FORMES GENRES ET STYLES DU BAS MOYEN-ÂGE
DES GENRES LITTÉRAIRES
Le Miroir - La Chanson de Geste - La Poésie Courtoise - La Poésie Lyrique -
La Danse Macabre -La Psychomachie - Le Théâtre
Miroir (Speculum en latin) est un genre littéraire " fréquemment employé dans le titre d'ouvrages d'édification sur des sujets théologiques ou moraux, et genre littéraire didactique" . Apparu au XIIème siècle à propos d'un passage de St Augustin, le terme voulait signifier que Les Saintes Écritures nous revoyaient à notre image. Au XIIIème sicèle, avec l'invention des lunettes, il prit le sens d'un regard positif sur le monde. Les plus anciens Miroirs datent de l'époque carolingienne, 'Les Miroirs des Princes, servant à éduquer les futurs princes en leur présentant une image idéale de ce qu'ils devaient être.(Encyclopédie Universalis). Les plus anciens Miroirs en langue vernaculaire sont Le 'Miroir des Saxons' (1230), recueil de droit coutumier, et Le Miroir des Allemands ou Miroir de Souabe (1275), recueil de droit canon, romain et de droit coutumier. La béguine Marguertite Porète écrivit en 1295 Le Miroir des Âmes Simples et Anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour. Elle le tenait sur sa poitrine au moment de monter au bûcher.
Le Dictionnaire Larousse définit le Chanson de Geste comme un "Poème épique, composé du xie au xiiie siècle en décasyllabes ou en alexandrins réunis en laisses* assonancées, chantant les exploits de héros historiques ou légendaires".
*Groupe de vers terminés par la même assonance ou la même rime.
Les Chanson de Geste sont regroupées en Cycles et Matières selon la source de leur récif. Deux Cycles des Croisades relatent la geste (exploits) des chevaliers durant les croisades. La Matière de France ou Cycle Carolingien ceux des armées de Charlemagne dont le héraut le plus célèbre est Roland. La Matière de Bretagne, les exploits des Chevaliers de la Table Ronde dont le roi est Arthur. la Matière de Rome regroupent des chansons censées se déroulées au temps de l'Antiquité. Ces chansons peuvent comprendre plusieurs milliers de vers. Elles sont toujours l'objet de variantes et d'augmentation selon les sources orales ou écrites qu'elles reprennent et souvent selon le copiste.
Au Moyen-âge, les œuvres sont écrites en vers, rares sont les textes en prose. Poèmes, chroniques, contes, satires etc. sont versifiés. La poésie couvre en fait quasiment tous les genres littéraires si l’on convient d’attribuer à poésie la définition d’œuvre en vers.
Ce qui peut plus ou moins distinguer le poème tel que nous le concevons aujourd’hui des autres genres littéraires est qu’il est comme sous l’antiquité chanté ; C’est une chanson, une ballade, un rondeau ou un virelai.
Aux XIIème et XIIIème siècles, la courtoisie est un mode de vie que suivent les gens de cour, seigneurs, dames, damoiselles et chevaliers. C’est une manière de se comporter envers l’autre, une morale qui relève de plusieurs valeurs comme la foi, la fidélité, le beau dans tous ses aspects, éthique et esthétique, la pureté des sentiments, l’esprit chevaleresque dans son acception actuelle…
Il faut aussi entendre avec l’apparition de la poésie courtoise, une réelle révolution culturelle, équivalente aux deux autres Renaissances, carolingienne et humaniste. La notion d’auteur commence à poindre. Bien que la plupart ne laisseront pas leur nom à la postérité, leurs œuvres, toutes en vers, toutes chantées, reflètent une expression personnelle et ne sont plus seulement l’adaptation, l’augmentation de manuscrits anciens.
La poésie courtoise trouve ses origines dans la poésie arabe. "C'est notamment la chanson andalouse en langue arabe vulgaire qui paraît l'avoir inspirée" (F.J.-B. P. Op. Cit.). La première manifestation de cette Poésie Courtoise se fait au XIIème siècle dans le sud de la France, à la cour du Comte de Poitiers et Duc d’Aquitaine, Guillaume IX (1071-1126), lui-même le premier des troubadours. Sa petite-fille, Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), jouera un rôle important dans le monde culturel de son époque, amenant avec elle dans le Nord cette culture courtoise des troubadours lorsqu’elle se marie d’abord au roi de France Louis VII, puis à Henri II Plantagenêt d’Angleterre.
Ce genre nouveau se développera dans les cours des Comtes de Toulouse et à la cour d’Espagne, puis rayonnera dans tout le sud de la France. Les Trouvères commenceront à se répandre dans toutes les provinces du Nord environ un demi siècle plus tard, dans la seconde moitié du XIIème siècle en adoptant ses thèmes et ses formes.
