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Le terme de Moyen-âge apparaîtra en Italie à la fin du XVème siècle pour désigner un temps qui, pour ses inventeurs, est bien révolu. Pour en marquer nettement la rupture, ils parlent de leur époque, celle de la Renaissance, comme étant les ‘Temps Modernes’ ou la ‘Période Moderne’. La ‘Période Contemporaine’ se rapportant à une période actuelle ou du proche passé.
L’An Mil, terrifique pour les millénaristes qui y attendaient la fin du Monde et non d’un monde, ouvre cette nouvelle période de la civilisation occidentale que les historiens appelèrent d’abord le Bas Moyen-âge, la séparant de la précédente devenue le lointain et Haut Moyen-âge, pour ensuite la diviser en une première période dite classique des XIème, XIIème et XIIème siècles, et une seconde à laquelle ils réserveront le qualificatif de Bas Moyen-âge ou Moyen-âge tardif avec ce que cela peut laisser entendre de décadence.
Le Bas Moyen-âge, tel qu’il sera entendu en ces pages, est marqué à son début par la séparation des Églises chrétiennes d’Occident et d’Orient en 1054, et marqué à sa fin par la prise de Constantinople en 1452 par les Ottomans ; une chute de l’Empire Byzantin perçue comme une catastrophe géopolitique par l’Occident.
Pour innovateur qu’il soit en son tournant historique, ce nouvel âge, reste néanmoins profondément reliée à un passé sur lequel reposent ses fondements chrétiens. Son attachement demeure fort avec bien sûr le paléochristianisme mais aussi avec la pensée grecque dans laquelle la chrétienté, dès ses origines, a puisé ses concepts. Le christianisme de Porphyre, de Saint Augustin, de Boèce a fait traverser le Haut Moyen-âge à Platon, Plotin et peu ou prou à Aristote. Si le néoplatonisme va continuer de nourrir sa doctrine, l’aristotélisme va l’alimenter, venu pour bonne partie de l’aire musulmane qui s’étend de l’Ouzbékistan d’Avicenne à l’Andalousie d’Averroès.
Classiques, les XIème, XIIème et XIIème siècles le sont, si l’on entend par là qu’ils inventent et stabilisent des formes, des valeurs, des mœurs nouvelles, instauratrices d’une culture inédite. Au centre de cette période fondatrice se trouve le XIIème, siècle porteur d’une Renaissance Culturelle, Renaissance Courtoise, tout aussi remarquable que la Renaissance Carolingienne qui au XIème siècle l’a précédée, et que la Renaissance Humaniste du XVème siècle, qui d’une certaine manière l’a par la veine platonicienne prolongée.
Classique, ces trois siècles le sont aussi parce qu’ils ont fait entrer dans l’imaginaire collectif, la représentation traditionnelle du Moyen-âge : le temps des cathédrales et des troubadours, de l’asservissement et de la famine, de la féodalité et des robins des bois, des mystiques visionnaires et des hérétiques portés au bûcher.
Deux images fortes imprègnent cet imaginaire commun dans sa plongée dans le Moyen-âge : Le chevalier et le serf. Ces deux figures cristalliseraient à elles seules mille ans d’histoire, de 500 à 1500, de la chute de l’Empire Romain d’Occident à la Florence des Médicis, de Saint Augustin à Érasme, avec pour césure l’An Mil.
Si en cette période classique, la figure emblématique du chevalier y fait son apparition dans les premiers poèmes d’Amour Courtois chantés par les premiers troubadours, nobles à l’origine, la chevalerie, elle, est apparue au IXème siècle par une promulgation du Roi Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne; Quant au servage, déjà en voie de disparition dès le XIème siècle, il sera remplacé progressivement par le travail volontaire du paysan qui « offre librement son travail en échange de garanties assurant des moyens élémentaires d’existence (mise en place de marchés agricoles, service du moulin banal, de la dîme utilisée comme instrument de redistribution et d’assistance). » (Mathieu Arnoux in Le Temps des Laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe, XIe-XIVe siècle, Albin Michel, 2012, 378 p. (cité par Wikipédia in Article Société d'Ancien Régime)
Classique aussi cette période parce que les genres poétiques, Chansons de Geste et Amour Courtois, les arts, Roman et Gothique, y naissent et y atteignent leur pleine maturité, parce que les musiciens fondent leurs premières écoles et leurs premiers répertoires, les philosophes-théologiens leurs universités.
« Un temps de crises et de maladies en Europe[1]. »Un siècle de crise, de confusion qui aura jeté un trouble profond dans les esprits. Un siècle que la Grand Peste, le Grand Schisme et la La Guerre de Cent Ans portent à sa fin.
L’effondrement démographique provoqué par l’épidémie ne fait qu’aggraver le déclin économique dont il est frappé. Mais cette endémie qui cause des dizaines de millions de morts, vécue comme un châtiment divin en punition d’une vie de péchés va susciter un bouleversement des mentalités et amorcer un regain économique basé sur de nouvelles structures qui porteront tous leurs fruits au siècle suivant.
Les prémices de la Réforme se font sentir dans les Royaume Tchèque et en Anglais. Et si la scolastique brille de ses derniers feux, la mystique médiévale continue d’alimenter en profondeur la vie de l’esprit avec un Ruysbroeck l’Admirable ou une Catherine de Sienne. L’art gothique finissant arrive encore à délivrer et pour la première fois un art international qui unifie les régionalismes en un goût, une manière uniques. La poésie donne au monde trois de ses plus grands poètes, trois grands amis, Dante, Pétrarque et Boccace.
Au XVème le Concile de Constance (1417) clôt un schisme qui durait depuis quelque quarante ans. Le nouveau pape Martin V débute l’ère du grand mécénat en appelant artistes et musiciens pour redonner aux fidèles une image confiante et rayonnante de l’Église. Alors que s’achève en 1453 la Guerre de Cent Ans, le petit schisme de Bâle, n’arrange pas les affaires d’une papauté qui craint de plus en plus les évêques.
Florence fait entrée l’Europe dans sa troisième Renaissance. avec ses architectes et ses peintres qui tournent le dos aux arts anciens et ses intellectuels qui se plongent dans l’Antiquité. En Flandres, les artistes vont bénéficier des commandes de la bourgeoisie prospère des villes drapières comme à Bruges où le Duc de Bourgogne, Philippe III le Bon, installe sa capitale. La nouvelle technique à l’huile révolution la peinture européenne. Les derniers scolastiques continuent d’animer et de provoquer des disputes mais alors non plus tant entre eux qu’avec ces nouveaux penseurs humanistes qui vont puiser dans les fonds de l’Antiquité grecque et romaine.
Siècle de nouvelles explorations des idées et des valeurs avec une pensée érasmienne qui commence à se diffuser dans tout l’Europe, le XVème siècle est celui aussi du début des grandes explorations maritimes, des grands voyages vers le nouveau monde. Avec eux, s’ouvrent de nouvelles voies maritimes, de nouveaux horizons pour le négoce… et l’implantation de la vraie foi. Ils se poursuivront jusqu’au XVIIIème siècle avec un but scientifique de plus en plus marqué.
Les galions ne vont pas tarder à débarquer leur or dans les ports ibériques. Les cités-états d’Italie et les villes drapières du Nord vont être plus que jamais florissantes. Les pouvoirs royaux font s’affirmer.
La féodalité apparaît peu avant l’An Mil. A la fin du Xème siècle, un événement majeur se produit qui va impacter toute l’histoire de France, l’élection en 987 d’Hugues Capet, roi des Francs. Acte fondateur de la France par la fondation d’une dynastie, qui va régner par branches généalogiques jusqu’à la décapitation de Louis XVI et même au-delà. Événement majeur pour l’Europe aussi puisque les prétendants aux trônes de France ou de pays voisins se réclameront de cette lignée, entraînant des conflits de successions comme ce fut le cas pour la Guerre de Cents ou le sera pour la Guerre d’Espagne sous Louis XIV.
La royauté capétienne instaure un pouvoir central mais non absolutiste -la monarchie absolue n’émergeant qu’à la fin du Moyen-âge - qui a toujours besoin d’un jeu d’alliances avec de grandes familles de l’aristocratie ; Ducs et Comtes, par ailleurs toujours prêts à remettre en cause l’autorité royale, formeront toujours un conseil avec lequel le roi devra compter. Le temps faisant, l’instauration d’un droit coutumier de fait et les avis de ce conseil devenus indispensables aux décisions royales finiront par d’avis devenir des règles (canons) puis enfin des lois quand ce conseil sera transformé en un véritable parlement élu comme celui d’Angleterre au XIVème siècle.
Le morcellement de l’empire carolingien et la dissolution du pouvoir central qu’elle entraîne favorisent les revendications territoriales aussi bien au plus haut de la descendance de Charles le Grand qu’au niveau inférieur des seigneuries et des fiefs. Alliances et dissidences font à nouveau le jeu de la politique. Le pouvoir royal doit appuyer son autorité sur une noblesse des ducs, comtes et barons, chefs territoriaux, mais en même temps s’en assurer la fidélité. Entre pouvoir royal et aristocratie se créer alors une combinaison d’allégeance, de services et de devoirs, qui va se répercuter du roi au seigneur et du seigneur au vassal. Ainsi, à la fin du Xème siècle, se met en place un nouvel ordre social, la féodalité, qui progressivement va se structurer. Les seigneurs dans leur seigneurie et leurs vassaux dans leur fief respectif. Au bas de l’échelle de cette hiérarchie bien établie, le chevalier devient le « bras armé » de l’église qui lui donne mission sainte et charitable[2]. La société se répartit alors en trois classes; les orants (moines), les guerriers (aristocratie et chevalerie), les travailleurs (le peuple). Ce nouvel ordre social apparaît dans une société où règnent encore l’insécurité et la violence, bien que les invasions barbares ont été catégoriquement repoussées ou stabilisées (les normands s’installent définitivement en Normandie en 911). Les barbares sont les Slaves venus d’Europe de l’Est et au-delà, les Goths venus de Germanie, les Normands de Scandinavie, les Prusse et les Borusses (Sudoviens, Galindiens) de la Baltique.
Au plan politique, c’est une même ligne directrice à la fois politique et religieuse qui trace l’histoire du Bas Moyen-âge: l’affrontement constant entre les acteurs politiques et religieux pour la prise du pouvoir qu’il soit temporel ou spirituel. La distinction entre un pouvoir qui ne serait que temporel et un autre qui ne serait que religieux ne peut être clairement établie étant donné que d’un côté l’empereur et le roi ont une mission sacrée et que de l’autre, l’Église ne saurait ne pas être partie prenante dans la vie sociale et politique des fidèles[3].
Le Bas Moyen-âge débute en l’An Mil par un de ces moments critiques de l’antagonisme entre le temporel et le spirituel : la Querelle des Investitures au travers de laquelle la papauté dispute à l’Empereur du Saint Empire et au Roi de France, les nominations des prélats. Il va se terminant sur des antagonismes politiques dont c’est la papauté cette fois-ci qui sert d’enjeu. Le Grand Schisme, commencé quelque quarante ans plus tôt, était né de l’élection d’un pape ayant les faveurs de l’empereur germanique, et à l’instigation du roi de France, Charles V, celle d’un antipape. L’accord trouvé au Concile de Constance en 1417 marquera au moins pour un temps la fin du conflit entre la papauté et les pouvoirs politiques. Entre ces deux événements majeurs, la guerre entre les Guelfes papistes et les Gibelins pro-empereurs de Germanie, du XIIème au XIVème siècle aura jalonné toute la période. Le règne de Philippe le Bel (1268-1314), le « tombeur » de Jacques de Molay, aura été lui particulièrement imprégné de son affrontement avec le pape Boniface VIII.
Un autre affrontement, moral celui-là, oppose laïcs et moines intransigeants à un clergé attachés aux biens et aux jouissances mondaines. D’une part, les moines réformateurs dans un souci de retour à une vie plus proche de l’humilité et de la pauvreté évangéliques, contestent le mode de vie des évêques et des abbés. Ce qui sera l’objet de la fondation de nouveaux ordres monastiques dont Cîteaux au début du XIIème siècle. Déjà, Cluny I au Xème siècle avait été fondé à partir d’une volonté réformatrice.
D’autre part, les fidèles, retour des croisades s’indignent déjà de la richesse des monastères. L’aspiration à la vie spirituelle, dont le moine est le symbole et sa vie la consécration, porte à la dénonciation d’une corruption des mœurs généralisée à tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, du prélat au clerc en passant par le prêtre de paroisse. Les ordres mendiants fondés par St François et Saint Dominique auront chacun une expansion vertigineuse avec la création en quelques décennies dans toute l’Europe de centaines de filles de l’abbaye- mère.
Un besoin de justice, d’égalité devant le droit, et de sécurité se fait jour. Les Mouvements de La Paix (Voir Introduction An Mil), d’origine populaire, repris en main par l’Église joueront un rôle conséquent dans l’organisation de la nouvelle société. A l’origine, sorte de cours de justice informelle et publique qui se chargent de régler les affaires locales, elles en viendront à jouer un rôle législateur avec l’établissement de règles (canons) et de sanctions afférentes pour ceux qui en contreviendraient.
Les grandes abbayes sont détentrices d’un pouvoir spirituel et
moral, d’un pouvoir politique de par leur influence et la forte personnalité de certains de leurs abbés, d’un pouvoir économique de par leur puissance financière parfois considérable. Elles peuvent aller jusqu’à ne plus dépendre avec l’accord de la papauté du pouvoir royal ou impérial et former comme nous dirions de nos jours un état dans l’état, rayonnant dans tout le territoire avec leurs nombreuses filles fonctionnant comme les filiales d’une société mère. On peut avoir quelque difficulté à imaginer le rôle et le pouvoir d’une Abbaye comme celles de Cluny I, II et III ou plus ancienne de Corbie, achetant une ‘filiale’ en Germanie.
Les abbayes sont aussi des centres culturels. Elles possèdent tout à la fois des écoles qui, dirigées par des écolâtres, forment maîtres et bacheliers, et des scriptorium, véritables ateliers artisanaux où sont fabriqués les manuscrits enluminés diffusés dans toute l’Europe. Les moines de ces foyers de culture acquièrent grande réputation pour leurs sciences et leur savoir inégalés.
Au IXème siècle, le premier de ces monastères à connaître un tel rayonnement est l’Abbaye Saint Géraud d’Aurillac (Cantal) fondée en 894 d’où émerge la grande figure de Gerbert d’Aurillac (945/50- 1003), pour jouer un rôle important dans l’élection d’Hugues Capet avant de devenir pape sous le nom de Sylvestre II en 999. Les grandes écoles rattachées à une Cathédrale constituent les Studio Generale qui délivrent un enseignement large dans ses matières et ouverts aux escholiers de tous horizons, géographique et social. Au XIIIème siècle, les écoles seront regroupées administrativement en Université. La première sera celle de Paris en créant en 1200 son universitas (corporation d’enseignants).
L’idéal de vie de cette société nouvelle, profondément religieuse, est la vie monacale. Un élan de ferveur spirituelle porte dès l’An Mil à la vie monastique. Aux XIIème et XIIIème siècles, nombre d’hommes abandonnent femme et enfants pour se retirer dans une petite ou grande communauté de frères, en un lieu isolé, loin du monde, plus près de Dieu. La fondation de très nombreux monastères sera à l’origine d’un essor économique du au développement de nouvelles terres devenues cultivables par le défrichement intense effectué par les moines autour de leur monastère[4].
Les monastères - abbayes quand ils sont dirigés par un Abbé, moine élu par ses frères- n’auront de cesse de prospérer. Pour les plus importants, en indépendance du pouvoir royal, ils vont devenir de grandes entreprises rentables avec leurs filles comme succursales. Ils seront à la fois les lieux du relâchement des mœurs monastiques au profit du bien vivre et les lieux d’où partent les réformateurs pour fonder de nouveaux monastères pour une vie plus conforme à la règle.
Si ces monastères sont bâtis en pierres alors qu’en ce XIème siècle, les châteaux-forts ne sont encore que des tours en bois. Tours en bois qui attendront un siècle voire deux pour être entourées de murs d’enceinte en pierre (courtines et tourelles) et constituer les fameux donjons des châteaux-forts, derniers remparts contre l’envahisseur mais aussi lieu de vie du seigneur, chaque pièce du donjon ayant sa fonction, telles celle des gardes ou celle pour le repas où l’on dresse la table sur des tréteaux.
Plus représentatif de l’évolution de l’architecture militaire que la tour défensive devenue donjon du Château de Vincennes à l’Est de Paris est son pendant à l’Ouest, le Louvre. A l’origine simple tour érigée pour protéger la capitale des invasions normandes qui suivaient le cours de la Seine, il s’agrandit en château-fort sous Philippe Auguste (1165-1223) qui fortifie Paris contre les Anglais. Puis à la faveur d’une architecture nouvelle venue d’Italie, François 1er. le transforme en palais royal. Après avoir traversé toutes les vicissitudes de l’histoire et s’être modelé aux évolutions artistiques, dépossédé de sa fonction royale, il sera devenu à l’époque contemporaine, un musée autant de son histoire que de celle des arts.
