1611), éminent polyphoniste, la plus remarquable figure de la musique religieuse ibérique du XVIème siècle, une œuvre sacrée animée d’une ferveur toute mystique.
Au plan de la musique profane, c’est à cette même époque dans une Espagne au plus haut de sa production artistique que naîtront la variation à la vihuela (cousine du luth) et le chant en voix soliste.
Luis Milán (1490 env.-apr. 1561) « Vihueliste, compositeur et écrivain espagnol, qui vécut principalement à la cour de Ferdinand d'Aragon et, vraisemblablement, pendant quelque temps à la cour de Portugal près de Jean III, auquel fut dédié son ouvrage principal, Libro de música de vihuela de mano, intitulado « El Maestro » (Valence, 1535-1536). Cet ouvrage, première tablature espagnole de vihuela (luth), contient à la fois des œuvres vocales accompagnées (villancicos espagnols et portugais, romances castillanes, sonnets italiens) et des pages instrumentales (fantaisies ou tientos, pavanes) où l'on trouve l'indication sonadas. Certains villancicos sont suivis de variations (diferencias). Milán publia aussi un Libro de motes (1535), pages de divertissements courtois, et El Cortesano (1561), où il décrit les fêtes de la cour de Valence » (Pierre-Paul LACAS, Encyclopédie Universalis)
Vihueliste, compositeur et écrivain espagnol, qui vécut principalement à la cour de Ferdinand d'Aragon et, vraisemblablement, pendant quelque temps à la cour de Portugal, près de Jean III, auquel fut dédié son ouvrage principal, Libro de música de vihuela de mano, intitulado « El Maestro » (Valence, 1535-1536). Cet ouvrage, première tablature espagnole de vihuela (luth), contient à la fois des œuvres vocales accompagnées (villancicos espagnols et portugais, romances castillanes, sonnets italiens) et des pages instrumentales (fantaisies ou tientos, pavanes) où l'on trouve l'indication sonadas. Certains villancicos sont suivis de variations (diferencias). Milán publia aussi un Libro de motes (1535), pages de divertissements courtois, et El Cortesano (1561), où il décrit les fêtes de la cour de Valence.
Nicolas Gombert (1500-1557 ?), natif de Lille, ville appartenant alors aux Hasbourg, a pu être une élève de Josquin des Prés pour lequel il aurait écrit une déploration. En 1526, il est chantre à la Capilla Flamenca fondée en 1515 et située dans le palais de Madrid. En 1529, il est maître des enfants du chœur, alors que le flamand Adrien Thibault, dit Pickart, en est le maître de chapelle[36]. Il a néanmoins en charge de composer la musique des grandes cérémonies. Charles–Quint comme tout grand roi amène dans sa suite ses musiciens et chanteurs. Gombert découvre ainsi l’Europe de l’Allemagne à l’Italie en passant par l’Autriche[37]. Il est doté des prébendes de diverses paroisses dans les Pays-Bas Espagnols et du canonicat de la cathédrale de Tournai où il se trouve en 1547, puisqu’il y expédie un motet dédié à l’empereur.
On n‘a plus de traces de lui après cette date. On suppose qu’il finit ses jours dans cette ville.
« Selon Jérôme Cardan (1501-1576), Gombert aurait violé un garçon du service de l'empereur, et aurait été condamné aux galères et à l'exil. » (J-M Warszawski https://www.musicologie. org/Biographies/gombert_nicolas.html).
Son œuvre religieuse est nettement plus importante que celle profane. 160 motets à 4, 5 ou 6 voix, 10 messes dont 6 parodiques et deux sur cantus firmus, à 4 ou 6 voix et 8 Magnificat pour 40 chansons dont nombre furent transcrites pour vihuela.
Gombert se situe dans la parfaite tradition polyphonique flamande. Sa polyphonie se remarque par un usage continu de l’imitation et l’utilisation quasi constante de toutes les voix dans un ambitus (registre, étendu des voix) restreint et chantant sur des textes différents superposés. Son style élégant et sobre fait appel à la régularité des lignes mélodiques et du rythme. On n’y trouve pas les fantaisies, les surprises qu’osera dans la dernière période de la Renaissance un Rolando de Lassus (†1594).
Cristobal de Moralès (1500-1553), né à Séville, a fort probablement été formé par Pedro Fernández de Castilleja (1487-1574), maitre de chapelle 1514 à 1568[38] de la cathédrale. Il sera remplacé par son élève Francisco Guerrero († 1599). Dès 1522, Moralès est en Italie au service des Borgia comme organiste. En 1526, il est maître de chapelle à Ávila[39] pendant 5 ans. De 1531 à 1534, on ne sait rien de lui, sinon qu’il séjourne à Naples. Le Royaume de Naples étant passé sous Ferdinand V sous domination espagnole en 1503, les échanges culturels étaient intenses entre les deux royaumes.
En 1535, il est chantre à la Chapelle Sixtine où sa réputation deviendra grande. Dix ans plus tard, à l’occasion d’un second séjour en Espagne, il y reste définitivement. D’abord à Tolède, où il occupe pour deux ans le poste de Maître de Chapelle, avant d’entrer en 1547 au service de Luis Cristóbal Ponce de León II (1528-1573), duc d’Arcos, Grand d’Espagne qui n’a alors que 19 ans.
Francisco Guerrero devient son élève. En 1551, il est maître de chapelle à la cathédrale de Malaga où il meurt, sans doute mal accommodé à son pays natal depuis son retour d’Italie, et, sans doute aussi, pauvre. Sa renommée s’étendit jusqu’au Nouveau-Monde.
Sa personnalité comme sa musique se condensent dans ses propos : « Donner à l’âme de la noblesse et de l’austérité ».
Une œuvre essentiellement religieuse qui compte 21 (25 ?) messes de 4 à 6 voix, soit fidèles à la tradition du cantus firmus, soit selon le mode de composition le plus répandu à la Renaissance, parodiques, 91 motets avec un emploi fréquent de la basse obstinée, 16 Magnificat.
« Austère ou éclatant, son style refuse toutes les conventions de l’époque pour n’illustrer que le texte sacré et toutes ses nuances dramatiques » (G. Durosoir op.cit.)
Conscient de sa valeur, Moralès fera imprimer ces compositions aussi bien en Allemagne qu’en Italie, en France qu’en Hollande.
L’Espagne ne possédait pas d’éditeur de musique. Une exception est celle de Juan de Brocar (†1552) qui édita en 1557 El Libro de cifra nueva para tecla, harpa y vihuela, (Livre de nouvelle figure pour clé, harpe et vihuela, dans lequel on enseigne brièvement à chanter des chants simples et des chants d'orgue, ainsi que quelques avis de contrepoint) du compositeur Luis Venegas de Henestrosa (1510-1570) ; un recueil qui, entre autres, contient une quarantaine de pièces de Cabezon(1510-1566), et présente une tablature (doigté, rythme) mise au point par lui.
Ce manque d’éditeurs de musique explique que les compositeurs espagnols seront moins ou pas connus du reste de l’Europe soit qu’ils n’ont pas cherché à être édités, soit qu’ils sont restés en Espagne et que leur renommée n’ait pas été suffisante dans leur pays comme ce fut le cas de Francisco de Peñalosa (1470-1528) qui a pu formé Cristobal de Moralès et Francisco de Guerrer qui,élève de ce dernier, connue une réputation qui lui valut d’être sollicité par les éditeurs étrangers.
Francico de Guerrero (1528-1599), né à Séville où il sera enfant de chœur, est maître de chapelle à l'âge de dix-huit ans, en 1546, à la cathédrale de Jaén (Andalousie). Deux ans plus tard, il est chantre à la cathédrale de sa ville natale. En 1554, il remplace Moralès comme maitre de chapelle à Malaga et l’année suivante il est maître du chœur à Séville.
« Il effectue de nombreux voyages à travers l'Espagne et le Portugal, au service de l'empereur Maximilien [Maximilien II †1576, neveu de Charles-Quint) et passe une année en Italie (1581-1582). Au cours d'un voyage en Terre Sainte, il est capturé par des pirates pendant le voyage de retour, avant d'être libéré moyennant rançon ; il raconte son aventure dans un ouvrage qui connaît un grand succès à l'époque, El viage de Hierusalem (Le voyage de Jérusalem), publié en 1590 » (Wikipédia) .
Sa renommée est telle que ses œuvres sont imprimées en France, en Italie et dans les Pays-Bas Espagnols. Son influence sur les compositeurs espagnols de son temps fut considérable. La spiritualité qui imprègne sa musique, essentiellement vocale, ne lui empêche pas de lui donner une ton dramatique plus encore sans doute que celle de Moralès dont il fut l’élève.
Mort de la peste à Séville en 1599, il laisse 18 messes, 2 Passions (Saint Matthieu et Saint Jean), 104 motets de 4 à 8 voix en latin, auxquels viennent s’ajouter 2 requiem, des Magnificat, de nombreux chants sacrés en espagnol de 3 à 5 voix, recueillis dans Canciones y villanescas espirituales en 1589, et, également, des compositions pour vihuela.
On l’a surnommé le Murillo (1617-1682) de la musique ; sans doute parce que la peinture de ce peintre du Siècle d’Or Espagnol, fervent catholique, contemporain de Vélasquez et de Zurbaran, relève surtout dans la dernière partie de sa vie d’une même forte religiosité.
Antonio de Cabezón (1510-1566), aveugle de naissance comme l’organiste allemand Arnold Schlick (†1521), est né en Castille et León, à Castrillo Mota de Judíos, entre Burgos et Palencia, ville où il a pu recevoir une première formation d’organiste. Organiste à la cour de Charles-Quint et de son fils Philippe II, il est considéré comme le fondateur de l’école d’orgue espagnole (voir Annexe/Instruments de la Renaissance). En 1530, il est musicien de la chambre de Charles Quint et suit l’empereur dans ses déplacements à travers l’Europe. Fort probablement donc en compagnie de Nicolas Gombert. En 1539, à la mort d’Isabelle du Portugal, épouse de l’empereur, il est nommé professeur de musique des trois enfants impériaux. L’une d’eux, Maria (Marie d’Autriche, 1526-1603), qui sera impératrice en 1548 par son mariage avec son cousin l’empereur Maximilien II, sera la protectrice de T. Luis Vittoria.
A partir des années 1548, lui et son frère Juan, aussi organiste et compositeur, suivent (avec un orgue portatif) en Italie, Allemagne et aux Pays-Bas le Prince Philippe dans ses voyages à travers l’Europe et de 1554 à 1556 en Angleterre, lorsque Philippe, roi l’année suivante, se marie avec sa cousine Marie Tudor la Catholique en 1554[40]. Antonio a pu rencontrer Thomas Tallis et ses variations ont pu influencer le compositeur anglais. Après, on ne sait rien du reste de sa vie sinon qu’il s’est marié et a eu cinq enfants. L’un deux, fut également musicien.
S’il composa pour la voix, Cabezón écrivit essentiellement pour l’instrument. Des compositions pour le clavier, l’orgue à son époque, et par la suite le clavecin ; compositions qui peuvent être transcrites pour la vihuela et la harpe.
A la différence des organistes du reste de l’Europe, les organistes espagnols ne composaient pas de messes pour l’orgue mais ‘seulement’, des pièces pour le kyrie et les huit heures canoniques (offices du jour, laudes, prime…vêpres, matines). On y retrouve la rigueur d’écriture et l’austérité d’esprit de Moralès, une gravité propre à la religiosité espagnole. Ce qui ne le priva pas d’écrire à côté ses célèbres tientos [41](il en reste 14, sans doute la part de sa musique la plus accomplie) et des diferencias (variations) sur des airs de danses. Ont été conservés ses Diferencias sobre Las Vacas, Diferencias sobre el canto Llano del Cavallero et Diferencias sobre el canto de La Dama.
Ces airs s’inspirent souvent de ces poèmes lyriques chantés (parfois seulement récités), les cancioneros, très appréciés à l’époque en Espagne. Jorge Montemayor, contemporain de Cabezón, poète et musicien, est connu pour ses cancioneros publiés en 1558. Juan del Encina († 1533), également poète et musicien est aussi réputé pour ses Cancionero Musical del Palacio et Cancionero de Segovia (voir Littérature/Théâtre/Espagne).
Son fils, Hernando de Cabezón (1541–1602) a sauvegardé une grande partie de ce qu’il nous reste de l’œuvre de son père qu’il publia après sa mort et qui selon ses dires n’en représenterait qu’une partie, et non la plus volumineuse. De son vivant le recueil, El Libro de cifra nueva para tecla, harpa y vihuela, du compositeur Luis Venegas de Henestrosa (†1570) contient une quarantaine de ses pièces pour instrument.
Tomás Luis de Victoria (Vittoria en Italie, 1548-1611) est né à Ávila (Vielle Castille) où vit Ste Thérèse (†1582). Septième enfant d’une famille nombreuse, très jeune orphelin de père, il est à dix ans chantre à la cathédrale d’Ávila où il poursuit ses études musicales et instrumentales (clavier) jusqu’à l’âge de dix huit ans.
En 1565 (67), il est inscrit au collège jésuite de Rome, le Collegium Germanicum qui, fondé en 1552 (et non en 1559ni en 1573) en plein Concile de Trente, et tout de suite confié aux jésuites, héberge et forme les futurs prêtres de langue allemande. Le premier directeur en est d’ailleurs un Espagnol proche d’Ignace de Loyola, Pedro de Ribadeneyra. Il suit les cours de théologie au Collegio Romana où, chantre, il fait la connaissance des fils de Palestrina dont il bénéficie des leçons en même temps que ses fils; L’influence palestrinienne se fera sentir dans ses premières œuvres.
En 1569, il est maître de chapelle et organiste à l'église Santa Maria di Montserrato à Rome.
En 1578, alors qu’il a reçu la prêtrise trois ans plus tôt, il entre dans la Congrégation de l'Oratoire, fondée par Saint Philippe Neri (voir T2,Vol2/ Contre-Réforme/Italie). En 1585, son Office pour la Semaine Sainte, qui contient entre autres deux passions, lui offre une certaine reconnaissance. Il ne connut jamais la gloire des autres grands compositeurs du siècle.
En 1586, il est chef de chœur au Monastère des Déchaussées Royales[42] (les clarisses) fondé en 1559 à Madrid où Marie d’Autriche († 1603), sœur de Philippe II et veuve de Maximilien II s’est retirée.
En 1592, il est à Rome pour la parution de Missae, liber secundus, son second livre de messes. Deux ans plus tard, en 1594, il assiste aux funérailles de Palestrina. L’année suivante, en 1595, il revient à Madrid[43] où il exerce un an plus tard les fonctions d’organiste et de maitre de chapelle de la première fille de Charles-Quint, l’impératrice Marie d’Autriche (†1603), puis de celle de sa fille Marguerite d’Autriche (Sœur Marguerite de la Croix †1633).
Pour les funérailles de l’impératrice, il commence à composer ce qui est considéré comme son œuvre maitresse et un des chefs d’œuvre de la musique a capella de la Renaissance, L’Officium Defunctorum (Office des Morts). Il meurt au monastère en 1611 quasiment oublié.
« Conçue pour un chœur à six voix (les pupitres de sopranos et de ténors sont dédoublés), la musique remplit tout l'espace avec une continuité parfaite, quasiment sans silence ni répit, provoquant rapidement à l'écoute une véritable ivresse sonore, propice à l'élévation spirituelle. » (Claude Jottrand, Fondateur du Festival des Midis-Minimes à Bruxelles)
A partir de sa nomination de maître de chœur à Madrid, à part son requiem composé pour la mort de l’impératrice, Victoria ne composera quasiment plus. Mais l’œuvre qu’il laisse est volumineuse sans qu’il ait jamais écrit de musique profane : messes, motets, psaumes, Magnificat… La musique du grand maître de l’École Castillane, que l’on dit d’une ferveur religieuse supérieure à celle de Palestrina, est un sommet de la musique polyphonique espagnole et plus largement de la Renaissance, profondément inspirée d’une veine mystique.
Par sa musique, Victoria voulait élever son auditoire « jusqu’à la contemplation des Saint Mystères ». Consacrée entièrement à la liturgie catholique, elle ne fait appel à aucun chant profane mais au plain-chant grégorien et à des œuvres de ses compatriotes, Moralès, Guerrero et Palestrina. Considéré comme le rival de Palestrina et de Lassus, leur musique n’atteint pourtant pas à une telle intensité religieuse. Sa science musicale et sa rigueur d’écriture n’auront jamais, bien au contraire, entravé l’expression d’une profonde sensibilité spirituelle.
La musique Outre-rhin sera tout empeignée des principes de la Réforme Luthérienne: rendre accessible le texte liturgique au fidèle comme elle veut lui rendre accessible la Bible en la traduisant en langue vernaculaire, en « langue commune connue du peuple ».Volonté qu’elle partage avec toutes les autres Réformés et Humanismes. La musique religieuse devra donc trouver une langue adéquate. Leur structure sera strophique. Le fidèle, parce qu’il pourra comprendre le texte, devra chanter car selon le second principe de la Réforme, la compréhension doit être suivie de sa participation au culte (à l’origine le lecteur est choisi parmi l’assemblée). Cette participation du fidèle et des fidèles donnera naissance à une des formes musicales des plus représentatives du luthéranisme, le Choral luthérien, choral qui aura son pendant avec l’Anthem anglican et les Psaumes calvinistes.