Les formes qu’emploient troubadours et trouvères sont :
Mode propre à la poésie lyrique courtoise, le canson, la chanson est de loin la forme la plus usitée. Il est significatif quand langue d’oc canso désigne aussi bien le chant que le vers. Il ne comprend pas un nombre non défini de couplets mais il s’en tient en général à une demi-douzaine. De même pour le vers dont le nombre de pieds n’est pas déterminé mais qui est le plus souvent en décasyllabes ou en octosyllabes. Toutes les strophes sont identiques à la structure de la première
Le sirventès (oc) est un poème satirique. Il est considéré comme
genre inférieur, composé pour les servants d’armes, et qui ne traite pas de l’amour mais de divers sujets comme la politique, la guerre, les croisades et parfois sont satiriques.
Le planh (oc) est un chant de deuil.
Le tenson ou Joc-partit est un poème sous forme de dialogues qui opposent souvent deux contradicteurs qui abordent des sujets comme l’amour, le mariage. Suivants la même rythmique, la même métrique, les tensons (dialogues) pouvaient être composés par chacun des ‘débatteurs’ comme par un seul chantant les deux rôles.
Poème qui chante l’éveil des amants.
La Pastourelle en vogue au XIIIe siècle est poème (chanté bien sûr) en strophe assonancées*. Il raconte dans une alternance de dialogue et de parties narratives la rencontre d'un chevalier et d'une bergère qu’il tente de séduire parfois avec succès, parfois non.
Présentée pour la première fois en 1285 à la Cour de Charles Anjou, Le Jeu de Robin et de Marion d’Adam de La Halle où Marion résiste aux avances pressantes du chevalier Robin et qui se termine en faite et danses, est sans doute la plus célèbre des Pastourelles et la plus représentatives des Pastourelles.
La Pastourelle préfigure le genre pastoral du XVIème siècle.
*Vers dans lequel se suivent plusieurs mot contenant une même sonorité, une même consonance : « Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire » (Racine Phèdre) ; tandis que l’allitération consiste en la répétition d’une même consonne sur les temps forts du vers :« Qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes » (Racine Andromaque)
La joyeuse reverdie (oïl) chante le renouveau de la nature, des amours.
La serena, la sérénade (soir) se chante au soir venu à l’adresse de la bien-aimée pour la séduire.
La ballade fait danser
La chanson de femme (oïl), chanson de la femme délaissée par son bien-aimé (chanson d’ami) ou chanson de malmarièe (avec un barbon) est toujours douloureusement émouvante.
La Poésie Courtoise est aussi chantaient par les dames, elles-mêmes, quand elles s’occupent à la couture ou au tissage. Ces chansons de toiles à la mélodie simple parlent d’une damoiselle de la noblesse éprise d’un galant séducteur. Elles se cantonnent essentiellement au nord de la France.
En tant que genre, la laisse est un poème dans le style de la geste, en tant que poétique, elle correspond à la strophe ou couplet dans la chanson de geste.
Dans la littérature antique, la psychomachie était le récit sous forme allégorique du combat de la vertu contre le vice. Reprise et utilisée de manière très courante au XIIème siècle, la représentation des vices et des vertus ne se fait plus sous forme humaine. Ce sont les concepts (la sagesse), les états (amoureux) qui animent directement l’âme du héros.
La chanson de croisade du chevalier amoureux partant combattre pour servir la foi tout en perdant (de vue) sa dame.
Le motet organique, venu du chant liturgique (polyphonie), n’est pas étranger aux chanteurs qui l’intègre en langue vulgaire comme Adam de la Halle[3] dans De a dame vient (deux voix au-dessus de celle du ténor -homme). (voir Adam-de-la-Halle/Théâtre et Musique. )
La sextine a été inventée par le troubadour Arnaut Daniel dans la seconde moitié du XIIème siècle. Ce poème conserve toujours dans les six sizains (strophes de six vers) qui la composent, les mêmes six mots en fin de vers, mots qui constituent les rimes, mais ceux-ci se déplacent d’une strophe à l’autre selon un ordre précis (les sources divergent sur cette ordre). Dante, Pétraque, Luís de Camões l’ont employée.