Les croisades qui se dérouleront par intermittences mais pendant deux siècles (1096-1270-91) sont révélatrices de ce monde en ébullition en lequel les pouvoirs se conjuguent et s’opposent. L’enjeu de ces expéditions en Terre Sainte, autant bellicistes que processionnelles, fut tout à la fois au plan politique et religieux une volonté d’affirmation des pouvoirs ; le pouvoir temporel s’affirmant dans une conquête territoriale au nom de la foi, la papauté, en en appelant à la ferveur religieuse du peuple et à l’ardeur combattante de son bras armé, ses ordres de chevalerie, s’affirmant comme une incontournable force politique.
Mais moments aussi d’union sacrée où toutes les catégories sociales y trouveront leur compte. Les papes, enjambant le pouvoir politique convoqueront les fidèles pour se rendre la Terre Sainte; les rois et les nobles y trouveront honneur et salut de leur âme voire sainteté; les ordres chevaliers y trouveront puissance et gloire, et le manant avec toute sa famille, à pied et en hardes, suivant vaillamment un Pierre l’Hermite exalté, offrira sa vie à tous les périls de la route de Jérusalem non pour sa gloire ni pour son salut, mais pour préserver le saint des saints.
La Terre Sainte définitivement perdue à la fin du XIIIème siècle, le pèlerinage à Jérusalem, un des trois grands avec Rome et St Jacques de Compostelle se subsituera aux croisades. L’enjeu enjeu financier sera d’importance. Monaiyant largement leur services, des ‘tours operators’ prendront en charge le pèlerin pour le mener par de véritables circuits organisés, bateaux, auberges, assistance, protection, jusqu’à la Terre Promise, à l’exemple de la mystique Christiane de Suède.
La spiritualité au Moyen-âge reste l’affaire de tous et de chacun.
Le plus humble des fidèles la vit ardemment. Comme l’a écrit le médiéviste A. Vauchez, pour le paysan, le bourgeois ou le clerc, la vie, ici-bas, est un pèlerinage qui mène ultimement au ciel. Menant une vie séculière ou régulière, des femmes et des hommes ont tracé ces voies de pèlerinages intérieurs vers Dieu, donnant naissance à la mystique occidentale. Parmi eux, Hildegarde de Bingen (1098-1179), versée dans les simples, musicienne et écrivaine; Bernard de Clairvaux (1090-1153), homme du siècle autant que de la règle dont l’influence fut immense auprès des pouvoirs tant temporels que spirituels; Ruysbroeck dit l’Admirable (1293-1381) à la jonction critique de la mystique rhénane et de la Devotio Moderna; L’engagée Catherine de Sienne (1347-1380); Les béguines, inspiratrices de la mystique spéculative rhénane d’un Maître Eckart (1260-1328) dont la poétesse Hadewijch d’Anvers († vers 1260) et la digne et courageuse Marguerite Porète (1250-1310) sont des plus illustres. Écrit par un moine qui tint à rester anonyme, le Nuage d’Inconnaissance qui commença à se répandre dans le premier quart du XIVème siècle continue de nos jours encore de traverser les siècles.
Le vulgum pecus contemporain se gausse volontiers encore de ces philosophes d’un Moyen-âge obscur qui disputaient sur la question de la sexualité des anges[5], pour lui emblématique d’une pensée égaré dans les méandres de l’irrationnel et du superfétatoire. “Discuter sur le sexe des“ est devenu synonyme de mener une discussion superflue, sans fin, une discussion byzantine. Autrement dit, philosophes et théologiens du Moyen-âge n’auraient rien fait d’autre que d’ergoter sur des questions oiseuses.
Mais en effet, la question de la sexualité des anges fut abordée par les théologiens byzantins. En 1355, en un moment où effectivement des considérations plus terre-à-terre auraient pu prévaloir, l’Histoire frappant à la porte de l’Empire d’Orient, les turcs Ottomans se tenaient à celle de sa capitale, Constantinople. La question était-elle de savoir si les anges avaient un sexe ou non (les trois religions du Livre ont fini par trancher (!) la … question)? Portait-elle sur la nature de leur sexe? Ou sur la nature de leur sexualité? « La seule évocation explicite de l’union sexuelle des anges se trouve dans le livre de la Genèse (Gn 6,1-4)… l’exégèse rabbinique l’a interprétée comme la compromission non d’êtres célestes mais de la descendance de Seth, fidèle à Dieu avec la lignée de Caïn. Cette thèse est reprise au XIIIème siècle par St Thomas d’Aquin[6] ». L’Ange dans les traditions du Livre comme dans les traditions antérieures (Mésopotamie) est un être ailé, c’est-à-dire un messager du divin; Il vit entre ciel et terre. Cette position-nature intermédiaire d’être créé-non-créé peut très bien renvoyer à la question de la double nature du Christ ou à ses deux natures, qui fut à l’origine de biens des courants paléochrétiens devenus par Rome hérétiques. A entendre la sexualité comme reliant l’ontogenèse à la phylogenèse, ancrée à notre animalité et donc à nos profonds instincts, fonction reproductrice de l’espèce donc de pérennité de l’incarnation, la question de la sexualité des anges poserait la question du degré d’incarnation des anges, autrement dit du lien entre l’humain et le divin, et de manière plus extensive celui du tangible et de l’intangible de la Création. Question qu’en d’autres termes non chrétiens, d’autres doctrines posent en termes de stases (tattvas) du manifesté - non manifesté.
Non moins déterminants furent les courants hérétiques albigeoises cathares, vaudois, arnaldistes et panthéistes qui ont laissé des traces profondes et dont des survivances se manifestent encore de nos jours. Le pouvoir royal les a massacrés et brûlés[7]. La papauté a allumé un contre feu à leur « feu ardent »[8] en favorisant la création d’ordres nouveaux, ceux notamment mendiants de Saint François d’Assise (1186-1226), l’Ordre des Frères Mineurs et de Saint Dominique (1170-1221), l’Ordre des Frères Prêcheurs.
Au Bas Moyen-âge, la pensée reste tournée vers Dieu, mais elle commence à se tourner aussi vers l’homme dans ses rapports au divin, dans ses rapports également au monde, rapports que la scolastique va élaborer notamment par une remise en cause de la noétique traditionnelle augustinienne. Le christianisme a parfaitement et dès ses débuts digéré la pensée grecque et a fait siennes ses notions. Saint Augustin, Boèce et avant eux Proclus et Porphyre ont joué en cela un rôle majeur, sans oublier les Pères de l’Église, Grégoire de Nysse et Grégoire de Palamas, qui transmettront la veine néoplatonicienne à l’orthodoxie orientale.
La Pensée musulmane, fortement imprégnée de la philosophie aristotélicienne (telle qu’elle l’a comprise), représentée notamment par Averroès (Ibn Roshd 1126-1198), Avicenne (Ibn Sînâ 980-1037), Al Ghazâlî (1058-1111) infiltre, notamment à l’occasion de l’ouverture des bibliothèques andalouses, l’élaboration d’une weltanschauung de l’homme occidental chrétien. Les XIIème et XIIIème siècles verront la rencontre de la pensée chrétienne et de la pensée musulmane autour de la grande figure emblématique d’Aristote (384-322), soit au travers des traductions directes des textes grecs du Stagirite via la Sicile, soit par le biais des traductions déjà faites en arabe via la péninsule ibérique.[9]
Des Abbayes comme celle du Mont Saint Michel seront de véritables maisons d’édition des manuscrits enluminés qu’elles diffuseront dans toutes l’Europe. Pour autant que ni Platon ni Proclus ne soient oubliés. Bien au contraire, l’apophatisme d’un Pseudo-Denys l’Aréopagite sera au cœur de la Mystique Rhénane. Quant à la tradition platonicienne conservée vivante dans les écoles de St Victor de Paris avec Guillaume de Champeaux et de Chartres avec entre autres Gilbert de la Porrée, elle sera au cœur des Questionnes et autres Quodlibeta, ces débats houleux et passionnés qui animent toute la vie intellectuelle des universités. J. Duns Scot interrompant son cours magistral demande à un auditeur « De quelle partie est le Seigneur? ». Celui qui, négligemment vêtu, lui répond : « Il n’est pas une partie mais le Tout. » n’est autre que Raymond Lulle. Maître Eckart débat, lui, publiquement avec le maître de Duns Scott, Gonzalvès d’Espagne, sur les notions de volonté et d’intellect dans une grande controverse qui opposa constamment franciscains et dominicains sur la primauté ou du bien (la volonté) ou du vrai (l’intelligence).
Tout au long du Moyen-âge, la confrontation sera en effet vive entre la théologie héritière de Saint Augustin, de Porphyre et des Pères de l’Église et la philosophie née dès l’An Mil en Occident avec la scolastique. Elles sont enseignées l’une et l’autre par des théologiens aussi philosophes et des scolastiques souvent mystiques. Les maîtres qui occupent les chaires de théologie (et de fait de philosophie) sont franciscains et dominicains. Ils peuvent enseigner à Paris aussi bien qu’à Oxford ou encore s’ils sont dominicains au Studio Generale de Cologne.
C’est à partir de ce plan de l’enseignement universitaire que les répercussions culturelles se feront des plus profondes car ce que professeront les maitres franciscains et leurs adversaires théologiques dominicains ne concernera pas seulement le fidèle, proche d’un ordre ou l’autre, mais fournira les bases et les points de réflexion de la culture européenne à venir nonobstant la Renaissance Humaniste.
Parmi les plus réputés, Saint Anselme de Canterbury (1033-1119), Guillaume de Champeaux (1070-1121), Pierre Lombard (1100-1160), Alexandre de Halès (ou Haleys, 1175/80-1245), Saint Bonaventure (1221-1274), Guillaume d’Ockham (ou d’Occam (ca. 1285 - ca1347) ou encore Albert le Grand (1193/1205-1280), Saint Thomas d’Aquin (1224-1274). Il y a des indépendants, des électrons libres et contestataires comme Pierre Abélard (ou Abailard, 1079-1142), Ramón Lull (ou Raymond Lulle, 1232-1315/16).
Théologiens et philosophes, augustiniens et thomistes s’affrontent. Les querelles intestines sont pérennes comme la Querelles des Universaux au cœur de laquelle est posée la question, à l’époque en termes chrétiens, de l’intervention divine dans la connaissance que l’homme a de lui-même et du monde, et qui se poserait aujourd’hui en termes de transcendance de l’homme dans et par la connaissance.
La scolastique aura développé des thèmes nouveaux, donné naissance à des concepts aujourd’hui toujours d’actualité. Des philosophes modernes comme Schopenhauer, Spinoza ou Hegel ne l’ont pas ignorée et Martin Heidegger consacrera sa thèse de doctorat à Duns Scott (1266-1308). La philosophie n’aura eu cesse d’invoquer le maître des maîtres, Aristote, de prôner la raison et l’approche de la Connaissance par le sensible en opposition à une connaissance « illuminative » hérité du platonicien Saint Augustin. Elle finira par triompher de la théologie avec le thomisme une fois devenu doctrine officielle de l’Église.
Dans le domaine des arts, qui dit Moyen-âge dit tout aussitôt cathédrale. Le Moyen-âge serait d’abord et avant tout le temps des cathédrales, celles gothiques toujours plus hautes et toujours plus lumineuses, toujours plus près du ciel et plus près de Dieu, fruit de la science accomplie des maîtres bâtisseurs (sauf quand elle s’effondre comme à Beauvais). Il est vrai que l’Art Gothique en ses évolutions couvre quasiment tout le Bas Moyen-âge même si avant l’Abbaye de Saint Denis on veut le faire commencer au Portail Ouest de Chartres et le faire s’achever bien après le retour à l’antique, continuant pour longtemps de perdurer dans des constructions civiles ou sacrées au fond des provinces où les bâtisseurs et artistes exerçaient encore un art à l’ancienne.
Comparativement, l’Art Roman, qui s’ouvre au tournant du millénaire, n’aura duré lui que quelque 150 ans. Mais son architecture que l’on veut plus fonctionnelle qu’esthétisante, plus austère que sobre a développé une grammaire puissante, ingénieuse, inventive en ses variantes, jouant sur la matière et la couleur autant que sur les volumes. Les maîtres bâtisseurs romans qui n’ont oublié ni les leçons romaines du voûtement ni ignoré localement l’inspiration grecque ont
mis à la disposition de leurs successeurs gothiques toutes les techniques nécessaires à l’élévation.
Les maçons lombards pérégrinant de père en fils en Catalogne ou portant leur savoir en Germanie sont restés anonymes. La période romane aura été celle de l’anonymat à quelque rares exceptions près, encore que la désignation, alors, n’aura jamais été que celle de “maître de“ soit du nom de l’œuvre soit du nom du lieu où celui qui possédait le savoir-faire aura livré et enseigné son art, tel le Maître de Cabestany, village des Pyrénées. A moins que, de façon encore plus exceptionnelle voire énigmatique, l’artisan non encore artiste ne se signala sur la pierre comme le fit à Autun le sculpteur Gislebert.
L’Art Gothique sera en son temps désigné comme l’Art Français car c’est en France, dans l’Ile de France actuelle, île délimitée par la Seine, l’Oise et la Marne, que les fondamentaux de la construction gothique commencent à être systématiquement et uniquement employés: arc brisé, croisée d’ogive et arc-boutant. A la période gothique, architectes, sculpteurs et peintres seront nommément connus. A l’œuvre sortie de la main de l’Homme succède l’œuvre sortie de la main d’un homme. La progression sera sûre. En passant par l’individualisme naît à la Renaissance, on en viendra au cours de la période 'surindividualisante' du Romantisme à la notion de « génie ». Quelque décennies encore est « Dieu sera mort ».
Les bâtisseurs gothiques, qui n’étaient en rien des Goths, n’auront eu qu’à ouvrir le livre de l’architecte roman pour y trouver la voûtes à nervures (lombarde ?), l’arc brisé déjà multiple en ses formes (fort probablement anglo-normand à l’origine), et l’arc boutant, déjà utilisé à l’intérieur dans les bas-côtés. La Croisée d’ogive parfaitement maîtrisée, l’arc doubleau dont la poussée ascensionnelle est inverse de celle du plein cintre, une fois brisé, et l’arc-boutant adossé à sa culée, visible comme les structures architectoniques de certaines architectures modernes vont permettre aux architectes-maîtres-d’œuvre d’élever toujours plus haut leurs cathédrales dont les flèches seront le symbole de l’ascension céleste, ce qui de l’homme touche à Dieu.
Ces trois indissociables éléments permettront d’évider les murs pour faire entrer comme une fin en soit la lumière. La reconstruction de la nécropole royale de Saint Denis au XIIème siècle par l’Abbé Suger, chef de file des Esthéticiens, sera plus une révolution des esprits qu’une révolution architecturale. Là où la pénombre favorisait le recueillement, la fastueuse lumière met en évidence le cérémonial et l’assemblée. Tout bien considéré, l’architecture gothique ne pourrait être qu’un prolongement de la romane. Faute d’avoir inventé un langage nouveau, elle aura parfaitement maîtrisé celui qu’elle a reçu en héritage dans des choix sélectifs qui lui donneront son originalité, et, maîtrise accomplie, aura développé en un discours de plus en plus alambiqué une architecture décorative Si comme on l’a dit la flèche gothique est un appel lancé à Dieu, le voûtement roman occupe la présence divine. L’espace roman est un espace propice à l’intériorisation du fidèle, l’espace gothique semble plus approprié à une liturgie en représentation[10].
La grande nouveauté apportée par l’Art Roman est que pour la première fois les arts techniques se hissent aux rangs des Arts Libéraux (les enseignements délivrés par les écoles et universités). Bien qu’elle reste encore un art tributaire de l’architecture, la sculpture romane découvre dès le Xème siècle un champ nouveau d’expression dans le travail de la pierre. Elle se fait narrative sur les chapiteaux historiés, symbolique avec ses animaux ailés ou à double corps, fantasmagorique comme sur un des portails de Saint Jacques de Compostelle représentant une étonnante Tentation du Christ, particulièrement expressive par les personnages du Maitre de Cabestany ou encore profane dans les scènes de vie de la Cathédrale d’Autun.
Moins expressive que la sculpture romane, la tendance constante de la sculpture gothique est néanmoins une avancée vers le naturalisme. L’École de Bourgogne du XIVème siècle marque une étape déterminante en ce sens. Elle ne se dispense pas d’une certaine évocation sensible. L’ange se fait humain. S’il est souriant à Reims, il est pleurant à Abbeville. Le déhanchement caractéristique des Vierges à l’Enfant du XVème siècle dénote une certaine lascivité. Les Belles Madones du Spätergotik ont un air doux et réveur. Plus soucieuse d’une certaine ‘harmonie’ des proportions, s’appliquant aux effets esthétiques comme les drapés, elle s’efforcera de ne plus être un simple supplément à la fois ornemental et didactique de l’architecture pour valoir par elle-même.