Ce choral est à une voix (ce qui ne veut pas dire un seul chanteur) pour l’assemblée, et polyphonique pour le chœur. La psalmodie métrique introduit une unité de valeur entre note et syllabe qui exclut toute cadence (ponctuation d’une phrase…musicale) et tout passage mélodieux, la mélodie étant réservé aux passages joués à l’orgue entre les strophes. L’organiste devra alors trouver une mélodie en concordance avec le texte, ce qui l’amènera souvent à devoir improviser. Cette improvisation va progressivement se structurer et finir par donner les grandes formes indépendantes comme la toccata qui reste de forme libre ou la fugue avec son sujet et ses imitations. Avec le choral, la musique d’orgue va se développer sous l’impulsion d’organistes comme Arnolt Schlick (1460-1521), Elias Nicolaus Ammerbach (1530-1597) ou encore J.Eccard (1553-1611).
Si la musique doit « enflamber » les cœurs, elle ne doit pas détourner par le plaisir des oreilles, le fidèle du (sens) du texte. Pour autant, les psaumes chantés par les fidèles devinrent par Luther, organisateur du culte, une partie intégrante du service protestant. De même, il introduisit l’étude de la musique dans les écoles. Dans l’Allemagne protestante, on entendait les musiques municipales, les sonneurs de cornets et les sonneries des tours et des clochers. Selon Philippe Bas (op, cit.), Luther fit mettre en musique la Confession d’Augsbourg et son Catéchisme.
Par ailleurs, lors du passage de la messe au culte, les changements apportés à la liturgie (qui signifie ‘service du peuple’) ne doivent pas décontenancer le ‘gemeine Man’, l’homme ordinaire. Aussi, cette nouvelle musique religieuse doit savoir « récupérer » de la musique profane et emprunter à la tradition du plain-chant grégorien.
L’hymnologie luthérienne va ainsi petit à petit se former au travers d’une période profondément troublée, dans une Allemagne en guerres, en soulèvements, en diètes et en multiplications des confessions. Elle sauvegardera la monodie des Meistersänger, le cantus firmus de la polyphonie, et des cantiques populaires.
« Le répertoire hymnologique protestant en langue allemande se forge sur deux fondamentaux : le corpus des textes avec ses quatre sources et les mélodies avec ses trois sources. Le corpus des textes allemands est le fruit de quatre sources poétiques, à savoir: sources bibliques (notamment les Psaumes), sources dogmatiques (Dix Commandements...), sources grégoriennes (Hymnes, Te Deum, Veni Creator Spiritus...), sources médiévales (chants bilingues allemands et latins, Tenorlied hérité). Les trois sources des mélodies sont généralement: emprunts au répertoire catholique existant et aux hymnes du plain-chant, emprunts au répertoire profane existant, el Tenorlied : … Les créations originales faites de ces mélodies se manifesteront d'abord en Alsace, et essentiellement en Allemagne à partir de la deuxième génération de musiciens (entre 1550 et 1600)». (Maurice Mondengo Iyoka B https://www.memoireonline.com /11/12/ 6444/m_ Chants-de-recueils-et-culte-Protestant-aujourdhui--Kinshasa-Effort-pour-la-revalorisation-des20.html)
Le premier recueil de chants liturgiques pour l’ordinaire (prières ordinaires au long de l’année liturgique) et le propre (prières propres, spécifiques à certaines dates du calendrier liturgique, fêtes, célébrations etc.) auxquels viennent s’ajouter répons et psaumes, est Eyn geystlich Gesangk Buchleyn, le Achtliederbuch ( Le Livre des Huit lieders) de 1524 contenant 8 chorals de Johann Walter avec une préface de Luther. Luther s’est entouré de poètes et de musiciens. Si pour le choral à une voix, il est fait appel aux mélodies populaires arrangées et mises sur des textes simples, pour le choral polyphonique, on a recours à la tradition franco-flamande et à l’organum fleuri (mélismatique)
A partir de la deuxième moitié du XVIème siècle, le contrepoint mélismatique va être abandonné au profit du contrepoint syllabique. Quant au cantus firmus, il est confié non plus au ténor mais au superius dont la voix plus haute permet une meilleure intelligibilité du texte (comme d’ailleurs dans l’Air de Cour).
La figure de Lucas Osiander l’Ancien (†1604), fils du réformateur Andreas Osiander (†1552, voir Réforme, Controverses Doctrinales) domine avec son Hymnaire de Wurtemberg avec 50 chorals.
Le choral atteindra son apogée au siècle suivant, le dernier grand représentant en sera bien évidemment J.S.Bach (1685-1750).
L’Allemagne de la Renaissance ne manqua ni de théoriciens ni de compositeurs :
Adam von Fulda (1455-1505) dans son traité en quatre livres, de Musica, expose l’origine de la musique, de la science du plain-chant, de la mesure et du rythme, des intervalles et de la composition.
Henri Lorit dit Glareanus, ami d’Érasme, publia un traité exposant son système à douze tons. Ce traité qui fut rejeté par l’Église au bénéfice des traditionnels 8 modes, diffusait les principes qu’avait établi dans son traité Pratica Musica (1496) le théoricien italien Franchion Gafforio, notamment quant aux rapport des cinq notes essentielles selon lui, la maxime, la longue, la brève, la semi-brève, la minime ; le rapport maxime-longue étant relatif au mode majeur et le rapport de la longue à la brève étant relatif au mode mineur[44].
Andreas Vogelgesang, connu sous la forme grec de son nom, Ornithoparcus, écrivit un traité, Musicæ Activæ Micrologus (1516 ou 17 ?) sur l’art du chant qui fut traduit en anglais par John Dowland en 1609[45].
Sethus Calvicius (1556-165), astronome et historien, kantor à
St Thomas de Leipzig, diffusa les principes musicaux de Gioseffe Zarlino (voir Vers La Monodie/ Introduction) au travers de ses traités Melopoeia sive melodiae cantandae (1592), Compendium musicae (1594) et Exercitationes musicae tertia (1609).
Elias Nicolaus Ammerbach (1530-1597), qui composa plusieurs livres pour le clavier, fut le premier à utiliser les lettres pour désigner les notes.
Heinrich Isaac (1450-1517), sans doute né en Flandre, commence sa carrière au service des Médicis, de Laurent (†1492) d’abord pour qui il composa des chants pour le carnaval (Canti Carnascialeschi), perdus, puis pour son fils Pierre. En 1497, il est au service de l’empereur Maximilien 1er et sillonne l’Europe. Il séjourne à la cour du Grand Électeur Frédéric III de Saxe dit Le Sage (†1525), qui fonde en 1502 l’université de Wittenberg où Luther et Mélanchton ont étudié puis enseigné la théologie – c’est sur la porte de l’église que selon le seul témoignage de Mélanchthon 45 ans plus tard, les « 95 thèses » de Luther seront affichées).
A l’origine très catholique – il possédait la plus grande collection de reliques, culte qui n’est pas admis chez les Réformés – Isaac ne s’en fera pas moins luthérien et n’en soutiendra pas moins Luther contre le pape et Charles-Quint[46]. Isaac séjourne également à la cour d’Hercule 1er d’Este à Ferrare. « En 1510, Maximilian octroie à Isaac un bénéfice près de Vérone. Il est à Innsbruck en 1514, mais en 1515 il est autorisé à vivre en permanence à Florence »(https://www.musicologie.org/Biographies/i/isaac_henricus.html) où, arrivé en 1512 (selon https://www.larousse.fr/ encyclopedie/ musdico/Ludwig_Senfl/ 168144) , il y finit ses jours.
Sa musique s’inscrit dans la tradition franco-flamande qu’il enrichit de ses connaissances des régions qu’il a visitées. Son œuvre religieuse est de moindre importance que son œuvre profane pour laquelle il a une prédilection pour la forme ancienne du tenorlied, chant traditionnel à trois voix syllabique qu’il amplifie à 4 et 5 voix par lesquelles il fait passer la mélodie dans un jeu de répons ou à l’unisson (homophonie). Isaac eut une influence très forte sur les musiciens allemands de sa génération et de la suivante notamment avec ses 16 chansons profanes.
Son Choralis Constantinus est un recueil de 350 motets composé avec son élève Ludwig Senfl, livré à la Cathédrale de Constance en 1508 où Maximilien 1er avait convié la noblesse allemande. Au recueil publié à l’instigation de Senfl en 1550 furent rajoutées des pièces extérieures du répertoire de la cour impériale.
Ludwig Senfl (1486-1542/43), né à Bâle, passa sa prime enfance à Zurich. En 1496, il entre dans le chœur de la Chapelle de Maximilien 1er à Augsbourg dirigée par H. Isaac. Un an plus tard, il suit l’empereur, sa chapelle et Isaac à Vienne. Il cesse le chant après sa mue comme c’était souvent le cas pour les jeunes chanteurs des chœurs et commence ses études en vue d’une carrière ecclésiastique, ce qui était souvent aussi le cas pour ces jeunes garçons. En 1509, transcripteur et élève d’Isaac il pend la place de Maitre de Chapelle en 1517 jusqu’en 1520[47].
Senfl a entre temps voyagé deux ans Italie. Il achève le monumental Choralis Constantinus d'Isaac, commandé pour le chapitre de la cathédrale de Constance,paru en 1550-1555, et publie le Liber selectarum cantionum (1519-1520), premier recueil de chants renfermant le répertoire complet des motets de la cour.
A la mort de l’empereur en 1519, Charles-Quint qui monte sur le trône impérial ne garde pas les musiciens de son grand-père. C’est l’occasion pour Senfl de voyager et de se rapprocher de la Réforme et de Luther avec qui il travaillera à l’harmonisation des psaumes pour le nouveau culte. « Après 1523, il travaille à Munich comme musicus intonator (intŏnor : tonner, résonner ), musicus primarius, du duc Guillaume IV de Bavière. » (Encyclopédies Univarsalis et Larousse) . « À partir de 1530,[ date à laquelle il s’est marié], il obtient enfin un poste à Munich» (Wikipedia). Il y mourra dans le courant de l’année 1543. Invité également par le Duc de Bavière Albert V le Magnifique, Orlando de Lassus, y arrivera en 1555 et y mourra en 1596.
Son importante musique religieuse consacrée au culte romain adopte parfois la forme nouvelle de la messe parodie qui le sort de la tradition du cantus firmus. Le tenorlied trouve comme chez son maître un serviteur fécond avec 150 pièces écrites entre 1534 et 44 alors à Munich lorsqu’il n’est plus au service d’un empereur ou d’un Duc.
« Un de ces derniers compositeurs issus de la grande école polyphonique néerlandaise ou, plus précisément, franco-flamande… Chez lui le Moyen Âge et la Renaissance s'unissent de la manière la plus heureuse. L'esprit du Moyen Âge respire dans nombre de ses pièces: rigueur de la construction, traitement très artistique du cantus firmus, maîtrise achevée du contrepoint. L'esprit de la Renaissance se fait jour dans le texte traité avec amour et humanité, dans la simplification, par endroits, de la phrase, la déclamation par accords, la recherche de la plénitude du son dans l'harmonie, le parallélisme des tierces et des sixtes, etc... ainsi que dans une cordialité et une chaleur subjectives du langage tonal, dans de nombreuses pièces » (Clémentic Consort).
Johann Walter (1496-1570), d’une famille pauvre de la Thuringe (centre-est, Erfurt) fut chanteur puis maitre de chapelle du Grand Électeur de Saxe, Frédéric III le Sage († 1525), protecteur de Luther. Il est ensuite chantre à Torgau (1525>41) avant de revenir à Dresde au service du successeur de Fréderic, Moritz. Doté d’une pension, il retournera à Torgau où il mourra.
En 1530, Walter reforma la Passion responariale (soliste et chœur en répons) en lui donnant un caractère plus dramaturgique. Alors que la Passion responsariale consistait en un choral qu’introduisait et clôturait un motet polyphonique, Walter ajouta à la partie chorale, aux turbæ, les psalmodies de l’évangéliste. Les instruments de musique étaient interdits dans les églises au temps de la Passion.
Il n’est pas surprenant de trouver Orlando de Lassus (1532-1594,voir École Franco-Flamande) dans le chapitre consacré à la musique allemande de la Renaissance puisqu’il s’installa en 1556 à Munich à la cour des ducs de Bavière, Albert V (†1579) et Guillaume V (†1626), et y resta jusqu’à sa mort en 1596.
Comme il apporta son art à la Chanson française et au Madrigal, il l’apporta aussi à la chanson allemande pour laquelle il use de sa connaissance de toutes les techniques musicales de son temps. Et, allant plus loin avec ses tenorlieder, il compose des mélodies nouvelles, qui ne reprennent en rien les mélodies anciennes.
Leonhard Lechner (1553-1606), Johannes Eccard (1553-1611) furent deux de ses élèves les plus éminents.
Leonhard Lechner (1553-1606), d’origine tyrolienne, après avoir été enfant de chœur à Munich et disciple de Lassus, se trouve en 1575 à Nuremberg (Bavière). Il entre ensuite au service du comte de Hohenzollern dans le Bade-Wurtemberg. Suite à ses dissensions avec le comte, il va se mettre en France sous la protection du Duc Louis de Wurtemberg. Il finit par s’installer à Stuttgart, capitale du duché où il sera successivement compositeur de la cour et maitre de chapelle.
Lechner composa notamment 150 chansons sans rapport avec le tenorlieder mais proche de la villanelle italienne.
Johannes Eccard (1553-1611) est né à Mühlhausen (en Thuringe) d’où était partie en 1525 la Guerre des Paysans qui, alimentée par les positions non seulement réformistes mais aussi révolutionnaires de Thomas Münzer (voir Réforme Radicale), mit toute l'Allemagne en effervescence.
En 1571, il est enfant de chœur à la chapelle ducale de Weimar où il est élève de David Köller. Puis à Munich, à 18 ans, il est disciple de O. de Lassus avant de rentrer en 1578 au service du richissime banquier Jacob Fugger à Augsbourg.
Un an plus tard, il entre comme vice-maître de chapelle à la chapelle du margrave Georges-Frédéric de Brandebourg-Ansbach à Königsberg (actuelle Kaliningrad, en Russie). Il deviendra maître de chapelle en 1604. En 1608, sa renommée lui vaut d’être nommé à Berlin Kapellmeister de la chapelle du Grand Électeur Friedrich de Brandebourg puis de son successeur Johann Sigismond, où il restera jusqu’à sa mort.
Une fois détaché de l’influence de son maître,
« Il privilégie les pièces sacrées courtes, vocales et instrumentales, et atteint le sommet de son art dans un cycle d'arrangements de chorals à cinq voix intitulé Geistliche Lieder auf den Choral (1597). Ce recueil, qui concilie le style du choral et celui du motet polyphonique, évite l'austérité et la sobriété préconisée par les tenants d'un luthéranisme sévère » (Encyclopedia Universalis).
Son œuvre, uniquement vocale, polyphonique est religieuse et profane. Elle compte messes, motets et chants polyphoniques. Une partie importante est inscrite au répertoire des chorals des églises protestantes. Elle est recueillie dans divers recueils comme la Crepundia sacra Helmboldi (1577), les Newe ausserlesene Teutsche Gesäng (1575) dans lequel on trouve des œuvres de Lechner, les Geistliche Lieder auf den Choral ( à 5 voix1597).
« Au XIXème siècle, la musique d’Eccard était considérée comme l’incarnation de l’idéal a capella, l'ère du renouveau protestant. Sa musique était considérée comme le pendant de la musique de Palestrina. Johannes Brahms appréciait sa musique » (Encyclopedia Universalis).
Hans Leo von Hassler (ou Haslerus 1564-1612) von Roseneck, né à Nuremberg, reçut une première formation d’organiste de son père Isaac, puis de L. Lechner qui se trouve dans cette ville à partir de 1575. Il sera le premier musicien allemand à se rendre en Italie pour y être formé. C’est à Venise, en 1584, qu’il suivra brièvement l’enseignement de Andréa Gabrieli (†1585) et deviendra l’ami de son neveu Giovanni Gabrieli. Il n’y reste qu’un an puisqu’en 1585, Andrea mort, il entre à Augsbourg au service du Comte Fugger comme organiste et y restera quinze ans. Au cours de cette période, il publie son premier livre de Canzonette a quatro voci. En 1595, il est anobli à Prague par l’empereur Rodolphe II d’Habsbourg (†1612, petit-fils de Charles-Quint par sa mère Marie d’Autriche) à la cour duquel le peintre Arcimboldo (1527-1593) à longtemps travaillé et où ont travaillé les peintres et sculpteurs Spranger et de Vries ; le poète Sir Philip Sidney y sera ambassadeur d’Angleterre.
A la mort du comte, en 1601, il s’installe à Nuremberg où il fabrique et commercialise un orgue automatique. Trois ansplus tard, il est à Ulm où il se marie.
En 1608, il entre à Dresde au service des Grands Électeurs de Saxe, Christian II puis Johann Georg 1er. Il se consacre surtout à la musique religieuse. En 1612, il meurt de tuberculose à Frankfort où il accompagnait Johann Georg 1er à l’occasion du couronnement de l’empereur Mathias 1er, frère de Rodolphe.
Von Hassler amorce en Allemagne la transition de la Renaissance au Baroque qu’avait amorcé déjà à Venise notamment Giovanni Gabrieli. Auteur de messes avec un usage devenu traditionnel de l’imitation et de motets comme ça se pratiquait à St Marc (voir Italie/ Style Polychoral), de psaumes, s’il ne fait pas preuve d’une grande inventivité dans son écriture, son originalité tient à sa façon de combiner les figures musicales que les musiciens de la Renaissance auront tout au long du siècle élaborées : diminutions, élaborations en contrepoint imitatif, prolifération de figures brèves autour de la mélodie… Certaines des dernières variations s’aventurent plus loin, faisant entendre des enchaînements étranges, des ruptures brutales dans la conduite mélodique, qui évoquent déjà le stylus phantasticus à venir. (Guillaume Bunel http://www. classicalacarte.net/Production/Productio_04_16/VKJK15211_classica181.htm).