Au XIIIème siècle, un genre poétique apparaît dans les monastères de Castille, la Mester de Clericia. On désigne ainsi les poèmes écrits par les clercs. Ils obéissent à une métrique bien précise la cuadema via: un quatrain de quatorze syllabes, ayant une seule rime selon certains exégètes. Par contre, Serge Cirot écrit dans son Inventaire Estimatif de la Merster Clericia (in Bulletin Hispanique de 1946 V. 8) que la Mester Clericia a une origine française et que « son vers est celui du Poème d’Alexandre en dodécasyllabe (6+6). C’est ce qu’on peut affirmer en attendant la preuve du contraire. » Il ajoute que la cuadema via prévaudra pendant deux siècles dans l’écriture des poèmes narratifs, moraux et religieux.
Gonzalo de Berceo (1195-1264) est un maître du genre avec son El Libro d’Alexandro. Font également partie de cette littérature, le Poema de Fernán González datant du XIIIème siècle, et une œuvre majeure du genre, El Libro de Buen Amor datant du siècle suivant (voir ci-après Juan Ruiz).
Au XIVème siècle, sont écrits des poèmes inspirés le plus souvent de la veine chevaleresque, essentiellement du Cycle de Charlemagne, mais pouvant être aussi historiques (Le Cid), lyriques (Chimène et le Cid). Anonymes, les Romanceros du XIVème siècle sont appelés Romancero Viejo par rapport aux Romanceros plus tardifs qui en poursuivent la tradition.
Le Romancero est œuvre à la fois littéraire et musicale, toujours d’origine populaire à la différence du Cancionero. Du point de vue de la poétique, la Romance est courte, en octosyllabes à rimes assonantes intercalées. La partie musicale est sous forme de la Ballade.
La figure historique et légendaire Rodrigo Diaz de Vivar (1043-1099), surnommé le Cid ou le Campéador[1], sa jeunesse, ses exploits sont un des thèmes privilégiés du romancero. Elle donnera lieu à de nombreux récits très populaire, réunis sous le titre de Romancero du Roi Rodrigue. Vers 1344 -1360, un dernier chant, Mocedades de Rodrigo (Les exploits de Jeunesse de Rodrigo) est un chant épique qui narre ses exploits de jeunesse (mocedad).
Le Cantar de Rodrigo ou El Cantar de Mio remonte plus avant. Il est le premier chant sur le Cid. Il a été mis par écrit, selon les sources,
soit en 1128 soit en 1207 par un dénommé Per Aba.
Les grands poètes espagnols puiseront dans cette veine populaire pour en tirer certains de leurs chefs-d’œuvre : Lope de Vega (le Cid), Quevedo, Cervantès (satire de la chevalerie avec Don Quichotte). Eux-mêmes et des poètes de leur temps écriront aussi des romances que l’on désigne sous le terme de Romancero nuevo[.
Le Cid nous est mieux connu depuis la pièce de théâtre Las Mocedades del Cid, écrite entre 1605 et 1615 par Guilhem de Castro
(1569-1631) et la tragi-comédie de Corneille, Le Cid (1636), qui s’en inspire.
[1] Cid, de l'arabe sid, seigneur. Campeador, valeureux guerrier.
Ubi sunt vient de l''expression latine ubi sunt qui ante nos fuerunt? Qui veut dire où sont ceux qui nous précédèrent? L'ubi sunt est un thème cher aux poètes du moyen-âge. Nombreux sont les poèmes qui commencent par "Où sont-ils" et qui se poursuivent par le regret de la disparition de ceux qui, au temps jadis plus que naguère, étaient beaux, belles, nobles, valeureux, fiers… et qui sont disparus.
Thème de la nostalgie du temps passé, des temps anciens glorieux; Thème du temps qui inexorablement efface tout, fait tout disparaître même les plus forts, mêmes les grandes gloires quand à la fin seule la mort triomphe.
Deux exemples sont restés célèbres dans la poésie française:
La Ballade des Dames du Temps Jadis, de François Villon dans laquelle l'on trouve son vers connu "Mais où sont les neiges d'antan";
La Plainte de Ruteboeuf dans laquelle on peut lire: " Li mal ne sevent seul venir -Tout ce m'estoit a avenir-S'est avenu- Que sont mi ami devenu- Que j'avoie si pres tenu-Et tant amé "?
Dans la poésie anglaise, à la Renaissance, le poète élisabéthain Thomas Nashe (1567 -1601?) en donne un exemple dans son poème "In Time of Plague " (Au Temps de Peste) dans lequel il écrit ces vers : "Adieu, adieu, félicité de la terre ; Ce monde incertain est; Friands sont joies lubriques de la vie ; La mort leur prouve tout sauf jouets …"
Le terme de danse macabre apparaît pour la première fois sous la plume de Jean Lefèvre dans son Respit de la Mort écrit en 1376.