Les Arts dits Mineurs touchent aux formes d’expressions artistiques qui ne sont ni la peinture ni la sculpture ni l’architecture, à savoir
la céramique, la ferronnerie, l’orfèvrerie, la tapisserie. Le travail de l’ivoire est considéré comme un art mineur bien que relevant de la sculpture et/ou gravure. Leur fonction étant essentiellement décoratives, on les désigne de préférence à notre époque où est venu s’adjoindre le design, comme étant les ‘arts décoratifs’, l’adjectif mineur ayant pris une connotation péjorative bien que rapporté à l’art, il décrit de façon générale non la qualité ni la valeur de l’objet traité mais sa taille, un objet de petite dimension[11].
Les arts mineurs de prédilection du Bas Moyen âge sont l’orfèvrerie et le travail de l’ivoire. La tradition en est ancienne empruntée aux barbares.
Du chandelier en bronze à la reliure de codex en cuivre et émaux ou ivoire, de la parure féminine à la pomme d’épée incrustée de pierres précieuses ou semi-précieuse comme le sont la chasse en or contentant une relique ou la crosse épiscopale, les arts mineurs façonnent et ornent tous les objets dont la famille du seigneur et le prélat s’entourent. La production des arts mineurs constituent les objets de luxe. Elle suit les goûts, les tendances des arts dits ‘majeur’ de leur époque.
Des objets d’usage courants sont particulièrement appréciés lorsqu’ils sont savamment fabriqués et décorés avec originalité. Les aquamaniles en bronze d’Allemagne, récipients contenant de l’eau pour les ablutions des mains, à usage liturgique ou profane, appartiennent à une longue tradition. Les coupes à boire ou chopes à motif animalier appartiennent eux à la tradition scandinave. La corne en ivoire se prête à loisir au travail en taille d’épargne. Le cristal, lui, trouve son domaine d’application dans les aiguières et les verres aux motifs en relief.
Des écoles sont renommées comme l’École de Limoges (XIIème s.) particulièrement réputée pour son travail (en relief) de l’émail ; L’École Mosane (XIIème s. ,vallée de la Meuse) également, qui, à la différence de Limoges, s’est spécialisée dans la technique dite du ‘champlevé’ qui consiste à remplacer localement, suivant un dessin préétabli, de la matière de l’objet par de l’émail.
Médaillons, colliers, armillas (petits bracelets) se prêtent bien à ce type de décor. L’École de Lorraine (Xème-XIème siècles) emploie aussi bien l’ivoire que le métal repoussé (cuivre) ornée d’émaux et de gemmes pour couvrir ses évangéliaires.
Comme c’était le cas pour les temples grecs, les cathédrales, abbayes et églises étaient peintes. La couleur couvrait les murs, les animait de fresques à la fois édifiantes à la manière des mosaïques paléochrétiennes, et ornementales dans la veine décorative des arts dits barbares. Si la peinture romane est restée partie intégrante de l’architecture, encore à son service, la peinture gothique s’en éloignera par l’invention d’un support détaché du mur. D’abord simple panneau de bois pour les retables, puis panneau habillé d’une toile et devenu mobile, ce support ne conservera plus que la seule toile, tendue sur châssis, plus facile ainsi à transporter une fois roulée. La peinture sur chevalet fait définitivement de la peinture une art autonome. Le premier portrait est le Portrait du Roi Jean le Bon, daté de 1350.
Avatar gothique d’un Moyen-âge finissant, la peinture courtoise (de cour), formant le style du Gothique International, se manifeste à partir du milieu du XIVème siècle. Elle aura le privilège d’être représentative d’un art européen unifié, de donner le « goût », de mettre en valeur toute la magnificence, l’élégance, le raffinement d’une société de cour mise en représentation bien avant qu’un Ghirlandajo à la Renaissance ne le fasse aux pans des églises florentines pour une société bourgeoise opulente.
Une invention autant culturelle qu’économique est celle de la teinture au bleu. Au XIIème siècle, la guède, plante tinctoriale, va être cultivée de manière intensive et son bleu de pastel va servir à la teinture des vêtements et à la peinture à la fresque. Un véritable engouement fait du bleu la couleur des rois de France, et devient la couleur de Marie qui règne dans le bleu du ciel, et dont Saint Bernard vient de promouvoir le culte. Le lapis-lazuli en son bleu outre-mer est fondu pour le bleu des vitraux, notamment ceux de Chartres où le vitrail a pour fonction de filtrer de la lumière.
Le Moyen-âge aime la couleur. Les lettrines et miniatures qui enluminent les manuscrits des Écritures Saintes et autres Livres des Riches Heures nous donnent une idée du goût pour les coloris qu’avait le Moyen-âge. Lors des tournois, bannières et oriflammes, pavois et caparaçons n’étaient que nuances de bleu, de rouge, de vert. Les robes de cour arboraient des teintes saturées et variées. Et les tapisseries multicolores, faisant souvent plusieurs mètres de long et de haut, illuminaient les murs des demeures seigneuriales. Les teintures étaient onéreuses et les vêtements de couleurs réservés à la famille seigneuriale et à la riche bourgeoisie.
Au plan musical, tout est nouveau. L’apparition de la polyphonie qui « sort » l’écriture musicale de la monodie, du plain-chant grégorien en usage depuis cinq siècles, apporte des champs d’expérience inouïs. Les interdits sont transgressés; Ce qui alors était considéré comme des accords « diaboliques » sont joués; les voix se superposent en miroir ou imitation. L’école polyphonique franco-flamande portera le point d’orgue à cette lente mais sûre évolution d’une musique médiévale sacrée et profane, toujours inventive, riche et savante dans la musique liturgique comme dans la chanson.
Les grands noms que l’on retient sont généralement ceux qui à l’orée de la Renaissance ont soit porté les genres à leur apogée soit ont annoncé une ère musicale nouvelle, ceux de Joachim des Près et Rolando Lassus. Mais avant eux, les écoles notamment en France mais aussi en Angleterre, développèrent un art musical profond, novateur, toujours à l’affût de sons, de combinaisons neuves qui nécessitaient de nouveaux instruments. L’École de Saint Martin de Tours (Art Martial), L’École de Notre-Dame de Paris, l’Ars Antiqua, l’Ars Nova, furent les grands jalons de cette évolution musicale européenne.
Au plan littéraire, tout est poésie puisque tout est écrit en vers et chanté. Mais cette poésie, ce dire musical, prend des formes variées, à la fois nouvelles et à la fois anciennes. La Chanson de Geste, Le Roman de Chevalerie et Le Fin’amor, dans la bouche des troubadours et des trouvères, au centre de la Renaissance Culturelle du XIIème siècle, conjuguent un idéal moral, un idéal d’amour, un idéal de vie, tissent des valeurs, autrement dit, fondent une culture dans ses arts et ses mœurs. La poésie lyrique est autobiographique, intime mais toujours savante en ses métriques. Elle emprunte aux modèles antiques, mais déjà sur des vers anciens se font des pensées nouvelles et des formes inédites, dites musicales, d’origine souvent populaire, apparaissent tels le rondeau, la ballata et autres virelais.
Sont entrés définitivement dans notre imaginaire collectif, Tristan et Yseult, le Roi Arthur et Guenièvre comme Maître Patelin voulant toujours revenir à ses moutons, Goupil le rusé Renart, Pierre le Laboureur. Les Comtes de Canterbury de Geoffrey Chaucer (ca.1343 – 1400) s’offrent aux médias modernes; Le Roman de la Rose continue sous des formes variées d’avoir des « augmenteurs ».
Les Coplas por la muerte de su padre de Jorge Manrique (1440-1479) sont mis de nos jours en musique et chantés.
A Dante (1265-1321) et Pétrarque (1304-1374), à Guillaume de Machaut (1300-1377) et François de Montcorbier dit Villon, se sont ouvertes les portes du Panthéon de la Culture.
Du souci du prêtre de voir ses ouailles participer à la cérémonie religieuse et de ce même souci du fidèle à s’y associer, naîtra une liturgie progressivement dramatisée, notamment pour la Pâque, jours de la Passion. Il y avait aussi dans l’église même ces parodies de liturgie qu’étaient la Fête des Fous ou la Fête de l’Âne, que les jeunes membres du clergé interprétaient. Une fois évacuée sur le parvis à cause de l’ampleur et les débordements qu’elle suscitait, cette dramaturgie se déploya en les Mystères ou Miracles qui, constituaient de véritables cycles et pouvaient durer jusqu’à quarante jours.
C’est au XIVème siècle qu’apparaît le premier Grand Cuisinier,Guillaume Tirel dit Taillevent ( ca.1310-1395). Sur Le Viandier qu’il publie avant 1380,i l est ainsi présenté :
« Enfant de cuisine de la reine Jeanne d’Évreux, queue du roi Philippe de Valois, queu du Duc de Normandie [régent du royaume premier queu et sergent d’armes de Charles V, maître des garnisons de cuisines de Charles VI. »
« Le mot viande est employé dans le sens de vivenda en latin, les aliments. L'apport essentiel du Viandier réside dans la place accordée aux sauces épicées (safran, gingembre, poivre, cannelle) aux potages et aux ragoûts… Par ailleurs, l'emploi du verjus est caractéristique de même que les liaisons à la chapelure rôtie. Les modes de cuisson sont essentiellement le rôti et le
bouilli, les apprêts farcis ou à base de hachis (pâtés, tourtes, flans) [12] ».
De manière générale, la noblesse consomme les produits de sa chasse et des légumes. Le menu du paysan est plus frustre qui doit se contenter de bouillie d'avoine, de toutes sortes de tubercules mais aussi mange de la viande de porc. La châtaigne dans toutes ses préparations (bouillie, farine) peut être selon les régions la base de l’alimentation. Dans les villes, le poisson fumé, notamment le hareng est consommé couramment. La pomme de terre n’apparaîtra qu’au début du XVIème siècle et ne deviendra de consommation courante qu’au XVIIIème siècle, d’abord pour les nobles puis pour le peuple.
La table était dressée sur tréteaux, On la desservait le repas terminé; ce qui se pratiquait encore à la cour de Louis XIV. De grandes tranches de pain servaient d’assiettes pour viandes et légumes qu’on mangeait au couteau ; les soupes à l’écuelle et à la cuiller. La grande nappe retombant sur les genoux servait d’essuie-main.
Avant et après Taillevent, les recettes de cuisine étaient et restèrent mentionnées dans les livres de médecine au titre de régime diététique.
La première école de médecine fut fondée en Campanie, au sud de Naples, à Salerne, au IXème siècle. La Schola Medica Salernitana forma pendant des siècles les médecins qui exercèrent leur art dans toutes l’Europe. Elle connut son plus fort rayonnement au XIème et XIIème siècle, date à laquelle la médecine fut intégré dans le corpus universitaire au même titre que les autres arts libéraux. Ses professeurs, hommes et femmes, enseignaient une médecine basée sur la connaissance des traités antiques grecs et latins mais aussi musulmans qu’ils traduisaient souvent eux-mêmes. (Voir Annexe/ Traductions)..
La saignée était déjà pratiquée par Hippocrate (460-377)[13]. L’observation (vue, odeur…) des humeurs, des urines et autres sécrétions était la base du diagnostic, les plantes médicinales, celle du traitement. Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), qui avait prévu le jour de sa mort, est sans doute la plus connue des phytothérapeutes du Moyen-âge.
Les premiers hôpitaux du Moyen-âge sont en fait des hospices. Ouverts et administrés par le clergé selon le devoir de charité, ils hébergent, tant soit peu nourrissent et apportent des premiers soins aux pauvres. Ils sont financés par les dons des nobles comme des seigneurs. Au sein de cette communauté hospitalière, dans le sens d’une démarche spirituelle, font se former des ordres qui se consacrer ont à l’assistance des humbles. Guy (ou Gui) de Montpellier (1160-1209) fonde l’Ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit en 1180 qui prend en charge les pauvres mais aussi les enfants abandonnés. L’ordre le plus connu est l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem ou Ordre des Hospitaliers, fondé par des marchands amalfitains (Amalfi, ville proche de (l’École de) Salerne) en Terre Sainte au XIème siècle pour porter assistance et secours aux pèlerins, tandis que l’Ordre des Templiers créé en 1120 assure leur protection. Du point de vue de l’Hygiène, « contrairement aux idées reçues, on se lave fréquemment pour être propre mais aussi par plaisir. L'eau est considérée comme purificatrice et bienfaisante [14]».
L’homme du Moyen-âge est inventif. Au Xème siècle, il ne se contente pas d’améliorer la charrue pour une moindre pénibilité et un meilleur rendement en y adaptant un soc versant, ni en ce siècle où nait la chevalerie, de perfectionner tout l’équipement du cheval, mors, bride, selle, étriers tels qu’on en use encore aujourd’hui, il invente le moulin à eau. Au XIème siècle, la fourchette, venue de Constantinople devient à la mode à la Cour de Venise.
Au début du XIIème siècle, les ailes du moulin à vent se mettent à tourner. Dans les campagnes, le collier de cou est remplacé par le collier d’épaule ; son usage venant de l’antiquité avait d’abord été adopté sur les attelages militaires carolingiens. La traction étant meilleure et la bête de somme faisant moins d’effort, le rendement au travail agricole est grandement amélioré. Dans le domaine maritime, la boussole venue de Chine, le gouvernail rapporté des croisades favorisent grandement le commerce.
Le XIIIème siècle voit l’apparition du papier, de la scie hydraulique. Les horloges à eau et à sable sont remplacées par l’horloge mécanique. Leonardo de Fibonacci (1175-1250-) dans son Liber Abaci (Le Livre des Calculs, 1202) introduit en Occident le calcul décimal de position emprunté aux Arabes qui l’ont eux-mêmes emprunté au Indiens, inventeurs du zéro. Dans ce mode de calcul, la valeur d’un chiffre dépend de sa position (dizaine, centaine etc.), ce qui oblige l‘introduction d’une valeur neutre quand le chiffre se décale d’une position (de dizaine à centaine par exemple: 1,10, 100). Ce savant Pisan est l’inventeur de la fameuse suite qui porte son nom. Elle est composée de chiffres ou de nombres dont chacun est égal à la somme de deux précédents (2, 5, 7,12).
L’Anglais Roger Bacon († 1294) fait des essais de « pierres de lectures » et le Florentin Salvino degli Armati fabrique la première paire de lunettes à monture. Au XIIIème siècle, Pierre de Méricourt (ou Maricourt) rédige les premiers traités sur le magnétisme, sur le compas magnétique et perfectionne la boussole. Au XIVème siècle, les premiers canons à poudre sont utilisés en 1325 à Florence.
Une idée préconçue sur le Moyen-âge voudrait qu’il soit une longue période d’inertie entre les grands empires conquérants et ‘civilisateurs’ de l’Antiquité et l’innovante époque moderne. Parce que ses évolutions sont lentes, parce que le rythme de vie d’une population majoritairement agricole suit le cours des saisons et que le bourgeois, artisan ou commerçant, maître maçon ou drapier, tributaire des guerres et des embargos s’applique à la sauvegarde de son affaire, parce que le souci porté à la vie intérieure prévaut à la préoccupation d’un confort matériel, le Moyen-âge serait une longue et morne succession de siècles, et de siècles obscurs.
Or, la société moyenâgeuse, forte, implacable, ne connaît pas la demi-mesure. C’est une société dynamique. Autant, sa population sait festoyer, défiler en procession, s’égayer aux Fête-Dieu et aux carnavals, rire aux farces et fabliaux, autant elle peut se mettre en mouvement, s’élever, protester, se révolter, s’indigner. Les mouvements, laïques, religieux, hérétiques, les initiatives populaires, les jacqueries du XIVème siècle, les lollards en Angleterre sont autant de témoignages d’un monde moyenâgeux sous tension. Une tension constante qui est le contrecoup de son dynamisme
Le courant ‘dissident’ des béguines, ces autonomistes féminines de la foi, en marge de l’orthodoxie (notre bien-pensance ou notre politiquement correct actuels) est représentatif de ces mouvements qui traversent le monde moyenâgeux, qui « déplacent les lignes », qui subvaluent les autorités en place, les contestent ou les contournent.
Après avoir défié l’autorité ecclésiastique pendant près de trois siècles, avoir donné et inspiré certains des plus grands mystiques de cette période, le béguinage se verra mis-au-pas au XIVème siècle. Les divers mouvements albigeois seront pérennes malgré une répression sanglante et la croisade menée contre eux par les pouvoirs religieux et temporels conjugués. La chute de Montségur en 1244 reste le symbole d’une victoire à la Pyrrhus, tant ce haut lieu reste vivant comme symbole de la liberté d’esprit, d’une foi intérieure toujours plus
vivace qu’une confession extérieure.