C’est surtout dans la musique profane, madrigaux, canzonetta et chansons, qu’il aura le plus d’impact sur la musique allemande. Dans ses chansons pour chant solo avec accompagnement homophone, il délaisse la polyphonie au profit du rythme. Ses pièces pour orgue sont peu nombreuses. Plus importante est sa Variationswerk Ich gieng einmal spatieren, 23 variations pour clavecin (cembalo) d’une durée exceptionnelle de quarante deux minutes.
Melchior Fuchs (Latinisé en Vulpius, 1570-1615), originaire d’une modeste famille de Wasungen en Thuringe, poursuit ses études de latin et de musique dans la ville de Speyer (Spire), célèbre pour sa cathédrale romane du XIème siècle et l’une des trois villes avec Worms et Augsbourg où se tenaient les diètes de l’empire. C’est à cette période qu’il latinisa son nom de Fuchs en Vulpius (Vulpinus =renard). Ce n’était pas rare pendant la période humaniste de latiniser ou d’helléniser son patronyme. Ainsi le réformateur allemand Schwartzerd, qui hellénisa son nom en Melanchthon (terre noire).
En 1589, Vulpius se marie. Et alors qu’il n’a pas poursuivi d’études universitaires, il peut sur recommandation d’un prédicateur, enseigner le latin dans sa province à Schleusingen, mais il est désigné sous le nom de ‘compositeur’ car il s’est déjà distingué pour ses compositions. Trois ans plus tard, il obtient le poste titulaire de professeur de latin mais au plus bas de l’échelle, ainsi que le poste de kantor de l'église de Luterhan, ville située en Poméranie, tout à fait au nord-est de l’Allemagne. Pour répondre à ses obligations, il compose hymnes et motets pour le service. Un kantor occupe les fonctions de maitre de chœur qui dirige le chœur et forme les jeunes chanteurs, et de maitre de chapelle qui dirige la musique et le contrôle les compositions.
En 1596, il est kantor et enseignant de latin à Weimar, capitale du micro duché de Saxe-Weimar depuis 1572. Il occupera cette fonction jusqu’à sa mort, vingt ans plus tard.
Vulpius fut le plus important compositeur de psaumes luthériens de son temps. Il en harmonisa aussi de nombreux dont il n'était pas l'auteur, ainsi que pour toute l’année liturgique des proverbes de moindre intérêt. Il composa quatre cents hymnes et près de deux cents motets pour le service luthérien et une Passion responsariale selon St Matthieu (1613) qui poursuit dans le sens d’une dramatisation de la Passion qu’avait initié Johann Walter. Il a certainement pu lire à Schleusingen les copies des trois Passions responsariales de Jacob Mieland (1542-1577)[48] basée sur le modèle de celle composée vers 1530 par son maitre Johann Walter qui renouvela le genre de la Passion Responsariale en donnant au genre de la Passion une dramatisation qu’elle n’avait pas avant lui.
Théoricien, il écrivit un traité, Musicae compendium. Il est possible que la femme de Goethe ait été une de ses descendantes.
« [Vulpius][49] est resté insensible aux changements stylistiques associés au développement du continuo. Ses trois livres de Cantiones sacrae en latin, trahissent l’influence de l’époque de Lassus et de la polyphonie vénitienne. Les pièces qu'elles contiennent sont à peine originales, mais beaucoup sont indéniablement attrayantes…Suite à la publication de Amorum filii Dei décennies duae (1594-1598) de Johannes Lindemann, qui montre pour la première fois l’influence des ballettos et d’autres formes de chants de danse italiens sur les textes d’hymnes allemands, Vulpius fut le premier compositeur à utiliser le rythme du balletto dans des airs de cantiques, et ce faisant, il introduisit un nouveau type d'hymne protestant d'une grande originalité».
Michel Prætorius (1571-1621) né Michael Schultze, en Thuringe, est fils d’un pasteur luthérien. Après des études de théologie et de musique à l’université de Frankfort/Oder, il est d’abord organiste à la Marienkircheen en 1587, avant d’être nommé maitre de chapelle à Lunebourg (Basse Saxe)., ville passée à la réforme depuis 1529 par le Duc Ernest Ier de Brunswick-Lunebourg (Braunschweig-Lüneburg).
En 1593, il est secrétaire du Duc Henri de Brunswick-Dannenberg qui réside à Wolfenbüttel (près de Brunswick), capitale politique et culturelle du duché où le philosophe Leibnitz (164§-1716)sera nommé bibliothécaire à la La Herzog August Bibliothek un siècle plus tard. Vulpius recevra de la maison Brunswick reconnaissance et postes importants. C’est à cette époque, à partir de 1603, qu’il commence à composer ses premières pièces. Voyageant beaucoup dans la suite du duc, il se forme une forte réputation aussi bien comme compositeur et directeur de musique qu’en tant qu’expert et historien de la musique. Il sera ensuite au service du Prince-Électeur Georges 1er de Saxe (†1656) à Dresde de 1613 à 1616. Il reviendra ensuite à Wolfenbüttel, où il décèdera. Il aura entre temps occupé des postes de conseiller dans différentes villes : à Sandershausen, à Kassel, à Leipzig, à Nuremberg et Magdebourg.
Compositeur luthérien de renom, son œuvre religieuse est importante qui compte plus de mille pièces (vocales et instrumentales). Comme d’autres compositeurs protestants, il ajoute des harmonisations de thèmes populaires au répertoire des cantiques.
Comme Heinrich Schütz (†1672) son cadet de 15 ans (voir âge Classique/Musique) qu’il rencontre en 1613 à Dresde où celui-ci décèdera, sa musique est très marquée par l’école de St Marc comme l’a été celle de Hans Leo von Hassler, le premier musicien allemand de la Renaissance à être aller en Italie, à Venise, parfaire sa formation. Comme eux, il fera usage du motet à double chœur (Style Polychoral).
On retient également de lui ses Musæ Sioniæ (1605-1610) qui comptent plus de 1200 chorals. Son Terpsichore musarum de 1612 comprenant plus de 300 pièces de danses à 4 ou 5 voix reste son apport essentiel à la musique profane. Publié en 1619 son Syntagma musicum est une encyclopédie des genres musicaux et instruments de musique depuis l’antiquité qui fait toujours référence.
Éminent professeur d’orguess, son lenseignement se propagera sur plusieurs générations. Son chant célèbre de noël, D’un arbre séculaire, est toujours chanté.
« Grand érudit [il parlait aussi plusieurs langues], théoricien réputé, expert recherché, organiste et compositeur, il fut tout cela à travers une vie bien remplie qui le conduisit à voyager beaucoup sur les terres germaniques et à occuper des postes enviables dans diverses régions allemandes. Il fut surtout un compositeur extrêmement prolifique, et qui plus est très éclectique ».(https://www.musicologie.org/publirem/rusquet_praetorius.html)
« Il va faire évoluer le style polychoral en le marquant de la souplesse expressive du madrigal italien, puis en lui ajoutant des parties instrumentales qui contribuent, avec l'ornementation des parties chantées, à enrichir la polyphonie de sonorités nouvelles et plus variées. Cette évolution le mène à concevoir une véritable basse continue instrumentale, qui apparaît très nettement dans ses dernières œuvres (les recueils de Polyhymnia de 1619). Ainsi, en une époque de complète transformation du langage musical, Praetorius contribue puissamment, à faire passer la polyphonie chorale héritée du xvie siècle à la musique baroque qui va se développer au xviie siècle ». (Larousse, Dictionnaire de Musique)
Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621) est né à Deventer (est de la Hollande) où le jeune Érasme (†1536) fit ses études. En 1577, il prend la succession de son père aux orgues de la Vieille Église à Amsterdam, ville où il passera sa toute vie. Compositeur, virtuose de l’orgue et du clavecin, expert dans la facture d’orgue, Sweelinck est considéré comme le plus brillant des maîtres hollandais du clavier à la Renaissance. Sa virtuosité à l’improvisation l’a fait surnommer « l’Orphée d’Amsterdam », et son jeu a été comparé à celui du maitre du clavecin italien, Girolamo Frescobaldi (1583-1653).
Il pourrait avoir été l’élève du théoricien et maitre de musique à St Marc, Gioseffe Zarlino (†1590). Catholique, il ne peut intervenir à l’orgue qu’en dehors de la liturgie protestante (Amsterdam est calviniste en 1579). Il n’en développera pas moins des dons exceptionnels d’improvisation.
Sa musique a été influencée par des maitres de l’orgue comme l’organiste et facteur d’orgue anglais John Bull (1563-1628, voir Instrument de La Renaissance/ Orgue et Clavecin) et le vénitien Andrea Gabrieli (†1585) dont les œuvres circulaient largement en Europe. En retour, il forma les grands organistes de l’école allemande.
Son œuvre est essentiellement vocale : motets, psaumes, cantiques, madrigaux et chansons. Mais ce que l’on retient de lui de nos jours, c’est ce qu’il reste de son œuvre instrumentale, environ une cinquantaine de pièces : ricercare, toccatas, variations à la structure solide qui, si elles n’ont pas la verve des maitres italiens contemporains, en réunit quand même leurs acquis et ceux des maitres anglais dans une synthèse originale.
« Il est le premier à écrire une fugue pour orgue débutant simplement par l’exposé du sujet, en développant ensuite le matériel contrapuntique jusqu’à l’accomplissement et la résolution finale. Cette idée fut plus tard exploitée de façon complète par Bach, à la fin de la période baroque. Au niveau du style, la musique de Sweelinck synthétise la richesse, la complexité et le sens de l’espace des Gabrieli, avec lesquels son séjour supposé à Venise l’auraient familiarisé, et l’utilisation de l’ornementation ainsi que l’intimité formelle propres à l’école des virginalistes anglais. En ce qui concerne le développement des idées musicales, et particulièrement dans l’utilisation du contre-sujet, des strettes, et des séquences de pédale, ses œuvres vont bien au-delà de ce que fait Frescobaldi, son principal contemporain : elles annoncent celles de Bach. » (https://www.symphozik.info/ jan_peterszoon +sweelinck,142.htm)
Notes
[1] A ne pas confondre cette Marguerite d’Autriche, Duchesse de Parme († 1586) qui sera gouvernante des Pays-Bas en 1559 à la demande de Philippe II, roi d’Espagne, son demi-frère avec Marguerite d’Autriche (†1530), tante de Charles-Quint et régente pour lui des Pays-Bas Espagnols de 1508 à 1530 (voir Pierre de la Rue).
[2] Selon https://www.newworldencyclopedia.org/entry/Adrian_Willaert et l’historienne M.C. Beltrando-Patier, il aurait effectivement été élève de Willaert et son successeur à St Marc… D’autres sources le donnent comme maitre de chœur (qui enseigne le chant-) et non de chapelle (directeur de la musique). Le successeur de Willaert étant en 1565, Gioseffo Zarlino. Monteverdi occupera ce poste de 1613 jusqu’à sa mort en 1643. On donne également Giovanni Gabrieli comme ayant été ensuite maître de chapelle. Giovanni Gabrieli semblerait plutôt avoir occupé comme son oncle Andrea le poste d’organiste successivement aux petites et grandes orgues. Dans son livre sur Cyprien de Rore, (édit L. & A. Godenne, 1909), Raymond Joseph Justin van Aerde cite l’historien Caffi selon qui de Rore encore jeune entra comme chantre à la St Marc.
[3] Certaines sources indiquent qu’il connut Thomas Byrd, père de William (1539-1623), d’autres qu’il se lia d’amitié avec William adolescent, d’autres que lui et William échangèrent des copies de leurs compositions.
[4] Il y a eu de nombreux Orsini cardinaux mais tous morts avant la naissance de de Monte, sauf Franciotti Orsini, cardinal en 1517 et mort en 1534 ou plutôt Flavio Orsini, cardinal en 1565 et mort en 1581
[5] Jacobus Vaet (Courtrai 1529- Vienne 1567) fut un temps chanteur ténor à la chapelle de Charles Quint avant d’être le maitre de chapelle très apprécié de Maximilien II. Ami de Lassus et de Clemens, sa polyphonie a reçu diverses influences notamment de Nicola Gombert (†1556) qu’il a connu à Madrid, et de Cyprien de Rore (†1565).
[6] A ne pas confondre avec Ferdinand 1er de Gonzague (1587-1626), Duc de Mantoue. Tous deux sont nés à Mantoue.
[7] La Chapelle Giulia était la chapelle de la Basilique St Pierre et ses chanteurs chantaient pendant les offices auxquels le pape n’assistait pas. Antichambre de la Chapelle Sixtine, elle préparait parmi les chanteurs ceux qui avaient une voix suffisamment belle pour être admis à la Chapelle Sixtine et chanter en présence du pape à la Basilique. Elle perdurera jusqu’en 1980.
[8] Citation et en savoir plus sur les Lagrime di San Pietro : Elizabeth Kahn :https://www.naxos.com/mainsite/blurbs_reviews.asp?item_code=8.553311&catNum=553311&filetype=AboutthisRecording&language=English
[9] « La tendance des historiens d'aujourd'hui serait plutôt de réhabiliter la mémoire de Lucrèce Borgia et de la famille Borgia, dont « la légende noire » a été véhiculée dès le XVIe siècle par l'Église et popularisée par la pièce de théâtre Lucrèce Borgia de Victor Hugo ». Sœur du prince et chef de guerre, César Borgia, fille naturelle du cardinal Rodrigo Borgia, futur pape Alexandre VI, Lucrèce fut formée aux humanités par un de ses beaux-pères (sa mère, favorite du cardinal, se maria 4 fois), Carlo Canale. Elle fut élevée comme une princesse au palais de son père et fut la grande amie de Giulia Farnèse. Giulia, d’une extrême beauté, fut à 20 ans littéralement offerte au futur pape qui en avait soixante et avec qui elle aura deux enfants. Il en a eu d’autres comme d’autres maitresses. Elle sera (néanmoins). mariée au petit cousin Orso Orsini de ce dernier. L’Arioste et Pietro Bembo célèbreront Lucrèce pour ses dons et sa beauté.
[10] Ne pas confondre avec Ferdinand d’Aragon (1488-1550) duc de Calabre et vice-roi de Valence, ni avec Ferdinand II de Naples, roi de 1495 à 1496 et chassé temporairement du trône par Charles VIII en février1495. Pendant la trois Premières Guerre d’Italie ( 1494-1504), entre la mort Alphonse II de Naples et la montée sur le trône de Ferdinand le Catholique en 1504 qui, régnant sous le nom de Ferdinand III, réunira pour la seconde fois les royaumes de Naples et de Sicile, les règnes des rois de Naples seront brefs et dans un ordre de succession sur lequel les sources ne convergent pas toujours : Ferdinand II de Naples (†1496), Charles VIII, Frédéric 1er, Louis XII, Ferdinand Le Catholique.
[11] Charles de Borromée (1538-1584), lui-même neveu du pape Pie VI (un Médicis) qui le combla de dons et d’honneur, fut l’incarnation vivante de la Contre-Réforme. Il fut canonisé en 1610 (voir Vol.1/Contre-Réforme).
[12] En 1597, trois ans plus tard, le pape Clément VIII fera main basse sur le duché à la mort de Alphonse II d’Este, dernier duc de Ferrare, mort sans héritier. Les Este se replieront sur leurs terres de Modène
[13] Selon Georges in Lote Histoire du vers français. Tome IV Deuxième partie : Le XVIe et les XVIIe siècles. Les éléments constitutifs du vers ; la déclamation P.U.F de Provence 1998, du Baïf « s’en serait prétendu inventeur »
[14] Au début du Bas-Moyen-âge, troubadours et jongleurs intervenaient entre les mets. Rapidement, ces entre-mets furent aussi l’occasion de déguster des plats pendant le divertissement. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que ces entremets de plus en plus sucrés seront servis en fin de repas. La cuisine médiévale était épicée avec une base acide (verjus), les cuisiniers de la Renaissance seront portés sur le sucré (voir Introduction Générale).
[15] Mémoire Olivier de La Marche (†1502), chroniqueur de la Cour de Bourgogne
[16] Charles III de Guise, Duc de Lorraine , élevé à la cour de France, ne revint en ses terres qu’en 1559 après son mariage avec Claude de France, seconde fille d’Henri II. Mais on peut supposer qu’Arcadelt a été à son service sans pour autant séjourner en Lorraine.
[17] Voir le très instructif Épidémies et Famines en France XVIème-XIXème Siècle http://angeneasn.free.fr/epidemies.htm
[18] Sur Mellin, fils de l’évêque d’Angoulême, et qui fut à Châtellerault l’aumônier du dauphin voir http://olga.bluteau.free.fr/SaintGelais.htm #MELL. .Sur la Librairie de Blois (Louis XII) puis de Fontainebleau (François1er) qui deviendra plus tard la BNF voir Tome 2 Vol.2 Humanisme/France/ Seconde Génération.
[19] Salomon Certon (1552-1520), huguenot, occupa différentes fonctions officielles auprès d’ Henri IV. Il fréquenta de Baïf et s’essaya sans révéler quelque talent pour le genre aux vers mesurés. Par contre, il en montra pour une forme peu connue, peu pratiquée, le vers leipogramme (ou lipogrammes) figure de style qui, comme l’indique l’étymologie grecque du terme, consiste à ne pas utiliser dans toute l’œuvre (poème, roman) une lettre de l’alphabet. Les exemples les plus cités sont le roman de Jacques Arago (†1864), Un curieux voyage autour du monde dans lequel la lettre ‘a’ n’est jamais employée, et le roman de Georges Perec (†1982) La Disparition (1969) dans lequel la lettre ‘e’ n’apparaît jamais.