Avant qu’elle ne soit une représentation picturale, telle que peinte par exemple sur les murs du Cimetière des Innocents en 1420 à Paris, la 15ième siècle qui veut nous rappeler notre fin inéluctable, et qu’il vaut mieux plutôt que de courir après les vanités de ce bas-monde, nous préparer au passage dans l’au-delà ; Un bon exemple de cette littérature est l’Ars Moriendi, un traité du bien mourir, illustré de gravures, daté de 1415, écrit par un moine anonyme (peut-être à l’occasion du Concile de Constance) et diffusé dans toute l’Europe. Un exemplaire avec gravure sera édité en 1495.
Dans la littérature antique, la psychomachie était le récit sous forme allégorique du combat de la vertu contre le vice. Reprise et utilisée de manière très courante au 12ème siècle, la représentation des vices et des vertus ne se fait plus sous forme humaine. Ce sont les concepts (la sagesse), les états (amoureux) qui animent directement l’âme du héros. Les poètes courtois comme Marcabru (1110-1150) donne par ce biais une intériorisation à la poésie, en l’ouvrant directement à l’état d’âme. Alain de Lille (1115/28-1202) écrit en 1180 l’Anticlaudainus, satire allégorique sur le vice. Il est aussi l’auteur du célèbre poème Omnis Mundia Creatura.
Le drame liturgique à caractère mi-sacré mi-profane prendra au fur et à mesure de plus en plus d’ampleur et…de place dans l’église. A l’occasion de grands moments de l’année liturgique, comme celui de la Pâque, de véritables mises en scène avec décor sont mis en place pour servir de cadre à des représentations sur les thèmes de la Crucifixion et de la Résurrection, jouées par des ‘acteurs’, des bénévoles qui évoluent dans l’église au gré de l’action dramatique, suivis par ce que l’on peut déjà appeler les spectateurs. Il faut imaginer l’espace ecclésial alors libre de tout mobilier autre que l’autel et des stalles installées tardivement. En dehors du temps des cérémonies et offices, cet espace restait disponible pour les commerçants, les hommes d’affaires et les mendiants et voyageurs qui trouvaient là où dormir, couchés sur la paille qui jonchait ici ou là le sol. L’autel était mobile et n’était jamais installé ni au chevet ni en avancée comme il l’a été par la suite.
« Si l’on vient à l’édifice pour assister aux offices divins…On y tient des assemblées politiques sous la présidence de l’évêque; on y discute du prix du vin et du bétail; les drapiers y fixent le cours des étoffes… » (Fulcanelli in ‘Le Mystère des Cathédrales, Édit. P. Pauvert, 1979, Pg. 49-50)
Il y avait aussi chaque année différentes fêtes jouées à l’intérieur de l’église, la Fêtes des Fous, le Fête de l’Âne, que les jeunes membres du clergé interprétaient. C’étaient des parodies de liturgie ou de célébration dans lesquelles l’âne ayant porté le Christ ou un pseudo-fou prenant la place de l’évêque tenaient le rôle principal. Ces fêtes n’allaient pas sans débordements iconoclastes. Au point que ces fêtes furent reléguées sur le parvis. La date de cette sortie de l’enceinte sacrée n’est pas attestée. Les sources donnent généralement entre le XIème et le XVème siècle, soit la période du Bas Moyen-âge… ? La ‘profanisation’ des thèmes au XIIIème siècle pourrait être indicatrice du fait. À noter que le premier drame liturgique, Le Jeu d’Adam du XIIème siècle (vers 1150>70) était joué sous le porche de l’église.
Les représentations dramatiques qui les accompagnaient ne prirent que plus d’ampleur au point qu’à Noël, Pâques ou l’Ascension, ces toutes premières dramaturgies pouvaient s’étaler sur des dizaines de jours, jusqu’à quarante jours. Elles étaient arrangées en cycles basés sur les récits bibliques. Elles seront appelées Mystères ou Miracles, déformation du mot roman mistère qui vient du latin misterium et qui signifie cérémonie.
Au XIIème siècle, alors que Saint Bernard développe le culte marial, Gauthier de Coinci (Coincy, 1177/78-1233/36), prieur bénédictin de Vic-sur-Aisne, rassemble, traduit en moyen-français et met en vers Les Miracles de Notre Dame auxquels il ajoute de ses poèmes à la louange de la Vierge Marie sur des airs profanes, populaires (1218>1228).
Ces Mystères se retrouvent dans les différents pays d’Europe, France, Angleterre, Espagne, Italie. La population y participait d’autant plus activement que jusqu’au XVème siècle, il n’y avait pas de troupes de comédiens, mêmes amateurs. Une famille conservait d’une génération à l’autre un rôle, celui de Jésus ou de Pilate etc. ou bien c’était une confrérie qui avait en charge telle ou telle mise en scène.