La société médiévale est à tout moment sujette à des affrontements, des dissensions. Elle voit l’apparition de desseins contestataires, de destins hors norme. Elle est en perpétuelle mutation, mutation à évolution lente certes, que l’on ne peut comparer à la frénésie des temps contemporains, mais mutatis mutandis, elle se révèle comme le creuset profond en lequel sciences, arts et pensée ont été fondus pour donner forme à la civilisation européenne.
Le Moyen-âge dans son ensemble, celui d’avant l’An Mil comme celui d’après, reste peut-être à cause de sa durée de mille ans, et de la relative lenteur de son évolution, une période obscure et d’obscurantisme dans l’esprit de l’homme moderne. Il n’aurait été que guerres, massacres, famines, querelles byzantines. Le tout dans un climat de frayeur religieuse et de croyances aliénantes ; l’homme et la femme enfermés dans leurs superstitions, dans une vision irrationnelle du monde, ignorants de la ‘vraie’ science, vivant en esclavage sous le joug d’un roi parfois bon parfois cruel mais toujours omnipotent, auraient affamés leurs jours sous la férule d’une Église qui les endoctrinait tandis que ses prélats lubriques faisaient bombance. Il y avait les nobles, profiteurs, capitalistes fonciers avant l’heure, battant le manant et dansant le virelai ou le rondeau quand ils ne guerroyaient pas sous l’armure rutilante du chevalier. Il y avait la peste et le choléra, la gadoue et le purin dans lesquels on pataugeait. Il y avait les pillages et les viols ; Il y avait l’inquisition, la torture en place publique, les bûcher aux hérétiques, les voleurs pendus aux arbres des forêts. Il y avait les sorcières et les sabbats, les alchimistes kabbalistes, les millénaristes criant la fin du monde, les illuminés appelant la vengeance du Dieu de colère. Il y avait le saint recevant les stigmates et l’hystérique croyant être possédée par Belzébuth. Il y avait Dieu et il y avait le Diable.
Ce Moyen-âge-là est celui qu’éclaire le projecteur de la Raison sur le drap tendu de notre imaginaire. Le Moyen-âge historique a connu ses violences, ses souffrances, ses abominations comme nos époques, moderne et contemporaine, ont connu les leurs. Le Moyen-âge historique a développé ses mentalités comme nous avons développé la nôtre. Il avait ses valeurs comme nous avons les nôtres, toutes aussi indéfectibles et infrangibles.
Quel que soit le jugement ou du moins l’idée que l’on se fait de ce temps des cathédrales et des monastères, des chevaliers et des moines, des alchimistes et des astrologues, de la scolastique et de la mystique, ce temps entre histoire antique et histoire moderne, riche et complexe, mouvant, instable et toujours innovant, il aura forgé la civilisation européenne, aura fondé nos arts et notre culture, aura donné naissance à nos langues nationales, base de nos futurs états, aura parlé sans distinction d’origine, de pays, une langue commune bien avant l’idée même d’une Communauté Européenne, dans une Europe où tout un chacun, de toutes classes sociales, riche ou pauvre, pèlerin ou marchand aura circulé librement, à pied, des lieux saints de Galicie et du Latium aux immenses foires de Bourgogne et du Landy en (Île de) France.
A qui l’aborde, le Moyen-âge réserve des surprises. Époque d’innovations, de recherche, d’inventions. Période dynamique qui va pour autant et pour cela poser le socle de la société occidentale dans tous les domaines de la culture, des arts, modeler ses langues, ses identités, tout en développant au plan des déplacements des populations, du commerce, de l’enseignement, la forte appartenance à un même monde, le monde chrétien.
[1] Histoire Artistique de l'Occident Médiéval, Table chronologique 1315. Édit Armand Colin)
[2] En l’An Mil, le chevalier n’est encore qu’un milite, un homme d’armes qui se met au service du seigneur qui le paye. Tout à la fois mercenaires et agents de sécurité sous les Carolingiens, issus des hordes franques, les milites constituent un corps encore asocial. L’Église mettra près d’un siècle à les intégrer dans « la norme morale de la chrétienté », en leur assignant des causes noble à défendre ; défense de l’ordre mais aussi défense de la foi. L’Ordre du Temple est le premier ordre, au début du XIIème siècle, à répondre à cette double exigence. « La symbolique de la chevalerie, la mystique de la guerre sainte furent les voies d’entrée de la classe militaire dans l’Église d’Occident. » (Jean Chélini in Histoire Religieuse de l’Occident, Hachette 1991).
[3] Sur la notion sacré du pouvoir, voir Michel Sot : Hérédité royale et pouvoir sacré avant 987 in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Année 1988 Volume 43 Numéro 3 pp. 705-733
[4] Un bel exemple en est Étienne de Muret et l’Ordre de Grandmont (XIIème s.).
[5] Pour en savoir plus, entre autres voir: Gilles Chambon : http://art-figuration.blogspot.fr/2011/06/le- des-anges.html
[6] Philippe Faure, Les Anges Pg 101 Éditons.Cerf 1988
[7] L'Église condamnait mais l'exécution de la sentence revenait au pouvoir civil.
[8] Le Feu ardent des Vaudois de Jean Groffier, Edisud 1981.
[9] Voir Traductions latines des auteurs grecs et musulmans 12ème et 13ème S.
[10] On ne saurait pour autant ignorer la signification symbolique et occulte des édifices religieux du Bas Moyen-âge élevés par des bâtisseurs rompus à la science hermétique. Pour en savoir plus, entre autres:
M.-M. Davy: Initiation à la Symbolique Romane (Édit. Flammarion, 1982); Fulcanelli: Le Mystère des Cathédrales, Édit. Pauvert 1964-79); J. Bonvin & P. Trilloux : Église Romane, Lieu d'Énergie, Édit. Dervy 1990; ou encore, L. Charpentier: Les Mystères de la Cathédrales de Chartres,Édit. Laffont, 1966.
[11] Le trésor de la Basilique de St Marc de Venise, le Musée de Cluny à Paris et le Royal Albert Hall Museum à Londres offrent d’admirables et riches collections d’art mineurs médiévaux. Les trésors des cathédrales régionales sont des lieux privilégiés pour la découverte de ce qu’ils ont produit dans le domaine liturgique.
[12] Ibidem : Citations et sur Taillevent cf. Bertrand Simon,
http://chefsimon.lemonde.fr/a-propos-chef-simon.html. « Au Moyen-Âge, le Verjus était un fonds acide préparé par macération de : épices, fines herbes, jus de citron, jus de raisin vert et oseille. Le Verjus était utilisé dans les sauces et liaisons ».
[13] « Il fait figure de père de la médecine Son nom recouvre en fait l'œuvre d'une école médicale qui, sous le double signe du rationalisme et de l'observation, établit une approche du corps humain affranchie de considérations religieuses ou magiques. » (Encyclopédie Larousse)
[14] Citation et pour en savoir plus sur l’hygiène au Moyen-âge voir :
http://fred37.over-blog.com/2015/02/moyen-age-la-medecine-et-la-sante-2-l-hygiene-et-la-vie.html.
L'Europe au XIIIème Siècle
Le Saint Empire est un territoire morcelé constitué de royaumes, duchés, principautés et de cités républicaines . L'empereur est un des Électeurs Palatins élu par eux d'abord Roi des Romains puis Empereur.
Les États Bourguignons de Charles Le Téméraire, derniers des ducs de Bourgogne qui régna de1465 à 1477.
Le Schisme Orient-Occident - les Croisades - Les Guelfes et Gibelins -
La Peste Noire - La Guerre de Cent Ans- Armagnacs et Bourguignons -
La Guerre des Deux Jeanne - Grands Ducs de Bourgogne -
La Reconquête - Les Jacqueries - Schisme d'Occident - Les Grands Voyages
En 1054[1], les Église de Rome et de Constantinople de distinctes qu’elles étaient, deviennent indépendantes l’une de l’autre. Ainsi est mis fin à la Pentarchie, établie au Concile de Chalcédoine en 451 et codifiée par l’empereur Justinien (482-565), à savoir la gouvernance de la Chrétienté à part égale et de manière commune par les cinq patriarches des cinq Églises constitutives spirituellement, temporellement et territorialement de l’ensemble du peuple chrétien: Les Église de Rome, de Constantinople (Byzance), d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem. Rome, la Ville de Saint Pierre, ayant uniquement une prévalence honorifique, protocolaire, sur les autres.
L’empereur romain Constantin (272-3337) avait officialisé le christianisme et fait de Byzance où il résidait la “nouvelle Rome”. Byzance devient alors Constantinople. En 395, l’empereur Théodose 1er partage l’empire entre ses deux fils, l’un reçoit l’Empire d’Occident, l’autre l’Empire d’Orient. A l’Est, les Grecs, à l’Ouest, les Latins. C’est l’époque des grandes invasions barbares des Wisigoths, Ostrogoths, Huns et par la suite des Vandales. Période d’invasions qui s’étendra sur deux siècles. L’Empire d’Occident est sous l’emprise des envahisseurs. L’Empire d’Orient bien que dans une période relativement calme vis-à-vis de l’empire perse est en proie à de violentes luttes intestines entre ariens[2], nestoriens, monophysites, eutychiens et autres euchites (messaliens) qui finiront tous par être considérés comme hérétiques au Premier Concile de Nicée (325) au profit des Nicéens, qui finirent par imposer leur profession de foi et leurs canons à l’Église Chrétienne, disant ainsi l’orthodoxie face à toute forme d’hérésie passée (le donatisme[3] sera considéré a posteriori comme une hérésie), présente et à venir dont le pélagisme.
Libre-arbitre et Prédestination: Comme il s’était acharné contre les manichéens qu’il avait fréquentés de près pendant neuf ans, Saint Augustin n’épargna pas moins Pélage et ses disciples. A l’encontre de Saint Augustin qui affirmait la (double) prédestination à laquelle la créature était soumise, Pélage considérait que l’homme jouissait d’un total libre-arbitre quant à son salut. Fi de la prédestination et même du péché originel, les deux grands chevaux de bataille de l’évêque d’Hippone. Cette controverse entre, en fait, liberté et déterminisme s’étale à partir d’Augustin sur toute l’histoire de la chrétienté jusqu’à la Réforme et au-delà. Elle sera un des points de clivage entre protestants et catholiques. Luther et de manière plus virulente Calvin proclameront la double prédestination. Les Jansénistes au XVIIème siècle à la suite de Jansénius en feront de même. Mais la hiérarchie romaine ne prendra jamais ouvertement parti, gênée comme elle l’a toujours été sur la question, partagée entre l’incontournable nécessité de l’intervention de Dieu dans le salut de l’homme et la rémission de ses péchés et l’importance des œuvres qu’il fallait bien préserver comme fondement même de la morale chrétienne dans l’approche de la créature vers son créateur et son espérance du paradis.
Au Concile de Constantinople (381), qui suivit, fut confirmé la profession de foi de Nicée, appelée Symbole de Nicée et complétée parun article de foi sur le Saint-Esprit dont il est dit qu’il “procède du Père”; Avec pour conséquence une glorification à l’égale de celle du Père, celle du Fils. De là, les prémices de la scission des futurs catholiques et futurs orthodoxes. Cet article va susciter de vives réactions et être à l’origine de ce que l’on a appelé la Question du Filioque (La Question du Fils). Quelle place occupe le Fils, si le Saint –Esprit non crée, non engendré procède du Père. Est-il l’égal du Fils ou le Fils, étant consubstantiel au Père, le Saint-Esprit procède et du Père et du Fils? De manière générale, les ‘grecs’, orthodoxes, vont s’en tenir à l’article de 381, tandis que les ‘latins’ à commencer par les Wisigoths d’Espagne, christianisés, restés jusqu’alors arianistes introduisent le Fils.
En 589, du Concile de Tolède, il ressort alors que le Saint-Esprit procède et du Père et du Fils. Jusqu’à Charlemagne qui va se mêler de l’affaire parce que rien de ce qui est sur terre comme au ciel ne saurait lui échapper. Au Concile d’Aix-la-Chapelle (799), il veut imposer le Fils. La rivalité Occident-Orient s’envenime. Le Patriarche de Constantinople s’oppose à l’hégémonie impériale. Et le Pape, Léon III qui voit lui aussi d’un mauvais œil l’immixtion du politique dans le spirituel s’y oppose; Du moins provisoirement puisque la papauté en 1039 finira par intégrer le Fils dans la procession en arguant des textes anciens justifiant disant que… en fait pour satisfaire l’empereur Henri II.
A la question doctrinale du Fils sur laquelle est venue se greffer une question de suprématie politique s’ajoute des questions liturgiques comme la forme que doit revêtir la communion, la période de jeûne, et disciplinaires comme le mariage des prêtres, Orient oui, Occident non.
En 1043, un nouveau Patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, est nommé par l’empereur byzantin, Constantin IX. En face, un nouveau pape, Léon IX – celui qui va initier La Réforme Grégorienne- nomme un nouveau légat à Constantinople, Humbert de Moyenmoutiers. Les territoires de la botte italienne et la Sicile sont aux mains des Normands qui ont fait prisonnier le pape (Bataille de Civitate, 1053). Quant à la population, elle obéit au rite orthodoxe. Byzantins et Catholiques avaient tout intérêt à trouver un accord. Mais les relations diplomatiques se dégradèrent.
En 1054, Moyenmoutiers par bulle papale excommunie Cérulaire et son entourage, qui lui rend la pareille. L’affaire semblait close par la réconciliation du pape et de l’empereur byzantin avec toujours la perspective des mêmes intérêts territoriaux face aux Normands. Mais le vers qui était dans le fruit rongea un peu plus le fruit quand le pape passa alliance avec les Normands. Les Byzantins qui ne s’étaient pas formalisés des excommunications prirent en mauvaise part un tel retournement.
En 1073, monte sur le trône pontifical Grégoire VII. L’inflexible réformateur veut imposer son fait à l’empereur germanique et revendique d’exercer un pouvoir politique au tant que spirituel. Ce qui imposerait définitivement la suprématie de Rome sur Constantinople, qui avait sous sa tutelle les autres Églises d’Orient, les Églises d’Antioche, de Jérusalem et d’Alexandrie. Ce qui mettrait fin à une Pentarchie séculaire au sein de laquelle les Églises de Rome et de Constantinople ont toujours tenté de faire prévaloir leur suprématie. Ce que ne pouvait admettre l’empereur byzantin, chef de l’Église Orthodoxe.
A partir de là et au vu des antécédents, si la séparation des deux Églises n’était pas encore proclamée, elle le fut. Les Latins deviennent les romains œcuméniques (catholiques) et les Grecs, les orthodoxes. Il faudra attendre la grande entreprise des Croisades et l’établissement d’une Église Latine d’Orient pour que le fait soit consommé. Au cours de la Première Croisade (1096-1099), le Normand Bohémond, Prince de Tarente, et ses chevaliers s’emparent d’Antioche dont il fait une principauté. Le patriarche s’enfuit de Constantinople. Au cours de la 4ème croisade (1202-1204), les Chevaliers prennent Constantinople et instaurent l’Empire Latin d’Orient (1204-1261).
Si les Croisades sont un fait politique de conquête et de sauvegarde d’un territoire, la Terre Sainte, elles sont aussi un élan de ferveur populaire, l’occasion du grand pèlerinage à Jérusalem, l’un des trois grands du Moyen-âge avec celui de Saint Jacques de Compostelle et celui de Rome. Durant les deux siècles que dureront les croisades, les pèlerins afflueront en Terre Sainte, d’Antioche à Jérusalem.
Au XIème siècle (l’An Mil), de la désagrégation d’un pouvoir royal, que la papauté mine sans cesse, les seigneurs gagnent en indépendance et une nouvelle réorganisation sociale apparaît : la féodalité. La société se répartie en trois classe: les priants (moines), les combattants (l’aristocratie d’où sont issus chevaliers ou milites) et les travailleurs (le peuple).
Incultes, dédaignant toute forme de savoir, les seigneurs consacrent leur temps au combat et à l’entraînement guerrier. L’art de la guerre évolue avec l’apparition des casques et des armures. Se développent les notions de courage, d’honneur, de fidélité qui seront les fondements moraux de l’idéal chevaleresque courtois. L’Église, n’appréciant pas que certains clercs ou moines combattent à leur côté, sépare définitivement le moine du chevalier. L’adoubement existait déjà entre vassal et seigneur mais, il devient une cérémonie liturgique comme le geste des mains jointes qui en signe de soumission au maître prend sens du signe de la prière, de l’humilité devant Dieu.