[20] Rendons à César… « Ottaviano (1466 1539 était un imprimeur italien. Son Harmonice Musices Odhecaton [1501], un recueil de chansons imprimées en 1501, est souvent considéré à tort comme le premier livre de partitions imprimé à partir de caractères mobiles. En réalité, cette distinction appartient à Missale Romanum de l’imprimeur romain Ulrich Han de 1476. Néanmoins, le travail ultérieur de Ottaviano Petrucci fut extraordinaire en raison de la complexité de sa notation mensuelle blanche et de la petitesse de sa police. En fait, il imprima le premier livre de polyphonie utilisant des caractères mobiles. » (https://en.wikipedia.org /wiki/Ottaviano_Petrucci). Selon Mary K. Duggan, Musique italienne Incunable (Los Angeles, 1992), 13.
[21] Cf. sur la question Pierre Lichtenthal Dictionnaire de La Musique Traduction Dominique Mondo, Édit. Troupenas, Paris 1839.
[22] Cette installation à Metz ne peut manquer de surprendre. Metz était une cité autonome qui se régissait elle-même jusqu’à ce que les Princes allemands pro-luthériens en remerciement de l’aide que Henri II leur avait apportés contre le catholique empereur Charles-Quint, lui accorde les trois fameux évêchés de Toul, Metz et Verdun. Or, Henri II qui fit une entrée triomphale dans la ville en 1552, exerça contre les huguenots une répression bien plus forte que ne l’avait fait son père…et d’ailleurs 12 ans après l’arrivée de Goudimel, les protestants en seront chassés.
[23] Valenciennes, capitale du Hainaut, comté sous domination des Habsbourg, sera en proie aux vicissitudes de la Réforme. En 1540, Charles-Quint occupera la ville avec l’aval de François 1er pour réprimer une révolte contre l’impôt, qui soulevait la région. Mais la ville étant protestante, la répression est autant religieuse que sociale. Lors de la Guerre des Gueux (voir Événements Majeurs) qui se déclare aux Pays-Bas sous la houlette de Guillaume d’Orange en 1566, la ville va se soulever contre la gouvernante des Pays-Bas, Marguerite d’Autriche, (de Parme), Duchesse de Parme .(voir page 43 n°23)
[24] A ne pas confondre avec Cosme l’Ancien (1389-1464) fondateur de la ‘dynastie’ des Médicis.
[25] « …. Les vrais modes grecs antiques avaient des intervalles beaucoup plus petits que les 1/2 1/3, 1/4 de tons… Au 16ème siècle, ils veulent rejouer ses faibles intervalles. Des compositeurs comme Alexandro Tratontino, Nicolo Vicentino construisent des instruments qui ont des claviers à plus de 12 touches, parfois jusqu’à 23. Les touches noires sont subdivisées en deux ou trois touches et parfois aussi les blanches. On appelle ses subdivisions des feintes, qu’il faut bien sûr savoir accorder. Aujourd’hui ces instruments ont disparus mais des accordeurs contemporains en ont refabriqués comme Johannes Keller qui en joue. » (France Musique/ Les Enquêtes Musicales/Claude Abromont 19/07/2017 ). Référence est faite au livre de Jacques Chaillet ‘L’Imbroglio des Modes’, Édit Leduc, Paris, 1977.
[26] Certaines sources font de son Nuove Musiche le début de l’’usage de la basse continue, « l’inventeur du style moderne »…? L’apport déterminant de Caccini Style Représentatif est indéniable mais ses recherches s’inscrivent dans un contexte bien précis que nourrissaient les découvertes et les expérimentations de chacun.
[27] L’entrevue était d’ordre diplomatique. La question était de savoir si l’Angleterre allait faire alliance avec la France ou préserver celle avec Charles-Quint dont la tante Catherine d’Aragon n’était autre que l’épouse d’Henri VIII qui avait déjà pour maitresse, la sœur cadette d’Ann Boleyn, Mary Boleyn qui fut sans doute aussi la maitresse de François 1er. On sait les conséquences qu’entrainèrent la ferme volonté d’Henri VIII de répudier Catherine; ce qui ne se fit non sans difficultés (papales) qu’en 1531. Rien ne sortit de concret de cette rencontre royale, bien que préparée de longue date.
Mary Boleyn était dame d’honneur de Mary Tudor (1496-1533), sœur cadette d’Henri VIII, grand-mère de Jeanne Grey (règne d’un an). À 18 ans, elle sera reine de France en épousant en 1514 Louis XII (†1515) qui en avait 52. Ne pas la confondre avec sa nièce, la ‘Reine Sanglante’ (‘The Bloody Queen’), Mary Tudor d’Angleterre, (†1558), fille ainée d’Henry VIII et de Catherine d’Aragon, reine d’Angleterre, d’Irlande, et par son mariage avec Philippe II, fils de Charles-Quint reine d’Espagne.
[28] Sur la Musique sacrée anglaise de la Renaissance cf. Peter le Huray The Treasury of English Church Music 1545-1650, Cambridge University Press 1982 : https://books.google.fr/books?id=eXw6AAAAIAAJ&pg=PR18&lpg=PR18&dq=Doddington-cumMarche&source=bl&ots=wAO6Lho_1j&sig=ACfU3 U1Nvsgz9KzT1Lv9GRlhT8wnafwTaA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjepYnVg7DvAhV14uAKHY3NAV04ChDoATAQegQIFBAD#v=onepage&q&f=fals
[29] Les chœurs des chapelles sont composés de prêtres et de laïcs et d’enfants avant la mue. Les chœurs des grands collèges, des universités sont composés de laïcs.
[30] Principal conseiller d’Henri VIII de 1532 à 40, titré comte d’Essex, il tombera en disgrâce et sera décapité pour avoir par trop favorisé le mariage d’Henri VIII avec une Anne de Clèves qui, aux yeux du roi, se révéla sans aucun attrait. H. Holbein en avait fait un portrait trop flatteur. A ses derniers moments, Cromwell se dit fidèle à la foi catholique, lui, qui fut très actif dans le Réforme Anglicane.
[31] Robert Cummings, diplômé en droit et en histoire de l'art à Trinity Hall de l'université de Cambridge, professeur d'histoire de l'art à l'Université de Boston(Angleterre) est critique d'art, historien d'art, auteurhttps://www.allmusic.com/artist/john-taverner-mn0002284293/biography).
[32] Thomas Cranmer écrivit à partir de 1547 (après la mort d’Henri VIII) la liturgie réformée anglicane dans une parfaite langue anglaise. Et il écrivit la préface à la traduction en anglais de la Bible en 1540. Archevêque de Canterbury en 1553, il fut brulé vif trois ans plus tard après la montée sur le trône de Marie Tudor la Catholique.
[33] En 1568 sera exécuté à Munich le motet à 40 voix, Ecce beatam lucem, du Marquis Alessandro Striggio qui a écrit également une messe à 40 voix, Missa sopra Ecco sì beato giorno, récemment retrouvée.
[34] La plupart des sources donnent Byrd né à Lincoln (Lincolnshire). L’Encyclopedia Universalis le donne né à Londres.
[35] Voir Annexe/Termes techniques
[36] Les sources donnent le flamand Thomas Crecquillon (†1557) comme successeur de Pickart en 1540 à la maitrise de la Chapelle Impériale de Bruxelles et comme n’ayant fort probablement jamais quitté les Flandres. Certaines sources donnent le Gandois Cornelis Canis (ou Canisius †1561) comme remplaçant Gombert comme maître de chœur en 1542, et en 1547 comme maître des enfants de chœur de la chapelle impériale à Madrid (Larousse/Encyclopédie Musique), puis comme maitre de Chapelle de Marie d’Autriche (d’Hongrie) régente des Pays-bas. D’autres donnent Canis comme maitre de chœur et maitre de chapelle à St Jean de Gand (cathédrale St Bavon) mais ayant en 1542 effectué la mission d’amener des enfants pour la chapelle impériale de Madrid sans qu’on sache quelle fonction il a pu un temps occuper avant de retourner à Gand.
[37] Charles-Quint pour avoir très longtemps parcouru l’Europe à cheval souffrait de fortes hémorroïdes qui ne seront pas étrangères à son décès.
[38] Il fut précédé à ce poste par le plus important musicien de la génération précédente, Francisco de Peñalosa († Séville 1528), historien officiel de Ferdinand II de Catalogne et d'Aragon, son chanteur préféré et son maitre de chapelle de 1511 à 1514 (http://dbe.rah.es/biografias/27739/francisco-de-penalosa). Voir XVème siècle/Espagne/ Peñalosa).
[39] St Thérèse d’Ávila n’est pas née à Ávila mais,toujours dans le Vielle Castille, un peu plus au nord à Gotarrendura. Elle a alors alors 9 ans.
[40] Fille de Catherine d’Aragon (1ère femme d’Henri VIII), elle-même fille des rois catholique Ferdinand II et Isabelle de Castille, Marie vit pour la première fois son futur mari par le portrait que Le Titien avait peint de lui. Très amoureuse de lui, malgré la désapprobation de son proche entourage comme de la noblesse et du peuple anglais, autrement dit de tous, elle l’épousa s’en remettant (faussement ?) à la décision du parlement.
[41] Tientos (de toucher, essayer) : Forme musicale entre le ricercare italien (rechercher ; imitation contrapunctique) et la fantaisie anglaise ( proche de l’improvisation) Mais les deux termes sont à peu près équivalents. Vihuelistes et organistes espagnols en donnèrent le nom à leurs pièces composées de la sorte.
[42] L'Ordre Franciscain des Clarisses (déchaussées), des Pauvres Sœurs ou des Cordelières, a été fondé par Ste Claire d’Assises en 1212 au couvent de San Damiano à Assise. En 1562, St Thérèse fonde l’Ordre du Carmel Déchaussé (en signe d’humilité), pour une plus stricte observance de la règle augustinienne en dissidence d’avec l’Ordre du Carmel mitigé (voir Mystique/St Thérèse d’Avila).
[43] Émile Vuillermoz dans son Histoire de la Musique le dit mort à Rome.
[44] Alexandre Choron, Dictionnaire historique des musiciens, artistes, amateurs mors ou vivants, Édit Chimot, 1817)
[45] Micrologue : traité qui réunit les connaissances en un domaine au moment où il est écrit. Sur le micrologue et particulièrement le micrologue de Vogelsang voir https://en.wikisource.org/wiki/A_Dictionary_of_Music_and _Musicians/Micrologus. Sans doute que le premier micrologue est Micrologus de disciplina artis musicæ (1025 ou 1026) de Guido d’Arezzo (†1033), professeur de musique en l'abbaye bénédictine de Pomposa, puis à la cathédrale d’Arezzo. On lui devrait le nom des 6 notes (sans le si) pris comme moyen mnémotechnique dans l’hymne à Jean-Baptiste : « UT queant laxis REsonare fibris MIra gestorum FAmuli tuorum SOLve polluti LAbii reatum Sancte Ioannes » (ut, ré, mi, fa, sol, la). Il s’intéressa particulièrement à la manière d’écrire la portée et les neumes.
[46] Après la comparution de Luther à la Diète de Worms, il le fait enlever et mettre en sécurité dans son château de Wartburg (cf. Musée Portestant)
[47] Selon les sources, Isaac s’est installé à Florence en 1512 ou15, Les sources convergent pour donner sa succession à Senfl à sa mort en 1517. Isaac aurait continué à assumer la charge tout en vivant à Florence ?
[48] Ces trois Passions, selon Marc (1567), Jean (1568) et Matthieu (1570), « sont considérées comme les premières passions chorales avec des turbae librement conçus,… [Mieland était] autant apprécié de ses contemporains que Orlando di Lasso et Clemens Clemens non Papa [dont leur ] proximité se fait sentir dans ses motets » (https://www.deutschebiographie.de/ sfz59938.html
[49] Citation et sur la vie et la musique de Vulpius voir Bach Cantata Website, https://www.bach-cantatas.com>Poet/ComposerBios> http://www.bach-cantatas.com/Lib/IndexLib-V.htm/Vulpius.htm.
Augmentation :
L’augmentation donne une valeur plus longue à la note. La diminution lui donne une valeur plus courte. Mouvement rétrograde, mouvement repris à l’envers : les notes écrites de droite à gauche seront reprise de gauche à droite.
Basse continue :
La basse continue est la partie instrumentale basse qui accompagne en continue la voix supérieure. Son rôle est de maintenir (en continu) l’harmonie (les enchaînements d’accords). Elle était à l’origine improvisée à partir d’une harmonie (constitutions d’accords). Pour l’imiter la liberté des instrumentistes d’accompagnements (viole de gambe, luth, clavier) dans leur improvisation, les compositeurs vont instaurer le chiffrage des notes d’accompagnement pour indiquer l’accord à jouer. Ce chiffrage appelé basse chiffrée restreint ainsi les initiatives des accompagnateurs. Ce cadre harmonique laisse néanmoins à l’accompagnement la liberté d’improviser voir d’ajouter certaines lignes mélodiques.
La basse continue est apparue au moment où la polyphonie était abandonnée au profit de la monodie. C’est-à-dire à la fin du XVIème siècle. Cette transition entre polyphonie et monodie marque l’apparition de la musique baroque dont le récitatif sera avec la basse continue une des premières caractéristiques. Dans ses œuvres, Lodovico Grossi da Viadana (1560-1627) sera le premier à faire un usage systématique de la basso ostinato et à lui donner le rôle de support harmonique aux voix. Ses Cento concerti con il basso continuo paraissent à Venise en 1602.
Mozart apportera une innovation: il va reprendre des passages du Messie qu’il a entendu lors de son séjour à Mannheim en 1777 pour carrément réorchestrer la partie de basse que Haendel avait écrite pour orgue en la remplaçant par une orchestration d’instruments à vent, bois et cuivre : flûte, hautbois, trombones et cors. A rappeler que l’orchestre de Johann Stamitz (1717-1757), chef de file de l’École de Mannheim, fut une véritable révélation pour Mozart qui découvrait l’ampleur sonore que pouvait donner un ensemble instrumental lors de l’exécution de (ses) symphonies dont il fixa définitivement la forme.
Cadence :
La cadence est une répétition à l’identique, cyclique, régulière d’un des éléments de la composition, série de sons, rythme. Elle correspond à une ponctuation. Elle peut prendre le sens de la progression d’un accord vers ses harmoniques voire une partie qu’improvise le soliste d’un concerto ou le chanteur dans un opéra ; on lui donne alors le nom de cadenza. Il y a plusieurs sortes de cadence : parfaite, imparfaite, rompue.
Chœur (Lutherie) :
« Un chœur ou rang ou ordre est, dans le domaine de la lutherie un groupe de cordes accordées à l'unisson ou parfois à l’octave. En général, on compte les chœurs en partant du plus aigu : celui-ci est appelé « premier chœur », tandis que le suivant est appelé « deuxième chœur » et ainsi de suite. Ainsi on parlera d'un « luth à six chœurs » pour désigner l'instrument typique du XVIème siècle possédant onze cordes. Dans cet instrument, le premier chœur est constitué d'une seule corde, la chanterelle, les deux cordes suivantes sont doublées à l'unisson (ce qui fait quatre cordes) et les trois dernières sont doublées à l'octave (ce qui fait six cordes) » (Wikipedia/Chœur (cordes))
Chromatisme :
Le chromatisme est un mode d’écriture qui allie la gamme diatonique en tons et ½ tons et la chromatique en ½ tons.
Harmonie :
Construction scientifique des accords, notes plaquées ou frottées généralement simultanément, parfois en arpège. De manière plus générale et subjective, on désigne par harmonie en musique une production de notes agréables à l’oreille. En ce sens, l’harmonie reste relative aux (habitudes) culturelles.
Harmonique :
Une note jouée développe plusieurs sons en résonance : la résonance d’une note, soit do, résonne à l’octave, au-dessus en sa quinte, une fois encore au second octave et encore plus aigu à la tierce majeure. Soit pour do : do>do>sol>do>mi… la hauteur de chaque son est déterminée par sa fréquence (n hertz). Doubler la fréquence d’une note, c’est la monter d’un octave.
Homophonie :
l’écriture homophonique à l’opposé de l’écriture polyphonique consiste à écrire à l’unisson pour toutes les voix. En linguistique, deux termes sont en homophonie lorsque, bien que de sens différents, ils se prononcent avec les mêmes sons. Exp. : ‘ferment’ (de fermenter) et ‘fermant’ du verbe fermer ou ‘pendant’ (que) et pendant’ (d’oreille).
Isorythmie :
d’un rythme égal : la partie ténor est découpée en modules rythmiques identiques et fermes entre lesquels sont placées des parties libres. Ce schéma est reporté à la voix supérieure. Le motet isorythmique fut représentatif des musiciens de l’Ars Nova, tel Philippe de Vitry (voir Tome 1/Musique/ Écoles et Formes Musicales).
Mélisme :
du grec ancien melizô (diviser le chant=le moduler) : Le mélisme consiste à chanter plusieurs notre sur une syllabe à l’inverse du syllabisme qui comme son nom l’indique garde une note par syllabe.
Monodie :
Plain-chant à une voix à une ou plusieurs tessitures semblables ou différentes, sans accompagnement (a cappella) ou avec accompagnement.