Au XVème siècle, ces Mystères sacrés (Passion, Nativité) ou profanes (historiques) se structurent. Des auteurs s’y consacrent comme Eustache Marcadé dont La Passion s’étale sur quarante jours; Simon et Arnoul Gréban dont La mystère des Actes des Apôtres fait appel à près de 500 comédiens; et Pietre Gringoire qui donne au début du XVIème siècle Le Mystère de Saint Louis.
L’origine du théâtre dans l’Occident du Moyen-âge se trouve dans la liturgie franco-romaine et dans les fêtes religieuses. En effet, dès le 10ième siècle, le clergé décide afin de séduire et maintenir l’attention des ouailles d’introduire au sein de la messe, des chants dialogués dont les paroles n'étaient pas religieuses. Ces ajouts sont appelés des « tropes », que Cyril Mérique définit dans sa thèse sur L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du 16ième siècle comme « des textes brefs accompagnés de musique que l’on récitait lors des offices liturgiques et qui constituaient la base du drame liturgique médiéval. ».
Le plus ancien de ces tropes date de 915. Il s’agit du Quem Quæritis de la Visitatio Sepulchri, attribué au moine Tutilon : un dialogue entre Marie et les anges, récité à Pâques à la messe de la Résurrection. Un autre thème, opposé à celui de la mort du Christ, celui de la Nativité, sera rapidement lui aussi l’occasion d’introduire des tropes au sein des cérémonie religieuses. Les tropes les plus anciens liés à ce thème remontent au 11ème siècle .
Cyril Mérique cite l’Officium Pastorum, « compositions musicales développant habituellement le récit évangélique de Luc 2, 7-20 qui relate l’annonce angélique aux bergers de la naissance du Christ… Le chant de ces antiennes relatives à l’« adoration des bergers » semble avoir été dramatisé par des chanteurs qui se déguisaient parfois pour l’occasion ».
Ainsi est né le Drame Liturgique. Même de manière encore discrète, ces tropes donnent lieu à de sobres mises en scène. Une partie de l’église est aménagée pour recevoir la 'mansion', une petite structure scénique (généralement une tente), symbolisant un lieu particulier (le jardin d’Éden, Jérusalem, etc.), et la 'platée', une zone neutre, utilisée par les interprètes pour jouer autour de la 'mansion' (in Le Théâtre Médiéval sur theatrons.com).
Viendra d’un anonyme en 1165, le Jeu d’Adam qui, comme ceux qui le suivront, donne des indications de mise en scènes, de jeu. Écrit en anglo-normand, il est le premier drame en langue vulgaire. C’est au trouvère d’Arras, Jehan Bodel (1165-1210), que nous devons le premier drame non liturgique, bien qu’il raconte la conversion des Sarrazins au catholicisme, le Miracle de Saint Nicolas (ca. 1200)
Autosacramental théatre religieux espagnols des 16 et 17 ème siècle
Préfigurés par les poèmes dramatiques écrit et mis en musique de Juan del Fermoselle del Encina (1468-1533), joués lors des fêtes religieuses, l’auto sacramental est une pièce dramatique eucharistique représentée le jour de la Fète-Dieu. Il deviendra un genre à part entière au 16ième et surtout au 17ième siècle. Calderon le fera briller de ses derniers et plus beaux feux. Il sera interdit en 1765.
« L’auto religieux, et plus particulièrement l’auto eucharistique, ne serait (donc) pas une expression de la Contreréforme, qui prêchait davantage le dépouillement, lui-même encouragé avec véhémence par les protestants qui avait supprimé purement et simplement les processions de la Fête-Dieu. La représentation théâtrale de la vie des Saints, de la Vierge, et des mystères du Saint Sacrement, le clinquant de la mise en scène ou encore les représentations par l’image seraient à l’opposé de l’esprit contre-réformiste du milieu du XVIème siècle » (Cyril Mérique in sa thèse de doctorat : L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du XVIe siècle-Université de Toulouse II -Décembre 2011) http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/65/26/71/PDF/Merique_Cyril.pdf)
Arrivé sur le parvis de l’église, le drame liturgique, hors de l’enceinte sacré, va immanquablement se ‘profaniser’. Aux thèmes religieux vont être ajoutés des thèmes profanes au XIIIème siècle. Jusqu’à ce que disparaisse l’élément religieux au profit du seul profane. Ainsi nommé, le Jeu, sans limite de temps liturgique va s’allonger pouvant aller jusqu’à 1000 vers.