Le chevalier devient combattant de Dieu engagé dans une guerre sainte, héros et héraut de l’Église. Aux vertus de courage et d’honneur se joint la piété; Le chevalier va défendre la veuve et l’orphelin, et bien sûr les biens et les intérêts de l’Église, tandis que le moine reste l’intercesseur de Dieu par ses prières. L’aristocratie, devenue en quelque sorte le bras armé de l’Église, n’en acquière que plus d’indépendance vis-à-vis d’un pouvoir royal qui n’est pas encore de droit divin mais électif. Les grands seigneurs élisent le roi. Le premier sacre en France, celui de Pépin le Bref, en 754, ne confère pas au roi un droit divin mais légitime la supériorité de ce ‘premier’ seigneur sur tous les autres qui deviennent ses vassaux. Il légalise le couronnement.
Les intérêts de l’Église sont autant politiques que financiers. A la fin de l’An Mil, en rivalité avec l’Empereur du Saint empire Romain Germanique -à l’époque, le Franc Henri IV- le pape Urbain II veut prendre l’ascendant sur lui en réunissant le peuple chrétien, autrement dit tous les peuples de l’ancien empire carolingien, en passant par-dessus les états. Pour ce faire, il lance, en 1096 ce qu’on appellerait de nos jours un “grand projet” : un pèlerinage massif à Jérusalem pour protéger la Terre Sainte des ambitions du Califat musulman qu’au XIIème siècle Saladin défendra encore. C’est la première croisade, la croisade populaire du petit peuple suivant vaillamment un Pierre l’Hermite exalté en Palestine, là où est né et a vécu la Passion, le seigneur des seigneurs, Jésus-Christ. De ces croisades naîtront, les Chevaliers du Temple dont l’ordre est quasiment imposé par Bernard de Clairvaux, et les Chevaliers de l’Hospital. Ces deux ordres auront pour mission de protéger les pèlerins et maintenir leur accès aux lieux saints.
Au cours des XIIème et XIIIème siècles se dérouleront pas moins de 7 croisades. Selon la chronologie de F. Gabrieli[4] 1096 -1099: 1ère croisade: Croisade populaire prêchée par Pierre l’Ermite (1053-1115) et croisade des barons.
En 1113, l’Ordre de l’Hôpital, constitué de chevaliers et de moines, les Hospitaliers, protégeant les pèlerins, sont reconnus comme une ordre indépendant. Ordre qui, à l’origine est à vocation charitable (humanitaire), deviendra un ordre militaire en 1179.
En 1118, commence à se regrouper “ les pauvres chevaliers du Christ” qui vont rapidement être amenés à combattre pour la protection des pèlerins. En 1129, l’Ordre du Temple de Jérusalem est fondé. Soutenu par Saint Bernard, l’Ordre des Templiers adopte la règle des augustins en 1128. Organisé en commanderie, doté d’une puissante armée, l’ordre deviendra en France un état dans l’état, d’une richesse difficilement calculable. En 1307, devant cette puissance financière, politique et militaire qui a des ramifications dans toute l’Europe, Philippe le Bel fera arrêter les templiers et son grand maître Jacques de Molay qui montera sur le bûcher dressé sur l’île au juifs (actuel Square du Vert Galant sur l’ile de la Cité). Tous les biens du Temple ont été saisis dès 1304 et transmis à l’Ordre des Hospitaliers. Au Portugal, tous leurs biens furent transmis aux Chevaliers de l’Ordre du Christ qui en toute vraisemblance était un nouveau nom donné aux anciens templiers. Cet ordre portugais fut reconnu par le pape en 1319 (!). Leur grand maître, Henri le Navigateur (1396 -1460) est à l’origine des grands voyages maritimes entrepris par le Portugal vers les côtes africains et au-delà à la recherche de nouvelles terres à conquérir et pour dresser de nouvelles cartes.
En 1125, meurt l’Empereur des Romains (d’Occident), Henri V, dernier de la dynastie des rois et empereurs francs saliques, dynastie ayant succédée à celle des Ottoniens. S’ouvre une guerre de succession entre deux puissantes familles de Germanie ; D’un côté les Welf de Souabe soutenus par la papauté, dont sera issu Otton IV empereur en 1209, de l’autre les Hohenstaufen de Bavière d’où sera issu l’empereur Frédéric II Barberousse (1122-1190). Les grandes familles d’Europe appuient un parti ou l’autre. En Italie, vers le milieu du XIIIème siècle, à Florence, la famille des Arrighi se rangent du côté des Welf qui seront appelés par déformation les guelfes, tandis que les Buondelmonte seront appelés les gibelins par la déformation italienne du nom du château que les Hohenstaufen possède en Souabe.
L’affrontement des Guelfes et des Gibelins est représentatif du climat qui régnait dans les grandes villes du Nord de l’Italie tout au long de cette période.
« Dans les années 1100, les villes d’Italie du Nord et du Centre se sont affranchies de l’empereur et de leurs évêques… Les grands marchands étaient, en fait, des nobles, seigneurs de quartiers entiers dans la cité et de fiefs seigneuriaux dans les campagnes, capables de réunir sous leurs bannières des troupes de clients et de vassaux armés. Tout le pouvoir fut, en tout temps, aux mains de cette aristocratie qui se réservait les plus hautes charges et plaçait ses fidèles aux postes d’exécution.
Elle n’a jamais rien cédé et les cités n’ont pas connu de conflits nés d’une opposition sociale, riches contre pauvres par exemple, mais ont sans cesse souffert des affrontementsentre familles, clans et factions au sein de cette noblesse… Chaque grande famille se faisait construire une haute tour…Florence, comptait, ces années-là (milieu du XIIIème siècle), plus de deux cents tours ». (Jacques Heers, ancien professeur de l'université Paris IV-Sorbonne in article Guelfes et Gibelins: https://www.clio.fr/bibliotheque/guelfes_et_gibelins.asp)
La peste dite noire du XIVème siècle n’est pas la peste bubonique avec céphalée, douleurs musculaires et bubons, mais la peste hémorragique. Le malade est atteint de fièvre, de vomissements et meurt en quelques jours. C’est l’événement majeur du siècle et l’un des plus importants de l’histoire du Moyen-âge. Partie de l’Italie du Nord en 1347, elle s’étendit à l’ensemble du bassin méditerranéen et déferlera pendant plus de trois ans sur toute l’Europe jusqu’à ses limites boréales et les rivages de la Baltique, faisant selon les sources plus de 20 millions de morts soit la moitié de la population européenne ou 25 millions de morts soit 30 à 50%, un tiers de cette population.
Boccace en donnera une chronique lucide dans son Décaméron. Le bilan humain, moral et économique est terrible. A Florence, meurt la moitié de la population comme en Avignon, grand centre culturel où siège le pape depuis 1338.Venise comptera 90 000 morts. Ce ravage des populations est vécu comme une punition en conséquence de la dégénérescence des mœurs. S’ouvre une grave crise de conscience nourrie d’un anéantissement de toute espérance. Les juifs servent de boucs-émissaires. Des bûchers sont dressés en France, en Allemagne dans une action à tendance génocidaire.Les sociétés de pays sont totalement désorganisées comme par exemple en Angleterre que la peste atteint en 1349, et qui perd entre 40 et 50% de sa population. La vie économique anglaise s’arrête. Il n’y a plus quasiment personne pour travailler la terre. Les champs sont à l’abandon. Certains villages perdent jusqu’à 80% de leur population. Dans les villes, l’artisanat est au point mort.
En 1350, l’épidémie arrivée aux confins nord de l’Europe n’a plus trouvé où s’étendre et cesse enfin. Une mentalité nouvelle alors se fait jour. Une économie nouvelle apparaît. La première des conséquences économiques est double.
D’abord, la grande déperdition démographique aura permis l’enrichissement des survivants, non pas des aristocrates, possesseurs de grandes terres, mais celui d’abord des manouvriers, très recherchés, qui prennent conscience de ce que l’on appellerait aujourd’hui ‘leur force économique’ qui les libère d’un joug féodal ébranlé et leur fait demander à être payés 3 à 4 fois plus cher qu’avant. Ils refusent les corvées. Ils iront parfois comme en Angleterre en 1353 jusqu’à se mettre en grève.
Ensuite, l’enrichissement des petits possesseurs de terres ou artisans qui héritent des biens de toute la parentèle. Les places sont libres en ville. La population des campagnes afflue pour ouvrir boutique, s’installer comme artisan en se passant de l’aval du seigneur.
La société médiévale bouge. Elle est en mutation. Au sortir de cette grande épreuve, l’espoir renaît. En 1350, un grand jubilé de la fin de la peste part vers Rome avec des milliers de pèlerins. La peste reviendra régulièrement environ tous les dix ans jusqu’à la fin du siècle. Mais seront devenus irréversibles :
La peste a frappé toute l’Europe, c’est toute l’Europe qui connaîtra pour la première fois de son histoire culturelle un style proprement européen, le Gothique International. Art de cour, certes, art essentiellement pictural mais qui unifie le goût en fusionnant toutes les tendances régionales.
La Guerre de Cent Ans commence en 1337 et se termine en 1453. Elle oppose les Français et les Anglais sous les règnes qui vont en France de Philippe VI, fondateur de la dynastie royale de Valois à Charles VII, et en Angleterre d’Édouard III Plantagenêt à Henri VI Plantagenêt.
A l’origine est en cause la succession au trône de France. Louis X le Hutin et son frère Charles IV, dernier des Capets, succéderont à leur père de Philippe le Bel sur le trône de France. À la mort en 1325 de Charles IV, sans héritier direct, Philippe VI, issu de la branche cadette de la Maison des Valois, est choisi par la noblesse française pour lui succéder. La succession directe des capétiens est ainsi rompue pour éviter que ne monte sur le trône de France un Anglais, Édouard III d’Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle de France (1295-1358). Quatrième enfant de Philippe le Bel, elle est mariée à Édouard II, roi d’Angleterre (déposé en 1327) et Duc de
Guyenne[6]. Édouard III peut prétendre à la couronne de France. Il conteste la légitimité du “prétendu” roi de France, Philippe VI qui n’est que le neveu de Charles IV.
Un autre prétendant est Charles II de Navarre dit le Mauvais. Il est le petit fils de Louis le Hutin (le Têtu[7]) par sa mère Jeanne de Navarre. Charles le Mauvais se montre retord sur la question de la succession. Il sera battu dans ses prétentions territoriales par Bertrand du Guesclin en 1364.
Si Édouard III a facilement d’abord accepté que monte sur le Trône un Valois, c’est qu’il tient en priorité à sauvegarder ses possessions dans le Sud-ouest de la France face au nouveau roi de France qui prend rapidement Bordeaux. Édouard se doit alors de riposter. Il bloque l’arrivée de la laine par la mer aux filatures flamandes. Sous la menace d’un péril économie, le Comte de Flandres se rallie à lui qui fort de cet appui se couronne roi de France.
La guerre ira ainsi de périodes de combats en périodes de trêves, égrenée d’épisodes célèbres (ci-après). Elle s’achève en 1450.
En 1435, un événement important se produit. La Bourgogne de Philippe le Bon décide de ne plus soutenir une Angleterre appauvrie, devenu peu fiable. Au traité d’Arras avec Charles VII, il peut conserver les territoires acquis pendant la guerre. En 1440, Henri VI d’Angleterre dont la mère est Catherine de Valois (de France)[8], épouse Marguerite d’Anjou, fille du Bon Roi René 1er d’Anjou. Signe d’un désir de conciliation entre les parties.
Dans une Angleterre exsangue, les tensions sont vives au sein du Conseil entre les faucons et les colombes. En France, une partie de l’aristocratie s’oppose au roi, mais le retour du roi à Paris en 1444 et les ordonnances royales dotant la France d’une armée régulière et permanente (professionnelle) avec artillerie, archers et infanterie, renforcent la position française.
En 1448, c’est au tour de la Bretagne de ‘lâcher’ l’Angleterre. En 1450, la Normandie, berceau des Normands d’Angleterre (Guillaume le Conquérant, 1066) passe (définitivement) aux mains des Français.
En 1453, une ultime bataille a lieu, opposant pour une dernière fois Charles VII et Henri VI, la Bataille de Castillon dans la vallée de la Dordogne. Défaite dramatique pour les anglais. Le grand chef de guerre anglais John Talbot qui a repris Bordeaux un an plutôt y trouve la mort et Henri VI en perdra la raison. Bordeaux repris par les Français, la Guyenne, ancestrale terre anglaise est définitivement conquise. La guerre cesse sans traité, faute de combattants face aux troupes françaises. L’Angleterre perdra sa dernière possession, Calais, en 1458 et ne possèdera plus de territoire en France.
En 1475, Édouard IV, comptant sur le soutien de la Bourgogne, débarquera avec ses troupes en Normandie pour reconquérir ses territoires perdus. Mais le soutien attendu de Charles le Téméraire lui fait défaut. Ses troupes ne sont pas suffisamment nombreuses pour espérer quelque victoire. Il signe avec Louis XI les accords de Picquigny (Somme). L’Angleterre abandonne toute vue sur le territoire français mais reçoit une somme de 75000 écus et une rente de 50000 écus.
En 1415, la lourde chevalerie française est défaite par les légers archers anglais. Jean-Sans-Peur n’a pas envoyé ses troupes bourguignonnes soutenir le camp français. Le Duc de Bretagne veut rester neutre. Face aux 20000 hommes, essentiellement des chevaliers menés par Charles d’Albret, seulement les 1000 chevaliers et les 5000 archers d’Henri V. La stratégie et la tactique françaises sont calamiteuses : Mauvais choix du lieu par les français, mauvaise disposition des troupes trop ramassées. Les français sont massacrés. Ducs, comtes et barons tombent sous les flèches. Un millier de chevalier est fait prisonnier dont le poète Charles d’Orléans. La France perd une partie de son aristocratie. 3000 morts côté français, 500 côté anglais.
L’impact sur la France amoindrie, moralement rabaissée, en pleine guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons est désastreux. Pour les Anglais, Azincourt restera une victoire aussi glorieuse que celle de Trafalgar.
La Bataille de Crécy en 1346 marque un tournant dans la stratégie de la guerre et la rend plus meurtrière. Pour la première fois, les anglais auraient utilisé des bombardes, mais c’est surtout des archers de métiers particulièrement bien entraînés qui déciment les troupes françaises désorganisées. Plus de 15000 tués, et la chevalerie perd plus de 1200 de ses membres. Les Anglais se dirigent sur Calais qui sera assiégé en 1347. Les Six bourgeois de Calais remettent les clés de la ville à Édouard III.
Les faits légendaires de Jeanne–d’Arc en ont fait une icône nationale. Son rôle militaire effectif est minimisé par les historiens. Galvanisant les troupes, elle a été brièvement mais efficacement le porte-étendard de la reconquête française. Sa capture en 1431 et son supplice (brûlée vie et non au préalable étranglée) en place de Rouen, ville anglaise, à d’une certaine manière, à l’époque, plus concerné les Anglais que les Français.
La guerre civile entre Armagnacs et Bourguignon commence en 1407, date à laquelle le Duc Louis d’Orléans qui gouverne à la place de son frère, le roi Charles VI devenu fou, est assassiné sur ordre de son cousin Jean-Sans-Peur, Duc de Bourgogne, qui partageait de fait le pouvoir royal avec lui et lui disputait le trône de France. Ils sont tous deux petits-fils de Jean le Bon. Le Duc de Berry, oncle du roi, coalisent les duchés de Bretagne, d’Orléans et le Comté d’Armagnac pour défendre les intérêts du feu Duc d’Orléans. Les coalisés prennent le nom des troupes de Bernard VII, Comte d’Armagnac. Le conflit est politique et économique. Les Armagnacs sont des conservateurs, défenseurs d’un pouvoir central interventionniste, tandis que les Bourguignons sont des “libéraux”, partisans des libertés économiques.
En 1413, Jean-Sans-peur convoque les états généraux. A Paris, la population qui trouve à sa tête un boucher du nom de Caboche, met la ville sous pression. Jean-Sans-Peur fait promulguer une ordonnance, la Cabochienne, qui institue une réforme (libérale) qui ne calme pas les esprits, et les universitaires jusque-là favorables aux Bourguignons passent dans le camp adverse. Les Armagnacs entrent dans la capitale et massacrent les Bourguignons qui la détenaient. En 1418, c’est au tour des Bourguignons d’envahir Paris et de massacrer les Armagnacs. Le dauphin, futur Charles VII, se prétend régent et trouve à ses côtés les Armagnacs, Jean-Sans-Peur, lui, garde le roi Charles VI à sa merci.