Modalité (Système Modal) :
La musique modale est basée sur le système des modes : Une gamme est un ensemble des notes constituant une échelle d' intervalles entre ces notes (différences de hauteur, rapports entre les sons des notes). Cette échelle caractérise le mode de la gamme. Celui-ci est désigné par la note principale de base dite fondamentale ou tonique. La modalité emploie 4 modes soit 4 gammes définies par leur note fondamentale: ré, mi, fa, sol. Chaque mode se subdivise a) en authente (authentique) : à partir des fondamentales, on monte sur un octave l’équivalent d’intervalles de la gamme que nous appelons aujourd’hui gamme de do majeur, la teneur (dominante) est à la quinte de la fondamentale (tonique) ; b) en plagal : on déplace les quatre dernières notes en les plaçant en tête de la gamme. Exemple : l’authente de ré soit ré mi fa sol la si do ré (ambitus ou registre de ré à ré) devient la si do ré mi fa sol la, soit le plagal de ré (ambitus de la à la) où la teneur est à la tierce.
On obtient quatre modes d’authente et quatre modes de plagal soit 8 modes. La musique moderne à partir de la Renaissance ne reteindra à la fin de la polyphonie que le mode majeur et le mode mineur qui définissent le système tonal. En modal et en tonal, les gammes se différencient par la place qu’occupent les deux 1/2 tons. La gamme type majeure, non altérée, a pour fondamentale la note do. La gamme type mineure, non altérée, a pour fondamentale la note la. Chacune des 7 notes (degrés) de la gamme peut être la tonique (fondamentale) d’une gamme majeure ou mineure. Les altérations bémols et dièses, permettent de respecter les emplacement des intervalles de ½ ton, pour que la gamme soit majeure ou mineure.
Syllabisme :
Contrairement au mélisme du grec ancien melizô (diviser le chant=le moduler) et pratiqué depuis le chant grégorien et à l’époque des troubadours, le syllabisme s’en tient à une note pour une syllabe. La déclamation en musique est « l’art de la diction expressive pour l'interprétation d'un texte chanté. (Il repose à la fois sur les accents des paroles et les valeurs mélodiques et rythmiques de la musique.) » (Dict. Larousse).
Tablature :
« En musique, une tablature est un système de notation d'une pièce instrumentale indiquant, sur une représentation schématisée des parties d’un instrument les doigtés et le rythme. Les informations qu'elle contient sont différentes de celle de la partition au sens ou la tablature prend en compte les spécificités de l'instrument et qu'elle permet soit de simplifier l'exécution soit d'informer l'interprète sur l'utilisation précise de l'instrument. Contrairement à ce qui est souvent dit, la tablature n'indique pas quel doigt utiliser, mais la position d'un doigt, quel qu'il soit par ailleurs ». « Wikipédia selon Le Dictionnaire Trésor De La Langue Française)
Tempérament :
De façon très simplifiée, le tempérament égal est l’accordage d’une gamme chromatique (en ½ tons successifs, généralement 12) dont les intervalles (le rapport de leur fréquence) entre les ½ sont toujours les même, égaux. Les notes sont altérées (bémol, dièses) de manière égales. Par exemple, quand les quintes sont toutes diminuées d'une même quantité proportionnelle. Le tempérament est dit irrégulier quand les quintes sont diminuées proportionnelle d’une quantité différente.
Tonalité
:
« Organisation hiérarchique des sons par rapport à un son de référence, la tonique, dans le système majeur-mineur » (M.C.Beltrando-Patier Histoire de la Musique, Bordas 1982)
Air de Cour et Chanson en Forme d'Air : Au tournant du demi-siècle, la Chanson va évoluer. Quittant délibérément la forme polyphonique, elle va privilégier l’homophonie pour devenir une Chanson (ou Air) en Forme d’Air, forme monodique qui place la voix au superius avec accompagnement. Les poètes de La Pléiade, épris de nouveauté vont tout de suite faire leur cette nouvelle forme et c’est Pierre de Ronsard qui, en parallèle de son recueil Les Amours, va en formaliser les règles dans son Abrégé de l’Art Poétique Français, paru en 1552. Une des particularités de la Chanson en Forme d’Air est que tous les couplets sont chantés sur le même thème musical.
Le terme d’Air de Cour apparait dans un livre publié en 1571 par A. Leroy consacré à des chansons accompagnées du luth mais pour voix seule (ce qui ne veut pas dire qu’une seule voix chante). Il va conserver les caractéristiques de l’Air en Forme de Cour pour voix seule avec accompagnement, polyphonique ou non. La voix est au superius pour la clarté du texte (par rapport à l’accompagnement). Ce genre s’inscrit dans le programme de l’Académie de Musique et de Poésie fondée la même année.
L’air de cour participe de cette tendance que l’on trouve en Italie à la même époque de vouloir simplifier l’écriture polyphonique voire s’en départir. Le nombre des voix est d’abord réduit à quatre ou cinq, puis le texte mis en valeur par une meilleure compréhension, une seule voix est maintenue, la voix supérieure. Les autres voix sont remplacées par une partie instrumentale, généralement de luth : Ce qui correspond en fait au recitativo secco dans lequel la voix est accompagnée d’un seul instrument qui constitue la basse continue, à la différence du recitativo accompagnato qui fait appel à l’ensemble instrumental en soutien ou en ornement de la voix ou de la basse.
L’Air de Cour participe ainsi de la monodie avec accompagnement. Par son absence d’ambition de voir la musique « interpréter » le texte, il se distingue ainsi d’autres genres contemporains usant de la monodie comme le Style Représentatif (Monteverdi) en Italie ou ultérieurs tel le Lied en Allemagne. Sous l’influence italienne, au cours du 17ème siècle, la partie vocale s’enrichira d’ornementation faisant de l’Air de Cour une musique savante. Le genre Air de Cour et ses publications vont se développer jusqu’au premier quart de XVIIème siècle puis après 1643, il disparaitra aussi vite qu’il était apparu.
Si le luthiste Adrian Le Roy n'est sans doute pas le premier à avoir composé un Air de Cour, il est en tout cas le premier à en avoir retranscrit un dans l'un de ses recueils pour luth et voix, le Livre d'Airs de cour miz sur le luth édité en 1571. De cette date, vont suivre en France comme en Flandres les compostions pour voix et luth..
Pierre Guédron (1570-1620), chanteur et maître de ballet, beau-père d’Antoine Boësset (1586-1673) qui lui succéda à la charge de surintendant de la musique du roi en fut l'un des meilleurs illustrateurs avec Gabriel Bataille (1575-1630), maître de musique de Marie de Médicis et d’Anne d’Autriche. et Etienne Moulinié (1600 1669), maître de musique des états du Languedoc qui introduisit un prélude instrumental à l’Air de Cour.
Certains musicologue pensent que l’Air de Cour peut trouver son origine dans le Vaudeville chansonnette légère, sarcastique, qui moquait le temps présent. Le terme de Vaudeville peut provenir de voix de ville ou de Val-de-Vire ( ou vaudevire, , vallée de la Vire en Normandie) où dès le Moyen-âge sont apparues ces chansons populaires, souvent grivoises et/ou à boire.
La base chiffrée aura définitivement pris le dessus, la partition indiquant les accords et non plus comme dans la tablature la position des doigts.
Ayre : L’ayre est une forme musicale que développèrent les compositeurs anglais pour affirmer leur originalité face au Madrigal italien et à l’Air de Cour français. Il est écrit pour 4 voix avec partie vocale au superius ; les trois autres voix sont écrites pour le luth ou la viole. Il est très rare que les 4 voix soient chantées. L’ayre est généralement empreint de mélancolie. John Dowland en est un des meilleurs représentant, sinon le meilleur. Ce genre couvre le XVI et XVII ème siècle anglais.
Anthem : Du grec antiphoné (‘qui répond’), l’anthem, qui donnera l’antienne, était une récitation avec réponse, c-à-d une récitation de psaumes chantée en alternance par deux chœurs ou deux moitiés d’une seul chœur. « La psalmodie antiphonale consiste à chanter ou à jouer des psaumes en alternant des groupes d’interprètes. » (voir Formes/Style Antiphonal).
L’anthem et l’antienne désignent aussi le livre des prières chantées aux heures canoniales, offices consacrés à la prière en dehors des messes. Le Bréviaire ou Livre des Heures est le livre des prières qui contient entre autres les antiennes, les psaumes, les hymnes etc.
Baletto : « En musique, genre de composition vocale légère de la fin du XVIe au début du XVIIe siècle, originaire d'Italie », (Encyclopedia Britannica).
Ballet de Cour :Le Ballet de Cour trouve son origine dans la mascherata italienne (de masqué, mascarade), danse costumée et pantomime entrant dans les parades du carnaval, qui prendra la forme d’un intermezzo (voir Angleterre/Mask). Un divertissement spectaculaire déjà en vogue sous Laurent de Médicis (†1492). Arrivé tardivement en France, sous Henri III, la mascherata se transformera en Ballet de Cour. Le genre allie en un spectacle donné pendant les entremets[14] d’un festin, dans un esprit festif de parade costumée, la danse, la comédie et la chanson. Voir Musique Âge Classique ou /Formes et Genres
Canon : Le canon est une extension de l’imitation. Si l’imitation consiste à faire reproduire un même thème, une ligne mélodique aux différentes voix, le canon utilise le même procédé en décalant pour chaque voix l’entrée du thème ou de la ligne mélodique.
Cantate (de cantare =chanter) : Deux types de cantate, soit profane dite cantate de chambre (da camera), soir sacrée dite cantate d’église (da chiesa). Dans son acception la plus large, elle est tout ce qui se chante. Donc, à l’origine des airs à une ou plusieurs voix et accompagnement instrumental. Le terme apparaît pour la première fois qu’en 1620 dans le titre que le compositeur Alessandro Grandi donne en 1620 à son œuvre Cantade e Arie a voce sol. Carissimi, Stradella, Scarlatti, ou encore Haendel en seront les grands compositeurs. La cantate est différente de l’oratorio.
Cantilène : La cantilène (de cantare, chanter) avec le sens général de poème chanté en langue vulgaire remonte au Bas Moyen-Âge. On connaît du 9ème siècle la Cantilène de Saucourt retraçant la bataille des Francs et des Normands, la Cantilène d'Hildebrand opposant un Hildebrand à son fils Hadebrand ou encore La Cantilène de Sainte-Eulalie du 11ième siècle.
Au 13ème siècle, pour continuer à donner toujours plus d’indépendance mélodique et rythmique aux différentes voix de leurs compositions polyphoniques, les compositeurs de musique religieuse de l’Ars Antiqua l’adoptent sous la forme du motet à la suite du Conduit qui s’est déjà libéré du texte liturgique.
Au 14ème siècle, la Cantilène intègrera le Rondeau, le Virelai ou encore la Ballade (voir Tome 1/Musique/Genres).
Cantus firmus : Le cantus firmus est le chant ferme, c.à.d. tenu. Il est le chant de base de la composition polyphonique autour duquel va se construire le contrepoint, les différentes voix.
A la base de l’écriture vocale polyphonique se trouve une voix ferme (continue) correspondant en quelque sorte à la voix monodique du plain-chant (grégorien). Ce cantus firmus est tenue (!) par un ténor. A cette base vocale, la voix principale, est fait adjonction d’une voix, en contre-chant (note pour note); Au début du moins, cette voix dite voix organale était plus grave qui chantait à la quarte (non à l’octave ni à l’unisson); Les deux voix progressent sur une même ligne mélodique, sur un même rythme non vraiment défini. Ce couple est appelé organum, (organum purum ou organum parallèle). Au XIème siècle, la voix organale passe au-dessus de la voix principale et annonce le futur soprano. Les deux voix alors dites en déchant n’obéiront plus à la même ligne mélodique mais progresseront de façon autonome bien que tenant compte l’une de l’autre en fausses lignes parallèles qui jouent à se rapprocher et à s’éloigner l’une de l’autre : le contrepoint est né.
Jusqu’alors tenu par la voix médiane, le ténor (de tenor, teneur), il passera à la voix supérieure, superius, avec G. Dufay (voir Polyphoniste du XVème siècle).
Dans le chant ecclésiastique, c'est le nom donné à la dominante du mode, ou note principale sur laquelle repose ou se tient la psalmodie.
A la Renaissance, un court chant, resté très célèbre et auquel les historiens attribuent des origines diverses, L’Homme Armé , servit de cantus firmus à de très nombreux musiciens comme Josquin des Prés, Pierre de la Rue, Palestrina pour écrire leurs compositions polyphoniques
Canzona : La canzona (ou canzone), chanson italienne, tire son origine de la canso, poésie lyrique du temps des troubadours toujours chantée, tandis que la canzona (poétique) était dite avec un accompagnement instrumental. Au milieu du XVIème siècle apparaît la canzona a cantar. Comme la Chanson Française (Parisienne), la canzona est alors de structure strophique, généralement de 7 strophes. Polyphonique, elle est définie par l’importance donnée à une ligne mélodique. Elle se distingue du sérieux du motet et du madrigal. Légère d’esprit, irrévérencieuse voir érotique, elle est très proche dans sa forme ancienne de la villanella napolitaine que certaines sources assimilent à la canzonetta. Celle-ci prenant le nom de villanella en se répandant dans la péninsule dans la seconde moitié du siècle.
La canzonetta, très en vogue va évoluer vers une monodie avec accompagnement comme la Chanson Française à laquelle elle ressemble dans sa forme strophique. Apparaît aussi la canzona instrumentale aussi polyphonique sur le modèle de la canzona francese. Elle conserve son caractère cantabile.
Les premiers livres de canzonettas ont été publiés par Giobvanni Ferretti en 1567 et Girolamo Conversi en 1572. La Canzonetta et le Madrigal, plus solennel entretiennent des liens étroits et les compositeurs usent des deux. Elle sera importée en Angleterre avec succès et aussi en Allemagne.
Giovanni Gabrieli (1557-1612) titrait certaines de ses compositions de Canzona ou Sonata. Orlando de Lassus (1532-1594), qui a vécu à Naples dans sa jeunesse, composera plusieurs livre de Villanelles.
Chanson : Forme allégée du motet, polyphonique, à généralement 3 ou 4 voix, imitatif, syllabique (pour la clarté du texte). Elle se distingue en a) La Chanson Musicale (élégiaque, courtoise) selon la versification mesurée à l’antique ; cette chanson dite aussi chanson strophique doit se calquer sur le sonnet, le couplet tenant la place de la strophe. b) La Chanson Rurale, plus réaliste, alerte, guillerette et descriptive, aux thèmes variés.
Choral : Choral a en allemand le sens de chœur (choralis en latin, le chœur). Le choral est un chant en chœur, Choral Gesang. Au XIVème siècle les chloriaux étaient les clercs attachés au chœur. C’est à l’origine, dans sa forme brute, un chant grégorien, de plain-chant, en langue vulgaire, syllabique qui trouve son origine dans le Volkslied (chanson populaire). Il deviendra polyphonique à la mort de Luther. Par la suite, il sera aussi instrumental avec Prætorius, H. Schutz… Bach en sera le dernier représentant (à part César Franck † 1890). L’orgue qui accompagne le chœur sera amené à se constituer un répertoire soit en prélude au chant soit en partita dans les intermèdes Ce répertoire ressortant de la nécessité pour l’organiste d’improviser l’accompagnement. Le choral devint un terme générique qui se réfère à plusieurs formes musicales.
Consorts et Broken Consorts : « La musique d’ensemble, pas uniquement anglaise, de la fin de la Renaissance est destinée à des formations nommées Consorts qui se déclinent de deux manières :
Whole Consort et Broken Consort: Le premier est un ensemble de violes de gambe [ou de luth] de tessitures différentes, du soprano à la basse. Le second est un regroupement un peu hétéroclite d’instruments à cordes frottées : un dessus et une basse de viole, à cordes pincées en boyau : un luth, à cordes pincées métalliques : un cistre (instrument aigu) et/ou un pandore (ou pandure) à trois corde (de la tessiture du luth), et à vent : une flûte (traversière ou à bec basse). Le rôle de chacun est bien défini : les violes jouent le dessus et la basse, la flûte une partie intermédiaire, le luth varie la mélodie tandis que le cistre et le pandore réalisent à eux deux une sorte de continuo ». (Frédéric Platzer, https://www.resmusica.com/ 2007/03/11/ musique-densemble-anglaise-de-la-renaissance/)
Contre-chant : Le contre-chant est la mélodie secondaire qui accompagne en contrepoint le chant principal. « Dans les sonates à deux violons sans basse; (...) nombre d'imitations et de contrechants se situent sur la quatrième corde (Lionel de La Laurencie (1861-1933), violoniste, musicologue École Française du Violon de Lully à Viotti, Libraire Delagrave, Paris, 1924)
Contrepoint : « Le contrepoint est l'art de faire chanter en toute indépendance apparente des lignes mélodiques superposées, de telle manière que leur audition simultanée laisse clairement percevoir, au sein d'un ensemble cohérent, la beauté linéaire et la signification plastique de chacune d'elles, tout en lui ajoutant une dimension supplémentaire, née de sa combinaison avec les autres. »(Encyclopedia Universalis). Voir Cantus firmus et fugue
Faux-bourdon : La basse à la tierce inférieure du cantus firmus et le supérius à la quarte supérieure. Au XVième siècle, les musiciens anglais, toujours fidèles à l’usage des intervalles ‘dissonants’ comme la sixte et la tierce, et fidèles à l’improvisation mettront à l’honneur le Faburdon (Faux-bourdon) jusqu’alors fort peu usité : dans les parties improvisées, la basse est placée à la tierce au-dessous du cantus-firmus et la voix supérieure à la quarte de ce dernier et à la différence du déchant, il n’est pas fait appel au mouvement contraire.