Dès le Xème siècle, afin de fidéliser les ouailles et maintenir leur attention, le clergé décide d’introduire au sein de la messe, des chants dialogués dont les paroles ne seraient pas religieuses. Ces ajouts sont appelés des tropes[1]. Cyril Mérique les définit dans sa thèse sur L’évolution de la théâtralité dans les drames eucharistiques espagnols du XVIème siècle comme « des textes brefs accompagnés de musique que l’on récitait lors des offices liturgiques et qui constituaient la base du drame liturgique médiéval».
Passion et Nativité resteront les deux thèmes principaux qui donneront l’occasion d’introduire des tropes au sein des cérémonies religieuses. Les tropes les plus anciens liés au thème de la nativité remontent au XIème siècle.(Voir Tome 1 Théâtre). Quant au terme de farce (de farcir), il était « utilisé pour parler de gloses extracanoniques, de paraphrases de textes religieux, bref, de tout ‘’supplément au texte biblique qu'on mêlait dans certaines fêtes à la liturgie officielle’’[2] ». Mais cette farce qui était une glose[3] ne pouvait être que le fait de l’officiant.
Les origines de la farce en tant que genre dramatique sont donc difficiles à trouver. Elles peuvent relever d’un fonds oral populaire. Elle apparaît sous la forme de pièce ou jeu comique au 12ème siècle. La plus ancienne conservée est La Garçon et l’Aveugle (vers 1270). La Farce du Cuvier (ou Le Cuvier), anonyme, daterait du 1Vème siècle. Le ‘genre’ (le terme en tant que catégorie littéraire La Farce du cuvier, ou Le Cuvier est inconnu à l’époque) se développe aux XVème et XVIème siècles où sous une forme plus élaborée, il est écrit en vers et en un acte et prend sous la dernière et meilleure place, comme clou du spectacle, sur tréteaux des places et des rues après la moralité ou la sotie (satires de l’actualité du moment).
Apparue à la fin du XIVème siècle, la moralité appartient au genre comique. Mais elle ne s’en veut pas moins moralisatrice. Souvent allégorique avec des protagonistes comme Malice, Envie, le Temps…elle reste imprégnée de religion, montrant les difficultés de l’homme à trouver ici-bas les moyens de son salut face aux forces du mal et des péchés tentateurs
Notes
[1] Ces tropes agrémentés de musiques seront le point de départ de la polyphonie dès le Xème siècle. Tropes a aussi un sens métaphorique. Le Larousse donne en exemple l'emploi de 'voiles' pour 'vaisseaux'.
[2] Citation et pour en savoir plus sur son histoire et ses thèmes Norman Leroux, La Farce du Moyen-âge, https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/1979-v15-n1-2-etudfr1689/036682ar.pdf
[3] La glose, commentaire et explication en marge d’un texte, est apparue avec le scolastique Anselme de Laon (1050-1117) dont la glose sur l’Écriture Sainte fondera une nouvelle didactique en usage tout au long du Moyen-âge.
A un quart de siècle près, les historiens font commencer le Haut Moyen-âge aux alentours de 500 ap.J.-C. Les textes liturgiques étaient scandés, psalmodiés ou chantés. Le plain-chant, monodique, était avant que n’apparaisse la polyphonie, la forme la plus évoluée de la récitation de ces textes en même temps qu’elle est a contrario la forme la plus rudimentaire de l’écriture de musique vocale. Texte et musique en symbiose ne font appel à aucun instrument, aucune ornementation et sont chantés a capella. Les indications écrites originellement au-dessus du texte ne sont pas des notes mais des neumes, des signes de lecture marquant les inflexions, les intonations, la cadence, les mouvements de la voix.
Dès le début du Moyen-âge, l’Église chrétienne se sert pour son répertoire liturgique de ce chant plain, c’est-à-dire plan dans le même sens que de plain-pied, de même niveau. Il est mono-tone, dans un mode fixe (sans modulation). La tonalité du plain-chant contrairement
« à la tonalité de la musique actuelle qui consiste en ce que l’oreille appelle naturellement à la fin d’un morceau une certaine note à l’exclusion de toute autre, la tonalité du plain-chant consiste en ce que la finale y est appelée par l’habitude et non par une préférence naturelle comme dans notre musique » (Dict.Littré, Déf. Plain-chant)
Le plain-chant est aussi appelé chant grégorien le pape Grégoire le Grand (540-604) ayant fait réunifier les anciens chants liturgiques paléochrétiens (Antiquité Tardive) dits romains auxquels sont venus ‘jouter des chants gallicans de l’époque suivante, mérovingienne (5ème>8ème s.).