En 1419, Jean-Sans-Peur est assassiné lors de négociations entre lui et le dauphin. Succédant à son père, Philippe III le Bon de Bourgogne rallie l’Angleterre avec le soutien de la reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI. En 1420, dans le contexte de la Guerre de Cents Ans pour la succession au trône de France, toujours en litige depuis 1338, le Traité de Troyes entre (officiellement) le Roi Charles VI et le roi d’Angleterre Henri V prévoit qu’à la mort du roi de France, Henri V ou son successeur accédera au trône de France, évinçant ainsi le dauphin qui se réfugie à Bourges, et les Armagnacs. Malgré des menées militaires à partir de son territoire normand, Henri V ne parvient pas à faire appliquer le Traité de Troyes. Sa mort en 1422, après le siège de Meaux, précède de quelques mois celle de Charles VI. Henri VI, fils de Henri V, est proclamé roi de France, tandis que Charles VII, le Roi de Bourges, se proclame aussi roi de France. La Guerre de Cent Ans revient sur le devant de la scène historique.
En 1429, la Pucelle d’Orléans libère la ville. Charles VII sera sur ses instances sacré roi de France à Reims la même année.
Il faudra attendre 1435 et le Traité d’Arras qui, réconciliant la France et la Bourgogne, met définitivement fin à la Guerre des Armagnacs et des Bourguignons.
La Révolution des Vêpres Siciliennes est une épisode que le compositeur Giuseppe Verdi a rendu célèbre par son opéra éponyme composé en 1885 comme manifeste nationaliste au cours de la troisième et dernière phase du Risorgimento qui se conclura par l’unification de la péninsule en un seul royaume.
600 ans plus tôt en 1282, les paysans de Sicile se soulèvent contre la présence française. Sur le trône du royaume de Naples et de Sicile se trouve le Comte Charles d’Anjou, fils du roi de France Louis VIII, et frère de Saint Louis. En 1266, il a ravi à la demande du pape en conflit avec l’empire germanique, le royaume méditerranéen au descendance de l’empereur Frédéric II Hohenstaufen, Manfred. Nouvelle occasion pour attiser la guerre entre les papistes Guelfes et les pro-germaniques Gibelins.
Le Lundi de Pâques, le son des cloches à l’heure des vêpres, aurait donné le signal du soulèvement. La population de Palerme et de Corleone massacre les Français. L’insurrection se propage dans toute l’île. Le cri lancé par les révoltés « Morte Alla Francia ! Italia Aviva ! » (en français : « À mort la France ! Vive l'Italie ! ») aurait été à l’origine de la Mafia et le signe du début de l’indépendance de la future Italie[9]. Thèse anachronique mais qui alimenta les indépendantistes italiens du XIXème siècle et la bonne conscience de la maffia sicilienne.
Cette révolte est importante pour l’histoire de la Sicile comme un de ses moments fort pour son indépendance, elle l’est aussi pour ses répercussions européennes dans un changement de jeux des alliances, car s’y sont engagées dans une extrême rivalité les grandes familles européennes pour la possession de cette île située stratégiquement entre les empires d’Orient et la terre sainte, l’empire d’Occident et l’empire musulman. Les musulmans ont longtemps occupé l’île dans le Haut Moyen-âge avant que les Normands ne les chassent au début du XIème siècle.
Le roi d’Aragon, gendre de Manfred, prétend au Trône. Soutenu par la population sicilienne, il débarque une armée sur l’île qui chasse définitivement les Français. Au plan européen, ce sera une guerre sans merci en les maisons d’Aragon et d’Anjou dont les répercussions porteront jusqu’aux première Guerres d’Italie à la Renaissance.
Pour la succession du Duché de Bretagne, pendant plus de 20 ans, s’opposeront le couple Charles de Blois et sa femme Jeanne de Penthièvre soutenu par la France et le couple Jean III de Montfort et sa femme Jeanne de Flandres soutenu par l’Angleterre. La France est sortie très affaiblie de la Bataille de Crécy. En 1364 Charles de Blois est tué au cours de la Bataille d’Auray contre Jean III de Montfort. Jean le Bon monté sur le trône de France en 1350[10] meurt en cette même année 1364. Jean III de Montfort devient Jean IV de Bretagne, Duc de Bretagne. En 1378, ne pouvant plus compter sur le soutien des anglais, il se voit dépossédé de son titre par Charles V qui a succédé à son père Jean le Bon.
Mais renversement d’alliance, Jeanne de Penthièvre va s’allier avec Jean IV de Montfort, toujours duc en titre mais exilé en Angleterre. Montfort débarque à Saint Malo. Charles V doit céder sous la pression à la fois de la noblesse bretonne qui jusqu’alors divisée entre les deux familles se retrouvent unie derrière le duc, et sous celle de la population. Par le Second Traité de Guérande, Jean IV se voit reconnu à nouveau duc en contrepartie d’un serment d’allégeance au roi et l’évacuation de tout Anglais dans son entourage.
Quatre ducs de Bourgogne ont laissé leur nom dans l’Histoire politique et culturelle de l’Europe :Philippe le Hardi, Jean-sans-Peur, Philippe II le Bon, Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne et Comtes de Flandres, Philippe II de Valois (1342-1404) doit son nom à la hardiesse dont il a fait preuve à l’âge de 14ans pendant la Bataille de Poitiers en 1354 ; bataille au cours de laquelle son père Jean II le Bon fut fait prisonnier des Anglais. Emprisonné jusqu’à sa mort à Londres, le roi lui donne en apanage[11] la Bourgogne qu’il élève au rang de duché. Son fils, Jean sans Peur (Jean 1er, 1371-1419) lui succède. Le dauphin de France, le futur Charles VI le fait poignarder par un bras armagnac à l’entrevue de Montereau.
En 1420, son fils Philippe III le Bon lui succède et transfère la capitale du duché de Dijon à Bruges. En 1430, il annexe le riche duché du Brabant et installe sa capitale à Bruxelles. Il mourra à Bruges en 1467. Au territoire immense dont il hérite, il ajoute en outre par possessions successives et mariages, le Comté de Namur, le Limbourg, le Luxembourg. Le Gueldre et la Lorraine seront annexés par son fils Charles le Téméraire (1433-1477) qui lui succédera à sa mort en 1467.
Charles le Téméraire (1433-1477) étendra les territoires que son père lui a légués dans le but de faire la jonction entre les deux Bourgognes. Ils ajoutent plusieurs duchés et comtés, notamment les duchés de Gueldre, de Lorraine et du Limbourg.
A la mort de Charles le Téméraire, les possessions bourguignonnes ont fini par constituer ce que les historiens nomment Les États Bourguignons qui englobaient les Pays-Bas (Belgique, Neederland, Luxembourg), le Duché et le Comté de Bourgogne (Franche-Comté) et les nouveaux territoires intermédiaires. Par le Traité d’Arras (1482), ces états seront partagés entre Louis XI de Valois qui en devant Duc de Bourgogne ramène la Bourgogne dans le giron français, et Maximilien 1er de Habsbourg, gendre de Charles le Téméraire, qui ainsi devient Duc des Pays-Bas (de Bourgogne). Avec l’accession, en 1516, au trône d’Espagne du petit-fils de Charles le Téméraire, Charles-Quint de Habsbourg (1500-1558), né en Flandres, les Pays-Bas deviennent espagnols.
Les tribus barbares venues du nord de l’Europe, Vandales, Suèves et Alains (dont certains s’installèrent en Gascogne) occupent la péninsule ibérique à partir du 5ème siècle. Mais ils sont rapidement repoussés par les Wisigoths, peuple germanique qui a traversé la France au début du siècle et a été lui-même repoussé par les Francs saliques menés par Clovis[12]. Rome, à la solde de qui ils s’étaient mis avec mission de chasser les barbares, les autorise à demeurer sur la péninsule que l’on nommera l’Hispanie Wisigothe. Ils occupent le nord et le centre de la péninsule alors que le sud, dont Tolède, est sous domination romaine. Le chef Léovilgild au milieu du 7ème siècle unifie l’ensemble des peuples de la péninsule en fondant un royaume (wisigoth) dont la capitale est Tolède. Les Wisigoths, vont développer une architecture dont les influences se répercuteront dans le reste de l’Europe[13].
En 555, ils délogent les Suèves du Portugal. En 589, ils se convertissent au christianisme à la faveur du 3ème Concile de Tolède. L’ensemble de la péninsule est alors chrétien. Au début du 8ème siècle, les Berbères, les Maures, vont envahir la péninsule.
La Reconquista est la reprise progressive par les chrétiens d’ ‘Espagne’ avec l’aide à plusieurs reprises des chevaliers européens des territoires occupés par les musulmans[14]. Les étapes marquantes de cette reconquête sont :
La première jacquerie survenue en 1358 et dont les causes sont diverses et multiples touche le Nord et l’Ouest de la France. Appelée la Grande Jacquerie, elle donnera son nom à toutes les autres révoltes de paysans. Ce nom viendrait de la jacque, veste courte que portaient généralement les paysans qui donnera la jaquette ( jacket en anglais).
Une seconde, appelée la Révolte des Tuchins se produit dans le Languedoc entre 1360 et 1384. Cette dernière se distingue de la jacquerie populaire par le fait qu’elle est organisée et relève d’un commandement central. Le tuchin n’est pas un brigand. On a longtemps voulu faire passer les tuchins comme des brigands, des marginaux mais le mouvement du tuchinat « participe d’un mouvement des solidarités paysannes »[16].
En 1381, la Révolte des Paysans dans le Kent qui s’étendit dans le tout le Sud de l’Angleterre rallia à elle les populations urbaines contre le prélèvement exorbitant de taxes pour financer la Guerre de Cent Ans.
Les Jacqueries se poursuivirent jusqu’au XVIIème siècle. Mais contrairement à l’idée courante, les jacqueries des croquants des XVIème, XVIIème siècles n’étaient pas des révoltes contre l’autorité royale, au contraire, elles étaient souvent soutenues par le roi et les forces de police régionales car elles luttaient contre les soldats de garnison racketeurs, pilleurs et violeurs[17].
Les premiers tuchins d’Auvergne au XIVème siècle s’étaient d’ailleurs organisés pour combattre les troupes anglo-gasconnes (Ref.cit.).
Au XIVème siècle, les troupes de mercenaires au service du roi de France ou d’Angleterre constituaient ce que l’on appelait les Grandes Compagnies. Quand au cours de trêves, elles se retrouvaient désœuvrées et démunies, elles pillaient, saccageaient des régions entières. Après sa victoire contre Charles le Mauvais de Navarre, le connétable Bertrand Du Guesclin dut pour les évacuer les amener en Espagne et les mettre au service d’un prétendant au trône de Castille, Henri de Trastamare.
Le pape Clément V (1264-1314) installe le Saint Siège en Avignon en 1308 (1309?). Soucieux d’échapper à la guerre qui oppose les papistes Guelfes et les pro-germaniques Gibelins dans la succession au Saint Empire, il a auparavant poursuivi une longue pérégrination en France et dans les terres papales du Comtat Venaissin. Il finit par choisir pour ville pontificale, une ville en dehors de ses terres mais au bord du Rhône, axe de communication très important entre Nord et Sud de l’Europe, Avignon. En 1336, il y fait édifier le Palais Vieux, qui sera démoli en 1347 pour qu’en 1351 le Palais Neuf soit terminé et prenne sa place. En 1348, Clément VI achète la ville à la Reine Jeanne de Naples.
Le Grand Schisme se déclare en 1378, à la mort de Grégoire XI. En 1375, les États Pontificaux se sont révoltés contre le pape. Malgré la réticence de ses cardinaux français qui préfèrent la dolce vita du Comtat à la tumultueuse Rome, Grégoire XI a quitté l’année précédente, en 1377 (ou 1376?) Avignon pour Rome. Mais la ville de St Pierre, en proie à des soulèvements permanents, est devenue incontrôlable. Il doit rapidement se réfugier dans sa résidence d’été d’Anagni[18]; Puis, quand même, il revient à Rome pour y mourir en 1378.
Pour l’élection d’un nouveau pape, les cardinaux italiens et français s’affrontent. Les Italiens élisent un italien Bartolemeo Prignano (1318-1389) qui prendra le nom Urbain VI. Les Français ne le reconnaissent pas en invoquant le climat d’insurrection qui règne sur Rome. Ils élisent aussitôt un antipape, un Français, Robert de Genève (1246-1394) qui prenant le nom de Clément VII[19] s’installe en Avignon qui demeure cité pontificale. Cet antipape a le soutien du roi de France Charles V, de l’Espagne (Royaume de Castille), de la Reine Jeanne de Naples, de l’Écosse. Tandis que le pape romain a le soutien de l’empereur germanique, de l’Angleterre, de la Hongrie, des états pontificaux qui n’ont jamais accepté d’être administrés par des Français nommés par un lointain pape en Avignon. D’un côté comme de l’autre, des condottières tels le puissant Bernardo Visconti de Milan antipape ou l’anglais John Hawkwood papiste. Quant à l’empereur, il souffle le chaud et le froid, ménage la chèvre et le chou.
Succédant à son père sur le trône de France, Charles VI (1368-1380-1422) soutient à son tour Clément VII (pape de 1378 à 1394), puis l’autre antipape Benoît XIII (pape de 1394 à 1417) en opposition à Boniface IX (et non de Benoit VIII mort en 1320), pape de 1389 à 1404 qui a succédé à l’autoritaire Urbain VI. Il soustrait son peuple à l’obédience papale en retour de quoi, le pape excommunie le souverain.
La situation se complique en 1406 avec l’élection d’un nouveau pape romain, Grégoire XII. Il se trouve dans l’obligation de convoquer un concile pour tenter de résoudre la crise. Le Concile de Pise se réunit en 1409, qui décide de par le droit conciliaire (l’autorité du concile prévaut sur celle du pape) d’élire un nouveau pape Alexandre V dit Pape de Pise. Celui-ci décide ipso facto d’excommunier les cardinaux. Et Grégoire XII en fait autant. L’année suivante Alexandre V meurt et les évêques pisans tiennent tête et élisent leur second pape pisan Jean XXIII. Tandis que Benoit XIII continue de ‘régner’ en antipape en Avignon et que Grégoire XII se maintient à Rome.
Renversement des alliances: Le nouveau pape de Pise, Jean XXIII a le soutien de la France qui se joint à l’Angleterre et à la Hongrie comme le font la Pologne et le Portugal, les royaumes du Nord, ainsi qu’une partie de l’Allemagne et de l’Italie. Benoît XIII lâché par Charles VI conserve le soutien de l’Espagne et de l’Écosse, auxquels se joignent différents Comtés et Duchés français : duché de Bretagne, des îles de Corse et de Sardaigne, comtés de Foix et d’Armagnac; Quant au pape romain, Grégoire XII, il ne conserve pour soutien que celui de certaines villes du Royaume de Naples, des duchés comme le Palatinat et la Bavière, le landgrave de Hesse et des évêchés importants comme ceux de Spire et Worms. Il doit retirer en 1415.
Le schisme, qui a duré quelque quarante années, va trouver sa résolution en 1417 par le Concile de Constance réuni sous le pontificat de Jean XXII en 1414. Le concile a été voulu par l’empereur Sigismond, pour en finir avec le schisme, mais sa résolution n’a pu se faire sans la volonté d’Henri V d’Angleterre qui a imposé l’élection d’un nouveau pape. Les évêques, usant à nouveau du droit peu usité, du conciliarisme[20], réaffirment l’autorité du concile supérieure à celle des papes, et évincent ceux en place, Jean XXII à Rome et Benoit XIII en Avignon et élisent un nouveau pape, avec l’assentiment de toutes les parties. Ce nouveau pape Martin V va jouer un rôle important entre autres dans le domaine des arts puisqu’il est le premier des papes à faire venir à la cour pontificale de grands artistes tel Gentile da Fabriano, marquant ainsi, au même moment, avec les artistes florentins le départ de la Renaissance artistique.
La présence d’une colonie scandinave au Groenland, sur les côtes orientales du futur continent des Amériques aux environs de l’An Mil est un fait admis que relatent la Saga des Groenlandais et la Saga d’Erik le Rouge (940-ca.1003). Cette colonie disparaîtra mais d’autres prendront la relève établissant un pont de communication permanent avec la Norvège.
En 1204, Constantinople est tombé aux mains de croisées au cours de la 4ème croisade. Venise détient des privilèges sur la ville qui lui ramènent d’immenses bénéfices. La capitale byzantine est un relais important entre l’Europe dont Venise et Antioche qui reçoit par la Route de la Soie, soie, épices et pierres précieuses venus d’Asie Centrale et de Chine.
Niccolò et Matteo Polo, le père et l’oncle de Marco Polo s’étaient avancés en 1253 (55 ?) pour faire le commerce des pierres précieuses jusqu’en Ouzbékistan, dépendant du royaume de Kubilaï Kan, après être passés par la Mer Noire, avoir remontés la Volga pour descendre par la Mer d’Aral, atteindre Boukhara où ils restent trois ans. Amenés par son ambassadeur, ils arrivent à la cour de Kubilaï à Pékin. Ils rentrent à Venise en 1269.