Fancy : Fantaisie, Fantasia : Composition qui s'écarte des règles strictes des forme musicales habituelles. Elle laisse libre court à l'imagination du compoisteur (Voir Ricercare)
Figuralisme : Le figuralisme est une forme musicale qui pourrait remonter à l’Antiquité. « Le figuralisme – encore appelé madrigalisme – est l'art d'évoquer musicalement une idée, une action, un sentiment, ou encore de dépeindre une situation. Ce goût descriptif existait déjà de façon spontanée et à titre individuel au Moyen Âge mais il devient au xvie siècle une pratique courante que les compositeurs de motets, de madrigaux ou de chansons désignent par l'expression « peinture pour l'oreille ». Ce recours à la représentation des mots, des idées, des sentiments en musique caractérise ce que l'on a appelé le stile rappresentativo (« style représentatif »), qui s'est peu à peu imposé sous la seconda prattica (« seconde pratique »), au début du xviie. (Encyclopédie Universalis). Il a été théorisé en Allemagne au XVIIème siècle sous le nom de ‘Figurenlehre’.
Folia : « La Folia, également appelée Follia (en italien) ou Folies d'Espagne, est une danse apparue au XVème siècle probablement au Portugal dont le thème a servi pour des variations à plus de 150 compositeurs… Sa forme la plus ancienne naît probablement au Portugal avant de connaître un grand engouement en Espagne… Chez Gil Vicente, La Folia est associée à des personnages populaires, bergers ou paysans en général, occupés à danser et à chanter avec énergie (d'où son nom de folia, qui signifie à la fois « amusement débridé » et « folie » en portugais)… Le thème de La Folia repose sur la succession d'accords. » (extrait de l’ article Wikipédia)
Frottola : Musique vocale italienne à trois ou quatre voix. Très en vogue entre 1470 à 1530, elle contribuera avec la canzonetta au renouveau, à la ‘modernisation’ du madrigal médiéval. Elle est de structure simple avec une rythmique répétitive et des mélodies qui mettent en musique des paroles salaces sur 4 à 8 couplets. Elle fait ‘déjà’ usage des accords (harmonie) dans l’accompagnement. Selon de nombreuses sources, la fin du genre frottol serait dû à l’apparition du madrigal renouvelé au XVIème siècle. Le madrigal est un genre plus ancien qui remonte au Trecento. Il se présentait dans sa forme originelle comme purement vocal avec trois vers ayant chacun leur propre phrase musicale, suivis d’un quatrième qui fait refrain. (voir Madrigal)
Villanella, frottola, madrigal ancien et canzonetta sont des formes de danses populaires accompagnées de chants non savants à trois voix ou quatre voix, parfois a capella. Leurs chants différent par le schéma des rimes et par le thème, plus ou moins léger, irrévérencieux, sérieux.
Fugue : « La fugue (de fuga, fuite) est une forme de composition musicale dont le thème, ou sujet, passant successivement dans toutes les voix, et dans diverses tonalités, semble sans cesse fuir. » (Marcel Dupré, organiste, compositeur †1971). Venant après l’imitation, le canon, le ricercare, la fugue s’inscrit dans la continuité de l’écriture polyphonique en contre-point.
Si le contre-point répond au mode modal, la fugue appartient au système tonal et ‘s’en tient’ aux modes majeur et mineur.
« La fugue est une imitation à la périodicité régulière. Pour faire une fugue, il ne suffit pas d’imiter un thème dans toutes les parties d’un chœur ou d’un orchestre; il faut encore observer certaines règles de modulations et d’écriture, il faut user de tous les artifices du contrepoint (simple et renversable) pour accompagner le thème principal et le présenter sous ses aspects les plus divers…le thème, dans la fugue se nomme le sujet. Son imitation directe est la réponse. ». (Jean-Marc Onkelinx, musicologue, conférencier, Comprendre La Fugue).
Il existe différents types de fugues :« L'une des plus connues est la fugue miroir. Elle consiste à concevoir une fugue capable de subir un renversement des différentes voix ensembles.
« Le contrepoint consiste essentiellement à conduire simultanément plusieurs lignes mélodiques. L'imitation est une forme de contrepoint qui reproduit les mêmes motifs mélodiques ou rythmiques, à une ou plusieurs voix, sur les différents degrés de la gamme. Le canon est une imitation rigoureuse, et, au départ, la fugue développe un canon à la quinte. Quant au ricercare, il est construit sur le principe d'une imitation contrapuntique libre ; il n'a pas les structures complexes et imposées de la fugue ; il est plus un genre qu'une forme ». (Encyclopédie Universalis)
Un fugato est un passage fugué dans une pièce de plus grande envergure.
Ground : « Le Ground est un nombre donné de notes lentes particulièrement solennelles et majestueuses sur lesquelles (après les avoir jouées une ou deux fois très simplement), celui qui possède un esprit vif et de bonnes mains entreprendra alors de jouer plusieurs divisions, plusieurs fois de suite, jusqu’à ce qu’il ait montré toute son audace d’inventivité comme virtuosité » (Thomas Mace Musick’s Monument, 1676, cité par Wikipedia).
Chanté ou joué, le ground consiste en une répétition en basse obstinée d’une même série d’accords. Henri Purcell (1659-1695) fit un usage fréquent du ground notamment dans ses pièces pour clavecin.
Ce sont les virginalistes qui l’ont mis en avant mais son origine reste d’autant plus obscure qu’il apparaît à la même période aussi bien en Angleterre qu’en Italie et Espagne. Le ground disparait au XVIIIème siècle
Hoquet : Le hoquet consiste à faire chanter chaque voix en alternance. La ligne mélodique de chaque voix est interrompue par la ligne mélodique d’une autre voix qui poursuit sa propre ligne mélodique après avoir été elle aussi interrompue. Les voix ainsi hachées constituent néanmoins une continuité dans leur ensemble.
Imitation : L’imitation en musique consiste à reprendre le motif mélodique d’une voix et de le reporter à plus ou moins strictement par intervalles sur une autre ou d’autres voix. L’imitation peut prendre plusieurs formes : parfaite répétition à l’identique, imparfaite (une tierce est remplacée par une quarte) inverse (une voix monte l’autre descend), rétrograde (l’imitation reprend en sens inverse les notes du motif initial) etc..
Le canon est une extension de l’imitation. Si l’imitation consiste à faire reproduire un même thème, une ligne mélodique aux différentes voix, le canon utilise le même procédé en décalant pour chaque voix l’entrée du thème ou de la ligne mélodique. Voir Fugue.
Lied (des Lieder) : D’origine germanique (signifiant étymologiquement son), le lied, aux origines très anciennes, est un chant accompagné. Il suivra les modes et les us du temps : polyphonique en période polyphonique, préfigurateur de la chorale luthérienne, avant de devenir au XVIIIème siècle, dans la période néo-classique, l’expression du 'cœur qui chante, de la poitrine qui se soulève', selon les mots du poète romantique Heinrich Heine. En plein âge romantique, il saura être le reflet des âmes de Frantz Schubert (1797-1828) et de Robert Schumann (1810-1816).
Madrigal : Le Madrigal du XVIème siècle a peu à voir avec celui du XIVème. S’il s’agit à l’origine d’une composition polyphonique purement vocale, il n’aura cessé d’évoluer jusqu’à la période baroque. Le madrigal de la Renaissance sort de la forme du Trecento qui était : trois vers ayant chacun leur propre phrase musicale, suivis d’un quatrième qui fait refrain.
Dans le premier quart du XVIème siècle, le madrigal subit l’influence d’une forme de chant populaire, la Frottola, apparue dans le dernier quart du XVème siècle. C’est par la continuité de l’évolution de son texte, de ses paroles, pour avoir déjà fait appel à des formes poétiques comme le strambotto et la barzellette, que la frottola, va pénétrer le Madrigal qui fait alors pourtant le choix d’une écriture formelle plus savante encore, le madrigal poétique, en optant pour le sonnet avec le souci d’une référence poétique de qualité. De ce fait, il s’inspire voire imite les grands poètes, tel le cardinal poète, Pietro Bembo (1470-1547) qui imite Pétrarque remis ainsi à l’honneur avec le concours de la poétesse Vittoria Colonna (1490 - 1547), amie à la fois de Michel-Ange, du réformateur Juan des Valdès (voir Contre-Réforme) et de Giovanni della Casa (1503-1556) versificateur galant, auteur de traités, mais aussi prélat et occasionnellement… inquisiteur.
A cette écriture sophistiquée se doit alors de correspondre une musique non moins élaborée, une polyphonie complexe qui, elle, prendra exemple sur la polyphonie sacrée (le motet a été introduit au siècle précédent par les compositeurs de l’École Franco-flamande). Toute évolution artistique entraîne un chevauchement des genres ou des styles ; la frottola perdurera encore quelques décennies avant de s’effacer, totalement absorbée par la forme madrigal.
Une première période du madrigal s’est développée d’une part à Florence : Le Français Philippe Verdelot (1474/85-1551) le détacha de la frottola notamment en la sortant de l’homophonie et en y introduisant le Style Imitatif ; et d’autre part à Rome : De 1517 à 1543, le premier madrigaliste d’origine italienne, Costanzo Festa (1485-90-1545), d’origine piémontaise, chantre et aussi premier musicien italien à la Sixtine, compose des madrigaux à trois voix qui « revêtent un caractère décoratif » et non point expressif. Vers 1520, le grand éditeur de musique Ottaviano Petrucci (voir Introduction Note 87 et École Parisienne note 188) édite Madrigali de diversi musici : libro primo de la Serena du prêtre et chanteur florentin Bernardo Pisano (1490-1548). Ce premier recueil des seules œuvres d’un compositeur regroupent des madrigaux composés sur des sonnets de Pétrarque (†1374) qui ne sont pas encore totalement détachés de la Frottola. En 1530, est publié le premier recueil faisant usage du terme, Madrigali de diversi musici : libro primo de la Serena.
Orlando de Lassus (1532-1594) composera dans la cité éternelle, entre 1550 et 54, la plus part de ses madrigaux sur des poèmes de Pétrarque. Ces deux grands centres culturels et artistiques que sont alors Florence et Rome vont subir saccage et siège dans la période 1527- 1530. Certains historiens font commencer le maniérisme pictural à partir de ces événements qui ont profondément troublés les esprits.
La seconde génération de compositeurs, celle de l’âge d’or du madrigal, s’installera alors dans la nouvelle capitale musicale de l’Italie, Venise, où la Chapelle St Marc rayonnera de tout son éclat avec Adrian Willaert (1490-1562), Cypriano de Rore (1515-1565) -qui à partir de 1555 introduira dans ses œuvres la gamme chromatique à douze tons- et les Gabrieli, oncle et neveu. Le Flamand Jacques Arcadelt (1504-1568), élève de Verdelot, suivra le courant et viendra composer aux côtés de Willaert. Autre grande figure du madrigal italien, Claudio Monteverdi[1] (1567-1653) avec ses six livres de madrigaux à 5 ou 6 voix ; le premier à cinq voix est publié en 1587 à Venise où le compositeur ne s’installera qu’en 1613 en venant de Mantoue.
Malgré la suprématie de la Sérénissime et tout en étant sous son influence, les cités feront bonne renommée à leurs compositeurs de madrigaux :
A Rome, Luca Marenzio (ou Marentio, 1553 -1599) est le grand madrigaliste de la seconde moitié du siècle ;
A Ferrare, Luzzasco Luzzaschi (vers 1545-1607) qui, comme plus tard à Venise Vivaldi, composa pour les chanteuses d’exception son Concerto delle donne qu’il dirigeait. Il eut notamment pour élève l’incontrôlable Gesualdo (1566-1613) (voir Tome 3/Âge Classique/Musique).
A Florence, poursuivant cette recherche de la plus parfaite adéquation du texte et de la musique qu’avait déjà entrepris le Madrigal de la Renaissance, la Camerata Fiorentina dans le dernier quart du XVIème, rompit carrément avec la polyphonie ouvrant l’âge moderne de la musique en Europe.
Le goût pour le Madrigal se répandra au-delà de l’Italie, en Europe. Philippe de Monte arrivé en 1568 à la cour de l’Empereur Maximilien II, introduit à Vienne le madrigal. En Angleterre, Thomas Morley (1557-1602) et Thomas Weelkes (1576-1623) en seront les compositeurs les plus remarquables. En Allemagne, Lassus fit plus connaître à Munich le madrigal sacré que profane. Paris emplit de la Chanson Parisienne ne tendra qu’une oreille au Madrigal.
Madrigal Dramatique : Le Madrigal se tourna non vers le théâtre proprement dit mais vers la ‘dramatisation’ aussi bien avec la Comédie Madrigalesque qu’avec le Madrigal Dramatique. Orazio Vecchi (1550-1605) de Modène écrit dans sa préface à son Amfiparnasso (1597) : « Sachez que le spectacle dont je parle s’apprécie avec l’esprit du moment, qu’on le suit avec les oreilles et non avec les yeux ». Il veut nous dire que ce spectacle bouffon d’où jaillissent cris d’animaux, onomatopées et dans lequel s’entremêlent langue populaire et langue savante, s’écoute et non se regarde, qu’il ne se veut pas une mise en représentation dramatique et qu’il s’éloigne des recherches de la Camerata Fiorentina et de son chanter-parler, de sa basse continue.
La Comédie Madrigalesque reste polyphonique et mélodique. A Florence, poursuivant cette recherche de la plus parfaite adéquation du texte et de la musique qui avait jalonné le siècle, la Camerata Fiorentina dans le dernier quart du XVIème, avait carrément rompu, elle, avec la polyphonie et ouvrait ainsi la voie (voix) à la forme opérique.
Alessandro Striggio (1538-1592), marquis de son état, qui composa entres autres une messe et un motet à quarante voix, écrivit dès 1567 le premier exemple de Madrigal Dramatique, Il Cicalamento delle donne al bucato (Le Bourdonnement des femmes à la Lessive) qui évoque des femmes au lavoir en train de bavarder. La forme récitative viendra plus tard.
Madrigal Spirituel : Le Concile de Trente (1545-65) d’où part la Contre-Réforme, fut une vaste campagne de ‘com’ (comme nous dirions aujourd’hui). Au plan musical, il intégra le Madrigal dans la musique religieuse. Ainsi, paraît le Musica spirituale – Libro primo di canzon emadrigali a cinque voci ou quand et comment des textes bibliques sont chantés sur des madrigaux…!
« Les madrigali spirituali étaient librement composés (c’est-à-dire non plus basés sur du chant simple préexistant). Leur style musical était souvent plus sobre et moins fleuri que celui de leurs homologues profanes. Des textes bibliques étaient parfois placés en langue vernaculaire, de même que des poèmes d'amour laïques, retravaillés pour remplacer par la Vierge Marie la dame aimée de l'original » (Elizabeth Kahn Lagrime de San Pietro, https://www.naxos.com/mainsite/blurbsreviews.asp?Item_code =8.553311 & catNum= 553311&filetype=About thisRecording&language=English réf. cit.)
Madrigal Anglais : Deux techniques caractérisent essentiellement le madrigal anglais : La peinture par mots et le figuralisme.
La peinture par mots (ou de tons) consiste à plaquer le plus possible la musique au texte, à son mouvement et à son thème avec de successions de notes, des motifs convenus pour traduire la mort (du christ) ou telle émotion qu’exprime le texte.
Le figuralisme est un procédé musical qui tend à imiter un son concret : oiseau, vent, ou à traduire un sentiment. Il est pratiqué depuis l’époque médiévale mais sera très prisé des compositeurs de la fin du XVIème siècle et de la période baroque en s’inscrivant dans le Style Représentatif.
Fin du Madrigal :Après le premier quart du XVIIème siècle, le madrigal se verra supplanté par l’Air (Arye) toujours autonome mais s’inscrivant dans une œuvre (opéra, cantate, oratorio), chanté avec ou sans accompagnement instrumental, et par la musique représentative (seconde pratique). Quasiment tous les compositeurs du dernier quart du XVIème siècle et du premier quart du XVIIème ont composé des madrigaux. Parmi eux, sont restés célèbres ceux de Orlando Gibbons (1583-1625), John Dowland (1553-1626). Thomas Tomkins (1572 – 1656) en fut le dernier représentant.
Magnificat : Le Magnificat ou Cantique de Marie est un cantique (chant de louange) de la Vierge lors de sa Visitation à sa cousine Élisabeth, enceinte de Saint Jean-Baptiste. Ce cantique de la Mère du Christ à Dieu, chanté aux vêpres (de vespera=soir), reprend des paroles de chants de l’Ancien Testament . Le mot ‘magnificat’ en est le premier « Magníficat ánima méa Dóminum, (Mon âme magnifie le Seigneur).
Mask : « Très probablement originaires de rites religieux primitifs et de cérémonies folkloriques connues sous le nom de masques de déguisement ou de momie, [les maks] ont évolué en spectacles de cour élaborés… Dans l'Italie de la Renaissance, sous le patronage de Lorenzo de Medici, l'intermezzo est devenu connu pour son accent mis sur le chant, la danse, les paysages et la machinerie de la scène…les intermezzi comprenaient invariablement une danse ou un bal masqué où les invités se mêlaient aux acteurs. Une forme non dramatique, le trionfo, ou triomphe, a évolué de ces masques de cour italiens et, en arrivant en France, a donné naissance au ballet de cour et à la mascarade plus spectaculaire. Au cours du XVIe siècle, le masque continental européen arriva dans l’Angleterre des Tudor… Des costumes magnifiques, des paysages spectaculaires avec des machines sophistiquées pour le déplacer sur et en dehors de la scène, et un vers riche en allégorique marquaient le masque anglais… Sous les Stuarts, le masque atteignit son zénith lorsque Ben Jonson devint poète de la cour. Il a doté la forme d'une grande force littéraire et sociale. En 1605, Jonson et le décorateur Inigo Jones produisirent le premier d'une série d'excellents masques, auxquels ils collaborèrent jusqu'en 1634 ». (Encyclopedia Britannica)
Messe : Le terme de Messe est utilisé la première fois pour désigner la partie musicale de l’office relative à la célébration de l'eucharistie constituée des cinq pièces appelées l’ordinaire de la messe (ordinarium missae). Elle est chantée en polyphonie. La première messe à avoir été signée est la Messe de Notre dame (1349) de Guillaume de Machaut (†1377). Antérieurement, les Messes de Tournai (vers 1330), de Barcelone, de Toulouse ou de Besançon étaient des œuvres éparses restées anonymes.