L’Église éprouvera le besoin d’établir en quelque sorte un canon dans lequel elle pourrait faire entrer les textes liturgiques afin que le répertoire ainsi constitué, et la manière de les chanter pendant les offices soit commun à l’ensemble des régions. Les différents répertoires, milanais (ou ambrosien), gallican, romain, hispanique furent ainsi réunis. À en croire la tradition carolingienne, Grégoire 1er, pape en 590, aurait pris l’initiative de cette compilation (?) et ce répertoire fut à partir de là désigné par Chant grégorien. Cette unification est un fait majeur autant politique que religieux dans l’histoire de la culture européenne car elle romanise la liturgie des Francs, des Carolingiens, des Ibériques.
L’antiphonaire, le livre autoritairement imposé par Rome, contient l’ensemble des chants liturgiques et les antiennes. Il fixe le calendrier et l’organisation des offices. L’établissement de cet antiphonaire est une canonisation des textes liturgiques comme l’a été celle des textes évangéliques. Pépin le Bref et Saint Boniface jouèrent un rôle déterminant.
De là, l’importance que revêt l’organisation liturgique, avec la formation d’écoles dont les membres, religieux et élèves, vivant à l’exemple des moines en communauté autour des cathédrales, sont chargés des chants aux offices et processions ; processions qui instaurent tout un decorum avec litanies et cantilènes, et au cours desquelles il est fait montre de beaucoup d’exaltation.
« Les liturgies sont des liturgies de l’extériorité. Leur objet est de mettre avec force et dilection, les signes propres de la scène sacrée, de composer un espace rempli de personnages, de voix, de vocables, d’images, de figures, d’actions, d’odeurs et de lumière…la cantilène ecclésiastique sera caractérisée par son “expressivité” ».
L’Antiphonaire du Mont-Blandin à Gand est un exemplaire complet et unique de la messe au VIIIème siècle.
Le grand Alcuin (730-804), ami et conseiller de Charlemagne,
est la grande figure culturelle de cette période de la Renaissance Carolingienne. L’empereur le plaça à la tête de l’Académie Palatine. Cénacle réservé aux seigneurs, celle-ci se donnait pour but de faire valoir tout ce qui touchait à la culture. Les enfants de ces mêmes seigneurs étaient instruits à l’École Palatine pour que, leur formation terminée, ils diffusent le savoir au peuple. Le principal disciple d’Alcuin, Amalaire (775-860) tiendra une place importante dans l’évolution du chant liturgique « destiné à retentir, ébranler en mettant en valeurs les virtualités sémantiques, discursives, affectives voire purement phoniques du texte. » (Jean-Yves Hameline, Une Poétique du Rituel, Édit Cerf. 1997).
Pendant toute cette période s’étendant de Grégoire 1er à l’An Mil, l’ars musica évolue lentement mais sûrement. Il passe de la composition responsariale (verset-répons) du mode psalmodique (dit sur une seule note) à la composition antiphonique de l’antienne qui initialement basée sur des types mélodiques préétablis tendra avec une scansion plus ample, au type modal ouvrant à l’ornementation et à une déclamation expressive, à savoir :
A une quart de siècle près, les historiens font commencer le Moyen-âge aux alentours de 500 ap.c. Il faudra attendre trois bon siècles pour que la musique, la musique vocale connaisse une changement radical en passant au IXème siècle de la monodie à une polyphonie qui ira se complexifiant de siècle en siècle.
Dans son expression la plus simple la polyphonie est une forme d’écriture musicale qui utilise plusieurs voix au contraire de la monodie (homophonie) qui ne se sert que d’une seule voix. Mais cette simplicité n’est qu’apparente. Faire chanter plusieurs voix à l’unisson ne constitue pas une polyphonie. Ni même faire chanter des hommes et des femmes ensemble, celles-ci chantant naturellement à l’octave supérieur. Pour que les voix se distinguent entre elles encore faut-il non seulement que leur ligne mélodique mais aussi leur registre et leur rythme diffèrent. Tout le talent des grands polyphonistes consistera à varier, à combiner, à complexifier ces trois éléments.
A la base de l’écriture vocale polyphonique se trouve une voix ferme (continue) correspondant en quelque sorte à la voix monodique du plain-chant (grégorien) , appelée cantus firmus[1] et tenue par un ténor. A cette base vocale, la voix principale, est fait adjonction en contre-chant ( note pour note) ou d’une voix, aux début du moins, plus grave dite voix organale ou qui chante à la quarte (non à l’octave ni à l’unisson); les deux voix progressent sur une même ligne mélodique sur un même rythme non vraiment défini.. Ce couple est appelé ‘organum’ (organum purum ou organum parrallèle) .