Ils repartent deux ans plus tard accompagnés de Marco, fils de Niccolò, âgé de moins 20 ans. Ils sillonnent l’Asie Centrale du Caucasse au Golfe Persique à la recherche de bonnes affaires. Ils remontent vers Samarcande (Chine), la grande ville de la Route de la Soie avec Boukhara, travèsent le Désert de Gobbi pour être à nouveau chaleureusement accueillis par le Khan. Cette épisode constitue la première partie du Livre des Merveilles.
Marco passera 16 ans en Chine et accomplira des missions d’ambassadeur et de gouverneur pour le Khan qui finira bon gré malgré à la mort de son épouse par laisser repartir les Polo. Marco dictera son récit à son compagnon de cellule, l’écrivain de romans chevaleresques Rustichello (Voir Chronique/ Italie/ Marco Polo).
Nicolò de' Conti (1395-1459) est un explorateur, également d’origine vénitienne qui, parti de Damas en 1414, voyagea jusqu’en Extrême-Orient, en Birmanie, à Java et Bornéo et jusqu’aux Moluques. Il vécut longuement en Inde. Sur la route du retour, il est obligé de se convertir à l’islam pour sauver sa vie. Arrivé en Italie, il demande le pardon au pape qui lui accorde à condition qu’il relate son voyage qui a duré 25 ans (1414-1439).
Poggio Bracciolini, secrétaire du pape recueille le récit et le place dans son 4e livre des Historiæ de Varietate Fortunæ, livre qui connut un vrai succès et qui a été traduit en Toscan et en Vénitien à la fin XVème siècle.
Ce récit comme celui de Marco Polo servira non seulement aux voyageurs qui parcourront après eux les routes de l’Orient, mais aussi aux cartographes, et inspireront une certaine littérature.
Les Portugais seront les premiers à s’engager à la fin du Bas Moyen-âge dans les explorations maritimes. Henri le Navigateur (1396-1460), fils du roi du Portugal Jean le Grand (1357-1385-1433), grand maître des Chevaliers de l’Ordre du Christ (ordre successeurs des Hospitaliers, voir Les Croisades) sera le premier à en prendre l’initiative. Soucieux de joindre de nouvelles terres auxquelles fait obstacle la présence musulmane en Afrique du Nord, il organise une première expédition mise au point par des savants et des cartographes qu’il a réuni autour de lui. L’amélioration apportée à la caravelle, un bateau rapide de moyen tonnage, à trois ou quatre mâts, construit depuis le XIIIème siècle, va permettre d’entreprendre l’aventure vers le tant recherché continent indien.
En 1419, c’est tout d’abord l’ile de Madère, au large du Maroc qui est découverte. Puis ce sont les côtes africaines qui font être explorées et de précieux renseignements seront recueillis sur l’intérieur du continent. Différents caps vont être passés jusqu’à ce qu’en 1444, l’explorateur Dinis Dias atteigne un cap verdoyant qu’il nommera Cap Vert. Puis il pénètre au Sénégal. Il sera le premier, sur ordre Henri-le-Navigateur, a mettre en place le trafic d’esclaves[21] sur les côtes africaines soit pour les vendre soit pour les faire travailler sur les terres des nouvelles possessions portugaises. En 1456, l’italien António Noli, au service du roi du Portugal Alphonse V, découvre, lui, l’archipel et futur état du Cap Vert (Wikipédia/Cap Vert). Ce n’est qu’en 1487/88, que le portugais Bartolomeo Dias franchira le Cap de Bonne Espérance. En 1498, Le portugais Vasco de Gama accoste à Calicut dans le Kerala (extrême sud du sous-continent indien).
Parti en 1517 du Portugal, Magellan va pénétrer en 1520 dans une mer aux eaux calmes qu’il nommera Pacifique. Touché par une flèche empoisonnée sur une île des Philippines, il meurt en 1521. L’expédition pourtant continue. Le très petit nombre de marins qui a survécu aborde la côte de Cadix à l’automne de l’année1522. Le tour du monde pour la première fois a été accompli.
En 1492, alors que s’achève la Reconquista espagnole par l’abdication du dernier émir nasride de l'émirat de Grenade, l’expédition de Christophe Colomb, financée par ces Rois Catholiques qui viennent d’unifier définitivement l’Espagne, accoste sur les rivages de l’Île de Cuba. Il repartira trois autres fois pour les îles des Caraïbes. Son quatrième et dernier voyage (1504-05) le mènera en Jamaïque. Il meurt à Valladolid croyant toujours avoir atteint « les Indes Occidentales », qui seront appelées Amériques[22] car le florentin Amerigo Vespucci, travaillant en Espagne pour la Banque Médicis, et qui avait financé des expéditions vers la Guyane, avait été le premier à suggérer que les terres découvertes par Colomb étaient un « nouveau monde ».
L’image que l’on a généralement de Christoph Colomb dont rares sont les villes dont une place ou une avenue ne portent pas son nom, ne semble pas cadrer avec le ‘vrai’ Colomb, génocidaire des indiens Arawaks, coupeurs de mains des Haïtiens, offrant en cadeau à ses hommes des jeunes filles de 9 à10 ans ou encore « coupeur des jambes des enfants pour tester les lames ». Certains des faits étant rapportés par Bartoloméo de Las Casas[23]. La fameuse Controverse de Valladolid
en 1550 et l’action de Bar-tolomé de Las Casas rendra leur dignité aux peuples colonisés. Sur la Conquête du Nouveau Monde voir
Renaissance/ Événements Majeurs.
Il faudra attendre le XVIIIème siècle pour que les grands voyages scientifiques soient menés par les « Marins des Lumières»[24] dans le pacifique, Bougainville, Cook et Lapérouse notamment.
[1] Les événements sociaux-politiques d’ampleur nationale mais n’ayant pas eu de répercutions directe sur les autres pays d’Europe sont abordés relativement aux périodes et matières de la région concernée.
[2] « L'arianisme, la plus antichrétienne des hérésies, puisqu'elle niait la divinité de Jésus-Christ ». J. Trabucco in Préface aux Confessions de Saint Augustin Édit. Garnier-Flammarion, 1964.
[3] Donatisme : Soumission des évêques d’Afrique lors de la persécution des chrétiens ordonnées par Maxence, empereur romain de 306 à 312.
[4] Storici Arabi delle Crociate -Édit. Eunaudi, 1957-Edit Sinbad, 1972
[5] St Louis fera venir en France de nombreux objets précieux,fort en vogue, de dinanderie ciselée, fabriqués dans le Sultanat des Mamelouks fondé en 1170 ; notamment un bassin qui servira pour le baptême des futurs rois.
[6] A l'époque, la Guyenne s’étend de l'Atlantique aux contres-forts du Massif Central, de la Garonne aux pieds des Pyrénées, hors mis les enclaves de la Seigneurie d'Albret (Agenais et Est des Landes) et du Comté d'Armagnac (à peu près l'actuel département du Gers).
[7] Venant de l'ancien français hustin, Hutin pourrait signifier le Querelleur
[8] Ne pas confondre Catherine de Valois (de France, 1401-1437), fille de Charles VI, sœur de Charles VII, épouse de Henri V d’Angleterre (1420) avec Catherine de France ( de Valois 1228-1246), fille de Charles VII, épouse de Charles le Téméraire (1440).
[9] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vêpres_siciliennes
[10] Le Portrait de Jean le Bon réalisé en 1350, année de son couronnement, sera le premier portrait peint sur chevalet de l'histoire de la peinture occidentale.
[11] Jean II le Bon, prisonnier, répartira son royaume en différents duchés qu’ils donnent en apanage à ses fils, Louis, duc de Normandie aura l’Anjou, Philippe la Bourgogne et Jean le Berry. Charles, son fils ainé, sera roi de 1364 à 1380, cinquième du nom. L’apanage est une façon pour le roi ou le seigneur de léguer par concession une partie de son domaine à ses fils cadets.
[12] Bataille de Vouillé en 507. Les Wisigoth perdent Toulouse et toute la région qu’ils occupaient jusqu’aux Pyrénées.
[13] Les tombes-dolmen présenteront des passages circulaires annonciateurs des déambulatoires.
[14] Le terme à l’origine désigne le peuple berbère à l’origine des premières incursions dans la péninsule, puis finit par désigner l’ensemble des musulmans.
[15] L’émirat relève d’un pouvoir temporel, politique, militaire, administratif, le califat relève du pouvoir spirituel donc aussi temporel en islam. Le calife est le chef suprême des fidèles.
[16] Cf. Vincent Challet in Miroir du Tuchinat, Cahier de recherches Médiévales et Humanistes : https://crm.revues.org/1563
[17] Cf. Yves-Marie Bercé in Histoire des Croquants. Édit. Seuil Paris, 1986.
[18] L'Attentat d'Anagni a eu lieu en 1303: Le gibelin Sciarra Colonna, de la puissante famille des Colonna de Rome, ayant prise possession du domaine pontifical avec ses troupes aurait malmené, giflé (?) le pape Boniface VIII.
[19] A ne pas confondre avec Clément VII, pape (et non antipape) de 1523 à1534, de son vrai non Jules de Médicis
[20] Conrad de Gelnhausen (ca.1320-1390), théologien spécialiste du droit canon avait fondé vers 1380 le Mouvement Conciliaire, et avait exposé ses théories dans l’Epistola Brevis et Le Concordiae Epistola. Le Conciliarisme considère que l’autorité de l'Église ne relève pas d’un pouvoir concentré sur la personne du pape seul mais d’un pouvoir collégial, celui des évêques. En1870, le Concile de Vatican I en promulguant l’infaillibilité papale, annihila toutes prétentions autoritaires d’un synode épiscopal.
[21]L’esclavage est une pratique qui remonte à des temps immémoriaux. Au Moyen-âge, l’Église ne condamne pas l’esclavage. Le Pape l’autorise au roi du Portugal pour l’Afrique. Mais « l’organisation sociale chrétienne composée de frères ne peut se concilier avec l’esclavage, que remplace peu à peu le servage, dépendance personnelle et héréditaire… dans ces conditions, le vieux mot latin ‘servus’ finit par perdre son antique sens d' “esclave“ pour désigner celui qui est lié à la terre ou à un seigneur par des obligations relativement limitées : le serf. C'est alors qu'apparaît, dans le latin médiéval (Xème siècle), le mot ‘sclavus’, qui donnera, au XIIIème siècle, le terme ‘esclave’, et qui est une autre forme de ‘slavus“, rappelant que les populations slaves des Balkans fournissaient, au Moyen Âge, l'essentiel des masses serviles en Occident ».
(http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/esclavage/49330)
[22] Nom donné en 1507 par les cartographes Lorrains Martin Waldseemüller et Mathias Ringmann. Cf article détaillé sur les Grandes Découvertes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grandes_d%C3%A9couvertes#Exp.C3.A9ditions_chinoises
[23] Cf : Phillymag.com, Washington Post, University of North Carolina, L'holocauste américain: Christophe Colomb et la conquête du Nouveau Monde: démythifier une légende.Rapporté par http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/la-verite-sur-christophe-colomb-147690.
[24] Julia Ferloni, Marins des Lumières dans le Pacifique Édit. de Conti 2007
Au tout début du Quattrocento, les érudits grecs commencent à arriver à Florence pour enseigner la langue et la philosophie de Platon plus que celle d’Aristote dont la pensée a connu le succès que l’on sait au Moyen-Âge ; les premiers humanistes se mettent à étudier dans le texte et traduisent les auteurs antiques, et dans le domaine artistique se manifestent les premiers signes d’un retour à l’Antiquité. L’Église, elle, croyant sortir des tourments du Grands Schisme avec l’élection consensuelle du pape Martin V entre en fait dans une longue période de crise qui va d’abord se traduire par une forte rivalité entre le pape et ses évêques qui, conciles après conciles opposent à son autorité le droit concilaire et va se poursuivre au XVIème siècle, dans le contexte général d’une refonte des mœurs ecclésiastiques, en une crise bien plus fondamentale, celle de la Réforme. La chrétienté va alors se scinder en deux : d’un côté l’Église romaine qui va continuer de se vouloir universelle autrement dit œcuménique, catholique, et d’un autre côté, les protestants luthériens, calvinistes, anglicans, anabaptistes radicaux, évangélistes qui vont constituer de nouvelles Églises, Congrégations et communautés rurales.
L’humanisme chrétien du XVIème siècle va amplement participer à cette remise en cause l’ecclésiologie traditionnelle du rôle de l’Église dans la recherche et l’obtention du salut. Ébranlement de l’autorité papale au travers des conciles, éviction du rôle de l’Église et de son clergé dans le salut par les protestants, relecture critique de la Bible par les humanistes, trois facteurs qui, conjugués, ne purent qu’entrainer un total bouleversement des mentalités avec pour premières conséquences au plan socio-politique des guerres internationales et civiles au cours desquelles la part du spirituel et du temporel sera difficile à démêler. Du « renforcement des particularismes nationaux, des progrès de l’esprit laïque, des modifications du sentiment religieux, du malaise des âmes devant l’impuissance de la papauté à promouvoir la réforme, les inquiétudes et les angoisses d’avant l’époque grégorienne renaissaient accrues de la déception et le échecs » (J. Chélini Op, Cit.).
En l’An Mil, le Bas Moyen-âge s’était ouvert avec la Réforme Grégorienne (Voir Tome 1/ Philosophie et Spiritualité/L’an Mil) menée par l’intransigeant Grégoire VII (1015/20-1085) qui avait soulevé la Question des Investitures pour s’opposer au pouvoir discrétionnaire des rois et empereurs qui nommaient les évêques. Il avait fait appel aux peuples par-dessus leurs épaules. S’ouvrait pour la chrétienté occidentale une ère nouvelle au cours de laquelle ses chefs religieux revendiqueront le droit d’intervenir politiquement et se mêleront, parfois à leur détriment, de politique. Par sa prise en main en ce même An Mil du mouvement de La Paix de Dieu à l’origine d’initiative populaire, l’Église montre qu’elle n’a pas l’intention de céder un pouce sur le contrôle des populations et qu’elle se doit de jouer un rôle indispensable dans la conduite des affaires temporelles.
En cette fin d’époque médiévale, la boucle semblait bouclée et les prétentions de l’Église semblaient se refermer à cause non tant des pouvoirs seigneuriaux qu’à cause à la fois de sa décadence morale et du discrédit jeté sur elle, de sa profonde déstabilisation en son sein même par les évêques et à cause aussi des élites intellectuelles et religieuses portées à de nouvelles conceptions de l’homme et de la foi. Qu’elles fussent qualifiées de réformatrices ou d’humanistes, les unes comme les autres n’avaient jamais eu à l’origine l’intention d’une quelconque rupture d’avec le pouvoir papal centralisateur mais les idées nouvelles qu’elles diffusaient véhiculaient un tel esprit de renouveau, tout à la fois dans l’axe chrétien d’une relecture critique et directe de la bible que dans l’éveil d’un besoin indépendance de l’homme vis-à-vis de l’Église, qu’à l’entrée de la Renaissance, s’ouvrit pour reprendre le titre de l’ouvrage de l’historien Paul Hazard, traitant du Siècle des Lumières, une « crise de la conscience européenne ». Si l’une apporta avec la Révolution Française, l’esprit républicain et laïc, celle-ci fit entrer par la foi, le sang et la beauté, l’Europe dans les Temps Modernes.
En 1308/09, après une longue errance dans le Comtat, propriété de la papauté située en bordure du Rhône, le pape Clément V qui, déjà à l’époque de son élection en 1305 n’avait pur revenir à Rome à cause de la guerre civile, avait fini par installé le Saint Siège en la ville d’Avignon que Clément VI (†1352) achètera à la reine Jeanne de Naples en 1348. Dès 1372, le pape Grégoire XI, 7ème pape avignonnais, avait pris la décision de rétablir le Saint Siège à Rome mais n’avait quitté Avignon en 1377. La Ville Éternelle étant devenue incontrôlable, en proie à des soulèvements permanents, il avait rapidement dû se réfugier dans sa résidence d'été d'Agnani[1], et quand même pu revenir à Rome pour y mourir.
Le Grand Schisme se déclare l’année suivante en 1378 à la mort de Grégoire XI. Pour l'élection d'un nouveau pape, les cardinaux italiens et français s'affrontent. Les Italiens élisent un italien, Bartolemeo Prignano (1318-1389) qui prendra le nom Urbain VI. Les Français ne le reconnaissent en invoquant le climat d'insurrection qui règne sur Rome mais qui en fait ne veulent pas perdre leurs privilèges avignonnais. Ils élisent aussitôt un antipape, un Français, Robert de Genève (1246-1394) qui prenant le nom de Clément VII[2]. Cet antipape s'installe en Avignon. Les alliances et oppositions de la Guerre de Cent Ans se retrouvent peu ou prou dan ce schisme. L’antipape français a le soutien du roi de France Charles V (T1380), de l'Espagne (Royaume de Castille), de la Reine Jeanne de Naples, de l'Écosse. Tandis que le pape romain a le soutien de l'empereur Charles IV[3], de l'Angleterre, de la Hongrie, des états pontificaux qui n'ont jamais accepté d'être administrés par des Français nommés par un lointain pape en Avignon. D'un côté comme de l'autre, des condottières tels le puissant Bernardo Visconti de Milan, antipape, ou l'anglais John Hawkwood, papiste.