Messe Parodie : « Au lieu d'utiliser un chant grégorien (Ave Maris stella, par ex.) ou un air profane connu (L'homme Armé, par ex.) comme cantus firmus à une des voix, le compositeur s'inspire d'une composition polyphonique déjà existante (chanson française, madrigal italien, motet latin), la modifie plus ou moins fortement, et compose les cinq parties de l'ordinaire d’une messe, Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus. C'est donc la sonorité globale d'une pièce (contrepoint, harmonies, structure,...) qui est imitée.» (Bel Canto admin http://musiqu eclassique.forumpro.fr/t12553-la-messe-parodie).
Motet : Apparu au XIIIème siècle, avec l’École Notre-Dame de Paris, le motet (de motetus, petit mot) est à l’origine une musique à deux voix (teneur et organum voir Tome1/Musique) mise sur une texte religieux. Il connut bien des évolutions, s’adaptant à, empruntant à ou s’inspirant de nouvelles formes qui apparaissaient. La Renaissance y introduit l’imitation. Au XVIIème siècle, très apprécié à la cour de Louis XIV et de Louis XV, il la forme du motet dit classique qui s’inspirera du Style Représentatif sous l’influence de Monteverdi. Toujours en France, le Grand Motet dans le Style Versaillais pour grand ensemble, voire double chœur donnera avec Jean-Baptiste Lully ou encore Michel-Richard de Lalande dans la majesté mais non dans la pompe aurait dit Bossuet. Henry du Mont et Pierre Robert tous deux sous-maîtres de la Chapelle Royale fourniront à la Chapelle aussi bien Grands que Petits Motets qui, le nom l’indique, sont de moindre ambition.
« Mise en polyphonie du plain-chant, comprenant des paroles nouvelles aux voix supérieures » (M.C. Beltrando-Patier Histoire de La Musique, Bordas 1982).
Oratorio : Comme son nom l’indique l'oratorio est né dans les oratoires romains de Philippe Néri (1515-1595 voir T2/V2/Réforme/Nouveaux Ordres/Ordre de l’Oratoire), ceux de Santa Maria in Vallicella et Santo Girolamo della Carità. C’est une œuvre dramatique, en général à sujet religieux, non mise en scène, qui nécessite un récitant pour indiquer le déroulement de l’action et comprend récitatifs, airs et chœurs.
« Confluent de courants nombreux et divers, comme le mystère médiéval, le lauda franciscain et la cantate italienne, l'oratorio est un des genres les plus florissants de la musique vocale et instrumentale depuis la fin du xvie siècle » (Encyclopédie Universalis)
Passion : Forme d’oratorio consacrait au dernier jour du Christ. La Passion Responsariale est une Passion dans laquelle les turbae dans une polyphonie à quatre voies et les psalmodies du ou des solistes sont en répons.
Organum Fleuri : L’École de Notre-Dame (1170-1250) accordera avec l’organum fleuri ou mélismatique (du grec melos pour mélodie) plus de liberté à la voix ou aux voix organales du dessus. La stricte observance de note par note sera rompue puisqu’à la note-syllabe (syllabisme) du ténor (vox principalis), la voix supérieure (duplum) ou les voix supérieures (triplum, quadruplum) répondront par une ornementation vocale (mélisme) de plusieurs notes (neume). De plus, les écarts de voix ne sont plus uniquement à la quarte mais apparaissent à la tierce et à la sixte. Des musiciens de la fin du moyen-âge et du début de la Renaissance comme Jean Ockeghem (1420-1497) et Josquin des Prés (1440-1521) continueront à faire grand usage de ce contrepoint ornementé.
Voir Cantus firmus. Pour le Conduit et d’autres formes d’écritures musicales voir Tome 1/Musique/Genres.
Pavane (de paon ou de Padoue) : danse lente souvent suivie de la Gaillarde, danse vive. Au XVIème et XVIIème siècles, la pavane ouvrait le bal et permettait aux danseurs et danseuses de se… pavaner.
Récitatif : « Chant déclamé dont la mélodie et le rythme suivent les inflexions de la phrase parlée. Air pour voix seule, de style déclamé » (Dictionnaire Larousse).
Répons : « Chant exécuté par un soliste et répété par le chœur durant un office religieux. » (G. Pernon, Dictionnaire de La Musique)
Ricercare: Équivalent de Fantaisie et de Fantasy (Fancy), : « Mot italien dérivé de « recherche » et qui a longtemps désigné les premières manifestations de musique instrumentale en dehors des danses, conçues sans le secours de paroles exprimées ou non. » (Encyclopédie Larouse). Plus spécialement destiné à l’origine au luth et à la viole, le ricercare développe un ou plusieurs termes selon différentes techniques dont notamment l’imitation (ligne mélodique répétée plus ou moins strictement par intervalles sur les différentes voix). Il précède la fugue (Voir Fugue).
Tenorlied : Chant dont la mélodie (cantus firmus) est exposée en valeurs longues au ténor.
Tiento : « Le tiento était une forme polyphonique de musique instrumentale originaire de la péninsule ibérique et était liée à la fois au tastar de cordes (prélude improvisé) et au ricercare (prélude improvisé ou, à un stade ultérieur du développement, une composition strictement imitative). (https://en.m.wikipedia. org/ wiki/Canonical_hours) Ce sont les vihuelistes puis les organistes espagnols du XVIe au XVIIIe siècle qui donnèrent ce nom à à leurs pièces composées sous cette forme.
Tastar de cordes : « Un terme utilisé au 16ème siècle pour une courte composition d'introduction correspondant à la Toccata ou Tiento contemporaine. Son histoire semble se limiter à un seul recueil de musique pour luth publié à Venise en 1508, Intabolatura de lauto libro quarto de Joan Ambrosio Dalza [†1508, on ignore tout de lui) dont la page de titre énumère le contenu du livre 'Saveur de corde avec soi-même. Sa fonction, comme son nom l'indique, était à la fois de vérifier l'accordage et la "tastatura" de l'instrument (le tempérament entre les frettes mobiles) et de desserrer les doigts du joueur devant une pièce plus complexe comme le ricercare ». (https://www.oxfordmusiconline.com/grovemusic/ documentId/ omo-9781561592630-e-0000027538)
Toccata (de l’italien ‘tiento’= ‘toucher’) : « Son caractère est brillant, virtuose, plein d'énergie rythmique et sa structure est libre » (Wikipedia). « Ce terme, qui apparaît en Italie à la fin du XVè siècle, définit des compositions, jouées isolément ou au début d'un office ou d'un concert, et destinées à faire valoir le toucher de l'interprète. » (Encyclopédie Larousse).
Turbæ : « Parties interprétées par le chœur, dans le chant de La Passion : on les désigne aussi sous le nom francisé de Turbes. Les premiers chœurs de La Passion, pour le dimanche des Rameaux et le Vendredi Saint, furent écrits l’Hennuyer (natif du Hainault) Gilles de Binche (1400-1460) en 1437, pour la chapelle des ducs de Bourgogne, à Bruges. On cite ensuite, parmi les plus célèbres turbes, celles d'Obrecht, de Victoria et de Suriano. » (https://dictionnaire. metronimo.com /index.php?a=term&d=1&t=9160)
Villanelle : « Composition polyphonique, originaire de Naples ou de Venise, de caractère populaire, en vogue au xve s. et au xvie s. À partir du xvie s, chanson pastorale et populaire codifiée en un poème composé d'un nombre impair de tercets et terminé par un quatrain ». Certaines sources l’assimilent à la canzona qui née à Naples aurait pris le nom de villanelle en se répandant dans la seconde partie du XVIème siècle dans toute la péninsule.
Villanelle de vilano, vilain, paysan libre au contraire du serf.
Notes
[1] Cf. XVIIème Siècle /Musique: en tant que Monteverdi est un des principaux artisans du passage au style baroque en musique.
Lusica Reservata - Stile Rappresentativo - Seconda Pratica -
Stile Concitato - Style Antiphonal - Style Phantasticus - Style Polychloral
La Musica reservata, appelée parfois musica secreta, pratiquée en Italie et en Allemagne, a été utilisée à partir de la seconde moitié du XVIème siècle dans les madrigaux et motets. Les voix suivent une progression chromatique. Ce style se caractérise par le souci de l'expressivité et du raffinement avec usage du figuralisme et de l'ornementation. Le composteur et théoricien Nicola Vicento a écrit en 1555 le traité L'Antica musica ridotta alla moderna prattica qui traite du sujet. Philippe de Monte et Rolando de Lassus avec son Prophetiae Sibyllarum (12 motets très chromatique) puis Carlo Gesualdo en sont parmi les meilleurs représentants. On rattache ce style à l'Ars Subtilior de la fin de la période médiévale.
Des recherches vont être menées parallèlement à Florence et Mantoue puis à Rome qui vont aboutir un nouveau style musical, le stile rappresentativo (rappresentare, représenter) ou canto rappresentativo ou musica rappresentativa, genere rappresentativo. Ce Style Représentatif ou Style Dramatique veut représenter musicalement, mettre en évidence, en expression, les affects dans une combinaison du chant et de la déclamation. Il est à l’origine du récitatif, chant à une voix (monodie et non polyphonie) accompagnée d’un instrument. L’expression de l’âme donne au compositeur une grande liberté de rythme, du phrasé (mouvement et inflexions de la voix parlée ou musicale), des intervalles (écart de hauteur entre deux notes) inhabituels, propres à susciter l’émotion.
A la fin de la Renaissance, des musiciens au sein de camerate semblables à la Camerata Fiorentina à Florence ou à celle de Jacopo Rossi à Rome ou encore de manière indépendante comme Monteverdi à Mantoue, mèneront les mêmes recherches « révolutionnaires » sur les relations de la parole et du chant. Recherches qui inscriront au début du XVIIème siècle la musique dans le mouvement baroque naissant. Mais ce n’est qu’après que cette musique nouvelle, baroque, aura trouvé sa vraie affirmation et ses règles que la polyphonie disparaîtra du ‘champ’ musical européeIl est le premier à avoir employer en sous titre de l’Euridice l’expression de « composta La rappresentazione di anima e di corpo in stile rappresentativo»n après avoir été durant des siècles la forme d’écriture et d’expression unissant tous les compositeurs d’un bout à l’autre de l’Europe.
Ce style dramatique est parfois désigné simplement par 'Récitatif' en ce qu’il met en une combinaison de la déclamation et du chant qui tend à suivre les modulations du texte pour en épouser son expression dramatique. Au souci d’une expressivité (una rappresentazione) di anima e di corpo (Emilio de’Cavalieri) est joint celui de pouvoir narrer une action et planter un décor. (Voir Seconde Pratique en Italie )
« Il reste que la grande nouveauté du genre représentatif est avant tout de donner l'illusion du théâtre, de la vie et du visuel en dehors de toute représentation scénique [ ce à quoi tant dans un autre genre l’oratorio]. D'où l'importance primordiale que prend ici la conduite de la déclamation en soi, avec la volonté d'une parfaite diction jointe à l'ornementation d'une ligne de chant littéralement sculptée sur les paroles afin de rendre, selon le vœu des mélodramatistes florentins, la musique au monde des sentiments et de l'émotion. » (Encyclopédie Larousse) (Voir Formes et Genres/ Récitatif et Fuguralisme)
Style Recitàtivo : « un juste milieu entre la déclamation de la tragédie et le dessin mucical. » (Lecerf de La Vieville (†1707) Voir Récitatif. Il est employé dans l’opéra, la cantate, et l’oratorio
Le terme de Seconde Pratique (Seconda Pratica) apparaît pour la première fois dans Seconda Parte dell'Artusi, ovvero Delle imperfettioni della moderna musica (Seconde partie de L'Artusi, ou Des imperfections de la musique moderne), ouvrage critique que fait paraître en 1603 le théoricien de la musique Bolonais, Giovanni Maria Artusi (1540-1613)[1]. Dans la préface de son Cinquième livre de Madrigaux, paru deux ans plus tard, Claudio Monteverdi répond à la critique qu’ Artusi avait faite de ses madrigaux et reprenant le terme de Seconde Pratique l’oppose à la Première Pratique.
Monteverdi distingue la Prima Pratica dite aussi Style Ancien, la pratique traditionnelle, polyphonique que représente alors pour lui Palestrina, de la Seconda Pratica, dite aussi Style Nouveau qui privilégie la monodie et le récitatif, aboutissement de ses propres recherches dès Mantoue autant que celles de Giulio Caccini et Jacopo Peri, indépendammentou au sein de la Camerata Fiorentina dans le dernier quart du XVIème siècle, recherches poursuivies à Rome par ces derniers et la Camerata de Jacopo Corsi au tout début du XVIIIème siècle. Voir Seconde Pratique en Italie et Récitatif
[1] « avec tout cela, cette forme de modulation est communément adoptée par tous les modernes, maximes qui ont embrassé cette nouvelle seconde pratique, comme on le montrera ci-dessous. » (Deuxième partie d'Artusi p. 16). Texte original, paru à Venise en 1603 :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/ bpt6k51491g.image#.
Stile concitato (agité, vigueur et fébrilité des sentiments par trilles et trémolo).
L’usage de deux chœurs auquel fait appel le Style Antiphonal remonte à la haute antiquité, aussi bien chez les Grecs et les juifs que chez les premiers chrétiens, et aussi bien dans la musique sacrée que profane. Il est évoqué dans l’Ancien Testament. On retrouve actuellement cette forme de chant en alternance chez les juifs yéménites ou dans la musique folklorique d’Europe de l’Est. (Cf. https://www.britannica.com/art/ antiphonal-singing)
« La musique antiphonale est celle interprétée par deux chorales en interaction, chantant souvent des phrases musicales alternatives. La psalmodie antiphonale consiste à chanter ou à jouer des psaumes en alternant des groupes d’interprètes. Le terme «antiphony» peut également désigner un livre de chœur contenant des antiennes». (https://en.wikipedia.org/wiki/Antiphon)
Adriaan Willaert († Venise 1562) qui eut la parfaite maîtrise de toutes les formes polyphoniques auxquelles il a su adapter la sensibilité italienne, son sens expressif, aura donné à ce procédé une nouvelle jeunesse avec une préférence pour le motet. C’est la disposition architecturale, elle-même, des deux tribunes de chœurs qui se font face dans la basilique St Marc qui a incité le compositeur à reprendre la forme ancienne de l’antienne, chant liturgique où deux chœurs chantaient en répons des passages du texte liturgique.
Le Style Antiphonal va évoluer vers le Style Polychoral qui va faire appel à plusieurs chœurs et être employé pour de vastes compositions. Le terme de cori spezzati (chœurs séparés) est aussi employé pour désigner le chant polychoral à Venise à la fin du XVIème siècle.
Le procédé dit cori spezzati qui fait intervenir en répons phrase à phrase deux chœurs était déjà inscrit dans la tradition vénitienne. Spezzato a le sens premier de cassé, rompu : les chœurs sont divisés et éloigné ; et le sens second d’interrompu: les chœurs séparés, éloignés s’interrompent mutuellement. Ce procédé va prendre le nom de Style Polychoral que les compositeurs vénitiens vont développer de 1550 à 1610. Ce style trouvera son plein épanouissement avec Giovanni Gabrieli dans les dernières décennies du siècle qui ouvrit au stile concertato (concertant) qui en période baroque donnera naissance à des formes nouvelles comme le concerto -dans lequel un dialogue s’établit entre l’orchestre et soit le soliste soit un groupe d’instruments tenant la place du soliste (concerto grosso)- ; et aussi la cantate chorale luthérienne avec notamment Heinrich Schütz (1585-1672). J.S. Bach sera le plus illustre représentant du style à la période baroque.
« Le stylus phantasticus est un style musical baroque allemand. Sous l'influence de la musique pour clavier des italiens Claudio Merulo et Girolamo Frescobaldi, certains organistes du XVIIe siècle, en particulier Johann Jakob Froberger (élève de Frescobaldi) adoptent un jeu caractérisé par la virtuosité, l'invention et l'improvisation, et sans filmélodique ». (Wikipadie/Stylus Phantasticus)
« Depuis ses origines en Italie à la fin du XVIème siècle, jusqu'à sa dernière phase d'évolution à l'école d'orgue de Dietrich Buxtehude en Allemagne du Nord, le Stylus Phantasticus était présent dans la musique de la période baroque. Le Stylus Phantasticus est un style de composition que l'on peut facilement décrire comme libre…Il n'a pas de frontière mélodique ni texte (wordpainting) et 'il va d'idées en idées comme des toccatas ou fantasias. (Bernardo Miethe, Stylus Phantasticus ».(https://www.academia.edu/3274746/Stylus_Phantasticus_Baroque_Histor).