Au XIème siècle la voix organale passe au-dessus de la voix principale (le futur soprano.). Les deux voix alors dites en déchant n’obéiront plus à la même ligne mélodique mais progresseront de façon autonome bien que tenant compte l’une de l’autre en fausses lignes parrallèlles qui jouent à se rapprocher et à s’éloigner l’une de l’autre, le contrepoint sera né. Le conduit se distingue du déchant et de l’orgum par le fait que sa musique comme son texte son originaux et non pas tirés du traditionnel répertoire du plain-chant et aussi par leur intention morale de dire la bonne conduite à suivre. L’École de Notre-Dame (de paris) au XII ème siècle fera grand usage du Conduit. L’on peut encore parler d’une certaine manière homophonie pour ces différents modes d’écritures vocales puisque l’ordonance note pour note et identité rythmique sont respectés, d’une homophonie évoluée. L’organum fleuri ou mélismatique ( grec melos pour mélodie) avec l’École de Notre Dame (1170-1250) ,donnera plus liberté à la voix ou aux voix organales du dessus. La stricte observance de note par note sera rompue puisqu’à la note-syllabe du ténor (vox principalis), la voix superieure (duplum) ou les voix supérérieures (triplum, quadruplum) répondront par une ornementation vocale de plusieurs notes ou plus exactement neumes ; de plus les écarts de voix ne seront plus uniquement à la quarte mais apparaissent la tierce et la sixte. Plus tard, des musiciens de la fin du moyen-âge et du début de la Renaissance comme Jean Ockeghem (1420-1497) et Josquin des Prés (1440-1521) continueront à faire grand usage de du contrepoint ornementé.
Bien évidemment, la polyphonie naissante ne se limitera pas à deux voix mais au contraire superposera plusieurs voix. Ces voix n’entreront pas toutes en mêmes temps dans le chant. Chaque entrée constituera un canon. L’étape suivante sera l’indépendance rythmique des lignes entre elles.Mais il est à rappeler qu’à l’époque le signe musical n’a pas de valeur rythmique. La partie rythme n’est pas écrite. Ce sera au 13ème siècle, l’apport de l’Ars Antiqua, la première véritable école polyphonique en Europe, suivie d’autres écoles comme l’Ars Nova et l’École Polyphonique Franco-Flamande. L’écriture polyphonique trouvera son apogée à la Renaissance et encore se maintiendra-t-elle dans tout l’âge baroque par l’écriture cuntrapunctique de compositions instrumentales telles que les fugues de Bach. Mozart ira dans sa jeunesse en Italie perfectionner son contrepoint auprès du célèbre Martini et l’infiltrera dans certaines de ses compositions (Symphonie 41 « Jupiter », Messe en ut mineur
Notes
[1] A la Renaissance, un court chant resté très célèbre, auquel les historiens lui attribuent des origines diverses, « l’homme armé », servit de cantus firmus à de très nombreux musiciens comme Josquin des près, Pierre de la Rue, Palestrina pour écrire leur compositions polyphonique.
Style Campoinesi - Weicher Still - Zackenstill - Ribbon Style
Le Style Campionesi est apparu au 12ème siècle dans l'esprit des architectes et sous la main des sculpteurs de Campionne di Lugano, ville située dans l'Italie du Nord . Il se répandra en Lombardie, en Toscane, à Bergame, Modène, Milan, Vérone…Et se prolongera jusqu'au 14ème siècle. Il se caractérise par une tendance à la massivité.
Bonino da Campione, actif de 1357 à 1397 est le plus célèbre représentant de ce style. En 1363, il exécute le tombeau de Bernardo Visconti à Milan et en 1370-76, à Vérone, le tombeau de l'homme politique Cansignorio della Scala.
Style Doux : désignation du Gothique International Outre-Rhin.
Style Déchiqueté : Très tôt, au cours du 13ème siècle, en Saxe et en Thuringe, se développera dans le domaine de l’enluminure, un style gothique caractérisé par des formes en zig-zag, des lignes cassées donnant une impresion de haché, de déchiqueté, d’où son nom Zackenstil (Syle déchiqueté), qui s’inspire du drapé byzantin. Son plus bel exemple est la splendide décoration de L’Évengéliaire de Mayence (1250). Ce style se répandra rapidement dans les ateliers de peinture de Rhénanie et de Franconie où il se laissera influencé par la sculpture et verra ainsi ses formes tendre vers plus de plasticité. Il ne s’étendra pas au-delà l’Autriche, de la Suisse et de la Bohème.
« Type de décor de l’orfèvrerie anglo-saxonne du haut moyen-âge qui consiste en réseaux de rubans entrelacés ou torsadés ». J.HUBERT in L’Europe des Invasion Édit. Gallimard 1967
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