Le passage du Moyen-âge à la Renaissance va donc se faire au plan religieux au travers de ce Grand Schisme d'Occident qui s’étend de 1378 à 1417 sur fond de Guerre de Cent Ans (voir Événements Majeurs ). Grand schisme au sein duquel deux conciles vont avoir lieu qui verront évidemment l’intervention des pouvoirs temporels.
Élu pape à Rome en 1406, Grégoire XII convoque en 1408 un concile en vue d’une résolution du grand schisme qui dure déjà depuis trente ans. Le Concile de Pise débute l’année suivante. Les évêques, toujours fort du droit conciliaire, démettent le pape de Rome, Urbain VI, et l’antipape d’Avignon, Clément VII, pour élire un pape ‘à eux’, Alexandre V, qui à son tour n’est pas reconnu par les deux papes. A la mort d’Alexandre V, en 1410, le concile sans se démettre élit un nouveau pape, Jean XXIII. Ce qui ne faisait pas moins de trois papes à la tête de la Chrétienté Occidentale : Jean XXIII soutenu par l’Europe du Nord dont la France, et de l’Est ; Benoit XIII, l’antipape enfui d’Avignon, soutenu par l’Espagne et le Royaume de Naples ; et Grégoire XII soutenu par certains évêchés et duchés d’Allemagne.
Avec l’appui de Sigismond 1er, Jean XXIII parvient à convoquer un concile pour la résolution finale du schisme.
Dès l’ouverture du concile, en novembre 1414, toujours en vue de résoudre le grand schisme, les évêques démettent Jean XXIII.
Jean Charlier de Gerson (1363-1429), l’un des derniers grands scolastiques et l’un des premiers humanistes, théologien, chancelier de l‘Université de Paris (voir Tome 1/ XIVème siècle) s’était efforcé de résoudre le conflit entre les deux papes, celui d'Avignon et celui de Rome en exprimant sa position dès 1396 dans son ouvrage Du Schisme et de la Papauté. Après avoir favorisé toutes formes de conciliation, il finira par se résoudre à convenir de la nécessité d'un concile face à la ferme position du roi Charles VI (1368-1380-1422) qui, en opposition à Boniface IX, pape de 1389 à 1404, apporte son soutien aux antipapes d'Avignon, Clément VII (pape de 1378 à 1394), puis Benoît XIII (et non Benoit VIII mort en 1320), pape de 1394 à 1417. La volonté royale, toute politique, est de soustraite son peuple à l’emprise papale. En réaction, le pape excommunie le souverain. Auparavant, Charles V, son père, s'était déjà opposé à Urbain VI, pape de 1377 à 1389, soutenu par les Anglais.
Si à cause de l’intervention des pouvoirs temporels, le schisme aura duré quelque quarante années, c’est grâce à Sigismond 1er, roi de Germanie, qui a mis tout son poids dans la balance que le concile peut être convoqué ; concile qui n’aurait pu se faire non plus sans la volonté d’Henri V d’Angleterre qui, lui, a imposé que soit élu un nouveau pape. Le Concile de Constance commencé en 1414 s’étalera sur quatre ans en plusieurs sessions pour s’achever en 1417.
Gerson y participe intensément. Les évêques usant d'un droit qui avait toujours été très peu usité et que le concile de Pise avait mis à l’honneur, le conciliarisme, proclament l'autorité du concile supérieure à celle des papes[4], évincent les papes en place et élisent un seul et nouveau pape, Martin V. Il ressort du concile le décret Frequens qui institue, non un organe permanent de gouvernement, mais une assemblée périodique de contrôle des évêques sur le pape et la Curie. Décision qui amènera quelque quinze ans plus tard, la convocation du Concile de Bâle.
Au cours de ce concile, sont déclarés hérétiques, et entre autres de par l'action de Gerson, toujours prompt à combattre l'hérétique, les deux précurseurs de la Réforme Protestante, l’anglais John Wyclif (1330-1384) et le fondateur de l'Église hussite, le tchèque Jan Huss.
En 1415, alors qu’il participe au concile en défendant et ses thèses et celles de Wyclif, Huss sera arrêté et mené au bûcher Condamnation qui aura de lourdes conséquences. Au plan politique, le peuple tchèque se soulèvera et s’engagera dans une guerre contre l’empereur et roi de Bohème, Sigismond 1er, qui durera 18 ans. Au plan religieux, le mouvement hussite, comme premier fort mouvement réformateur avec les partisans de John Wyclif en Angleterre, sera un des ferments de la Réforme protestante. (voir Réforme/ anabaptismes/ Hussites et Hutérites et Crise de la Conscience Chrétienne/La Révolte de Bohème).
Gerson proposa sans succès que soit également condamnée la mystique Sainte Brigitte de Suède (1302-1373), fondatrice de l'Ordre du Saint Sauveur.[5]
A l’issu du concile, le pape élu avec l’assentiment de toutes les parties, sous le nom de Martin V (Oddone Colonna 1368-1431) aura un rôle important entre autres dans le domaine des arts puisqu’il sera le premier des papes à faire venir à la cour pontificale de grands artistes tel Gentile da Fabriano, marquant ainsi, au même moment, avec les artistes florentins le départ de la Première Renaissance.
Au concile de Constance, le décret Frequens, avait institué la convocation régulière de conciles. Dans une chrétienté en crise, qui sentait au plus haut niveau le besoin d’une réforme, s’ouvre en 1431 un Concile à Bâle fut convoqué en vue d’instaurer de nouvelles institutions et de réviser les mœurs cléricales Il avait été préparé sept ans plus tôt par Martin V qui mourra au début de l’année 1431 alors que le concile s’ouvrira en mars. Un nouveau pape était aussitôt élu, Eugène IV. Le concile sera clos en 1449 à Florence[6].
Ouvert en juillet 1431 à Bâle, ce second concile du siècle sera mouvementé. Le pape Eugène IV entendait saisir l’occasion de ce concile pour réaffirmer l’autorité papale. Mais le mouvement conciliaire avait pris de l’ampleur depuis le concile de Constance. Usant du droit conciliaire, les évêques déclarèrent dès les premières cessions la supériorité du concile sur le pape. En réaction le pape dissout le concile en novembre (ou décembre ?). Mais avec l’appui de Sigismond 1er, les évêques continuent de siéger à Bâle avant de se déplacer en 1448 à Lausanne. Ils iront jusqu’à nommer en 1439 un antipape, le Duc de Savoie, Félix V. Un nouveau schisme, mais qui n’eut jamais l’ampleur du précédent était patent. Ils refusaient toute conciliation avec les orthodoxes sur la question de la communion sous les deux espèces alors que le pape Eugène IV convenait que chaque Église devait avoir la liberté du choix de la communion sous une ou deux espèces. Pourtant, c’est cette même question de la communion sous les deux espèces qui avait fait condamner Jan Huss au concile précédent. Si l’année même où s’ouvre le concile en 1431, le soulèvement Hussite en Bohême est écrasé par la coalition papale, en 1433, les Bâlois reçoivent une délégation hussite qui aboutira à des accords signés à Prague, qui acceptés par les taborites modérés, rejetés par les ultraquistes (voir Réforme Radicale /Hussites-Hutérites), leur reconnaissaient notamment la prédication et la communion sous les deux espèces.
A Rome, Eugène IV veut isoler Bâle. Et en 1437, un autre concile se réunit à Ferrare, en autres à la demande des grecs qui attendent le soutient de Rome face à la pression des Turcs aux portes de Constantinople qui sera prise en 1452. Les papes s’excommunient ou se déclarent mutuellement et les bulles respectives de chacun n’ont cesse de s’annuler réciproquement.
Certaines sources font jouer un rôle à Nicolas de Cues (1401-1466) dans le déplacement à Ferrare à l’occasion duquel de favorable qu’il était au synode, il le devint au pape. Le Cusain, dont la pensée marque la transition entre le Moyen-âge et la Renaissance, aura quoiqu’il en soit de ce transfert été un acteur majeur de cette réconciliation entre catholiques. Tout allemand qu'il était, en récompense pour service rendu à la papauté, il sera revêtu de la pourpre cardinalice, et sera surnommé pour cette ‘promotion’ exceptionnelle pour un germanique, "le cardinal teuton".
En 1439, Florence qui, sous la domination de Côme de Médicis depuis cinq ans, a payé pour que le concile se tienne en la ville, reçoit avec à cette occasion le pape et l’empereur Constantin, Jean Paléologue, accompagné du patriarche œcuménique Joseph de Constantinople et d’une nombreuse suite. Des pourparlers avec les grecs avaient commencé l’année précédente à Ferrare où se tenait le concile. Les orthodoxes étaient désireux d’une nouvelle (ré)union de l’Église Chrétienne, menacés qu’il étaient par les Turcs.
La ‘réconciliation’ entre Orient et occident va se faire sur la base d’une déclaration faite par l’orthodoxe et futur cardinal Basilius Bessarion (†1472, voir Humanisme du Nord/N. de Cues) au sujet du différend le plus épineux, ‘la question du filioque’ (place et rôle de Jésus dans la Trinité, voirTome 1/Philosophie et Spiritualité). Il déclara que l’Esprit Saint ayant inspiré aussi bien les Églises de Rome que de Constantinople, les divergences ne pouvaient provenir que d’une question de formulation.
Pour la question de la communion sous les deux espèces comme la pratiquait les grecs ou sous une seule, le pain (azyme) non fermenté, pratiquée par les romains le choix fut donné à chacune des Église.
Fortement affaiblis par la domination turque, les orthodoxes admirent la supériorité de l’Église de Rome sur celle de Constantinople et cédèrent sur tous les points, notamment sur la Question du Filioque[7]. Le métropolite, Marc d’Éphèse (†1444), devenu saint de l’Église orthodoxe, demeura célèbre pour son opposition farouche à cette conciliation. La prise de Constantinople en 1452 provoquera un véritable séisme en Occident.
Quant aux ‘Bâlois’, ils finirent par admettre l’autorité de Rome. En 1449, sous la pression du roi de France Charles VII et de l’empereur Frédéric III de Habsbourg, le nouveau pape élu en 1447, Nicolas V, arriva à faire l’unanimité en se montrant conciliant. L’antipape Félix V abdiqua, reconnut le pape de Rome et fut nommé Cardinal.
Ce concile prit ainsi le nom de ‘Concile de l’Union’. « La crise conciliaire ne prit fin qu’en 1449 sous Nicolas V par la victoire de la papauté et la dissolution du concile [8]».
En pleine quatrième Guerre d’Italie, le pape, l’empereur Maximilien 1er et Louis XII s’étaient alliés contre Venise. Mais face à la puissance française, en 1510, le pape avait retourné son alliance et avec les troupes vénitiennes tenta de chasser les Français de la Lombardie. Aussitôt, avec l’intention de se réaffirmer gardien de l’Église Gallicane, Louis XII convoque à Tours le clergé de France qui réaffirme lui la supériorité du concile des évêques sur celle du pape. Le roi cherche en fait à évincer le pape Jules II. Il parvient à convaincre la majorité des cardinaux de convoquer un concile qui se tiendra à Pise en 1511. Maximilien 1er qui a des vues sur la tiare papale se rallie à la cause française. La même année, Jules II constitue la Sainte Ligue Catholique avec l’Espagne et le Royaume de Naples de Ferdinand II d’Aragon, Venise et la Suisse. En 1512, pour des questions de sécurité, le concile se déplace à Milan occupé par les troupes françaises et dont Louis XII est la duc. Il va déposer le pape qui réagit en convoquant le Vème concile de Latran (Rome) pour le printemps de la même année.
Les troupes de La Palice, battues par la coalition, quittent le Milanais, suivi par les évêques schismatiques. Maximilien se rallie au pape. A l’ouverture du Vème Concile de Latran, la première des choses que firent les évêques fut de dénoncer ce second concile de Pise.
Le Vème Concile de Latran s’étalera en douze sessions de 1512 à 1517 sous les papes Jules II[9] et Léon X (Jean de Médicis).
Ils voulurent ensuite entreprendre une série de réformes qui restèrent sans effet. Mais par contre, le concile entérina l’autorité supérieure du concile (conciliarisme) sur celle du pape. Ce qui ne fut pas sans conséquence sur la réticence des papes à retarder le plus possible le concile suivant de la Contre-Réforme, de crainte de voir à nouveau leur suprématie mise en cause. Mais le pape Paul III finit par convoquer le déterminant Concile Tridentin (Concile de Trente). Il le fit et sans coïncidence la même année 1542 où il mettait en place la Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle. (voir La Contre-Réforme/Concile de Trente).
Du grand concile de la Contre-Réforme, le concile de Trente (1542-1563), qui s’étala sur pas moins de 25 sessions, sortirent de nombreuses réformes en profondeur des institutions catholiques et de la vie du clergé. Le concile mit en œuvre un véritable plan de combat contre le protestantisme et le calvinisme définitivement installés dans de nombreuses régions et pays d’Europe.
En premier lieu, les doctrines furent réaffirmées comme celle de l’immaculée conception, des sept sacrements et de la justification par la foi antinomique à la prédestination calvino-protestante. Des ordres nouveaux furent créés comme les Capucins et la Compagnie de Jésus (jésuites) qui se consacra, elle, à l’enseignement. L’obligation de missions par les évêques et le haut clergé fut imposée. Un élan nouveau fut donné aux arts pour réaffirmer l’autorité et le prestige de l’Église Romaine.
Notes
[1] L'Attentat d'Anagni a eu lieu en 1303: Le gibelin Sciarra Colonna, de la puissante famille des Colonna de Rome, après avoir pris possession du domaine pontifical avec ses troupes, aurait malmené, giflé (?) le pape Boniface VIII.
[2] A ne pas confondre avec Clément VII, pape (et non antipape) de 1523 à1534, de son vrai nom Jules de Médicis
[3] Charles IV de Luxembourg meurt en 1378, peu de temps après sa visite à son neveu Charles V qui mourra deux ans plus tard. Lui succèdera sur le trône de Germanie, Venceslas 1er dit L’Ivrogne, qui, sans avoir été couronné empereur, est destitué en 1400 au bénéfice de Robert 1er (†1410) qui lui non plus ne montera pas sur le trône impérial. C’est Sigismond 1er de la Maison de Luxembourg, qui roi de Germanie en 1410, ne sera fait Empereur du St Empire qu’en 1433. Néanmoins, son rôle fut déterminant durant le schisme.
[4] De crainte de voir à nouveau appliquer le conciliarisme, et leur pouvoir être restreint, les papes de la première moitié du XVIème siècle. Notamment Clément VII, pape en 1523 et mort en 1534, qui bien que sentant la nécessité d’une réforme au sein du catholicisme face à celle protestante, reculera l’ouverture d’un concile jusqu’à ce que Paul III ne pouvant plus résister aux insistances de Charles-Quint n’ouvre en 1545 le Concile de Trente (1545-1563), le Concile de la Contre-Réforme.
[5] Quoiqu’en disent certaines sources, le célèbre inquisiteur espagnol Tomás de Torquemada ne put s'opposer à lui car né en 1420,
[6] Dom Jean Leclerc O.S.B. : « La crise conciliaire ne prendra fin qu’en 1449 sous Nicolas V par la victoire de la papauté et la dissolution du concile. » in Cluny et le Concile de Bâle, Revue d'Histoire de l'Église de France Année 1942 (https://www.persee.fr). http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/ F17162.php donne 1441 -1449.
[7] Voir Jean Chélini, Histoire de l’Occident Chrétien Médiéval, Hachette 19921 Pg 554 et suiv.. Il écrit que « si les Grecs s’étaient rendus, ce n’était point par lassitude mais parce qu’ils étaient convaincus et Bessarion au premier chef ». Il est vrai que si Bessarion s’opposa farouchement au début des négociations à reconnaître le Symbole de Nicée (le crédo romain Concile de Nicée 325)), il se laissa convaincre sur l’ensemble des points de divergences. (Sur le schisme orient-occident de 1054 dont la question du filioque et du Symbole furent deux des causes majeures, voir Tome 1/Faits Majeurs du Bas Moyen-Âge/Schisme Orient-Occident
[8] Dom Jean Leclercg O.S.B. in Cluny et le Concile de Bâle, Revue d'Histoire de l'Église de France Année 1942 (https://www.persee.fr). http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17162.php donne 1441 -1449.
[9] Jules II qui confia en 1505 à Bramante la reprise des travaux de la Basilique St Pierre, en même temps qu’il commandait à Michel-Ange son tombeau où allait se trouver le célèbre Moïse cornu (voir Arts/Michel-Ange).
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