Les cordes :
Pincées : Le luth, l’archiluth, la vihuela, la guitare, la harpe, clavecin, épinette, clavicorde
Frappées : Famille du cithare : le dulcimer, son équivalent français la doulcemelle, le piano
Frottées : le rebec (violon à 3 cordes), la viola da gamba, la viola da bracio, la vielle,
Les vents :
Les bois : le chalumeau (famille des bois) dont la chalemie (ancêtre du hautbois) originaire de l’Espagne andalouse, le cromorne ou la cornemuse, diverses flutes dont la traversière ou allemande,
flûtes à bec (plus de 21 sortes)
Les cuivres : le saqueboute ancêtre du trombone date du XVème siècle (soprano, ténor etc.), le cornet, les trompettes .les cors comme les cors courbés, les cors de chamois (germshorn, en corne),
L'orgue d'église ou portatif.
Percussion : des tambours
La musique pour clavier concerne d’abord l’orgue dont l’origine remonte au Bas Moyen-âge, et qui trouve sa forme de meuble fixe dans les églises aux XVIème siècle, puis le clavicorde, ancêtre du piano-forte et du piano car les cordes sont frappées au contraire du troisième instrument à clavier, le clavecin.
Le clavecin est apparu au XVème siècle. Le plus ancien conservé est au Victoria and Albert Museum et date de 1521. L’épinette et le virginal sont des variantes du clavecin. Les cordes de l’une sont obliques par rapport au clavier, tandis que l’autre les a en parallèle, au contraire du clavecin qui les a en perpendiculaire. De là dépend leur forme.
Le Spiegel der Orgelmacher und Organisten est le premier ouvrage pour clavier. Il est écrit en 1511 par le compositeur et organiste heildebergeois Arnold Schlick (†1521), qui donne aux facteurs (organiers) d’orgues des indications et des recommandations. Organiste, sa cécité l’a empêché d’intervenir directement dans la facture d’un orgue. Précurseur du prélude de choral, il est à l’origine de la grande lignée des organistes allemands jusqu’à J.S. Bach en passant par Heinrich Schütz. On trouve des œuvres relevant de la tradition allemande de l’orgue du XVème siècle dans les recueils comme le Codex Amerback réuni de 1513 à 1532 par le grand juriste bâlois, ami d’Érasme, Bonifacius Amerbach (1495-1562) dans lequel on trouve outre les œuvres d’organistes célèbres comme Hans Buchner et Paul Hofhaimer, de ses arrangements pour chants et luth dans tous les genres musicaux en vogue à l’époque.
C’est à Bernard Mured dit l’Allemand, organiste à St Marc de Venise que l’on doit l’ajout des pédales à l’orgue en 1470 et la tablature pour luth (Philippe Le Bas, L’Allemagne, Pg. 422, Édit. Firmin 1888)
Jehan Titelouze (1563-1633), originaire de St Omer, organiste à la cathédrale de Rouen, également facteur d’orgues et pédagogue, est à l’origine de l’école d’orgue française. Son œuvre uniquement liturgique a été recueillie dans Hymnes de l'Église pour toucher sur l'orgue, avec les fugues et les recherches sur le plain-chant (1623) et Le Magnificat ou Cantique de la Vierge pour toucher sur l'orgue suivant les huit tons de l'Église (1626).
« Quoi qu'il en soit, la musique de Titelouze se situe à un très haut niveau d'accomplissement technique et artistique, et, malgré sa sévérité bien en phase avec son époque (celle du jeune Louis XIII)[et de la mise en œuvre des prescriptions de la Contre-Réforme], elle supporte la comparaison avec la production des grands maîtres étrangers contemporains. » (MicheRusquet, https://www. musicologie. org / publirem/ rusquet_titelouze.html)
Le Fitzwilliam Virginal Book est le premier des grands recueils pour virginal. Attribué à Francis Tregian dit Le Cadet (1574-1619), il contient 297 œuvres rassemblées au plus tôt en 1610 et provenant de 32 compositeurs connus comme John Bull, W.Byrd, Orlando Gibbons, et moins connus.
John Bull (1563-1628), facteur d’orgue, fut aussi un des grands organistes du début du XVIIème siècle avec Frescobaldi (1583-1643).
Le Dublin Virginal Book contient 30 pièces pour clavecin. Datant vraisemblablement de la même période, vers 1560, que le Mulliner Book, autre recueil pour clavier dû à l’organiste Thomas Mulliner. Ces deux livres sont antérieurs au My Ladye Nevells Booke, le recueil de pièces pour clavecin que Byrd réunit en 1591. Le dernier représentant de l’école du virginal fut Thomas Tomkins (1572 – 1656), l'un des membres les plus importants de l’École Anglaise du Madrigal, qui composa pour instruments et consorts.
Antonio de Cabezon (1510-1566) est le grand représentant au XVIème siècle d’une longue tradition d’organistes. Il composa pour l’orgue et le clavecin.
Antonio Squarcialupi ( Antonio Giovanni, 1416-1480), né à Florence, tint les orgues de l’église Orsanmichele en 1431 et deux ans plus tard celle de la cathédrale de Santa Maria del Fiore qu’il gardera jusqu’à sa mort. Ami proche de Laurent Le Magnigifique , il est reconnu comme une des meilleurs organistes du XVièmes siècle. Ses compositions sont perdues, mais son nom reste attaché au Codex Squarcialupi, enluminé, dont il était propriétaire ; un codex qui réunit 216 parchemins et qui reste la meilleure source pour découvrir la musique de l’Ars Nova (XIVème siècle).
Marco Antonio Cavazzoni (1490-1560) et son fils Girolamo Cavazzoni (1512-1577) sont les deux grands organistes et compositeurs de la Renaissance italienne. Les œuvres du père sont regroupés dans Recerchari, motetti, canzoni [...] libro primo, paru à Venise en 1523 qui contient « les plus anciens ricercari connues.. Ses Recerchari (Recherches) sont des transcriptions d’improvisations qui ne font pas encore usage de l’imitation ». (Wikipédia/ Marco Antonio Cavazzoni,). L’usage de l’imitation contrapunctique dans le ricercare sera faite par son fils et se poursuivra jusqu’à la période baroque tout en gardant une forme de ‘recherche’ de variations sans avoir la forme stricte qu’aura la fugue.
Claudio Merulo (1533-1604) au jeu plein d’effervescences est à Venise le grand organiste de la fin du siècle. Un recueil de ses œuvres est publié en 1598. Il y avait à St Marc deux orgues donc deux postes d’organistes. Merulo s’assit d’abord au petit orgue avant de prendre la place d’Annibale Padovano (1527-1575), un des premiers compositeurs de la toccata[1]. Et Andréa Gabrieli prendra place sur le banc du petit, puis sur celui du grand, tandis qe Giovani, son neveu, lui succède au petit orgue avant d’être placer au grand à la mort de son oncle en 158. Giovanni assumera ce poste avec la double fonction d’organiste et de principal compositeur. Par son ricercare en imitation à un seul thème, il annoncera la fugue.
En France, l‘éditeur de musique Attaingnant (voir École Parisienne/ L’Édition Musicale) publie en 1531 un catalogue d’œuvres sacrées et profanes pour orgue, épinette et clavicorde qui pour agréables qu’elles soient ne font pas montre de l'ampleur, de la maîtrise des œuvres des pays voisins.
La musique instrumentale anglaise peut existante durant la première moitié du XVIème siècle va se développer dans la période élisabéthaine, et le luth en sera l’instrument de prédilection.
Le nom du luth est né du vocable arabe oud al’ûd (le bois). Apparu dans l’Antiquité au Moyen-Orient, il arrive en Europe par la péninsule ibérique musulmane au Moyen-Âge dès l’An Mil. Instrument à cordes pincées au-dessus d’une caisse de résonance en forme de demi-poire, son nombre de cordes sera sans cesse augmenté.
A la Renaissance, l’entrée de plus en plus de voix dans les compositions polyphonique, va inciter les luthiers a faire de même pour imiter, rivaliser avec les chanteurs en faisant ‘chanter’ le plus de cordes possibles. De 5 ou 6 cordes dites chœurs (!) au début du XVIème siècle, l’instrument s’en verra doté de dix à la fin du siècle et atteindra le nombre vingt et une au XVIIème siècle, époque où l’opéra étant en plein développement, les luthiers vont fabriquer une nouvelle forme de luth plus grand, plus puissant, le Théorbe, apparu en fait en Italie dès la fin du XVIème siècle. Le luth et le théorbe seront des instruments privilégiés pour accompagner le chanteur dans l’Air de Cour ou le Continuo ou Basse Chiffrée de la période baroque.
Les accordages du luth sont toujours très complexe. Non normalisées, ils sont multiples et variés, dépendent de la période et de l’instrumentiste avec une prédominance pour un nouvel accord, l’accord en ré mineur. L’instrument qui sera abandonné au XVIIIème siècle aura joué un rôle important à la fois dans l’établissement de l’harmonie en place du contre-point polyphonique, et dans le développement de la musique proprement instrumentale qui donnera lieu à de nouvelles formes musicales telles la sonate ou le concerto pour lesquelles les compositeurs auront une préférence pour le clavier ou l’autre instrument à corde, le violon (baroque).
L’imprimeur Ottaviano Petrucci (1466-1539), installé à Venise, sera dès le début du XVIème siècle le premier imprimeur à imprimer des livres de musique pour luth.
Thomas Campion (ou Campain, 1567 - 1620), né et mort à Londres, poète lyrique et médecin, composa plus de cent chansons de luth et de la musique pour masks. Théoricien de la musique (traité sur le contrepoint) et de la littérature, ses premiers sonnets parurent en 1591 dans une édition de Astrophel et Stella de Philip Sidney (voir Littérature/Poésie). En 1595, paraissent ses Poemata (épigrammes en latin), en 1601 un First Book d’Aryes (paroles et musiques), un deuxième en 1613 et en 1617, un troisième et un quatrième. Dans ses chansons avec accompagnement pour luth, il fut des premiers compositeurs à faire appel au système des modes majeur et mineur plutôt qu’au système modal médiéval encore en usage.
Le fils du madrigaliste bolonais Alfonso Ferrabosco, qui vécu en Angleterre, Alfonso Ferrabosco II dit le jeune, nait à Londres en 1575. Il fait son éducation musicale à la cour et reste au service de la reine Élisabeth puis du roi Jacques 1er jusqu’à sa mort en 1628. Pour les mask, toujours en vogue à la fin du siècle et sous les Stuart, il en composera entre 1605 et 22 la musique tandis que Ben Johnson (voir Littérature/ Anglaise/Théâtre) en écrira les arguments et l’architecte Inigo Jones (1573-1602 voir Tome 3/ Architecture/Outre-manche) en réalisera les mises en scène. Il écrira surtout des danses (pavanes, allemandes) et fantaisies pour violes d’une grand maitrise technique, ainsi que des airs pour voix et luth publiés en 1609
Anthony de Countie, actif à la cour d’Élisabeth, John Johnson et son fils Robert Johnson, actifs sous Élisabeth et Jacques 1er sont les trois luthistes les plus connus sous ses deux règnes.
Francesco Canova da Milano (1497-1543), fils d’un musicien est reconnu comme ayant été le meilleur joueur de luth et compositeur pour cet instrument de la première moitié du siècle. Il est d’abord formé à Mantoue par Giovanni Testagrassa, luthiste des sœurs Isabelle et Béatrice d’Este, avant de rentrer en 1510 au service du Marquis de Mantoue, François II de Gonzague (†1519). Il restera au service de son fils Frédéric 1er duc de Mantoue jusqu’en 1530, date à laquelle il entrera aux services du cardinal Hyppolite de Médicis. A la mort du cardinal en 1535, il intègre la chapelle du pape Paul III. Sa renommée dépassa largement la péninsule. Il est aussi connu pour avoir transcrit nombre de chansons. Il laisse 140 tablatures.
Albert de Rippe (1500-1551) sera le grand représentant du luth en France. Il quitte sa ville natale Mantoue en 1528 pour entrer au service de François 1er, qui se montrera très généreux envers lui, marque de la grande estime qu’il devait porter à l’instrumentiste. La quasi-totalité de son œuvre a été publiée après sa mort : fantaisies, chansons, motets, madrigaux et danses pour luth à six chœurs.
L’éditeur de musique Adrian Leroy (1520-1598,), natif de Montreuil/Mer, arrivé de Douai à Paris en 1545, se marie et travaille pour son beau-père le libraire Jean de Brouilly dont il aurait pris la succession. En 1551, il s’associe avec son cousin à Robert Ier Ballard pour fonder une des maisons d’éditions de musique des plus importantes de la Renaissance Française (voir École Parisienne/L’Édition Musicale). Mais Leroy était d’abord un compositeur pour instruments à cordes pincées (luth, guitare, cistre) pour lesquels il écrivit les méthodes dont Brève et facile instruction pour apprendre la tablature, à bien accorder, conduire et disposer la main sur le cistre. Ses tablatures furent évidemment publiées par ses soins. Il composa notamment un Livre d’Airs de Cour mis sur Luth qu’il publia en 1571.
L’Espagne du XVIème siècle développa une importante école de vihuelistes. La vihuela de mano est un instrument à cordes pincées qui ressemble plus à la guitare qui est apparue un siècle plus tôt au XVème siècle, voire au XIVème, qu’au luth alors qu’il s’agit d’un instrument cousin de celui-ci (même accord à la quarte). Vihuela et guitare ont en commun leur forme en 8 à peu près semblable. Le luth a une forme de demi-poire.
La vihuela est apparue aussi dès le XIVème siècle et sera définitivement adoptée à la place du Luth, qui symbolisait le temps de l’Espagne musulmane, à la fin de Reconquista (1492 abdication du dernier émir nasride de Grenade). Mais elle disparaîtra dès la fin de la Renaissance, définitivement remplacée par la guitare.
« La pratique de la vihulea de mano en Espagne au XVIème siècle a laissé un répertoire musical d’une importance sans précédent et son impact culturel se ressent dans les sources littéraires et iconographiques. Malgré cette importance évidente, les exemplaires subsistants se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main et sont tous de tailles et d’accords différents » (https://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr/0159084-vihuela-de-mano.aspx).
La vihuela d’arco (d’archet) est proche de la viole da braccio italienne. Plus proche encore du luth serait la banduria, instrument à cordes pincées ou grattées avec un plectre (petite baguette ancêtre du médiator pour guitare) et dont la forme en demi-poire est celle du luth. Le plectre est aussi utilisé pour la vihuela (vihuela à plectre).
De nombreuses pièces écrites à l’origine pour le clavier sont à l’époque retranscrites pour le luth, pour la vihuela.
[1] Toccata (de l’italien ‘toucher’) : « Son caractère est brillant, virtuose, plein d'énergie rythmique et sa structure est libre » (Wikipedia). « Ce terme, qui apparaît en Italie à la fin du XVè siècle, définit des compositions, jouées isolément ou au début d'un office ou d'un concert, et destinées à faire valoir le toucher de l'interprète. » (Encyclopédie Larousse).
John Dunstable 1390-1453
Johannes Tinctoris ca . 1435-1511
Guillaume Dufay 1397/1400-1474
Gilles Binchois ( De Binche) 1400-146
Antoine Busnois 1433-1492
Josquin des Prés 1440/50-1421/24
Pierre de La Rue 1450/60-1518
Jacobus Barbireau 1455-1491
Jean Ockeghem 1420-1497
Jean Mouton 1460-1522
Juan del Anchieta 1462-1522
Juan del Encina (de Fermoselle) 1468-1529
Francisco de Peñalosa 1470 ? -1528
Clemens non Papa 1510-1555
Cyprien de Rore 1515/16-1565
Philippe de Monte 1521-1603
Orlando de Lassus 1532-1594
Andrea Gabrieli 1533-1585/86
Giovanni Gabrieli 1554/56-1612
Claudio Merulo 1533-1604
Cosranzo Porta 1528-1601
Carlo Gesualdo 1566-1613
Giovanni Pierluigi da Palestrina 1525-1594
Philippe Verdelot 1475/80/85-1530/52
Jacques Arcadelt 1504/07-1568
Clément Janequin 1485-1558
Claude de Sermisy 1495-1562
Pierre Certon 1495-1558
Jacques Maudit 1557-1627
Loys Bourgeois 1510/15- après1561
Philibert Jambe-de-Fer 1515-1566
Claude Godimel 1520-1572
Claude le Jeune 1530-1600
Jacopo Peri 1561-1633
Giulio Caccini 1551-1618
Claudio Monteverdi 1567-1643
John Taverner 1490-1545
Christofer Tye 1500-1578
Thomas Tallis 1505-1585
William Bird 1540-1623
Thomas Morley 1557-1602
John Dowland 1563-1626
Michael Cavendish 1565-1628
Première Génération 1500-1550
Heinrich Isaac 1450-1517
Ludwig Senfl 1486-1542/43
Johann Walter 1496-1570
Seconde Génération 1550-1600
Orlando de Lassus 1532-1594
Leonhard Lechner 1553-1606
Johannes Eccard 1553-1611
Hans Leo von Hassler (von Roseneck) 1564-1612
Melchior Vulpius (Fuchs) 1570-1675
Michel Præctorius 1571-1621
Jan Pieterszoon Sweelinck 1562-1621
J. Walter 1496-1571
J.Eccard 1553-1611
von Hassler 1564-1612
Melchior Vulpius 1570-1615
Michel Praetorius 1571-1621
Loys Bourgeois 1510/15- après1561
Philibert Jambe-de-Fer 1515-1566
Claude Godimel 1520-1572
Claude le Jeune 1530-1600
Nicolas Gombert 1500-1556)
Jacques Arcadelt 1500-1568
Clemens non papas 1510-1555
Philippe de Monte 1521-1603
Palestrina (Giovanni Pierluigi da Palestrina) 1525-1594
Roland de Lassus 1532-1594
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